Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Bureau de la commission - Compte rendu

M. Jean-Jacques Hyest, président, a d'abord présenté les propositions du bureau de la commission relatives aux futurs travaux de celle-ci. Il a indiqué en premier lieu qu'une mission au Canada pourrait avoir lieu en septembre 2005 afin d'étudier le processus de simplification du droit et de réforme de l'Etat dans ce pays. Ce déplacement, a-t-il ajouté, permettrait également à la commission de se rendre à Saint-Pierre-et-Miquelon dans la perspective de la prochaine évolution statutaire de cette collectivité.

M. Pierre Fauchon a souhaité que la commission organise une mission en Turquie pour examiner les conditions dans lesquelles ce pays pourrait répondre aux critères d'adhésion à l'Union européenne, en particulier en matière d'Etat de droit. M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé que le bureau de la commission avait envisagé un tel déplacement pour l'année 2006.

Par ailleurs, M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que le bureau de la commission avait également proposé deux missions d'information : la première, relative aux procédures accélérées de jugement en matière pénale destinée notamment à dresser le bilan de la procédure de comparution immédiate, la seconde, consacrée à la nouvelle génération de documents d'identité et à la fraude documentaire. La commission a décidé de demander au Sénat l'autorisation de constituer en son sein ces deux missions d'information.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a informé en outre la commission des prochaines auditions qui porteraient respectivement sur la sauvegarde des entreprises, la constitution européenne, les successions ou les tutelles, et enfin la fonction publique territoriale. En outre, la défenseure des enfants serait entendue conjointement avec la commission des affaires sociales le mercredi 19 janvier prochain, cette audition étant ouverte à l'ensemble des sénateurs. Enfin, une audition de M. Franco Frattini, commissaire européen chargé du secteur « justice-affaires intérieures » pourrait être organisée ultérieurement avec la délégation des affaires européennes.

Enfin, M. Jean-Jacques Hyest, président, a proposé de saisir l'office d'évaluation de la législation de l'étude d'ensemble, souhaitée par plusieurs membres de la commission, relative aux autorités administratives indépendantes (AAI). En effet, il a estimé que cet organe bicaméral regroupant des représentants de l'ensemble des commissions, avait vocation à traiter d'un sujet présentant un caractère transversal, compte tenu des domaines couverts par les AAI. En outre, a-t-il poursuivi, l'office disposerait de la faculté de confier, par exemple à un collège d'experts, une étude préalable comparative et analytique, tout en préservant la faculté du rapporteur désigné de procéder à des auditions avant que l'office ne délibère.

Suivant cette proposition, la commission a décidé de saisir l'office parlementaire d'évaluation de la législation aux fins d'élaboration d'un bilan des autorités administratives indépendantes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité que la commission puisse visiter des centres éducatifs fermés. M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé à cet égard que des visites pouvaient être régulièrement organisées, notamment à l'initiative des rapporteurs pour avis du budget de la justice, dans les structures relevant de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que dans les établissements pénitentiaires.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé à l'attention deM. Jacques Mahéas que le texte relatif à la sauvegarde des entreprises ferait l'objet de plusieurs séries d'auditions, au cours desquelles pourraient être naturellement entendus des représentants des chambres de commerce et d'industrie.

M. Pierre Fauchon a souhaité que des membres de la commission puissent être associés à la mission d'information sur les questions liées à l'amiante actuellement projetée à l'initiative de la commission des affaires sociales. Mme Nicole Borvo a manifesté par ailleurs l'intérêt du groupe qu'elle présidait pour la constitution d'une mission d'information consacrée au travail illégal.

La commission a alors approuvé l'ensemble des propositions présentées par M. Jean-Jacques Hyest, président.

PJLF pour 2005 - Services généraux de la justice - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Yves Détraigne sur les crédits consacrés aux services généraux de la justice dans le projet de loi de finances pour 2005.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget des services généraux de la justice, regroupant les crédits affectés aux services judiciaires, aux juridictions administratives et à l'administration générale de la justice, augmenterait de 3,9 % en 2005, pour atteindre 3,193 milliards d'euros, et représenterait 58 % de l'ensemble des crédits du ministère de la justice, eux-mêmes en progression de 4 %.

Il a noté la hausse des crédits affectés à l'administration générale (7,1 %), ce qui permettrait de renforcer les effectifs de l'administration centrale de 43 postes, de revaloriser le statut des personnels, d'améliorer les conditions d'installation des services et de poursuivre les travaux de rénovation des locaux de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Il a relevé que la croissance des crédits affectés aux juridictions administratives en 2005 serait moindre qu'en 2004, cette évolution permettant de financer cependant la création de 46 postes, la modernisation du parc informatique et la rénovation des locaux du Conseil d'Etat, des cours administratives d'appel de Bordeaux, Douai, Nantes, Paris et Orléans, ainsi que des tribunaux administratifs de Besançon, Grenoble, Pau et Rouen.

Enfin, il a souligné la croissance des crédits affectés aux services judiciaires (2,9 %), qui permettrait de créer 355 postes, dont une centaine de magistrats et 255 de personnels des greffes, de prévoir des mesures indemnitaires en faveur de plusieurs catégories de personnels, de faire face à la forte croissance des frais de justice et de l'aide juridique, de renforcer la sécurité des bâtiments, de favoriser l'accès au droit et de poursuivre l'important programme de construction et de rénovation des palais de justice.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a ensuite dressé le bilan à mi-parcours de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.

Il a constaté qu'en dépit de la création nette de 1.070 emplois au sein du ministère de la justice en 2005, soit la plus forte augmentation d'effectifs de l'ensemble des ministères, les objectifs fixés par la loi du 9 septembre 2002 ne seraient atteints qu'à hauteur de 40 % pour les services judiciaires et de 51 % pour les juridictions administratives, l'administration centrale faisant figure d'exception, avec un taux prévisionnel de réalisation de 72 %.

Il a estimé qu'en dépit du faible nombre des créations de postes de magistrats en 2005, il était permis d'espérer une amélioration des délais de jugement grâce aux gains de productivité. A cet égard, il a jugé préférable de procéder à une évaluation plus fine, juridiction par juridiction, des renforts humains nécessaires plutôt que d'augmenter massivement les effectifs de magistrats.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, s'est en revanche inquiété de la faiblesse du recrutement des fonctionnaires des greffes, observant que le taux de créations d'emplois ne devrait atteindre, à la fin de l'année 2005, que 38 % des objectifs fixés par la programmation quinquennale. Craignant, de surcroît, que l'augmentation des effectifs ne tienne pas parfaitement compte de l'impact de plusieurs réformes récentes, telles que la création d'une procédure de rétablissement personnel ou la mise en place des juridictions de proximité, il a souligné la nécessité de procéder à un rattrapage lors des prochains exercices budgétaires, d'assortir d'études d'impact les projets de loi susceptibles d'affecter le fonctionnement des juridictions et de poursuivre l'effort de clarification engagé pour mieux distinguer les emplois affectés en administration centrale des emplois déconcentrés.

Il s'est inquiété de la réduction de moitié du nombre des créations d'emplois dans les juridictions administratives en 2005 par rapport à 2003 et 2004, ajoutant que cette situation était particulièrement préoccupante en raison de la croissance sans précédent du volume des contentieux. A cet égard, il s'est demandé s'il ne convenait pas de rechercher un mode de traitement plus adapté à la nature de certains contentieux responsables de l'augmentation de l'activité.

Evoquant la revalorisation indemnitaire et statutaire des magistrats, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a observé que la mise en place d'une prime modulable, sans pour autant recueillir un assentiment unanime, ne soulevait pas de difficultés pratiques. Il a jugé prématuré d'en dresser d'ores et déjà un bilan, les chefs de cours d'appel ayant notifié très récemment le taux d'attribution individuel aux magistrats de leur ressort pour la première fois.

Il a observé que le projet de loi de finances pour 2005 permettrait de financer une hausse d'un point du taux indemnitaire moyen versé aux personnels de catégorie C, comme chaque année depuis 2002, le repyramidage du corps des greffiers, ainsi que la mise en oeuvre du plan de transformation d'emplois d'agents administratifs en adjoints administratifs engagé en 2001. Par ailleurs, il a rappelé que la constitution en cours d'un corps de secrétaires administratifs, fonctionnaires de catégorie B exerçant des fonctions exclusivement administratives, permettrait d'offrir des perspectives de carrières nouvelles aux agents de catégorie C.

Abordant la programmation des crédits d'investissement en 2005, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a jugé satisfaisant le niveau des autorisations de programme, mais s'est interrogé sur celui des crédits de paiement, en baisse de 13 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Rappelant que les opérations d'équipement dans le domaine de la justice mettaient plusieurs années avant de se dénouer, il a estimé que celles lancées en 2003 devraient se traduire par une accélération des besoins en crédits de paiement au cours de l'année 2005, ce qui pourrait nécessiter en cours d'année un réajustement de l'enveloppe prévue par le projet de loi de finances.

Evoquant l'activité des juridictions judiciaires, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, s'est félicité de l'impact positif des contrats d'objectifs conclus avec les cours d'appel d'Aix-en-Provence et de Douai, qui avaient permis une baisse importante des stocks d'affaires en instance et une accélération des délais de traitement. Aussi a-t-il approuvé la signature de nouveaux contrats d'objectifs avec six autres cours d'appel en 2005.

Il a noté la baisse du délai moyen de jugement dans les cours d'appel (16,1 mois) entre 2002 et 2003 et l'augmentation de ceux des tribunaux de grande instance et d'instance, qui s'élèvent respectivement à 9,5 et 4,5 mois. Il a relevé que l'écart entre ces résultats et l'objectif ambitieux de réduire la durée de traitement des affaires à 12 mois pour les cours d'appel, 6 mois pour les tribunaux de grande instance et 3 mois pour les tribunaux d'instance perdurait cependant.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a indiqué que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les chefs de cours d'appel deviendraient ordonnateurs secondaires des dépenses des juridictions. Il a indiqué que tel était déjà le cas, à titre expérimental, pour la cour d'appel de Lyon, l'expérimentation devant être étendue à huit autres cours d'appel en 2005. Il a jugé nécessaire de renforcer le rôle stratégique confié aux services administratifs régionaux en les dotant de spécialistes de la gestion administrative.

Il a expliqué que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ne bouleverserait pas la présentation du budget du ministère de la justice, appelé à faire l'objet d'une mission unique intitulée « rendre et exécuter la justice » dépourvue de vocation interministérielle. Il a ajouté que cette mission serait structurée en six programmes recoupant largement les agrégats actuels eux-mêmes structurée en 33 actions.

Il s'est félicité de la mise en place d'un baromètre trimestriel depuis la mi-novembre. Après avoir admis la perfectibilité des indicateurs retenus et regretté l'absence de consultation des organisations représentatives des magistrats et des personnels des greffes, il a néanmoins salué les efforts du ministère de la justice qui, à la différence d'autres ministères, était d'ores et déjà en mesure de soumettre au Parlement une maquette précise et complète.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, s'est inquiété de la hausse exponentielle des frais de justice, de 40 % en deux ans, qu'il a imputée notamment au développement de techniques nouvelles dans le domaine pénal, telles que les analyses d'empreintes génétiques et les écoutes ou recherches sur la téléphonie mobile. Il a indiqué que des solutions étaient à l'étude, notamment dans le ressort de la cour d'appel de Lyon.

Au bénéfice de ces observations, il a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption du budget des services généraux de la justice pour 2005. M. Robert Badinter s'est étonné de l'écart entre le renforcement notable des effectifs de l'administration centrale et le faible nombre de recrutements prévus pour les services judiciaires, en particulier en ce qui concerne les personnels des greffes. Il a souhaité connaître les raisons d'un tel biais.

Après avoir pleinement souscrit à ce constat, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a expliqué que la priorité donnée au renforcement des moyens humains de l'administration pénitentiaire avait rendu plus difficile l'ajustement pour les juridictions judiciaires. Il a cependant rappelé qu'au cours de son audition devant la commission le 30 novembre dernier, le garde des sceaux avait donné l'assurance qu'un rattrapage serait effectué en faveur des secrétariats-greffes. Il a en outre précisé que les effectifs de l'administration centrale avaient été étoffés, afin de renforcer son rôle stratégique en matière de gestion et d'expertise technique dans la perspective de l'entrée en vigueur de la LOLF. Il s'est déclaré convaincu de la nécessité pour le ministère de la justice de respecter les engagements pris dans la programmation quinquennale établie par la loi du 9 septembre 2002, ce qui conduirait à revoir la hiérarchie des priorités.

M. Robert Badinter s'est félicité de l'augmentation des crédits alloués à l'Ecole nationale de la magistrature par le projet de loi de finances pour 2005. Il s'est à son tour inquiété de la croissance très forte des dépenses au titre des frais de justice, dénonçant certaines pratiques abusives des parties, qui n'hésitaient pas à se constituer partie civile afin de faire prendre en charge par les tribunaux le coût de certaines expertises très onéreuses (notamment en matière comptable). Il a souhaité qu'une réflexion s'engage pour rechercher des solutions à ce problème.

Le rapporteur pour avis a observé que le ministère de la justice, conscient de la difficulté de maîtriser ce poste budgétaire, avait pris des initiatives pour remédier à cette situation, ce qui paraissait particulièrement nécessaire compte tenu de la suppression, prévue par la LOLF, du caractère évaluatif de ce poste de dépense.

Au bénéfice de ces observations, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux pour 2005.

PJLF pour 2005 - Administration pénitentiaire - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Goujon sur les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire dans le projet de loi de finances pour 2005.

Après avoir rendu hommage à son prédécesseur, M. Georges Othily, M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a d'abord relevé que les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire par le projet de budget de la justice pour 2005 s'élevaient à 1,65 milliard d'euros, en progression de 3,8 % par rapport à la loi de finances pour 2004. Cet effort budgétaire, a-t-il précisé, se traduisait par quatre orientations majeures :

- la création de 533 emplois supplémentaires en 2005, conformément aux objectifs définis par la loi d'orientation et de programmation pour 2002 ;

-  la mise en oeuvre des réformes statutaires pour les filières des personnels d'insertion et de probation et des agents de surveillance ;

- la progression des moyens de fonctionnement des établissements pénitentiaires ;

- la construction de huit nouveaux établissements pénitentiaires (quatre en maîtrise d'ouvrage public et quatre en partenariat public privé).

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a rappelé par ailleurs que le ministère de la justice avait accompli un travail important pour préparer la mise en oeuvre de la loi organique relative à la loi de finances en fixant en particulier les différents objectifs assignés à l'administration pénitentiaire assortis d'indicateurs dont certains, a estimé le rapporteur pour avis, pourraient sans doute encore être affinés.

Le rapporteur pour avis a indiqué ensuite que le nombre de personnes détenues s'établissait, au 1er novembre 2004, à 57.950. Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires, a-t-il précisé, était passé de 115,5 % en 2002 à 122 % en 2003 et apparaissait plus particulièrement préoccupant pour les maisons d'arrêt (138 %). Il a observé que, dans ces conditions, le Gouvernement avait souhaité renforcer les mesures alternatives à l'emprisonnement et avait, dans cette perspective, par la loi du 9 mars 2004, profondément réformé le régime de l'application des peines. Il a rappelé que le placement sous surveillance électronique (PSE) s'était développé, 863 PSE étant en cours au 1er juillet 2004, contre 100 au 1er juillet 2002.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a rappelé par ailleurs les progrès accomplis dans l'accès aux soins des personnes incarcérées avec la mise en place des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), dont la première avait été ouverte à Nancy le 16 février dernier. Après avoir observé qu'un entrant sur deux en détention souffrait de troubles mentaux, il a relevé que la création, à compter de 2007, des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, permettrait d'améliorer la prise en charge sanitaire de ces personnes. Revenant sur une piste de réflexion ouverte par le garde des sceaux lors de son audition devant la commission le mardi 30 novembre 2004, il s'est demandé si le nombre croissant de pathologies psychiatriques ne requérait pas, à moyen terme, une plus grande différenciation des établissements pénitentiaires. Une commission « santé-justice » présidée par M. Jean-François Burgelin, a-t-il noté, devrait prochainement présenter des recommandations dans le domaine de l'accès aux soins des détenus. Il a en outre souligné que l'administration pénitentiaire, à la suite des propositions formulées par le professeur Terra, avait mieux pris la mesure de la nécessité de prévenir le phénomène suicidaire.

Le rapporteur pour avis a également dressé un bilan très positif des premières unités de vie familiale mises en place à titre expérimental dans certains établissements pénitentiaires. Il a observé par ailleurs que si le travail en prison avait connu un recul sensible en 2003 par rapport à l'année précédente, la formation professionnelle concernait, quant à elle, un nombre croissant de détenus.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a souligné ensuite que les conditions de détention dépendaient pour une large part des capacités d'accueil des établissements pénitentiaires, comme il avait pu l'observer lors de déplacements effectués aux maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis et de Beauvais. Il a relevé à cet égard que le programme de construction « 4000 » s'était traduit par un gain net de 3.021 places, tandis que la loi d'orientation et de programmation pour la justice avait prévu la construction de 13.200 places, dont 10.800 dans de nouvelles prisons. Il a par ailleurs évoqué l'ouverture prochaine d'établissements pour mineurs, ainsi que la rénovation des plus importants centres pénitentiaires de France. Il a enfin établi un bilan positif des établissements en gestion mixte.

Evoquant alors la situation des personnels, le rapporteur pour avis a relevé que les besoins de recrutement s'établiraient à 8.000 agents de surveillance entre 2003 et 2007. Il s'est réjoui que l'ensemble des postes offerts aux concours aient été pourvus en 2004, contrairement aux années précédentes, en particulier grâce à l'effort de communication engagé par l'administration pénitentiaire. Il a également présenté les différentes mesures indemnitaires prévues par le projet de loi de finances : la revalorisation de la prime de sujétions spéciales, l'augmentation de l'indemnité pour charge pénitentiaire ainsi que la réforme du dispositif de l'indemnité de responsabilité pour les personnels de direction.

Le rapporteur pour avis a conclu sur la question délicate des transfèrements et des escortes, dont une prise en charge accrue par les personnels pénitentiaires rencontre encore des difficultés.

Il a invité la commission à donner un avis favorable aux crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est interrogé sur la répartition actuelle du placement sous surveillance électronique (PSE) selon la nature des peines prononcées par le juge.

M. Robert Badinter a souhaité savoir si les mesures d'application de la loi du 19 décembre 1997 instituant le bracelet électronique avaient été effectivement adoptées. Il a également demandé au rapporteur pour avis de préciser le coût de cette mesure par rapport à celui de la détention.

Mme Nicole Borvo a rappelé l'hostilité de son groupe à la mise en place du PSE.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que le PSE résultait d'une initiative sénatoriale et qu'il constituait un élément essentiel pour développer des mesures alternatives à la détention.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a précisé que le coût d'un bracelet électronique s'élevait à 22 euros par jour, contre 63 euros pour une journée de détention. Par ailleurs, il a relevé que les mesures d'application de la loi du 19 décembre 1997 avaient été prises. En outre, le décret du 17 mars 2004 avait défini les modalités d'application de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, qui avait étendu la possibilité d'utilisation du PSE à la mise sous contrôle judiciaire. A la date du 15 juillet 2002, deux personnes sous contrôle judiciaire bénéficiaient d'un PSE. Cette mesure, a-t-il ajouté, était principalement ordonnée comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté dont le quantum ou le reliquat à exécuter n'excédait pas un an.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

PJLF pour 2005 - Protection judiciaire de la jeunesse - Examen du rapport pour avis

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Nicolas Alfonsi sur les crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de loi de finances pour 2005.

Après avoir rendu hommage au travail accompli par son prédécesseur, M. Patrice Gélard, M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le projet de loi de finances pour 2005, a rappelé que la délinquance des mineurs était un défi majeur. Se félicitant des progrès déjà accomplis, il a estimé que ces efforts ne devaient pas se relâcher.

Il a ensuite présenté le projet de budget pour 2005, en indiquant qu'au sein des crédits du ministère de la justice, 613 millions d'euros, soit 10,8 %, seraient consacrés à la PJJ, ceci représentant une augmentation de 4,42 % par rapport à 2004. Il a ajouté que les créations d'emplois, de l'ordre de 107, seraient inférieures aux 234 créations prévues pour 2004, et déploré la forte baisse des mesures d'amélioration de la situation des personnels, tout en se félicitant de la réalisation de la réforme très attendue du statut des directeurs.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que près de 185.000 mineurs avaient fait l'objet d'une saisine de la justice des mineurs en 2003, dont 79.000 mineurs délinquants et plus de 105.000 mineurs en danger, tandis que 150.000 mineurs et jeunes majeurs protégés étaient suivis par la PJJ au 1er janvier 2003.

Après avoir souligné que le mode de prise en charge le plus fréquent restait le suivi en milieu ouvert, il a observé que la croissance de l'activité se concentrait sur les mesures pénales, tandis que la spécialisation des deux secteurs se poursuivait, sur les délinquants pour le secteur public et sur les mineurs en danger pour le secteur associatif habilité. Il a ajouté que 76 % de l'ensemble des mineurs et des jeunes majeurs étaient pris en charge par le secteur associatif et 24 % par le secteur public, les délinquants représentant 22 % de l'ensemble.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a ensuite présenté une étude réalisée localement par des juges des enfants montrant que la moitié des mineurs délinquants ne récidivaient pas après leur majorité. Il a estimé que la mesure de réparation était la plus adaptée pour prévenir la récidive.

Il a en outre jugé indispensable d'adapter les réponses aux mineurs récidivistes ou violents, et a rappelé que tel était l'objet des centres éducatifs renforcés, des centres de placement immédiat ainsi que, plus récemment, des centres éducatifs fermés (CEF).

S'agissant des CEF, il a rappelé qu'ils accueillaient des mineurs de 13 à 18 ans placés sous contrôle judiciaire ou condamnés à une peine assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve. Il a indiqué qu'au 19 octobre 2004, 110 places étaient ouvertes pour 11 CEF (dont deux relevant du secteur public) et que 183 mineurs avaient été accueillis depuis leur création.

Après avoir indiqué avoir visité le CEF public de Beauvais, il a jugé que ces structures étaient encore en rodage, mais que le premier bilan en termes d'adaptation du dispositif à l'objectif d'amélioration de la prise en charge des mineurs récidivistes ou violents était encourageant et que l'importance des fugues devait être relativisée au regard des caractéristiques des jeunes accueillis. Il a toutefois souhaité la révision de l'objectif de 60 centres, un établissement par région paraissant adapté au regard de la population des jeunes concernés et du taux d'occupation des CEF existants (63 %).

S'agissant de l'incarcération des mineurs, M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse, a observé qu'elle demeurait l'ultime recours et que le nombre de mineurs incarcérés (739 au 1er janvier 2004) ne cessait de baisser depuis 2001, après une forte hausse en 2000. Il a souligné la corrélation sur le long terme entre la hausse des mesures éducatives pénales et la baisse des incarcérations.

Par ailleurs, il s'est félicité de l'intervention continue des éducateurs de la PJJ auprès des mineurs depuis 2003 et il a indiqué que les éducateurs, intervenant actuellement au nombre de 91 dans la moitié des quartiers de mineurs, seraient 159 en 2005. En outre, il a indiqué que sept établissements pénitentiaires pour mineurs, accueillant chacun une soixantaine de mineurs, seraient ouverts fin 2006.

Le rapporteur pour avis a en outre jugé nécessaire de revoir la formation et le recrutement des éducateurs, afin de privilégier la motivation pour le travail social. Il s'est à cet égard félicité de l'instauration d'une troisième voie ouverte sans condition de diplôme aux personnes justifiant de cinq années d'expérience dans certains domaines en matière de recrutement des éducateurs.

En réponse aux critiques de la Cour des comptes de juillet 2003 de sous-administration de la PJJ, M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a estimé que l'évaluation des actions de la PJJ était indispensable et s'est félicité des efforts entrepris par la PJJ en 2004 pour élaborer un référentiel des mesures et des missions, et connaître plus précisément l'activité des services et le devenir des jeunes pris en charge. Il a précisé que le logiciel GAME 2000 avait été adapté et qu'un panel des mineurs était en cours de finalisation.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a cependant déploré la faiblesse du contrôle du secteur associatif habilité, due notamment au peu d'effectifs des directions départementales. Il a toutefois noté qu'en 2005 devrait être établie une méthodologie de contrôle et que des cellules régionales de contrôle de gestion étaient en cours d'installation.

Il a en outre évoqué les difficultés soulevées par l'expérimentation de la décentralisation des mesures d'assistance éducative.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a enfin préconisé d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse.

Après avoir observé que les mineurs en danger et les mineurs délinquants étaient souvent les mêmes, M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est félicité de l'intervention continue des éducateurs de la PJJ en quartiers de mineurs.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a précisé que cette intervention serait généralisée en 2006. Il a également indiqué que les établissements pénitentiaires pour mineurs seraient prêts fin 2006. Revenant sur le dispositif des centres éducatifs fermés, il a fait part de ses interrogations, reconnaissant le coût important des CEF, puisque dans le cas du CEF de Beauvais, vingt-quatre personnes devaient s'occuper de six jeunes, dont deux avaient fugué et un était incarcéré.

En réponse à M. Robert Badinter qui s'interrogeait sur les causes de la faiblesse du taux d'occupation des CEF, M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a indiqué que cette mesure ne concernait que des jeunes particulièrement violents ou récidivistes.

Il a en outre fait part des difficultés observées dans certaines régions pour recruter des agents, puis souligné l'état sanitaire souvent déplorable où arrivaient les jeunes, avant de saluer l'abnégation des éducateurs travaillant avec ces jeunes très difficiles.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président, il a par ailleurs indiqué que 66 centres éducatifs renforcés étaient en service, la plupart gérés par des associations.

Après avoir rappelé son hostilité à la création des CEF en 2002, Mme Nicole Borvo a déploré l'importance des crédits leur étant consacrés, estimant qu'ils n'avaient pas donné de résultats tangibles et qu'ils étaient indûment soustraits à ceux du milieu ouvert, pourtant acteur essentiel de la prise en charge.

M. Jean-Claude Peyronnet a lui aussi regretté ce choix en faveur des CEF et déploré leur coût jugé démesuré, avant de souligner les divers incidents intervenus en CEF, ce à quoi M. Jean-Jacques Hyest, président, a répliqué que de tels incidents auraient tout aussi bien pu se produire en milieu ouvert.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a pour sa part souhaité une étude comparant les coûts de fonctionnement des centres français et britanniques ayant inspiré les CEF.

En réponse à M. José Balarello qui s'interrogeait sur le devenir de ces jeunes, M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a précisé qu'une première évaluation réalisée en mai 2004 faisait apparaître que 50 % des jeunes avaient à leur sortie rejoint une structure d'hébergement classique, 30 % leur famille, 16 % étant incarcérés, 2 % hospitalisés en hôpital psychiatrique, les 2 % restants étant suivis au titre de la protection des jeunes majeurs. Il a néanmoins jugé qu'il était trop tôt pour en tirer des conclusions.

M. Philippe Goujon a pour sa part salué le dévouement des éducateurs du CEF de Beauvais, en soulignant le rôle majeur joué par ces centres en termes d'accès aux soins pour des jeunes en grande difficulté.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que les juges des enfants étaient toujours à la recherche de solutions diversifiées, et il a évoqué le travail très positif accompli par « l'école mobile », une association de Seine-et-Marne organisant des séjours de rupture en Afrique, M. Christian Cointat soulignant à cet égard l'importance d'un encadrement de qualité.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005.