Table des matières




- Présidence de M. René Garrec, président.

Justice - Imprescriptibilité des crimes et incompressibilité des peines en matière de terrorisme - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Henri de Richemont sur la proposition de loi n° 440 rectifiée (2000-2001) de M. Aymeri de Montesquiou, tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a tout d'abord souligné que les crimes effroyables commis aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 devaient être réprimés et que les Etats-Unis s'étaient engagés, avec le soutien de nombreux pays, dans un combat de longue haleine contre le terrorisme. Il a observé que ces attentats avaient montré que notre dispositif de lutte contre le terrorisme souffrait de certaines insuffisances et a rappelé que le Parlement avait adopté, dès novembre 2001, à l'initiative du Gouvernement, plusieurs dispositions renforçant le dispositif de lutte contre le terrorisme.

Le rapporteur a alors indiqué que la proposition de loi tendait à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a rappelé que le délai de prescription de l'action publique était de dix ans en matière criminelle et de trois ans en matière délictuelle. Il a observé que des dispositions spécifiques étaient prévues dans certaines matières, et qu'en particulier, les crimes de terrorisme se prescrivaient par trente ans. Il a rappelé que les crimes contre l'humanité étaient seuls imprescriptibles en droit français.

A propos des peines incompressibles, le rapporteur a noté qu'il existait en droit français des périodes de sûreté, mais que celles-ci pouvaient être révisées. Il a fait valoir que des peines incompressibles n'étaient prévues qu'en matière de meurtre d'enfants et qu'une procédure très encadrée de remise en cause de ces peines était néanmoins prévue par le code de procédure pénale.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a alors observé que l'imprescriptibilité des crimes terroristes n'apporterait pas d'efficacité supplémentaire à la répression, dès lors que la durée de la prescription était déjà de trente ans et que tous les actes d'enquête ou d'instruction interrompaient la prescription. Il a estimé que les crimes terroristes ne pouvaient pas être comparés, de manière générale, aux crimes contre l'humanité. Il a ajouté que les crimes du 11 septembre 2001 constituaient probablement des crimes contre l'humanité imprescriptibles au sens des dispositions du code pénal relatives aux crimes contre l'humanité.

Le rapporteur a rappelé qu'il n'existait aucune peine totalement incompressible en droit français et que la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen imposait au législateur de ne prévoir que des peines strictement nécessaires. Il a observé que la proposition de loi ne prévoyait aucune possibilité d'adaptation de la peine incompressible et qu'elle ne laissait aucune marge au juge pour prononcer la peine incompressible. Il en a déduit qu'elle était probablement contraire à la Constitution.

Le rapporteur a alors proposé à la commission de ne pas retenir la proposition de loi.

M. Robert Badinter a déclaré partager l'ensemble des appréciations du rapporteur. Il a estimé que les crimes commis aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 étaient des crimes contre l'humanité, imprescriptibles. Il s'est interrogé sur les règles existant aux Etats-Unis en matière de prescription pour les actes terroristes.

La commission a décidé de ne pas retenir la proposition de loi et de demander au Sénat, en application de l'article 42 (6, c) du règlement, d'adopter ses conclusions négatives.

Mercredi 6 février 2002

- Présidence de M. René Garrec, président.

Bureau de la commission - Election d'un vice-président

La commission a tout d'abord procédé à l'élection d'un vice-président de la commission en remplacement de Mme Dinah Derycke.

Mme Michèle André a été élue par acclamation.

Le bureau de la commission est donc ainsi constitué :

Président : M. René Garrec

Vice-présidents : M. Patrice Gélard

Mme Michèle André

M. Pierre Fauchon

M. José Balarello

M. Robert Bret

M. Georges Othily

Secrétaires : M.  Jean-Pierre Schosteck

M. Laurent Béteille

M. Jacques Mahéas

M. Jean-Jacques Hyest

Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite nommé M. Patrice Gélard rapporteur pour la proposition de loi n° 351 (2000-2001) adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'une fondation pour les études comparatives.

Cérémonies publiques - Création d'une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de Mme Nicole Borvo sur la proposition de loi n° 374 (2000-2001) de Mme Nicole Borvo et de plusieurs de ses collègues, tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort.

Mme Nicole Borvo, rapporteur, a tout d'abord indiqué que l'abolition de la peine de mort en France ne s'était imposée que progressivement à partir du XVIIIe siècle, siècle des Lumières, pour connaître, au gré des événements historiques, une accélération et se concrétiser véritablement au XXe siècle.

Mme Nicole Borvo, rapporteur, a rappelé que la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort présentée par M. Robert Badinter, à l'époque garde des sceaux, avait parachevé cette évolution, la France étant devenue, à l'époque, le trente-cinquième pays abolitionniste. Elle s'est félicitée de constater que cent huit pays avaient suivi cette voie (sur cent quatre-vingt-neuf pays membres de l'Organisation des Nations unies). Elle a noté la consécration internationale du principe abolitionniste, expliquant que les instruments internationaux avaient contribué à sa diffusion. A cet égard, elle a en particulier mentionné le pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu le 16 décembre 1966 à l'initiative de l'ONU stipulant que le droit à la vie était inhérent à la personne humaine ainsi que le protocole additionnel à ce pacte destiné à faire obstacle au rétablissement de la peine capitale en cas de guerre ou de circonstances exceptionnelles adopté en décembre 1989.

Mme Nicole Borvo, rapporteur, a ajouté que le droit européen sous l'impulsion du Conseil de l'Europe avait également contribué au recul de la peine de mort en Europe avec la signature du protocole n° 6 additionnel à la Convention européenne des Droits de l'homme et des libertés fondamentales imposant à tous les Etats parties l'ayant ratifié l'abolition de la peine de mort. Elle a enfin salué l'organisation, en juin 2001, du premier Congrès mondial contre la peine de mort qui s'est tenu à Strasbourg sous l'égide du Parlement européen et du Conseil de l'Europe.

Mme Nicole Borvo, rapporteur, s'est toutefois inquiétée de ce que la situation demeure très contrastée en matière de condamnations à mort, observant que l'objectif de l'abolition universelle de la peine capitale était encore loin d'être atteint, après avoir noté, avec regret, que quatre-vingt-six pays disposaient encore d'un arsenal pénal répressif prévoyant la peine de mort. Elle a constaté que les statistiques étaient encore loin d'être encourageantes, compte tenu des 1.813 exécutions pratiquées en 1999 dans plus de trente pays, ainsi que des 3.857 condamnations prononcées dans soixante-quatre pays. Elle a dénoncé la forte concentration géographique des pays où était pratiquée la peine de mort, 85 % des exécutions ayant lieu principalement dans cinq pays seulement : en Arabie saoudite, en Chine, aux Etats-Unis, en Iran et en République démocratique du Congo.

Mme Nicole Borvo, rapporteur, a fait valoir les récentes initiatives européennes en faveur de l'instauration d'un moratoire universel sur les exécutions, en particulier l'adoption, le 7 décembre 2000, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ayant proclamé l'interdiction, pour un Etat, de prononcer une condamnation à mort ou de pratiquer une exécution.

Mme Nicole Borvo, rapporteur, a expliqué que cette proposition de loi se fondait sur le souci de réaffirmer l'engagement de la France en faveur de l'abolition de la peine de mort et sur la volonté de généraliser l'interdiction de cette peine à l'échelle internationale. Elle a observé que cette proposition de loi constituait le prolongement d'un mouvement plus ancien amorcé par le législateur en 1996 qui, de sa propre initiative, avait déjà adopté des mesures tendant à instituer une journée nationale consacrée à une cause d'une particulière importance, citant, pour illustrer ses propos, la loi du 9 avril 1996 tendant à faire du 20 novembre une journée nationale des droits de l'enfant ou encore la loi du 10 juillet 2000 instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « justes » de France.

Après avoir relevé que cette proposition de loi pourrait être l'occasion d'engager un travail de réflexion utile pour l'ensemble des citoyens français et d'amplifier le rayonnement du mouvement abolitionniste, Mme Nicole Borvo, rapporteur, a proposé son adoption. Elle a rappelé que ce texte avait, d'une part, pour objet essentiel d'instituer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort et, d'autre part, qu'il comportait des dispositions complémentaires destinées à donner un plus grand retentissement à cette journée.

Afin d'améliorer le dispositif proposé, Mme Nicole Borvo, rapporteur, a toutefois proposé quatre modifications tendant à :

- préciser à l'article premier que l'institution d'une journée nationale, le 9 octobre, correspondait au jour anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi portant abolition de la peine de mort ;

- confier à l'autorité compétente en matière de détermination des programmes -le ministre chargé de l'éducation nationale- plutôt qu'aux établissements d'enseignement public les conditions dans lesquelles serait effectué un travail pédagogique de réflexion sur l'abolition de la peine de mort et la justice dans les établissements scolaires à l'occasion de cette journée ;

- remplacer l'obligation faite aux services publics d'apporter leur concours à la promotion de cette journée par une simple faculté ;

- prévoir l'obligation pour le Gouvernement d'informer le Parlement chaque année sur les initiatives prises pour faire reculer la peine de mort dans le monde.

M. Robert Badinter s'est réjoui d'une telle proposition et tout particulièrement du choix de la date retenue pour l'institution de cette journée. Il n'a pas caché que les véritables progrès à accomplir sur une telle question se situaient sur le plan international, se félicitant que l'Europe tout entière ait aboli la peine de mort.

Il a observé que la journée nationale pourrait être susceptible d'influencer un grand nombre de pays africains qui, sans pour autant pratiquer la peine de mort, maintenaient l'existence de cette peine dans leur arsenal pénal. Il a émis le souhait d'une accélération du mouvement abolitionniste à l'échelle internationale.

M. Patrice Gélard, souscrivant pleinement aux propos du rapporteur, a jugé très positif que les établissements scolaires puissent mener, à l'occasion de cette journée sur le thème de la peine de mort, un travail de réflexion sur la valeur de la vie.

La commission a adopté, dans la rédaction proposée par le rapporteur, la proposition de loi tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort.

Justice - Coopération avec la Cour pénale internationale - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Patrice Gélard sur la proposition de loi n° 163 (2001-2002) de M. Robert Badinter, relative à la coopération avec la Cour pénale internationale.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a tout d'abord rappelé que le traité instituant la Cour pénale internationale avait été signé à Rome le 17 juillet 1998, et que la France avait modifié sa Constitution en juin 1999, pour pouvoir ratifier le traité le 9 juin 2000.

Il a souligné que la France devait maintenant adapter sa législation pour permettre la pleine application du statut de la Cour. Il s'est félicité du dépôt, par M. Robert Badinter, d'une proposition de loi relative à la Cour pénale internationale, rappelant le rôle essentiel que celui-ci jouait depuis longtemps dans l'émergence d'une justice pénale internationale.

M. Patrice Gélard, rapporteur, soulignant que la Cour serait créée lorsque le traité aurait recueilli 60 ratifications, a noté que 47 ratifications étaient d'ores et déjà acquises au 1er janvier 2002. Il en a déduit qu'il était urgent que notre pays montre sa volonté de coopérer pleinement avec la nouvelle juridiction en adaptant sa législation.

Le rapporteur a alors indiqué que l'adoption de la proposition de loi ne suffirait pas à mettre le droit français en pleine conformité avec le statut de la Cour pénale. Il a en effet observé que certaines incriminations du statut n'étaient pas couvertes par le droit français, soulignant en particulier que le code pénal ne contenait aucune définition spécifique du crime de guerre. Il a fait valoir qu'il conviendrait de modifier également le fond de notre droit pénal pour pouvoir respecter pleinement les obligations posées par le statut de la Cour.

Indiquant que le champ limité de la proposition de loi avait été fortement critiqué par certaines associations engagées dans le combat pour la création de la Cour pénale internationale, M. Patrice Gélard, rapporteur, a estimé qu'il n'était pas possible, à 15 jours de l'interruption des travaux parlementaires, d'envisager une modification du droit pénal de fond. Il a souligné qu'une telle évolution impliquait une réflexion approfondie, et non une adoption précipitée.

Le rapporteur a ensuite présenté les dispositions de la proposition de loi. Soulignant qu'elle s'inspirait largement des règles retenues pour la coopération de la France avec le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, il a indiqué qu'elle définissait précisément les conditions dans lesquelles une personne réclamée par la Cour pourrait lui être remise. Il a précisé que les procédures seraient centralisées à Paris et que les personnes arrêtées devraient être présentées au procureur général près la cour d'appel de Paris dans un délai de cinq jours à compter de leur arrestation. Il a fait valoir que la décision de remise serait prise par la chambre de l'instruction, qui vérifierait simplement l'absence d'erreur évidente dans la procédure.

Le rapporteur a souligné que la proposition de loi prévoyait également les conditions dans lesquelles les décisions de la Cour pénale internationale pourraient être mises à exécution sur le territoire français. Il a noté que la Cour pourrait proposer à la France d'accueillir sur son territoire certains condamnés afin qu'ils y purgent tout ou partie de leur peine. Il a indiqué que les juridictions françaises ne pourraient, dans un tel cas, prendre aucune mesure d'aménagement des peines, mais devraient transmettre les demandes à la Cour pénale afin qu'elle statue.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a proposé à la commission d'approuver la proposition de loi, sous réserve de quelques modifications d'ordre rédactionnel et de précisions relatives à l'application du texte dans les territoires d'outre-mer. Observant que la Cour pénale internationale avait vocation à être une juridiction permanente, il a proposé d'insérer les dispositions de la proposition de loi dans le code de procédure pénale.

M. Robert Badinter s'est félicité de l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de sa proposition de loi. Il a observé que la Cour pénale serait probablement créée prochainement au vu du nombre de ratifications du traité déjà acquis. Il a souligné que l'adoption de la proposition de loi montrerait l'engagement de la France de coopérer avec la Cour.

Il a souligné que des modifications du droit pénal seraient également nécessaires. Il a ainsi noté que certains éléments de la définition des crimes contre l'humanité inscrite dans le statut de la Cour ne figuraient pas dans le code pénal. A propos des crimes de guerre, il a rappelé que la France avait décidé de ne pas reconnaître la compétence de la Cour pénale internationale dans ce domaine pendant une période de sept ans. Regrettant cette attitude, il a toutefois noté que rien n'empêcherait notre pays de reconnaître plus tôt la compétence de la Cour en matière de crimes de guerre.

M. Robert Badinter a estimé que la définition des crimes de guerre dans le code pénal constituait un sujet fondamental, qui impliquerait des auditions et un travail approfondi. Il a souligné qu'il envisageait de déposer lui-même une nouvelle proposition de loi pour traiter cette question. Il a toutefois fait valoir qu'il était essentiel d'adopter d'ores et déjà un texte sur la coopération avec la Cour afin d'être prêt à combattre sans délai les criminels contre l'humanité.

Il a souligné que la création de la Cour pénale internationale était d'autant plus importante que la création, par le Conseil de sécurité des Nations unies, d'une juridiction pénale internationale comparable aux tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda serait aujourd'hui probablement impossible au vu de la composition de ce conseil.

La commission a adopté la proposition de loi dans les conclusions proposées par le rapporteur.

Commission d'enquête sur les mineurs délinquants - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Jacques Hyest sur la proposition de résolution n° 332 (2000-2001) de MM. Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy Pierre Cabanel et Josselin de Rohan, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les diverses mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé qu'en application, tant de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires que de l'article 11 du règlement du Sénat, la commission devait se prononcer sur la recevabilité juridique de la proposition de résolution, sur l'opportunité de traiter d'un tel sujet et sur le champ d'investigation de la commission d'enquête, le sujet envisagé concernant les diverses mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis, ainsi que leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

Il a jugé évidente la recevabilité juridique de la proposition de résolution, celle-ci ne portant pas sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires, mais portant sur le contrôle de la gestion du service public de la justice. Il a noté que le nombre de membres proposé, 21 sénateurs, était conforme aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée.

Sur l'opportunité de la création d'une telle commission, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé que le nombre de mineurs mis en cause par les forces de police et de gendarmerie avait fortement augmenté, passant de 98 000 en 1990 à 175 000 en 2000 et à 177 000 en 2001, portant ainsi la part des mineurs à 21,18 % du total des personnes mises en cause, cette proportion s'élevant même à 36,13 % pour les faits de délinquance sur la voie publique. Il a souligné qu'une enquête de délinquance auto-rapportée avait mis en évidence le sentiment qu'avaient les auteurs d'infraction de bénéficier d'un véritable « droit » au recours à la violence.

Après avoir rappelé que le nombre de condamnations de mineurs pour atteintes aux personnes avait doublé entre 1994 et 1998, que la délinquance des mineurs était de plus en plus violente et que l'exécution des peines n'était pas satisfaisante, il a jugé essentiel que le Sénat se penche sur ce défi de notre société. Remarquant qu'aucun travail d'enquête parlementaire n'avait été réalisé sur cette question au cours des dernières années, il a souhaité que le Sénat apporte sa contribution à la réflexion sur le sujet, à l'image du travail effectué par la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

Puis après avoir rappelé que la proposition de résolution tendait à la création d'une commission d'enquête sur l'étude des structures existantes, notamment les centres de placement immédiat et les centres éducatifs renforcés, sur l'élargissement de la gamme des placements mis à la disposition des juges, sur le mode de financement de la construction d'éventuels nouveaux établissements et sur le rôle des travailleurs sociaux, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a proposé une modification du champ d'investigation de la commission d'enquête, afin que celui-ci n'écarte pas l'examen des règles gouvernant la justice des mineurs, définies pour l'essentiel par l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945. En conséquence, il a proposé que la commission d'enquête porte sur les moyens de répondre à la délinquance des mineurs, en particulier les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessaire réinsertion de ces mineurs. Il a conclu que cet intitulé permettait d'inclure le volet prévention de la lutte contre la délinquance juvénile.

M. Robert Bret a estimé que, s'il relevait bien du rôle du Parlement de traiter, par cette commission d'enquête, la question de la délinquance des mineurs, comme il avait eu l'occasion de le proposer lors de l'examen de la loi relative à la sécurité quotidienne, en revanche, la création d'une telle commission à la fin de la législature, en pleine campagne électorale, relevait d'un affichage politique détestable.

M. Jean-Claude Frécon a admis que ce sujet devait être traité, mais a émis des réserves quant au moment choisi pour ce faire. Il s'est demandé si la commission d'enquête pourrait travailler en totale sérénité durant la période électorale et a demandé que les travaux de la commission d'enquête ne soient pas publiés durant cette période.

M. Paul Girod a rappelé que le secret des délibérations de la commission d'enquête s'imposerait jusqu'au dépôt du rapport.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a déclaré ne pas s'associer à la création de cette commission d'enquête qu'il a jugée relever de la manoeuvre électorale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a observé que les sénateurs n'étaient pas directement impliqués dans les élections présidentielle et législatives. Puis il a indiqué que le rapport de la commission d'enquête ne serait remis qu'après les élections et que le secret des délibérations s'imposerait pendant toute la durée de la campagne électorale.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

Justice - Protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Schosteck sur la proposition de loi n° 194 (2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en première lecture, complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, et sur la proposition de loi n° 101 (2001-2002) de M. Hubert Haenel, aménageant la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a rappelé que, pour l'essentiel, la loi sur la présomption d'innocence était entrée en vigueur le 1er janvier 2001. Il a souligné qu'elle avait permis une adaptation de notre droit aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme et procédé à des réformes fondamentales telles que l'appel en matière criminelle. Il a noté que son entrée en vigueur n'avait pas provoqué la paralysie des juridictions, malgré les craintes de certains.

Le rapporteur a cependant observé que l'application de la loi soulevait des difficultés et provoquait un certain découragement chez ceux qui étaient chargés de mettre en oeuvre la procédure pénale, notamment les enquêteurs. Il a fait valoir que ce découragement n'était peut-être que partiellement lié à cette loi, mais qu'il devait être entendu.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a alors souligné que ces difficultés s'expliquaient largement par l'insuffisance des moyens consacrés à l'application de la loi, mais aussi par l'inadaptation de certaines dispositions aux contraintes assumées par les acteurs de la procédure pénale. Il a estimé que l'équilibre nécessaire entre le respect des droits de la personne et l'efficacité de la procédure avait été quelque peu négligé.

Le rapporteur a alors observé que, dans ces conditions, un débat s'était développé sur l'opportunité de modifier la loi. Il a regretté que le Gouvernement ait tenté d'éluder ce débat en arguant du fait que la loi avait été votée sans opposition. Il a noté qu'après deux évaluations aux résultats contradictoires, une proposition de loi avait finalement été déposée et discutée en toute hâte à l'Assemblée nationale.

Le rapporteur a indiqué qu'à l'inverse de cette démarche confuse, M. Hubert Haenel avait déposé, dès le 28 novembre 2001, une proposition de loi destinée à renforcer l'efficacité de la procédure pénale par quelques mesures concrètes.

Présentant la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, le rapporteur a indiqué qu'elle prévoyait notamment :

- une limitation du nombre de visites des locaux de garde à vue par le procureur ;

- la modification des critères de placement en garde à vue, les indices devenant des raisons plausibles ;

- un avertissement du parquet « aussi rapidement que possible », et non plus « dès le début », de la garde à vue ;

- un délai de trois heures donné aux officiers de police judiciaire pour l'avertissement à la famille et l'examen par un médecin ;

- une modification du droit au silence pour que la personne soit informée qu'elle peut se taire, répondre aux questions ou faire des déclarations ;

- la possibilité de placer en détention provisoire un « réitérant » encourant deux ans d'emprisonnement pour une infraction contre les biens ;

- une modification des conditions de l'enquête sociale préalable au placement en détention provisoire du parent d'un jeune enfant ;

- enfin, la possibilité d'appel du parquet en cas d'acquittement.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a souligné que certaines dispositions suscitaient sa perplexité. Il s'est interrogé sur la portée du remplacement de la notion d'« indices » par celle de « raisons plausibles ». Il a en outre estimé qu'il n'était pas acceptable de prévenir le parquet d'un placement en garde à vue « aussi rapidement que possible », alors que l'avocat était pour sa part prévenu « dès le début ».

Le rapporteur a fait valoir que le système proposé par l'Assemblée nationale en matière de placement en détention provisoire des « réitérants » revenait à être plus sévère avec ceux-ci qu'avec des personnes déjà condamnées.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a alors proposé à la commission de corriger et de compléter le texte adopté par l'Assemblée nationale en s'appuyant sur la proposition de loi de M. Hubert Haenel.

M. Maurice Ulrich a contesté la disposition tendant à modifier les critères du placement en garde à vue pour remplacer la notion d'« indices » par celle de « raisons plausibles ». Il a estimé que cette notion était subjective et risquait de conduire à des interprétations discutables.

M. Robert Bret a souligné qu'il aurait été préférable de ne pas modifier la loi sur la présomption d'innocence aussi rapidement après son adoption. Il a rappelé que le Sénat avait largement contribué à l'élaboration de la loi et qu'il lui était difficile d'adhérer à la démarche consistant à remettre en cause dans la précipitation un travail aussi approfondi. Il a souligné que la proposition de loi présentée par M. Hubert Haenel était aussi contestable que celle adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest a rappelé que la loi sur la présomption d'innocence contenait, notamment à l'initiative du Sénat, des dispositions très importantes qu'il convenait de ne pas remettre en cause. Il s'est déclaré d'accord pour des aménagements limités de ce texte, en particulier pour une reconnaissance au parquet du droit d'appel en cas d'acquittement, mais s'est montré préoccupé par le fait que certaines personnes n'admettaient en fait pas les dispositifs fondamentaux élaborés par le législateur. Il a rappelé que ceux qui étaient chargés d'appliquer la loi devaient le faire avec loyauté.

La commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur.

Avant l'article 1er A, elle a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle destinée à accueillir les dispositions relatives à la garde à vue et aux témoins.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 1er (définition des critères permettant le placement en garde à vue d'une personne). Le rapporteur a estimé que la notion d' « indices » était parfaitement connue et que celle de « raisons plausibles » comportait une part trop importante de subjectivité.

M. Robert Badinter a observé que les « indices » constituaient une notion matérielle, objective et connue depuis longtemps. Il a fait valoir que le terme de « raisons plausibles » était issu du droit anglo-saxon et ne devait pas être introduit dans notre droit. M. Pierre Fauchon a estimé que la notion de « raisons plausibles » était beaucoup trop vague.

A l'article 2 (droits des personnes placées en garde à vue), la commission a adopté un amendement supprimant le paragraphe I A afin de maintenir un avis au parquet dès le début de la garde à vue et non aussi rapidement que possible. M. Robert Badinter a estimé que les moyens de communication modernes permettaient une information immédiate du procureur de la République.

La commission a examiné un amendement tendant à modifier les termes de la notification du droit au silence des personnes gardées à vue pour prévoir qu'elle est informée que son silence est susceptible de lui porter préjudice, compte tenu de l'existence d'indices laissant présumer qu'elle a commis une infraction. M. Robert Badinter a estimé que le droit au silence était un principe fondamental qui ne pouvait être retenu à charge contre la personne gardée à vue. M. Pierre Fauchon a estimé que tous les citoyens avaient le devoir de répondre lorsqu'ils étaient interrogés par la justice et que la notification du droit au silence ne s'expliquait que par les contraintes que l'on faisait par le passé subir aux personnes retenues. Il a approuvé l'amendement proposé par le rapporteur en soulignant qu'il était essentiel de donner une efficacité au travail de la police judiciaire.

M. Jean-Jacques Hyest s'est demandé s'il était opportun de faire référence à la notion d'indices dans la formule de notification du droit au silence dès lors qu'une personne ne pouvait être placée en garde à vue qu'en présence de tels indices. M. Paul Girod a observé que le silence pouvait être contraire à l'intérêt du gardé à vue. M. Maurice Ulrich a estimé qu'il serait préférable de mentionner que le silence pouvait être contraire aux intérêts du gardé à vue plutôt que de faire référence à un préjudice.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a observé qu'il n'était pas forcément dans l'intérêt d'une personne gardée à vue de répondre aux questions qui lui étaient posées et que l'on ne pouvait retenir une formulation donnant le sentiment que tel était toujours son intérêt. Il a proposé de préciser que le choix de la personne de se taire, de répondre aux questions ou de faire des déclarations était effectué sous sa responsabilité.

M. Charles Gautier a proposé que la personne se voie successivement indiquer qu'elle a le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de garder le silence. Il a estimé que cette inversion des termes de la notification pourraient satisfaire les préoccupations du rapporteur.

La commission a alors adopté un amendement prévoyant que la personne gardée à vue aurait le choix, sous sa responsabilité, de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire.

Après l'article 2, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour modifier l'article 62 du code de procédure pénale afin de permettre aux officiers de police judiciaire de contraindre une personne à comparaître au cours d'une enquête de flagrance. MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter ont estimé que, seul, le procureur pouvait contraindre un témoin à comparaître. M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a alors expliqué qu'il était particulièrement difficile d'obtenir une autorisation du procureur lors d'une opération en flagrant délit pendant la nuit.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle destinée à accueillir des dispositions relatives aux enquêtes. Elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel modifiant l'article 53 du code de procédure pénale pour permettre au procureur de prolonger la durée d'une enquête de flagrance pour une durée maximale de huit jours.

Elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel modifiant l'article 76-1 du code de procédure pénale pour permettre la réalisation de perquisitions au cours d'une enquête préliminaire sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

Avant l'article 3, la commission a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle destinée à accueillir les dispositions relatives à la détention provisoire.

A l'article 3 (détention provisoire des personnes ayant commis plusieurs délits), la commission a adopté un amendement tendant à ne permettre le placement en détention provisoire des « réitérants » que lorsqu'une peine de trois ans d'emprisonnement est encourue. M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a estimé qu'il n'était pas possible d'être plus sévère avec des personnes déjà poursuivies mais pas condamnées qu'avec des personnes déjà condamnées.

Après l'article 3, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel modifiant les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale pour permettre une prolongation exceptionnelle par la chambre de l'instruction des durées maximales de détention provisoire. M. Jean-Jacques Hyest s'est déclaré en accord avec cette mesure tout en soulignant qu'il convenait avant tout de renforcer les moyens de la justice afin que les instructions durent moins longtemps.

A l'article 4 (placement en détention provisoire des parents d'enfants de moins de dix ans), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir que le parent d'un jeune enfant devrait en tout état de cause faire état de son statut lors de sa comparution devant le juge d'instruction, et à supprimer la notion de résidence habituelle destinée à disparaître à l'issue de l'examen du projet de loi relatif à l'autorité parentale.

Après l'article 4, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel complétant l'article 199 du code de procédure pénale pour prévoir que le président de la chambre de l'instruction peut refuser la comparution personnelle d'un détenu demandant sa mise en liberté qui a déjà comparu devant la chambre moins de quatre mois auparavant.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle destinée à accueillir une disposition relative à l'instruction.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel modifiant l'article 173-1 du code de procédure pénale pour prévoir une « purge » régulière des nullités de l'instruction.

Avant l'article 5, la commission a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle destinée à accueillir les dispositions relatives à la cour d'assises.

A l'article 5 (appel du parquet en cas d'acquittement), la commission a adopté un amendement tendant à réserver au procureur général la décision d'appel à l'encontre des arrêts d'acquittement. M. Pierre Fauchon a rappelé que, lors de la discussion de la loi sur la présomption d'innocence, le législateur n'avait pas entendu instaurer un véritable appel, mais une deuxième chance pour le condamné. Il a souligné qu'il conviendrait sans doute de revoir plus profondément la procédure criminelle et que le système actuel, dans lequel les cours d'assises ne jugeaient plus guère que des affaires de moeurs, était archaïque. Il a estimé que la précaution proposée par le rapporteur méritait d'être retenue.

M. Robert Badinter a souligné que le choix d'exclure tout appel du parquet en cas d'acquittement n'avait pas reposé sur des considérations juridiques. Il a approuvé le choix de prévoir un appel du parquet dans un tel cas, tout en estimant que le procureur général ne serait pas le mieux placé pour prendre cette décision.

Après l'article 5, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel modifiant l'article 308 du code de procédure pénale pour prévoir un enregistrement audiovisuel facultatif des débats d'assises, qui pourrait être utilisé en appel.

A l'article 5 bis (publicité du procès en assises), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir qu'un procès devant la cour d'assises des mineurs continuerait à se dérouler à huis clos dès lors que des accusés mineurs au moment des faits étaient toujours mineurs au moment du procès.

Avant l'article 5 ter, la commission a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle destinée à accueillir des dispositions diverses et de coordination.

A l'article 5 ter (publicité du procès en assises d'une personne mineure lors des faits, mais devenue majeure), la commission a adopté un amendement de coordination.

Après l'article 5 ter, la commission a adopté deux amendements tendant à insérer des articles additionnels modifiant les articles 144-2 et 729-3 du code de procédure pénale par coordination avec les modifications de l'article 145-5 du même code prévues dans l'article 4 de la proposition de loi.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel modifiant l'article 626-3 du code de procédure pénale pour prévoir que sept suppléants pourraient être désignés pour siéger au sein de la commission de réexamen des condamnations pénales.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Droit civil - Famille - Autorité parentale - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Laurent Béteille sur la proposition de loi n° 131 (2001-2002) adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en deuxième lecture, relative à l'autorité parentale.

M. Laurent Béteille, rapporteur, s'est félicité du fait que l'Assemblée nationale ait gardé une grande partie des nombreuses modifications que le Sénat avait apportées au texte en première lecture. Il s'est déclaré particulièrement satisfait de la suppression de certaines pétitions de principe posées dans le texte initial, notamment l'affirmation selon laquelle le divorce n'emportait aucun effet sur les droits et devoirs des parents à l'égard des enfants ou la disposition désignant l'enfant à la fois comme fondement et finalité de l'autorité parentale.

S'agissant de la résidence alternée, il a souligné que l'Assemblée nationale avait accepté le principe d'une période probatoire en cas de désaccord des parents, tout en rendant facultatif le dispositif que le Sénat avait prévu de manière obligatoire.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles.

A l'article 4 (principes généraux des modalités d'exercice de l'autorité parentale et intervention du juge aux affaires familiales), à l'article 373 du code civil, elle a supprimé la disposition selon laquelle un parent qui se serait rendu coupable d'un déplacement illicite de son enfant vers l'étranger se verrait automatiquement privé de l'exercice de l'autorité parentale. Le rapporteur a fait ressortir qu'une telle mesure rendrait plus difficile le retour des enfants et se retournerait contre des Français souhaitant rapatrier leurs enfants en France.

A l'article 373-2-8 du code civil, elle a supprimé, comme en première lecture, la disposition permettant au juge de rappeler à ses obligations un parent qui ne respecte pas les devoirs s'attachant à l'autorité parentale, estimant que cette disposition n'aurait pas d'effet pratique.

A l'article 373-2-9 du code civil, elle a supprimé la mention selon laquelle la résidence alternée pouvait être prise « sauf si l'intérêt de l'enfant s'y oppose » considérant que la mesure devait être prise dans l'intérêt de l'enfant, qui devait primer sur celui des parents.

Elle a en outre supprimé la limitation à six mois de la mesure provisoire de résidence alternée pouvant être prise par le juge.

A l'article 373-2-10 du code civil, elle a, comme en première lecture, supprimé la restriction sur la médiation en cas de violences familiales estimant qu'il ne revenait pas au législateur d'imposer de telles restrictions dans le code civil et qu'il convenait de laisser aux juges et aux médiateurs d'évaluer eux-mêmes la situation de chaque couple.

Elle a également supprimé le terme de médiateur familial agréé, estimant que cette notion ne recouvrait à l'heure actuelle aucune réalité. Elle a précisé, en revanche, que la médiation serait conduite par un médiateur familial pour marquer la spécificité de la médiation familiale. Elle a enfin supprimé la disposition prévoyant que le médiateur chargé de la séance d'informations assurerait, le cas échéant, la médiation.

A l'article 5 (exercice de l'autorité parentale par les parents séparés), elle a simplifié la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale s'agissant de la répartition des frais de déplacement entre les parents en cas de déménagement.

Elle a supprimé l'article 7 bis (déclaration des accidents du travail survenus à un mineur), soulignant que la disposition proposée était moins favorable que l'application du droit actuel.

Elle a également supprimé l'article 9 bis A (limitation des contestations de filiation légitime et naturelle), estimant que la question de l'équilibre à trouver entre une filiation raisonnée et une vérité biologique, désormais facile à établir, ne méritait pas d'être abordée incidemment à partir d'une disposition partielle, mais méritait un examen de fond à travers un projet de loi d'ensemble sur la filiation.

Mme Michèle André et M. Jean-Jacques Hyest ont souligné la grande complexité de la question. M. Robert Badinter a estimé que la question méritait un véritable débat, les progrès de la biologie rendant indispensable une refonte totale du droit de la filiation, comme l'avait fait ressortir le doyen Carbonnier.

A l'article 15 (application de la loi outre-mer), outre un amendement de coordination, elle a adopté un amendement étendant outre-mer la spécialisation des juridictions sur les questions relatives à l'enlèvement international d'enfants prévue par les articles 16 et 17 de la proposition de loi.

A l'article 16 (enlèvement international d'enfants - spécialisation des magistrats de cour d'appel), elle a étendu la spécialisation d'un conseiller de cour d'appel à l'ensemble des conventions et instruments communautaires relatifs à l'enlèvement international d'enfants et non seulement, comme le prévoyait le texte, à la convention de La Haye et elle a apporté la même modification à l'article 17 (enlèvement international d'enfants - spécialisation des tribunaux de grande instance).

M. Robert Badinter a annoncé son intention de déposer un amendement sur l'article 12 relatif à la sanction des clients des mineurs prostitués de 15 à 18 ans. Il a insisté sur le fait qu'il ne fallait pas perdre de vue que l'objectif premier était la lutte contre le proxénétisme.

M. René Garrec, président, a rappelé que lui-même avait attiré l'attention du ministre de la justice et du ministre délégué à la famille sur le fait qu'il ne fallait pas punir plus sévèrement les clients que les proxénètes.

M. Robert Badinter a rappelé que depuis la suppression du délit d'homosexualité en 1982, chacun pouvait avoir des relations sexuelles librement à partir de 15 ans et que la prostitution en France n'était pas un délit. Il a souligné que le texte adopté revenait à interdire la prostitution des mineurs de 15 à 18 ans sans s'inquiéter le moins du monde du sort de ces mineurs. Il a souhaité à cet égard que ces mineurs fassent systématiquement l'objet de mesures d'assistance éducative.

S'agissant de la hiérarchie des peines, il a considéré que les peines prévues pour les clients étaient trop importantes et qu'en revanche il faudrait criminaliser le proxénétisme à l'égard d'enfants de moins de 15 ans.

Il a estimé qu'il faudrait préciser si le mineur victime était susceptible de se porter partie civile contre son client, soulignant que ce fait ne pourrait manquer de favoriser des chantages, comme il avait pu s'en produire auparavant pour des affaires d'homosexualité.

M. Robert Badinter a considéré en conséquence qu'il fallait retravailler cette disposition adoptée à la hâte.

La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Jeudi 7 février 2002

- Présidence de M. René Garrec, président.

Justice - Présomption d'innocence et droits des victimes - Examen des amendements

La commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Pierre Schosteck, à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 194 (2001-2002) adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en première lecture, complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, et sur la proposition de loi n° 101 (2001-2002) de M. Hubert Haenel, aménageant la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Après l'article 5 ter, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 25 rectifié présenté par M. Jean-Louis Masson et plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale de faire usage de leur arme dans les mêmes conditions que les gendarmes.

M. Christian Cointat a rappelé que le Sénat avait adopté un amendement similaire lors de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, mais que cet amendement n'avait pas été retenu par la commission mixte paritaire. Il a rappelé que la délinquance connaissait une évolution préoccupante et qu'il convenait de donner aux forces de l'ordre des moyens appropriés pour y faire face. Il a estimé qu'il était injustifiable que les règles en matière d'usage des armes à feu ne soient pas les mêmes pour les policiers et pour les gendarmes.

M. Robert Badinter s'est déclaré très opposé au traitement d'une question aussi importante et lourde de conséquences par le biais d'un amendement à la proposition de loi en discussion.

Mme Nicole Borvo a estimé qu'il était hautement symbolique que l'on envisage de permettre aux policiers de faire plus facilement usage de leur arme dans un texte relatif à la présomption d'innocence. Elle a fait valoir que les règles actuelles constituaient aussi une garantie pour la police et que tous les policiers n'étaient pas favorables à une extension des possibilités d'user de leurs armes.

M. René Garrec, président, a estimé qu'un tel sujet valait mieux qu'une discussion rapide sur un amendement. Il a noté que l'existence de deux forces de police distinctes méritait peut-être de faire l'objet d'un examen approfondi afin de vérifier qu'elle était toujours justifiée. Il a observé qu'une discussion sur l'usage des armes devait s'inscrire dans une réflexion plus globale sur l'évolution de la police et de la gendarmerie.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a estimé qu'il n'existait guère de justification à la différence de traitement entre gendarmes et policiers en matière d'usage des armes à feu. Il a observé que si l'on avait confiance dans les forces de police, il convenait de leur donner les moyens d'intervenir dans de bonnes conditions. Il a toutefois noté que la proposition de loi en discussion n'était probablement pas le cadre approprié pour l'insertion d'un tel texte.

M. Jean-Pierre Sueur s'est déclaré choqué qu'un sujet aussi important puisse être discuté au détour d'un amendement à une proposition de loi sur la présomption d'innocence. Il a estimé qu'une telle question ne pouvait être résolue qu'après un travail de réflexion préalable et l'audition des représentants de la police et de la gendarmerie.