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Mardi 8 avril 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Situation de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) - Communication

La commission a entendu une communication de M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour les équilibres financiers, sur la situation de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

M. Alain Vasselle a précisé que sa communication faisait suite à un contrôle sur pièces et sur place réalisé au siège de la CADES, ainsi qu'à l'audition de son président, M. Patrice Ract Madoux, par la commission, le 1er avril dernier.

En préambule, il a estimé que la CADES trouvait son origine dans l'impasse du refinancement des déficits sociaux.

Il a rappelé, à ce titre, que la sécurité sociale était entrée depuis 1990 dans une spirale d'endettement, alors même que, contrairement à l'Etat, elle ne dispose pas de solution pour refinancer à moyen et long terme ses déficits. Il a constaté que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) devait se tourner soit vers le Trésor, soit vers la Caisse des dépôts et consignations, pour obtenir, au jour le jour, les moyens de verser les prestations sociales.

Il a relevé qu'une première reprise de dette sociale, décidée par la loi de finances pour 1994 à hauteur de 110 milliards de francs, était apparue insuffisante dès l'année suivante.

Evoquant le plan de sauvegarde de la sécurité sociale mis en place en novembre 1995, il a souligné que la création de la CADES, en tant qu'établissement public chargé de l'amortissement de la dette sociale, ne constituait que l'un des aspects du plan global visant à refonder la sécurité sociale à la fois en la dotant de recettes cohérentes et en assurant la maîtrise de ses charges.

Il a insisté, à cet égard, sur la volonté de mettre un terme à la dérive jusqu'alors constatée des comptes sociaux, qui fondait le choix d'une structure ad hoc et transitoire.

Il a rappelé que l'ordonnance du 24 janvier 1996 avait confié à la CADES la tâche d'apurer une dette totale de 302,5 milliards de francs (dont 137 milliards au titre des déficits des exercices 1994, 1995 et du déficit prévisionnel de 1996 et 162,5 milliards constitués d'un versement annuel à l'Etat de 12,5 milliards au titre du remboursement de la dette précédemment reprise par ce dernier). Il a précisé que, pour remplir cette mission, la caisse avait été dotée de plusieurs recettes et, en premier lieu, du produit d'une taxe créée à cette fin, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Il a ensuite mis en avant les atouts de la CADES, qui reposaient tout d'abord sur la solidité de sa principale ressource : la CRDS. Il a noté que cet impôt social à large assiette et taux bas présentait le double avantage d'avoir un rendement élevé - près de 4,6 milliards d'euros en 2003 - et d'enregistrer une progression dynamique. Il a également souligné que la CADES avait été initialement construite en « suréquilibre », avec une durée de prélèvement de la CRDS permettant d'afficher un résultat positif significatif au terme de son existence : l'amortissement de la dette devait ainsi intervenir avec une année d'avance dans le cadre d'un scénario central fondé sur une croissance annuelle de la CRDS de 3,5 %, deux années d'avance dans le cadre d'un scénario plus favorable (4,5 %).

Il a également estimé que la caisse bénéficiait d'une gestion efficace et d'une crédibilité unanimement reconnue sur les marchés financiers. La CADES jouissait ainsi d'une notation de grande qualité par les principales agences, ce qui lui permettait de se financer à un taux qui n'était que très légèrement supérieur à celui appliqué à l'Etat.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a toutefois constaté que le potentiel dont avait été dotée la CADES avait été pour partie détourné de son objet. Il a ainsi rappelé qu'au cours des sept premières années d'existence, la caisse a été, d'une façon ou d'une autre, « réouverte » à cinq reprises, dont une première fois dès 1998 pour alourdir sa mission, mais le plus souvent sous la forme de contributions qui lui avaient été demandées dans le cadre d'un bouclage budgétaire : les versements effectués à l'Etat au titre de l'apurement de la dette ancienne de 110 milliards de francs avaient été accélérés, la CRDS avait fait l'objet d'exonérations, en faveur des demandeurs d'emploi et de retraités non imposables, qui n'ont été que très partiellement compensées, la caisse avait été enfin amenée à se substituer à l'Etat pour rembourser à la sécurité sociale la dette du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a ainsi constaté que la CADES avait été, tout à la fois, une variable d'ajustement du budget de l'Etat et l'instrument d'une politique fiscale. Il a rappelé, à cet égard, qu'une mesure de ristourne dégressive de la CRDS, figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, avait été opportunément censurée par le Conseil constitutionnel.

Il a souligné que les ponctions opérées par l'Etat augmentaient fortement la probabilité que l'amortissement de la dette sociale ne soit pas effectif avant la date butoir ou, pire, qu'un déficit soit à combler à cette même date. Il a mentionné, à cet égard, les déclarations du président de la CADES qui avait confirmé que les notions « d'excédent » ou « de marge de manoeuvre » de la CADES n'avaient pas grand sens, dès lors que la caisse devait encore amortir plus de 30 milliards d'euros de dettes.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a souhaité alors formuler quelques observations sur l'avenir de la CADES. Il est revenu, tout d'abord, sur la « réouverture » décidée en 1998 par le précédent gouvernement afin d'y placer 87 milliards de francs de dettes supplémentaires. Il a déploré que cette opération ait constitué une double entorse aux principes légitimant la CADES, par la fragilisation de son caractère d'entité fermée, d'une part, par l'absence de mesure structurelle d'accompagnement permettant de juguler les déficits sociaux, d'autre part.

Il a ensuite observé, après le léger excédent constaté entre 1999 et 2001 (2,3 milliards d'euros cumulés), que l'état des comptes sociaux laisse apparaître l'hypothèse d'un nouveau déficit qui a été estimé par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, à une dizaine de milliards d'euros pour 2002-2003. Il a constaté que, dès que la croissance cessait d'être exceptionnellement forte, les déficits massifs réapparaissaient, confirmant qu'il n'y avait jamais eu de « robustesse du redressement des comptes sociaux ».

Il a souligné que la dette à laquelle était aujourd'hui confrontée la sécurité sociale était spécifique à un double titre ; la structure de la dette creusée entre 1998 et 2004 ne concernait que l'assurance maladie, dont le déficit est permanent depuis 1989 ; cette dette était imputable pour partie à l'effet FOREC, c'est-à-dire aux différentes tuyauteries mises en oeuvre sous la précédente législature, afin de permettre à l'Etat de se décharger de ses responsabilités sur la sécurité sociale.

Il a ensuite évoqué les différentes solutions pouvant être envisagées, en écartant tout d'abord celle consistant à transformer la CADES en une caisse perpétuelle de refinancement des déficits sociaux. Il a estimé que notre pays ne pouvait pas s'offrir, après le budget de l'Etat, le luxe d'un deuxième budget en déficit permanent, de même que la sécurité sociale ne pouvait se permettre de voir une part chaque année croissante de ses recettes prélevées pour être affectée au service de sa propre dette.

Il a rappelé que M. Patrice Ract Madoux, président de la CADES, avait exposé devant la commission les implications d'une reprise éventuelle de la dette actuelle de la sécurité sociale qui se traduirait par une prolongation de quatre ans de la perception de la CRDS. Il a ainsi noté que les pouvoirs publics pouvaient être tentés par deux solutions : ou bien augmenter la CSG ou bien rouvrir la CADES. Constatant le caractère « indolore » de la seconde solution, il s'est toutefois interrogé sur la question de savoir laquelle des deux serait en définitive la pire. Ces supputations lui sont apparues en tout état de cause prématurées, dans la mesure où un travail préalable devait impérativement être réalisé, afin de déterminer les responsabilités de chacun dans la situation des déficits actuels.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a déclaré qu'il attendait une telle remise en ordre du groupe de travail sur la clarification des rapports financiers entre l'Etat et la sécurité sociale, mise en place par M. Jean-François Mattei. Il a considéré qu'une fois ce préalable accompli, notre pays ne ferait pas l'économie d'une réflexion sur les évolutions des besoins et des coûts dans le domaine de la santé avec en perspective la nécessité d'une profonde réforme de l'assurance maladie.

M. Jean Chérioux a remercié M. Alain Vasselle pour la qualité de son exposé. Il a constaté que, jamais depuis la création de la CADES, des solutions n'avaient été trouvées à la question du financement de la sécurité sociale, et que ce financement n'avait été assuré qu'au moyen d'expédients. Il a constaté qu'il reviendrait sans doute au législateur de remettre sur le métier la question du financement de la protection sociale. Il a partagé le souci exprimé par le rapporteur d'une clarification des circuits financiers et a indiqué qu'une solution se trouvait dans une réforme organique plaçant la CADES hors de la portée du législateur ordinaire, afin de la préserver de toute ponction.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur l'origine des déficits repris par la CADES. Il a déclaré attendre avec impatience le débat sur la réforme de la sécurité sociale, même s'il redoutait les risques de privatisation de cette dernière. Il a précisé qu'il prenait bonne note des déclarations de M. Alain Vasselle, selon lesquelles la CADES ne devait pas devenir une caisse de refinancement permanent des déficits sociaux.

M. Dominique Leclerc a constaté que les conclusions du rapporteur incitaient le législateur à faire preuve de courage. Il a demandé au rapporteur comment pourraient être refinancés les déficits présents.

En réponse à M. Gilbert Chabroux, M. Alain Vasselle, rapporteur, a considéré que la clarification des rapports financiers entre les caisses de sécurité sociale était un préalable à tout débat quant à la réouverture de la CADES. Il a rappelé que M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, avait déclaré, à cet égard, que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 était une loi de transition. Il a rappelé en outre que M. Patrice Ract Madoux, président de la CADES, avait indiqué à la commission lors de son audition que la deuxième partie du remboursement de la dette du FOREC à la sécurité sociale par la CADES avait d'ores et déjà été inscrite en hors bilan des comptes de cette caisse.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a déclaré que lors de ses contacts pris avec ses différents interlocuteurs, notamment la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), pour réfléchir aux solutions permettant de démêler les flux financiers entre les différentes caisses de la sécurité sociale, il avait constaté que les décideurs politiques souffraient d'un déficit de crédibilité auprès de ces interlocuteurs. Il a souligné qu'une réforme organique consacrant le principe d'autonomie des branches de la sécurité sociale permettrait sans doute de constituer une garantie suffisamment solide pour susciter l'adhésion des partenaires sociaux à une remise à plat des moyens et des missions de chacune de ses branches.

Il a précisé, en outre, que les déficits repris par la CADES correspondaient en fait aux déficits accumulés depuis 1990, et que ceux-ci relevaient de la responsabilité des gouvernements émanant de majorités différentes.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé la publication de la communication de M. Alain Vasselle sous la forme d'un rapport d'information.