Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

PJLF pour 2005 - Audition de M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et de M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abordprocédé à l'audition de M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur les crédits de son ministère pour 2005.

M. Renaud Dutreil a d'abord indiqué qu'un projet de loi sur la fonction publique territoriale, inspiré des travaux de sénateurs, était en cours d'élaboration et serait présenté en première lecture devant la Haute assemblée. Il a rappelé ensuite le contexte général dans lequel s'inscrivait la gestion de la fonction publique marqué en premier lieu par certaines contraintes (l'endettement croissant, le poids des pensions, les déficits publics et une fiscalité supérieure à la moyenne européenne) et en second lieu, par l'affirmation de trois grandes priorités (le renforcement des fonctions régaliennes, la cohésion sociale et l'investissement dans la formation et la recherche).

Le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a ensuite souligné qu'une augmentation annuelle de la productivité de 2,25 % au sein de la fonction publique permettrait de limiter à 40.000 le flux de recrutement des fonctionnaires jusqu'en 2015. Il a par ailleurs estimé que la fonction publique de l'Etat, moins moderne que la fonction publique territoriale, pourrait s'inspirer de certaines des expérimentations conduites au sein de cette dernière.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a relevé que la gestion de la fonction publique se heurtait à la multiplicité des corps au nombre de 1.400, 900 d'entre eux continuant à recruter. Cette situation n'était pas seulement coûteuse, elle constituait aussi, selon lui, un frein à la mobilité. Il a estimé possible un décloisonnement des corps de l'Etat conforme, du reste, aux orientations fixées par la précédente majorité lors de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances.

En second lieu, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a regretté que le recrutement au sein de la fonction publique exclue une large part de la société française et qu'en particulier plus de 30 % des emplois de catégorie C soient occupés par des personnes surdiplômées. Ce constat l'avait conduit, a-t-il ajouté, à mettre en place un « parcours d'accès aux carrières des fonctions publiques territoriale, hospitalière et de l'Etat » (PACTE) ; ainsi, au terme d'une période de formation alternée d'une durée maximale de deux ans, l'intégration dans la fonction publique en qualité de fonctionnaire serait possible par le biais d'un examen professionnel. Ce dispositif serait ouvert d'une part, aux jeunes de 16 à 26 ans, sortis sans diplôme du système scolaire et universitaire ou sans qualification professionnelle reconnue ou chômeur de longue durée (PACTE juniors) et d'autre part, aux personnes âgées de plus de 50 ans au chômage de longue durée (PACTE seniors). Il a ajouté qu'une attention particulière serait également accordée à l'intégration des personnes handicapées au sein de la fonction publique.

Evoquant ensuite le projet de budget pour 2005, M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a relevé que les crédits seraient réduits de 31 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Cette diminution, a-t-il précisé, s'expliquait d'une part, par le transfert aux caisses d'allocations familiales de la gestion des prestations familiales dues aux agents de l'Etat, et, d'autre part, par la maîtrise des autres dépenses. Il a en particulier relevé deux mesures d'économie, la première (1,3 million d'euros) liée à la suppression de l'aide à l'amélioration de l'habitat des retraités de la fonction publique, la seconde (1,6 million d'euros) due à la réforme de la politique de réservation de logements pour les agents de l'Etat. En outre, a-t-il indiqué, la subvention versée à l'Ecole nationale d'administration serait diminuée de 750.000 euros en raison de la réduction du nombre de postes offerts au concours de cette école.

Enfin, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a fait le point sur les négociations salariales. Après avoir indiqué que la rémunération moyenne des fonctionnaires avait progressé de 4 %, il a relevé que les syndicats, tout en poursuivant leur contestation, tendaient à accepter de discuter en tenant compte, au-delà du seul point d'indice, des différents aspects qui concourraient à l'évolution du pouvoir d'achat. Il a ajouté que la satisfaction des revendications des organisations syndicales requerrait 10 milliards d'euros supplémentaires, ce qui paraissait incompatible avec la situation des finances publiques et qu'il présenterait des propositions aux organisations syndicales le 8 décembre prochain.

Puis la commission a entendu M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

Il a indiqué que l'objectif de la réforme de l'Etat était de concevoir une méthode qui permettrait l'instauration d'un processus permanent de changement. Il a expliqué que pour cette raison les stratégies ministérielles de réforme avaient été relancées en 2004 sous le signe d'une meilleure recherche de productivité de l'administration. Il a précisé, d'une part, qu'un comité d'évaluation des stratégies ministérielles de réforme, présidé par M. Francis Mer, s'était réuni afin d'évaluer l'ensemble des propositions faites par les ministères et d'émettre un avis sur l'application réelle des mesures adoptées et, d'autre part, que ces stratégies ministérielles de réforme étaient accessibles sur Internet, estimant que la transparence incitait les ministères à produire davantage de réformes.

Il a indiqué que les mesures identifiées par les stratégies ministérielles de réforme en 2004 devraient permettre de dégager à l'horizon 2007 des gains de productivité de 1,5 milliard d'euros par an. Après avoir estimé que les stratégies ministérielles de réforme devraient évoluer afin de devenir de véritables plans d'action, il a également souhaité que davantage de mesures interministérielles soient proposées et que ce travail soit mené en cohérence avec les principes établis par la loi organique relative aux lois de finances, le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pouvant lui-même impulser certaines mesures de réformes.

Il a indiqué qu'un objectif de productivité de 2 % par an serait fixé pour chaque ministère dès 2006.

Il a ensuite annoncé qu'une troisième loi de simplification du droit était prévue, indiquant qu'elle serait structurée autour de plusieurs catégories d'usagers telles que les maires, les petites et moyennes entreprises, les associations et les familles. Il a ajouté que le conseil d'orientation de la simplification administrative entendait actuellement des panels représentatifs de ces catégories d'usagers.

Il a indiqué que la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit du 2 juillet 2003 faisait actuellement l'objet d'une évaluation et qu'était également mesuré le coût de la complexité des procédures administratives applicables aux entreprises.

Il a annoncé qu'il avait proposé au premier ministre que soit créé dans chaque ministère un poste de secrétaire général, directement responsable des moyens et de la réussite des actions de réformes menées par le ministère et disposant d'un niveau hiérarchique suffisant.

Il a enfin indiqué que le fonds pour la réforme de l'Etat était doté de 12 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, s'est interrogée sur l'éventualité d'une contradiction entre l'annonce d'un futur projet de loi spécifique à la fonction publique territoriale et la volonté d'améliorer l'unité de la fonction publique, avant de s'inquiéter des difficultés pratiques pour les enseignants de commencer une seconde carrière au sein de la fonction publique.

Elle a souhaité savoir si le taux de 4 % d'augmentation des rémunérations des fonctionnaires avancé par le ministre concernait les trois fonctions publiques et connaître l'avis des organisations syndicales sur la rémunération au mérite des fonctionnaires.

Après avoir demandé où en était l'élaboration du décret établissant la convention-type de mise à disposition des services accompagnant les transferts de compétences prévus par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, elle a souhaité savoir si les associations d'élus et les organisations syndicales seraient bien consultées avant le dépôt du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale devant le Parlement.

Elle s'est enfin demandé si la gestion des prestations familiales des fonctionnaires ne serait pas trop lourde pour les caisses d'allocations familiales.

Après avoir rappelé que l'ensemble des prestations familiales transférées resterait inchangé pour les fonctionnaires, M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a indiqué que les caisses d'allocations familiales seraient défrayées du coût supplémentaire engendré par ce transfert, estimant que des économies d'échelle pourraient également être obtenues au sein de ces caisses.

Il a ensuite expliqué que sa proposition visant à présenter un projet de loi ayant exclusivement pour objet la fonction publique territoriale venait de la difficulté d'élaborer dans un délai raisonnable un texte concernant l'ensemble de la fonction publique, avant d'ajouter qu'il n'excluait toutefois pas d'inclure dans le projet de loi à venir certaines dispositions s'appliquant aux trois fonctions publiques.

Il a considéré que la possibilité offerte aux enseignants, à partir du 1er octobre 2005, de commencer une seconde carrière était importante pour la réforme de l'Etat et qu'il convenait de permettre à ces enseignants l'accès à certains postes et de prévoir une formation adaptée à leur nouvel emploi.

Après avoir rappelé l'importance des décisions prises par l'Etat en matière de rémunération des fonctionnaires dans la mesure où elles s'appliquent à l'ensemble des agents des trois fonctions publiques en vertu de l'unité du point indiciaire, il a estimé que les négociations salariales devraient être davantage décentralisées, indiquant qu'il comptait associer les autres employeurs publics à la poursuite des négociations salariales.

Il a en outre considéré que l'augmentation du point d'indice ne permettait pas de corriger les inégalités de rémunération au sein de la fonction publique.

Après avoir indiqué que le décret établissant la convention-type de mise à disposition des services accompagnant les transferts de compétence prévus par la loi relative aux libertés et responsabilités locales était élaboré par le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, il a invité les sénateurs à constater l'augmentation des salaires des fonctionnaires au cours de ces dernières années dans le rapport sur les rémunérations et les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2005 et le rapport annuel de 2003 sur la fonction publique. Il a néanmoins convenu, d'une part, que certains éléments déterminant le niveau de la rémunération, tels que le montant des primes et le glissement vieillesse technicité, différaient entre la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale et, d'autre part, que des statistiques plus précises sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires étaient nécessaires.

Après avoir craint que les lourdeurs de l'administration ne pèsent sur les propositions de réforme souhaitées par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, M. Christian Cointat a estimé que les réductions budgétaires devaient être décidées non seulement au regard du coût du service mais également du bénéfice qu'en tirent les citoyens, prenant l'exemple de la suppression de plusieurs consulats dans le projet de loi de finances pour 2005 pourtant particulièrement utiles pour les Français établis hors de France alors que seraient maintenus des services d'expansion économique aux effectifs pléthoriques et à l'utilité parfois contestée.

Effectuant un parallèle avec la fonction publique européenne dont le statut a pour une large part été créé à partir des principes de la fonction publique française et a fait l'objet d'une récente réforme, il a indiqué qu'il ne reconnaissait plus le statut de la fonction publique française devenu complexe, opaque et créateur de cloisonnement.

Il a souhaité savoir comment le ministre comptait réformer le mode de rémunération des fonctionnaires, qu'il estime être un facteur de cloisonnement, avant d'ajouter que les négociations salariales avec les organisations syndicales devraient être fondées sur le principe de confiance légitime.

Après avoir rappelé que le calcul de la rémunération moyenne des personnes en place ne permettait pas de prendre en compte les différences de salaires entre les fonctionnaires les mieux et moins bien lotis, il a par ailleurs affirmé que la réforme budgétaire issue de la loi organique relative aux lois de finances ne pourrait être efficacement mise en oeuvre sans changement de l'état d'esprit des hauts fonctionnaires de l'Etat.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a considéré que la réforme d'un service public devait se faire à la satisfaction des contribuables, des usagers et des fonctionnaires. Prenant l'exemple des politiques de réforme menées en Suède et au Canada, il a estimé que la réforme de l'Etat ne devait pas être fondée sur une vision comptable à court terme, avant de se déclarer favorable à la mutualisation des services de l'expansion économique et des services du ministère des affaires étrangères.

Il a ensuite reconnu que le statut de la fonction publique, en principe garant du principe d'égalité, pouvait en réalité être source d'inégalités du fait du cloisonnement des corps de fonctionnaires, rappelant que les différences de rémunérations entre les ministères constituaient un frein à la mobilité des fonctionnaires au sein de la fonction publique de l'Etat.

Après avoir considéré que le statut des fonctionnaires élaboré en 1946 était plus moderne que celui actuellement applicable, il a souhaité que soit élaborée une nouvelle structure de la rémunération des fonctionnaires, proposant qu'elle soit constituée de trois parties respectivement fondées sur le point indiciaire, la nature des fonctions assumées et le mérite du fonctionnaire. Il a indiqué qu'à partir de 2005, tous les directeurs d'administration centrale de l'Etat verraient leur rémunération modulée suivant les résultats obtenus au regard de la lettre d'objectifs qui leur aura été préalablement adressée, la variation pouvant aller de 100 à 120. Il a affirmé que l'objectif était de généraliser la rémunération au mérite à l'ensemble de la fonction publique, précisant que la rémunération au mérite collectif serait plus adaptée pour certains services.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a considéré que les relations entre l'Etat et les organisations syndicales n'étaient actuellement pas fondées sur le principe de confiance légitime, mais reposaient sur le modèle du paternalisme conflictuel. Il a estimé que les négociations devaient avant tout se dérouler selon un principe transactionnel permettant d'aboutir à des concessions réciproques de l'Etat et des organisations syndicales, voire par la suite dans un climat de confiance.

Convenant du fait que les rémunérations des fonctionnaires les plus défavorisés devraient être traitées prioritairement, il a indiqué qu'il recherchait les moyens les plus efficaces pour corriger les situations salariales les plus difficiles, prenant l'exemple des fonctionnaires ayant atteint le sommet de leur grille indiciaire.

Il a enfin considéré que l'absence d'évolution de la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique de l'Etat rendrait la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances difficile et pourrait conduire de ce fait à un dysfonctionnement de l'Etat, insistant notamment sur la nécessité d'une refonte des corps des fonctionnaires de l'Etat.

M. Bernard Frimat a tout d'abord indiqué que s'il était possible de rejoindre le constat général dressé par le ministre, il semblait en revanche que les intentions affirmées dans son discours ne correspondaient pas à la réalité des faits. Il a douté du renforcement des fonctions régaliennes dans le projet de loi de finances pour 2005. Il lui a semblé contradictoire de souhaiter améliorer la situation des fonctionnaires les plus démunis et de proposer dans le budget des réductions importantes des crédits accordées à l'action sociale interministérielle, prenant notamment l'exemple de la suppression de l'aide à l'amélioration de l'habitat des fonctionnaires retraités.

Il s'est ensuite associé au souhait de Mme Jacqueline Gourault que les associations représentant les élus locaux et les organisations syndicales de la fonction publique soient consultées lors de l'élaboration du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, tout en considérant que cette consultation ne devrait en aucun cas limiter le travail des parlementaires.

Il a également rappelé que le niveau des rémunérations des fonctionnaires territoriaux constituait une variable aléatoire et non maîtrisable pour le budget des collectivités territoriales, dans la mesure où il est en partie lié aux décisions prises pour la fonction publique de l'Etat.

Après avoir indiqué qu'il était toujours satisfait d'apprendre une augmentation générale du niveau de scolarité en France, il a souligné à quel point il était paradoxal d'envisager d'interdire l'accès à certains concours à des candidats surdiplômés.

Affirmant que les emplois-jeunes ne se trouvaient pas dévalorisés par la création des PACTE, il a estimé qu'il serait intéressant de connaître le nombre exact d'emplois-jeunes ayant été intégrés dans la fonction publique afin de pouvoir le comparer à l'avenir avec les résultats obtenus par cette nouvelle procédure d'accès à la fonction publique.

Il a enfin craint que la volonté affirmée de moderniser la fonction publique et la clarté de l'intervention du ministre ne cache en réalité un démantèlement du statut et des intentions de réforme auxquelles il ne pourrait adhérer.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a estimé que les services proposés par l'Etat devaient s'adapter à l'évolution des demandes des usagers, prenant l'exemple de la Suède qui était parvenue à un équilibre satisfaisant les citoyens, entre le niveau de prélèvements obligatoires qui atteint 50 % et la qualité des services offerts.

Il a confirmé que le transfert aux caisses d'allocations familiales de la gestion des prestations d'action sociale collectives des fonctionnaires serait sans changement sur leur contenu, avant de préciser que le fait que l'aide à l'amélioration de l'habitat des fonctionnaires retraités ne répondait plus à un besoin particulier s'expliquait en particulier par les prestations déjà assurées par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

Il a enfin souligné que les inégalités sociales constatées au niveau scolaire étaient reproduites par les concours de la fonction publique, estimant que cette situation pourrait être en partie corrigée par le PACTE qui permettrait aux jeunes sortis sans diplôme du système scolaire et universitaire ou sans qualification reconnue d'intégrer la fonction publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a considéré que la création de ce PACTE ferait certainement l'objet d'un important débat lors de son examen par le Sénat, au regard du respect du principe d'égalité d'accès à la fonction publique garanti par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du développement de ce qui pouvait apparaître comme une discrimination positive.

Il a également indiqué qu'après avoir intégré la fonction publique, les personnes surdiplômées par rapport au concours qu'elles ont réussi décident généralement de passer par la suite des concours internes, les employeurs publics tendant généralement à inciter leurs contractuels à passer le concours correspondant à leurs fonctions afin de pouvoir les titulariser.

M. Simon Sutour a souligné les difficultés liées à l'importance des personnels surdiplômés dans la fonction publique, relevant que cette tendance provenait, dans des départements touchés par un chômage important, des possibilités qu'offrait la fonction publique d'occuper des emplois dans la zone géographique d'origine des habitants, tout en estimant qu'il convenait de maintenir un principe d'égalité des citoyens dans l'accès aux emplois publics.

Il a insisté sur le fait que la revalorisation des rémunérations des catégories les plus basses de la fonction publique pourrait provenir, outre d'une revalorisation du point indiciaire, d'une amélioration du déroulement des carrières.

Après avoir évoqué le problème de la revalorisation des retraites des fonctionnaires, il s'est dit sensible à la question de la mobilité des fonctionnaires et a souhaité un décloisonnement global, dans l'ensemble de la fonction publique. Il a souligné que les fonctionnaires territoriaux rencontraient de fortes difficultés à intégrer la fonction publique de l'Etat alors qu'à l'inverse, de nombreux postes d'encadrement relevant de la fonction publique territoriale étaient attribués à des fonctionnaires de l'Etat.

En réponse, M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a précisé que les « parcours d'accès aux carrières des fonctions publiques territoriale, hospitalière de l'Etat » respecteraient pleinement les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en garantissant une égalité d'accès aux emplois publics. Il a souligné que, s'agissant des retraites des fonctionnaires, la question de la revalorisation indiciaire était aujourd'hui moins source de débat dès lors que les retraites étaient désormais indexées sur l'inflation et qu'une augmentation de 1,5 % du montant des retraites avait été décidée en 2004.

Convenant que le cloisonnement des fonctions publiques était une vraie difficulté, le ministre a souligné qu'il serait nécessaire d'envisager que la partie modulable de la rémunération des fonctionnaires puisse tenir compte de l'expérience professionnelle de chaque fonctionnaire, ce qui mettrait un terme à la fatalité de la grille indiciaire de la fonction publique. Il a également reconnu qu'il conviendrait que les fonctionnaires territoriaux puissent se porter candidat à des postes de la fonction publique de l'Etat, insistant sur l'importance d'une plus grande mobilité entre les trois fonctions publiques et d'une plus grande diversification des carrières.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé qu'actuellement aucune règle juridique ne s'opposait à la mobilité des agents publics, constatant qu'elle était en pratique plus forte pour les fonctionnaires de catégories A+ que pour les fonctionnaires des autres catégories, soulignant l'absence de toute possibilité de mobilité pour les fonctionnaires de catégorie C. Il a relevé les difficultés rencontrées pour pourvoir des postes dans la région Ile-de-France alors qu'à l'inverse, il était extrêmement difficile d'obtenir une mobilité dans d'autres régions. Il s'est dit persuadé que de nombreuses réformes pouvaient intervenir pour faire évoluer les métiers de l'emploi public.

Il a par ailleurs souligné le taux de sélectivité des instituts régionaux d'administration.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a précisé que l'un des objectifs recherchés était d'harmoniser les grilles indiciaires tout en veillant à ce qu'elles permettent aux fonctionnaires comptabilisant plus de vingt-cinq ans de carrière des possibilités d'évolution que les grilles actuelles n'autorisent pas.

M. Jean-Jacques Hyest, président, s'étant interrogé sur la suppression de certains postes existant à la suite de la création dans chaque ministère de secrétaires généraux chargés de gérer les actions de réforme dudit ministère, M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a souhaité que cette innovation aboutisse à un tel résultat.

PJLF pour 2005 - Audition de M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

Au cours d'une seconde réunion qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les crédits de son ministère hors collectivités territoriales inscrits au projet de loi de finances pour 2005.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a déclaré que le budget total du ministère de l'intérieur serait en 2005, de 13 milliards 498 millions d'euros et progresserait de 3,2 % par rapport au projet de loi de finances 2004. Il a précisé que, hors collectivités territoriales et hors crédits consacrés aux élections, il s'élèverait à 10 milliards 657 millions d'euros, soit une augmentation de 4,14 %. Il a souligné le volontarisme de ce budget et les trois orientations principales suivantes : une progression de 7,4 % des moyens matériels de la police nationale, un effort supplémentaire de 60 millions d'euros dans le domaine de l'investissement immobilier (+14,3 %) et informatique (+15 %), ainsi que la modernisation des moyens de sécurité civile.

Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a affiché son ambition de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre l'insécurité, conformément aux orientations fixées par le Président de la République le 8 novembre dernier à Nîmes. Il a indiqué que le nombre de crimes et délits avait diminué de 4,5 % par rapport à 2003, en particulier la délinquance de voie publique, en baisse de 9,20 %.

Il a ensuite expliqué que pour faire reculer durablement toutes les formes d'insécurité, sa stratégie s'articulait autour de trois priorités.

En premier lieu, il a déclaré que la loi devait être mieux respectée. Pour y parvenir, il a indiqué que toute infraction devait être sanctionnée par une réponse adaptée, dès la première infraction. Il y a vu le meilleur moyen de lutter contre la délinquance des mineurs, qui constituent aujourd'hui 20 % des mis en cause. Il a également rappelé que, grâce au protocole signé avec le ministre de l'éducation nationale, chaque établissement disposerait désormais d'un correspondant-sécurité dans les services de police et de gendarmerie.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a ensuite souligné sa volonté de lutter plus fermement contre l'immigration irrégulière, le nombre des reconduites à la frontière s'élevant à 12.000 en 2004 contre 6.000 en 2001.

Enfin, il a affirmé que faire respecter la loi impliquait de faire preuve de fermeté à l'encontre de tous ceux qui la défient, notamment en Corse où le nombre d'attentats a baissé depuis le début de l'année. Il s'est également montré déterminé à lutter sans relâche contre les actes racistes et antisémites qui constituent une menace inacceptable pour notre République. Il a indiqué que son action s'inspirerait des travaux de M. Jean-Christophe Rufin sur le racisme et de M. Azouz Begag sur la question de l'égalité des chances.

En second lieu, il a déclaré que la priorité était aussi la mise en place d'une nouvelle politique de prévention. Il a indiqué qu'avec le garde des Sceaux, il présenterait au Parlement en 2005 un projet de loi comportant quatre objectifs :

- bannir la violence à l'école ;

- mieux prendre en compte l'exigence de sécurité dans le cadre de vie quotidien, notamment en renforçant la vidéosurveillance et en combattant les dégradations quotidiennes comme les tags ;

- prévenir la réitération et la récidive ;

- clarifier les missions et les moyens, en identifiant les crédits destinés à la prévention de la délinquance au sein du Fonds interministériel pour la Ville.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a enfin annoncé que le maire serait reconnu comme coordonnateur au niveau local des actions de prévention.

En troisième et dernier lieu, il a jugé prioritaire l'adaptation de notre dispositif de sécurité à toutes les nouvelles menaces. Outre le terrorisme, il a mis l'accent sur la nécessité de s'attaquer au patrimoine des trafiquants qui reste trop souvent intact même après l'emprisonnement et la condamnation de ces derniers.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a ensuite présenté le budget 2005 qui donne les moyens de mener à bien ces missions.

A la suite du protocole du 17 juin 2004 signé avec la quasi-totalité des syndicats, il a annoncé la poursuite de la réforme des corps et carrières. Il a indiqué que grâce à cette réforme :

- les fonctionnaires seraient mieux encadrés à tous les niveaux ;

- les policiers seraient mieux formés avec le relèvement des niveaux généraux de qualification ;

- les personnels seraient plus opérationnels grâce à une gestion plus rigoureuse du temps de travail.

Il a évalué le coût de la réforme à 71 millions d'euros pour 2005, dont 49,8 millions d'euros au seul titre de la tranche 2005. Il a déclaré que cette réforme n'aurait pu se faire sans l'adoption concomitante d'un plan d'adaptation des grades pour la gendarmerie qui respecte les principes de parité avec la police nationale.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a ensuite ajouté que le budget 2005 prévoyait la création de 1.000 emplois budgétaires supplémentaires, répartis en 500 emplois de policiers actifs et 500 emplois de personnels administratifs, scientifiques et techniques.

Il a annoncé le doublement du montant accordé à la prime de résultat, qui devrait atteindre 10 millions d'euros en 2005. Il a indiqué qu'en 2004, cette prime concernerait 12 % des effectifs pour un montant moyen de 280 euros par fonctionnaire.

Concernant l'action sociale, il a déclaré que les crédits consacrés au logement des fonctionnaires en Ile-de-France progressaient de 37 %.

Enfin, M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales s'est félicité que près de trois ans après l'adoption de la LOPSI 68 % des crédits prévus sur la période 2003-2007 aient été ouverts.

Constatant néanmoins des retards dans l'exécution du programme immobilier, il a souligné que les crédits immobiliers progressaient pour atteindre l'année prochaine 100.000 m2 mis en chantier. Il a regretté que les gels de crédits de 2003 et de 2004 aient dénaturé la programmation pluriannuelle des dépenses prévue par la LOPSI.

Concernant la modernisation de l'administration territoriale, M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a annoncé la mise en oeuvre de deux projets essentiels : la création d'une identité nationale électronique sécurisée (INES) qui devrait unifier et sécuriser les documents d'identité et de nationalité et le lancement du système d'immatriculation des véhicules (SIV), dont le cahier des charges sera achevé au cours du premier trimestre 2005.

A propos du projet INES, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a indiqué qu'un projet de loi serait présenté au conseil des ministres avant la fin de l'année.

Il a déclaré que serait présentée le lendemain au conseil des ministres une directive nationale d'orientation des préfectures prévoyant :

- de recentrer les préfectures et les sous-préfectures sur leurs missions fondamentales que sont la sécurité, la gestion des crises, la coordination interministérielle, le conseil et le contrôle ;

- de réduire les tâches de guichet et donc de supprimer progressivement des emplois d'exécution ;

- de regrouper autour de l'autorité du préfet de région les huit pôles régionaux afin de mutualiser les moyens.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a ensuite souligné sa volonté de moderniser la sécurité civile, rappelant que le budget de cette dernière progressait de 20 % par rapport à 2004.

Il a indiqué que 47 emplois supplémentaires seraient créés pour renforcer le groupement des moyens aériens et les états majors des zones de défense, précisant que ces créations seraient compensées par des suppressions d'emplois administratifs.

Il a évoqué la nécessité de réaliser un important effort d'investissement avec l'acquisition, en 2005, de deux avions gros porteurs pour 38,4 millions d'euros et a ajouté que l'Etat aiderait aussi les collectivités locales. Notant que le fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours (FAI) progresserait de 42,7 % en crédits de paiement, il a insisté sur l'importance de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance instaurée par la loi du 13 août 2004 en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et a rappelé que l'Etat participerait à hauteur de 20 millions d'euros à son financement en 2005.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a clos son intervention en annonçant les moyens supplémentaires qui seraient inscrits en loi de finances rectificative pour 2004 :

- 62,3 millions d'euros pour financer le référendum sur le traité constitutionnel européen ;

- 23,2 millions d'euros supplémentaires en faveur de la police nationale pour renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière, alimenter plus rapidement le fichier national des empreintes génétiques et doter les services de renseignement de moyens technologiques adaptés.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, s'est réjoui que le projet de budget de la police pour 2005 maintienne le cap fixé par la LOPSI deux ans auparavant.

Il a tout d'abord demandé si les décrets d'application de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité paraîtraient rapidement, en particulier ceux relatifs à l'attestation d'accueil et aux pouvoirs des maires.

Il a ensuite réitéré sa question de l'année passée portant sur la création de l'Institut national de police scientifique. Il a rappelé que ces deux dernières années il lui avait été répondu à chaque fois que cette création était imminente.

Il a également souhaité avoir des précisions sur l'affectation des effectifs supplémentaires remarquant que sur le terrain les hausses annoncées d'effectifs n'étaient pas toujours immédiatement perceptibles.

Enfin, il a demandé si la montée en puissance du fichier national des empreintes génétiques était en ligne avec les objectifs et si l'interopérabilité des fichiers et des systèmes de communication de la police et de la gendarmerie progressait.

En réponse, M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué que les décrets d'application de la loi du 26 novembre 2003 étaient sur le point de paraître, ayant fait de cette question une de ses priorités dès son entrée en fonction. Il a notamment annoncé la signature du décret relatif à l'attestation d'accueil et aux pouvoirs des maires ainsi que l'examen en cours par le Conseil d'Etat du projet de décret relatif au relevé des empreintes digitales à l'occasion de la délivrance des visas. Plus généralement, il a affiché sa détermination à lutter contre l'immigration clandestine et les réseaux mafieux. Il a rappelé qu'en 2004 les reconduites à la frontière avaient augmenté de 60 %. Il a estimé que grâce à cette politique la France ne serait plus le maillon faible de l'Europe vers lequel se concentrent les flux de clandestins.

Concernant la création de l'Institut national de police scientifique, il a assuré que le décret paraîtrait avant la fin de l'année afin que l'institut soit opérationnel au 1er janvier 2005. Il a ajouté que la ligne budgétaire prévue à cet effet serait abondée en conséquence.

Concernant les renforts réels d'effectifs, il a indiqué qu'en 2005 ils s'élèveraient à 1 900 personnes sortant des écoles de formation de la police. Il a souligné que leur répartition géographique s'effectuerait sur la base d'une dizaine de critères objectifs et rationnels. Enfin, il a indiqué que ces personnels seraient principalement affectés au renforcement des services de renseignement et à la lutte contre l'immigration clandestine et les violences urbaines, notamment dans la grande couronne de la région parisienne.

A propos du fichier national des empreintes génétiques, M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a réaffirmé la montée en puissance du fichier, des moyens supplémentaires étant prévus en loi de finances rectificative pour 2004 et en loi de finances pour 2005. Il a indiqué que l'objectif était de 120 000 profils enregistrés à la fin 2005, contre 40 000 fin 2004. Il a estimé que cet outil permettrait d'améliorer considérablement le taux d'élucidation et faciliterait le travail de la justice.

Enfin, concernant le rapprochement des fichiers et des systèmes de communication de la police et de la gendarmerie, il a estimé que les fichiers STIC et JUDEX pourraient fusionner en 2006. Toutefois, à propos des systèmes de communication Acropol et Rubis, il a fait valoir qu'une fusion des réseaux n'était pas envisageable à moyen terme en raison du coût de l'investissement.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial pour la commission des Finances, a interrogé le ministre sur la poursuite de l'externalisation de certains services, sur la réduction des tâches indues incombant à la police nationale, sur l'amélioration de la transparence dans l'attribution de la prime de résultats et sur la trop grande complexité de certains indicateurs de résultats élaborés dans le cadre de la LOLF. Il a également souhaité avoir des précisions sur le nombre d'agents arabisants des Renseignements généraux.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a tout d'abord répondu que toutes les possibilités d'externalisation étaient explorées. Ainsi, parmi d'autres exemples, il a indiqué que près de 30 % de la maintenance automobile dans la police nationale étaient externalisés. Toutefois, il a fait observer que des limites existaient et que les exigences du service public ne permettaient pas de tout déléguer.

Concernant la résorption des tâches indues, il a remarqué qu'il s'agissait d'une question récurrente difficile. Il a notamment expliqué que la charge des transfèrements et de la surveillance des palais de justice ne pouvait sans doute pas être confiée à un service spécialisé en raison de l'éparpillement sur l'ensemble du territoire de cette mission. Toutefois, il a affiché son souhait de clarifier le partage des tâches dans un souci d'équilibre et d'étudier ponctuellement des solutions nouvelles. Il a en particulier indiqué que des expérimentations étaient en cours à Nancy en matière d'escorte médicale.

Concernant l'emploi d'agents arabisants par les services de renseignement afin de lutter contre l'islamisme radical, il a fait part de son souci constant d'adapter le profil des policiers à la société française et aux missions confiées.

Concernant la prime de résultats, après s'être félicité que son ministère ait été précurseur, il a estimé que dans l'ensemble les syndicats et les policiers étaient satisfaits des conditions d'attribution de cette prime en dépit des améliorations qui pourraient encore être apportées. Il a jugé qu'il existait déjà plusieurs garanties de transparence.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a jugé anormales les conditions d'application de l'article 76 de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration. Il a expliqué que cet article, partiellement censuré par le Conseil constitutionnel au nom du respect du principe de la liberté du mariage, permettait à l'officier de l'état civil de saisir le procureur de la République lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer un mariage de complaisance ou le consentement non libre de l'un des époux. Il a précisé que le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions précisant que constitue un indice sérieux le fait, pour un ressortissant étranger, de ne pas justifier de la régularité de son séjour. Il a ensuite dénoncé la pratique contraire à la décision du Conseil constitutionnel de certains officiers de l'état civil qui saisissent le procureur de la République sur le simple argument de l'irrégularité du séjour. Il a expliqué que le procureur suspendait alors le mariage et demandait une enquête auprès des services de police, lesquels au lieu de s'assurer de la liberté du consentement contrôlaient uniquement la régularité du séjour en vue d'un éventuel éloignement. Il a demandé quelles mesures son ministère envisageait pour faire cesser cette interprétation illégale de la loi. Il a également rappelé que ce problème avait été l'objet d'une question écrite au Premier ministre restée sans réponse depuis le mois d'avril dernier.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a répondu qu'il fallait en effet y prendre garde tout en laissant aux services de police le temps pour enquêter.

M. Pierre-Yves Collombat a demandé si, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale affichée comme une priorité du ministère, des mesures spécifiques s'attacheraient à lutter contre les paradis fiscaux ou le développement des sociétés de compensation.

M. Philippe Goujon a interrogé le ministre sur la délinquance parisienne et la réforme de la préfecture de police. Il a tout d'abord demandé si le projet de centre d'accueil pour les mineurs isolés étrangers aboutirait bientôt. Il a ensuite souhaité que les effectifs de l'Unité mobile de protection et d'intervention (UMIP) chargée d'effectuer des patrouilles en lieu et place de nombreux gardes statiques soient renforcés en raison du plan Vigipirate. Il s'est également alarmé de l'augmentation du trafic de crack dans le 18è arrondissement de Paris, qui concentre 75 % du trafic national de ce stupéfiant. Enfin, il a souhaité des précisions sur les mesures de fidélisation des forces de police en région parisienne.

M. José Balarello a demandé quelles décisions seraient prises pour réduire le délai d'examen devant la commission de recours des réfugiés des recours des demandeurs d'asile déboutés par l'OFPRA.

M. Jean-René Lecerf a demandé si le délai pour la délivrance aux demandeurs d'asile d'une autorisation provisoire de séjour serait lui aussi réduit. Par ailleurs, il a demandé selon quelles modalités nouvelles les policiers seraient désormais affectés sur le territoire national, la répartition actuelle étant très disparate et inégale.

En réponse à M. Pierre-Yves Collombat, M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a souligné que la lutte contre le blanchiment de l'argent du crime supposait une coordination interministérielle excellente. Il a indiqué que la cellule Tracfin du ministère des finances avait plus particulièrement la charge de surveiller les transferts financiers suspects. Il a ajouté que la création des GIR avait recentré l'action des services vers le démantèlement des trafics les plus importants. Enfin, il a annoncé la création d'une plate-forme rassemblant plusieurs services et ministères ayant pour mission d'évaluer systématiquement les patrimoines suspects.

En réponse à M. Philippe Goujon, il a confirmé la création d'un centre d'accueil pour mineurs étrangers isolés à Paris à titre expérimental. Il a précisé qu'il devrait être doté d'un budget de 1,5 million d'euros en 2005 et serait créé en partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse et la ville de Paris. Concernant l'UMIP, il a indiqué que sa création avait permis de redéployer 300 policiers sur le terrain et que dans le cadre de Vigipirate elle recevait un renfort de 120 militaires. En outre, il a déclaré qu'une brigade moto-cycliste serait créée en son sein en 2005.

Concernant le trafic de crack, il a indiqué que la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie (MILT) étudiait les solutions d'accueil, un traitement lourd étant nécessaire pour ces cas dramatiques fixés sur une zone SNCF bien délimitée du 18è arrondissement. Enfin, à propos de la fidélisation des policiers en région parisienne, il a expliqué que le protocole du 17 juin 2004 sur la réforme des corps et carrières modifiait le statut à cette fin. En outre, il a estimé que les efforts consentis par le budget 2005 en faveur du logement des policiers devraient aussi y contribuer.

En réponse à M. José Balarello, il a indiqué que 150 nouveaux postes étaient créés à la commission de recours des réfugiés et que l'objectif était de ramener à six mois contre dix-huit actuellement les délais de traitement des dossiers.

Enfin, en réponse à M. Jean-René Lecerf, il a expliqué que la répartition des effectifs sur le territoire se ferait sur la base de critères objectifs et rationnels et que, dans ce cadre, le département du Nord bénéficierait d'effectifs supplémentaires.

M. Nicolas Alfonsi, tout en se réjouissant de la baisse du nombre d'attentats en Corse, a attiré l'attention sur les insuffisances d'une vision purement comptable de ces événements, tel attentat n'ayant pas nécessairement le même impact que tel autre.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a partagé cette analyse. Il a déclaré que le Gouvernement et l'Etat faisaient ce qu'ils devaient sans pour autant crier victoire. Il a estimé que la lutte contre la violence devait continuer sans aucune hésitation tout en accélérant parallèlement le développement économique. Il a enfin jugé que le message commençait à être bien compris par tous et que la République n'était pas négociable de ce point de vue.

Passant à la sécurité civile, M. Jean-Jacques Hyest, président, a salué l'adoption de la loi du 13 août 2004 de modernisation en rappelant que celle-ci était attendue depuis longtemps par les acteurs des secours.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a constaté que cette loi constituait une avancée remarquable pour la protection des populations et qu'elle était déjà en partie applicable. Il a noté que le texte permettant la création de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, destinée à devenir l'instance de dialogue incontournable entre les acteurs concernés, avait été publié le 31 octobre dernier. Il s'est interrogé sur le calendrier prévisionnel de la publication des autres décrets d'application.

Rappelant que les départements faisaient face à l'augmentation des charges des SDIS, qu'ils en assureraient seuls le financement à compter de 2008 et que des distorsions importantes existaient entre leurs situations respectives, il a demandé des précisions sur les engagements de l'Etat pour prendre en considération ces difficultés et rétablir un lien de confiance avec les collectivités territoriales, ainsi que sur le transfert d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance aux départements.

Soulignant la nécessité du développement d'une culture de gestion chez les acteurs de la sécurité civile afin d'adapter encore mieux les moyens des services de secours à leurs besoins, il s'est interrogé sur le rôle que pourrait jouer la conférence nationale des services d'incendie et de secours et l'école nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers en la matière.

Constatant que l'une des avancées notables de la loi du 13 août 2004 était de faire de la sécurité civile « l'affaire de tous », il a rappelé qu'il avait contribué à la création du dispositif des réserves communales de sécurité civile, afin de permettre aux communes le souhaitant de créer des instruments souples organisant « les bonnes volontés » pour venir appuyer les services de secours, et a demandé au ministre s'il était prêt à soutenir les expérimentations à venir.

En réponse à M. Charles Guené, M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué que la trentaine de décrets prévus pour l'application de la loi du 13 août 2004 serait publiée dans le délai d'un an. Il a précisé que la conférence nationale des services d'incendie et de secours se réunirait probablement dès le mois de décembre et que le conseil national de sécurité civile pourrait débuter ses réflexions au début de l'année 2005.

Il a ajouté que les textes permettant l'entrée en vigueur de la prestation de fidélisation et de reconnaissance seraient parmi les premiers à être soumis à la conférence nationale des services d'incendie et de secours et que le dispositif transitoire serait prochainement effectif.

Il a insisté sur le rétablissement du lien de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales par la fixation de règles claires et par le transfert aux conseils généraux de 900 millions d'euros prélevés sur la taxe sur les conventions d'assurance en contrepartie d'une reprise de 880 millions d'euros de leur dotation générale de fonctionnement.

Relevant que cette recette fiscale serait plus dynamique qu'une dotation normée, il a indiqué que la différence de 20 millions d'euros, portée à 30 millions d'euros en 2006, constituerait la contribution de l'Etat au financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires. Il a indiqué que le fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours augmenterait de 42 % en crédits de paiement et que les 65 millions d'euros prévus conforteraient les efforts d'équipement entrepris.

Il a rappelé que l'Etat prendrait en charge les dépenses issues des interventions de renforts extra départementaux en cas de crise, à l'exemple des feux de forêts.

Il a souligné l'importance de l'affirmation du rôle de pilotage des services départementaux d'incendie et de secours par les départements dans la loi du 13 août 2004, de la mise en place de la conférence nationale des services d'incendie et de secours et de l'actualisation de la formation des officiers sapeurs-pompiers pour le développement d'une culture de gestion dans les services de secours.

Il s'est déclaré favorable aux expérimentations de réserves communales de sécurité civile, ajoutant que les services du ministère étaient prêts à y collaborer et que certains comités communaux de feux de forêts de départements du sud de la France avaient l'intention de se transformer en réserves.

Tout en rejoignant les propos des précédents orateurs sur les avancées de la loi du 13 août 2004, Mme Michèle André a constaté que le contrôle des dépenses des services départementaux d'incendie et de secours était déjà effectif avant cette dernière et que les débats à ce sujet au sein des assemblées locales étaient parfois âpres. Elle s'est interrogée sur l'importance relative de la contribution de l'Etat au financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, ajoutant qu'elle avait cru comprendre que cette part s'élèverait à la moitié du montant total de la prestation, et sur la pertinence du critère de population zonale pris en compte par les préfets de zone pour la répartition du fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a rappelé que le coût annuel de la prestation de fidélisation et de reconnaissance était estimé à 60 millions d'euros et que la participation de l'Etat serait bien de 30 millions d'euros à compter de 2006, soit la moitié du montant total.

Concernant les critères de répartition du fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours, il a indiqué que des solutions alternatives au dispositif actuel étaient possibles mais que ce dernier avait l'avantage de la simplicité.

Audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur les crédits relatifs à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur les crédits relatifs à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a souligné, en premier lieu, que l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales s'élèverait à 62,138 milliards d'euros en 2005, en augmentation de 4,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004.

Il a indiqué que le contrat de croissance et de solidarité serait reconduit pour un an, ce qui permettrait à l'enveloppe normée des dotations de l'Etat d'augmenter de 2,87 %, pour atteindre le montant de 43,903 milliards d'euros, la dotation globale de fonctionnement progressant, à elle seule, de 3,29 % pour atteindre le montant total de 37,949 milliards d'euros.

Il a mis en exergue l'importance de cette progression au regard du gel en euros constants de l'ensemble des dépenses de l'Etat.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué, en deuxième lieu, que le projet de loi de finances pour 2005 poursuivait la réforme de la dotation globale de fonctionnement engagée en 2004 afin de renforcer la péréquation en faveur des collectivités les moins favorisées. Il a précisé que les mesures proposées s'inspiraient largement des conclusions d'un rapport du Comité des finances locales remis au Gouvernement le 28 avril 2004.

Présentant la réforme de la dotation globale de fonctionnement des communes, il a expliqué que la dotation forfaitaire serait rationalisée et comprendrait désormais :

- une dotation de base d'un montant compris entre 60 à 120 euros par habitant, l'Assemblée nationale ayant souhaité, d'une part, que le coefficient de valorisation ne varie pas de 1 à 2,5 en fonction de la taille des communes comme l'avait proposé initialement le Gouvernement, mais de 1 à 2, afin de réduire les écarts entre communes de taille différente, d'autre part, que le plancher initialement prévu de 50 euros pour les plus petites communes soit relevé à 60 euros par habitant ;

- d'une dotation proportionnelle à la superficie des communes, égale à 3 euros par hectare et plafonnée au montant de la dotation de base, afin de prendre en compte la spécificité des communes étendues, mais peu peuplées, l'Assemblée nationale ayant porté ce montant à 5 euros par hectare, avec l'accord du Gouvernement, pour les communes situées en zone de montagne ;

- un complément de garantie permettant à toutes les communes de bénéficier d'une dotation au moins égale à celle de 2004.

Il a observé qu'au gel de la progression de la dotation forfaitaire en 2005, initialement prévu par le projet de loi de finances afin de dégager de plus grandes marges en faveur de la péréquation, l'Assemblée nationale avait préféré une progression de 1 %. Il a indiqué que des marges suffisantes subsisteraient néanmoins pour augmenter de 20 % la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, leurs critères d'attribution étant revus afin de les rendre plus sélectives. Il a ainsi expliqué que la croissance de la dotation de solidarité urbaine bénéficierait essentiellement aux communes disposant de zones urbaines sensibles et de zones franches urbaines, selon des modalités prévues par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, tandis que celle de la dotation de solidarité rurale profiterait principalement aux bourgs centres, en particulier ceux situés en zone de revitalisation rurale.

Evoquant la réforme de la dotation globale de fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale, M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a expliqué que trois mesures étaient destinées à soutenir l'intercommunalité en milieu rural :

- l'obligation faite au Comité des finances locales de fixer un taux de croissance de la dotation par habitant des communautés de communes compris, selon le souhait de l'Assemblée nationale, entre 130 % et 160 % du taux retenu pour les communautés d'agglomération, la fourchette prévue par le projet de loi de finances initial étant de 120 % à 140 %, afin de rapprocher progressivement les montants de ces dotations ;

- la suppression de l'écrêtement subi par les communautés de communes à fiscalité additionnelle en cas d'augmentation supérieure à 20 % de leur dotation d'intercommunalité ;

- la suppression de la prise en compte des dépenses de transferts dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale des communautés de communes à fiscalité additionnelle.

Il a ajouté que la prévisibilité de la dotation d'intercommunalité serait améliorée grâce à :

- la simplification du coefficient d'intégration fiscale ;

- l'augmentation de 15 % à 30 % de la part de la dotation de base, celle de la dotation de péréquation diminuant corrélativement de 85 % à 70 % ;

- la fixation en valeur absolue et non plus en valeur relative du montant du coefficient d'intégration fiscale permettant de bénéficier d'une garantie de progression.

Abordant la réforme de la dotation globale de fonctionnement des départements, M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué que le projet de loi de finances pour 2005 prévoyait de supprimer l'actuelle dotation de péréquation, en raison de ses effets de seuil, d'élargir le bénéfice de la dotation de fonctionnement minimale et de créer une dotation de péréquation urbaine pour les départements urbains.

Il a précisé que 40 nouveaux départements seraient éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, en sus des 24 actuels, et bénéficieraient d'une garantie de progression de 6 % par rapport au montant consolidé de leur dotation de péréquation en 2004. Il a estimé que cette progression devrait être bien supérieure en réalité.

Il a souligné que la création de la dotation de péréquation urbaine serait exclusivement financée à partir de l'ancienne dotation de péréquation et grâce à la croissance de la masse de la dotation globale de fonctionnement, et en aucun cas au détriment des départements ruraux.

En dernier lieu, M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué que le projet de loi de finances pour 2005, conformément à la Constitution, prévoyait la compensation à l'euro près, par des ressources fiscales, des charges transférées aux collectivités territoriales par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Il a précisé que les régions bénéficieraient d'une fraction du tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, pour un montant de 400 millions d'euros en 2005, et les départements d'une fraction du taux de la taxe sur les conventions d'assurance, pour un montant de 120 millions d'euros, une autre fraction du taux de cette taxe leur étant attribuée, pour un montant de 900 millions d'euros, au titre du financement des services départementaux d'incendie et de secours.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué que ces montants constituaient des provisions, les montants définitifs devant être arrêtés après l'intervention de la commission consultative d'évaluation des charges. A cet égard, il a observé que le projet de décret fixant les modalités de fonctionnement de cette commission avait reçu l'avis favorable du Comité des finances locales le 26 octobre 2004.

Evoquant la réforme de la dotation globale de fonctionnement, M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, s'est demandé s'il n'eût pas été souhaitable, afin de mesurer objectivement et équitablement les écarts de richesse entre collectivités comme le préconisait l'exposé des motifs du projet de loi de finances, d'inclure, dans la définition de leur potentiel financier, des ressources telles que la taxe de séjour, le prélèvement sur les jeux de casinos ou, à terme, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ou encore la taxe sur les conventions d'assurance.

Il a également souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de généraliser la substitution du critère du potentiel financier à celui du potentiel fiscal, observant que ce dernier critère resterait utilisé, par exemple, pour la répartition du concours versé aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au titre du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Evoquant les transferts de fiscalité opérés pour compenser les charges induites par les nouvelles compétences transférées aux collectivités territoriales, M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a observé, en premier lieu, que le projet de loi de finances pour 2005 déterminait les modalités de calcul de la fraction de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers attribuée à chaque région et de la fraction de taux de la taxe sur les conventions d'assurance attribuée à chaque département, mais confiait au pouvoir réglementaire le soin de fixer ces pourcentages. Il s'est demandé si une telle disposition n'encourait pas un risque de censure par le Conseil constitutionnel.

Il a indiqué, en second lieu, que le projet de loi de finances pour 2005 tendait à créer une taxe additionnelle régionale à la taxe d'apprentissage et, en contrepartie, à réduire la dotation générale de décentralisation versée aux régions, le taux de cette taxe, fixé par la loi, étant égal à 0,06 % de la masse salariale en 2005 et devant être porté à 0,18 % en 2007. Il a souhaité connaître les raisons pour lesquelles les conseils régionaux n'auraient pas la possibilité de moduler le taux de cette taxe additionnelle et savoir si l'évolution des bases de la taxe d'apprentissage était aussi favorable que l'indexation de la dotation générale de décentralisation.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, a salué l'ampleur des réformes relatives aux relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales contenues dans le projet de loi de finances pour 2005. Il a déclaré que la révision des critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement apportait davantage de clarté et d'équité et constituait, à ce titre, un véritable progrès. Il s'est également félicité de la reconduction pour un an du contrat de croissance et de solidarité.

Appuyant les propos de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, il a estimé que la loi organique du 29 juillet 2004 exigeait de fixer dans la loi la fraction de taux ou de tarif du produit d'une imposition de toutes natures attribuée à chaque collectivité pour compenser les charges induites par un transfert de compétences.

Se faisant l'écho des inquiétudes des élus locaux confrontés à des augmentations de charges non compensées par l'Etat, il a souligné la nécessité de transférer aux collectivités territoriales des ressources fiscales modulables. A titre d'exemple, il a indiqué que les départements devraient supporter les conséquences financières de l'interruption des aides prévues par la « loi Aubry » en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux pour le passage aux 35 heures.

M. Jean-Pierre Sueur a jugé que le projet de loi de finances pour 2005, dans son volet consacré aux relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, n'était pas dépourvu d'intérêt.

Il a relevé le caractère cyclique des réformes de la dotation globale de fonctionnement, les critères utilisés pour sa répartition étant régulièrement simplifiés après avoir été multipliés. Dénonçant les injustices causées par une telle multiplication, il a jugé nécessaire de retenir trois ou quatre critères seulement : le potentiel fiscal, la richesse réelle, la population, l'existence de zones urbaines sensibles ou de zones de revitalisation rurale.

M. Jean-Pierre Sueur s'est demandé en outre s'il ne convenait pas de financer la péréquation par une diminution de la dotation forfaitaire et pas seulement par un prélèvement sur l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement, rappelant que MM. Philipe Arnaud et Gérard Delfau avaient proposé en vain, lors de l'examen par le Sénat en première lecture du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, de faire financer la majoration de la dotation de solidarité urbaine par un prélèvement sur la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes les plus riches. Il a observé qu'une telle réforme était difficile à mettre en oeuvre tant elle suscitait d'oppositions, rappelant celle de M. Laurent Fabius, alors ministre de l'économie et des finances, lorsqu'il avait été entendu par la Commission pour l'avenir de la décentralisation.

Enfin, M. Jean-Pierre Sueur a souhaité savoir si la réforme de la dotation de solidarité rurale prévue par le projet de loi de finances pour 2005 permettrait de mettre un terme à la dispersion des crédits et de renforcer la sélectivité des aides de l'Etat.

M. Pierre-Yves Collombat s'est réjoui de la réduction des écarts de dotation par habitant entre collectivités territoriales prévue par le projet de loi de finances pour 2005. Il a souhaité connaître la part des crédits consacrés à la péréquation dans l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales au terme de cette réforme.

M. Pierre Jarlier a approuvé la réforme de la dotation globale de fonctionnement prévue par le projet de loi de finances pour 2005.

Il a déploré que l'Assemblée nationale ait réduit de 70 % à 40 % la progression de la fraction bourgs centres de la dotation de solidarité rurale versée aux communes situées en zone de revitalisation rurale et a souhaité savoir si le Gouvernement proposerait au Sénat de rétablir la rédaction initiale du projet de loi de finances.

Il a regretté que la réforme de la dotation de solidarité urbaine ne figure pas dans le projet de loi de finances mais dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et a exprimé la crainte que la forte majoration de la dotation versée aux communes disposant de zones urbaines sensibles et de zones franches urbaines prévue par ce dernier texte ne prive les communes rurales éligibles du bénéfice de la progression des crédits.

M. Pierre Jarlier s'est félicité que le Gouvernement ait tenu l'engagement pris devant l'Association nationale des élus de la montagne en donnant un avis favorable à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale consistant à porter de trois à cinq euros par hectare le montant de la part de la dotation forfaitaire proportionnelle à la superficie versée aux communes situées en zone de montagne. En revanche, il a déploré que le montant de cette part ne puisse excéder celui de la dotation de base, versée en fonction du nombre d'habitants, soulignant que cette disposition prévue pour tenir compte des particularités de la Guyane pénaliserait des communes rurales métropolitaines très étendues et peu peuplées.

Enfin, tout en se félicitant de la réforme de la dotation de fonctionnement minimale versée aux départements ruraux, il s'est inquiété du maintien, au bénéfice des collectivités situées en zone de montagne, de la majoration du critère de la longueur de la voirie utilisé pour la répartition de cette dotation.

M. Hugues Portelli a souligné que le développement de l'intercommunalité conduisait à une forte diminution des ressources du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France. Il a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de prendre des mesures pour assurer la pérennité de ce fonds.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité connaître les contours des réformes de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties annoncées par le président de la République.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué que la réforme de la dotation globale de fonctionnement, comme toute réforme d'ampleur, comportait inévitablement des imperfections.

Il a expliqué que seules avaient été retenues dans la définition du potentiel financier les ressources lisibles, pérennes et faciles à recenser. Il a expliqué que la taxe de séjour et le prélèvement sur les jeux de casinos n'avaient pas été retenus parce qu'ils n'étaient pas perçus par toutes les communes, les ressources procurées aux départements par une fraction de taux de la taxe sur les conventions d'assurance et de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ayant été écartées parce qu'elles n'étaient pas encore stabilisées. Il s'est déclaré prêt à poursuivre la réflexion sur la définition du potentiel financier et la généralisation de son utilisation dans la répartition des concours de l'Etat aux collectivités territoriales après une évaluation des résultats de son introduction.

Il a ajouté que la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale permettrait de prévoir un même taux d'évolution de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale, précisant qu'un mécanisme de garantie permettrait de lisser les effets de la réforme de la part bourgs centres de cette dernière dotation.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a estimé que le remplacement d'une partie de la dotation générale de décentralisation versée aux régions par une taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage contribuait à la modernisation des finances locales. Il a indiqué que l'absence de possibilité de modulation du taux de cette taxe par les conseils régionaux résultait de la crainte de trop fortes distorsions sur le territoire national.

Il a déclaré que le projet de loi de finances, dans la mesure où il déterminait précisément les modalités de calcul de la fraction de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers attribuée à chaque région et de la fraction de taux de la taxe sur les conventions d'assurance attribuée à chaque département, était conforme à la Constitution. Il s'est déclaré réservé sur la mention des pourcentages attribués à chaque collectivité dans la loi de finances ou dans l'une de ses annexes. Enfin, il a annoncé que les conseils généraux auraient la possibilité de moduler le taux de la taxe sur les conventions d'assurance à compter de 2007.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a estimé que la réforme de la dotation globale de fonctionnement prévue par le projet de loi de finances pour 2005 en améliorait considérablement la lisibilité et contribuait à un renforcement de la péréquation. Il a rappelé que les mesures envisagées reprenaient les propositions d'un groupe de travail créé en son sein par le Comité des finances locales. Après avoir mis en exergue le rôle croissant joué par le comité et l'estime que lui portait le Gouvernement, il a formé le voeu que son prochain président exerce ses fonctions avec impartialité.

Rappelant que les dotations de péréquation représentaient actuellement environ 15 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, il a estimé que cette part devrait progresser de 2 % par an à compter de 2005, mais qu'il importait également d'améliorer la sélectivité des aides.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a observé que les communes situées en zone de montagne bénéficieraient non seulement de la création, au sein de la dotation forfaitaire, d'une part proportionnelle à leur superficie, prévue par le projet de loi de finances initiale, mais également de la majoration du montant de cette dotation de 3 à 5 euros par hectare décidée par l'Assemblée nationale. Il a jugé cette réforme équilibrée.

Par ailleurs, il a indiqué que la dotation de solidarité urbaine n'avait pas pour objet principal de financer les bourgs centres ruraux.

M. Jean-Pierre Sueur a jugé mesquine la limitation des augmentations de dotations au titre de la part principale de la dotation nationale de péréquation ou de la fraction bourgs centres de la dotation de solidarité rurale des communes enregistrant par ailleurs un accroissement significatif de leur dotation de solidarité urbaine, votée par le Sénat sur proposition du Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a rappelé que la dotation de fonctionnement minimale versée aux départements ruraux ne serait pas affectée par la création d'une dotation de péréquation urbaine puisque cette dernière serait financée par la redistribution de l'actuelle dotation de péréquation et l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement.

Il s'est engagé à trouver une solution aux difficultés de financement du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France résultant du développement de l'intercommunalité, observant qu'elles risquaient d'être aggravées par la substitution du critère du potentiel financier à celui du potentiel fiscal.

Enfin, évoquant les réformes annoncées de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, il a déclaré attendre les conclusions de la commission présidée par M. Olivier Fouquet et du groupe de travail constitué au sein de la commission des finances du Sénat avant de formuler des propositions. Il s'est engagé à préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, soulignant que tel n'avait pas été le cas entre 1997 et 2002, période au cours de laquelle leurs recettes fiscales avaient été amputées de près de 15 milliards d'euros.

Mercredi 17 novembre 2004

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abordprocédé, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, à l'examen duprojet de loi n° 9 (2004-2005) portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a d'abord rappelé que la mise en place rapide de cette instance répondait à des exigences internationales et européennes fortes, telles que la recommandation adressée à la France par le comité des droits de l'homme de l'ONU en 1997 et la directive européenne du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement des personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Il a souligné que cette directive imposait aux Etats membres la désignation d'un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement et devant être en mesure d'apporter aux victimes de discriminations une aide indépendante pour engager une procédure, de conduire des études, de publier des rapports et d'émettre des recommandations sur toutes les questions liées aux discriminations. Il a également indiqué que la création de cette autorité indépendante correspondait au souhait exprimé par le Président de la République lors de son discours prononcé à Troyes le 14 octobre 2002, cet engagement reposant notamment sur le bilan d'un relatif échec des dispositifs existants, qu'il s'agisse du service téléphonique « 114 », des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC) ou encore du groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD).

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a estimé que le faible nombre de condamnations prononcées chaque année pour des infractions reposant sur des discriminations, s'il était en partie le fruit d'un rapport de forces inégal entre la victime et les auteurs de discriminations, illustrait également les insuffisances des dispositifs en vigueur. Il a rappelé que certaines enquêtes de « testing », comme celle réalisée en 2004 par l'Observatoire des discriminations de l'Université Paris I ou certaines enquêtes statistiques, comme celle réalisée par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales montraient qu'un tiers des adultes interrogés déclaraient avoir été confrontés à des attitudes intolérantes ou discriminatoires, témoignant de l'acuité persistante de ces comportements dans notre pays.

Le rapporteur a déclaré que la HALDE semblait répondre aux critères de création des autorités administratives indépendantes lesquelles sont destinées à garantir l'impartialité des interventions de l'Etat dans un domaine touchant aux droits et libertés, à assurer la participation de personnes d'origine et de compétence diverses, à permettre une action rapide et adaptée de l'Etat et à faciliter le recours à la médiation.

Rappelant que la haute autorité serait composée d'un collège de onze membres, il a souligné que cette collégialité lui apporterait de réelles garanties d'indépendance et qu'elle bénéficierait par ailleurs de l'appui d'un comité consultatif composé de personnalités qualifiées et de moyens humains et financiers proportionnés à sa mission.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a relevé que l'Assemblée nationale avait souhaité l'application partielle du principe de parité entre les femmes et les hommes par les autorités désignant chacune deux membres du collège de la haute autorité et rendu obligatoire la création auprès d'elle d'un organisme consultatif, en précisant que les personnalités appelées à y siéger seraient choisies parmi des représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et parmi des personnes exerçant une activité dans le domaine de la lutte contre la discrimination et pour l'égalité.

Il a indiqué que la HALDE, dont les services seraient placés sous l'autorité de son président, devrait à terme employer 80 agents et qu'un budget de 10,7 millions d'euros avait été prévu dans le projet de loi de finances pour 2005. Il a précisé que la HALDE se verrait reconnaître un champ de compétences ouvert à toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie et pourrait être saisie par toute personne s'estimant victime de discriminations ou se saisir d'office des cas dont elle aurait connaissance, sous réserve que la victime n'y soit pas opposée.

Rappelant que le Conseil constitutionnel avait jugé que les autorités administratives indépendantes étaient des organismes de nature non juridictionnelle, il a expliqué que les importants pouvoirs d'investigation dont disposerait la HALDE à l'égard tant des personnes privées que des personnes publiques, devraient s'exercer dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire. Il a ajouté qu'incomberaient à la haute autorité une mission d'aide aux victimes, en particulier pour le rassemblement des éléments de preuves indispensables pour une saisine utile de la justice, ainsi que des missions de médiation, d'observation, d'étude et de promotion des bonnes pratiques en matière d'égalité des chances et de traitement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a en outre indiqué que le titre II du projet de loi avait pour objet de compléter la transposition en droit interne de la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, l'aménagement de la charge de la preuve au bénéfice du plaignant devant les juridictions civiles et administratives s'appliquant aux domaines visés par ces transpositions.

En conclusion, le rapporteur a invité la commission à approuver l'objectif général du projet de loi, estimant qu'il répondait aux exigences communautaires et complétait utilement l'ordre juridique interne, en offrant aux victimes de discriminations un interlocuteur direct. Il a néanmoins déclaré que d'autres solutions auraient pu être envisagées, telles que la transformation du Médiateur de la République en autorité collégiale et l'extension de ses compétences à la lutte contre les discriminations, et que la HALDE devrait nouer des liens étroits avec les autorités administratives indépendantes intervenant dans des domaines connexes à la lutte contre les discriminations, comme le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission d'accès aux documents administratifs et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), afin d'éviter tout conflit des compétence et d'organiser des réflexions communes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a enfin estimé que près de 30 ans après la création de la notion d'autorité administrative indépendante par le Sénat, en 1977, à l'occasion de la discussion du projet de loi portant création de la CNIL, il serait opportun de dresser un bilan de l'utilisation de cette catégorie d'autorité administrative et de réfléchir aux partenariats et aux regroupements susceptibles de concerner certaines d'entre elles.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a déclaré qu'une telle étude sur les autorités administratives indépendantes paraîtrait pertinente, M. Robert Badinter exprimant le souhait qu'il soit alors procédé à un inventaire de leurs pouvoirs, de leur composition et de leur statut.

M. Alex Türk a confirmé que la définition des autorités administratives indépendantes était aujourd'hui difficile à établir.

Indiquant que les moyens humains et financiers alloués à la HALDE équivalaient à ceux de la CNIL après 27 ans d'existence, il a souligné que la loi devait fixer un cadre précis au statut de la nouvelle autorité administrative indépendante, qui pourrait par ailleurs définir son fonctionnement dans son règlement intérieur. Il a estimé que l'article 5 du projet de loi risquait de permettre à la HALDE d'adresser des demandes de travaux à d'autres autorités administratives indépendantes, que la nécessité, prévue à l'article 7, d'un accord des personnes intéressées pour procéder à des vérifications sur place affaiblissait démesurément ses pouvoirs d'investigation et qu'il revenait à l'autorité elle-même de fixer les conditions de publication de ses recommandations, contrairement au renvoi à un décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 10. Il a exprimé le souhait que le rapport annuel de la HALDE soit également présenté au Premier ministre et que son champ d'attribution n'empiète pas sur celui d'autres organismes, tels que le Haut conseil à l'intégration et la CNIL.

Mme Alima Boumediene-Thiery s'est déclarée favorable à la création de la HALDE, sous réserve de lui attribuer des compétences précises et des moyens adaptés. Elle a estimé que la définition des discriminations, prévue à l'article premier du projet de loi, devait être la plus étendue possible, que le rôle d'aide à la recherche d'éléments de preuves de la haute autorité devait être renforcé et que ses garanties d'indépendance devaient s'appuyer sur une parité politique, sociale et culturelle et sur la participation des associations. Elle a enfin souligné que le budget de la haute autorité devait être comparé à celui de son homologue belge et que la HALDE devrait travailler en liaison étroite avec les acteurs locaux.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, estimant qu'il aurait été possible d'attribuer au Médiateur de la République des compétences en matière de lutte contre les discriminations, a indiqué que les membres du groupe socialiste déposeraient des amendements relatifs à la composition de la haute autorité, tendant à en faire élire les membres par les 4/5è de l'Assemblée nationale. Il a en outre exprimé le souhait que la saisine de la HALDE soit la plus ouverte possible et que cette instance dispose de moyens substantiels pour accomplir sa mission.

M. Jean-Pierre Sueur, relevant que la multiplication des autorités administratives indépendantes nuisait à la lisibilité des institutions, a jugé caricaturale la composition de la haute autorité et suggéré l'adoption de mécanismes nouveaux pour garantir le respect de la parité entre les femmes et les hommes et du pluralisme au sein du collège.

M. Pierre-Yves Collombat s'interrogant sur l'utilité d'une nouvelle autorité administrative indépendante, M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que cette création répondait à des exigences communautaires.

M. Robert Badinter a déclaré que la création de la HALDE illustrait l'échec des dispositifs en vigueur, malgré l'intervention de nombreuses associations de lutte contre les discriminations, l'existence d'un corpus juridique très complet et l'intervention de l'autorité judiciaire chargée de réprimer les infractions. Il a ensuite indiqué que le projet de loi allait au-delà des exigences de la directive, celle-ci requérant seulement la désignation d'un organisme indépendant et non la mise en place d'une nouvelle autorité. Il a jugé que la mission de médiation confiée à la haute autorité aurait pu être assumée par le Médiateur de la République, moyennant une extension de ses compétences, et que ses pouvoirs d'enquête et de vérification faisaient de la HALDE une autorité parajuridictionnelle.

Mme Alima Boumediene-Thiery a estimé qu'il serait préférable d'inscrire dans le projet de loi une liste des discriminations pour lesquelles la haute autorité serait compétente, sur le modèle de l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne et des différentes directives interdisant ces atteintes à l'égalité de traitement.

En réponse, M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que l'article premier du projet de loi visant l'ensemble des discriminations prohibées par le droit interne et le droit international assurait à la haute autorité une compétence beaucoup plus étendue qu'une telle liste.

La commission a ensuite suspendu sa réunion à la demande de M. Patrice Gélard.

A la reprise, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a répondu aux commissaires en apportant les précisions suivantes :

- la haute autorité disposerait la première année d'un effectif de 55 personnes, qui serait porté, en régime de croisière, à 80 personnes ;

- la définition du champ de compétences de la haute autorité prévue à l'article premier du projet de loi recouvrirait l'ensemble des discriminations visées par le droit communautaire ;

- l'action sur le terrain de la HALDE serait assurée par la création de 5 délégations régionales dont une outre-mer en 2005, et par l'installation à terme de 26 délégations ;

- le budget consacré à la haute autorité provient en partie de transferts des ministères de l'économie, de l'intérieur, de la justice, de l'outre-mer et devrait lui assurer des moyens en rapport avec sa mission ;

- la haute autorité, en tant qu'organisme préjuridictionnel, devrait participer au renforcement mutuel des autorités administratives indépendantes et des juridictions ;

- l'inflation du nombre des saisines du Médiateur de la République illustre la demande des citoyens à l'égard des autorités de médiation et confirme la nécessité de créer un organisme disposant des mêmes capacités en matière de lutte contre les discriminations.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

A l'article 2 (composition), M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a présenté à la commission un amendement tendant à appliquer à la composition du collège de la Haute autorité un double objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, suivant une formulation validée par le Conseil constitutionnel, et de respect du pluralisme.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a indiqué que, d'ordinaire, le Premier ministre ne figurait pas parmi les autorités chargées de désigner des membres des autorités administratives indépendantes.

M. Jean-Pierre Sueur s'est interrogé sur l'effectivité du dispositif proposé en raison de l'absence de sanctions en cas de non-respect des objectifs.

En réponse, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, et M. Robert Badinter ont indiqué que les autorités de désignation seraient dans un tel cas frappées d'une sanction morale et politique.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que l'amendement proposé par le rapporteur devait remplacer le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, jugé peu constitutionnel.

M. Christian Cointat exprimant le souhait que les objectifs de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et de respect du pluralisme ne portent que sur les désignations incombant aux quatre autorités politiques, M. Robert Badinter a proposé de limiter ces objectifs à ces quatre autorités politiques. La commission a alors adopté l'amendement ainsi modifié.

Au même article, la commission a adopté un amendement tendant à préciser que la haute autorité créerait auprès d'elle un comité consultatif.

M. Jean-Pierre Sueur s'interrogeant sur le risque d'une composition pléthorique de ce comité, M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que sa création serait nécessaire afin d'assurer la participation aux travaux de la haute autorité des associations qui ne pourront ou ne voudront être représentées au sein du collège.

M. Michel Dreyfus-Schmidt évoquant l'éventuelle nécessité de créer d'autres comités, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que la rédaction proposée n'empêcherait aucunement la haute autorité de créer d'autres organismes auprès d'elle.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 2, afin de soumettre à une obligation de déport les membres de la HALDE qui seraient confrontés à un conflit d'intérêts, en leur interdisant de participer aux délibérations et investigations concernant des organismes où ils auraient détenu ou détiendraient des intérêts, des fonctions ou un mandat.

A l'article 3 (règles de saisine), elle a adopté un amendement visant à étendre la saisine de la haute autorité aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant par leurs statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discriminations, sous réserve qu'elles justifient de l'accord écrit de l'intéressé.

M. José Balarello s'est interrogé sur l'éventuelle concurrence des personnes auxquelles serait ouverte la saisine de la haute autorité.

M. Christian Cointat, soulignant la nécessité de responsabiliser les personnes qui saisissent la HALDE et rappelant le rôle essentiel de soutien des associations, a exprimé le souhait que ces dernières ne saisissent la haute autorité que conjointement avec les victimes.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que les associations devraient disposer, pour saisir la haute autorité, de pouvoirs au moins équivalents à ceux qui leur sont reconnus pour saisir la justice.

Mme Alima Boumediene-Thiery a souligné la nécessité d'ouvrir la saisine de la haute autorité aux associations afin d'assurer à certaines victimes une protection à l'égard des pressions exercées par les auteurs de discriminations.

M. Michel Dreyfus-Schmidt ayant exprimé le souhait que soit reconnue aux parlementaires la possibilité de saisir la HALDE, M. Yves Détraigne a estimé que les parlementaires seraient dans ce cas des relais utiles pour les personnes qui ne sont pas en mesure de saisir elles-mêmes la haute autorité.

M. Robert Badinter proposant d'ouvrir aux associations la possibilité de saisir la HALDE conjointement aux victimes de discriminations, la commission a adopté l'amendement ainsi modifié.

A l'article 4 (recueil d'informations auprès de personnes privées), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que la haute autorité pourra demander des explications ou la communication d'informations et de documents, non seulement aux personnes physiques, mais aussi aux personnes morales de droit privé.

Au même article, elle a adopté un amendement visant à assurer le respect du principe du contradictoire à l'égard des personnes privées auxquelles la haute autorité demande des explications, en prévoyant qu'elles peuvent se faire assister du conseil de leur choix et qu'un procès-verbal contradictoire de leur audition leur est remis.

M. Alex Türk exprimant des réticences à l'égard de la rédaction de l'article 5 (relations avec les autorités publiques), laissant supposer, a-t-il estimé, que la haute autorité pourrait adresser des injonctions aux autorités de police et à d'autres autorités administratives indépendantes, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a proposé qu'elle soit précisée en reprenant le dispositif prévu pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

La commission a par conséquent adopté à cet article un amendement tendant à prévoir que les agents publics entendus par la haute autorité puissent, comme les personnes privées, se faire assister du conseil de leur choix et qu'un procès-verbal de leur audition leur soit remis, et précisant les conditions du concours des autorités publiques aux investigations de la HALDE.

M. Robert Badinter s'interrogeant sur la signification des vérifications sur place prévues à l'article 7 (vérifications sur place), M. Alex Türk a indiqué que celles-ci consistaient, pour la CNIL, à vérifier la matérialité des faits et le respect de la loi, en lui permettant, par exemple, de consulter les consignes données aux personnels d'une entreprise par sa hiérarchie.

A cet article, la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les vérifications sur place peuvent être confiées par la haute autorité à ses membres aussi bien qu'à ses agents.

Elle a ensuite adopté un amendement à l'article 10 (recommandations de la haute autorité) afin de renforcer la pression que pourra exercer la haute autorité auprès des auteurs de discriminations, en lui permettant de publier au Journal officiel un rapport spécial lorsque ces recommandations n'ont pas été suivies.

A l'article 11 (relations avec l'autorité judiciaire), elle a adopté un amendement tendant à assurer, lorsque la haute autorité a connaissance de faits constitutifs de crimes ou de délits, l'information du procureur sur toute médiation, dès qu'elle a été initiée.

La commission a adopté un amendement à l'article 13 afin de rendre automatique la transmission, par la HALDE, aux autorités publiques investies du pouvoir disciplinaire des informations relatives à des faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

A l'article 14 (actions de promotion de l'égalité et rôle consultatif), elle a adopté deux amendements tendant à rendre obligatoire la consultation de la haute autorité par le Gouvernement sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité, et à permettre à la haute autorité de contribuer, à la demande du Premier ministre, à la préparation de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Elle a ensuite adopté un amendement à l'article 17 (transposition de la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000), afin d'étendre à tous les critères énoncés par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations le droit à un traitement égal dans les matières visées par la directive du 29 juin 2000 et l'application de l'aménagement de la charge de la preuve en faveur des victimes devant les juridictions civiles et administratives.

La commission a adopté un amendement de conséquence tendant à adapter l'intitulé du titre II (mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans discrimination d'origine ethnique et portant transposition de la directive n° 2000/43/CE du 29 juin) du projet de loi aux modifications proposées à l'article 17.

A l'article 18 (entrée en vigueur et dispositions transitoires), elle a adopté un amendement tendant à reporter d'un mois l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi relatives à la haute autorité, pour permettre au Gouvernement de soumettre au Conseil d'Etat le décret d'application nécessaire à la mise en place de la nouvelle instance.

Elle a enfin adopté, à l'article 19 (service d'accueil téléphonique des victimes de discriminations), un amendement tendant à supprimer la gratuité du service d'accueil téléphonique de la haute autorité, afin de ne pas imputer sur son budget une dépense qui n'était pas prévue initialement, le rapporteur préconisant le recours à un numéro à tarif réduit, susceptible de dissuader les appels fantaisistes.

Mme Alima Boumediene-Thiery a estimé que si les associations de lutte contre les discriminations n'étaient pas hostiles à la suppression de la gratuité du service d'accueil téléphonique, celle-ci était néanmoins le signe de l'insuffisance des moyens budgétaires alloués à la haute autorité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a enfin indiqué que, lors de l'examen du projet de loi en séance, il demanderait au Gouvernement de présenter sa position sur l'instauration d'une saisine directe du Médiateur de la République et, le cas échéant, de s'engager à prévoir une telle réforme dans le cadre du prochain projet de loi de simplification du droit.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi sous réserve des amendements précédemment adoptés.

Proposition de loi Compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance - Examen du rapport

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Puis la commission a procédé à l'examen, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, de la proposition de loi n° 41 (2004-2005),relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a tout d'abord rappelé les apports de la loi d'orientation et de proximité pour la justice du 9 septembre 2002, laquelle avait institué un nouvel ordre de juridiction autonome, dénommé juridiction de proximité. Il a indiqué que le Sénat, en dépit de certaines réserves sur les modalités de cette réforme, en avait approuvé le principe au regard de l'importance de l'objectif poursuivi tendant à rapprocher la justice des citoyens.

Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi proposait de nécessaires ajustements pour permettre à ce dispositif d'entrer en vigueur dans de meilleures conditions. Il a expliqué que les missions assignées aux juges de proximité s'étaient révélées trop modestes, ceux-ci n'ayant pu véritablement décharger les juges d'instance, surtout en matière civile. Il a en effet relevé que, seules, les actions de nature personnelle mobilière d'un enjeu très modeste -inférieur à 1.500 euros- leur étaient soumises, sous l'importante réserve que celles-ci soient intentées par les seuls particuliers pour les besoins de leur vie non professionnelle. Il a évoqué le champ des compétences pénales -plus large- des juridictions de proximité, étendu à certaines contraventions des cinq classes portant sur des infractions peu graves et aux mesures de composition pénale. Il a précisé que, pour les mineurs, les juges de proximité ne jugeaient que les contraventions des quatre premières classes. Il a ajouté que ceux-ci statuaient à juge unique en dernier ressort selon une procédure simplifiée, identique à celle applicable devant le tribunal d'instance.

Le rapporteur a rappelé que l'accès aux fonctions de juge de proximité avait été ouvert à des personnes issues de la société civile, âgées de 35 à 75 ans et justifiant d'une certaine expérience des choses de la vie. Il a indiqué que le Conseil supérieur de la magistrature opérait un contrôle rigoureux des critères de sélection définis par le législateur, comme en attestait le nombre d'avis conformes émis sous réserve de l'accomplissement d'un stage probatoire (41 %). Il a observé que les conditions du recrutement expliquait en partie la faiblesse des effectifs -172 à ce jour-, qui devraient s'établir à 300 d'ici la fin de l'année selon les estimations du ministère de la justice.

Il a jugé d'autant plus urgent d'élargir les compétences des juges de proximité que la qualité des décisions rendues dépendait étroitement du nombre d'affaires traitées.

Il a observé que la proposition de loi n'avait pas pour objet de tirer le bilan de la mise en oeuvre -encore trop récente- de la réforme de la justice de proximité, mais tendait à remédier à certaines imperfections évidentes. Il a souscrit à cette démarche tout en rappelant que le Sénat, et en particulier la commission à travers deux missions d'information constituées en son sein en 1996 et en 2002, avait envisagé une réforme de la justice de proximité plus radicale, plus cohérente et mieux adaptée au contentieux de masse. Elle consistait à renforcer les tribunaux d'instance et à reconnaître un rôle pivot au juge d'instance chargé de répartir les affaires entre des magistrats non professionnels. Le rapporteur a formé le voeu que l'organisation judiciaire évolue progressivement vers ce schéma global.

Il a ensuite présenté le premier volet de la proposition de loi relatif à l'enrichissement des compétences dévolues aux juridictions de proximité. Il a mentionné, en matière civile, le relèvement de 1.500 à 4.000 euros du seuil de compétence, l'élargissement de la saisine aux personnes physiques pour les besoins de leur vie professionnelle et aux personnes morales. Sur ce point, il a jugé plus cohérent de mettre un terme à la distinction des affaires, un peu artificielle, selon l'origine du demandeur. En matière pénale, il a noté la possibilité nouvelle pour les juges de proximité de siéger en qualité d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux correctionnels, regrettant au passage la banalisation du recours au juge unique. Il a indiqué que ces juges seraient choisis par le président du tribunal de grande instance et que ces formations ne pourraient comprendre plus d'un juge de proximité, conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel. Il a en outre souligné que la proposition de loi tendait à clarifier les compétences respectives des juridictions de proximité et des tribunaux d'instance en reconnaissant aux premières une compétence générale pour les contraventions des quatre premières classes, les seconds étant désormais chargés du jugement de toutes les contraventions de la cinquième classe. Il a justifié cette modification par le souci d'éviter des difficultés d'organisation, les membres du parquet étant actuellement appelés à siéger près la juridiction de proximité pour une ou deux affaires seulement. Il a observé que les attributions des juges de proximité pour la validation des mesures de composition pénale étaient maintenues, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Le rapporteur a ajouté que le relèvement du seuil de compétence des juridictions de proximité en matière civile rendait nécessaire d'étendre celui des tribunaux d'instance, lequel serait porté de 7.600 à 10.000 euros. Il a observé que compte tenu du transfert des litiges les plus modestes aux juridictions de proximité, la majorité des décisions des tribunaux d'instance seraient dès lors prononcées à charge d'appel.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a approuvé ces modifications, les jugeant indispensables pour donner toutes ses chances à la réforme de la justice de proximité.

Il a fait état des critiques formulées à l'encontre de la proposition de loi, notamment par les principales organisations représentatives des magistrats professionnels, selon lesquelles seuls des magistrats professionnels présentaient les garanties suffisantes et disposaient des compétences nécessaires pour rendre la justice. Il s'est démarqué de cette opinion, estimant au demeurant que les magistrats professionnels manquaient parfois d'une expérience de terrain.

A cet égard, M. Jean-Jacques Hyest, président, a évoqué l'époque où seuls les avocats pouvaient accéder à la profession de magistrat.

Le rapporteur a souligné que la mise en place d'un échevinage en matière correctionnelle ne constituait pas une innovation, la loi organique du 19 janvier 1995 ayant institué des magistrats à titre temporaire appelés à participer aux formations collégiales des tribunaux de grande instance en matière civile comme en matière pénale.

Le rapporteur a souligné que la mise en oeuvre de ce dispositif s'était révélée décevante, en partie du fait d'un manque de volonté évident de la part du ministère de la justice. Il a jugé choquante une telle attitude tendant à refuser d'appliquer une loi votée par le Parlement.

Il a ensuite abordé le second volet de la proposition de loi relatif à la simplification de la répartition des compétences entre les juridictions de première instance par la création de blocs de compétences homogènes. Il a expliqué que l'organisation judiciaire obéissait à une logique selon laquelle des affaires de même nature étaient réparties en fonction soit de l'enjeu financier du litige, soit de sa gravité. Il a jugé artificiels la plupart des regroupements de contentieux au tribunal de grande instance prévus par le texte, considérant qu'ils méconnaissaient l'objectif premier de rapprocher la justice des citoyens.

Il a jugé primordial de maintenir un traitement spécifique des litiges les plus courants de la vie quotidienne. Il a en particulier considéré que les diffamations et injures publiques commises autrement que par voie de presse ne soulevaient aucune difficulté technique et devraient donc continuer de relever du juge d'instance, facile d'accès et statuant rapidement. Il a développé des arguments similaires s'agissant de la procédure de paiement direct des pensions alimentaires et des charges de copropriété.

En revanche, il a approuvé le transfert vers les tribunaux de grande instance des actions possessoires relevant actuellement des tribunaux d'instance, sensible aux arguments avancés lors des auditions de la commission selon lesquels ces litiges ne se distinguaient pas toujours clairement des actions pétitoires réservées aux tribunaux de grande instance. Il a accepté cette évolution étant entendu que les justiciables disposeraient toujours de la possibilité, en cas d'urgence, de saisir le juge des référés.

Il a enfin évoqué les difficultés d'application susceptibles de résulter de la répartition des compétences entre les tribunaux d'instance compétents pour l'ensemble des contentieux et les juridictions de proximité en matière de baux d'habitation chargés de statuer sur les seules demandes chiffrées d'un montant inférieur à 4.000 euros. Après avoir observé qu'en pratique une action de paiement de loyers était souvent associée à une demande d'expulsion, il a jugé plus raisonnable de confier ces deux catégories de litiges à une même juridiction, à savoir le tribunal d'instance.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est étonné que le rapporteur de la proposition de loi pourtant particulièrement impliqué dans la réflexion sur la justice de proximité ne figure dans la liste des signataires de ce texte.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué qu'il était préférable que le rapporteur d'un texte n'en soit pas l'auteur afin qu'il puisse disposer d'une plus grande liberté d'appréciation.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est réjoui de cette pratique notant avec satisfaction que le rapporteur ne proposait pas d'adopter sans modification la proposition de loi. Il s'est félicité de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique du 26 février 2003 relative aux juges de proximité selon laquelle l'accès à ces fonctions des personnes justifiant de 25 années d'expérience professionnelle dans les domaines économique, social et administratif était contraire à la Constitution. Il a considéré que le recrutement rigoureux des juges de proximité n'autorisait pas pour autant à élargir leurs compétences. Opposé à l'augmentation du seuil de compétence du tribunal d'instance, il a souligné qu'elle présentait le double inconvénient d'accroître le recours au juge unique et de supprimer l'assistance obligatoire par ministère d'avocat, à laquelle il s'est déclaré très attaché.

Il a souligné le paradoxe selon lequel la quasi-majorité des décisions du juge d'instance, juge professionnel, seraient susceptibles d'appel, tandis que les juges de proximité exerçant à titre temporaire statueraient en dernier ressort.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a considéré qu'il aurait été préférable d'attendre avant de mettre en place l'échevinage au tribunal correctionnel compte tenu du fait que la majorité des juges de proximité exerçaient leurs fonctions depuis quelques mois seulement, comme l'avait indiqué M. Michel Lernout entendu par la commission le 3 novembre dernier.

Compte tenu de la banalisation du recours au juge unique, il a observé que seules les affaires les plus graves étaient examinées par les formations collégiales, ce qui exigeait la présence de magistrats professionnels très qualifiés et présentant des garanties suffisantes. Il a relevé que l'insuffisance des effectifs de juge de proximité ne garantirait pas aux justiciables d'être jugés par des formations de jugement composées de façon identique, ce qui lui paraissait contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la justice. Il a jugé « boiteuse » cette réforme. Il a observé que la présence d'avocats au sein des formations collégiales des tribunaux correctionnels aurait été préférable.

M. François Zocchetto a souligné que la proposition de loi était le fruit d'une réflexion menée en concertation avec les magistrats et le ministère de la justice. Après avoir indiqué que le rapporteur avait travaillé étroitement avec les signataires du texte, il a convenu que la constitution de blocs de compétences homogènes méritait de plus amples réflexions. Il a précisé qu'à l'exception des litiges modestes relatifs aux crédits à la consommation sur lesquels le tribunal d'instance statuerait en dernier ressort, toutes ses décisions seraient susceptibles d'un recours.

Tout en se déclarant attaché au principe de la représentation par ministère d'avocat, M. François Zocchetto a relativisé les craintes de M. Michel Dreyfus-Schmidt sur les risques d'atteinte à l'accès au droit, relevant que la moitié des justiciables faisaient le choix délibéré de se présenter en personne devant le tribunal d'instance. Il s'est félicité de la participation des juges de proximité aux formations collégiales du tribunal correctionnel, laquelle présupposait la compétence des juges non professionnels. Il a noté que la magistrature professionnelle, dans sa grande majorité très qualifiée, n'était elle-même pas infaillible. Il a relevé que les magistrats professionnels avaient reconnu les qualités certaines des juges de proximité au demeurant rigoureusement sélectionnés. Il a cité en exemple les tribunaux pour enfants, composés d'assesseurs non professionnels, qui fonctionnaient de manière satisfaisante.

M. Christian Cointat a approuvé les propos du rapporteur et de M. François Zocchetto.Constatant que l'institution judiciaire souffrait d'un déficit de proximité et d'un encombrement croissant, il a fait valoir que la réforme de 2002 avait le mérite de répondre au souci ancien de rapprocher la justice des citoyens. Il a néanmoins souligné que ce dispositif aurait pu être meilleur s'il s'était inspiré des propositions du Sénat tendant à renforcer la justice d'instance et à instituer des juges suppléants exerçant sous le contrôle du juge d'instance. Observant que la réforme engagée en 2002 n'avait pas connu un véritable accomplissement, il a jugé urgent de réagir afin de renforcer l'effectivité de la réforme. Il a dénoncé le présupposé selon lequel les magistrats non professionnels seraient forcément incompétents. Il a estimé que les justices de paix instituées en Belgique, au Luxembourg et en Grande-Bretagne pouvaient avoir valeur d'exemple.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a signalé qu'en 1958 le législateur avait institué un véritable juge de proximité : le juge d'instance. Il a considéré que toutes les affaires -y compris celles d'un enjeu très modeste au demeurant parfois souvent très complexes- méritaient d'être examinées par un juge professionnel.

En réponse aux observations de M. Michel Dreyfus-Schmidt, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a indiqué que l'absence de représentation obligatoire par ministère d'avocat ne portait pas atteinte à l'accès au droit dans la mesure où les magistrats professionnels ne manquaient pas de corriger l'inégalité entre les parties liée au fait que l'une d'entre elles assurait en personne sa représentation. S'agissant des règles d'appel, il a souligné que la proposition de loi s'inscrivait simplement dans la logique actuelle selon laquelle les possibilités de recours dépendaient du montant du litige et non de l'origine de la juridiction. S'agissant de l'échevinage, il s'est inscrit en faux contre la position de principe de M. Michel Dreyfus-Schmidt selon laquelle seule la magistrature professionnelle serait dotée d'une légitimité suffisante pour rendre correctement la justice. Il a indiqué que celle-ci n'était pas non plus exempte de critiques comme en attestaient certaines décisions insuffisamment motivées. Il s'est déclaré convaincu des avantages de l'échevinage, porteur d'améliorations potentielles pour la justice et d'une ouverture indispensable à une bonne connaissance des réalités pratiques. Il a mis en avant que la participation des citoyens aux jugements permettrait de remédier au manque de confiance dans l'institution judiciaire. Il a conclu en souhaitant que la réforme en cours s'oriente progressivement vers le schéma plus radical inspiré des « magistrates'court » britanniques et organisé autour du juge d'instance.

Le rapporteur a alors proposé à la commission d'adopter la proposition de loi tout en lui apportant quelques modifications pour :

- réserver au tribunal d'instance l'ensemble des affaires de baux d'habitation ;

- maintenir la compétence du tribunal d'instance pour certains litiges modestes ne soulevant pas de difficultés techniques, en particulier s'agissant du paiement direct des pensions alimentaires, des diffamations et injures commises autrement que par voie de presse, et du contentieux des charges de copropriété ;

- procéder à des ajustements techniques en vue d'indiquer clairement que le tribunal d'instance statue toujours à charge d'appel en matière d'expulsion d'occupants sans droit ni titre et de préciser l'étendue de la compétence du tribunal de grande instance en matière de baux régis par le code de commerce.

La commission a alors adopté la proposition de loi dans le texte proposé par le rapporteur.

PJLF pour 2005 - Audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer

Au cours d'une seconde réunion qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur les crédits de son ministère pour 2005.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a d'abord précisé que le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2005 s'élevait à 1,706 milliard d'euros, expliquant son augmentation de 52 % par rapport au projet de budget pour 2004 par le transfert de 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, jusqu'alors inscrits au budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Elle a souligné que ce transfert correspondait à l'esprit de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances qui prévoyait, dans le cadre d'un passage d'une logique de moyens à une culture de résultats, de faire figurer une action relative à l'abaissement du coût du travail et au dialogue social dans le programme « emploi outre-mer » de la mission « outre-mer ». Elle a relevé que, dans le budget du ministère, les moyens affectés aux services ne représentaient que 8 % des crédits, alors qu'ils constituaient près de 40 % du budget général de l'Etat.

Le ministre a mis en avant le fait que plus des trois quarts des crédits du ministère de l'outre-mer pour 2005 étaient affectés à l'emploi et au logement, précisant que la politique pour l'emploi mobilisait, à elle seule, 67 % des crédits. Elle a souligné que les crédits affectés au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, les mesures d'exonération de cotisations sociales et celles relatives à la formation professionnelle exercée dans le cadre du service militaire adapté totalisaient 1,100 million d'euros. Elle a expliqué que la fongibilité complète des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer assurerait davantage de souplesse et d'efficacité dans le financement des mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion des plus démunis, soulignant que la politique menée par le ministère avait montré des résultats probants se traduisant par une diminution du chômage, l'augmentation de l'emploi salarié et la croissance des créations d'entreprises.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a ensuite précisé que la politique du logement menée par son ministère bénéficierait de 270 millions d'euros en autorisations de programme et de 173 millions d'euros en crédits de paiement, soulignant que l'objectif était de parvenir à la réalisation de 1.000 logements sociaux supplémentaires en 2005. Elle a ajouté que la politique d'accession à la propriété et à la location en logement social serait renforcée par la pleine application des mesures fiscales prévues par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, estimant à 35 millions d'euros la dépense fiscale ainsi injectée dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Elle a précisé qu'au total, les moyens fiscaux et budgétaires affectés au logement outre-mer augmenteraient de 6 %.

Le ministre a souligné que les politiques en faveur de l'emploi et du logement bénéficieraient également des mesures prévues par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, présenté par M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, et adopté en première lecture par le Sénat le 5 novembre 2004. Elle a notamment relevé l'application outre-mer des dispositions de ce texte relatives aux maisons de l'emploi, à la modernisation et au développement de l'apprentissage, à la mise en place des contrats d'avenir destinés à faciliter l'insertion professionnelle des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique, ainsi qu'au passage de 15 à 25 ans de l'exonération de taxe foncière pour la construction de logements sociaux.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a exposé que le projet de budget de son ministère s'inscrivait dans la politique de modernisation de l'Etat et anticipait la réforme budgétaire mise en oeuvre par la loi organique relative aux lois de finances, tout en respectant les engagements du Président de la République et les objectifs de la loi de programme pour l'outre-mer.

Elle a également souligné qu'il convenait aujourd'hui d'assurer la pleine application de la loi n° 2003-238 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République et a annoncé la finalisation d'avant-projets de loi organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Elle a indiqué que ces textes auraient pour objet de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 73 de la Constitution afin de préciser les pouvoirs normatifs des départements et régions d'outre-mer, de transformer les communes de Saint-Martin et Saint-Barthélémy en collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, et de modifier les statuts de Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna pour les harmoniser avec les nouvelles dispositions constitutionnelles. Elle a annoncé que ces textes feraient l'objet d'une discussion interministérielle dans les prochains jours avant d'être soumis à l'avis du Conseil d'Etat, mais que la commission pourrait obtenir communication d'un avant-projet avant le départ de sa mission à Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Après avoir fait part de sa satisfaction de voir la situation des quatre départements d'outre-mer désormais mieux individualisée par rapport à celles de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, devenus des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, M. José Balarello, rapporteur pour avis sur les crédits des départements et régions d'outre-mer, a interrogé le ministre sur les perspectives d'évolution institutionnelle de la Guyane, ainsi que sur l'état d'avancement des nouveaux établissements pénitentiaires destinés à remplacer les maisons d'arrêt de Basse-Terre en Guadeloupe et de Saint-Denis de la Réunion, cette dernière étant dans un état de vétusté déplorable et affectée d'un taux d'occupation de 207 %. Puis il a questionné le ministre sur les actions nouvelles et complémentaires envisagées pour lutter contre l'immigration clandestine et les activités d'orpaillage illicite en Guyane, qui généraient une part importante des délits constatés.

Rappelant que les demandes d'évolution institutionnelle des départements et régions d'outre-mer, qui devaient respecter les dispositions constitutionnelles, devaient provenir des acteurs politiques locaux et exigeaient à la fois une majorité favorable du conseil général et du conseil régional et le consentement des électeurs, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a indiqué que le projet présenté en 2003 par les élus départementaux et régionaux du congrès de la Guyane n'avait pas reçu l'approbation de la majorité du conseil général et n'était pas conforme aux dispositions constitutionnelles, dans la mesure où il prévoyait la création d'un corps électoral restreint et la dévolution aux autorités locales de pouvoirs de police et de justice. Elle a conclu que les conditions politiques d'une évolution en Guyane n'étaient donc pas encore réunies.

S'agissant de la construction de nouveaux établissements pénitentiaires à La Réunion et en Guadeloupe, le ministre a annoncé que les travaux de construction d'un établissement d'une capacité de 600 places, remplaçant la maison d'arrêt de Saint-Denis conformément au programme prévu par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, pourraient débuter au premier trimestre 2006 et que cet établissement devrait être mis en service en fin d'année 2008. Elle a annoncé que des recherches foncières avaient été effectuées afin de trouver un site pour le nouvel établissement destiné à remplacer la maison d'arrêt de Basse-Terre, mais que la topographie du lieu initialement retenu aurait conduit à un renchérissement des coûts trop important. Elle a précisé que de nouvelles recherches foncières étaient en cours.

Relevant le pouvoir d'attraction que pouvait avoir la Guyane aux yeux des ressortissants des Etats voisins, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a reconnu que le phénomène de l'immigration clandestine pesait lourdement sur les dépenses publiques, notamment dans le domaine sanitaire et social, et alimentait certaines formes de délinquance, tout en suscitant un sentiment d'insécurité doublé d'une réaction de rejet de la part de la population guyanaise. Elle a souligné que la lutte contre ce phénomène constituait une priorité de son ministère, relevant, pour les neuf premiers mois de l'année 2004, une progression de 18,65 % des mesures de reconduite à la frontière par rapport à 2002, l'augmentation de 37 %, de 2001 à 2004, des effectifs de police aux frontières, tout en évoquant la construction en cours d'un commissariat à Saint-Georges de l'Oyapock destiné à fonctionner en collaboration avec les forces brésiliennes. Elle a ajouté qu'un accord de coopération policière, portant notamment sur la constitution de patrouilles mixtes sur le Maroni, devait être signé dans une quinzaine de jours avec les autorités du Surinam, tandis qu'un renforcement de la présence judiciaire à Saint-Laurent du Maroni était envisagé.

Interrogé par M. José Balarello, rapporteur pour avis, sur l'absence de constitution d'une commission de suivi des fonds structurels européens dans chaque région d'outre-mer, pourtant prévue par la loi n° 2000-1207 d'orientation pour l'outre-mer, le ministre a déclaré que ces commissions feraient double emploi avec les comités nationaux de suivi regroupant des représentants de l'Etat, des conseils généraux, des conseils régionaux et des directions générales de la Commission européenne chargées de la programmation et de la consommation des fonds structurels, ainsi que des représentants des acteurs socioprofessionnels. Elle a souligné que l'institution des commissions prévues aurait pour effet de complexifier les procédures actuelles alors qu'il convenait au contraire de les simplifier, par exemple en supprimant les dispositions concernées de la loi d'orientation pour l'outre-mer.

S'agissant du « document de politique transversale », sur le contenu duquel le rapporteur pour avis l'avait questionnée, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a indiqué qu'il s'agissait du document édité par le ministère des finances qui préfigure les projets annuels de performance prévus par la loi organique sur les lois de finances, précisant qu'un autre document, le « jaune », détaillerait, comme à l'heure actuelle, l'intégralité de l'effort de l'Etat en faveur des régions et départements d'outre-mer.

Après que M. José Balarello, rapporteur pour avis, l'eut interrogé sur l'état d'avancement de la création de nouveaux parcs naturels dans les régions d'outre-mer et eut exprimé son souhait que, dans le cadre de la politique de logement social exposée par le ministre, ne soient pas reproduites les erreurs des années 1970 qui avaient contribué à la formation de ghettos, le ministre a rappelé que deux parcs régionaux, en Martinique et en Guyane, et un parc national en Guadeloupe avaient été constitués. Il a indiqué que deux projets de nouveaux parcs nationaux étaient en cours respectivement à La Réunion et en Guyane, et avaient fait, pour l'un, l'objet d'un arrêté de « prise en considération » du Premier ministre, le 29 mars 2004, l'autre devant faire l'objet d'une procédure identique au premier semestre 2005, l'objectif étant celui d'une mise en oeuvre effective des deux projets en 2006-2007. Elle a confirmé, en outre, que la construction de petites unités serait privilégiée dans le cadre de la politique du logement de son ministère.

Après que M. Jean-Jacques Hyest, président, eut souligné l'existence de quartiers sensibles dans certains départements d'outre-mer et les difficultés d'urbanisation liées à la question foncière, et que M. Jean-Paul Virapoullé eut précisé que des difficultés foncières étaient à l'origine du retard pris dans le cadre de la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire à La Réunion, M. José Balarello, rapporteur pour avis, a rappelé que la création de commissions de suivi, lors de la loi d'orientation pour l'outre-mer, avait eu pour objet d'assurer une meilleure consommation des fonds européens. Il a relevé que la volonté du Sénat, à l'origine de cette création, avait certainement incité le gouvernement et les acteurs intéressés à faire preuve de davantage de dynamisme. Il a cependant estimé que la constitution de commissions de suivi de quelques membres resterait opportune.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a convenu que le Sénat avait contribué à la prise de conscience de la mauvaise consommation des crédits structurels européens, tout en soulignant qu'avec des moyens réduits, les départements et régions d'outre-mer présentaient des taux de consommation corrects et similaires à ceux de la moyenne métropolitaine, évitant ainsi les mesures de dégagement d'office prévue par la réglementation communautaire.

M. Simon Sutour s'étant déclaré choqué que le gouvernement se refuse à mettre en place des organismes prévus par le législateur, le ministre a précisé que son seul souci était d'éviter de multiplier des structures, suggérant, à l'instar de M. Jean-Jacques Hyest, président, que les futurs projets de loi relatifs aux statuts des collectivités territoriales d'outre-mer procèdent à l'abrogation du dispositif institué par la loi d'orientation pour l'outre-mer.

M. Patrice Gélard a ensuite déclaré que la question de la consommation des fonds structurels européens se posait dans l'ensemble des régions françaises et était marquée par une gestion trop centralisée et trop complexe, contrairement à d'autres Etats membres tels que l'Allemagne ou la Belgique, M. José Balarello, rapporteur pour avis, ajoutant qu'il avait été obligé, dans son département, de déléguer la gestion de certains crédits aux provinces italiennes limitrophes compte tenu des difficultés rencontrées dans la gestion des fonds structurels en France.

Puis M. Jean-Paul Virapoullé s'est interrogé sur le bilan de la politique d'exonération des charges sociales dans les travaux de bâtiment, estimant que le coût des mesures d'exonération pouvait être jugé trop élevé par rapport aux résultats obtenus. Il a ensuite questionné le ministre sur la présentation d'un amendement gouvernemental au projet de loi de programmation sur la cohésion sociale, lors de sa discussion à l'Assemblée, permettant le maintien des dispositifs des contrats emplois solidarité et des contrats emplois consolidés dans les départements et régions d'outre-mer.

Puis il a souhaité connaître dans quelles conditions la baisse des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et de ceux consacrés au logement dans le cadre d'une ligne budgétaire unique serait compensée par les mesures prévues par le projet de loi de cohésion sociale. Il s'est également inquiété de l'immigration illégale à La Réunion en provenance de l'île comorienne d'Anjouan qui posait des problèmes d'intégration et de démocratie locale, avec des difficultés de vérification lors de l'inscription sur les listes électorales, et a demandé si des mesures étaient prévues afin de mettre un terme à cette situation.

Se disant satisfait que le projet de loi de finances pour 2005 prévoit de prendre en compte les particularités des départements et régions d'outre-mer lors du calcul de la dotation générale de fonctionnement, il a souhaité avoir la confirmation que ces mesures seraient appliquées dès 2005. Il a également interrogé le ministre sur la parution du rapport relatif à la question de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable, prévue par la loi de finances pour 2004, en souhaitant savoir si une évolution du droit actuel était envisagée.

En réponse, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a expliqué que s'il n'existait pas encore de véritable bilan statistique des mesures d'exonération de cotisations sociales dans le bâtiment, la situation présentait des indices encourageants. Elle a rappelé que l'un des objectifs de ces mesures était de lutter contre l'emploi de travailleurs clandestins et que ce dispositif avait prouvé son efficacité dans la mesure où la baisse du chômage constatée dans les départements d'outre-mer pouvait en partie lui être imputée.

S'agissant du maintien des dispositifs des contrats emplois solidarité et des contrats emplois consolidés dans les départements d'outre-mer, le ministre a rappelé que M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, s'était engagé devant le Sénat à ce qu'un amendement en ce sens soit présenté lors de la discussion à l'Assemblée nationale.

Concernant la baisse des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a indiqué que cette situation ne remettait pas en cause les objectifs pour l'emploi fixés au ministère, du fait de l'application des contrats d'avenir et des dispositifs d'exonération des charges sociales prévus par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Elle a souligné que la souplesse introduite par la loi organique relative aux lois de finances faciliterait le basculement des mesures concernant les emplois aidés vers celles destinées à développer les emplois du secteur marchand.

Au sujet des crédits du logement, le ministre a convenu qu'il existait une baisse des autorisations de programme mais que celle-ci était compensée par l'économie de 12 millions d'euros résultant de la réforme du prêt à taux zéro. Elle a rappelé que les mesures d'exonération de taxe foncière et l'extension du prêt locatif social, prévues par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, s'appliqueraient aux départements et régions d'outre-mer, ce qui favoriserait la construction de 1.000 logements sociaux supplémentaires en 2005.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a ensuite précisé que les problèmes d'immigration en provenance des Comores étaient réels et liés à l'absence d'état civil. Elle a estimé que la création, en cours, de l'état civil à Mayotte serait de nature à limiter les problèmes d'identité et à éviter les confusions entre Mahorais et Comoriens. Elle a confirmé que la prise en compte des particularités des départements et régions d'outre-mer lors du calcul de la dotation générale de fonctionnement s'appliquerait dès 2005. Evoquant la question du rapport sur la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable, elle a indiqué que la responsabilité de sa publication relevait du ministère des finances et qu'aucune transmission officielle de ce rapport n'était encore intervenue. Puis elle a répondu par la négative à M. José Balarello, rapporteur pour avis, qui souhaitait savoir si un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée était applicable aux travaux effectués sur les immeubles anciens.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis sur les crédits des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, a interrogé le ministre sur l'évolution des projets d'usines de nickel dans les provinces du nord et du sud de la Nouvelle-Calédonie, puis a souhaité connaître les conditions dans lesquelles le recensement avait été effectué, en l'interrogeant sur les perspectives d'évolution du corps électoral.

Il a ensuite souhaité connaître le bilan des investissements réalisés à partir du fonds de reconversion économique de la Polynésie française et de la dotation globale de développement économique, interrogeant par ailleurs le ministre sur les progrès de la lutte contre l'immigration et le paludisme à Mayotte ainsi que sur les relations entre cette collectivité et les Etats voisins.

Abordant le futur statut des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, le rapporteur pour avis a souhaité savoir si le gouvernement envisageait la création de sièges de sénateurs et de députés pour chacune de ces collectivités.

Concernant les îles de Wallis et de Futuna, il a souhaité savoir si une évolution de l'infrastructure aéroportuaire de Futuna était envisagée. Abordant ensuite le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, il a demandé quelles en étaient les perspectives d'évolution, sollicitant l'avis de Mme Brigitte Girardin sur la proposition de loi organique déposée à l'Assemblée nationale sur ce sujet.

Concernant les Terres australes et antarctiques françaises, il a interrogé le ministre sur l'état des négociations entre le gouvernement français et le gouvernement australien dans le cadre d'une coopération pour la lutte contre les prises illégales de légines. Puis il a souhaité connaître le bilan des dispositifs de défiscalisation mis en place dans les collectivités d'outre-mer, s'inquiétant de l'effet d'aubaine que ces mesures pourraient susciter auprès de certaines personnes.

En réponse, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a rappelé que l'implantation d'une usine de nickel dans la province du nord de la Nouvelle-Calédonie traduirait d'une volonté politique de rééquilibrage du territoire. Elle a indiqué que l'Etat s'était engagé à verser une aide de 630 millions de dollars d'investissements défiscalisés assortis des prêts de l'agence française de développement à la société Falconbridge et que l'objectif poursuivi était de concrétiser la participation des acteurs calédoniens, à commencer par la Province du nord et la Société minière du Sud Pacifique (SMSP). Elle a souligné qu'une étude de faisabilité bancaire était en cours de finalisation souhaitant que ses résultats soient connus au plus tôt afin de réaliser avant le 1er janvier 2006 l'échange de massif entre la Société le Nickel (SLN) et la SMSP, échéance qui était prévue par le protocole de Bercy signé en 1998. S'agissant de l'usine du sud, le ministre a annoncé que la reprise de sa construction avait été décidée par le groupe canadien Inco le 19 octobre 2004, ce qui permettrait la création de 800 emplois directs et 2.000 emplois indirects, pour un investissement de 1,9 million de dollars. Elle a souligné qu'un accord était intervenu afin que les trois provinces de Nouvelle-Calédonie puissent détenir une participation de 10 % dans le projet, qui bénéficierait ainsi à l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie.

Concernant les opérations de recensement, le ministre a déclaré que celui-ci était intervenu du 30 août au 5 octobre 2004, soulignant que, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, la population pourrait être sous-évaluée de 3 %. Elle a précisé que les communes dont la population aurait enregistré une hausse de plus de 10 % par rapport au recensement de 1996 bénéficieraient, dès le début de l'année 2005, d'un accroissement des dotations de l'Etat versées proportionnellement à la population si les résultats étaient officiellement publiés avant la fin de l'année.

Abordant la question du corps électoral calédonien, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a estimé que celle-ci devait être réglée dans un cadre consensuel car elle était liée à la notion de citoyenneté. Elle a estimé que le consensus qui s'était dégagé n'était pas remis en cause par la nouvelle physionomie politique de cette collectivité et a déclaré que cette question serait réglée avant la fin du quinquennat, conformément aux engagements du Président de la République.

Concernant le fonds de reconversion de l'économie de la Polynésie française, le ministre a rappelé que trois objectifs avaient été fixés afin de pallier les conséquences économiques liées à l'arrêt des essais nucléaires : le logement social, les grands équipements structurants et l'emploi. Elle a énoncé que 98 millions d'euros avaient été engagés en faveur du logement social entre 1996 et 2002, et 13,1 millions en 2003, auxquels s'ajoutaient 11 millions d'euros destinés à des acquisitions foncières en large part destinées au logement. Elle a souligné que des programmes routiers avaient été réalisés aux îles Marquises et à Tahiti, que des travaux d'aménagement portuaire étaient intervenus aux îles Tuamotu Gambier et aux Iles sous le Vent, et qu'en matière d'emploi, plus de 11.000 contrats avaient permis, entre 1996 et 2002, d'aider et d'insérer des jeunes travailleurs et des chômeurs de longue durée.

Le ministre a salué la souplesse d'intervention de ces fonds, mentionnant qu'ils avaient notamment permis le maintien de certaines dessertes aériennes par une aide de 10 millions d'euros apportée pour l'achat d'un appareil par la compagnie Air Tahiti Nui. Elle a également évoqué la création d'un fonds de participation destiné à permettre à certaines entreprises de réunir les fonds propres qui leur faisaient défaut, estimant que les dispositifs d'aides ainsi institués avaient permis à l'économie de la Polynésie, vulnérable aux fluctuations, de s'y adapter au mieux.

Concernant Mayotte, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a souligné que si la souveraineté française sur cette collectivité restait une source de difficulté avec la République des Comores, un certain fléchissement de la position comorienne pouvait être relevé, les dirigeants comoriens ayant accepté de participer à des relations bilatérales avec la France, notamment au sujet des conditions de circulation des personnes et des biens. Elle a indiqué que la France avait proposé la tenue à Paris de la commission mixte franco-comorienne, qui permettrait d'aborder l'ensemble des sujets concernant la coopération bilatérale. Elle a précisé que les actions de coopération régionale menées à Mayotte visaient avant tout l'Union des Comores mais qu'elles tendaient à se diversifier en direction de Madagascar, du Mozambique et de l'île Maurice. Dans ce cadre, elle a déclaré que la conférence annuelle de coopération régionale pour l'Océan indien pourrait se tenir à Mayotte au premier semestre 2005.

Le ministre a souligné que la gratuité des soins et de l'enseignement à Mayotte ainsi que l'instabilité politique aux Comores expliquaient l'importance de l'immigration irrégulière vers Mayotte dont la population était constituée pour 28 % d'étrangers en situation irrégulière. Il a souligné que le nombre de personnes ayant fait l'objet de mesures de reconduite à la frontière ainsi que le nombre de personnes reparties volontairement dans leur pays d'origine ne cessaient de croître et avaient atteint un total de 21.888 personnes en 2003, en augmentation de 22,3 % par rapport à 2002. Il a indiqué que ces résultats provenaient de la mise en place de nouveaux dispositifs illustrés par un renforcement des services de la police de l'air et des frontières, des douanes et de la gendarmerie. Il a annoncé de nouveaux moyens tels que la livraison en 2005 de vedettes d'interception des clandestins, l'implantation d'un nouveau radar destiné à surveiller la zone maritime entre Anjouan et Mayotte, ainsi que la mise en place opérationnelle d'une brigade maritime de la gendarmerie. Il a précisé qu'un état des lieux en matière de circulation des personnes serait effectué, d'ici à la fin de l'année, sous l'égide du ministère des affaires étrangères.

Le ministre a ensuite évoqué une baisse des cas de paludisme à Mayotte, passés de 1.841 à 746 de 2002 à 2003, mais a souligné le manque de moyens humains et matériels du service de lutte anti-vectorielle et d'entomologie médicale.

Abordant la question du désenclavement de l'île de Futuna, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a rappelé qu'une mission d'inspection avait été lancée avec le ministère des transports afin d'examiner les conditions d'évolution des dessertes avec l'île de Wallis et a annoncé qu'une dotation complémentaire avait été inscrite au projet de budget du ministère de l'outre-mer afin de renforcer les dessertes actuelles. Elle a ajouté qu'un cahier des charges pour la réalisation d'une étude technique destinée à améliorer la piste de Futuna était en cours de préparation.

Le ministre a ensuite rappelé que le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon remontait à 1985 et n'avait fait l'objet d'aucune modification, relevant que les textes relatifs à la démocratie locale intervenus depuis cette date n'y étaient pas applicables. Il a annoncé que le futur projet de loi organique portant dispositions institutionnelles et statutaires permettrait de codifier le statut de cette collectivité au sein du code général des collectivités territoriales tout en le révisant afin de l'harmoniser avec les nouvelles dispositions constitutionnelles.

Concernant les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a souligné que le statut envisagé n'en était qu'à l'état d'avant-projet et n'avait fait l'objet d'aucune discussion interministérielle à ce jour. Elle a cependant estimé qu'il apparaîtrait logique que ces deux collectivités devant être régies par l'article 74 de la Constitution puissent disposer de représentants à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle a expliqué que les futurs statuts conduiraient à un renforcement de la présence de l'Etat grâce, notamment, à un redéploiement des moyens humains et matériels de l'Etat dans ces îles.

Au sujet des Terres australes et antarctiques françaises, elle a rappelé la visite à La Réunion du ministre australien chargé de la pêche, qui avait pu apprécier les moyens de lutte par satellite mis en oeuvre par l'Etat afin de surveiller les zones de pêche. Elle a espéré que la coopération qui devrait intervenir dans ce cadre puisse être étendue à la surveillance dans le Pacifique sud où l'Australie et la France avaient d'autres intérêts communs.

S'agissant des mesures de défiscalisation dont bénéficient certaines collectivités d'outre-mer et qui sont distinctes de celles applicables aux départements et régions d'outre-mer, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a souligné qu'elles résultaient de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer qui avait repris et amplifié des dispositifs antérieurs, remontant pour certains à 1994. Elle a indiqué que cette loi prévoyait seulement une évaluation de ces dispositifs dans les trois ans suivant sa publication mais qu'il existait d'ores et déjà des indices satisfaisants. Elle a mis en avant le fait que le but avait été d'éviter tout effet d'aubaine dans ce cadre, en excluant certains secteurs à risque de ces mesures, insistant sur le fait que des chartes de qualité avaient été signées par les cabinets qui soumettaient à l'administration les dossiers d'investissements défiscalisés. Elle a rappelé les effets bénéfiques de ces mesures sur l'industrie du tourisme, en raison notamment de l'éligibilité des opérations de réhabilitation hôtelière à ce type de mesures.

M. Bernard Frimat, relevant que l'augmentation de 52 % du budget alloué à l'outre-mer pour 2005 était plus apparente que réelle, a d'abord interrogé la ministre sur les possibilités d'appréciation de l'évolution réelle de ce budget par rapport aux années précédentes.

Rappelant que le Conseil d'Etat avait annulé, le 15 novembre 2004, les élections territoriales intervenues dans les îles du Vent de la Polynésie française, il a demandé au ministre d'indiquer la capacité juridique de cette assemblée à délibérer, étant donné qu'elle ne comportait désormais plus que 20 membres sur 57, soit une proportion inférieure à la moitié de son effectif normal. Il a demandé au ministre de préciser si l'assemblée de Polynésie française serait en mesure d'adopter son budget. Il a enfin interrogé le ministre sur l'opportunité d'un débat concernant le mode de scrutin pour l'élection des représentants à l'assemblée de Polynésie française.

Mme Brigitte Girardin, rappelant que le budget de l'outre-mer était affecté depuis plusieurs années de mouvements de transferts croisés, empêchant d'apprécier son évolution à périmètre constant, a indiqué qu'on pouvait estimer à 2,4 % la réduction des crédits alloués à ce ministère par rapport à l'année 2004.

Elle a ensuite déclaré qu'aux termes du statut de la Polynésie française, rien n'indiquait que l'assemblée de la collectivité ne pouvait fonctionner avec seulement 20 membres. Elle a confirmé que le Conseil d'Etat devait encore se prononcer sur un recours visant l'élection de M. Gaston Flosse à la présidence de la Polynésie française, quatre recours déposés par le mouvement indépendantiste ayant déjà été rejetés. Elle a souligné que le recours visant l'élection du président de la Polynésie française n'avait pas de caractère suspensif.

Mme Brigitte Girardin, soulignant que le statut de la Polynésie française imposait, à la suite de l'annulation dans les îles du Vent par le Conseil d'Etat, l'organisation d'élections partielles dans un délai de trois mois, soit au plus tard le dimanche 13 février 2005, a expliqué qu'une dissolution de l'assemblée ne pouvait intervenir que dans deux cas strictement définis par l'article 157 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française : l'impossibilité pour les institutions de la Polynésie française de fonctionner ou une demande expresse du gouvernement de cette collectivité. Elle a rappelé que s'il arrivait régulièrement au conseil des ministres de prononcer une telle dissolution à l'égard d'un conseil municipal, elle n'intervenait que très rarement à l'égard d'un conseil général et plus rarement encore s'agissant d'un conseil régional. Elle a souligné qu'aucune situation de blocage des institutions de la Polynésie française n'avait jusqu'alors conduit à une dissolution de l'assemblée et qu'il convenait de n'envisager cette hypothèse qu'avec la plus grande prudence, le décret de dissolution du Président de la République étant susceptible de faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a ensuite rappelé que la dissolution de l'assemblée de la Polynésie française était, en revanche, intervenue à plusieurs reprises à la demande du gouvernement de la collectivité après des changements statutaires en 1984, en 1996 et en 2004. Elle a indiqué que sa proposition de rencontre avec l'ensemble des forces politiques représentées au sein de l'assemblée de Polynésie française avait pour objet de constater, le cas échéant, l'existence d'un consensus assez large pour organiser des élections générales suffisamment fondées en droit.

Le ministre a indiqué que le Gouvernement n'envisageait pas de prendre l'initiative d'une réforme du mode de scrutin concernant l'élection des représentants à l'assemblée de Polynésie française, estimant que le recours à la loi en ce domaine ne pourrait intervenir que s'il était suscité par les principales forces politiques polynésiennes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé que si le statut de la Polynésie française ne prévoyait pas de nouvelles élections générales après l'annulation d'élections dans une circonscription, l'organisation de nouvelles élections dans un tel cas était néanmoins un principe général du fonctionnement des assemblées locales.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que l'annulation d'élections dans des sections de communes ne devait pas entraîner la dissolution du conseil municipal tout entier mais seulement l'organisation d'élections complémentaires. Il a estimé, s'agissant de la Polynésie française, que les vingt représentants de l'assemblée territoriale dont l'élection n'a pas été annulée ne devraient pas, sauf accord global, voir leur mandat remis en cause par des élections générales.

M. Jean-Paul Virapoullé a estimé que l'existence d'un consensus n'était pas une condition suffisante pour l'organisation d'élections générales, mais qu'elle pouvait le devenir si elle aboutissait au blocage des institutions ou à une demande de dissolution de la part du président de la Polynésie française. Il a jugé que toute autre hypothèse de dissolution ferait encourir au décret du Président de la République un risque d'annulation à la demande des représentants de l'assemblée dont l'élection n'a pas été annulée.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a rappelé que l'assemblée de Polynésie française était une assemblée locale à l'égard de laquelle le Président de la République ne disposait pas d'un pouvoir discrétionnaire de dissolution, à la différence du pouvoir que lui attribue la Constitution pour dissoudre l'Assemblée nationale.