LOIS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATION, SUFFRAGE UNIVERSEL, REGLEMENT ET ADMINISTRATION GENERALE

Table des matières


- Présidence de M. Jacques Larché, président, puis de M. Charles Jolibois, vice-président.

PJLF pour 2000 - Administration pénitentiaire - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé, sur le rapport pour avis de M. Georges Othily, à l'examen des crédits consacrés à l'administration pénitentiaire, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

M. Georges Othily, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, a tout d'abord indiqué que les crédits de l'administration pénitentiaire s'élèveraient à 7,85 milliards de francs en 2000, ce qui représenterait 28,8 % du budget de la justice. Il a souligné que ces crédits étaient en hausse de 5,9 % par rapport à la loi de finances pour 1999. Il a ajouté que le projet de budget prévoyait la création de 386 emplois et que, si ces chiffres étaient appréciables, ils ne permettraient pas de combler le retard pris dans l'exécution de la loi de programme de 1995.

A propos de la situation de l'administration pénitentiaire, le rapporteur pour avis a souligné que le nombre de personnes détenues continuait à diminuer légèrement et que cela s'expliquait par un nombre d'incarcérations moins important, la durée de détention continuant, pour sa part, à augmenter. Il a fait valoir que la population carcérale avait beaucoup évolué au cours des dernières années et que l'on assistait à une augmentation du nombre de condamnés à des peines de longue durée, du nombre de détenus pour infractions sexuelles, enfin du nombre de mineurs détenus.

M. Georges Othily, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, a fait part de sa préoccupation à propos du nombre élevé des suicides dans les établissements pénitentiaires. Rappelant que 114 personnes avaient mis fin à leurs jours depuis le début de l'année, il a fait savoir que la Chancellerie avait diffusé une circulaire sur ce sujet en 1998, incitant notamment à un accueil individualisé des personnes incarcérées, mais qu'un tel accueil paraissait difficile à assumer dans les grandes maisons d'arrêt.

Le rapporteur pour avis a évoqué la question du contrôle des établissements pénitentiaires, observant que l'année 1999 avait été marquée par la révélation de comportements inacceptables perpétrés dans des établissements pénitentiaires, notamment à la prison de Beauvais. Il a rappelé que les contrôles existant sur l'administration pénitentiaire étaient nombreux, mais que manifestement ils étaient plus formels que réels. Il a indiqué qu'un projet de loi déposé sur le bureau du Sénat prévoyait la création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité, mais que Mme la garde des sceaux s'opposait à ce que cette commission exerce un contrôle sur les personnels pénitentiaires. Il a estimé indispensable de renforcer le contrôle de l'administration pénitentiaire.

A propos de la libération conditionnelle, M. Georges Othily, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, s'est déclaré préoccupé par la diminution du nombre de libérations conditionnelles accordées chaque année. Il a rappelé que de nombreuses propositions avaient été formulées, notamment en vue de judiciariser cette mesure, qui est actuellement une mesure d'administration judiciaire et s'est demandé s'il n'était pas temps de réexaminer de manière approfondie le régime de l'application des peines.

Le rapporteur pour avis s'est ensuite interrogé sur la volonté réelle du Gouvernement de mettre en oeuvre la loi relative au placement sous surveillance électronique. Il a rappelé qu'en 1998, Mme la garde des sceaux avait indiqué que les premières expérimentations pourraient avoir lieu à la fin de 1999. Il a observé qu'au cours de sa récente audition, elle avait précisé que ces expérimentations auraient lieu dans le cadre des centres pour peines aménagées, dont elle a décidé la création. Il a alors souligné qu'il avait appris, depuis lors, que ces centres ne fonctionneraient qu'à partir de 2001. Il a alors vivement regretté que plus de trois ans soient nécessaires pour mettre en oeuvre une loi susceptible, dans de nombreux cas, d'éviter les effets désocialisants de la prison.

Evoquant la situation des établissements pénitentiaires, M. Georges Othily, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, a observé que le parc pénitentiaire français était dans l'ensemble vétuste. Il a indiqué qu'il avait visité quatre établissements au cours de l'année écoulée en compagnie de Mme Dinah Derycke, de MM. Patrice Gélard et Robert Bret, et qu'il avait pu constater que l'état de certaines cellules dans les maisons d'arrêt de Loos et des Baumettes n'était pas acceptable. Il a souligné que certaines installations, comme les cuisines de la maison d'arrêt de Fleury-Merogis, n'étaient pas en conformité avec les normes d'hygiène en vigueur. Il a en outre fait valoir que l'organisation du centre de jeunes détenus de Fleury-Merogis était totalement inadaptée et qu'elle venait d'être modifiée à la suite des violences qui y étaient survenues.

Le rapporteur pour avis a rappelé qu'un programme de construction de six nouveaux établissements était en cours de réalisation et que la construction d'un septième établissement à la Réunion venait d'être décidée. Il a observé qu'un programme de rénovation des maisons d'arrêt de Fleury-Merogis, Fresnes, la Santé, les Baumettes et Loos avait été lancé. Il s'est déclaré inquiet à propos de la réalisation de ce programme, observant que les travaux avaient été estimés à 1 milliard de francs dans un premier temps avant de faire l'objet d'estimations plus proches de 2 milliards de francs. Il a fait valoir que 50 millions seulement avaient été inscrits en autorisations de programme sur le budget 1999 et 50 millions dans le projet de budget pour 2000. Il a estimé que la rénovation de ces établissements était urgente et que ce programme mériterait d'être accéléré.

M. Jacques Larché, président, a souligné que le tableau de l'administration pénitentiaire dressé par le rapporteur pour avis était fort sombre. Il s'est déclaré inquiet de la vétusté du parc pénitentiaire et du ralentissement du nombre de mesures de libérations conditionnelles. A propos des événements survenus à la prison de Beauvais, il a fait valoir que des magistrats n'avaient manifestement pas exercé la mission de contrôle des établissements pénitentiaires qui leur est dévolue par la loi.

M. Nicolas About, évoquant la question des suicides en prison, a observé que 60 % de ces suicides concernaient des prévenus et qu'il s'agissait d'une situation terriblement choquante. Il a fait valoir que le statut de prévenu était humiliant, et qu'il n'était manifestement pas supporté par un grand nombre de personnes. Il a en outre constaté que la plupart des détenus qui se suicidaient avaient entre trente et cinquante ans. Il a demandé quelles mesures étaient prises pour faire face à cette situation.

M. Robert Badinter a souhaité connaître l'évolution des crédits consacrés à l'administration pénitentiaire.

M. Georges Othily, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, a alors souligné qu'une circulaire relative aux suicides en prison avait été adressée le 29 mai 1998 aux chefs d'établissement. Il a indiqué que cette circulaire insistait sur la nécessité de favoriser les temps d'échange avec la personne incarcérée dans les jours suivant l'incarcération, qu'elle mettait l'accent sur la nécessité de permettre aux nouveaux arrivants d'assurer immédiatement leur hygiène corporelle, qu'elle prévoyait également une observation particulière des détenus présentant un risque suicidaire important. Il a déclaré que les personnels rencontrés au cours des visites d'établissements étaient très conscients de l'importance de cette question et s'efforçaient d'être très vigilants en cette matière.

Le rapporteur pour avis a ensuite souligné que les crédits de l'administration pénitentiaire pour 2000 étaient en progression de 5,9 % par rapport à la loi de finances pour 1999 et qu'ils avaient déjà progressé de 5,79 % en 1999. Il a observé qu'un nombre non négligeable d'emplois était créé mais que, au sein des établissements, les personnels protestaient parce que tous les postes existants n'étaient pas pourvus. Il a souligné que les départs à la retraite liés à la " bonification du cinquième " accordée aux personnels de surveillance en 1996 n'avaient pas été anticipés et que l'administration faisait face à une situation difficile.

M. Pierre Fauchon a alors estimé totalement anormal que des postes budgétaires ne soient pas pourvus du simple fait de l'imprévoyance dont a fait preuve l'administration.

M. Robert Bret a observé que la situation de certains établissements était très difficile, compte tenu du nombre de postes vacants et de l'absentéisme lié à des conditions de travail rendues plus difficiles par les vacances de postes.

M. Jacques Larché, président, a fait valoir qu'on assistait, dans l'administration pénitentiaire comme dans de nombreux corps de la fonction publique, à une augmentation de la qualification des personnels recrutés et que cela n'allait pas sans poser certains problèmes.

Mme Dinah Derycke a indiqué qu'il existait effectivement aujourd'hui des frictions entre des gardiens anciens dans le métier et expérimentés, et des gardiens plus jeunes et plus diplômés. A propos des suicides en prison, elle a rappelé que de nombreux établissements avaient mis en place des actions destinées à les prévenir. Elle a en outre observé que le nombre de suicides augmentait également en dehors des établissements pénitentiaires.

M. Jacques Larché, président, s'est alors demandé s'il ne convenait pas que la commission adresse un signal d'alerte au Gouvernement à propos de la situation de l'administration pénitentiaire, malgré l'augmentation substantielle des crédits de cette administration.

M. Pierre Fauchon a constaté que, manifestement, le Gouvernement ne souhaitait pas mettre en oeuvre la loi relative au placement sous surveillance électronique et que cela justifiait que la commission soit réservée à l'égard du budget de l'administration pénitentiaire. Il a indiqué que la situation de cette administration n'était absolument pas satisfaisante, malgré l'augmentation des crédits, et que, sans en faire porter la responsabilité exclusive à l'actuel garde des sceaux, la commission devait manifester son désaccord.

M. Paul Girod a fait valoir qu'à titre personnel il voterait contre le budget de la justice. Il a rappelé que la commission des finances avait adopté le budget de la justice en prenant en considération des critères purement financiers, et qu'il revenait à la commission des lois de se prononcer sur la conduite générale de la politique judiciaire.

M. Georges Othily, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, a indiqué que les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire avaient été insuffisants pendant très longtemps et que, si les chiffres actuels paraissaient meilleurs, le retard n'était pas près d'être résorbé. Il a fait valoir qu'indépendamment de considérations purement budgétaires, la commission des lois était fondée à manifester son inquiétude à l'égard de la situation de cette administration.

M. Jacques Larché, président, a alors observé que l'état des établissements pénitentiaires, l'inertie du Gouvernement à l'égard de la loi relative au placement sous surveillance électronique, pourtant susceptible d'améliorer la situation de la population carcérale, enfin, la révélation cette année des défauts du contrôle exercé sur cette administration, pouvaient justifier la réserve de la commission à l'égard du projet de budget.

La commission a alors émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'administration pénitentiaire.

PJLF pour 2000 - Services généraux - Justice - Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport pour avis de Mme Dinah Derycke, à l'examen des crédits des services généraux (administration centrale - juridictions judiciaires - juridictions administratives) du ministère de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

En préambule, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a indiqué que dans le cadre de la préparation de son avis budgétaire, elle avait procédé, comme chaque année, à l'audition des représentants des principales organisations professionnelles de magistrats et de fonctionnaires de justice. Elle a cependant précisé que deux organisations syndicales de magistrats, après avoir accepté le principe de cette audition, avaient finalement décidé de ne pas y donner suite, l'Union syndicale des magistrats (USM) ayant motivé cette décision par un rappel au règlement effectué par M. Michel Charasse, notamment à la suite des propos tenus à l'encontre des sénateurs par M. Valéry Turcey, président de l'USM, et le Syndicat de la magistrature, sans excuses préalables, ayant fait valoir a posteriori un emploi du temps surchargé.

Abordant ensuite la présentation des crédits du ministère de la justice pour 2000, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a souligné que ceux-ci enregistraient une progression de 3,91 % par rapport à 1999, traduisant la priorité accordée par le Gouvernement, et que l'augmentation des effectifs était, avec au total 1.237 créations de postes, la plus importante de tous les ministères, constatant néanmoins que la part du budget de la justice dans le budget de l'Etat ne s'accroissait que lentement.

Elle a en outre précisé que les crédits de paiement destinés aux services judiciaires n'augmentaient globalement que de 0,64 %, en raison d'une diminution de près de 40 % des crédits d'équipement s'expliquant par la prise en compte d'un retard dans la consommation des crédits d'investissement, ce qui ne devait pas dissimuler la progression substantielle (+ 5,15 %) des dépenses ordinaires.

Elle a par ailleurs noté que l'exécution de la loi de programme du 6 janvier 1995 était désormais quasiment achevée s'agissant des services judiciaires, où le nombre de créations de postes budgétaires avait même été supérieur aux prévisions initiales.

Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a cependant constaté que la situation actuelle, marquée notamment par l'allongement des délais en appel et par l'accroissement des stocks en instance, faisait apparaître des besoins encore importants.

Elle a insisté sur la situation particulière des conseils de prud'hommes qui lui est apparue préoccupante en raison de délais moyens de jugement excessifs et d'un taux très élevé d'appel. Rappelant que ces juridictions jouaient un rôle important dans la justice au quotidien, elle a déclaré qu'elle avait l'intention d'interroger le garde des sceaux à ce sujet au cours du débat en séance publique.

Sur ce point, M. Robert Badinter a cependant fait observer que la justice prud'homale se caractérisait depuis longtemps par une proportion très importante de décisions portées en appel.

S'agissant de l'activité pénale, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, après avoir noté la stabilité du nombre total de plaintes, dénonciations et procès-verbaux, a relevé que les classements sans suite concernaient encore près de la moitié des affaires dans lesquelles l'auteur de l'infraction avait été identifié, malgré le développement du recours aux procédures alternatives aux poursuites.

En ce qui concerne l'activité des juridictions administratives, elle a souligné l'engorgement préoccupant des cours administratives d'appel, tout en précisant qu'un espoir d'amélioration se profilait avec la récente mise en service de deux nouvelles cours, à Marseille et à Douai.

Au sujet du renforcement des effectifs, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que les 212 créations de postes de magistrats judiciaires prévues par le projet de loi de finances pour 2000 marquaient la poursuite d'un effort de recrutement soutenu qui se traduisait par l'accroissement du nombre de postes ouverts au concours de l'Ecole nationale de la magistrature, ainsi que par l'organisation de concours exceptionnels permettant une certaine diversification du corps. Elle a jugé appréciable le renfort apporté par les magistrats maintenus en activité au-delà de la limite d'âge, mais a regretté, en revanche, le recours encore très limité aux magistrats à titre temporaire et aux conseillers de cours d'appel en service extraordinaire.

Après avoir rappelé que l'évaluation du nombre des vacances de postes faisait l'objet d'un débat entre les organisations syndicales, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a expliqué qu'en raison des besoins importants liés à la mise en oeuvre des nouvelles réformes -100 créations de postes étant destinées à la réforme des tribunaux de commerce, 48 à la mise en place du juge de la détention provisoire, 15 aux juridictions des mineurs et 4 à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature- seules 34 créations de postes de magistrats seraient spécifiquement affectées au renforcement des effectifs des cours d'appel en vue de contribuer à la résorption des stocks. Elle a néanmoins estimé que les magistrats affectés à la mise en oeuvre des réformes ne seraient pas entièrement mobilisés par celles-ci.

Elle a ensuite indiqué que les créations d'emplois de greffiers seraient moins nombreuses que celles de magistrats en 2000 -car la réforme des tribunaux de commerce nécessitait un grand nombre de créations de postes de magistrats, mais pas de création de postes de greffiers- et que les organisations syndicales de fonctionnaires de justice considéraient que ces créations de postes étaient insuffisantes pour faire face à l'ensemble des nouvelles réformes, et notamment à l'application de la loi relative au pacte civil de solidarité. Elle a en outre indiqué avoir perçu au cours de ses auditions une dégradation du climat entre les fonctionnaires de justice et les magistrats au sein des juridictions.

S'agissant des juridictions administratives, elle a constaté que les créations d'emplois prévues permettraient d'achever l'exécution de la loi de programme mais que les organisations syndicales de magistrats administratifs regrettaient que n'ait pas été pris en compte l'impact prévisible de la mise en application de la réforme relative aux procédures d'urgence.

Après avoir noté que les effectifs des assistants de justice seraient doublés en deux ans, grâce au recrutement de 100 assistants supplémentaires en 2000, et que les pôles économiques et financiers seraient renforcés, elle a enfin rappelé, face au succès très relatif du recrutement des emplois-jeunes par les associations dans le secteur de la justice, que le Gouvernement avait mis au point une nouvelle formule d'emplois-jeunes recrutés directement par le ministère de la justice sous la dénomination d'" agents de justice ", le projet de loi de finances pour 2000 prévoyant l'affectation de 1.050 de ces agents de justice dans les services judiciaires.

Puis Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a évoqué le retard pris dans la consommation des crédits d'investissement et a récapitulé les principales opérations immobilières en cours. A ce sujet, elle a remarqué que la mise en service récente du nouveau tribunal de grande instance de Bordeaux avait fait apparaître des erreurs de conception, ainsi que des défaillances techniques de construction. En conséquence, elle a souhaité que de tels problèmes ne se reproduisent pas à l'occasion de la construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris prévue à partir de 2006.

Elle a en outre indiqué que la généralisation de l'équipement informatique des juridictions se poursuivait, observant toutefois que les représentants des magistrats administratifs s'étaient plaints, au cours de leur audition, de l'insuffisance de cet équipement, et notamment des déficiences de l'accès aux bases de données juridiques.

Par ailleurs, elle a souligné que la Chancellerie travaillait actuellement à l'élaboration de " contrats de juridictions " avec les cours d'appel en vue de parvenir à une réduction des délais, et que dans certaines juridictions des " contrats de procédure " étaient mis au point avec le Barreau afin d'améliorer les conditions de la mise en état des dossiers.

Sur ce dernier point, M. Robert Badinter a fait observer que la pratique des contrats de procédure avait déjà été expérimentée entre 1983 et 1985 et avait alors donné des résultats très positifs.

A propos des frais de justice, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a estimé qu'un effort significatif avait été fait en vue d'une meilleure maîtrise des dépenses, à travers un certain nombre de mesures législatives et réglementaires récentes, auxquelles s'ajoutait la mise en place de " contrats de gestion " avec les cours d'appel prévoyant l'attribution d'une enveloppe complémentaire de crédits de fonctionnement au profit des cours ayant réalisé des économies sur les frais de justice. Elle a précisé qu'une économie de 100 millions de francs avait ainsi pu être réalisée cette année.

Elle a par ailleurs évoqué l'amendement déposé par M. Hubert Haenel, rapporteur spécial du budget de la justice au nom de la commission des finances, tendant à prévoir l'obligation d'établir dans chaque juridiction une comptabilité retraçant le détail des dépenses de frais de justice engagées par dossier d'instruction. Cette idée lui est apparue intéressante, mais difficile à mettre en oeuvre dès le 1er janvier 2000.

Après avoir relevé le renforcement des moyens destinés à l'aide juridictionnelle et aux conseils départementaux de l'accès au droit, elle a rappelé qu'une première étape de la réforme de la carte judiciaire avait été engagée en 1999 avec la suppression de 36 tribunaux de commerce et que la réforme de la carte des tribunaux de commerce devrait être achevée au début de l'année prochaine.

Enfin, elle a indiqué que le ministère de la justice s'était engagé à contractualiser avec l'ensemble des régions, dans le cadre de l'élaboration des nouveaux contrats de plan Etat-régions, notamment pour développer des actions relatives à la justice de proximité.

En conclusion, elle a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des services généraux du ministère de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

A l'issue de cet exposé, M. Jean-Jacques Hyest a déploré les déficiences des services immobiliers de la Chancellerie. Il a rappelé que l'échec du premier programme d'informatisation des juridictions élaboré par les magistrats de la Chancellerie avait coûté deux milliards de francs.

Jugeant que les créations de postes n'étaient satisfaisantes qu'en apparence, il a souligné qu'en raison des importants besoins liés à la mise en place des nouvelles réformes, seules 34 créations de postes de magistrats permettraient de renforcer les effectifs des juridictions surchargées. En conséquence, il a considéré que ces créations seraient insuffisantes pour parvenir à une amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien. Par ailleurs, il a estimé que le fonctionnement de la justice commerciale risquait de se trouver affecté par les nombreuses démissions de juges consulaires suscitées par l'annonce de la réforme des tribunaux de commerce. En conclusion, il a annoncé qu'il ne voterait pas le projet de budget de la justice pour 2000.

M. Jacques Peyrat a approuvé les propos tenus par M. Jean-Jacques Hyest au sujet des tribunaux de commerce, soulignant que les principales juridictions consulaires des Alpes-Maritimes étaient susceptibles de cesser leur activité à partir du mois de janvier prochain.

Il a rappelé que la situation de la juridiction prud'homale était marquée, depuis de longues années, par une forte propension des parties, et notamment des employeurs, à faire appel. Il a estimé que face à l'encombrement des cours d'appel et à l'allongement des délais qui en résultait, il n'y avait pas d'autres solutions envisageables que de multiplier les chambres sociales des cours d'appel en renforçant les effectifs de magistrats.

Déplorant que les décisions des collectivités territoriales soient très fréquemment soumises à des recours devant la juridiction administrative, il a considéré que, là encore, la longueur excessive des délais rendait nécessaire un renforcement des effectifs de magistrats.

Enfin, en matière pénale, il a regretté le manque de moyens des chambres d'accusation qui, faute de temps, demandaient souvent aux avocats de plaider en quelques minutes la liberté de leur client.

Estimant que ces situations aboutissaient souvent à un sentiment de déni de justice, tant en droit du travail qu'en droit administratif ou en droit pénal, il a conclu en déclarant qu'il ne voterait pas le projet de budget de la justice pour 2000.

M. Charles Jolibois, vice-président, a évoqué la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au déni de justice.

Puis, répondant aux différents intervenants, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, après avoir indiqué qu'en l'absence de services techniques propres le ministère de la justice était contraint de recourir aux directions départementales de l'équipement (DDE), a souligné que les problèmes liés aux délais de jugement excessifs existaient depuis de nombreuses années. Rappelant que les crédits du ministère de la justice connaissaient une forte progression, elle a considéré qu'un autre Gouvernement ne pourrait pas mieux faire et a renouvelé sa proposition de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Robert Badinter a estimé que le projet de loi de finances pour 2000 constituait un bon budget pour les services judiciaires. Il a cependant souhaité que l'attention du garde des sceaux soit appelée, au cours du débat en séance publique, sur l'urgence d'une réforme de la carte judiciaire concernant l'ensemble des juridictions, et non les seuls tribunaux de commerce.

M. Charles Jolibois, vice-président, a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution des crédits destinés aux services judiciaires.Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a alors précisé à son attention que si les crédits de paiement des services judiciaires n'augmentaient globalement que de 0,64 %, les crédits de fonctionnement progressaient en revanche de 5,15 %.

A l'issue de cet échange de vues, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits des services généraux du ministère de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

PJLF 2000 - Protection judiciaire de la jeunesse - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen pour avis des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2000, sur le rapport de M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a fait part de l'augmentation de 14,7 % des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, très supérieure à celle des budgets civils de l'Etat. Il a estimé que le fonctionnement des services de la protection judiciaire de la jeunesse s'était considérablement amélioré sur le terrain et donnait satisfaction aux partenaires, en particulier aux collectivités locales, et d'abord aux présidents de conseils généraux. A cet égard, il s'est félicité du comblement progressif du retard des vingt-six départements jugés prioritaires pour la lutte contre la délinquance.

Il a ensuite émis un certain nombre d'interrogations. Constatant l'ampleur considérable des créations d'emplois, à savoir 380 postes, dont 258 d'éducateurs et chefs de service éducatif, il s'est inquiété de la qualité du recrutement et du niveau de la formation professionnelle initiale dispensée aux personnes intégrant les services de la protection judiciaire de la jeunesse par concours exceptionnel.

Il a remarqué que les éducateurs appartenaient à la catégorie B de la fonction publique, tandis que les instituteurs, devenus professeurs des écoles, avaient accédé à la catégorie A. Il a estimé que la revalorisation des carrières des éducateurs devait être envisagée, pas uniquement dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a regretté le retard accumulé en matière d'équipement. Il a noté que sur les 243 places d'hébergement collectif programmées par la loi quinquennale du 6 janvier 1995, seules, 115 avaient été livrées en juin 1999.

Il a constaté que la sécurité physique et psychologique des mineurs placés sous protection judiciaire n'était pas suffisamment assurée. Le climat de violence quotidienne dans les foyers lui a semblé compromettre les futures chances d'insertion des jeunes.

Il a ensuite relativisé l'importance des mesures de réparation prononcées, considérant que trop de décisions de justice visant les mineurs délinquants étaient en attente d'exécution ou n'étaient finalement pas appliquées.

Concernant l'accès des jeunes à l'assistance d'un avocat, M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a souhaité l'instauration d'une juste rémunération des avocats.

Il s'est ensuite inquiété de l'inefficacité du dispositif de prévention de la délinquance, appelant à un meilleur partenariat entre l'éducation nationale et la justice. Il a estimé que les collectivités territoriales étaient directement intéressées par la politique de prévention de la délinquance, en particulier les conseils généraux.

Il a jugé que le contrôle administratif, pédagogique et financier du secteur associatif habilité devait être renforcé, afin d'harmoniser les règles de fonctionnement du secteur public et du secteur habilité.

Il a regretté que la mise en place de l'accueil d'urgence s'effectue par transformation des structures existantes, au détriment du bon fonctionnement des services.

Enfin, il a souhaité la poursuite de l'expérience des départements prioritaires, afin de faciliter le rattrapage des départements défavorisés.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a conclu en soulignant que le budget de la protection judiciaire de la jeunesse était excellent en termes financiers, mais que le problème de fond demeurait la prise en compte, par l'ensemble des acteurs, de la délinquance juvénile et de la nécessaire réinsertion des jeunes.

En réponse à M. Nicolas About, M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a indiqué que la commission des finances proposait d'adopter le budget de la justice et a estimé qu'il n'était pas souhaitable de s'opposer à l'adoption des crédits, étant donné l'effort exceptionnel consenti en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud a indiqué que son mécontentement ne portait pas sur les chiffres avancés mais sur la politique menée, ajoutant qu'il voterait contre l'adoption de ces crédits.

Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2000.