Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Droit des sociétés - Offres publiques d'acquisition - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. François-Noël Buffet sur le projet de loi n° 508 (2004-2005) relatif aux offres publiques d'acquisition.

M. François- Noël Buffet, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi tendait à assurer la transposition en droit français des dispositions de la directive n° 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (OPA), qui devrait être réalisée au plus tard le 21 avril 2006. Ce texte ayant été renvoyé à la commission des finances pour son examen au fond, il a indiqué qu'il proposait à la commission des lois d'examiner les treize articles qui modifiaient le code de commerce.

M. François- Noël Buffet, rapporteur pour avis, a expliqué qu'une OPA se définissait comme le procédé permettant à une personne d'acquérir, par une seule et même opération, le contrôle d'une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ce contrôle passant matériellement par la détention de la majorité ou de la totalité des titres de la société cible.

Rappelant que l'OPA visait à prendre instantanément le contrôle d'une société cotée en bourse, il a indiqué qu'il était apparu nécessaire de réglementer ce type de cession de contrôle en créant un cadre juridique propice aux restructurations économiques tout en assurant la protection des actionnaires minoritaires.

Après avoir précisé que chaque Etat procédait, selon sa vision du marché boursier, à un équilibrage entre ces deux objectifs, il a affirmé que les OPA ne posaient juridiquement guère de difficultés lorsqu'elles intervenaient entre entités relevant du droit d'un même Etat membre, au contraire des cas où l'initiateur et la société cible étaient régis par des droits différents, la pratique des OPA étant alors davantage liée à la problématique du patriotisme économique, qui conduisait à limiter les prises de contrôle des sociétés cotées par des investisseurs étrangers.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, a expliqué que cette tendance et l'existence de réglementations distinctes dans les Etats membres rendaient souhaitable une harmonisation des législations. Il a indiqué que celle-ci se traduisait, dans la directive, par l'instauration, d'une part, de dispositions ayant un caractère obligatoire pour les Etats et, d'autre part, de dispositions ayant une application optionnelle, ces dernières ayant été adoptées à la fin des négociations afin de rallier l'ensemble des Etats et de tenir compte des disparités existant en droit des sociétés.

Il a précisé que la directive permettait aux Etats ayant décidé d'appliquer à leurs sociétés les dispositions de la directive relatives à la répartition des pouvoirs au sein de la société en période d'offre et à la suspension des mesures anti-OPA, de les exempter de cette application lorsque l'initiateur de l'offre n'y était pas lui-même soumis.

Après avoir fait observer que le projet de loi n'avait vocation qu'à transposer une partie des dispositions de la directive, le droit français satisfaisant déjà à de nombreuses prescriptions de la directive, il a indiqué qu'il modifiait en revanche certaines dispositions du code de commerce afin, en particulier, de déterminer les options retenues par le droit français.

Sur ce point, M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, a indiqué que le choix du gouvernement s'était porté, suivant en cela les préconisations du groupe de travail institué par le ministre de l'économie et des finances en novembre 2004 et présidé par M. Jean-François Petit :

- sur l'obligation d'une autorisation préalable ou d'une confirmation accordée par l'assemblée générale de la société à ses organes d'administration ou de direction pour prendre des mesures anti-OPA pendant la période d'offre publique ;

- sur la possibilité donnée à une société dont les titres font l'objet d'une offre publique par une société non soumise aux dispositions limitant les mesures anti-OPA de ne pas appliquer elle-même ces limitations ;

- sur la possibilité donnée aux sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé de prévoir l'inopposabilité ou la suspension des restrictions statutaires ou conventionnelles au transfert d'actions ou à l'exercice des droits de vote, soit au cours de la période d'offre, soit lors de la première assemblée générale suivant sa clôture.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, a précisé que les sociétés faisant application de mesures optionnelles devraient en informer l'Autorité des marchés financiers qui rendrait sa décision publique, avant d'expliquer que la décision de ne pas appliquer certaines limitations aux mesures anti-OPA serait prise de manière discrétionnaire par chaque société.

Après avoir indiqué que le projet de loi n'entrerait en vigueur que le 20 mai 2006, il a proposé, sous réserve de six amendements tendant à renforcer l'efficacité des dispositifs, de donner un avis favorable aux dispositions du projet de loi dont la commission s'est saisie, estimant en particulier opportun le choix des options opéré par le texte.

M. Richard Yung a indiqué que la directive du 21 avril 2004, issue d'un accord difficile et a minima entre les Etats membres, tendait à assurer une harmonisation des droits nationaux en matière d'offres publiques d'acquisition et a constaté que le droit français satisfaisait déjà à plusieurs prescriptions de ce texte. Il s'est déclaré satisfait que le texte ait choisi d'appliquer la clause de réciprocité prévue à l'article 12 de la directive, ce qui renforcerait la protection des actionnaires.

Il a critiqué la fixation du seuil de la procédure de retrait obligatoire, défini par l'article 5 du projet de loi, ainsi que certains des choix de transposition effectués par le texte. Il a regretté que la rédaction de l'article 10 du projet de loi réserve le pouvoir de décision aux seuls actionnaires, estimant qu'il convenait de faire participer les salariés à la prise de décision. Il a craint que le mécanisme de réciprocité de l'article 11 ne soit difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la difficulté de prouver, en pratique, l'existence de mesures équivalentes aux mesures tendant à limiter les pouvoirs des organes d'administration, de surveillance ou de direction en période d'offre publique, notamment lorsque l'initiateur de l'offre est soumis au droit d'un Etat tiers à l'Union européenne.

En réponse, M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, après avoir indiqué que la commission ne s'était pas saisie de l'article 5 du projet de loi qui modifiait le code monétaire et financier, a relevé que l'octroi du pouvoir de décision aux actionnaires dans le cadre de l'article 10 était conforme aux principes généraux du droit des sociétés. Il a précisé que l'interprétation de la notion de « mesures équivalentes » serait précisée par l'Autorité des marchés financiers.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que le projet de loi comportait des modifications au code du travail afin de renforcer l'information des salariés, indiquant que la législation française faisait une place à la participation des salariés dans le cadre des sociétés commerciales, à commencer par les sociétés européennes. Il a jugé que le droit des offres publiques d'acquisition avait été moralisé depuis une vingtaine d'années, constatant par ailleurs l'existence d'offres de grande ampleur menées par des sociétés françaises, M. Richard Yung soulignant, pour sa part, le caractère très offensif dans ce domaine de grands groupes français.

Puis la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur pour avis.

A l'article 10 (approbation ou confirmation par l'assemblée générale des mesures susceptibles de faire échouer l'offre publique), la commission a adopté un amendement de précision.

A l'article 11 (non-application de l'article L. 233-32 du code de commerce en cas de non-réciprocité de l'initiateur de l'offre), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir qu'en cas de concert entre la société cible et les auteurs d'offres qui n'appliqueraient pas les mesures donnant compétence à l'assemblée générale des actionnaires en période d'offre pour décider de mesures anti-OPA, la clause de réciprocité ne pourrait pas jouer, M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, indiquant que cette mesure permettrait d'éviter le détournement du dispositif prévu par cet article.

A l'article 14 (suspension volontaire des effets des conventions prévoyant des restrictions à l'exercice de droits de vote dans les assemblées réunies pour adopter des mesures de défense) et à l'article 15 (suspension volontaire des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote dans les assemblées réunies pour adopter des mesures de défense), la commission a adopté un amendement destiné à préciser que la mesure de suspension s'applique dans les assemblées générales ayant pour objet non seulement de décider de mesures anti-OPA mais également d'autoriser la prise de telles mesures par les organes d'administration, de surveillance ou de direction.

A l'article 19 (information de l'Autorité des marchés financiers sur l'application par la société des articles L. 233-35 à L. 233-39 du code de commerce), la commission a adopté :

- un amendement tendant à prévoir l'information de l'Autorité des marchés financiers lorsque la société décide de ne plus appliquer les dispositions relatives à la suspension des mesures de restriction aux OPA ;

- un sous-amendement à l'amendement n° 28 de la commission des finances, le rapporteur pour avis ayant précisé que cet amendement mettant en place une clause de réciprocité dans le cadre de l'application des dispositions relatives à la suspension des mesures de restriction aux OPA, il convenait également de prévenir les détournements en cas d'action concertée avec la cible, selon un dispositif similaire à celui proposé par l'amendement adopté par la commission à l'article 11.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi dont elle s'était saisi, ainsi modifiées.

Mercredi 19 octobre 2005

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Traitement de la récidive des infractions pénales - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a tout d'abord procédé à l'examen en deuxième lecture du rapport de M. François Zocchetto sur la proposition de loi n° 23 (2005-2006), modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

M. François Zocchetto, rapporteur, a d'abord rappelé qu'en première lecture, le Sénat avait profondément modifié le texte de la proposition de loi puisque sur dix-huit articles, il en avait supprimé onze et modifié trois. Il a observé que le Sénat avait souscrit à l'objectif des députés de renforcer les moyens de lutter contre la récidive et qu'il avait d'ailleurs enrichi le texte de nouvelles dispositions permettant en particulier au médecin traitant, dans le cadre de l'injonction de soin à laquelle peuvent être soumises certaines personnes considérées comme dangereuses, de prescrire, avec leur accord, des médicaments visant à limiter la libido. Cependant, a-t-il poursuivi, le Sénat s'était interrogé sur plusieurs dispositions proposées par les députés et en particulier celle présentée comme la plus novatrice, le recours au placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) comme mesure de sûreté destinée à s'appliquer après l'accomplissement de la peine. Il a rappelé que le Sénat, sans récuser le principe même d'une surveillance mobile, avait néanmoins jugé indispensable de connaître les conclusions du rapport confié par le Gouvernement à M. Georges Fenech, député, sur les conditions de mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile.

Le rapporteur a souligné que l'Assemblée nationale avait, en deuxième lecture, tenu compte, pour une large part, des observations et des votes du Sénat. Il a ajouté que la réflexion du législateur avait été enrichie par les conclusions de la mission de M. Georges Fenech, ainsi que par celles de la mission Santé-Justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de cassation. Il a relevé que M. Georges Fenech, lors de son audition devant la commission, avait confirmé l'intérêt du bracelet électronique mobile, tout en posant deux conditions à sa mise en oeuvre : la limitation de durée à deux ans et l'accord de l'intéressé.

Evoquant alors les travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, M. François Zocchetto, rapporteur, a indiqué que sur les vingt articles de la proposition de loi restant en discussion les députés avaient adopté deux articles sans modification, maintenu la suppression de quatre articles, modifié sept articles et rétabli cinq articles. Par ailleurs, le texte de la proposition de loi, a noté le rapporteur, a été complété par vingt-quatre nouveaux articles. Il a d'abord relevé que l'Assemblée nationale avait précisé le régime de la réitération en indiquant, d'une part, que le juge devait tenir compte de l'existence de la précédente condamnation et, d'autre part, que la possibilité de cumul des peines pour une infraction en réitération et l'interdiction subséquente de confusion concerneraient la « précédente condamnation ».

Le rapporteur a observé, par ailleurs, que l'Assemblée nationale avait maintenu la faculté, introduite par le Sénat, de délivrer un mandat de dépôt à l'audience dans tous les cas de récidive, tout en rétablissant l'obligation de prendre une telle mesure lorsque la récidive concernait les délits de violence ou à caractère sexuel. Il a relevé que les députés avaient rétabli la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes, en prévoyant cependant qu'elle ne s'appliquerait pas aux détenus acceptant une libération conditionnelle. Il a ajouté que les députés avaient renoncé à faire du bracelet électronique mobile une peine autonome applicable après l'exécution de la peine et qu'ils avaient prévu le recours à cet instrument dans trois cadres juridiques distincts et exclusifs les uns des autres : la libération conditionnelle (comme l'avait prévu initialement le Sénat), le suivi socio-judiciaire (le placement sous surveillance électronique mobile dont la durée était fixé à trois ans renouvelable une fois en matière délictuelle et à cinq ans renouvelable une fois en matière criminelle, étant par ailleurs réservé aux personnes condamnées à une peine de cinq ans d'emprisonnement), la surveillance judiciaire, nouveau dispositif institué à l'initiative du Gouvernement et pouvant s'appliquer pour une durée correspondant à celle des réductions de peines obtenues par le condamné. Contrairement au recours au PSEM dans le cadre du suivi socio-judiciaire, l'utilisation de cette mesure, dans le cadre de la surveillance judiciaire, pourrait, en vertu de l'article 16 de la proposition de loi, s'appliquer immédiatement aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi.

Parmi les nouvelles dispositions introduites par les députés en deuxième lecture, M. François Zocchetto, rapporteur, a relevé plus particulièrement la prise en compte, au titre de la récidive, des condamnations prononcées par les juridictions des autres Etats membres de l'Union européenne ; la faculté de prononcer un sursis avec mise à l'épreuve pour les récidivistes condamnés à une peine inférieure à dix ans d'emprisonnement (alors que le plafond est actuellement fixé à cinq ans) et, en contrepartie, l'allongement du délai d'épreuve jusqu'à sept ans pour les personnes se trouvant une deuxième fois en état de récidive légale ; la détermination de conditions complémentaires à la mise en oeuvre d'une suspension de peine pour raison médicale ; l'allongement du temps d'épreuve de la libération conditionnelle ; l'allongement à vingt-cinq ans de la période de sûreté. Le rapporteur a noté que plusieurs dispositions visaient également à prévenir la récidive. Il a cité, à cet égard, le renforcement du dispositif incitant le détenu à accepter un traitement médical pendant la détention, l'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire, l'intégration dans le fichier judiciaire national des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) des auteurs d'autres catégories d'infractions que celles initialement visées par ce fichier, la possibilité pour l'avocat de la victime de faire valoir ses observations devant le tribunal de l'application des peines, la détermination du cadre juridique des fichiers de police judiciaire concernant les crimes en série.

M. François Zocchetto, rapporteur, a alors présenté les grandes lignes de ses propositions. Il a d'abord estimé que les dispositions adoptées par les députés sur la surveillance électronique mobile marquaient un très réel progrès par rapport à la version initiale de la proposition de loi. Il a suggéré d'approuver le recours au PSEM selon les trois modalités prévues par l'Assemblée nationale, sous réserve de plusieurs modifications destinées à prendre en compte les conclusions du rapport Fenech. Il a suggéré ainsi que le PSEM soit subordonné au consentement de l'intéressé (le défaut d'accord pouvant cependant conduire le juge à prononcer son incarcération) et que la durée du placement soit limitée à deux ans renouvelable une fois. En outre, le PSEM serait exclu pour les mineurs et ne serait applicable qu'aux personnes condamnées à une peine supérieure à dix ans (comme le prévoit d'ailleurs le dispositif retenu par les députés pour la surveillance judiciaire).

Par ailleurs, le rapporteur a proposé de supprimer l'obligation pour le juge d'ordonner un mandat de dépôt pour les récidivistes en matière de violence ou d'infraction à caractère sexuel, dans la mesure où cette disposition paraissait porter atteinte, tant qu'une condamnation définitive n'était pas intervenue, à la présomption d'innocence et au principe selon lequel la liberté devait demeurer la règle et la détention l'exception. Il a également suggéré de supprimer la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes en relevant que ces derniers encouraient déjà le doublement de la peine.

En outre, M. François Zocchetto, rapporteur, a proposé d'introduire dans la proposition de loi trois articles additionnels permettant d'encadrer, d'abord, l'incrimination prévue à l'article 434-7-2 du code pénal (délit de révélation des éléments d'une procédure pénale), ensuite, les conditions de perquisition dans un cabinet d'avocats et enfin les modalités d'interception d'écoutes téléphoniques concernant les droits de la défense.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que le débat ouvert à l'occasion de la proposition de loi devait se prolonger en particulier sur la base des propositions de M. Jean-François Burgelin concernant le traitement des personnes considérées comme les plus dangereuses.

La commission a alors procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur à la proposition de loi.

A l'article 2 (définition du régime de la réitération d'infractions), la commission a d'abord adopté un amendement supprimant le deuxième alinéa, prévoyant que la juridiction prenait en compte l'existence de la précédente condamnation, le rapporteur ayant relevé que cette mention paraissait redondante avec le principe de personnalisation des peines, posé par l'article 132-24 du code pénal. Elle a ensuite adopté un amendement précisant que les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines prononcées lors de la condamnation précédente à condition que celle-ci soit devenue définitive.

Puis la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 2 bis (limitation du nombre de sursis avec mise à l'épreuve susceptibles d'être prononcés par les juridictions).

Elle a adopté un amendement rédactionnel à l'article 2 ter (extension du champ d'application du sursis avec mise à l'épreuve).

A l'article 4 (conditions d'incarcération, dès le prononcé de la peine, des prévenus en état de récidive légale), elle a adopté un amendement tendant à supprimer l'obligation de décerner un mandat de dépôt lorsque la récidive concerne les délits d'agression ou d'atteinte sexuelle et les délits de violences volontaires ou commis avec circonstances aggravantes de violences.

A l'article 4 quater (conditions complémentaires à la mise en oeuvre d'une suspension de peine pour raison médicale), la commission a adopté un amendement tendant à interdire la suspension de peine pour raison médicale dans le cas où il existerait un risque grave de renouvellement de l'infraction et non dans l'hypothèse, également prévue par l'Assemblée nationale, où cette mesure pourrait provoquer un trouble exceptionnel à l'ordre public. M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que la mesure de suspension de peine pour raison médicale répondait à une préoccupation exprimée par la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons. M. François Zocchetto, rapporteur, a précisé à l'attention de M. Michel Dreyfus-Schmidt, que la loi dite « Perben 2 » avait interdit à certains condamnés bénéficiant de mesures d'aménagement de peines la possibilité de s'exprimer publiquement après leur libération sur l'infraction dont ils étaient l'auteur.

A l'article 5 (limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes), la commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer la limitation du crédit de réduction de peine pour les personnes condamnées en état de récidive légale, tout en maintenant les deux premiers alinéas de l'article qui permettent de fixer l'interprétation qu'il convient de donner aux modalités de calcul du crédit de réduction de peine.

A l'article 5 bis (surveillance judiciaire), la commission a adopté trois amendements rédactionnels ainsi que deux amendements visant d'une part à prévoir l'assistance obligatoire de l'avocat non seulement comme le précise l'article 723-32 nouveau du code de procédure pénale lors de la décision initiale du juge de l'application des peines mais aussi lorsque ce dernier décide de prolonger la durée de la surveillance judiciaire et d'autre part, par cohérence avec les conditions qui seraient posées au placement sous surveillance mobile à instaurer l'obligation pour le juge de l'application des peines d'avertir l'intéressé que le PSEM ne peut être décidé sans son consentement mais que s'il refuse, tout ou partie de la durée des réductions de peines peut être refusé.

M. Alex Türk s'est interrogé sur la qualification pénale du PSEM au regard en particulier des conditions dans lesquelles cette mesure pourrait être appliquée de manière rétroactive. Il a estimé avec M. Hugues Portelli que le bracelet électronique, tel qu'il avait été initialement proposé en première lecture par les députés, présentait le caractère d'une peine autonome applicable après la libération du condamné et qu'il était dans ces conditions impossible d'en envisager l'application immédiate aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi. Il s'est demandé en revanche si l'utilisation du bracelet électronique pendant la période correspondant au crédit de réduction de peine pouvait être considérée comme une simple mesure d'application de la peine, à ce titre, susceptible d'une application immédiate.

M. Christian Cointat, tout en regrettant l'automaticité du crédit de réduction de peine, a estimé pour sa part que la période correspondant au crédit de réduction de peine devait être effectivement envisagée comme une période d'application de la peine puisqu'elle correspondait, ajoutée à la peine déjà exécutée, au quantum de peine initialement prononcé par la juridiction de jugement. Il a considéré en revanche que la dispense d'exécution de peine obtenue en vertu du décret de grâce présidentielle abrégeait la peine initialement prononcée et marquait la libération effective du condamné.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a estimé pour sa part que le PSEM constituait une peine complémentaire dont l'application rétroactive n'apparaissait pas acceptable.

M. Jean-Pierre Sueur a rappelé que lors de son audition devant la commission, M. Georges Fenech avait indiqué qu'il considérait le bracelet électronique comme une peine. Il a estimé pour sa part que cette mesure ne saurait être admise comme modalité de l'application de la peine qu'à la condition d'être acceptée par le condamné. M. Yves Détraigne a critiqué également le principe d'automaticité de la réduction de peine alors que de telles réductions doivent être accordées en fonction du comportement du condamné. M. Pierre-Yves Collombat a abondé en ce sens en soulignant que le caractère facultatif de cette réduction de peine devrait en principe inciter le détenu à bien se conduire. Il a regretté à cet égard que le caractère obligatoire du bracelet électronique tel qu'il résultait du texte de l'Assemblée nationale ne fasse que renforcer la rigidité du système. M. Jean-Claude Peyronnet s'est demandé si les jurés étaient réellement informés de l'automaticité du crédit de réduction de peine.

M. François Zocchetto, rapporteur, a rappelé que la période correspondant aux réductions de peine pouvait s'assimiler à une période d'application de la peine. Il a indiqué que le crédit de réduction de peine pouvait toujours être retiré en cas de mauvaise conduite du condamné. Il a ajouté qu'en l'état du droit, deux dispositions étaient spécifiquement applicables pendant la durée correspondant aux réductions de peine : la possibilité pour le juge prévue à l'article 721 du code de procédure pénale, de retirer tout ou partie de la réduction de peine en cas de condamnation pour une nouvelle infraction commise après la libération du détenu ainsi que celle, prévue à l'article 721-2 du code de procédure pénale, d'interdire de rencontrer la victime. Il a estimé que la surveillance judiciciaire pouvait être considérée ainsi comme une modalité d'application de la peine en observant néanmoins que la possibilité d'application immédiate du bracelet électronique dans ce cadre serait incontestablement renforcée par les modifications tendant à exiger le consentement du condamné à la mesure et à prévoir la limitation de la durée du placement à deux ans renouvelables une fois.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé pour sa part que l'automaticité du crédit de réduction de peine, adoptée par le législateur dans le cadre de la loi dite « Perben 2 », soulevait de réelles difficultés. Il a estimé que la surveillance judiciaire pouvait éventuellement être considérée comme une mesure d'application de la peine, même s'il subsistait à cet égard certains doutes que, en tout état de cause, le juge constitutionnel serait conduit à trancher.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 6 ter (allongement de la période de sûreté pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité). M. François Zocchetto, rapporteur, a observé à cet égard que la période de sûreté (au cours de laquelle aucune mesure d'aménagement de peine ne pouvait être accordée), actuellement fixée à vingt-deux ans pour les condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité, pouvait être appliquée à la durée totale de la peine si la cour d'assises prononçait cette condamnation pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans, précédé ou accompagné de viol ou de torture et d'actes de barbarie. Il a indiqué que dans ce cas, la période de sûreté pouvait être relevée après trente ans par le tribunal de l'application des peines. M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que l'expiration de la période de sûreté n'avait pour effet que de donner au condamné la possibilité de demander le bénéfice de mesures d'individualisation qui lui étaient auparavant inapplicables. M. Laurent Béteille a souligné que la période de sûreté constituait une première réponse judicaire à la dangerosité possible d'un condamné.

Aux articles 7 (régime juridique applicable au placement sous surveillance électronique mobile), 8 (régime juridique applicable au placement sous surveillance électronique mobile) et 8 bis AA (régime juridique applicable au placement sous surveillance électronique mobile), la commission a examiné neuf amendements tendant à :

- exclure le placement sous surveillance électronique mobile pour les mineurs ;

- réserver le bracelet mobile aux personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans (sur le modèle retenu sur ce point pour la surveillance judiciaire) et non cinq ans comme le prévoyait l'Assemblée nationale ;

- exiger le consentement de l'intéressé mais, comme tel était le cas pour l'injonction de soins, prévoir que le refus de cette mesure ou le manquement aux obligations qu'elle comporte pourrait être sanctionné par une peine d'emprisonnement (dont la durée maximale est fixée, lors du prononcé du suivi socio-judiciaire, par la juridiction de jugement) ;

- limiter à deux ans, renouvelable une fois, la durée du placement.

M. Laurent Béteille s'est demandé si le seuil de dix ans d'emprisonnement proposé par le rapporteur n'aurait pas pour effet paradoxal d'inciter le juge à prononcer des peines plus longues afin de permettre le placement sous surveillance électronique mobile.

Mme Catherine Troendle s'est étonnée pour sa part de la possibilité de renouveler la période de placement sous surveillance électronique mobile alors même que le rapport de M. Georges Fenech proposait de limiter à deux ans cette durée. M. Laurent Béteille a estimé, pour sa part, que le principe d'une vérification du bien fondé de la mesure à intervalle de deux ans paraissait conforme aux observations du rapport de M. Georges Fenech, mais qu'il n'était pas nécessairement opportun d'en limiter les conditions de renouvellement dans la mesure où les évolutions techniques pourraient, à l'expérience, rendre cette obligation supportable sur une plus longue période.

Après avoir rappelé que, lors de son audition par la commission M. Georges Fenech avait indiqué que le bracelet électronique mobile pouvait induire certains changements positifs de comportement chez les mineurs, M. Philippe Goujon s'est demandé s'il était pertinent d'exclure les mineurs du dispositif proposé par l'Assemblée nationale. M. François Zocchetto, rapporteur, a précisé à cet égard que le mineur, devenu majeur, pourrait se voir imposer à compter de l'âge de sa majorité le bracelet électronique mobile. M. Alex Türk a souhaité que puisse être introduit dans le texte de la proposition de loi un dispositif prévoyant l'évaluation du PSEM dans un contexte où les techniques de géolocalisation tendaient à se généraliser.

M. Hugues Portelli a observé que la nouvelle section proposée par l'article 7 pour le code pénal faisait référence au bracelet électronique comme à une mesure de sûreté alors qu'il apparaissait que dans le cadre du suivi socio-judiciaire, à la lumière des conclusions du rapport de M. Georges Fenech, le PSEM présentait le caractère d'une sanction pénale. La commission a alors adopté deux amendements tendant à supprimer la référence aux mesures de sûreté dans les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives au PSEM dans le cadre du suivi socio-judiciaire.

Elle a également adopté les amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 14 (extension de la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle à d'autres types d'infractions), la commission a adopté deux amendements tendant, d'une part, à compléter le nom du fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et, d'autre part, à préciser que les personnes déjà condamnées pour les nouvelles infractions devant donner lieu à inscription dans le FIJAIS y soient effectivement enregistrées et soumises aux obligations qui en résultent.

A l'article 15 bis B (placement du mineur en centre éducatif fermé), la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 15 bis B, M. François Zocchetto, rapporteur, ayant expliqué que les retards dans l'instruction ne devaient pas conduire à allonger la durée de la détention provisoire, mais à mobiliser les moyens nécessaires pour éviter de tels délais.

A l'article 15 bis C (détermination du cadre juridique des fichiers de police judiciaire concernant les crimes en série), la commission a adopté un amendement tendant à exclure des fichiers concernant les crimes en série les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible qu'elles ont commis des infractions mais qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête et dont le nom est cité en procédure. M. Alex Türk s'est félicité de cette modification en observant également que l'intervention du législateur n'était pas indispensable pour déterminer les conditions de mise en place de tels fichiers, la compétence réglementaire pouvant en effet s'exercer sur la base de la loi du 18 mars 2003 avec pour condition la consultation obligatoire de la commission nationale de l'informatique et des libertés. Il a en outre jugé excessive la durée de conservation des données qui serait fixée dans tous les cas à quarante ans.

A l'article 15 bis D (retrait de l'autorité parentale en cas de viol sur la personne de l'enfant), la commission a adopté un amendement tendant à insérer les dispositions prévues par cet article dans le code pénal plutôt que dans le code civil.

A l'article 15 quater A (éviction du domicile familial de l'auteur de violences commises au sein du couple), la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 15 quater A en rappelant que ces dispositions, incontestables dans leur principe, devaient trouver leur place dans la proposition de loi d'initiative sénatoriale relative à la lutte contre les violences au sein du couple, qu'il appartenait désormais à l'Assemblée nationale d'examiner en première lecture.

La commission a adopté ensuite trois articles additionnels avant l'article 15 quater (précisions relatives au délit de révélation des éléments d'une procédure pénale) - (conditions relatives aux perquisitions dans les cabinets d'avocat ou à leur domicile) - (conditions relatives aux interceptions des correspondances par voie de télécommunications), encadrant plus rigoureusement d'une part, l'incrimination de révélation d'une information issue d'une procédure pénale, prévue à l'article 434-7-2 du code pénal et d'autre part, les conditions auxquelles les perquisitions et les interceptions des écoutes téléphoniques doivent répondre quand elles concernent des avocats.

A l'article 15 quater (dispositions complétant la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité), la commission a adopté un amendement tendant à corriger une erreur de référence.

Enfin, par cohérence avec la position prise sur l'article 5, la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 16 A (entrée en vigueur des dispositions relatives à la limitation du crédit de réduction de peine).

La commission a alors adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Décentralisation - Coopération - Renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Charles Guené sur la proposition de loi n° 224 (2004-2005), présentée par M. Michel Thiollière, relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale.

M. Charles Guené, rapporteur, a souligné l'ancienneté, la diversité et l'importance des actions extérieures des collectivités territoriales et de leurs groupements, précisant que leur financement s'était élevé à 230 millions d'euros en 2004, dont 115 millions d'euros au titre de l'aide au développement.

Après avoir observé qu'elles bénéficiaient du soutien de l'Etat et étaient prises en compte dans le calcul du montant total de l'aide publique au développement de la France, il a rappelé que, pour être légales, ces actions devaient relever de la compétence des collectivités territoriales, ne pas être contraires aux engagements internationaux de la France et présenter un intérêt local.

Il a toutefois observé qu'en l'absence de définition objective, cette dernière notion faisait l'objet d'appréciations divergentes de la part des juridictions administratives.

M. Charles Guené, rapporteur, a expliqué que l'article unique de la proposition de loi présentée par M. Michel Thiollière tendait à lever cette incertitude juridique en prévoyant que les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et leurs groupements peuvent, dans la limite d'1 % des recettes d'investissement, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements dans le cadre de conventions, des actions d'aides d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale en cas de catastrophe humanitaire.

Tout en saluant l'initiative prise par M. Michel Thiollière, il a constaté que les dispositions proposées excluaient les départements et les régions, autorisaient un financement de l'action extérieure des collectivités territoriales par l'emprunt et, surtout, ne levaient pas les incertitudes nées de la jurisprudence sur la légalité des aides au développement consenties par les collectivités territoriales.

Aussi a-t-il proposé à la commission d'adopter un texte, intitulé « Proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements », comportant un article unique ayant pour objet :

- d'une part, de donner une base légale incontestable à l'aide au développement consentie par les collectivités territoriales françaises et leurs groupements, tout en exigeant la formalisation de cette aide dans le cadre de conventions avec des autorités locales étrangères ;

- d'autre part, d'autoriser les collectivités territoriales et leurs groupements à entreprendre des actions à caractère humanitaire sans passer de convention, lorsque l'urgence l'exige, soit directement, soit en finançant des organisations non gouvernementales ou des associations.

M. Charles Guené, rapporteur, a déclaré qu'il eût été possible d'encadrer davantage les actions de coopération décentralisée et d'aide humanitaire des collectivités territoriales et de leurs groupements en plafonnant les dépenses engagées à ce titre. Il a manifesté son opposition à une telle restriction au double motif qu'elle irait à l'encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales et, loin de modérer les dépenses de ces dernières, risquerait de les exposer à la tentation d'atteindre le plafond.

Enfin, M. Charles Guené, rapporteur, a indiqué qu'il avait longuement hésité à proposer l'adoption d'un autre article ayant pour objet de permettre aux collectivités territoriales métropolitaines, à l'instar des départements et des régions d'outre-mer, de conclure des accords avec des Etats frontaliers ou des Etats membres de l'Union européenne, par délégation et donc sous l'autorité et le contrôle de l'Etat français.

Il a expliqué que l'interdiction faite aux collectivités territoriales métropolitaines et à leurs groupements de conclure des conventions avec des Etats étrangers, fruit d'une initiative de M. Pierre Mazeaud en 1994, suscitait en effet des difficultés d'ordre pratique. Il a notamment fait valoir, d'une part, que la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat différait d'un pays à l'autre, certaines compétences des collectivités françaises étant, à l'étranger, exercées par l'Etat, d'autre part, qu'un projet de règlement européen portant création du groupement européen de coopération transfrontalière, en cours d'examen, tendait à permettre non seulement à des collectivités territoriales, mais également à des Etats membres de l'Union européenne, de participer à cette nouvelle structure.

M. Charles Guené, rapporteur, a indiqué qu'il avait renoncé à proposer une atténuation du principe de l'interdiction pour les collectivités territoriales métropolitaines et leurs groupements de conclure des conventions avec des Etats étrangers car :

- l'Etat pouvait d'ores et déjà déléguer sa signature à des collectivités territoriales pour conclure des conventions avec des Etats étrangers ;

- la consécration dans la loi d'une telle possibilité semblait susciter sinon des réticences, du moins des inquiétudes, notamment auprès des élus locaux ;

- enfin, mieux valait attendre l'issue des discussions dont le projet de règlement relatif au groupement européen de coopération transfrontalière faisait l'objet et, ainsi, éviter de devoir procéder à des modifications incessantes de la loi.

M. Jean-Claude Peyronnet s'est félicité des conclusions du rapporteur. Tout en saluant l'initiative de M. Michel Thiollière, il a constaté que sa proposition de loi privait les départements et les régions du bénéfice de ses dispositions et ne permettait pas de donner une base juridique solide aux actions d'aide au développement des collectivités territoriales et de leurs groupements. Aussi a-t-il approuvé la rédaction proposée par le rapporteur, en particulier la possibilité offerte aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'entreprendre des actions à caractère humanitaire sans conclure de convention en cas d'urgence.

M. Charles Guené, rapporteur, a précisé que le texte proposé à la commission tendait à rendre obligatoire la mention, dans les conventions conclues entre les collectivités territoriales françaises et les autorités locales étrangères, de l'objet des actions envisagées et du montant prévisionnel des engagements financiers. Après avoir expliqué qu'une telle disposition avait pour objet de clarifier et d'encadrer les actions extérieures des collectivités territoriales, il a observé que certains élus avaient exprimé la crainte qu'elle n'ait un effet plus inflationniste que modérateur sur les finances locales. Aussi a-t-il souhaité connaître le sentiment des membres de la commission sur cette obligation.

M. Jean-Claude Peyronnet s'est déclaré partisan d'une telle obligation, estimant qu'elle contribuerait à améliorer l'information des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales sur les actions extérieures entreprises par leur collectivité.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que toute convention conclue par une collectivité territoriale devait, à tout le moins, préciser son objet et le montant prévisionnel des engagements financiers consentis.

M. Christian Cambon a estimé que la disposition proposée permettrait aux collectivités territoriales de mieux justifier leurs choix en cas de contrôle des chambres régionales des comptes.

La commission a adopté, à l'unanimité, les conclusions proposées par le rapporteur sur cette proposition de loi.

Immigration - Création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine - Examen du rapport

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Patrick Courtois sur la proposition de résolution n° 10 (2005-2006) de MM. Josselin de Rohan, Henri de Raincourt, André Dulait et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

Rappelant que la commission était compétente tant pour examiner la recevabilité juridique que l'opportunité de la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine, en application de l'article 11 du règlement du Sénat, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a conclu à sa recevabilité, celle-ci ne posant aucune difficulté particulière.

Il a ensuite indiqué que, selon l'exposé des motifs de la proposition de résolution, cette commission d'enquête aurait pour but d'engager une réflexion globale sur les sources de l'immigration illégale, ses filières, l'efficacité ou les dysfonctionnements des dispositifs préventifs ou répressifs, ainsi que sur les conséquences de ce phénomène sur la structure économique et sociale de notre pays.

Il a jugé que l'opportunité d'une telle commission d'enquête apparaissait pleinement justifiée, l'actualité, et notamment les drames de Ceuta et Melilla ou les récents heurts à Mayotte à la suite d'une manifestation de clandestins dans les rues de Mamoudzou, ravivant en permanence le difficile problème de l'immigration irrégulière.

Il a ensuite rappelé que depuis 2002 la lutte contre l'immigration clandestine était au coeur de la politique du Gouvernement en matière d'immigration et se concevait comme le pendant de son action volontaire en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière.

Constatant que les lois votées en 2003 produisaient leurs premiers résultats, en particulier en matière d'éloignement et de traitement des demandes d'asile, il a remarqué que les chiffres de l'activité des services de la police aux frontières en 2004 et 2005 invitaient à ne pas relâcher l'effort entrepris pour lutter contre l'immigration illégale. Il a notamment indiqué que, sur le territoire métropolitain, les éloignements effectifs avaient crû de 25 % au premier semestre 2005 par rapport au premier semestre 2004 et les interpellations d'étrangers en situation irrégulière de 45 %.

Il a ensuite expliqué que si des efforts importants avaient été entrepris pour mieux appréhender l'ampleur de l'immigration clandestine au travers d'indicateurs diversifiés, ces derniers devaient être utilisés avec prudence, chacun ne permettant de cerner qu'une partie du phénomène. Il a ajouté que la connaissance des conséquences et des coûts était encore plus délicate, l'immigration illégale posant des difficultés économiques en raison du travail au noir et des difficultés sociales en raison de la précarité consubstantielle des conditions de vie de ces migrants.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a mis en exergue le caractère évolutif de l'immigration clandestine.

Il a ainsi rappelé que les pouvoirs publics, Etat et collectivités territoriales, faisaient face depuis deux ans à un nombre croissant de mineurs étrangers isolés requérant des réponses adaptées.

Il a aussi attiré l'attention sur les territoires ultramarins où aux difficultés habituelles posées par l'immigration clandestine s'ajoutent des difficultés démographiques dans ces collectivités au territoire habitable limité et au contexte économique et social souvent déjà délicat.

Il a notamment indiqué qu'en Guyane, les infractions à la législation sur les étrangers constituaient 43 % du nombre total des infractions et qu'en Guadeloupe, le nombre des reconduites à la frontière ou expulsions avait augmenté de 53,50 % en 2003 par rapport à 2002.

Il a également expliqué que les filières d'immigration clandestine dévoyaient parfois à leur profit les possibilités offertes par les droits de la nationalité et de la filiation ou les règles applicables en matière de regroupement familial.

Enfin, il a replacé le problème de l'immigration irrégulière dans un contexte européen toujours plus prégnant.

Il a donc estimé souhaitable qu'un travail approfondi soit mené afin d'améliorer la connaissance de l'immigration clandestine et de ses effets afin d'y faire face dans le respect des libertés et de la tradition républicaine d'accueil.

Or, il a constaté que, depuis 1998 et le rapport de M. José Balarello au nom de la commission d'enquête sénatoriale chargée de recueillir des informations sur les régularisations d'étrangers en situation irrégulière opérées depuis le 1er juillet 1997, aucun travail global d'enquête n'avait été accompli dans le cadre des assemblées parlementaires.

En conséquence, il a jugé judicieux que le Sénat puisse apporter une contribution importante à la réflexion sur l'immigration clandestine à travers la création d'une commission d'enquête sur ce thème.

M. Jean-Pierre Sueur a approuvé la proposition de créer une commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Toutefois, il s'est déclaré attentif à l'esprit dans lequel cette commission mènerait ses travaux. Il a notamment souhaité que les rapports avec les pays source soient étudiés afin de comprendre les causes profondes de l'immigration et de proposer des réponses qui ne se limitent pas à la seule répression des clandestins. Il a également attiré l'attention sur le problème des mineurs étrangers isolés.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a indiqué qu'il partageait cette liberté d'orientation de ses travaux par la commission d'enquête. Il a précisé qu'elle serait par définition ouverte à des membres d'autres commissions.

M. Jean-Claude Peyronnet a déclaré que le problème de l'immigration clandestine devait être envisagé dans sa globalité sans perdre de vue sa dimension mondiale.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution sans modification.