Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, et de M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales.

Audition de Mme Claire Brisset, défenseure des enfants

La commission des lois et la commission des affaires sociales ont procédé à l'audition commune, ouverte à tous les sénateurs et retransmise par la chaîne parlementaire, de Mme Claire Brisset, défenseure des enfants.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a indiqué que les membres des commissions des lois et des affaires sociales, ayant pris connaissance avec intérêt du rapport de Mme Claire Brisset, avaient souhaité évoquer avec elle certains de ses aspects à l'occasion d'une audition ouverte à tous les sénateurs.

M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales, a rappelé que la défenseure des enfants avait déjà été entendue par la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs ainsi que par la commission des affaires sociales sur le thème de l'adolescence en crise. Il a par ailleurs indiqué que la question de la petite enfance avait été abordée au cours de la session parlementaire lors de l'examen du projet de loi sur l'accueil et la protection de l'enfance.

Après avoir souligné la jeunesse de son institution, créée en 2000, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a rappelé que la loi lui faisait obligation de remettre un rapport annuel au Président de la République ainsi qu'aux présidents des assemblées parlementaires. Elle a ensuite présenté son cinquième rapport, retraçant l'activité de l'institution pour l'année 2004.

Retraçant les cas individuels soumis à son attention, elle a mis en exergue une progression annuelle de 15 % des saisines en moyenne, atteignant 24 % en 2004.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a indiqué que 60 % des demandes concernaient des enfants de sept à quinze ans, dont 55 % de garçons, et qu'elle avait observé une forte augmentation des saisines collectives (concernant par exemple une classe entière). Elle a précisé que ces demandes émanaient en premier lieu de Paris (notamment en raison du nombre élevé de mineurs étrangers y résidant), suivi de la Seine-Saint-Denis, l'Ile-de-France concentrant un tiers des dossiers, suivie par la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (10 % des dossiers).

Après avoir rappelé qu'elle pouvait être saisie par les titulaires de l'autorité parentale, les enfants, ainsi que les associations reconnues d'utilité publique oeuvrant dans le domaine de la protection de l'enfance, et que son autosaisine pouvait pallier l'absence de droit de saisine des grands-parents ou des enseignants, elle a ajouté que 38 % des saisines émanaient des mères, 16 % des pères, 10 % des couples et 10 % des enfants.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a ensuite précisé que cette saisine devait se faire par écrit et était possible depuis deux ans par internet, procédé très utilisé par les adolescents.

Elle a en outre indiqué que le tiers des demandes concernait des conflits familiaux, souvent inextricables et parfois hyperjudiciarisés. A cet égard, elle a ajouté qu'une circulaire de la Chancellerie de 2001 avait clarifié les relations avec les services judiciaires, en instaurant comme interlocuteurs les procureurs de la République et les procureurs généraux lorsqu'un enfant était en danger en dépit ou à cause d'une décision de justice.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a par ailleurs noté un développement depuis deux ans de saisines liées à l'école, s'agissant notamment de maltraitance en maternelle. Elle a toutefois observé que le nombre de cas avait fortement diminué en 2004 du fait d'une vigilance accrue de l'Etat, tandis que progressaient les saisines pour défaut de scolarisation des enfants handicapés.

Par ailleurs, elle a observé que 11 % des demandes concernaient des mineurs étrangers, isolés ou non, et ce sur tout le territoire, et 6 % des contestations de placement d'enfant, le solde se rapportant à des questions de santé, de maltraitance, d'abus sexuels, de logement, de conditions d'incarcération ou de présence d'enfants dans des sectes.

Elle a estimé apporter une réponse à la moitié des cas, tout en soulignant que certains requérants se désistaient lors de demandes de renseignements complémentaires.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a ensuite indiqué qu'après la santé et l'éducation, le rapport pour l'année 2004 s'était intéressé aux enfants faisant l'objet d'une mesure de protection, soit 270.000 mineurs, représentant 2 % de l'ensemble des mineurs en France. Elle a précisé que ces enfants faisaient souvent l'objet d'une double protection de la part de la justice et de l'aide sociale à l'enfance, pour un coût annuel de 5 milliards d'euros.

Elle a déploré les disparités dans la prise en charge selon les départements, indiquant que le nombre d'enfants suivis par un même éducateur variait du simple au triple en milieu ouvert (de 15 à 45), et le taux de refus d'agrément préalable à l'adoption de 2 à 33 %. De plus, elle a regretté que les schémas départementaux de l'organisation sociale et médico-sociale prévus par la loi et les groupes de coordination issus de la circulaire de 2001 n'aient pas été mis en place sur l'ensemble du territoire.

Elle a néanmoins souligné l'implication de tous les départements en la matière, souhaitant que les départements les plus innovants puissent servir d'exemple.

En ce qui concerne les travailleurs sociaux, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a tout d'abord estimé que leur formation était trop axée sur la psychologie et pas assez sur le droit, avant de regretter le manque de protection de leur titre et l'abondance de personnes « faisant office ». Elle a en outre souhaité la reconnaissance de l'année de stage comme temps de formation avant de déplorer la faiblesse des salaires dans ce secteur. Elle a de plus préconisé l'instauration d'un tronc commun afin de permettre des passerelles ultérieures entre les métiers de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'aide sociale à l'enfance.

Par ailleurs, elle a souhaité une meilleure reconnaissance du rôle des familles et une plus grande contractualisation, et regretté l'importance des signalements tant judiciaires qu'administratifs.

Estimant que le système de protection de l'enfance n'était pas assez normé, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a appelé les services de l'Etat (justice, école et hôpital) et des départements à mieux collaborer, avant de souhaiter se voir reconnaître une fonction d'alerte, ce qui supposerait une modification législative et une augmentation de ses moyens. Par ailleurs, elle a souhaité que les départements rendent compte chaque année au Parlement de leurs actions dans un recueil annexé par le Gouvernement au projet de loi de finances.

En outre, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, soulignant la détresse des familles concernées, a jugé utile qu'elles puissent disposer d'un interlocuteur unique et d'une meilleure information sur les voies de recours.

S'agissant des mineurs étrangers isolés, elle a relevé que près de 3.000 étaient pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, dans toute la France. Elle a déploré qu'ils puissent être retenus jusqu'à 24 jours en zone d'attente ou refoulés vers un aéroport de transit, citant le cas d'un mineur congolais refoulé en Chine. Elle s'est opposée à leur présence en zone d'attente et a préconisé de les faire bénéficier d'une protection du juge des tutelles et du juge des enfants.

S'agissant plus généralement des mineurs étrangers, elle a proposé de leur permettre d'accéder aux formations en apprentissage et a déploré que les enfants non entrés dans le cadre du regroupement familial ne puissent bénéficier des allocations familiales.

En matière d'adoption, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a souhaité une harmonisation des conditions d'agrément des familles par l'instauration d'une grille nationale. Pour les départements les moins peuplés, elle s'est prononcée en faveur d'une mutualisation de l'agrément, citant l'exemple de la Lorraine. Elle a par ailleurs souhaité une professionnalisation des organismes agréés pour l'adoption, le recours plus fréquent à l'adoption simple sur le modèle de la Grande-Bretagne, ainsi que le développement de l'aide aux parents lors de l'arrivée de l'enfant et durant son adolescence. Elle s'est enfin félicitée de l'annonce par le gouvernement de la création d'une agence nationale de l'adoption.

Elle a souhaité que les rapports périodiques remis par la France au Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des Nations unies, en application de la convention internationale sur les droits de l'enfant, fassent l'objet d'une réelle coordination entre les différents ministères et les instances représentant les enfants.

Enfin, elle a déploré les conditions matérielles dans lesquelles les enfants rendent visite à leurs parents incarcérés, tout en estimant justifié d'exclure de telles visites lorsqu'elles risquent de nuire au développement de l'enfant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a évoqué les travaux des deux commissions d'enquête créées par le Sénat sur les prisons et sur la délinquance des mineurs.

M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales, a observé que l'obligation de secret imposée à certaines professions rendait difficile l'institution de référents uniques auprès des enfants. Il a souhaité savoir à qui Mme Claire Brisset entendait confier ces fonctions de référent unique et comment elle envisageait d'améliorer l'évaluation des politiques de protection de l'enfance.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a estimé que les fonctions de référent unique devaient être confiées à un travailleur social. Elle a proposé de donner un statut juridique à la pratique du secret partagé afin de lever les difficultés liées à l'obligation de secret imposée à certaines professions.

Rappelant son souhait de voir confier au défenseur des enfants une mission d'audit et d'alerte sur le fonctionnement des institutions de protection de l'enfance, elle s'est félicitée que la proposition de loi présentée par Mme Valérie Pécresse, députée, tende à lui permettre de saisir l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) à ces fins.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a observé que les statistiques établies par l'observatoire décentralisé de l'action sociale permettaient de dresser un bilan moins négatif que celui du défenseur des enfants de l'action conduite par les départements en matière de protection de l'enfance.

Mme Claire-Lise Campion a souhaité connaître la méthode retenue par le défenseur des enfants pour élaborer son rapport annuel.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a expliqué qu'elle bénéficiait du concours d'une équipe pluridisciplinaire à Paris et d'un réseau de 44 correspondants territoriaux percevant une indemnité modique, équivalente à celle des délégués du médiateur de la République. Elle a précisé que son rapport reposait sur les informations recueillies à l'occasion de ses propres déplacements et de ceux de ses collaborateurs, sur les documents établis par divers organismes, en particulier l'observatoire décentralisé de l'action sociale, l'IGAS et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), mais également sur les renseignements fournis par ses homologues étrangers.

Estimant que la composition actuelle du comité consultatif placé auprès du défenseur des enfants n'était pas pluraliste, M. André Lardeux a souhaité connaître les modalités de désignation de ses membres.

Il a relevé qu'en dépit d'un bref hommage liminaire, l'essentiel du rapport du défenseur des enfants dénigrait l'action des départements dans le domaine de la protection de l'enfance. Il a estimé que les critiques formulées traduisaient une méconnaissance de l'action des collectivités territoriales et a déploré le manque de contacts entre le défenseur des enfants et les présidents de conseils généraux ou leurs collaborateurs. Après avoir rappelé que les départements étaient soumis à de multiples contrôles, en particulier ceux des chambres régionales des comptes et des préfectures, il a considéré que le faible nombre des déférés préfectoraux pratiqués dans le cadre du contrôle de légalité de la politique de protection de l'enfance des départements n'était pas le signe d'une défaillance de l'Etat mais, au contraire, de la qualité du dialogue entre les préfets et les présidents de conseils généraux permettant de prévenir, en amont, les irrégularités. Il a par ailleurs estimé que les disparités constatées d'un département à l'autre par le défenseur des enfants, consubstantielles à la décentralisation, traduisaient moins des inégalités de traitement que des solutions adaptées aux situations locales.

M. André Lardeux s'est opposé à l'octroi au défenseur des enfants d'une mission d'audit et d'alerte sur le fonctionnement des institutions de protection de l'enfance, au motif qu'il deviendrait alors juge et partie.

Enfin, il a souhaité savoir si le rapport de Mme Claire Brisset préconisait d'autoriser l'adoption d'enfants par des couples homosexuels.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est interrogée sur l'opportunité d'unifier la définition de la minorité, extrêmement variable selon les domaines, afin d'améliorer la prise en charge des mineurs et de faciliter le traitement des statistiques. Elle a approuvé la proposition de créer des référents uniques auprès des enfants. Enfin, elle a déploré la trop longue durée des placements provisoires.

M. Henri de Raincourt s'est déclaré surpris que les présidents de conseils généraux ne soient pas représentés au sein du comité consultatif placé auprès du défenseur des enfants. Il a déclaré que le rapport établi au titre de l'année 2004 avait été ressenti comme une gifle injustifiée par les services du département de l'Yonne, éprouvés par le meurtre d'un éducateur et d'une assistante maternelle. Convenant de la nécessité d'une harmonisation des politiques conduites par les départements, il a jugé que leur uniformisation était incompatible avec la décentralisation et supposait de confier à l'Etat les compétences actuellement décentralisées. Il s'est opposé à la proposition de transformer l'avis de la commission d'agrément préalable à la décision du président du conseil général en matière d'adoption en un avis conforme. Il a estimé que le rapport n'allait pas au terme de sa logique en optant soit pour la décentralisation, soit pour la recentralisation de la politique de la protection de l'enfance. Enfin, il a relevé que les réclamations contre des décisions prises par les départements représentaient une très faible part des réclamations adressées au défenseur des enfants.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a rappelé qu'elle était assistée de deux comités consultatifs, l'un composé d'adultes, l'autre de mineurs. Elle a indiqué qu'elle avait elle-même fixé leur composition en veillant tout particulièrement au pluralisme politique et à la diversité des professions des membres du comité des adultes.

Elle a estimé que les contrôles des politiques de protection de l'enfance demeuraient insuffisants et devaient être davantage coordonnés.

Relevant qu'un grand nombre d'enfants étaient d'ores et déjà élevés par des couples homosexuels,M. Patrice Blanc, secrétaire général auprès du défenseur des enfants, a jugé prématuré, en l'absence de réelle étude, de porter une appréciation sur les conséquences de ces situations sur le développement de l'enfant. Après avoir expliqué que l'adoption consistait à établir un lien de filiation, il s'est opposé à l'extension à un couple homosexuel de la possibilité d'adopter un enfant offerte par la loi à un célibataire quelles que soient ses orientations sexuelles au motif qu'il deviendrait alors impossible d'établir un lien de filiation avec un père et une mère.

Déplorant la diversité des définitions de la notion de mineur, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a indiqué qu'elle envisageait, conjointement avec le Médiateur de la République, de proposer de porter de quinze à dix-huit ans l'âge minimum requis par la loi pour le mariage des femmes, afin de lutter contre les mariages forcés. Elle a par ailleurs rappelé son souhait de permettre l'accueil dans les services pédiatriques des hôpitaux des mineurs de dix-huit ans.

Mme Murielle Eglin, conseiller juridique auprès du défenseur des enfants, a indiqué que les placements d'enfants étaient réalisés soit en accord avec la famille soit sur décision judiciaire. Elle a souligné la nécessité, d'une part, de privilégier les placements volontaires, régulièrement réexaminés, d'autre part, d'augmenter le nombre des juges pour enfants afin de diminuer les décisions de placement prises sans consultation des parents. Reconnaissant que certains placements provisoires avaient pu être prolongés pendant des années sans consultation des parents, elle a observé que, depuis un décret du 15 mars 2002, le juge ayant pris une ordonnance de placement provisoire devait convoquer la famille sous quinze jours, faute de quoi l'enfant devait être rendu à ses parents, la décision provisoire pouvant alors être confirmée pour une durée maximale de six mois.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a souligné la nécessité de mieux prendre en compte les parents et les enfants dans les procédures d'assistance éducative.

En réponse à M. Henri de Raincourt, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a convenu que la décentralisation avait permis de réels progrès en matière de protection de l'enfant, notamment grâce à une meilleure appréhension des situations, mais a estimé que certaines des actions menées par les départements étaient encore perfectibles. Elle a d'ailleurs fait observer que quelques expériences innovantes et positives, conduites par exemple en matière de placement des enfants dans le Gard ou par la maison des adolescents du Havre, servaient d'exemple à d'autres départements.

Après avoir souligné que la défenseure des enfants avait été saisie de 24 % de cas individuels supplémentaires en 2004 et que 30 % des dossiers concernaient désormais des conflits liés à l'école, M. Guy Fischer s'est inquiété de l'existence d'un nombre aussi élevé de problèmes dans un lieu où les enfants devraient pourtant en principe être protégés.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a souligné que le rapport public de 2002 avait mis en exergue trois types de difficultés pour lesquelles son institution était régulièrement saisie en relation avec le milieu scolaire : les violences commises par des enseignants sur de jeunes enfants, désormais en diminution, les déscolarisations brutales d'élèves à l'initiative de l'école et le déni du droit à la scolarisation des enfants handicapés, dont la survenance était en nette augmentation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a estimé largement insuffisant le nombre de délégués territoriaux du défenseur des enfants. Rappelant par ailleurs que la convention des droits de l'enfant avait fixé l'âge de la majorité à dix-huit ans, elle a considéré qu'il serait légitime que cette limite s'applique uniformément et soit respectée par l'ensemble des institutions, et non pas qu'on lui substitue des âges différents selon qu'il s'agit de la majorité pénale, sexuelle ou médicale.

Revenant sur le thème de la décentralisation, elle a regretté la réaction des présidents de conseils généraux face aux critiques concernant les disparités entre les départements en matière de politique de l'enfance et a fait valoir que la décentralisation de cette compétence devait, à tout le moins, s'accompagner d'une harmonisation des droits des mineurs au niveau national.

Elle a ensuite déploré la situation particulière des enfants handicapés privés des moyens de socialisation et celle des mineurs étrangers dans notre pays. Elle a sur ce point souhaité que soit mis en oeuvre un droit effectif à la santé pour les mineurs étrangers, notamment sur le plan psychique, et a rappelé son hostilité à la création d'administrateurs ad hoc auprès de ces derniers dans les zones d'attente, lui préférant une prise en charge directe par l'aide sociale à l'enfance (ASE).

M. Jean-Pierre Godefroy s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles les mineurs étrangers ne pouvaient bénéficier des formations par l'apprentissage et sur les moyens de remédier à cette lacune.

Mme Nicole Bricq a souhaité que chaque département puisse disposer d'un délégué territorial, notamment en Ile-de-France où deux départements - les Hauts-de-Seine et la Seine-et-Marne - n'en sont pas dotés. Elle a par ailleurs déploré que le rapport présenté par la défenseure des enfants soit globalement très critique sur l'action menée par les départements, sans faire état des résultats positifs obtenus par certains. Elle a estimé, à cet égard, que l'échelon communal, permettant un maillage étroit du territoire, pourrait être plus pertinent pour organiser la politique de l'enfance.

Concernant enfin les pouvoirs d'investigation que la défenseure des enfants souhaitait se voir confier, elle a considéré qu'il revenait plutôt à l'IGAS d'effectuer ce contrôle d'opportunité auprès des départements.

A l'inverse, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a fait valoir que le choix de l'échelon communal ne ferait qu'accroître le risque de disparité de traitement entre les enfants et a estimé que nombre de communes, notamment rurales, seraient dans l'incapacité de mettre en oeuvre une politique de l'enfance.

En réponse à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a précisé que le manque de délégués territoriaux était uniquement le fait de moyens financiers insuffisants. Elle a reconnu qu'il était indispensable de continuer à améliorer la prise en charge sanitaire des mineurs étrangers. Elle a considéré que l'ampleur des besoins en matière de pédopsychiatrie concernait l'ensemble du territoire et toutes les catégories de mineurs et que l'intervention des professionnels devait être rapide pour être efficace.

Évoquant à son tour la présence des administrateurs ad hoc dans les zones d'attente, M. Patrice Blanc, secrétaire général auprès du défenseur des enfants, a rappelé que la défenseure des enfants avait alors été favorable à leur création, mais il a déploré leur faible nombre et l'insuffisance de leur formation, en particulier à Roissy.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a ensuite indiqué à M. Jean-Pierre Godefroy que la signature d'un contrat d'apprentissage était subordonnée à la détention d'une autorisation de travail, ce qui expliquait que les mineurs étrangers n'y aient pas accès en l'état du droit. Elle a donc souhaité la création d'un titre de séjour spécifique leur ouvrant droit à l'apprentissage.

En ce qui concerne le rôle de l'IGAS en matière de contrôle, elle a répondu à Mme Nicole Bricq que les moyens dont disposait cette institution pour effectuer des missions auprès des départements étaient largement insuffisants. Elle a déclaré, à cet égard, ne pas être opposée à un développement de la compétence de l'inspection en matière de contrôle de la politique des départements à la condition de lui en donner les moyens. Enfin, elle a exprimé des réserves sur la proposition de transférer aux communes les compétences des départements en matière de protection de l'enfance.

Rappelant qu'il représentait les Français établis hors de France, M. Richard Yung s'est inquiété de la situation des 350.000 mineurs français vivant à l'étranger, notamment en termes de scolarisation, et a souhaité que la défenseure des enfants puisse s'en préoccuper.

Par ailleurs, tout en reconnaissant le caractère convenable de la prise en charge des jeunes mères à la prison pour femmes de Fleury-Mérogis, il a souhaité le développement de peines alternatives à l'incarcération pour ces femmes.

Mme Eliane Assassi s'est pour sa part inquiétée de la situation des enfants de familles étrangères frappées d'expulsion retirés de l'école pour être placés dans des centres de rétention. Elle a également déploré que des enfants soient maintenus dans des centres de rétention ou des zones d'attente avec des adultes, avec tous les risques de violence en découlant, avant de dénoncer l'incarcération de mineurs dans des structures d'adultes.

Mme Christiane Kammermann, indiquant qu'elle représentait également les Français établis hors de France, a souhaité que des assistantes sociales puissent être nommées dans les postes consulaires les plus importants. Elle s'est inquiétée du nombre de mariages forcés à l'étranger et a souhaité que la défenseure des enfants développe l'aspect international de son travail.

S'agissant des enfants handicapés, elle a souhaité que le montant de leurs prestations sociales soit le même que pour les adultes, leurs soins entraînant des coûts similaires.

M. Jean-Claude Peyronnet a jugé hypocrite d'autoriser l'adoption par un célibataire homosexuel et de la refuser à un couple homosexuel, rappelant que de nombreux enfants étaient de fait élevés par des couples homosexuels.

Il s'est par ailleurs déclaré opposé à la dévolution d'un pouvoir décisionnel à la commission d'agrément, tout en indiquant qu'en 22 ans à la tête d'un conseil général, il n'avait statué que quatre fois contre l'avis de cette commission. Il a également jugé utile de pouvoir demander la correction de rapports psychiatriques de refus parfois très durs pour les familles requérantes, rappelant que la procédure d'agrément constituait un parcours du combattant pour les familles, du fait de l'obligation de la formulation d'un projet familial et de l'exigence de trois rapports distincts.

M. Yannick Bodin s'est pour sa part élevé contre les violences au sein du couple et a rappelé que les enfants en étaient également les victimes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, s'est félicité que la défenseure des enfants ait retenu comme thème principal pour son prochain rapport les relations de l'enfant avec la justice.

Enfin, Mme Bernadette Dupont a fait état de son expérience en tant que membre du conseil de famille des pupilles de l'Etat pour regretter l'absence de référence à la politique familiale dans le rapport de la défenseure des enfants, avant de préconiser une vision plus transversale de la protection de l'enfance et une véritable aide à la parentalité.

Evoquant les cas des mineurs français résidant à l'étranger, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a indiqué qu'aux termes d'un accord conclu avec le ministère des affaires étrangères, les enfants en danger pouvaient désormais être rapatriés par les services consulaires, le défenseur des enfants veillant à ce qu'ils soient ensuite pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Elle a observé que deux rapatriements étaient réalisés chaque mois en application de cet accord.

Soulignant qu'il lui était difficile, faute de temps et surtout de crédits, de multiplier les déplacements à l'étranger, elle a manifesté le souhait de rencontrer l'ensemble des sénateurs représentant les Français établis hors de France afin d'étudier avec eux les moyens d'améliorer la protection des mineurs français résidant à l'étranger. Enfin, elle s'est engagée à insister sur la nécessité de renforcer les effectifs des postes diplomatiques et consulaires.

M. Richard Yung a proposé d'organiser une audition du défenseur des enfants par l'Assemblée des Français de l'étranger.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a souligné que les conditions de prise en charge des jeunes mères incarcérées étaient souvent bien moins bonnes qu'à Fleury-Mérogis, observant notamment que la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion ne disposait que d'une seule cellule, de surcroît dépourvue de tout équipement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a dénoncé l'état globalement déplorable de cette maison d'arrêt.

Il a par ailleurs indiqué que le ministère de la justice avait entrepris la réalisation, dans les établissements pénitentiaires, de lieux de rencontre entre les détenus et leurs familles, appelés unités de vie familiale.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a déclaré que sa visite de l'unité de vie familiale de la maison centrale pour les femmes de Rennes lui avait permis de mesurer les effets bénéfiques de ce type de structures sur les détenus et leurs familles. Elle a estimé qu'il importait cependant d'éviter autant que possible l'incarcération des jeunes mères, par exemple en recourant au bracelet électronique, et a déploré que certains bébés passent les dix-huit premiers mois de leur existence en prison.

Evoquant la situation des enfants handicapés, elle a jugé que le montant de leur allocation était effectivement insuffisant avant de souligner qu'il convenait certes d'éviter d'entretenir les parents dans l'illusion que tout enfant peut suivre une scolarité normale mais également de créer des institutions adaptées sur l'ensemble du territoire.

M. Yannick Bodin ayant observé que des dizaines de milliers de jeunes filles quittaient chaque année le système scolaire pour être mariées contre leur gré, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a souligné que les personnels des établissements scolaires jouaient un rôle important dans la lutte contre les mariages forcés et rappelé son souhait d'une interdiction du mariage des femmes avant l'âge de dix-huit ans.

A propos de l'adoption, elle a observé que les enquêtes des commissions d'agrément instituées auprès des présidents des conseils généraux étaient parfois trop inquisitoriales. Pour y remédier, elle a préconisé une mutualisation des expériences.

Jugeant les conséquences des violences conjugales dramatiques pour les enfants qui en sont témoins, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a indiqué que le rapport prévu pour l'année 2005 comporterait un chapitre consacré à l'enfant, la justice et les forces de l'ordre. A titre d'exemple, elle a déploré les cas où des policiers en uniforme, pour éviter tout affrontement avec les parents, venaient chercher les enfants dans les cours de récréation ou les salles de classe des établissements scolaires afin de mettre en oeuvre une décision de placement.

Convenant que le défenseur des enfants était une institution encore jeune et méconnue, elle a toutefois regretté de ne pas avoir été consultée lors de l'élaboration du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

Elle s'est par ailleurs déclarée favorable à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants.

Enfin, tout en constatant que les parents pouvaient déjà bénéficier du soutien des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REEAP), Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a estimé que les procédures de reconnaissance et de déclaration d'enfants auprès de l'état civil devaient être davantage formalisées et permettre d'informer les jeunes parents sur leurs responsabilités.

M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales, a estimé que les visites d'enfants à leurs parents incarcérés devaient effectivement être proscrites lorsqu'elles étaient nuisibles au développement de l'enfant. Il a déploré la complexité, les difficultés et la longueur de la procédure d'adoption. Enfin, il a souligné que l'amélioration de la protection de l'enfance exigeait moins une modification de la législation ou de la réglementation qu'une évolution des mentalités.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a relevé que l'analyse du rôle des départements en matière de protection de l'enfance réalisée par la défenseure des enfants au cours de son audition s'était avérée moins critique que son rapport écrit et, surtout, que les extraits publiés dans la presse. Il a par ailleurs dénoncé les méfaits de signalements hâtifs et infondés. Enfin, il a rappelé que la question de la fixation à dix-huit ans de l'âge requis pour le mariage des femmes avait déjà été évoquée au Sénat, mais n'avait pas encore reçu de traduction législative.