LOIS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATION, SUFFRAGE UNIVERSEL, REGLEMENT ET ADMINISTRATION GENERALE

Table des matières


- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Jean-Pierre Schosteck rapporteur du projet de loi n° 346 (1999-2000) relatif aux activités de sécurité privées et à la sécurité interne de certains services publics, et sous réserve de son adoption et de sa transmission par l'Assemblée nationale, du projet de loi n° 2395 (AN) relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées.

Mission d'information dans les départements d'outre-mer - Compte rendu

Puis la commission a procédé à l'examen du compte rendu établi à la suite des missions dans les départements d'outre-mer, présenté parM. José Balarello, en présence de MM. Paul Vergès, Dominique Larifla et Lylian Payet, sénateurs représentants les départements et territoires d'outre-mer.

M. José Balarello a indiqué que la commission avait effectué deux missions dans les départements d'outre-mer, la première de douze jours en Guyane et aux Antilles en septembre 1999, présidée par M. Jacques Larché, président, la seconde de huit jours à la Réunion et à Mayotte en janvier 2000, conduite par lui-même, les commissaires ayant rencontré environ cent cinquante personnes.

M. José Balarello a dressé le constat de la situation actuelle des départements d'outre-mer. Il a rappelé que ces quatre départements avaient le même statut au sein de la République, défini par l'article 73 de la Constitution, permettant l'adaptation du régime législatif et de l'organisation administrative des départements d'outre-mer à leur situation particulière. De plus, il a noté que l'article 299-2 du traité d'Amsterdam reconnaissait, au sein de l'Union européenne, la spécificité des régions ultra-périphériques que sont les départements d'outre-mer français.

M. José Balarello a fait part des similitudes propres à l'ensemble des départements d'outre-mer. Il a décrit des régions caractérisées par une démographie galopante, leur taux de natalité étant de vingt pour mille, contre treize en métropole, et par un taux de chômage très élevé, de l'ordre de 30 %, 15 % de la population étant allocataire du revenu minimum d'insertion (RMI), contre 3 % en métropole. Il a précisé que l'économie des départements d'outre-mer était marquée à la fois par l'importance des transferts sociaux en provenance de la métropole, à hauteur de 45 ou 50 milliards de francs par an, et un taux relativement bas de prélèvements obligatoires : 35 %, contre 44 % en métropole. S'agissant du secteur public, il a noté que la surrémunération des fonctionnaires s'élevait à 40 % en Guadeloupe, Martinique et Guyane, et 53 % à la Réunion.

M. José Balarello a ensuite montré les différences entre les départements d'outre-mer, en premier lieu leur implantation géographique. Il a notamment relevé que la Martinique et la Guadeloupe, îles situées dans les Caraïbes, comptaient respectivement 381.000 et 422.000 habitants, et que la Guyane, appartenant au continent sud-américain, était caractérisée par une très forte progression démographique, due en grande partie aux flux migratoires en provenance du Surinam. Il a souligné les difficultés du contrôle des frontières de la Guyane, en particulier le long du fleuve Maroni.

M. José Balarello a présenté la Réunion, située dans l'Océan indien et peuplée de 700.000 habitants d'origines très diverses, comme le département d'outre-mer se rapprochant le plus de la structure métropolitaine. Il a déploré le taux de chômage insupportable, la Réunion créant 2.000 emplois par an en moyenne, alors que les besoins s'élèveraient à 10.000. Avec pour environnement régional l'Ile Maurice, Madagascar et l'Afrique du Sud, il a jugé important pour la Réunion de développer une université ouverte sur l'Océan indien.

En matière économique, il a plaidé pour la diminution ou la suppression des charges sociales pour les onze premiers emplois d'une entreprise pendant dix ans, l'extension du dispositif des " emplois-jeunes " au secteur privé et la baisse de la fiscalité.

Dans le domaine institutionnel, il a souhaité que le président du conseil général ou du conseil régional de la Réunion puisse négocier des traités ou accords internationaux avec les Etats voisins ou les organisations régionales, tout en soulignant qu'une modification du statut de département d'outre-mer ou la création d'un Congrès n'étaient pas demandées par les acteurs locaux. Il a jugé controversée la question de la création d'un deuxième département à la Réunion. Enfin, il a insisté sur les problèmes spécifiques de la prison de Saint-Denis et des communications routières.

M. José Balarello a ensuite exposé les caractéristiques de la Guyane, immense territoire très peu desservi en voies de communication, avec une seule route littorale et la prédominance des fleuves comme voies de communication. Soulignant la grande diversité des populations guyanaises, il a montré le contraste existant entre Kourou, concentrant 20.000 habitants, le tiers des emplois et le tiers du PIB, et le sous-développement constaté ailleurs, caractérisé par une faible présence administrative et une justice sinistrée.

Rappelant que les villes de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni, respectivement peuplées de 50.600 et 19.200 habitants, étaient distantes de 250 kilomètres, il a noté la forte demande des élus d'être à la fois plus administrés, mais également plus autonomes.

M. José Balarello a relevé que le " Pacte de développement pour la Guyane ", présenté conjointement par le conseil général et le conseil régional, proposait la création d'une nouvelle collectivité territoriale, se substituant à la région et au département, et comprenant une assemblée dotée d'un pouvoir législatif et réglementaire local autonome, d'un conseil exécutif, de conseils consultatifs, d'un conseil coutumier et de provinces, qui bénéficierait de transferts de compétences de l'Etat, en particulier en matière de développement économique, de culture, de sport et d'éducation. Il a noté que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer proposait la création d'un Congrès réunissant le conseil général et le conseil régional, tandis que le député-maire de Saint-Laurent-du-Maroni proposait la création d'un deuxième département dans l'ouest guyanais.

Enfin, l'Etat étant propriétaire de 90 % des terres en Guyane, il a estimé qu'il lui revenait de créer des parcs nationaux et de permettre la mise à disposition de terres à de jeunes agriculteurs.

Puis M. José Balarello a indiqué que la Martinique, le plus petit des départements d'outre-mer, située dans les Caraïbes à égale distance du Vénézuela et de Haïti, présentait un niveau de vie très supérieur à celui des Etats voisins. Il a regretté que les productions agricoles locales, telle la banane, soient peu compétitives du fait du niveau des transferts sociaux, des charges sociales et fiscales et du salaire minimum.

Il a noté que le tourisme constituait un volet fondamental de l'économie martiniquaise, caractérisée elle aussi par un chômage endémique.

Sur le plan institutionnel, il a fait part des propositions de création d'une assemblée unique, tandis que le projet de loi d'orientation pour les départements d'outre-mer, fortement inspiré du rapport de MM. Claude Lise et Michel Tamaya préconisant un " pont " entre les deux assemblées, proposait la création d'un Congrès. M. José Balarello a souhaité que les représentants de la Martinique puissent participer aux travaux des organisations régionales, sans passer nécessairement par la préfecture ou le Quai d'Orsay.

Afin de lutter contre le chômage, il a notamment souhaité une baisse de la fiscalité et des charges sociales.

M. José Balarello a ensuite indiqué que la Guadeloupe connaissait sensiblement les mêmes problèmes que la Martinique. Il a noté la trop grande proportion de terres en friche, les difficultés du tourisme et le nombre très élevé des allocataires du RMI.

Il a fait part des propositions de la commission ad hoc du conseil général de la Guadeloupe, tendant à l'institution d'une assemblée unique, bénéficiant de certains transferts de compétences.

M. José Balarello a ensuite noté que le rattachement administratif de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin à la Guadeloupe, alors que 250 kilomètres les séparaient, était jugé totalement artificiel par leurs populations.

S'agissant de Saint-Martin, composée de deux parties, l'une française, l'autre hollandaise, sans frontière matérialisée, M. José Balarello a noté que la partie française comportait 35.000 habitants, dont un tiers d'étrangers en grande partie en situation irrégulière. Il a noté les problèmes de délinquance liés au trafic de drogue, la concentration des richesses dans la partie hollandaise de l'île, la présence de l'anglais comme langue maternelle. Tout en soulignant que Saint-Martin dépendait financièrement des crédits métropolitains et européens, il a indiqué que les élus souhaitaient une évolution statutaire reconnaissant une plus grande autonomie de l'île.

Puis M. José Balarello, rapporteur, a indiqué que Saint-Barthélémy, avec 6.800 habitants, était marquée par un siècle de présence suédoise, les habitants refusant de payer l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés au nom d'un protocole franco-suédois. Il a relevé que Saint-Barthélémy, orientée vers le tourisme haut de gamme, ne comptait que 81 chômeurs indemnisés en 1999. Il a précisé que les élus de l'île souhaitaient transformer l'île en collectivité territoriale à statut particulier ou en territoire d'outre-mer ou, à défaut, au moins obtenir des transferts de compétences en faveur de la commune, une dérogation à la carte sanitaire de la Guadeloupe et une plus grande autonomie fiscale, notamment par la création d'une taxe de séjour.

M. José Balarello a conclu en rappelant les réalités s'imposant au législateur. Il a tout d'abord insisté sur la très grande diversité des situations locales, l'identité culturelle de chaque département, les différences dans les évolutions économiques possibles, nécessitant pour le législateur de faire du " cousu main ". Il a jugé que les acquis de la départementalisation ne devaient pas être rejetés mais que leur revers consistait en une compétitivité réduite, gênant les exportations ; en particulier, il a jugé possible de maintenir un niveau de vie relativement élevé à condition de réduire le coût du travail par la défiscalisation et la suppression des charges sociales.

Sur le plan institutionnel, il a appelé de ses voeux des transferts importants de responsabilités et de compétences, y compris dans le domaine des relations internationales. Il a jugé nécessaire que l'Etat restaure la justice et améliore les prisons.

Il a indiqué que les fonds structurels européens attribués aux départements d'outre-mer allaient s'élever à 23 milliards de francs de 2000 à 2006, ajoutés aux 5,6 milliards de francs en provenance de la métropole, et qu'il faudrait veiller à leur utilisation, malgré les obstacles que peuvent constituer la lourdeur de l'organisation administrative française et l'obligation, pour les collectivités, d'avancer les sommes nécessaires.

Après avoir souligné la qualité du rapport présenté par M. José Balarello, M. Lucien Lanier a estimé qu'aucun des départements d'outre-mer n'était semblable à l'autre, pas même la Martinique et la Guadeloupe. Tout en soulignant que la mondialisation accentuait les différences entre ces départements, il a jugé primordiale la prise en compte de cette diversité lors de l'examen du projet de loi d'orientation.

Après avoir également apprécié la fidélité du constat établi par M. José Balarello, Mme Dinah Derycke a noté que certains problèmes étaient communs aux départements d'outre-mer, que ce soit la dépendance économique vis-à-vis de la métropole ou le niveau de vie très supérieur à celui des Etats voisins. Mais elle a insisté sur les problèmes très spécifiques de la Guyane, partagée entre Kourou, vitrine des technologies les plus avancées, et la Guyane de l'intérieur. Elle a noté les demandes de reconnaissance d'ordre culturel, la population étant diverse, mélangée, jeune, et l'immigration désormais parfois mal vécue.

Elle a noté que les départements d'outre-mer ne remettaient pas en cause leur appartenance à la nation française mais ne voulaient plus être soumis à des règlements, plus qu'à des lois, inadaptés à leur situation, citant l'exemple des normes de construction de logements.

S'agissant de Saint-Martin, elle s'est déclarée dubitative sur les résultats de la défiscalisation, et a souhaité que la partie française demeure préservée des excès constatés dans la partie hollandaise.

En matière institutionnelle, elle a noté le consensus sur les résultats positifs de la départementalisation et la nécessité d'aller plus loin, mais l'absence d'accord définitif sur les aménagements à y apporter, la loi d'orientation pouvant à cet égard être qualifiée de " loi d'étape ".

Enfin, elle a noté que les crédits des fonds structurels devraient être davantage mobilisés.

Après avoir à son tour salué la qualité du rapport présenté par M. José Balarello, qui permettrait aux sénateurs d'appréhender en connaissance de cause le projet de loi d'orientation, M. Robert Bret a indiqué que le Sénat devrait s'efforcer de définir un point d'équilibre sur ce texte conçu comme une étape dans le processus d'évolution et de développement des départements d'outre-mer. Il a estimé que ces collectivités, concrétisant la présence française dans l'océan indien, dans la zone Caraïbes et sur le continent sud-américain, devaient être considérées comme autant d'atouts pour la France. Après avoir souligné la diversité de leurs situations respectives, il a rappelé que le niveau élevé du taux de chômage constituait une caractéristique commune, le tourisme étant la seule activité moderne importante de leur développement économique. Il a observé que le caractère massif de l'aide publique avait eu pour effet d'encourager les flux migratoires venus accroître la vulnérabilité de la situation économique de ces départements. Constatant que la départementalisation avait atteint ses limites, il a estimé qu'une réponse adaptée ne pourrait émaner que d'une démarche consensuelle de l'ensemble des groupes politiques.

Après avoir apprécié la fidélité et le caractère nuancé du constat dressé par M. José Balarello, M. Jean-Jacques Hyest a approuvé sa conclusion, soulignant la nécessité de définir des solutions " cousues main " prenant en compte la diversité des situations. Estimant inopportun de se focaliser sur les questions institutionnelles, il a observé que les problèmes économiques, sociaux et démographiques devaient être considérés comme prioritaires et conduire à des transferts de compétences au profit des acteurs locaux. Il a souligné que l'inertie des évolutions démographiques grevait en particulier l'évolution de la Guyane et de la Réunion, la population de cette dernière devant atteindre le million d'habitants dans une quinzaine d'années, ce qui posait la question de l'avenir de la jeunesse de ces départements.

M. Jacques Larché, président, a observé que le volume inégalé des enveloppes de crédits revenant aux départements d'outre-mer posait le problème de l'effectivité de leur utilisation, ce qui n'était pas sans incidence au plan institutionnel dans la mesure où des mécanismes permettant d'associer les autorités locales à la prise de décision, garantie d'une utilisation optimale, devaient être imaginés. Il a par ailleurs estimé nécessaire de réfléchir aux domaines dans lesquels devrait porter prioritairement l'effort social pour éviter qu'il ne constitue un frein au développement économique. M. Jacques Larché, président, a enfin souligné une difficulté résultant de la rédaction du Traité d'Amsterdam, en observant que les départements d'outre-mer français étaient éligibles aux fonds structurels en vertu de leur appartenance à une catégorie juridique, alors que d'autres collectivités telles que Madère, les Açores ou encore les Canaries en bénéficiaient en tant que telles. Il a estimé que les autorités françaises devraient pouvoir obtenir une modification du Traité sur ce point, cet état du droit constituant un obstacle à une évolution institutionnelle vers davantage de décentralisation, gage du développement de ces collectivités.

Après s'être félicité de la qualité du rapport présenté par M. José Balarello, M. Lylian Payet a cependant regretté que la question du logement n'ait pas davantage été évoquée, celui-ci constituant un problème majeur à la Réunion. Il a rappelé que la formation et la mobilité représentaient deux défis essentiels pour la jeunesse de ce département et a souhaité qu'il ne soit plus fait référence à la notion d'assistance lorsque la question du RMI était évoquée. Il a par ailleurs souligné le sous-encadrement caractérisant la situation de la fonction publique à la Réunion.

M. Jacques Larché, président, a rappelé que le logement ne relevait pas en tant que tel du champ de compétence de la commission des lois, ce qui expliquait que le rapporteur ne lui ait pas consacré de plus amples développements.

Après avoir souligné que le schéma régional d'aménagement de la Réunion, distinguant quatre zones, avait été adopté à l'unanimité, M. Paul Vergès a estimé nécessaire de replacer le débat dans une perspective historique et géographique. Il a rappelé que l'économie de l'île s'était développée au dix-neuvième siècle sur une tradition de monoculture de la canne à sucre avec une implantation équilibrée des structures permettant le traitement sur place de cette matière première, les treize usines existant en 1945, 7 au Sud et à l'Ouest, 6 au Nord et à l'Est, ayant favorisé la sédentarisation et la création de bassins d'emploi. Il a indiqué que la modernisation des exploitations et le mouvement de restructuration industrielle avaient depuis abouti à la fermeture de 11 usines, le nombre d'ouvriers ayant été ramené de 11.500 en 1946 à 1.500 aujourd'hui, provoquant une rupture de l'équilibre géographique existant, aggravée par l'exode rural et une forte croissance démographique. Il a observé que la population était passée de 250.000 habitants en 1946 à 720.000 habitants aujourd'hui. Il a rappelé que la richesse produite par l'activité agricole représentait désormais moins de 8 % du PIB réunionnais alors que la part du secteur tertiaire représentait plus de 80 %.

M. Paul Vergès a estimé que la concentration des services départementaux et des activités tertiaires à Saint-Denis illustrait ce déséquilibre ; il a rappelé que plus de 70.000 véhicules entraient chaque jour dans cette agglomération. Il a observé que l'implantation du principal aérodrome au Nord de l'île accentuait encore ce déséquilibre.

Il a par ailleurs souligné qu'à la différence des Antilles, la Réunion se caractérisait par une grande diversité ethnique, avec une souche européenne importante et des flux migratoires venus de Madagascar, des côtes orientales africaines, de l'Inde et de la Chine. Il a observé qu'en résultait une importante diversité culturelle, obstacle à la cohésion et source de problèmes identitaires.

Rappelant l'ancienneté de la colonisation de la Réunion, marquée par la culture européenne qui l'avait conduite vers l'assimilation plutôt que vers l'émancipation, M. Paul Vergès a indiqué que sa structure territoriale était calquée sur celle de la métropole. Après avoir rappelé qu'elle comprenait vingt-quatre communes dont certaines ne tarderaient pas à excéder les 100.000 habitants, il a estimé nécessaire de créer de nouvelles communes et de réviser corrélativement la carte cantonale. Il a en outre rappelé que la revendication tendant à la création de deux départements datait de 1981, l'ensemble des responsables politiques locaux ayant alors souscrit à ce projet. Rejetant toute évolution vers l'autonomie, il a considéré qu'une modification de l'organisation administrative constituait un préalable à la résolution des problèmes économiques et sociaux auxquels la Réunion était confrontée.

Observant que 5% de croissance annuelle permettaient la création de 3.500 emplois alors que 10.000 jeunes arrivaient chaque année sur le marché du travail, M. Paul Vergès a précisé que, contrairement à la situation prévalant il y a une cinquantaine d'années, la plupart de ces jeunes étaient diplômés, l'université formant actuellement quelque 13.000 étudiants. Il a indiqué qu'une étude prospective récente révélait qu'en dépit d'une poursuite du mouvement de croissance, le taux de chômage ne pourrait être ramené que de 37% à 27% d'ici 2030. Il a rappelé que la fonction publique représentait 47% de la population active locale contre 23% en métropole.

Il a également marqué l'ampleur des besoins dans le domaine des transports et dans celui du logement. Il a ainsi rappelé que si 6 à 7 kilomètres de routes étaient créés chaque année, 23.000 véhicules supplémentaires arrivaient à la Réunion dans le même temps, la part des besoins pourvue par les transports collectifs s'étant réduite de 33% à 7% au cours des vingt dernières années. Il a également précisé que la demande annuelle de nouveaux logements, évaluée à 10.000 logements, n'était satisfaite que pour moitié par les créations.

Après avoir évoqué les problèmes posés par l'alimentation en eau de certaines régions de l'île, il a indiqué que les besoins énergétiques, d'origine essentiellement domestique, s'accroissaient de 7% par an ce qui justifiait la construction d'une centrale thermique dont le coût était évalué à 8 milliards de francs et qui nécessiterait l'importation de matières premières énergétiques.

Exprimant la crainte que les négociations menées au sein de l'OMC ne viennent encore aggraver la situation économique réunionnaise, M. Paul Vergès a estimé indispensable que la Réunion puisse prendre part aux initiatives internationales régionales et s'intégrer aux structures de regroupement correspondantes. Au-delà de la sphère économique, il a observé que le développement des liens avec les pays de la zone géographique de l'Océan indien permettrait de promouvoir la francophonie. Il a souligné que la zone était appelée à subir de profondes évolutions démographiques et climatiques susceptibles de conduire à la disparition de certains Etats tels que les Maldives.

Souscrivant aux observations du président Jacques Larché, il a confirmé la nécessité de redéfinir la notion de région ultra-périphérique dans le Traité d'Amsterdam pour ne pas freiner les évolutions institutionnelles, dans l'intérêt même de l'Union européenne disposant ainsi d'un rayonnement mondial, et a souhaité que soient explorées toutes les possibilités offertes par la Constitution française pour favoriser ces évolutions. Il a en outre souligné que les partisans du statu quo sous-estimaient le caractère durable de la crise économique et sociale et, paradoxalement, étaient les premiers à demander la pérennisation des dispositifs dérogatoires en matière de fiscalité, de surrémunérations ou de bonifications de durée de cotisation pour les retraites. Il a enfin rappelé que les vingt-trois milliards de francs de fonds structurels bénéficiant aux départements d'outre-mer constituaient une enveloppe d'un montant encore jamais atteint.

Après s'être à son tour félicité de la qualité du rapport présenté par M. José Balarello, M. Dominique Larifla a souligné l'attachement profond de la Guadeloupe à la France et les avantages en termes de niveau de vie liés à son statut de département français. Il a rappelé que la Guadeloupe était constituée d'une pluralité d'îles, deux d'entre elles, Saint-Barthélémy et Saint-Martin, étant situées à environ deux cent cinquante kilomètres au nord de l'île principale, correspondant à une diversité de situations. Il a évoqué le souhait de Saint-Barthélémy d'être érigée en collectivité distincte et de bénéficier de transferts de compétences en matière de fiscalité, d'enseignement, de desserte aéro-portuaire ou sanitaire. Précisant que ces revendications étaient révélatrices du fait que la structure départementale avait atteint ses limites, il a estimé que l'idée d'instaurer une assemblée unique devait faire l'objet d'une réflexion plus approfondie. Il a précisé que ces collectivités lointaines pouvaient constituer un atout majeur pour la France et l'Europe.

Après s'être félicité que la présentation faite par le rapporteur ait fidèlement retracé la situation réunionnaise, M. Edmond Lauret a souligné l'importance des fonds structurels alloués et s'est interrogé sur la capacité des bénéficiaires à les utiliser dans les délais prescrits. Il a indiqué que le montant des dépenses publiques de la Réunion était de 40% inférieur à celui de la métropole et que le montant des sommes versées par les Réunionnais pour participer aux jeux tels que le loto ou le tiercé s'élevait à 1,5 milliard de francs, soit davantage que les sommes versées au titre du RMI, ce qui correspondait pour l'Etat à 450 millions de francs de recettes fiscales annuelles. Après avoir observé que les dispositions figurant sous les deux premiers titres du projet de loi d'orientation ne permettraient que de timides avancées pour améliorer la situation de l'emploi, il a estimé que ce texte manquait d'inspiration et n'explorait pas toutes les potentialités offertes par la Constitution. Il a enfin considéré que la création d'un second département n'aurait pas d'effet bénéfique sur la situation du marché du travail.

La commission a décidé de publier ce compte rendu sous forme d'un rapport d'information.