M. Victorin LUREL, rapporteur spécial

PREMIÈRE PARTIE :
APRÈS AVOIR MENÉ À BIEN LA RÉORGANISATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE, LE COMPTE SERA MIS SOUS TENSION EN 2018 PAR LES OBJECTIFS PLURIELS QUI LUI SONT ASSIGNÉS

I. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT » CONSTITUE LE SUPPORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE

A. DES SPÉCIFICITÉS EXPLIQUANT UNE PROGRAMMATION CONVENTIONELLE...

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire , via l'Agence des participations de l'État (APE).

Ses caractéristiques sont les suivantes :

- en recettes, il retrace à titre principal les produits des cessions de participations conduites par l'État actionnaire ainsi que des versements du budget général ;

- en dépenses, il a pour objet de financer de nouvelles prises de participations 1 ( * ) et de contribuer au désendettement de l'État 2 ( * ) .

Il se compose de deux programmes :

- le programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État » porte les dépenses liées aux participations financières de l'État ;

- le programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » retrace les versements à la Caisse de la dette publique ou au désendettement d'établissements publics.

Ces dépenses budgétaires n'entrent pas dans le champ de la comptabilité nationale puisqu'elles entraînent la constitution d'un actif ou réduisent le passif de l'État. S'agissant des opérations en capital, la dépense peut être imputée en comptabilité nationale s'il est considéré qu'elle n'aurait pas pu être effectuée par un investisseur avisé - cf. encadré infra à propos de la recapitalisation d'Areva.

Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité, le Gouvernement refuse toutefois de s'engager sur un montant de cessions pour l'année à venir.

Le compte spécial présente donc une particularité : la programmation proposée en loi de finances initiale, tant pour les recettes que pour les dépenses, est fixée conventionnellement à cinq milliards d'euros.

Présenté par construction à l'équilibre, le compte n'a pas d'incidence sur la prévision du solde général d'exécution de la loi de finances. Son impact n'est pris en compte qu'au moment de la loi de règlement.

B. ...DONT LA PRÉSENTATION POURRAIT ÊTRE UTILEMENT AMÉLIORÉE AFIN DE RENFORCER L'INFORMATION DU PARLEMENT

Le caractère formel de la programmation du compte d'affectation spéciale se traduit par deux conséquences :

- d'une part, la présentation du compte à l'équilibre, indépendamment du montant des dépenses et des recettes réellement prévues, est susceptible de fausser la prévision du solde d'exécution de la loi de finances ;

- d'autre part, en cours d'exécution budgétaire, le Gouvernement peut gager des dépenses nouvelles par des annulations sur le compte , sans que celles-ci constituent des économies réelles pour le budget de l'État. Ce risque est d'autant plus marqué que le niveau conventionnellement inscrit en loi de finances depuis 2007 (5 milliards d'euros) est plus élevé que les montants moyens exécutés.

De fait, en 2016, deux décrets d'avance ont été gagés par des annulations d'autorisations d'engagement sur le compte , pour des montants respectifs de 468 millions d'euros et de 894 millions d'euros 3 ( * ) .

Ces annulations ont ensuite été compensées en fin de gestion par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2016, qui a procédé à une ouverture de crédits de 2 milliards d'euros sur le programme 731, gagée par une annulation de crédit à due concurrence sur le programme 732.

Ainsi que le relève la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la Cour des comptes, « ce choix [...] pose un problème de principe dans la mesure où les opérations concernées sont de nature différente » 4 ( * ) .

Dans son avis sur le projet de décret d'avance notifié le 23 septembre 2016, votre commission des finances relevait ainsi « que les annulations en autorisations d'engagement sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ne constituent pas des économies réelles sur le budget de l'État dans la mesure où les crédits inscrits à cette mission sont fixés à un niveau conventionnel, identique d'année en année et indépendant du montant des dépenses  réellement prévues ; que les ouvertures qu'elles permettent se traduiront en revanche par une charge supplémentaire certaine sur le budget de l'État en 2016 et en 2017 » 5 ( * ) .

La présentation conventionnelle excède donc la nécessaire préservation de la confidentialité et des intérêts patrimoniaux de l'État actionnaire. Votre rapporteur spécial considère qu'elle ne doit pas conduire à dessaisir le Parlement de son pouvoir de contrôle .

Afin de renforcer la crédibilité de la prévision du compte et l'information du Parlement, il serait préférable de déterminer les recettes en fonction de la moyenne du montant des recettes constatées au cours des trois exercices précédents hors versements du budget général. Comme l'illustre le tableau ci-après, l'écart entre la prévision et l'exécution serait ainsi fortement réduit.

Comparaison de la programmation conventionnelle actuelle des cessions annuelles et de la programmation proposée reposant
sur la moyenne des trois exercices précédents

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Cessions réalisées

0,28

0

1,68

1,61

2,35

2,27

Programmation actuelle

5,0

5,0

5,0

5,0

5,0

5,0

Prévision/exécution

1786 %

-

298 %

311 %

213 %

220 %

Programmation alternative

0,77

0,49

0,33

0,65

1,10

1,88

Prévision/exécution

275 %

-

20 %

40 %

47 %

83 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires.


* 1 Ces opérations relèvent alors du programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».

* 2 Ces opérations relèvent alors du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».

* 3 Décrets d'avance du 2 juin 2016 et du 3 octobre 2016.

* 4 Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2016, CAS Participations financières de l'État, page 31.

* 5 Rapport sur le décret d'avance relatif au financement des contrats aidés, de l'hébergement d'urgence et des frais de justice, Rapport d'information d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances n° 859 (2015-2016), 28 septembre 2016.