Table des matières


- Présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président.

PJLF pour 2001 - Crédits du ministère de la justice et règles applicables à la carrière des magistrats - Audition de Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les crédits de son ministère pour 2001 et sur le projet de loi organique n° 483 (1999-2000) modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats.

Mme Marylise Lebranchu
, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord souligné que le projet de budget du ministère de la justice pour 2001 prévoyait 1.550 créations de postes, un milliard de francs de crédits supplémentaires pour des mesures nouvelles, enfin 1,75 milliard de francs pour de nouveaux investissements. Elle a indiqué qu'en quatre ans, le ministère de la justice aurait créé 4.481 emplois et vu ses crédits progresser de 17,8 %.

Evoquant les services judiciaires, la ministre a fait valoir que le projet de budget prévoyait la création de 525 postes, dont 307 postes de magistrats judiciaires. Elle a indiqué que ces postes seraient, pour l'essentiel, affectés à la mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Elle a ainsi noté que 237 postes de magistrats et 135 postes de greffiers étaient prévus pour la mise en oeuvre de l'appel des arrêts des cours d'assises et la réforme de l'application des peines.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a observé que 350 millions de francs de crédits supplémentaires étaient également prévus pour l'application de la loi sur la présomption d'innocence, afin de financer l'aide juridique pour l'assistance des prévenus devant les cours d'assises et le juge de l'application des peines, l'intervention des avocats dès la première heure de garde à vue, enfin l'augmentation des frais de justice, notamment en ce qui concerne l'indemnisation des personnes abusivement détenues. Elle a souligné qu'il était inexact de prétendre que trois années seraient nécessaires pour pourvoir les postes créés et a rappelé que l'effectif des promotions de l'école nationale de la magistrature dépendait des postes ouverts aux concours. Elle a précisé que l'accélération des recrutements avait été engagée dès 1998, le nombre d'auditeurs par promotion étant passé de 140 à 185. Elle a ajouté que deux concours exceptionnels avaient été organisés, cent magistrats supplémentaires en 1999 et cent en 2000 étant arrivés dans les juridictions. Observant que les départs en retraite avaient été très peu nombreux au cours des dernières années, elle a ainsi constaté que les effectifs réels auraient augmenté de près de 600 magistrats entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2000.

La ministre a ensuite insisté sur l'effort budgétaire consenti en faveur de l'école nationale de la magistrature, précisant que les crédits de l'école avaient augmenté de 40 % en quatre ans. Elle a également indiqué que la réforme des carrières des magistrats mobiliserait une somme de 170 millions de francs en année pleine et qu'une provision de 40 millions de francs était prévue dans le projet de budget pour 2001. Elle a fait valoir que la revalorisation des carrières était nécessaire pour aligner les carrières des magistrats judiciaires sur celles des magistrats administratifs et financiers et pour accélérer des avancements bloqués pour un certain nombre de juges. Elle a également noté que cette réforme permettrait de donner une plus forte attractivité au corps judiciaire, au moment où il serait nécessaire de faire face à des départs à la retraite massifs.

A propos des crédits de l'administration pénitentiaire, la ministre a souligné que 530 créations d'emplois étaient prévues, dont 141 postes de personnels de surveillance créés pour renforcer les organigrammes, 215 emplois pour préparer l'ouverture des premiers établissements du programme 4000, enfin 112 emplois de personnels d'insertion et de probation pour assurer le suivi des détenus placés sous surveillance électronique ou faisant l'objet d'autres mesures alternatives à l'incarcération. Elle a, en outre, fait valoir qu'elle avait présenté à l'Assemblée nationale un amendement destiné à augmenter de 57,6 millions de francs les crédits indemnitaires, afin de financer le protocole d'accord signé avec les organisations syndicales en octobre dernier.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite indiqué que l'école nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) bénéficierait dès 2001 de la création de 15 emplois et d'une augmentation de son budget de 31 millions de francs. Elle a souligné que l'ENAP serait transformée en établissement public administratif à partir de janvier 2001 et que ce nouveau statut et des moyens renforcés lui permettraient de mieux assurer ses missions de formation et de faire face aux recrutements massifs engagés depuis deux ans. Elle a enfin précisé que l'effet de la mesure d'abaissement de l'âge de départ à la retraite des surveillants décidée en 1996 était désormais totalement résorbé.

La ministre a ensuite rappelé que le premier ministre avait annoncé le lancement d'un plan de rénovation pénitentiaire, notamment pour répondre aux critiques formulées par les rapports des commissions d'enquête parlementaire sur l'état du parc pénitentiaire. Elle a observé que la rénovation du parc immobilier était une condition indispensable de la réussite d'une réforme de la vie en détention et a estimé que le respect des droits de l'homme était obligatoire en tout lieu et notamment dans les établissements pénitentiaires. Elle a enfin noté que le nouveau programme de rénovation pénitentiaire s'inscrirait sur une durée de six ans et mobiliserait 10 milliards de francs sur cette période, une somme d'un milliard de francs étant inscrite dans le projet de loi de finances pour 2001.

A propos de la protection judiciaire de la jeunesse, la ministre a fait valoir que l'augmentation de la délinquance juvénile était un drame prégnant et que son traitement était une des priorités du Gouvernement. Elle a précisé que le projet de loi de finances prévoyait la création de 380 postes comme en 2000 et que les crédits de fonctionnement du secteur public augmenteraient de 8,5 % tandis que ceux du secteur associatif habilité augmenteraient de 10,3 %. Elle a également noté que le rythme d'ouverture des centres de placement immédiat et des centres éducatifs renforcés s'était fortement accéléré. Elle a indiqué que cette politique avait permis une meilleure prise en charge des mesures de réparation ordonnées par le juge, le nombre de ces mesures ayant dépassé 10.000 en 1999 et devant atteindre 12.000 en 2000.

Concluant son propos, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a souhaité évoquer la question de l'aide juridictionnelle. Elle s'est déclarée favorable à une remise à plat du système actuel. Elle a précisé qu'un groupe de réflexion lui ferait des propositions avant l'été 2001 et qu'elle recevrait l'ensemble des organisations professionnelles d'avocats afin d'examiner des propositions pour des mesures d'urgence. Elle a enfin noté que dans le projet de budget 2001, la priorité avait été donnée à la revalorisation des seuils d'admission à l'aide juridictionnelle.

Après avoir salué les efforts entrepris depuis plusieurs années pour améliorer le budget de la justice, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis sur les crédits des services généraux du ministère de la justice, a constaté que les besoins restaient néanmoins très importants au regard des moyens disponibles.

Elle a demandé au garde des sceaux si la mise en application de la loi sur la présomption d'innocence ne risquait donc pas de s'effectuer au détriment de la poursuite des efforts entrepris en vue de réduire les délais de jugement et de résorber les stocks d'affaires en attente, eu égard notamment aux délais de recrutement et de formation des nouveaux magistrats appelés à occuper les emplois créés.

Elle a par ailleurs souhaité obtenir des précisions sur les intentions du Gouvernement s'agissant de la réforme de l'aide juridictionnelle, tant en ce qui concerne les mesures d'urgence que la perspective d'une refonte globale du système.

Enfin, elle a interrogé le garde des sceaux sur les moyens prévus pour la mise en place de la réforme des tribunaux de commerce, ainsi que sur l'avancement du projet de construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris.

En réponse au rapporteur pour avis, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord précisé que les créations d'emplois nécessaires à la mise en oeuvre du projet de loi initial du Gouvernement sur la présomption d'innocence avaient été anticipées depuis deux exercices budgétaires, mais qu'en revanche les moyens nécessaires à l'application des réformes nouvelles résultant d'amendements parlementaires, telles que la possibilité d'appel des décisions des cours d'assises ou la juridictionnalisation de l'application des peines, n'avaient pu être programmés à l'avance. Elle a admis que quelques difficultés locales étaient susceptibles de survenir entre le 1er janvier 2001 et l'été prochain, tout en soulignant que la création anticipée des emplois de magistrats nécessaires à la mise en place de la réforme des tribunaux de commerce permettrait de disposer d'un " volant " de magistrats disponibles jusqu'à l'adoption de cette réforme par le Parlement, que le taux de vacances d'emplois était actuellement particulièrement faible -soit une cinquantaine d'emplois vacants seulement- et les départs en retraite peu nombreux.

Après avoir indiqué qu'elle avait chargé un conseiller au sein de son cabinet de s'occuper tout particulièrement des problèmes liés à l'application de la loi sur la présomption d'innocence et qu'elle avait également demandé à l'inspection générale des services judiciaires de réfléchir sur ce sujet, elle a par ailleurs estimé que les résultats obtenus en matière de délais de jugement et de nombre d'affaires terminées faisaient apparaître une relative amélioration au cours des années récentes, ce qui montrait les performances réalisées par les magistrats et les fonctionnaires de justice.

S'agissant de l'aide juridictionnelle, elle a estimé qu'une réforme globale ne pouvait être mise en place dans l'urgence dans la mesure où une étude approfondie apparaissait nécessaire pour remédier aux distorsions actuelles de la situation des différents barreaux suivant la nature des affaires et les populations concernées. Elle a précisé qu'elle avait mis en place un groupe de travail ad hoc pour effectuer cette étude et procéder à une concertation approfondie, dont les résultats devraient être disponibles pour la préparation du projet de loi de finances pour 2002. Elle a considéré que les modalités de l'indemnisation des avocats au titre de l'aide juridictionnelle devraient être revues, afin notamment de prendre en compte leurs frais de déplacement, mais qu'il conviendrait également de réfléchir à la mise en place d'un système de protection juridique s'adressant aux justiciables dont les revenus dépassent les plafonds fixés pour l'accès à l'aide juridictionnelle mais qui n'ont pas forcément pour autant les moyens nécessaires à la rétribution d'un avocat.

Enfin, à propos du projet de construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris, le garde des sceaux a indiqué qu'un marché d'études foncières avait été lancé en juillet dernier et que les résultats relatifs à la faisabilité du projet seraient connus au début de l'année prochaine.

M. Georges Othily, rapporteur pour avis sur les crédits de l'administration pénitentiaire, a souhaité savoir si le programme de rénovation annoncé par le premier ministre prévoyait des constructions d'établissements autres que celles déjà annoncées par le Gouvernement. Il a demandé si un tel programme n'aurait pas mérité l'adoption d'une loi de programme et quand les parlementaires seraient informés du contenu précis de ce plan de rénovation.

Le rapporteur pour avis a interrogé la ministre sur le calendrier d'adoption de la future loi pénitentiaire ; il a souhaité savoir si celle-ci pourrait être adoptée avant la fin de la législature. Il a également demandé quel sort le Gouvernement entendait réserver aux propositions de la commission d'enquête du Sénat sur les établissements pénitentiaires. Il a enfin souhaité connaître l'état d'avancement de l'expérimentation du placement sous surveillance électronique, et en particulier le nombre effectif de bracelets posés sur des condamnés.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord noté que les dix milliards de francs prévus pour le nouveau programme de rénovation n'incluaient aucune des mesures annoncées précédemment. Elle a souligné qu'il s'agissait d'entreprendre la rénovation de 130 petits et moyens établissements, certains pouvant être réhabilités, d'autres devant être reconstruits. Elle a estimé qu'il conviendrait de veiller à ne pas construire de nouveaux établissements en pleine campagne, afin d'éviter d'infliger aux familles une peine supplémentaire en leur imposant de longs trajets. Elle a indiqué qu'un établissement public serait créé pour mener à bien le programme de rénovation et qu'un conseil d'orientation et un groupe de suivi comportant des parlementaires seraient mis en place. Elle a estimé que la présentation d'une loi de programme alourdirait la démarche envisagée par le Gouvernement.

A propos de la future loi pénitentiaire, la ministre a fait valoir que son objectif était de déposer un projet de loi en juillet 2001 afin que celui-ci puisse être discuté par les assemblées à l'automne. Concernant le placement sous surveillance électronique, elle a indiqué que quatre sites expérimentaux avaient été retenus et qu'une dizaine de propositions avaient d'ores et déjà été formulées, quelques unes s'étant heurtées à un refus des détenus ou de leur famille. Elle a indiqué que deux ou trois personnes en portaient actuellement. Elle a estimé qu'il convenait de veiller à ce que cette mesure ne s'applique pas uniquement aux détenus socialement les plus favorisés.

Evoquant les propositions de la commission d'enquête du Sénat, elle a indiqué que la proposition consistant à transférer dans les centres de détention les personnes condamnées à de très courtes peines était intéressante, mais qu'elle se heurtait pour l'instant à l'encombrement de ces centres de détention, dans lesquels est strictement appliqué le principe de l'encellulement individuel.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, a demandé quelles mesures avaient été prises pour renforcer la cohérence de l'action de la police, de la justice et de la protection judiciaire de la jeunesse en matière de lutte contre la délinquance juvénile. Il a également souhaité connaître le bilan du fonctionnement des cellules justice-ville. Il s'est demandé si les magistrats étaient suffisamment informés sur le nombre de places disponibles dans les centres de placement immédiat ou dans les centres éducatifs renforcés, observant que certains magistrats étaient conduits à remettre en liberté immédiate des adolescents interpellés, ce qui ne manquait pas de provoquer des réactions d'incompréhension de la population.

Le rapporteur pour avis a également souligné que la plupart des mineurs incarcérés l'étaient en détention provisoire. Il a souhaité connaître les mesures envisagées pour mettre fin à cette situation. Il a enfin souhaité savoir quel serait l'avenir des emplois-jeunes dans la protection judiciaire de la jeunesse et la nature des emplois actuellement occupés par ces jeunes.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord noté que le phénomène de la délinquance juvénile tendait à s'étendre sur l'ensemble du territoire, singulièrement dans des quartiers conçus à l'origine pour la production industrielle de masse. Elle a ensuite précisé que des groupes de travail associant police et justice avaient permis une meilleure connaissance entre elles des personnes luttant sur le terrain contre la délinquance juvénile. Elle a également fait valoir que le signalement des mineurs délinquants s'était fortement amélioré.

La ministre a indiqué que les cellules justice-ville tendaient à se généraliser et que les 40 cellules existantes avaient constitué un progrès appréciable. Elle a également souhaité la mise en place de cellules de coordination départementale. A propos des places d'accueil des mineurs délinquants, elle a rappelé qu'une circulaire de juillet 1999 prévoyait qu'un bilan des places disponibles devait être dressé chaque jour et communiqué aux magistrats. Elle a noté que, dans certains cas, il n'existait pas de place dans le département concerné, mais que des places étaient disponibles à quelques kilomètres, dans un autre département. Elle en a déduit qu'une certaine souplesse pourrait permettre d'accueillir davantage de mineurs délinquants.

Evoquant les mineurs placés en détention provisoire, la ministre a précisé que sur 606 mineurs incarcérés au 1er octobre 2000, 443 étaient des prévenus et 163 des condamnés. Elle a indiqué qu'il convenait d'éviter au maximum l'incarcération des mineurs, mais qu'il convenait également d'éviter de renvoyer immédiatement chez lui un mineur interpellé pour des faits parfois graves. A propos des emplois-jeunes, la ministre a indiqué que les personnes concernées exerçaient notamment des fonctions d'animateurs sportifs, d'animateurs scolaires ou d'animateurs à la sécurité. Elle a précisé que ces personnes bénéficiaient d'un contrat de droit public d'une durée de cinq ans. Elle a fait valoir que les jeunes concernés pouvaient, pour beaucoup d'entre eux, envisager d'autres perspectives dans la fonction publique en passant des concours.

M. Yves Fréville s'est interrogé sur la capacité des services du ministère de la justice à mettre en oeuvre l'important programme d'investissement concernant tant les services judiciaires que l'administration pénitentiaire. Il a en effet souligné l'inquiétante baisse du taux de consommation des crédits d'investissement du ministère de la justice, observant que ce taux pourrait n'être que de 40 % cette année pour l'ensemble du ministère et de 10 % seulement pour le programme de construction des nouveaux établissements pénitentiaires. Relevant que le retard pris dans la consommation des crédits entraînait des reports croissants d'année en année, il s'est demandé comment le ministère de la justice parviendrait à mettre en oeuvre le programme d'investissement de 10 milliards de francs annoncé dans le domaine pénitentiaire.

Tout en reconnaissant la réalité de ce retard de consommation des crédits d'investissement, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a expliqué cette situation par les délais nécessaires aux études préparatoires, au lancement des appels d'offres et à la réalisation des travaux. Soulignant qu'il était nécessaire d'avoir des autorisations de programme budgétaires pour lancer les études préparatoires, elle a justifié le choix d'importantes provisions en crédits de paiement par la volonté de disposer de fonds nécessaires. Elle a par ailleurs estimé que la création de l'établissement public prévu dans le domaine pénitentiaire permettrait d'accélérer les procédures d'appels d'offres.

Relayant les préoccupations de M. Christian Bonnet, M. René Garrec a souligné que le budget de la justice, quoiqu'en amélioration, restait très insuffisant par rapport aux besoins, rappelant à cet égard les réflexions formulées par la mission d'information sur les moyens de la justice constituée par la commission des lois du Sénat en 1996 dans un rapport intitulé " Quels moyens pour quelle justice ? ". Il a considéré, d'une part, que la progression des crédits prévue pour l'année prochaine risquait d'être complètement absorbée par la mise en oeuvre des réformes nouvelles et, d'autre part, que la part du budget de la justice dans le budget de l'Etat restait très faible, en comparaison, par exemple, du coût particulièrement élevé de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a alors de nouveau mis l'accent sur l'accroissement de 3,5 % du budget de la justice en 2001, taux parmi les plus élevés de ceux enregistrés au cours des dernières années, ainsi que sur les très nombreuses créations d'emplois de magistrats et de fonctionnaires. Admettant que des difficultés ponctuelles pourraient néanmoins survenir entre janvier et mars prochains, avant que des magistrats ne puissent être affectés sur les postes créés, le garde des sceaux a précisé qu'une étude était en cours de réalisation afin de localiser les juridictions dont la situation appelait des mesures d'urgence en vue d'une meilleure mutualisation des moyens.

M. Guy Cabanel s'est félicité du démarrage des expérimentations relatives au placement sous surveillance électronique dans quatre centres, tout en regrettant cependant le nombre encore très limité de bracelets mis en place. Il a souhaité que ces expérimentations puissent être menées à bien avec des moyens suffisants, s'agissant tant des juges de l'application des peines que des personnels d'insertion et de probation et que, d'une manière générale, le recours aux différents substituts à l'incarcération soit développé.

Après avoir rappelé les travaux menés, sur son rapport, par la commission d'enquête du Sénat sur les établissements pénitentiaires, M. Guy Cabanel a jugé très intéressant le plan récemment présenté par le Premier ministre, marquant notamment son intérêt pour la création d'un établissement public s'inspirant de l'agence pénitentiaire proposée par la commission d'enquête, ainsi que pour le projet de grande loi pénitentiaire dont il a souhaité une présentation rapide.

Il s'est par ailleurs prononcé en faveur du principe de l'encellulement individuel, considérant qu'il n'était pas opportun de prévoir de dérogation à ce principe en faveur des détenus dépressifs et qu'il était préférable de développer les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) pour aider ces détenus et prévenir les tentatives de suicide.

A propos des expérimentations relatives au placement sous surveillance électronique, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé qu'il fallait faire confiance au juge de l'application des peines pour la sélection des détenus susceptibles d'en bénéficier, précisant que l'administration pénitentiaire avait déjà enregistré des exemples de refus de la part de certains détenus. Elle a par ailleurs indiqué que des formations spécialisées avaient été mises en place en faveur des personnels appelés à s'occuper des détenus placés sous surveillance électronique.

Elle a souligné que l'étude approfondie des rapports des commissions d'enquête parlementaires sur les établissements pénitentiaires déposés au mois de juillet dernier avait permis d'aboutir au plan récemment arbitré par le Premier ministre.

Par ailleurs, elle a approuvé le principe de l'encellulement individuel, mais a considéré que la présence d'un codétenu pouvait permettre d'améliorer la situation d'un détenu ne supportant pas la solitude.

Après s'être félicité que le nouveau garde des sceaux place son action sous le signe de la continuité, M. Robert Bret l'a interrogé sur ses intentions concernant respectivement la réforme du droit de la famille, la revalorisation de la rémunération des avocats au titre de l'aide juridictionnelle et la mise en place de l'assistance des détenus par un avocat au prétoire.

S'agissant des perspectives de réforme du droit de la famille, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé qu'un document de travail venait d'être mis au point et que l'objectif poursuivi était de parvenir au dépôt d'un projet de loi dans le courant du premier semestre 2001.

Après avoir relevé que même un doublement de l'unité de valeur de référence ne permettrait pas de régler de manière satisfaisante le problème de l'insuffisante rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle, elle a considéré qu'il conviendrait plutôt de remédier aux inégalités du nombre moyen d'unités de valeur par dossier selon les barreaux.

Elle a en outre indiqué que la faculté désormais accordée à un détenu de se faire assister par un avocat lors de son passage devant la commission de discipline était entrée en application depuis le 1er novembre.

Après avoir salué la progression substantielle du budget de la justice obtenue par Mme Elisabeth Guigou, précédent garde des sceaux, M. Robert Badinter s'est félicité du plan récemment présenté par le Premier ministre concernant l'administration pénitentiaire.

Il a cependant appelé l'attention du nouveau garde des sceaux sur les problèmes posés par la prise en charge sanitaire d'une population pénale dont la composition s'est profondément modifiée au cours des vingt dernières années du fait de l'accroissement du nombre de détenus toxicomanes, psychotiques ou âgés, ainsi que par la situation des détenus en longue peine, compte tenu de la politique actuellement très restrictive en matière de grâce ou de libération conditionnelle.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné l'importance de l'espoir d'une libération pour les détenus en longue peine et a espéré que la juridictionnalisation de l'application des peines permette d'améliorer leur aménagement.

Au sujet de la prise en charge sanitaire des détenus, elle a estimé que la difficulté principale concernait la psychiatrie, en raison notamment de l'insuffisance du nombre de psychiatres dans le secteur public. Elle a considéré qu'il conviendrait de mettre au point une formation d'infirmier psychiatrique spécialisé en liaison avec l'école nationale d'administration pénitentiaire (ENAP).

M. Patrice Gélard s'est inquiété des moyens alloués au tribunal administratif pour faire face à leurs nouvelles charges de travail.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que les quatre-vingt-dix créations de postes inscrites au budget permettraient de répondre aux besoins, précisant par ailleurs qu'aucune création de juridiction administrative nouvelle n'était prévue.

Puis le garde des sceaux a brièvement présenté l'économie du projet de loi organique relatif aux carrières des magistrats.

Après avoir rappelé la complexité actuelle de la structure hiérarchique du corps des magistrats judiciaires, elle a relevé les difficultés actuellement constatées dans le déroulement des carrières du fait du blocage de l'avancement, plus d'un millier de magistrats étant inscrits au tableau d'avancement pour 2000.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le projet de loi organique tendait à remédier à cette situation par une restructuration du corps destinée à permettre une revalorisation du déroulement de la carrière des magistrats judiciaires, qui serait désormais équivalente à celles correspondant au même niveau de responsabilités dans d'autres secteurs. Elle a en outre expliqué que le projet de loi organique avait également pour objet d'instituer de nouvelles règles statutaires de mobilité conditionnant l'avancement des magistrats.

S'exprimant en sa qualité de rapporteur de ce projet de loi organique, M. Pierre Fauchon, vice-président, a approuvé la revalorisation des rémunérations des magistrats judiciaires et leur alignement avec celles des magistrats administratifs ou financiers. Regrettant néanmoins que la réforme bénéficie essentiellement aux magistrats des niveaux hiérarchiques les plus élevés, il s'est demandé si l'on n'aurait pas plutôt pu imaginer une revalorisation substantielle des primes destinées à compenser les sujétions particulières imposées à certains magistrats.

Il s'est en outre interrogé sur la priorité accordée par le Gouvernement à la revalorisation des carrières des magistrats dans un contexte budgétaire demeurant marqué par l'insuffisance des crédits disponibles au regard des besoins constatés.

Enfin, il a demandé au garde des sceaux pourquoi les dispositions envisagées dans le cadre d'un avant-projet de loi relatif au statut des magistrats afin d'améliorer le fonctionnement de leur régime disciplinaire avaient été abandonnées.

En réponse, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a considéré que ces dispositions étaient liées à la réforme inachevée du Conseil supérieur de la magistrature.

Elle a par ailleurs précisé que des négociations avaient été engagées avec les organisations syndicales représentant les magistrats en vue d'une revalorisation des indemnités allouées en compensation des astreintes et des permanences qui leur sont imposées.

M. Robert Bret a souhaité savoir si la perspective d'une intégration des assistants de justice dans le corps des magistrats était envisagée, en liaison avec le projet de loi relatif à la précarité dans la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a alors précisé qu'il n'était pas question de les intégrer dans la fonction publique, dans la mesure où ces emplois étaient occupés par des étudiants en cours d'études, dont le statut actuel donnait toute satisfaction.

PJLF 2001 - Crédits du ministère de la fonction publique et résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique - Audition de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur les crédits de son ministère pour 2001 et sur le projet de loi n° 20 (2000-2001) relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

M. Pierre Fauchon, vice-président, a tout d'abord salué la présence de M. Louis Souvet, rapporteur des deux lois sur la réduction du temps de travail dans le secteur privé pour la commission des affaires sociales et membre du conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a souligné que le projet de loi était déposé en premier lieu au Sénat et que l'urgence avait été déclarée afin de prendre le relais du dispositif issu de la loi Perben, expirant le 16 décembre 2000.

Il a exposé les crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2001.

Si les rémunérations des fonctionnaires représentent 42 à 45 % du budget de l'Etat, il a souligné que son ministère n'était doté que de 1,422 milliard de francs, en augmentation de 8 %. En particulier, il a annoncé que les crédits interministériels accompagneraient les politiques de chacun des ministères, et que le fonds pour la réforme de l'Etat, abondé à hauteur de 109 millions de francs, serait en partie géré au niveau déconcentré par les préfets. Il a insisté sur les systèmes d'information territoriaux permettant aux services de l'Etat d'échanger des informations et de travailler ensemble sur un même dossier, souhaitant que ces systèmes soient ouverts aux collectivités territoriales. Il a noté que le fonds pour la réforme de l'Etat appuyait aussi les opérations d'initiative locale, en premier lieu les maisons des services publics.

Il a conclu que les sommes modiques allouées à son ministère correspondaient bien à sa mission d'impulsion.

M. Daniel Hoeffel a demandé si l'implantation de l'Ecole nationale d'administration sur deux sites était une expérience positive.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a répondu que l'implantation à Strasbourg était approuvée par les élèves et que la double implantation, offrant une proximité avec les centres de pouvoir et le corps enseignant, devait être maintenue. Il a toutefois reconnu que les déménagements successifs posaient des difficultés aux lauréats du concours interne. Il a ajouté que la réforme de l'Etat ne passait pas forcément par une réforme de l'ENA et que le nombre actuel de candidats au concours était égal à celui de 1973, la seule période spécifique étant celle de 1993-1998 pendant laquelle le nombre de candidats avait fortement augmenté en raison du chômage des jeunes diplômés. Il a noté que dans les quinze années à venir le rythme de recrutement devrait doubler afin de tenir compte des départs à la retraite des fonctionnaires, ce qui obligerait à améliorer l'attractivité des postes publics en termes de salaires, de responsabilité et de mobilité.

M. Jacques Mahéas a souligné l'important effort du ministère de la fonction publique en matière de gestion prévisionnelle des emplois. Il a estimé que la priorité devait être donnée au remplacement des 40 % de fonctionnaires partant à la retraite dans les dix années à venir et s'est demandé quels moyens financiers accompagnaient la gestion prévisionnelle des emplois.

Il a ensuite interrogé le ministre sur la politique sociale en direction des fonctionnaires, notamment le budget des aides ménagères.

Enfin, il a demandé quel était l'état d'avancement du portail internet du ministère et si les collectivités locales pouvaient l'utiliser.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a répondu que les demandes d'aides ménagères ne progressaient pas et que les crédits étaient donc réattribués aux crèches.

Il a fait part de la création de l'observatoire de l'emploi public, chargé d'élaborer des statistiques exactes, notamment sur les effectifs de la fonction publique de l'Etat, et de donner une vision prospective de la gestion prévisionnelle des emplois. Il a ajouté que la direction générale de l'administration et de la fonction publique avait créé deux cellules, l'une pour la mise en place des 35 heures dans la fonction publique de l'Etat, l'autre pour coordonner les initiatives de gestion prévisionnelle des emplois menées par chaque ministère. Il a souhaité que les ministères passent d'une vision annuelle à une vision pluriannuelle de leurs besoins.

Enfin, il a noté que le portail internet " servicepublic.fr ", mis en place récemment, offrait une ouverture sur tous les sites publics, y compris ceux des collectivités locales et certains sites européens.

Mme Dinah Derycke a interrogé le ministre sur les suites données d'une part au rapport Colmou sur l'égalité entre hommes et femmes dans la haute fonction publique, d'autre part à la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Elle a noté que les recrutements tendant à remplacer les départs à la retraite constituaient une occasion à saisir pour affirmer la place des femmes dans les corps de la fonction publique où elles étaient sous-représentées.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a répondu que la fonction publique de l'Etat, hors militaires, comptait 56 % de femmes mais que seuls 13 % des emplois de direction au niveau central et 7 % de ces emplois au niveau déconcentré étaient occupés par des femmes. Il a annoncé qu'il venait d'installer pour une durée de cinq ans un comité de suivi présidé par M. Anicet Le Pors, chargé de remettre un rapport en juin 2001 sur les suites à donner au rapport Colmou.

Puis M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a présenté le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Sur le titre premier, relatif à la résorption de la précarité, il a noté que le dispositif était classique, dans la mesure où il s'inspirait de la loi Perben du 16 décembre 1996, mais que les conditions en étaient plus souples puisqu'elles incluaient de nombreux corps de catégorie B et quelques uns de catégorie A.

Sur le titre II, proposant un dispositif pérenne pour éviter la reconstitution de l'emploi précaire, il a noté le bilan insuffisant de la loi Perben, celle-ci devant conduire à titulariser 54.000 agents (37.000 agents étant déjà titularisés à ce titre dans les services de l'Etat, 10.000 dans les collectivités locales et 3.700 dans les hôpitaux). Il a mis en évidence que la fonction publique ne comptait pas 54.000 personnes en situation précaire en moins puisque la précarité s'était reconstituée au fur et à mesure des titularisations, au point que le niveau actuel des contractuels était égal à celui de 1996.

Il a souhaité que la gestion prévisionnelle des emplois proposée pour les fonctions publiques de l'Etat et territoriale conduise à mieux prévoir les besoins pour y pourvoir dans les conditions statutaires.

Il a remarqué que la simplification des procédures de concours et la déconcentration de leur organisation, prévues par le protocole d'accord du 10 juillet 2000, relevaient en grande partie du pouvoir réglementaire et s'est félicité de l'accord des organisations syndicales de l'éducation nationale en faveur de la déconcentration.

Il a ajouté que les concours de catégorie C de la fonction publique de l'Etat seraient accessibles sans concours, à l'image de ce que la loi Hoeffel du 27 décembre 1994 avait prévu dans la fonction publique territoriale.

Enfin, il a noté que le projet de loi tendait à supprimer le recrutement d'agents non titulaires pour des emplois à temps non complet sur des postes permanents dans les communes de moins de 2.000 habitants et leurs groupements.

Sur le titre III, relatif aux 35 heures dans la fonction publique territoriale, il a fait part de l'objectif d'homogénéité de la fonction publique, seule la loi pouvant créer un élan commun à l'ensemble des collectivités territoriales.

Il a noté que 40 % des fonctionnaires territoriaux travaillaient déjà 35 heures hebdomadaires, notamment dans la moitié des communes de plus de 10.000 habitants et dans 700 collectivités importantes. Il a estimé que si la réduction et l'aménagement du temps de travail étaient nouveaux pour l'Etat, ils ne l'étaient pas pour les collectivités territoriales. Il a souligné l'inventivité dont avaient fait preuve les collectivités territoriales en matière de réorganisation des services et de réponse aux besoins des usagers.

Il a souhaité que l'ensemble des administrations, comme toutes les entreprises privées, passent aux 35 heures au 1er janvier 2002, ajoutant qu'il serait anormal qu'une partie du salariat français soit exclue de ce dispositif.

Enfin, il a noté que malgré la mise en place d'un dispositif national, une grande souplesse était prévue dans l'application, dans les termes fixés par les décrets d'application.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a noté que beaucoup d'orientations du projet de loi correspondaient à une nécessité.

Il a regretté que le nombre de bénéficiaires du dispositif de résorption de l'emploi précaire et leur profil ne soient pas connus et il s'est demandé s'il était satisfaisant de légiférer sans connaître précisément le nombre de personnes visées alors que l'impact sur les finances publiques n'était pas négligeable.

Il a noté que les communes de moins de 2.000 habitants représentaient 32.000 des 36.700 communes de France. Dans ces conditions, il s'est interrogé sur l'opportunité de supprimer la possibilité pour celles-ci de recruter des agents contractuels sur des emplois permanents à temps non complet. Il a estimé que le contexte de développement de l'intercommunalité nécessitait de créer un climat de confiance et de préserver la souplesse de gestion des personnels dans les petites communes.

Il a interrogé le ministre sur les suites qu'il entendait donner au rapport du Conseil d'Etat proposant l'assouplissement du cumul d'activités publiques et privées, en particulier pour les agents exerçant leurs fonctions à temps non complet. Il a demandé quel pourrait être le calendrier d'une réforme législative.

Il a mis en évidence que le projet de loi renvoyait purement et simplement au pouvoir réglementaire les mesures d'aménagement et de réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale et jugé peu satisfaisant que le principe de parité entre les fonctions publiques, de niveau législatif, l'emporte sur le principe constitutionnel selon lequel la loi détermine les règles concernant la libre administration des collectivités locales.

Il a demandé au ministre si le passage aux 35 heures par décret était conforme à ce principe et quelle marge d'appréciation serait laissée aux collectivités territoriales.

Enfin, il a noté que le Gouvernement envisageait de mettre en oeuvre la réforme des marchés publics par la voie réglementaire. Il a interrogé le ministre sur ce changement de procédure et sur sa conformité avec les règles constitutionnelles régissant le partage entre la loi et le règlement.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a répondu que la réforme des marchés publics envisagée tendant à aménager les seuils et à passer du franc à l'euro était de nature réglementaire.

Sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, il a mis en évidence l'intérêt d'une disposition législative tendant à éviter les disparités entre collectivités territoriales qui entravaient actuellement la mobilité des agents.

Il a souligné les difficultés de recenser les bénéficiaires potentiels du plan de résorption de l'emploi précaire, ceux-ci étant rémunérés sur des crédits variés. Il a souhaité la transformation des crédits de rémunérations des vacataires en emplois budgétaires.

S'agissant du recrutement contractuel à temps non complet sur des emplois permanents dans les communes de moins de 2.000 habitants et leurs groupements, il a justifié sa suppression par les assouplissements introduits par la loi Hoeffel du 27 décembre 1994, en particulier le recrutement sans concours dans la catégorie C, à temps plein comme à temps non complet.

S'agissant du cumul d'activités publiques et privées, il a noté que le Conseil d'Etat proposait de ne plus soumettre à l'interdiction du cumul les agents travaillant à temps non complet pour une durée inférieure au mi-temps. Cette mesure lui a paru utile en attirant l'attention sur la faiblesse de la rémunération de ces agents. En tout état de cause, il a estimé qu'une telle mesure ne pourrait intervenir avant 2002.

Rapporteur des deux lois sur les 35 heures dans le secteur privé pour la commission des affaires sociales, M. Louis Souvet a constaté une disproportion entre les débats importants qu'avaient suscité ces deux lois au Sénat et la procédure réglementaire adoptée par le Gouvernement pour la fonction publique de l'Etat.

S'agissant de la fonction publique hospitalière, il s'est demandé comment le passage aux 35 heures pourrait être concilié avec le manque chronique d'infirmières dans les hôpitaux.

S'agissant de la fonction publique territoriale, il s'est demandé comment rendre un meilleur service en 35 heures plutôt qu'en 39, comment prendre en compte les us et coutumes développés dans chaque collectivité et comment passer aux 35 heures sans augmenter les effectifs ni les impôts locaux.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a insisté sur la richesse des expériences déjà mises en oeuvre dans les collectivités locales et a souhaité que celles-ci fassent l'objet d'échanges entre les exécutifs locaux d'une part, entre les services de l'Etat et les collectivités locales d'autre part.

Il a remarqué que le projet de décret relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale s'inspirait très largement des dispositions applicables aux services de l'Etat, en particulier la fixation du temps de travail effectif à 1.600 heures par an.

Concernant la méthode, il a souhaité que chaque collectivité établisse au préalable un état des lieux, tenant compte des situations acquises, afin de connaître le temps de travail effectif des agents.

Il a ajouté que le projet de décret permettait la prise en compte de sujétions particulières et organisait des cycles de travail.

En conclusion, il a estimé que le bon équilibre avait été atteint entre la loi et le règlement et que le caractère laconique de l'article 15 du projet de loi permettait une grande souplesse d'application dans les collectivités locales.

M. Louis Souvet a attiré l'attention du ministre sur la situation des personnes titulaires d'un doctorat et employées sur des contrats emplois-jeunes dans des universités.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a répondu qu'il était envisageable d'aider les emplois-jeunes à présenter les concours de la fonction publique mais que des concours réservés ne leur seraient pas ouverts, contrairement à la solution envisagée dans la police nationale.

Il a souhaité que les cinq années d'expérience professionnelle des emplois-jeunes puissent être prises en compte. Il a ajouté que la question de la pérennisation des emplois-jeunes faisait l'objet de discussions au sein du Gouvernement et que celui-ci semblait s'orienter vers un dispositif de financement par l'Etat renouvelé mais dégressif.

M. Jean-Claude Peyronnet a souhaité que les emplois-jeunes soient incités à entrer dans le secteur privé ou à passer les concours de droit commun dans la fonction publique. Il a estimé que les emplois devaient être pérennisés mais pas les personnes sur ces postes.

S'agissant des 35 heures, il a insisté sur la comparabilité nécessaire entre les services de l'Etat et ceux des collectivités locales, notamment dans les cas où les agents seraient amenés à travailler ensemble, en particulier dans les services de l'équipement.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a indiqué qu'un " guide pour l'action " était disponible, permettant de faciliter l'organisation du passage aux 35 heures dans les ministères, et pouvant inspirer les collectivités locales, amenées à utiliser les mêmes références.

Il a ajouté que le souci de comparabilité valait aussi entre services de l'Etat, par exemple entre les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture.

M. Jacques Mahéas s'est déclaré satisfait par les dispositions du projet de loi relatives à la résorption de l'emploi précaire. Il a toutefois noté qu'aucune mesure obligatoire n'était prévue à l'égard des collectivités locales alors que celles-ci n'avaient pas appliqué la loi Perben.

Il a attiré l'attention sur le fait que certaines collectivités étaient amenées à financer la formation des lauréats aux concours, alors que ceux-ci choisissaient parfois de partir pour une autre collectivité, condamnant la première à renouveler les contrats de ses agents en situation précaire.

M. Yves Fréville a demandé pourquoi les administrateurs territoriaux ne bénéficieraient pas du plan de résorption de l'emploi précaire.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a répondu que le principe du projet de loi consistait à créer une obligation pour les services de l'Etat mais une simple faculté pour les collectivités locales en matière de résorption de l'emploi précaire. Il a ajouté que les préfets chargés du contrôle de légalité devaient veiller à ce que les collectivités n'embauchent pas de contractuels dans les cas où le statut obligeait à recourir à un titulaire.

Il a rappelé que, parmi les contractuels actuellement en poste, beaucoup n'auraient pas dû être embauchés comme tels, ce qui justifiait une mesure de régularisation.

S'agissant du corps des administrateurs territoriaux, il a noté que celui-ci n'était pas éligible dans la mesure où les concours de droit commun avaient été organisés à intervalles réguliers. Il a ajouté que la loi Perben était encore plus restrictive puisqu'elle excluait tous les corps de catégorie A.

Mercredi 15 novembre 2000

- Présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président, puis de M. Charles Jolibois, vice-président.

Nomination de rapporteurs

La commission a tout d'abord nommé M. Nicolas About rapporteur de la proposition de loi n° 287 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'adoption internationale et M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, sur la proposition de résolution n° 73 (2000-2001) de MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs.

Collectivités territoriales - Statut des sociétés d'économie mixte locales - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Paul Girod sur la proposition de loi n° 455 (1999-2000), présentée par M. Jean Bizet et plusieurs de ses collègues, tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales.

M. Paul Girod, rapporteur,
a rappelé que la loi du 7 juillet 1983 avait assimilé le plus possible le régime juridique des sociétés d'économie mixte locales au droit commun des sociétés commerciales, tout en affirmant la prééminence des collectivités territoriales dans la gestion. Il a relevé que les collectivités devaient détenir la majorité des actions de ces sociétés, sans que leur participation ne puisse dépasser un plafond de 80 %.

Après avoir souligné le poids des sociétés d'économie mixte dans l'économie nationale, M. Paul Girod, rapporteur, a ensuite fait valoir que leurs activités se heurtaient à plusieurs difficultés résultant notamment de la superposition de différents textes législatifs et de la judiciarisation croissante de la société.

Rappelant qu'un avant-projet de loi, élaboré sous la direction de M. Emile Zuccarelli, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, avait tendu à moderniser le régime juridique des sociétés d'économie mixte, il a noté que ce texte n'avait jamais été soumis au Parlement. Il a fait observer que la proposition de loi, cosignée par des sénateurs des différents groupes politiques et déposée dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale, poursuivait le même objet.

M. Paul Girod, rapporteur, a ensuite présenté l'économie de la proposition de loi. Il a tout d'abord relevé que plusieurs de ses dispositions, concernant en particulier les sociétés d'économie mixte d'aménagement et de logement, qui avaient d'ores et déjà été insérées dans le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, ne devaient pas être maintenues dans le texte que la commission élaborerait.

Puis le rapporteur a indiqué que la proposition de loi modernisait les relations financières entre les sociétés d'économie mixte locales et les collectivités territoriales, en permettant notamment, à ces dernières, de verser pour une durée limitée des comptes courants d'associés ayant un objet précis et donnant lieu à une rémunération. Il a en outre jugé nécessaire de rendre éligibles au fonds de compensation pour la TVA les participations financières des collectivités concernant des investissements destinés à intégrer leur patrimoine.

M. Paul Girod, rapporteur, a souligné que la proposition de loi précisait par ailleurs le statut des élus mandataires au sein des sociétés d'économie mixte locales en prévenant les risques auxquels ces élus pouvaient être exposés au regard du délit de prise illégale d'intérêts et en prévoyant parallèlement des restrictions aux fonctions qu'ils pouvaient occuper au sein des sociétés et dans le cadre des commissions d'appels d'offres.

Exposant que la proposition de loi contenait des dispositions facilitant le développement des sociétés d'économie mixte locales transfrontalières, le rapporteur a relevé que cette question avait été réglée de manière imparfaite dans le cadre du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, lequel n'avait visé que les coopérations entre Etats limitrophes, ce qui pouvait poser un problème, notamment pour les sociétés d'économie mixte de services.

Puis, M. Paul Girod, rapporteur, a indiqué que deux dispositions de la proposition de loi portaient sur les conditions d'application des règles de mise en concurrence pour l'attribution de délégations de service public. Il a précisé que la proposition de loi cherchait à résoudre les difficultés rencontrées par les sociétés, quelle que soit leur forme, nouvellement créées ou en cours de création, pour présenter des garanties financières et professionnelles requises par la loi. Il a également noté que les sociétés d'économie mixte locales dont les deux tiers du capital étaient détenus par des collectivités locales pourraient être dispensées de l'application des règles de mise en concurrence. Il a néanmoins estimé qu'à son sens, cette exemption ne pourrait concerner que les sociétés d'économie mixte dont les collectivités détenaient le maximum de la participation autorisée, soit 80 % du capital selon le droit en vigueur. Il a relevé que cette question pouvait être reliée à celle, plus générale, concernant la reconnaissance aux collectivités de la faculté de détenir jusqu'à 100 % du capital des sociétés d'économie mixte, ce qui rendrait encore plus nécessaire une modification des conditions d'application des règles de mise en concurrence.

Le rapporteur a précisé que la proposition de loi prévoyait également un vote de l'assemblée délibérante sur le rapport du délégataire du service public et comportait une disposition, dont il ne proposait pas le maintien, permettant à une commune ayant transféré la compétence à un établissement public de coopération intercommunale de continuer à participer au capital.

Enfin, faisant observer que la proposition de loi prévoyait la création d'un conseil supérieur de l'économie mixte, M. Paul Girod, rapporteur, a estimé que si un tel organisme pouvait apparaître superfétatoire, il lui semblait néanmoins avoir son utilité, notamment pour contribuer à une meilleure connaissance des évolutions en cours dans l'Union européenne.

Tout en se déclarant favorable à une adaptation du régime juridique des sociétés d'économie mixte locales, M. Christian Bonnet s'est en revanche déclaré très réservé sur l'idée d'exempter ces sociétés des règles de mise en concurrence pour l'attribution de délégations de service public. Il a fait valoir qu'une telle mesure ne manquerait pas d'apparaître comme l'expression de la volonté des élus d'échapper aux règles du droit commun et qu'en outre, elle était en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 janvier 1993, qui avait exclu la possibilité d'exempter ces sociétés des règles de mise en concurrence. Il a en outre fait état d'une communication interprétative de la Commission européenne qui avait considéré qu'une telle dérogation serait contraire aux exigences du droit communautaire.

M. Jean-Pierre Schosteck a fait valoir qu'il serait contradictoire de permettre à une collectivité de choisir un outil de gestion spécifique en créant une société d'économie mixte par une délibération répondant aux exigences légales et, parallèlement, de l'obliger à mettre cette même société en concurrence.

M. Jean-Jacques Hyest a souligné que les sociétés d'économie mixte étaient des sociétés de droit privé et que, dans ces conditions, les exonérer des règles de mise en concurrence aboutirait à des distorsions de traitement.

Relevant que la proposition de loi prévoyait par ailleurs un vote de l'assemblée délibérante de la collectivité sur le rapport du délégataire, il a estimé que l'assemblée délibérante ne pouvait se prononcer que sur des propositions émanant de son exécutif.

En réponse, M. Paul Girod, rapporteur, a tout d'abord précisé que pour le régime des délégations de service public, la proposition de loi prévoyait deux dispositions ayant un objet bien distinct, la première d'entre elles tendant à régler le problème des références dont pouvait faire état une société nouvellement créée, quelle que soit sa forme, et la seconde précisant, pour les seules sociétés d'économie mixte, les conditions de mise en concurrence pour l'attribution de ces délégations.

Sur ce dernier point, le rapporteur a estimé que la rédaction qu'il soumettait à la commission semblait de nature à répondre aux exigences du droit communautaire telles qu'elles résultaient d'une jurisprudence Teckal de la Cour de justice en date du 18 novembre 1999. Il a souligné que ne bénéficieraient de la dispense de mise en concurrence que les seules sociétés d'économie mixte habilitées par leur statut à gérer le service public concerné, dans lesquelles les collectivités détenaient le maximum de participation autorisée et qu'en outre, la mission qui leur serait confiée ne pourrait pas faire l'objet d'une subdélégation.

S'agissant du rapport du délégataire, le rapporteur a fait valoir que, d'ores et déjà, plusieurs dispositions législatives prévoyaient que les rapports de ce type devaient être soumis à l'assemblée délibérante.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles de la proposition de loi dans le texte proposé par le rapporteur.

A l'article premier (concours financiers des collectivités territoriales aux sociétés d'économie mixte), M. Jean-Pierre Schosteck s'est interrogé sur la limitation à deux ans renouvelables une fois de la durée des avances en comptes courants d'associés.

M. Paul Girod, rapporteur, a précisé qu'il était nécessaire de limiter la durée de ces avances afin d'éviter un risque de dévoiement consistant en l'utilisation de cette procédure par certaines collectivités pour placer leurs disponibilités.

La commission a alors adopté sans modification l'article premier.

Puis elle a adopté les articles 2 (remboursement par le FCTVA de participations financières versées par les collectivités territoriales aux sociétés d'économie mixte locales dans le cadre d'opérations d'aménagement), 3, 4 (statut des élus mandataires des collectivités territoriales) et 5 (appréciation des garanties professionnelles et financières).

Un débat s'est ensuite engagé sur les dispositions d'un article qui prévoirait au bénéfice des sociétés d'économie mixte locales une dérogation à l'application des règles relatives à la passation des délégations de service public.

M. Robert Badinter a estimé que ces dispositions n'étaient pas conformes à la Constitution et qu'elles contredisaient les termes de la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 janvier 1993.

M. Christian Bonnet a fait valoir que ces dispositions risquaient d'être perçues comme le résultat d'une volonté des élus de s'exonérer des règles de mise en concurrence.

M. Patrice Gélard a considéré qu'elles étaient contraires aux exigences du droit communautaire.

M. Jean-Jacques Hyest a fait valoir qu'en dépit des précisions apportées par le rapporteur au texte de la proposition de loi, ces dispositions contredisaient la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En réponse, M. Paul Girod, rapporteur, a relevé que la rédaction qu'il proposait à la commission était beaucoup plus restrictive que celle des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel en 1993.

S'appuyant sur la jurisprudence Teckal de la Cour de justice, il a précisé que celle-ci avait admis une dérogation aux règles de mise en concurrence dans les cas de sociétés sur lesquelles la collectivité publique exerçait un contrôle analogue à celui qu'elle exerçait sur ses propres services et qui réalisaient l'essentiel de leur activité avec la ou les collectivités qui la détenaient.

M. Jean-Pierre Schosteck a jugé nécessaire de faciliter un mode de gestion choisi par les organes délibérants des collectivités locales dans le respect de la loi. Il a donc estimé que dès lors que les collectivités avaient fait le choix de ce mode de gestion, il paraissait logique de dispenser les sociétés d'économie mixte locales d'une mise en concurrence.

Après avoir considéré que la jurisprudence Teckal n'était pas applicable à ce cas d'espèce, M. Patrice Gélard a souligné que la communication interprétative de la Commission européenne écartait clairement toute dérogation aux règles de mise en concurrence au profit des sociétés d'économie mixte.

M. Paul Girod, rapporteur, rappelant que les établissements publics n'étaient pas soumis aux règles de mise en concurrence, a estimé que le rejet de cette disposition de la proposition de loi risquait de priver les collectivités de l'apport souhaitable de compétences extérieures.

Après une observation de M. Daniel Hoeffel, la commission a rejeté cet article.

Puis elle adopté sans modification l'article 6 (clauses des conventions conclues avec les sociétés d'économie mixte locales exerçant une activité d'aménagement).

A l'article 7, un débat s'est engagé sur les dispositions de cet article prévoyant un examen par l'assemblée délibérante du rapport du délégataire de service public.

M. Paul Girod, rapporteur, a fait valoir qu'un vote de l'assemblée délibérante était déjà prévu par les textes en vigueur pour des documents du même type, notamment dans le domaine de l'eau et de l'environnement. Il a néanmoins relevé des hésitations sur la valeur juridique de ce vote.

M. Christian Bonnet a fait part de ses réserves sur l'application d'une telle procédure.

M. Patrice Gélard a considéré que l'assemblée délibérante ne pouvait pas se prononcer sur un document émanant d'un organisme privé.

Tout en admettant que l'assemblée délibérante soit saisie d'un tel document, M. Jean-Patrick Courtois a en revanche considéré qu'il était difficile qu'elle puisse se prononcer par un vote.

M. Gérard Deriot s'est interrogé sur les conséquences d'un vote négatif de l'assemblée délibérante.

Rappelant l'existence de plusieurs précédents dans le droit en vigueur, le rapporteur a estimé qu'un document qui était mis à la disposition du public ne pouvait plus être considéré comme de nature privée.

Mme Dinah Derycke a fait valoir que le conseil municipal n'était pas toujours bien informé des activités de la société d'économie mixte.

Approuvant le principe que le rapport du délégataire ait un caractère public, M. Jacques Mahéas s'est en revanche déclaré défavorable à ce que l'assemblée délibérante se prononce par un vote.

M. Patrice Gélard, faisant valoir qu'il y aurait un vote à la fois sur le rapport du délégataire et sur le rapport du maire, a souligné que l'information de l'assemblée délibérante ne passait pas nécessairement par un vote formel de celle-ci.

Le rapporteur a alors proposé de préciser que l'assemblée délibérante prendrait acte du rapport du délégataire.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Puis elle a adopté sans modification les articles 8 (participation des collectivités étrangères au capital des sociétés d'économie mixte locales) et 9 (droit de retour à la collectivité en cas de liquidation judiciaire).

Après les observations de MM. René Garrec et Pierre Fauchon qui se sont déclarés défavorables à la création d'une telle instance, la commission n'a en revanche pas adopté l'article instituant un conseil supérieur de l'économie mixte.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

Justice - Règles applicables à la carrière des magistrats - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Fauchon sur le projet de loi organique n° 483 (1999-2000) modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a tout d'abord constaté que dans un contexte général marqué par la persistance de difficultés de fonctionnement au quotidien de la justice, en raison d'un manque chronique de moyens, le Gouvernement jugeait aujourd'hui prioritaire une revalorisation de la carrière des magistrats. Il a précisé que le projet de loi organique avait pour objet principal de permettre aux magistrats judiciaires de bénéficier d'un déroulement de carrière équivalent à celui des magistrats administratifs et des magistrats financiers et qu'il prévoyait par ailleurs quelques dispositions tendant à favoriser la mobilité des magistrats, aujourd'hui insuffisante.

Présentant tout d'abord l'économie générale de l'organisation actuelle de la carrière des magistrats, le rapporteur a rappelé que le corps des magistrats judiciaires était divisé en plusieurs catégories, à savoir, par ordre hiérarchique croissant, le second grade (58 % de l'effectif global), le premier grade comprenant lui-même un premier groupe et un second groupe (36,9 %), enfin la hors hiérarchie (5,1 %). Il a souligné que la rémunération des magistrats était directement déterminée par leur place au sein de cette structure hiérarchique et que l'évolution de leur carrière était donc subordonnée à la survenance de vacances d'emplois correspondant à des fonctions hiérarchiquement supérieures.

Il a ensuite décrit le régime des nominations des magistrats, précisant notamment que les promotions correspondant à un passage du second au premier grade étaient subordonnées à l'inscription au tableau d'avancement établi par la commission d'avancement et comportant des rubriques particulières distinctes pour les magistrats parisiens et pour les magistrats de province.

Puis M. Pierre Fauchon, rapporteur, a relevé que l'application des règles actuelles de l'avancement conduisait à une situation de blocage, plus de mille magistrats étant inscrits au tableau d'avancement pour 2000 et la durée d'attente de " réalisation " du tableau atteignant en moyenne cinq à six ans pour l'obtention effective d'une promotion. Il a estimé que la progression des rémunérations était par conséquent trop lente par rapport à ce qui pouvait être considéré comme normal dans des activités comparables, cette situation étant source de frustrations et de démotivation pour les magistrats.

Par ailleurs, il a constaté une insuffisante mobilité des magistrats, nombre d'entre eux préférant rester toute leur carrière dans la même région, notamment pour des raisons familiales, culturelles ou encore financières du fait de la faible indemnisation des déménagements.

Tout en notant que le Conseil supérieur de la magistrature appliquait néanmoins une règle dite des dix ans, consistant à éviter qu'un magistrat ne puisse bénéficier d'un avancement au sein d'une juridiction où il exerce ses fonctions depuis plus de dix ans, le rapporteur a considéré qu'après un trop grand nombre d'années passées dans un même poste, l'indépendance d'un magistrat était susceptible d'être compromise et qu'il serait peu souhaitable de laisser se développer une sorte de " régionalisation " de la magistrature.

Abordant ensuite la présentation du projet de loi organique, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a tout d'abord indiqué que celui-ci tendait à simplifier l'organisation des carrières, grâce à la suppression des groupes existant actuellement au sein du premier grade, et en conséquence des rubriques particulières du tableau d'avancement concernant l'accès direct aux fonctions du second groupe du premier grade.

Il a par ailleurs noté qu'un quasi-doublement de l'effectif des emplois de magistrats placés hors hiérarchie serait obtenu par l'élévation à la hors hiérarchie de l'ensemble des emplois de présidents de chambre et d'avocats généraux des cours d'appel, ainsi que par l'accroissement du nombre d'emplois de chefs de tribunaux de grande instance classés hors hiérarchie, dont la liste serait désormais renvoyée à un décret en Conseil d'Etat. Il a ajouté que le nombre d'emplois du premier grade serait considérablement accru par voie réglementaire, ce qui aboutirait à une proportion prépondérante des emplois du premier grade au sein du corps, alors qu'aujourd'hui les emplois du second grade sont majoritaires.

Le rapporteur a souligné que cette restructuration du corps judiciaire permettrait une revalorisation des rémunérations des magistrats dont il a donné quelques exemples concrets, relevant en outre que le coût de cette réforme était évalué à 177 millions de francs en année pleine.

Il a ensuite expliqué que le projet de loi organique prévoyait l'institution de nouvelles obligations statutaires de mobilité conditionnant respectivement l'accès au premier grade, l'accès aux fonctions de responsable de tribunal de grande instance et l'accès à la hors hiérarchie, un régime dérogatoire étant toutefois prévu en faveur des conseillers référendaires à la Cour de cassation.

Il a précisé qu'un magistrat devrait donc en principe avoir été affecté dans deux juridictions différentes pour l'accès au premier grade et trois juridictions différentes pour l'accès à la hors hiérarchie, considérant néanmoins que l'effet pratique de l'application de ces nouvelles règles risquait de rester limité dans la mesure où un magistrat ne souhaitant pas bénéficier d'une mesure d'avancement ne serait soumis à aucune obligation de mobilité et où il resterait possible de demeurer toute sa carrière dans la même région.

Constatant que la réforme bénéficiait surtout aux magistrats des niveaux hiérarchiques les plus élevés, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a regretté que les rémunérations des magistrats en début de carrière ne soient pas revalorisées. Il s'est donc demandé si l'on n'aurait pas pu imaginer plutôt une revalorisation générale de la situation de l'ensemble des magistrats, ou encore un accroissement substantiel des primes destinées à compenser des contraintes particulières caractérisant l'exercice de certaines fonctions, comme par exemple les permanences de nuit imposées aux magistrats du parquet. Il a par ailleurs souhaité que les déménagements soient mieux indemnisés et que les magistrats parisiens puissent bénéficier d'indemnités permettant de faire face au coût particulièrement élevé du logement en région parisienne.

Constatant cependant que la réforme proposée, très attendue par les magistrats, ne soulevait pas de critiques de la part des organisations syndicales, le rapporteur a proposé à la commission d'accepter les dispositions du projet de loi organique tendant à modifier le régime de l'avancement et du déroulement des carrières.

Il s'est toutefois déclaré favorable à un renforcement des exigences de mobilité, par une limitation dans le temps de l'exercice des fonctions de chef de juridiction ou de certaines fonctions spécialisées, dans une même juridiction.

Par ailleurs, tout en rappelant que la responsabilité des magistrats ne saurait être mise en cause à raison de leurs décisions juridictionnelles qui ne peuvent être contestées que par l'exercice des voies de recours, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a suggéré d'améliorer le fonctionnement de leur régime disciplinaire, en s'inspirant des propositions de réforme figurant dans le dernier rapport d'activité du conseil supérieur de la magistrature.

Ainsi, il a proposé d'étendre aux chefs de cour le pouvoir de saisine du conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, actuellement réservé au garde des sceaux. Il a en effet estimé que cette saisine était susceptible de libérer l'exercice de l'action disciplinaire de toute interprétation de caractère politique. Il a, en revanche, écarté l'idée d'une extension de la faculté de saisine du conseil supérieur de la magistrature aux justiciables.

Il a en outre proposé d'introduire, au sein de l'échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats, une sanction nouvelle d'exclusion temporaire et de poser le principe de la publicité des audiences disciplinaires, sauf exceptions pour la protection de la vie privée, de l'ordre public ou des intérêts de la justice, ce qui correspondrait à la pratique d'ores et déjà retenue par le conseil supérieur de la magistrature, à la différence que ce dernier admet actuellement le huis clos en cas d'opposition du magistrat poursuivi à la publicité de l'audience.

A l'issue de cet exposé, M. Patrice Gélard s'est interrogé sur la portée des obligations de mobilité prévues, celle-ci risquant d'être en pratique restreinte par la possibilité de rester à l'intérieur du ressort d'une même cour d'appel. Il s'est par ailleurs inquiété de la multiplication du nombre de magistrats qui ne résident pas dans la localité de la juridiction dans laquelle ils sont affectés, entraînant le développement des audiences nocturnes.

Après avoir soulevé le problème de l'institution de règles de mobilité qui s'appliqueraient aux magistrats judiciaires, mais non aux magistrats administratifs ou financiers, il a considéré que les membres d'autres catégories de la fonction publique, comme par exemple les enseignants de l'enseignement supérieur, pourraient être fondés à demander également une revalorisation de leurs rémunérations.

Confirmant que la mobilité pourrait s'effectuer au sein du ressort d'une même cour d'appel, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a néanmoins considéré qu'un simple changement de juridiction entraînait une modification de l'environnement sociologique du magistrat.

Après avoir rendu hommage au rapporteur pour ses explications, eu égard à la complexité de la matière traitée, M. Robert Badinter s'est interrogé sur l'opportunité d'introduire des dispositions relatives au régime disciplinaire des magistrats dans un texte essentiellement destiné à améliorer leur situation matérielle. Il a en effet estimé que les amendements proposés par le rapporteur ouvriraient un débat plus large sur la responsabilité des magistrats, liée à leur indépendance.

Faisant observer que le projet de loi organique prévoyait déjà des dispositions relatives à la mobilité qui ne concernaient pas la situation matérielle des magistrats proprement dite, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a considéré que celui-ci constituait une occasion d'améliorer le fonctionnement de leur régime disciplinaire. Il a en outre précisé que l'extension du pouvoir de saisine du conseil supérieur de la magistrature aux premiers présidents de cour d'appel répondait notamment à une demande de ces chefs de juridiction.

Après avoir indiqué qu'elle ne souhaitait pas qu'un débat sur la responsabilité des magistrats soit ouvert, Mme Nicole Borvo a approuvé la réforme proposée, tout en regrettant néanmoins que les magistrats en début de carrière n'en bénéficient pas et qu'elle ne permette pas de répondre au problème plus général de l'insuffisance des effectifs de magistrats.

Enfin, M. Georges Othily a soulevé le problème de l'absence de prise en compte des primes de fonctions pour le calcul des pensions de retraite.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a précisé à son intention qu'il s'agissait là d'un problème général dans toute la fonction publique.

La commission a ensuite examiné les amendements présentés par le rapporteur.

Elle a tout d'abord adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier afin de regrouper les dispositions des articles premier à 6 dans un chapitre premier relatif à la carrière et à la mobilité des magistrats.

A l'article premier (suppression des groupes au sein du premier grade - règles de mobilité pour l'accès au premier grade et aux fonctions de responsabilité dans les tribunaux de grande instance), elle a adopté un amendement rédactionnel, ainsi qu'un amendement tendant à exclure les adjoints au président ou au procureur de la République du champ d'application de l'obligation de mobilité prévue par cet article pour l'accès aux fonctions de responsabilité dans un tribunal de grande instance.

Puis la commission a examiné des amendements proposés par le rapporteur tendant à limiter à sept ans la durée d'exercice des fonctions de chef de juridiction ou de certaines fonctions spécialisées, dans une même juridiction.

M. Jean-Jacques Hyest s'est interrogé sur le point de savoir si un magistrat qui n'aurait pas déposé de demande de nouvelle affectation à l'issue de cette période de sept ans pourrait être muté d'office.

M. Charles Jolibois, vice-président, s'est interrogé sur l'atteinte éventuellement portée au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège par ces amendements.

M. Robert Badinter a également souligné le problème soulevé au regard du principe de l'inamovibilité, dans la mesure où il n'existe pas de dissociation complète du grade et de la fonction pour les magistrats.

M. Patrice Gélard a estimé que ce problème ne se posait pas s'agissant de l'amendement relatif à l'exercice de fonctions spécialisées, mais qu'il pourrait en revanche être soulevé à propos de l'amendement relatif à l'exercice des fonctions de chef de juridiction.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a considéré que ces amendements pourraient ne pas être contraires au principe de l'inamovibilité dans la mesure où ils constitueraient des règles générales s'appliquant à l'ensemble des magistrats.

Après avoir précisé qu'un magistrat qui ne souhaiterait pas changer de juridiction pourrait rester sur place en occupant d'autres fonctions, il a indiqué que ces amendements avaient pour objet de poser le principe d'une limitation dans le temps de l'exercice de certaines fonctions, dont les modalités de mise en oeuvre pourraient être le cas échéant précisées.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté trois amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 2 afin de limiter à sept ans la durée d'exercice des fonctions de président ou de procureur de la République, de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines ou de juge chargé du service d'un tribunal d'instance, dans un même tribunal de grande instance, et de celles de premier président ou de procureur général, dans une même cour d'appel.

A l'article 5 (maintien des droits acquis par les magistrats directement intégrés au second groupe du premier grade), elle a adopté un amendement tendant à permettre aux magistrats issus des concours exceptionnels de 1998 et 1999 de bénéficier de la possibilité de racheter des annuités pour la constitution de leurs droits à pension de retraite de l'Etat.

A l'article 6 (dispositions transitoires), la commission a adopté un amendement destiné à dispenser les magistrats ayant actuellement plus de dix ans d'ancienneté au premier groupe du premier grade de l'application des nouvelles règles de mobilité relatives à l'accès à la hors hiérarchie.

Elle a ensuite adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle après l'article 6 afin de regrouper dans un chapitre II des dispositions destinées à améliorer un régime disciplinaire applicable aux magistrats.

Elle a en effet adopté trois amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 6 prévoyant respectivement :

- de compléter l'échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats en y ajoutant une nouvelle sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement ;

- d'étendre aux premiers présidents de cour d'appel le pouvoir de saisine du conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, actuellement réservé au seul garde des sceaux ;

- et de poser le principe de la publicité des audiences disciplinaires du conseil supérieur de la magistrature, tout en prévoyant, comme en matière juridictionnelle, des exceptions pour la protection de l'ordre public, de la vie privée ou des intérêts de la justice.

A la suite d'une observation de M. Patrice Gélard, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a expliqué que ces deux derniers amendements ne concernaient que les magistrats du siège car, à l'égard des magistrats du parquet, le conseil supérieur de la magistrature ne statuait pas comme conseil de discipline mais émettait seulement un avis motivé sur la sanction que les faits reprochés lui paraissaient devoir entraîner.

Puis, la commission a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle après l'article 6 afin d'introduire un chapitre III destiné à regrouper des dispositions diverses.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a présenté un amendement tendant à interdire expressément toute activité d'arbitrage aux magistrats en exercice, faisant valoir que la possibilité donnée à des magistrats en activité de faire des arbitrages privés rémunérés pouvait soulever des difficultés eu égard aux exigences d'impartialité, d'indépendance et de disponibilité qui s'imposaient à eux.

M. Charles Jolibois, vice-président, a cependant estimé qu'il pouvait être utile, dans certains cas, de permettre aux magistrats de procéder à des arbitrages, notamment pour des raisons de discrétion.

M. Patrice Gélard a par ailleurs souligné, d'une manière générale, l'intérêt de l'arbitrage en matière juridictionnelle.

Compte tenu de ces observations, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a alors retiré son amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 afin de doubler le nombre maximum de conseillers à la cour de cassation en service extraordinaire, actuellement limité au vingtième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège affectés à la cour.

Enfin, elle a adopté un amendement tendant à modifier l'intitulé du projet de loi organique afin de prendre en compte l'ensemble de son objet résultant des différents amendements adoptés concernant notamment le régime disciplinaire des magistrats.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi organique ainsi modifié.

Justice - Harmonisation de l'article 626 du code de procédure pénale - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Charles Jolibois sur la proposition de loi n° 474 (1999-2000), présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à harmoniser l'article 626 du code de procédure pénale avec les nouveaux articles 149 et suivants du même code.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a rappelé que le législateur avait modifié en profondeur, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur la présomption d'innocence, les règles d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire dans une procédure terminée à leur égard par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement. Il a précisé que l'indemnisation était devenue automatique dès lors que la personne le demandait, sauf dans quelques cas très précis, en particulier lorsque la personne s'est librement et volontairement accusée ou laissé accuser en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

Le rapporteur a souligné que la proposition de loi tendait à harmoniser les règles d'indemnisation des condamnés reconnus innocents après une procédure de révision sur les règles d'indemnisation des personnes abusivement placées en détention provisoire. Il a précisé qu'actuellement, l'indemnisation pouvait être refusée aux condamnés reconnus innocents lorsque la non-représentation de la pièce nouvelle ou la non-révélation de l'élément inconnu en temps utile leur est imputable en tout ou en partie. Il a ainsi noté que la commission d'indemnisation avait récemment refusé d'indemniser un condamné qui n'avait pas produit un certificat d'hospitalisation qui aurait permis de l'innocenter.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a estimé qu'il n'existait aucune raison de maintenir un régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents beaucoup plus rigoureux que le régime d'indemnisation des personnes placées abusivement en détention provisoire. Il a donc approuvé l'harmonisation de l'article 626 du code de procédure pénale et de l'article 149 du même code proposée par les auteurs de la proposition de loi. Il s'est en revanche déclaré défavorable au remplacement, dans les articles 149 et 626, du terme " indemnité " par les termes " réparation intégrale du préjudice ". Il a rappelé que les textes actuels évoquaient déjà le préjudice moral et matériel et s'est demandé si la référence à une " réparation intégrale " ne risquait pas de susciter des confusions, cet adjectif n'étant pas employé dans les textes sur la responsabilité.

Le rapporteur a indiqué qu'il souhaitait compléter la proposition de loi afin de procéder, dans le code de procédure pénale, à des coordinations nécessaires pour la bonne application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

M. Patrice Gélard a demandé si la proposition de loi ne risquait pas de se voir opposer l'article 40 de la Constitution.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a répondu que le coût de la modification proposée serait très modique, les procédures de révision étant extrêmement rares. Il a ajouté que la proposition de loi ne tendait qu'à assurer une pleine cohérence entre le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents et le régime d'indemnisation des personnes abusivement placées en détention provisoire.

Le rapporteur a ensuite présenté le texte dont il proposait l'adoption à la commission. Il a souligné que les articles 1er et 2 reprenaient l'essentiel de la proposition de loi initiale et alignaient le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents sur celui des personnes abusivement placées en détention provisoire.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a indiqué que les articles 3 à 6 tendaient à opérer des coordinations rendues nécessaires par le choix du législateur d'interdire au juge d'instruction de condamner lui-même à une amende un témoin refusant de comparaître. Il a noté qu'il était nécessaire de prévoir le cas du témoin refusant de prêter serment ou de déposer. Il a ajouté qu'il convenait également de modifier les articles permettant au tribunal correctionnel et à la cour d'assises de sanctionner un témoin refusant de comparaître, afin que ces articles puissent continuer à être appliqués.

Le rapporteur a indiqué que les articles 7, 8, 10, 11, 12 et 13 tendaient à opérer des coordinations omises dans la loi renforçant la protection d'innocence et les droits des victimes. Il a souligné que l'article 9 avait pour objet de modifier, dans l'article 179 du code de procédure pénale, un renvoi erroné d'un alinéa à un autre. Il a fait valoir que l'article 14 devait permettre à la Cour de cassation de renvoyer en appel les affaires jugées par une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels devant la même cour d'assises composée différemment. Il a précisé qu'en l'absence d'une telle possibilité, la composition des juridictions risquait, dans certains cas, de s'avérer très délicate.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a ensuite observé que l'article 16 du texte qu'il proposait tendait à insérer, dans le code de procédure pénale, quelques dispositions spécifiques destinées à faciliter l'application de la loi sur la présomption d'innocence dans certains départements et territoires d'outre-mer. Il a précisé que la loi créait une juridiction régionale de la libération conditionnelle composée de deux juges de l'application des peines et d'un conseiller de l'application des peines. Il a estimé qu'une composition spécifique devait être prévue dans les territoires où il n'existait qu'un juge de l'application des peines. Il a en outre jugé indispensable de permettre, dans les îles Wallis et Futuna, au juge d'instruction d'incarcérer provisoirement une personne mise en examen dans l'attente de l'organisation d'un débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention de Nouméa.

Le rapporteur a ensuite indiqué que l'article 17 tendait à prévoir que les dispositions de la proposition de loi entreraient en vigueur en même temps que les articles du code de procédure pénale qu'elles modifiaient ou auxquels elles faisaient référence, dans leur rédaction issue de la loi sur la présomption d'innocence. Il a enfin précisé que l'article 18 devait permettre l'application de la loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

La commission a alors adopté la proposition de loi dans la rédaction proposée par le rapporteur.

Outre-mer - Amélioration de l'équité des élections à l'Assemblée de Polynésie française - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Lucien Lanier sur la proposition de loi organique n° 439 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, destinée àaméliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française.

Après avoir rappelé que le Sénat avait été amené, un an auparavant, à examiner une proposition de loi organique présentée par M. Gaston Flosse ayant pour objet d'améliorer la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie française pour tenir compte à la fois des évolutions démographiques et de l'impérieuse nécessité de préserver la représentation des archipels, M. Lucien Lanier, rapporteur, a souligné qu'à l'occasion du débat en séance publique du 23 novembre 1999 le ministre avait affirmé le souci du Gouvernement de ne pas pénaliser les archipels éloignés sous prétexte de leur faible peuplement, la réduction de leur représentation allant à l'encontre de la volonté de rééquilibrage.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a regretté qu'en dépit du caractère d'urgence de cette révision, reconnu de tous à l'approche du renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française en mai 2001, le processus parlementaire d'examen du texte adopté par le Sénat ait été suspendu et qu'il ait fallu attendre la fin du mois de juin pour que l'Assemblée nationale reprenne l'initiative sur ce sujet. Il a observé que l'inscription à l'ordre du jour prioritaire avec déclaration d'urgence n'empêcherait pas que la réforme soit définitivement adoptée désormais moins de six mois avant l'échéance.

Enonçant les raisons conduisant à procéder à un rééquilibrage dans la répartition des sièges, M. Lucien Lanier, rapporteur, a rappelé que la répartition entre les cinq circonscriptions électorales avait été révisée pour la dernière fois en 1985 et que depuis de nouvelles évolutions démographiques avaient été constatées à la faveur des recensements de 1988 et 1996. Après avoir indiqué que, bien que son taux d'accroissement démographique annuel se fût nettement réduit, la circonscription des îles du Vent regroupait près des trois quarts de la population polynésienne, il a précisé que le rythme de progression démographique des îles Sous le Vent s'était au contraire accéléré, cet archipel rassemblant 12,2 % de la population, tandis que les trois autres archipels représentaient respectivement 7 % de la population pour les Tuamotu et Gambier, 3,7 % pour les Marquises et 3 % pour les Australes.

Après avoir rappelé les critères définis par le Conseil constitutionnel en matière d'égalité du suffrage - prise en compte des évolutions démographiques récentes, prépondérance du critère démographique mais possibilité d'introduire une pondération en considération d'impératifs d'intérêt général -, M. Lucien Lanier, rapporteur, a indiqué qu'aucune décision n'avait jusqu'à présent concerné la Polynésie française et a estimé que la spécificité de ce territoire, du fait de l'extrême dispersion des îles et de la diversité de ses archipels, devait conduire à une application souple des critères constitutionnels, sauf à aboutir à une marginalisation des archipels non dénuée de risques pour la cohésion de la Polynésie française.

Il a observé qu'en dépit de la déclaration d'urgence, la réforme ne pourrait être définitivement adoptée moins de six mois avant le renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française de mai 2001, contrairement au principe démocratique selon lequel on ne modifie pas les règles applicables à une élection moins d'un an avant l'échéance.

Rappelant que la commission des lois de l'Assemblée nationale avait, à juste titre, écarté la proposition présentée par M. Emile Vernaudon tendant à instaurer une circonscription unique, qui aurait eu pour effet de priver les archipels éloignés de toute représentation institutionnelle, M. Lucien Lanier, rapporteur, a indiqué que le dispositif retenu en définitive par l'Assemblée nationale procédait à une redistribution des sièges en prélevant sept d'entre eux, jusque-là détenus par les archipels éloignés, pour les attribuer aux îles du Vent. Tout en admettant qu'un tel dispositif tenait compte de l'importance démographique de ce dernier archipel regroupant près des trois quarts de la population polynésienne, il a observé que la réduction de la représentation des autres archipels allait à contre-courant de leur évolution démographique récente, en particulier pour les îles Sous-le-Vent et les îles Tuamotu et Gambier, qu'elle marquait un retour en arrière par rapport à une évolution linéaire depuis 1946 et qu'elle entrait en contradiction avec le mode de scrutin proportionnel dans les circonscriptions qui ne seraient plus pourvues que de deux sièges. Il a enfin rappelé les convergences de vues qui étaient apparues sur ce point, en novembre 1999, lors du débat en séance publique, le Gouvernement en particulier ayant estimé qu'une diminution de la représentation des archipels irait à l'encontre de la volonté de rééquilibrage.

Après avoir souligné que l'assemblée de la Polynésie française elle-même avait donné un avis défavorable au dispositif précité, M. Lucien Lanier, rapporteur, a indiqué qu'elle avait en revanche suggéré d'augmenter de huit sièges la dotation des îles du Vent sans modifier celle des autres archipels. Il a précisé que cette suggestion avait par ailleurs fait l'objet d'un memorandum co-signé par le président de l'assemblée de la Polynésie française, le président du comité économique, social et culturel, le président de l'association des maires polynésiens, le président du parti d'opposition M. Boris Léontieff et deux des trois parlementaires de la Polynésie française.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a indiqué qu'il proposerait à la commission de faire sienne cette formule permettant de réduire substantiellement les écarts de représentation tout en préservant une représentation significative des archipels éloignés. Il a souligné que le dispositif conduisait à réduire d'un point l'écart maximal de représentation et à ramener les écarts entre archipels à un niveau nettement inférieur à ceux admis en 1985 par le législateur. Il a en outre estimé qu'un effectif global de quarante neuf conseillers était acceptable pour une population de l'ordre de 220.000 habitants. Il a enfin affirmé son plein accord avec l'article 2 de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale, opérant une clarification formelle opportune concernant le mode de scrutin applicable.

Après avoir salué la qualité de la présentation du rapporteur, M. Gaston Flosse a souligné que le dispositif proposé à la commission était appelé de leurs voeux par la quasi-totalité des élus polynésiens.

Estimant que la Polynésie française présentait une spécificité toute particulière, du fait non seulement de son éloignement par rapport à la métropole mais également de l'éloignement entre les archipels et à l'intérieur de ceux-ci entre les îles, M. Guy Allouche a indiqué qu'il ne souscrivait ni à l'esprit, ni à la lettre du dispositif présenté par M. Emile Vernaudon et adopté par l'Assemblée nationale. Il a considéré que réduire la représentation des archipels éloignés constituerait une grave erreur car si la démographie devait être prise en compte, le territoire également. Constatant que les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale paraissaient à ce jour difficilement conciliables, il a exprimé le souhait qu'un compromis soit trouvé. Tout en reconnaissant que la proposition du rapporteur marquait un progrès par rapport à la proposition initiale de M. Gaston Flosse et au dispositif adopté par le Sénat en novembre 1999, il a estimé nécessaire d'augmenter encore légèrement la représentation des îles du Vent pour se conformer aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle. Renonçant à porter cette représentation à trente-six sièges, soit une augmentation de quatorze, comme il avait pu le proposer antérieurement, il a indiqué qu'un compromis pourrait se situer entre cette formule et celle préconisée par le rapporteur. Il a précisé qu'il était personnellement favorable à une dotation supplémentaire de dix sièges pour les îles du Vent, ce qui porterait l'effectif global de l'assemblée de la Polynésie française à cinquante et un membres. Il a enfin insisté sur la nécessité d'aboutir à un accord afin d'éviter les tensions déstabilisatrices pour le territoire.

M. Lucien Lanier, rapporteur, approuvant la proposition de M. Guy Allouche en ce qu'elle évitait toute réduction de la représentation des archipels, a cependant estimé trop élevée l'augmentation bénéficiant aux îles du Vent, considérant qu'elle ne tenait pas compte des évolutions démographiques en cours dans les autres archipels. Tout en exprimant son souhait ardent que l'Assemblée nationale et le Sénat parviennent à un compromis, il a estimé nécessaire de laisser le processus parlementaire se dérouler jusqu'à la réunion éventuelle d'une commission mixte paritaire.

Rappelant et regrettant les propos tenus par M. François Hollande en faveur de la proposition de loi organique présentée par M. Emile Vernaudon ayant selon lui pour seul objectif de casser la majorité actuelle à l'assemblée de la Polynésie française en réduisant la représentation des archipels, M. Gaston Flosse a estimé que la démarche alternative consistant à augmenter à l'excès la dotation des îles du Vent présentait le même inconvénient de favoriser le succès des indépendantistes et revenait également à marginaliser les archipels éloignés. Confirmant le fait que l'assemblée de la Polynésie française n'avait pas écarté la possibilité d'accroître de plus de huit sièges la représentation des îles du Vent, il a estimé qu'il serait cependant davantage justifié, si l'effectif global devait être porté à cinquante et un, d'attribuer un siège supplémentaire aux îles Tuamotu et Gambier et aux îles Sous-le-Vent, les deux archipels ayant connu la plus forte progression démographique entre 1988 et 1996, dates des deux derniers recensements. Il a toutefois exprimé sa préférence pour la solution préconisée par le rapporteur.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a considéré qu'il serait imprudent pour la cohésion du territoire d'augmenter à l'excès le nombre de sièges à l'assemblée de la Polynésie française dans la mesure où il fallait conserver une marge de manoeuvre dans la perspective de révisions ultérieures. Il a réaffirmé son souhait que la commission mixte paritaire puisse parvenir à un accord, de nature à éviter les tensions sur le territoire.

En réponse à M. Paul Girod qui prenait acte avec satisfaction de sa volonté de prendre en compte le territoire, M. Guy Allouche a réaffirmé la nécessité de prendre en compte la notion de territoire dans la modification de la répartition des sièges. Après avoir dénié les allégations en vertu desquelles le parti socialiste soutiendrait les indépendantistes, il a déclaré prendre acte des déclarations de M. Gaston Flosse concernant la solution consistant à porter à cinquante et un membres l'effectif global.

Après avoir observé que la réduction à deux sièges de la représentation de certains archipels résultant du texte issu de l'Assemblée nationale entrait en contradiction avec le mode de scrutin proportionnel, M. Jean-Jacques Hyest a estimé qu'une augmentation excessive de la dotation des îles du Vent risquerait également d'aboutir à une marginalisation des autres archipels. Se déclarant favorable à la recherche d'une solution consensuelle, il a regretté que l'Assemblée nationale ait adopté telle quelle la proposition de loi organique présentée par M. Emile Vernaudon.

M. Yves Fréville a observé qu'une augmentation à cinquante sièges de l'effectif global, avec une dotation minimale de trois sièges à chaque archipel et une répartition des sièges à la proportionnelle, aboutissait à un résultat rejoignant la solution préconisée par le rapporteur.

Puis la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur tendant à porter de vingt-deux à trente le nombre de sièges attribués aux îles du Vent. Elle a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.

Fonction publique - Résorption de l'emploi précaire et modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale. Examen du rapport

Dans une seconde séance, qui s'est tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Charles Jolibois, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Daniel Hoeffel sur le projet de loi n° 20 (2000-2001) relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a indiqué que le projet de loi avait un triple objectif : une meilleure résorption de l'emploi précaire, la modernisation du recrutement dans les trois fonctions publiques, ainsi que l'aménagement et la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Il s'est félicité que ce texte, intéressant notamment les collectivités locales, soit soumis en premier lieu au Sénat, mais a regretté que le Gouvernement ait déclaré l'urgence.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a établi un bilan de la situation actuelle.

En matière d'emploi précaire, il a rappelé le principe statutaire établi en 1983 selon lequel les emplois publics permanents sont occupés par des fonctionnaires titulaires, mais a constaté que, du fait des dérogations propres à chaque fonction publique, 205.000 agents non titulaires étaient recensés dans la fonction publique de l'Etat et 325.000 dans la fonction publique territoriale, soit 9,2 % et 24 % de leurs effectifs respectifs. Il a noté que la loi Perben du 16 décembre 1996 avait permis de titulariser 55.000 agents par concours réservés, mais que le problème restait entier en raison de la reconstitution progressive de l'emploi précaire.

En matière de recrutement, il a mis en évidence que l'absence de gestion prévisionnelle des emplois publics était aggravée par deux phénomènes, l'évolution démographique de la fonction publique d'une part, la sortie prochaine du dispositif emplois-jeunes d'autre part.

Concernant l'aménagement et la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, il a rappelé qu'aucun texte ne régissait actuellement la durée du travail des fonctionnaires territoriaux, mais que les collectivités locales pouvaient utiliser pour référence le décret de 1994 applicable aux services de l'Etat.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a ensuite présenté les orientations du projet de loi.

Il a relevé que la résorption de l'emploi précaire proposée était fondée sur le protocole d'accord, signé le 10 juillet 2000 entre le Gouvernement et six des sept organisations syndicales de fonctionnaires. Il a indiqué que des concours réservés seraient organisés dans les trois fonctions publiques pendant une durée de cinq ans au bénéfice des agents contractuels de droit public recrutés pour une durée déterminée, occupant un emploi permanent, exerçant des fonctions normalement dévolues à des titulaires et remplissant les conditions d'ancienneté et de diplômes requises. Il a ajouté qu'une mesure spécifique à la fonction publique territoriale permettrait l'intégration directe de certains agents, c'est-à-dire la titularisation sur titres et sur place sans changement d'affectation.

Il a noté que les mesures en faveur de la gestion prévisionnelle des emplois et de la modernisation du recrutement se donnaient pour objectif d'éviter la reconstitution de l'emploi précaire, en valorisant le rôle des centres de gestion de la fonction publique territoriale, par le biais de négociations proposées aux collectivités locales, en déconcentrant l'organisation des concours et des affectations, en développant les concours de troisième voie et les concours sur titres et en expérimentant le recrutement sans concours dans la fonction publique de l'Etat. Il a établi que le recours au travail à temps non complet serait encadré dans les services de l'Etat et dans les communes de moins de 2.000 habitants et leurs groupements. Il a ajouté que la validation des acquis professionnels pour l'admission à concourir n'était proposée que dans les seules fonctions publiques de l'Etat et hospitalière.

S'agissant de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, il a rappelé l'échec des négociations sur le projet d'accord cadre, refusé par cinq des sept fédérations syndicales de fonctionnaires, et le choix du Gouvernement de passer par la voie réglementaire et d'imposer une conception stricte du principe de parité afin que les 35 heures soient applicables dans les trois fonctions publiques au 1er janvier 2002.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a proposé à la commission plusieurs orientations.

S'agissant de la résorption de l'emploi précaire, il a souhaité interroger le Gouvernement en séance publique sur la méconnaissance, par l'Etat, de ses propres effectifs d'agents non titulaires et d'agents en situation précaire, regrettant de devoir légiférer sans connaître l'impact attendu des mesures qui seront adoptées. De même, il a proposé d'interroger le Gouvernement sur les incidences financières du plan de résorption de l'emploi précaire, en particulier la transformation envisagée des supports budgétaires, et sur les aménagements prévus pour les administrations parisiennes, afin de marquer que le renvoi au pouvoir réglementaire s'exerçait sous le contrôle du Parlement.

Concernant la modernisation du recrutement, il a fait part de son intention de rétablir la possibilité pour les communes de moins de 2.000 habitants de recruter des agents contractuels pour des besoins permanents sur des postes à temps non complet, afin de maintenir la souplesse de gestion actuellement offerte aux 32.000 des 36.700 communes de France. Dans un contexte de développement de l'intercommunalité, il a jugé opportun de créer un climat de confiance. Constatant que le Gouvernement laissait sans réponse la question du cumul d'activités, il a ensuite proposé que les agents de ces communes et groupements puissent travailler pour plusieurs employeurs, publics et privés, lorsqu'ils exercent des fonctions à temps très réduit.

Il a estimé que l'aménagement et la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, imposés par la voie réglementaire, au mépris de la compétence du législateur, posaient une question de principe. Il a tenu à ce que soit bien différenciés l'Etat employeur unique et les 60.000 employeurs locaux, afin de mieux prendre en compte les spécificités de la fonction publique territoriale. Enfin, il a souhaité interroger le Gouvernement sur le coût budgétaire du passage aux 35 heures dans les trois fonctions publiques, ajoutant que seule la libre fixation du temps de travail des agents territoriaux par les assemblées délibérantes des collectivités locales garantirait que le coût budgétaire du passage aux 35 heures soit proportionné à la capacité financière des collectivités et à leurs besoins de service public.

M. Patrice Gélard a dénoncé l'imprévision du Gouvernement et sa méconnaissance des causes de l'emploi précaire, résidant dans les rigidités du statut de la fonction publique. Il s'est prononcé en faveur du développement des remplacements lorsque les titulaires étaient en congé. Enfin, il a estimé que tous les emplois contractuels n'étaient pas précaires, beaucoup d'entre eux correspondant à des nécessités.

Il a fait part de sa réticence à l'égard des concours réservés, dans la mesure où certains contractuels étaient recrutés intuitu personae, alors que le seul recrutement démocratique consistait dans le concours. Il a mis en garde contre le risque de diminution des places aux concours de droit commun, si la priorité était donnée aux concours réservés.

Il a regretté que les fonctions publiques n'accueillent pas davantage les étudiants et lycéens en stage, et que le nombre de postes de maîtres d'internat et d'externat soit en diminution, alors qu'ils permettaient de préparer dans de bonnes conditions les concours de l'éducation nationale. Il a souhaité un plus fort développement du travail à temps partiel.

Sur la gestion prévisionnelle des emplois, il a mis en garde contre le risque d'avoir à faire face, d'ici une trentaine d'années, aux départs à la retraite des agents publics massivement recrutés actuellement pour répondre aux départs annoncés pour 2010.

Enfin, s'agissant de la validation des acquis professionnels, il a estimé que celle-ci devait être effectuée par des organismes indépendants de l'administration, à l'image des commissions de validation des acquis dans les universités.

M. Lucien Lanier a attiré l'attention sur la nécessité d'adapter les conditions d'équivalence et les limites d'âge, afin de tenir compte de la situation des agents servant depuis de nombreuses années, mais ne pouvant passer les concours.

M. Jacques Mahéas s'est prononcé contre le développement des remplaçants contractuels dans la fonction publique et a souligné que le système des concours ne garantissait pas de ne recruter que d'excellents fonctionnaires. Il a approuvé le recrutement sans concours au niveau de la catégorie C dans la fonction publique territoriale, permettant aux collectivités de recruter des agents avant de les encourager à passer les concours.

Il a noté avec satisfaction que les emplois-jeunes se dirigeaient vers les concours de la fonction publique en connaissant le travail qui les attendait. Il a regretté la reconstitution du volume de l'emploi précaire malgré la loi Perben, notamment pour les maîtres auxiliaires. Il a estimé que le budget présenté par le Gouvernement prévoyait les moyens nécessaires, puisque les crédits de personnel augmentaient de 10,6 milliards de francs.

M. Jean-Jacques Hyest a estimé que la réduction du temps de travail ne s'imposerait pas toujours, puisque de nombreuses collectivités locales appliquaient déjà une durée du travail égale ou inférieure à 35 heures hebdomadaires, seul l'aménagement du temps de travail étant nécessaire.

Il a souhaité avoir des précisions sur le volume de l'emploi précaire dans les départements d'outre-mer. Il a confirmé que toutes les missions ponctuelles ne plaçaient pas les agents en situation de précarité. Il a noté que les causes du recrutement contractuel résidaient dans la difficulté d'organiser des concours, dans les délais trop longs entre la vacance du poste et le moment où celui-ci pourrait être pourvu dans les conditions statutaires et dans la durée excessive de la formation initiale d'application, alors que les collectivités devaient faire face à des besoins immédiats.

Sans remettre en cause le principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, il a estimé que le recrutement de personnes déjà diplômées devait tenir compte des acquis professionnels afin de ne pas faire repasser des épreuves inutiles aux candidats.

Enfin, il a remarqué que l'Etat avait consenti un effort financier très important pour aider les entreprises privées à passer aux 35 heures, alors que rien n'était prévu pour les collectivités locales.

M. René Garrec a fait part de la situation particulière des régions, collectivités récentes ayant des compétences d'attribution et des fonctions d'impulsion, donc relativement peu de personnel par rapport aux autres collectivités.

Il a noté que, bien que la norme de recrutement dans la fonction publique soit le concours, l'Etat lui-même pratiquait la cooptation dans les grands corps. Il a souhaité que soit prise en compte la situation des agents contractuels remplissant des missions pour lesquelles aucun corps de fonctionnaires n'existait, et exclus du bénéfice de la titularisation pour cette raison, bien que leurs compétences soient reconnues et qu'ils servent la collectivité publique depuis de nombreuses années.

A l'article premier (concours réservés et examens professionnels dans la fonction publique de l'Etat), la commission a adopté deux amendements tendant à porter de deux à quatre mois la condition de présence au cours de l'année de référence, requise pour se présenter aux concours réservés, afin que le lien existant entre l'agent et la collectivité publique qu'il intègre soit bien établi.

A l'article 3 (conditions communes pour bénéficier des concours réservés et de l'intégration directe dans la fonction publique territoriale), la commission a adopté un amendement de conséquence.

A l'article 4 (intégration directe des agents contractuels dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 5 (concours réservés aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale), la commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement formel tendant à disjoindre le dernier alinéa de cet article.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 5 relatif aux conditions de nomination et de classement des agents intégrés directement ou lauréats d'un concours réservé de la fonction publique territoriale, reprenant le contenu du dernier alinéa de l'article 5.

A l'article 7 (concours et examens professionnels réservés aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière), la commission a adopté un amendement de conséquence et un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (validation des acquis professionnels, troisième concours, concours sur titres, déconcentration de l'organisation des concours dans la fonction publique de l'Etat), la commission a adopté trois amendements rédactionnels.

A l'article 13 (suppression du recrutement contractuel à temps non complet dans les petites communes, rôle des centres de gestion dans la gestion prévisionnelle, troisième concours, rapport sur la résorption de l'emploi précaire), la commission a adopté deux amendements tendant à maintenir la possibilité pour les communes de moins de 2.000 habitants et leurs groupements de recruter des agents contractuels sur des emplois permanents à temps non complet.

A l'article 13, outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement tendant à autoriser le cumul d'activités privées et publiques pour les agents qui occupent un emploi à temps non complet dans les communes de moins de 2.000 habitants et leurs groupements, pour une durée inférieure à la moitié d'un temps plein. M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a indiqué que cet amendement s'inspirait d'une proposition formulée par le Conseil d'Etat dans un rapport consacré au cumul d'emplois et de rémunérations des agents publics.

M. Jacques Mahéas a souhaité que le rapporteur interroge le Gouvernement en séance publique sur les conditions de rémunération des agents concernés.

M. Jean-Jacques Hyest a relevé que cette question était régulièrement posée au Gouvernement. Il a fait part des exemples d'emplois à temps très partiel actuellement soumis à l'interdiction du cumul d'activités, s'agissant des conducteurs de car de ramassage scolaire en milieu rural ou des responsables de remonte-pente en montagne qui seraient agriculteurs à titre principal.

Toujours à l'article 13, la commission a adopté un amendement tendant à prévoir la reconnaissance de l'expérience professionnelle pour l'admission à concourir dans la fonction publique territoriale, celle-ci étant prévue par le projet de loi pour les seules fonctions publiques de l'Etat et hospitalière, selon une conception surprenante du principe de parité entre les fonctions publiques.

M. Patrice Gélard a réitéré son souhait que cette reconnaissance des acquis professionnels soit le fait d'organismes extérieurs à l'administration.

M. Charles Jolibois, vice-président, a estimé que la nature de l'expérience professionnelle devait être examinée avec attention.

M. Jacques Mahéas a souhaité que le rapporteur interroge le Gouvernement sur le contenu du décret organisant la reconnaissance des acquis professionnels.

A l'article 14 (validation de l'expérience professionnelle pour l'admission à concourir en externe, concours de troisième voie dans la fonction publique hospitalière), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

A l'article 15 (réduction et aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale), la commission a adopté un amendement tendant à affirmer la compétence des collectivités territoriales dans la détermination du temps de travail de leurs agents. Il a jugé peu acceptable de limiter la libre administration des collectivités locales par une application trop restrictive du principe de parité entre les fonctions publiques.

M. Jacques Mahéas s'est félicité que la rédaction proposée par le rapporteur, prévoyant une référence souple aux dispositions applicables aux agents de l'Etat, respecte le principe de parité entre les fonctions publiques.

La commission a adopté à l'unanimité le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Commission d'enquête - Santé publique - Conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs - Examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Patrice Gélard sur la proposition de résolution n° 73 (2000-2001) de MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan, tendantà la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a rappelé que, conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat, la commission était appelée à émettre un avis sur la conformité à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires, des propositions de résolution tendant à créer une commission d'enquête, précisant que l'opportunité de leur création était du ressort de la commission saisie au fond, en l'espèce celle des affaires sociales.

Il a ajouté que l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoyait la constitution de commissions d'enquête pour recueillir des éléments d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion de services publics.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a exposé que les auteurs de la proposition de résolution souhaitaient la création d'une commission d'enquête afin de déterminer les conditions et le périmètre des contrôles opérés par les pouvoirs publics sur l'importation et l'utilisation des farines animales et pour s'assurer du respect du principe de précaution à tous les niveaux de la chaîne agro-alimentaire.

Après qu'il en eut déduit que les investigations de la commission d'enquête porteraient sur les moyens mis en oeuvre à ces fins par les services publics concernés, la commission a constaté que la proposition de résolution n'était pas contraire aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.