MM. Yannick Botrel et Alain Houpert, rapporteurs spéciaux

II. UNE POLITIQUE FORESTIÈRE AUX ABOIS ?

La modification substantielle apportée l'an dernier à la nomenclature budgétaire au terme de laquelle l'ancien programme 149 « Forêt » a vu ses crédits absorbés par un nouveau programme 149 fusionnant les crédits de la forêt et ceux de l'ancien programme 154 consacré aux interventions en faveur de l'agriculture perdure cette année.

Cette innovation avait été justifiée par la préoccupation de « simplifier la gestion budgétaire » et de « renforcer de la cohérence des dispositifs en faveur des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières ».

L'historique de la gestion budgétaire enseignant que les crédits prévus pour conduire la politique forestière ont souvent été mobilisés à d'autres finalités, vos rapporteurs spéciaux avaient jugé que, la séparation des programmes obligeant malgré tout à respecter les disciplines de spécialisation des dotations, la décision de fusionner les crédits des programmes 154 et 149 instaurait une situation de plus grande précarité pour les crédits de la politique forestière. Ceux-ci ont perdu la protection ménagée par le principe de spécialité budgétaire.

La « personnalité » budgétaire de la politique forestière s'en trouve affadie, ce qu'il faut regretter a fortiori dans la mesure où la thématique forestière n'est pas nécessairement agricole dans ses grands enjeux nationaux actuels.

Au demeurant, le contexte général de la politique forestière est marqué par une extrême dispersion des financements publics à l'image des acteurs d'une politique publique à maintes têtes.

La lisibilité de la politique forestière, mais sans doute aussi sa cohérence de conception et d'exécution, s'en trouvent réduites comme l'est celle du projet annuel de performances dans son volet forestier. En ce sens, par exemple, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un opérateur de l'État, la présentation détaillée des équilibres du fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), qui bénéficie de ressources affectées en plus des crédits budgétaires qui lui sont réservés, devrait être exposée avec clarté.

Vos rapporteurs spéciaux recommandent l'élaboration d'un document de politique transversale permettant de remédier à ces insuffisances.

De fait, les crédits de la mission sont loin d'être les seuls moyens publics consacrés à la forêt. Dans leur rapport sur la politique forestière, vos rapporteurs spéciaux rappelaient que celle-ci impliquait des transferts estimés à 910 millions d'euros en moyenne annuelle au cours de la période 2006-2013 . Même s'il faut regretter que cet effort d'estimation ne soit pas régulièrement renouvelé, il est possible de mettre en évidence la part relativement modeste des dépenses de la mission AAFAR dans le total des moyens consacrés à la forêt.

La mission, par ses crédits, compte ainsi pour 29,8 % des concours publics à la forêt, contribution qui tend à décliner au fil du temps.

Concours publics à la forêt


• La contribution directe du budget de l'État issue du programme 149 avec en moyenne sur la période 2006-2013, 296 millions d'euros mais, pour 2018, 271,4 millions d'euros seulement en crédits de paiement, et encore moins (242,9 millions d'euros) en autorisations d'engagement.


• Les dépenses fiscales , estimées à 124 millions d'euros en moyenne sur la période 2006-2013 (seules quatre dépenses fiscales sur les treize identifiables comme bénéficiant à l'économie forestière sont évaluées dans le projet annuel de performances) : mesures fiscales patrimoniales sur les droits de mutation à titre gratuit et l'impôt de solidarité sur la fortune, que le régime de l'impôt sur la fortune immobilière prolongerait, et mesures d'encouragement fiscal à l'investissement forestier.


• Versement de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti en forêt, dite « centimes forestiers » à hauteur de 19 millions d'euros , partie au CNPF (9,5 millions d'euros), partie à la fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) pour 0,9 million d'euros) et au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) pour 3,7 millions d'euros). Le reste du montant de la taxe (un peu moins de 5 millions d'euros) est affecté aux chambres d'agriculture.


Divers autres financements mis en oeuvre par des organismes publics à hauteur de 47 millions d'euros par an en moyenne : financements du programme d'investissements d'avenir (22 millions d'euros), du fonds de modernisation des scieries (prêts participatifs de développement bois : 2,6 millions d'euros) et du fonds stratégique bois (2,6 millions d'euros), trois dispositifs gérés par Bpifrance.


D'autres crédits de l'État viennent soutenir plus indirectement le secteur forêt-bois, en incitant à l'utilisation de bois-énergie. Il s'agit entre autres :

- de crédits du programme 174 du MEEM « Énergie, climat et après-mines » : 95,5 millions d'euros par an en moyenne sur la période 2006-2013 dédiés au « fonds chaleur » et attribués à des projets visant à soutenir l'utilisation du bois ;

- du soutien à la production d'électricité à partir de bois : 46,6 millions d'euros par an en moyenne sur la période 2006-2013, via des tarifs d'achat d'électricité à tarifs réglementés et des appels d'offres de la commission de régulation de l'énergie (CRE) ;

- du crédit d'impôt « développement durable » visant à encourager l'acquisition d'équipements utilisant les énergies renouvelables.


• De nouvelles ressources financières ont été allouées à la filière en 2015 et 2016 dans le cadre du doublement du « fonds chaleur ». L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Adème) a lancé en mars 2015 (pour 30 millions d'euros) et en février 2016 (pour 20 millions d'euros) des appels à manifestation d'intérêt nommés « DYNAMIC Bois » dont l'objectif est de faciliter l'approvisionnement des chaufferies biomasse en incitant financièrement à la mobilisation de bois supplémentaire tout en améliorant la qualité des peuplements forestiers, tant sur un plan économique qu'environnemental. 24 projets ont été sélectionnés en 2015, 19 projets en 2016.


• Des soutiens publics sont également mis en oeuvre par les conseils régionaux et les conseils départementaux. Pour ces derniers, la Cour des comptes a mis en évidence un montant global d'environ 38 millions d'euros par an destinés au secteur forêt-bois, et prioritairement au développement économique de l'aval de la filière , à la formation et l'animation, à l'aide aux scieries et à l'investissement forestier. Pour les financements apportés par les conseils régionaux, ils sont estimés à 52 millions d'euros par an leur montant global. Les financements communaux ne sont pas estimés.


• Au-delà de ces financements d'origine nationale, les fonds européens (FEADER, FEDER et FSE) apportent un financement public d'appoint pour la filière forêt-bois qui représente 47 millions d'euros par an, essentiellement concentrés sur le FEADER (28 millions d'euros) et le FEDER (17,8 millions d'euros).


• Enfin, le produit de la taxe affectée (12,5 millions d'euros) au comité de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois (CODIFAB) et à l'institut technologique FCBA ainsi que des fonds d'origine interprofessionnelle (à hauteur de 6,5 millions d'euros par an), mis en oeuvre par l'interprofession France Bois Forêt (FBF), contribuent également à apporter un soutien financier à la filière forêt-bois.

A. VUE D'ENSEMBLE

Les dotations prévues s'élèvent à 242,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 271,4 millions d'euros en crédits de paiement.

Elles marquent un repli par rapport aux ouvertures de la loi de finances pour 2017 où elles s'élevaient respectivement à 268,5 millions d'euros et 276,4 millions d'euros (le projet de loi de finances initiale fixait les crédits de paiement à 281,5 millions d'euros, cette provision ayant été réduite en cours d'examen de 5,1 millions d'euros) , concrétisant ainsi une baisse respective de 9,5 % et 1,8 % par rapport à leur niveau de 2017 (-26,5 millions d'euros et - 5 millions d'euros) .

La diminution des autorisations d'engagement ressort comme particulièrement nette . Elle peut être associée à la réduction de deux types de dépenses : les dépenses au titre des suites de la tempête Klaus de 2009 (voir infra les développements particuliers qui lui sont consacrés) qui, encore programmées à 22,4 millions d'euros en 2017 (mais réduites à 18,4 millions d'euros en loi de finances initiale) ne sont plus du tout dotées (18,4 millions d'économies) ; les aides à la création de dessertes forestières nécessaires à la mobilisation de la ressource dont les crédits sont réduits de 7,6 millions d'euros (en AE).

Les crédits inscrits pour surmonter les dégâts dus à la tempête Klaus s'élevaient encore à plus de 40 millions d'euros en 2016 et ont été une composante importante des crédits pour la forêt à la suite de cette calamité. On avait pu juger que cette tempête avait préempté les marges de manoeuvre de la politique forestière. Force est de constater que les économies prévues désormais ne sont pas recyclées vers d'autres actions propres à atteindre les objectifs de la politique forestière qui pourraient l'être avec un impact budgétaire modéré et contrôlé.

Compte tenu de l'information fournie à vos rapporteurs spéciaux, les évolutions notables des dotations réellement disponibles pour chaque action ne peuvent être identifiées avec précision, situation en lien avec les conditions générales de l'information budgétaire qu'il convient de regretter, même dans un contexte caractérisé par une très grande inertie des dépenses du fait des contraintes mises sur le budget forestier.

Avertissement de méthode

Sans même compter les éventuels mouvements de crédits décidés en gestion, la granularité des informations budgétaires est insuffisamment fine pour comparer les orientations budgétaires, et leur modification, par action, les informations disponibles à ce niveau pour l'année en cours étant celles du projet de loi de finances de l'année et non de la loi de finances. Ainsi, les analyses ci-après doivent être considérées comme établies sur la base des seules informations disponibles qui peuvent admettre quelques écarts par rapport à la réalité budgétaire issue de l'examen du projet de loi de finances de l'année en cours par le Parlement. Le niveau de spécialité budgétaire ne va pas jusqu'à conférer à l'action une reconnaissance dans la nomenclature budgétaire accessible au Parlement, mais à ce niveau une traduction politique des choix budgétaire est, c'est indispensable, présentée au Parlement. Force est de recommander que cette information soit plus complète.

Tout juste peut-on indiquer que, dans le cadre d'une stabilité de la subvention à l'Office national des forêts (elle absorbe 64,5 % des moyens consacrés à la forêt par le ministère) par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2017, la structure du projet de budget en crédits de paiement voit la part revenant aux entreprises très sensiblement diminuer , les transferts aux collectivités territoriales directement financés par la mission voyant la leur renforcée sans pour autant connaître une quelconque expansion.

Compte tenu de leur rôle dans les investissements destinés à prévenir les incendies et de l'importance des dégradations occasionnées par les feux de forêt de l'année aux différents massifs, la légère baisse des dotations prévues pour accompagner les collectivités dans la défense des forêts contre l'incendie est un mauvais signal.

Il en va de même pour l'évolution des dotations destinées à financer la restauration des terrains en montagne.

Les crédits d'investissement bénéficient de dotations à peu près inchangées (10,8 millions d'euros) tout comme les moyens de l'institut technologique « Forêt cellulose bois-construction ameublement » (FCBA).

Dans les usages du bois, il est particulièrement souhaitable de favoriser ceux qui ont un potentiel de valorisation comparativement élevé et assurent à la matière première une survie et, avec elle, un horizon de services, notamment environnementaux, dépassant l'usage ponctuel. C'est toute la question du choix entre le bois-feu et le bois matériau. Dans ces conditions, il faut souhaiter que le centre technique qu'est le FCBA puisse trouver les moyens de contribuer encore plus à l'affirmation des choix les plus pertinents de mobilisation de la ressource.

En 2017 la subvention versée par le programme 149 au centre national de la propriété forestière (CNPF) avait été fixée à hauteur de 15,1 millions d'euros en baisse par rapport à 2016 (15,6 millions d'euros). On rappelle que l'établissement avait subi une lourde perte en 2015 qui avait été couverte par un prélèvement sur son fonds de roulement . L'exercice 2017 prévoit à nouveau une perte de 1,1 million d'euros. Malgré ce contexte et la conclusion d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance confirmant ses ambitions, le subventionnement du centre par le programme 149 s'inscrirait à nouveau en baisse à un peu moins de 15 millions d'euros (auxquels on doit ajouter une subvention de 381 000 euros en provenance du programme 206).

B. LA TEMPÊTE KLAUS, LA PAGE EST-ELLE VRAIMENT TOURNÉE ?

La tempête Klaus a frappé le 24 janvier 2009 les régions d'Aquitaine, de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon. Près de 700 000 hectares de forêts ont été touchés correspondant à un volume de bois tombé de 45 Mm 3 , dont 43 en Aquitaine (95 % du total) et 41,5 Mm 3 de pin maritime (92 % du total), soit l'équivalent de 5 années de récolte pour cette essence. Le coût économique global de la tempête a été évalué à 5 milliards d'euros.

Le plan de solidarité nationale Klaus a pour objectif d'aider les acteurs de la filière à réparer les dégâts, à valoriser les bois des arbres endommagés et à préparer la reconstitution du massif forestier. Il repose sur deux piliers :

- subventions consacrées principalement au déblaiement des pistes et routes forestières, au transport et au stockage des bois, ainsi qu'au nettoyage et à la reconstitution des forêts sinistrées ;

- des prêts bonifiés destinés à accompagner la filière pour la valorisation des bois. Ces prêts peuvent être garantis par l'État.

L'objectif de nettoyage des parcelles et de reconstitution des forêts a été rehaussé en cours de plan de 182 000 à 203 000 hectares , afin que la grande majorité des surfaces sinistrées à plus de 40 % puissent être reconstituées.

Au total, au 1 er juillet 2017, 630 millions d'euros de subventions ont été attribuées et 563 millions d'euros sont déjà payées . Ces subventions ont notamment permis : le déblaiement de routes et pistes forestières, la remise en état des infrastructures de DFCI (défense des forêts contre l'incendie), la création ou la réhabilitation d'aires de stockage, le transport de longue distance et les ruptures de charge lors du transport (que ce soit pour l'exportation ou le stockage), le renforcement des moyens en personnel de certains organismes de la filière forêt-bois impliqués dans la mise en oeuvre du plan Klaus, le nettoyage et la reconstitution d'une partie importante des parcelles sinistrées.

Le seul programme 149 a finalement été doté de 490 millions d'euros . Sur ce total, les dossiers engagés ont donné lieu à 413,5 millions d'euros de paiements pour 477,8 millions d'euros d'engagements (416,8 millions d'euros à partir du budget de la mission AAFAR, 61 millions d'euros venant du FEADER, le reliquat attribuable à des crédits territoriaux).

Dans ce contexte, au 1 er juin 2017 , les services de l'État avaient engagé des dossiers permettant le nettoyage de 199 000 ha de forêts sinistrées (pour 257 millions d'euros d'aides payées à 98 %) et la reconstitution de 182 000 ha ( pour 220 millions d'euros d'aides payées à 75 %).

L'estimation de réalisation finale à partir de la file d'attente des dossiers déposés est aujourd'hui d'environ 203 000 hectares. L'année 2017 est la dernière année du plan pour l'engagement de dossiers de reconstitution (25 200 ha à engager en 2017). Aucun montant n'est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2018.

Le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 (22,4 millions d'euros) ayant été ramené à 18,4 millions d'euros en loi de finances initiale, il est à craindre que le disponible soit inférieur aux besoins.

À cette sous-budgétisation probable des autorisations d'engagement, il faut ajouter un montant de restes à payer qu'on peut évaluer à partir de l'écart entre les engagements et les paiements d'ores et déjà réalisés autour de 60 millions d'euros.

D'un point de vue plus qualitatif, outre qu'une partie des bois atteints n'a pas été incluse dans le plan de solidarité arrêté en 2009 (seul un tiers de la surface a été alors retenue), il faut considérer que seulement 26 millions de tonnes de bois à terre ont pu être exploitées sur les 38 millions de tonnes de bois chablis en Aquitaine (environ 38 Mt), 15 millions de tonnes ayant été perdues. Il n'empêche que la charge de travail a été particulièrement lourde, l'exploitation des chablis représentant à 2011 près de trois années de récolte. Cette exploitation semble avoir exercé une influence négative sur les cours, évolution qui a contribué à une facture économique très lourde (5 milliards d'euros) dont une partie seulement a pu être couverte par la solidarité nationale.

Dans ces conditions, et compte tenu de la perspective de voir se reproduire des épisodes climatiques extrêmes dans les années à venir, il est plus qu'urgent de mettre en place des plans de sauvegarde contre les tempêtes, en particulier dans les massifs les plus à risques.

Là encore, l'impératif d'accroissement de la résistance des exploitations (agricoles ou forestières) n'est pas traduite dans ce projet de budget et fait s'interroger sur l'orientation retenue pour la politique forestière : l'intégration de mécanismes budgétaires pertinent et dotés de manière adaptée afin de se prémunir contre les différents aléas pouvant exister apparaît aujourd'hui nécessaire.

C. L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS (ONF) DOIT FAIRE PLUS POUR UNE FILIÈRE FORÊT-BOIS FRANÇAISE CONFRONTÉE À DE NOMBREUX DÉFIS

Les activités forestières sont économiquement fragiles et confrontées à des ambitions élevées. L'ONF principal opérateur public de la politique forestière occupe à ce titre une position stratégique, même s'il va de soi que l'organisme confronté à des missions diversifiées ne saurait résoudre à lui seul les problèmes structurels rencontrés par la forêt française.

Une branche d'activité économiquement fragile

En 2016, la récolte de bois commercialisé s'élève à 37,6 millions de mètres cubes, chiffre quasi-stable par rapport à 2015 et 2014. Cette récolte se compose à 51 % de bois d'oeuvre (19,2 millions de mètres cubes, en légère hausse de 1 %), à 28 % de bois d'industrie (10,5 Mm3, -2 %) et à 21 % de bois-énergie (7,8 Mm3, + 1 %). La récolte de bois énergie est en augmentation continue depuis 2008 (date à laquelle elle était plus de moitié inférieure à aujourd'hui, avec seulement 3 Mm récoltés), mais cette croissance s'est ralentie ces dernières années. Le taux de prélèvement moyen stagne depuis plusieurs décennies à environ 50 % de la production biologique nette de la mortalité. Ce taux est de 45 % en forêt privée, 64 % en forêt publique, et de 64 % en résineux, 45 % en grands feuillus. Il est de 66 % dans l'Union européenne. En 2016, la production de sciages a légèrement augmenté de + 0,9 % par rapport à 2015. Pour autant, les volumes sciés en 2016 sont de 6,3 Mm pour les résineux (en baisse tendancielle depuis 2007 où ce volume était de 8 Mm) et de 1,3 Mm pour les feuillus (+ 2,9 %). La production de sciages a globalement baissé de 25 % en France depuis quinze ans, la consommation ayant également baissé dans les mêmes proportions. Le nombre d'entreprises françaises ayant une activité de scierie a diminué de - 4 % en 2015 par rapport à 2014, prolongeant ainsi la tendance observée depuis au moins dix ans.

La consommation de produits techniques en bois est en augmentation malgré la dégradation du marché de la construction. Les produits importés sont prépondérants pour les produits techniques et industriels finis les plus valorisés, notamment les produits de construction collés en structure. Le déficit de la filière forêt-bois s'établit à 5,9 milliards d'euros en 2016 (9,4 milliards d'euros d'exportations et 15,3 milliards d'euros d'importations). Ce déficit s'est dégradé de 3 % en 2016 pour atteindre son plus haut niveau depuis 2012.

Le déficit est dû pour 6 % aux bois ronds et scieries, pour 53 % aux industries de transformation du bois (deuxième transformation et meubles en bois), et pour 38 % aux industries de la pâte à papier et du papier.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent qu'ils ont récemment rendu un rapport sur cette filière , ses atouts, ses difficultés et les réformes qu'il convient de mettre en oeuvre 5 ( * ) . Si les actions mises en oeuvre par les pouvoirs publics vont dans le bon sens, les préconisations qui y sont présentées restent entièrement d'actualité et doivent faire l'objet de réflexions et d'actions. Cela est d'autant plus prégnant et dommageable que le Gouvernement, par le truchement du questionnaire budgétaire, a indiqué assez clairement un certain manque d'intérêt qu'il accorde aux rapports d'information de vos rapporteurs spéciaux, ce qui n'est pas sans conduire à s'interroger, ne serait-ce que sur le plan institutionnel. Il convient, en particulier, de privilégier davantage le soutien à l'innovation et à la stratégie de montée en gamme dans le domaine du bois, ce qui devrait dégager des perspectives économiques nouvelles pour la filière forêt-bois française, qui souffre d'une concurrence importante à l'international. Tout en rappelant la nécessité de transformer nos ressources brutes sur le territoire, qui doit guider une politique de renforcement de tous les maillons de la chaîne, on peut s'interroger sur la pérennité de certaines mesures réglementaires allant dans ce sens.

S'agissant du financement de l'ONF par l'État, il s'élève à 182,4 millions d'euros , dont 175,2 millions d'euros financés par le programme 149 , dotations stables par rapport au niveau de l'an dernier et, ainsi, en léger déclin en valeur réelle.

Comme l'an dernier, sa contribution se décompose en un versement compensateur , stable à 140,4 millions d'euros , une subvention d'équilibre de 12,5 millions d'euros et un financement de ses missions d'intérêt général de 22,3 millions d'euros .

La situation de l'ONF avait inspiré de très fortes inquiétudes au point que la pérennité de l'établissement avait pu être mise en doute. Le redressement de ces dernières années est, par conséquent, bienvenu.

Depuis quelques années, la forte réduction de la part des charges de l'ONF couverte par ses ventes de bois se modère un peu. Celles-ci représentaient entre 70 % et 80 % de ses recettes dans les années 1980 contre moins d'un tiers désormais. Néanmoins, l'ONF, qui avait dégagé au titre de ses ventes de bois un chiffre d'affaires record de 270 millions d'euros en 2014, continue de bénéficier d'un cours du bois plutôt favorable. Même si le chiffre d'affaires apporté par les ventes de bois a été un peu décevant en 2016 (258,3 millions d'euros contre 278,8 millions d'euros attendus), les prévisions pour 2017 demeurent plutôt bonnes à 268 millions d'euros.

Comme indiqué, cette évolution traduit le redressement du cours du bois, qui demeure une variable évolutive et dont l'impact sur d'autres acteurs de la filière n'est pas également favorable . Il convient donc de réaliser de nouveaux efforts pour maîtriser les charges d'exploitation de l'ONF et augmenter sa production de bois enrichie en produits de qualité.

La nouvelle dégradation du fonds de roulement de l'établissement (22,1 millions d'euros en 2017 après 42,4 millions d'euros en 2016) sollicité pour financer les investissements de l'établissement (102,1 millions d'euros) et, en particulier, les travaux forestiers en forêt domaniale (53,2 millions d'euros) illustre un problème de capacité de financement sur lequel vient buter l'amélioration du patrimoine forestier du pays.

Ces améliorations sont souhaitées par la tutelle qui, à l'issue de la renégociation anticipée du contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ONF pour 2016-2020, a conclu avec l'établissement un nouveau contrat d'objectifs et de performance le 7 mars 2016, auquel s'est jointe la fédération nationale des communes forestières.

On rappelle que le nouveau COP de l'ONF s'articule autour des six axes suivants :


• accroître la mobilisation du bois au bénéfice de la filière et de l'emploi ;


• relever le défi du changement climatique et de la préservation de la biodiversité ;


• mieux répondre aux attentes spécifiques de l'État et des citoyens ;


• adapter la gestion de l'ONF aux spécificités des départements d'outre-mer ;


• stabiliser les effectifs et accompagner les évolutions de l'établissement par une gestion dynamique des ressources humaines ;


• améliorer la durabilité du modèle ONF et consolider son équilibre financier.

Le précédent COP avait fixé à l'ONF des objectifs en termes de mobilisation de la ressource bois de 6,8 millions de mètres cube par an en forêt domaniale et de 9,3 millions dans les forêts des collectivités. Le nouveau COP a un peu réduit ces objectifs qui passent à 6,5 millions de mètres cube et 8,5 millions de mètres cube respectivement, soit, au total, 15 millions de mètres cube de bois , contre 13 millions de mètres cube actuellement .

Ces objectifs, qui supposent une augmentation des volumes mobilisés de 2 millions de mètres cube, doivent être appréciés au regard de la part trop modeste prise par l'ONF dans la récolte de bois (la récolte de bois commercialisée s'est élevée à 37,9 millions de mètres cube en 2015).

Ils doivent également être resitués dans un contexte marqué par l'actualité d'une série de programmations à long terme concernant plus ou moins directement la ressource forestière. Il en ressort que la contribution de l'ONF apparaît trop modeste.

On doit, en effet, considérer le « Programme national de la forêt et du bois » (PNFB), publié en février 2017, qui définit les orientations de la politique forestière pour les dix prochaines années (2016-2026). Il fixe un objectif de mobilisation supplémentaire de 12 millions de mètres-cube en dix ans .

Cette cible doit elle-même être mise en perspective avec le rôle assigné au bois dans la loi de transition énergétique et dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Les objectifs retenus dans la PPE (arrêté du 24 avril 2016 relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables) concernant la biomasse forestière sont les suivants :

- pour la cogénération, des capacités installées de 540 MW en 2018, et de 790 MW en 2023 (option basse) à 1040 MW (option haute) (340 MW installés au 31 décembre 2014) ;

- pour la production de chaleur à partir de biomasse, une production additionnelle de 12 Mtep en 2018, et de 13 Mtep (bas) à 14 Mtep (haut) en 2023 (production de 10,7 Mtep au 31 décembre 2013).

Ils correspondent approximativement à une demande additionnelle de 1,7 Mtep en 2018, et de 3,0 Mtep (bas) à 4,3 Mtep (haut) en 2023.

Si la totalité de cette demande additionnelle était satisfaite par du bois énergie, cela représenterait entre 13 et 19 millions de mètres cube en 2023.

Dans ces conditions, en supposant une progression linéaire de la mobilisation additionnelle sur les dix ans, la ressource forestière supplémentaire couvrirait environ 40 % des besoins de biomasse supplémentaires liés à la PPE en 2018, et 60 % pour 2023 si l'option basse était retenue, et 40 % si l'option haute était retenue. C'est dire qu'au-delà de l'intensification de la mobilisation forestière, un effort de reboisement raisonné doit être entrepris.

Les besoins restants devraient alors être couverts par d'autres types de biomasse : bois en fin de vie, déchets verts urbains, arbres hors forêt (haies, alignement des routes), résidus de culture (paille, rafle...), cultures énergétiques dédiées (taillis à courte rotation, miscanthus...), cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), déchets des industries agro-alimentaires (mélasse, issus de silo...).

Mais il est à redouter que des importations soient également appelées à contribuer à l'atteinte des objectifs.

Ces inquiétudes semblent prises en compte dans la Stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB). Elle présente des recommandations complémentaires à celles du PNFB afin de faciliter l'atteinte des objectifs de mobilisation de biomasse tout en garantissant leur durabilité.

À ce stade, il convient de rappeler que l'ambition de doter le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) d'une capacité de mobilisation de ressources équivalentes à 100 millions d'euros pour financer des interventions de développement et d'accompagnement de l'investissement dans les filières amont et aval, et qui était déjà peu doté, ne doit pas être perdue de vue. Les difficultés de fonctionnement du marché carbone tendent à compliquer l'atteinte de ce projet.

Sans la mise en place de financements innovants, l'amélioration des connaissances sur les quantités de biomasse disponible, les plateformes de valorisation et stockage ou la contractualisation, il sera très difficile d'atteindre les objectifs fixés qui, de toute façon sont conditionnés en pratique à une dynamisation progressive de la gestion forestière pour favoriser au moins la première transformation du bois sur le territoire national et y conserver l'usage des produits connexes de scierie, pour la trituration et l'énergie.

En toute hypothèse, il conviendrait que l'ONF puisse développer davantage sa contribution à la mobilisation de la ressource qu'il n'est prévu dans le COP . Il convient alors de s'interroger sur la cohérence entre cet impératif et les moyens prévus à ce jour, soit des effectifs sous plafond inchangés. Le COP prévoit néanmoins une augmentation des effectifs hors plafond dans le cadre de l'essor donné à l'apprentissage. Il n'est pas sûr que cette orientation soit réellement durable dans la mesure où les apprentis embauchés par l'ONF n'ont pas vocation à le demeurer et peuvent éprouver quelques difficultés à trouver d'autres débouchés qu'au sein de l'établissement. Il est vrai qu'ils peuvent constituer un vivier pour les recrutements nécessités par les départs en retraite. Néanmoins, votre rapporteur spécial Yannick Botrel réitère son scepticisme face à une gestion des ressources humaines qui compterait sur le remplacement des départs de fonctionnaires et de salariés en retraite par des emplois aidés et des apprentis.

Quant aux voies alternatives, on rappelle que l'ONF est un établissement public industriel et commercial qui, quoique chargé de la mise en oeuvre du régime forestier, doit pouvoir faire le départ entre ses missions de police et ses activités d'exploitation, tout en préservant les équilibres d'une gestion de ses ressources humaines qui, pour tirer parti des possibilités de la législation du travail, doit demeurer attentive à préserver l'engagement professionnel de ses agents.

D. DES DÉPENSES FISCALES « FORÊT » SOUVENT MODIQUES ET MAL ÉVALUÉES

L'évaluation des dépenses fiscales en faveur de la forêt est particulièrement complexe dans la mesure où certaines dépenses fiscales qui lui profitent poursuivent une vocation plus large que celle de favoriser les actifs forestiers. C'est peut-être l'une des explications à leur très incomplète évaluation dans le cadre du projet annuel de performances.

Les avantages fiscaux fléchés vers la forêt sont majoritairement à vocation patrimoniale (exonérations partielles de droits de mutation à titre gratuit et d'impôt de solidarité sur la fortune) pour 70 % de la dépense fiscale forestière, les mesures d'incitation à l'investissement pesant pour 30 % des dépenses fiscales.

Cette situation n'est pas anormale s'agissant d'un actif dont la détention suppose d'accepter une rentabilité pour le moins aléatoire et différée.

En matière d'accompagnement fiscal de la détention, l'adoption d'un nouvel impôt sur la fortune immobilière ne devrait pas changer la donne. Il faut s'en féliciter.

Pour autant, l'efficacité des incitations fiscales à l'investissement suscite une certaine perplexité 6 ( * ) alors que la rationalisation de la forêt française privée et de son exploitation demeure un enjeu économique et environnemental fort et qu'il s'agirait là du levier le plus adapté pour aboutir à une amélioration au niveau national.

La plupart des mesures sont, individuellement, d'une ampleur très limitée. Par ailleurs, elles sont peu évaluées, même si dans le cadre du rapport de l'Inspection générale des finances publié en 2011 et portant sur les mesures dérogatoires fiscales et sociales, la plupart des dispositifs ayant pu faire l'objet d'une appréciation ont reçu une bonne notre d'efficience.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, depuis la remise de ce rapport, le ministère de l'agriculture a à nouveau sollicité en février 2013 les services de la DGFiP dans le cadre d'une lettre de mission interministérielle - préparatoire au volet forêt-bois de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt - afin de disposer de quelques éléments chiffrés mais sans que la suite donnée à cette saisine puisse être jugée conclusive.

Tout juste aura-t-elle permis de réunir les quelques données quantitatives suivantes faisant état de :

- 33 575 bénéficiaires de l'exonération partielle d'ISF pour un montant de 23 millions d'euros (estimé à partir du fichier d'ISF 2010), portés selon le PAP pour 2018 à 52 millions d'euros en 2017 ;

- 1 300 successibles déclarés en 2012 au titre des bois et forêt pour un montant de 2 millions d'euros, aucune donnée n'ayant pu être délivrée sur l'exonération partielle des bois et forêts et parts de groupements forestiers au titre des donations.

Quant aux données relatives au dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI), elles ne portaient que sur les déclarations des particuliers déposés au titre des revenus 2011.

Nature de la dépense fiscale (Volet du DEFI)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires

Part de la dépense fiscale

Assurance

1 709

0,05 million d'euros

Acquisition

1 630

2,4 millions d'euros

Travaux

5 317

1,4 million d'euros

Contrat

426

0,006 million d'euros

De manière générale s'agissant des mesures fiscales sur lesquelles s'appuie notre politique forestière, vos rapporteurs spéciaux jugent pertinent de ne pas réduire le coût global des dépenses fiscales dont bénéficie la filière.

Ils préconisent plutôt une simplification, et une meilleure lisibilité, des soutiens publics vers les mesures fiscales à visée incitative afin que l'investissement privé puisse mieux contribuer à l'atteinte de nos objectifs forestiers.


* 5 En application de l'article 58-2° de la LOLF, la commission des finances a confié à la Cour des comptes une enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois, qui a conduit à la remise d'un rapport « Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France », n° 382 (2014-2015).

* 6 Comme l'avaient indiqué vos rapporteurs spéciaux dans leur rapport, « Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France », n° 382 (2014-2015).