Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé Mme Catherine Troendle rapporteur pour avis pour la proposition de résolution n° 150 (2004-2005) de M. François Autain et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de délivrance et de suivi des autorisations de mise sur le marché des médicaments dont la commission des affaires sociales est saisie au fond.

Union européenne - Mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique - Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport de Mme Jacqueline Gourault, à l'examen du projet de loi n° 172 (2004-2005) portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

Après avoir rappelé que le gouvernement s'efforçait de combler l'important retard de la France en matière de transposition des directives communautaires, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a indiqué que le présent projet de loi avait pour objet essentiel, mais pas unique, de transposer certaines d'entre elles dans le domaine de la fonction publique.

Dégageant un premier volet relatif à la poursuite de la lutte contre les discriminations, elle a singularisé plusieurs dispositions qui visent à rétablir l'égalité des sexes en permettant aux hommes de bénéficier des mêmes dérogations que les femmes pour s'inscrire à des concours administratifs. Elle a ainsi précisé que :

- la dispense de la condition d'âge prévue pour les femmes veuves ou divorcées non remariées et pour celles séparées judiciairement devrait être supprimée, les limites d'âge étant désormais seulement inopposables aux mères et pères d'au moins trois enfants et à toute personne élevant seule un ou plusieurs enfants ;

- le report de la limite d'âge à 45 ans pour le recrutement par concours des catégories A serait étendu aux hommes élevant leur enfant ou ayant élevé un enfant ;

- les pères d'au moins trois enfants pourraient, comme les mères de trois enfants et plus, se présenter sans diplôme à des concours.

Elle a mentionné le fait qu'en contrepartie du développement des dérogations aux limites d'âge, toute personne pourrait désormais être recrutée par un concours prévoyant un engagement de servir pour une durée minimale, mais serait tenue de rembourser certaines sommes si elle faisait valoir ses droits à la retraite avant d'avoir complètement honoré son engagement de servir.

Elle a expliqué qu'il était également prévu d'aligner les droits à congé des fonctionnaires adoptant un enfant sur ceux des assurés du régime général et de préciser que le droit au congé d'adoption pouvait être ouvert à la mère ou au père adoptif, avant de signaler que le projet de loi proposait, notamment au regard des dernières évolutions du droit communautaire, plusieurs mesures améliorant les dispositifs de lutte contre les discriminations au sein de la fonction publique.

Abordant un second volet consacré à la liberté de circulation des travailleurs, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a indiqué que, conformément aux exigences communautaires, les conditions d'accès aux emplois publics devraient être améliorées pour les ressortissants des Etats membres, les statuts particuliers n'ayant plus à préciser que les corps ou cadres d'emplois leur sont ouverts pour qu'ils puissent y être recrutés. Elle a précisé que demeureraient réservés aux nationaux les emplois dont les attributions sont inséparables de l'exercice de la souveraineté ou comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou d'autres collectivités publiques.

Elle a ajouté que tous les corps et cadres d'emplois seraient désormais ouverts par la voie du détachement, la détention d'un titre ou diplôme spécifique pouvant toutefois être exigée pour les professions réglementées.

Elle a enfin présenté le volet relatif à l'adaptation des modalités de recrutement des agents non titulaires au droit social communautaire.

Elle a indiqué que, pour transposer la directive communautaire 99/70/CE relative au travail à durée déterminée, le projet de loi proposait que le renouvellement successif des contrats à durée déterminée des agents non titulaires recrutés en application de certaines dispositions du statut général ne puisse excéder six années, lesdits contrats ne pouvant être reconduits au-delà que pour une durée indéterminée.

Après avoir expliqué que les contrats conclus pour la mise en oeuvre d'un programme de formation, d'insertion, de reconversion professionnelles ou de formation professionnelle d'apprentissage ne pourraient être reconduits pour une durée indéterminée, elle a signalé qu'un dispositif transitoire était prévu pour les agents non titulaires actuellement en fonction, mentionnant le cas particulier des contractuels âgés de plus de cinquante ans dont les contrats devraient, sous réserve de certaines conditions, être transformés de plein droit en contrats à durée indéterminée à la date de publication de la présente loi.

Elle a ajouté qu'était précisée la situation des salariés d'une entité économique dont l'activité est reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, ces derniers devant se voir proposer un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée suivant la nature du contrat dont ils seraient déjà titulaires, qui reprendrait les clauses substantielles du contrat antérieur, notamment les conditions de rémunération.

Déplorant les mesures prévues pour transposer une directive communautaire qui permettait pourtant de lutter contre l'emploi précaire, en particulier au moment où est organisé un referendum pour autoriser la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe, M. Jacques Mahéas a indiqué que les membres du groupe socialiste étaient de ce fait défavorables au projet de loi, bien qu'il contienne d'autres dispositions auxquelles ils se ralliaient.

Il a estimé que le développement des contrats à durée indéterminée au sein de la fonction publique remettrait en cause le statut de la fonction publique et le recrutement par concours, et que le nombre d'agents non titulaires au sein des trois fonctions publiques était trop élevé.

Il a ensuite jugé que la démarche adoptée aujourd'hui par le gouvernement était bien différente de celle ayant conduit à l'adoption de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, dite « loi Sapin », qui visait à permettre la titularisation des contractuels recrutés pour occuper des emplois permanents, tout en admettant que les mesures proposées par cette loi n'avaient jusqu'à présent pas produit tous les effets escomptés.

Craignant la création d'une « fonction publique bis », il a regretté qu'aucune disposition du projet de loi ne permette de restreindre le recours aux contractuels.

Après avoir rappelé la situation précaire dans laquelle pouvait se trouver un grand nombre de contractuels, M. Jacques Mahéas a signalé qu'aucune organisation syndicale présente dans l'un des trois conseils supérieurs de la fonction publique ne s'était déclarée favorable à ces contrats à durée indéterminée.

Il a souhaité savoir si la notion de « contrats successifs » impliquait que les agents non titulaires doivent avoir été employés de façon ininterrompue pendant six ans pour espérer voir leur contrat reconduit pour une durée indéterminée.

Après avoir déploré l'absence, dans le projet de loi, de dispositions relatives au déroulement de carrière et à la rémunération des contractuels engagés pour une durée indéterminée, il s'est demandé comment les dispositions du projet de loi pourraient s'articuler avec celles de la « loi Sapin ».

Il a également désiré connaître le nombre d'agents susceptibles de bénéficier du dispositif transitoire spécifiquement prévu pour les contractuels âgés d'au moins cinquante ans.

Ayant pris connaissance des amendements présentés par le rapporteur, il s'est déclaré satisfait de la proposition tendant à réduire la condition de services effectifs à six ans au cours des huit dernières années pour bénéficier du dispositif transitoire réservé aux agents non titulaires en fonction et âgés d'au moins cinquante ans.

Il s'est enfin demandé pour quelle raison le projet de loi prévoyait qu'en matière de discrimination l'action en justice doive avoir été engagée de bonne foi pour que son auteur soit protégé, le ministre s'étant pourtant engagé à ne pas présenter cette modification.

M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur l'interprétation de la notion d' « attributions inséparables de l'exercice de la souveraineté », qui permet de réserver certains emplois aux ressortissants nationaux. Prenant l'exemple de la laïcité, il a estimé que certaines fonctions exigeaient en France le respect de principes qui ne seraient pas partagés par tous les Etats membres.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a répondu que cette notion était déjà usitée dans la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique et qu'elle ne devrait pas faire l'objet de nouvelles difficultés d'appréciation. Il a ajouté qu'un ressortissant communautaire occupant un emploi au sein de la fonction publique française devait respecter les mêmes règles que les agents français.

Après avoir signalé que les dispositions du présent projet de loi, hormis celles relatives à l'instauration de contrats à durée indéterminée, avaient été quasi unanimement approuvées par les personnes entendues au cours des auditions et qu'un syndicat s'était aussi déclaré favorable aux contrats à durée indéterminée, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a affirmé son attachement au statut de la fonction publique et a rappelé que le renouvellement des contrats d'agents non titulaires pour une durée indéterminée visait à lutter contre l'emploi précaire.

Elle a ajouté que les contractuels pourraient toujours intégrer la fonction publique en passant les concours, avant d'estimer que le contrat à durée indéterminée devait rester une exception, rappelant que l'employeur public pouvait toujours décider de ne pas renouveler le contrat au bout de six ans.

Elle a considéré que prévoir un déroulement de carrière ou une grille de rémunération pour les agents non titulaires engagés pour une durée indéterminée conduirait à créer une seconde fonction publique.

S'agissant du recours excessif aux contractuels, elle a rappelé que les dispositions législatives étaient déjà très restrictives et que les éventuels abus provenaient essentiellement de la pratique, avant d'estimer que le futur projet de loi relatif à la fonction publique territoriale pourrait être l'occasion de mener une réflexion sur ce sujet.

Elle a enfin indiqué que les nouvelles modalités de recrutement des agents non titulaires pourraient concerner 90.000 contractuels pour la fonction publique de l'Etat, 110.000 pour la fonction publique territoriale et 40.000 pour la fonction publique hospitalière.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a confirmé le maintien des conditions restrictives actuellement en vigueur pour le recrutement de contractuels au sein de la fonction publique, répondant ainsi à M. Yves Détraigne, qui souhaitait en être assuré.

En réponse à M. Michel Dreyfus-Schmidt qui faisait remarquer qu'au bout de six ans, les contrats des agents non titulaires risquaient de ne pas être reconduits, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a rappelé que tous les contractuels pouvaient déjà ne pas être renouvelés à chaque terme de leur contrat.

Tout en concevant la volonté de lutter contre l'emploi précaire, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a craint qu'avec l'instauration des contrats à durée indéterminée, le recours aux contractuels ne soit plus considéré comme une exception, mais comme le mode de recrutement principal pour pourvoir les emplois publics.

Après avoir signalé que, tout en comprenant la nécessité d'améliorer la situation des agents non titulaires, il s'était opposé à l'instauration de contrats à durée indéterminée au sein de la fonction publique européenne, laquelle était défendue par le gouvernement français, alors dirigé par M. Lionel Jospin, M. Christian Cointat a estimé qu'il serait intéressant de voir si, depuis le passage de cette réforme au niveau européen, des abus avaient pu être constatés en matière de recours aux contractuels.

Répondant à Mme Josiane Mathon qui souhaitait savoir quelles étaient les conséquences de cette future loi sur les concours de type « troisième voie », Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a indiqué qu'ils n'étaient en aucun cas remis en cause.

Après avoir jugé qu'il eut été préférable que ces mesures fussent prévues dans le futur projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, M. Jacques Mahéas a déploré l'absence de dispositions permettant de limiter le recours aux contractuels et offrant une solution pour les agents non titulaires qui, tout en travaillant de nombreuses années au sein de la fonction publique, ne pourraient bénéficier ni d'une titularisation ni d'un contrat à durée indéterminée.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que la France accusait déjà un important retard dans la transposition de la directive concernée, avant de constater que, si les plans de titularisation avaient pu permettre de réduire momentanément le nombre de contractuels, en revanche ils n'avaient jamais constitué un moyen efficace pour lutter à long terme contre l'emploi précaire.

Après avoir estimé que le futur projet de loi relatif à la fonction publique territoriale devrait permettre de répondre aux difficultés de recrutement rencontrées par les collectivités territoriales, il a rappelé que le nombre important de contractuels était en particulier dû au fait que les employeurs publics appliquaient très souplement les conditions, pourtant restrictives, de recrutement d'agents non titulaires.

Il a enfin considéré que l'instauration des contrats à durée indéterminée constituerait une réponse efficace aux situations précaires que connaissaient certains contractuels.

Tout en admettant que le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale aurait pu être un meilleur support pour l'instauration des contrats à durée indéterminée, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a rappelé que l'Etat français était soumis à des obligations communautaires et qu'il existait un important risque de contentieux en la matière.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements du rapporteur.

A l'article 2 (aménagement de la condition d'âge pour certains hommes en cas de recrutement par concours de fonctionnaires de catégorie A), la commission a adopté un amendement tendant à simplifier la rédaction de l'article 21 de la loi n° 76-617 du 9 juillet 1976, afin de prévoir que la limite d'âge pour s'inscrire à des concours de catégorie A serait portée à 45 ans pour toute personne élevant ou ayant élevé au moins un enfant, sans tenir compte du fait qu'il s'agisse ou non de son enfant.

A l'article 3 (obligation de remboursement par un fonctionnaire admis à la retraite en cas de non-respect de l'engagement de servir), la commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement corrigeant une erreur de référence.

A l'article 4 (extension aux hommes de la dérogation à la condition de diplôme), la commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle.

A l'article 8 (dispositif transitoire réglant la situation des agents non titulaires de l'Etat actuellement en fonction), la commission a adopté un amendement ayant pour objet d'assouplir le dispositif transitoire prévu pour les agents non titulaires âgés d'au moins cinquante ans, en réduisant la condition de services effectifs à une durée de six ans au cours des huit dernières années.

Elle a en outre adopté, au même article, quatre amendements de clarification rédactionnelle.

A l'article 9 (modification des conditions de recrutement d'agents non titulaires au sein de la fonction publique territoriale), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que le recours à des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents demeurait une exception au principe selon lequel ces emplois sont occupés par des fonctionnaires.

Aux articles 10 (dispositif transitoire réglant la situation des agents non titulaires de la fonction publique territoriale actuellement en fonction) et 14 (dispositif transitoire réglant la situation des agents hospitaliers non titulaires actuellement en fonction), la commission a adopté cinq amendements identiques à ceux présentés à l'article 8.

A l'article 15 (situation des salariés en cas de reprise par une personne publique de l'activité de l'entité économique les employant), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 15 reprenant l'abrogation de l'article 63 de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale initialement prévue à l'article 21 du projet de loi.

Aux articles 17, 18 et 19 (congés d'adoption et de paternité accordés aux fonctionnaires), la commission a adopté un amendement identique tendant à clarifier la rédaction.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 21 (coordination), par coordination avec la création de l'article additionnel après l'article 15, qui reprend la disposition initialement prévue au présent article.

La commission a adopté un amendement tendant à créer une division additionnelle avant l'article 22 relative aux « dispositions finales ».

A l'article 22 (entrée en vigueur des dispositions de la loi), la commission a enfin adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que les articles modifiant les dérogations en matière de conditions d'âge et de diplôme pour s'inscrire à un concours ne s'appliqueraient qu'aux concours ouverts quatre mois après la publication de la loi.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi sous réserve de ces amendements.