Table des matières




Mardi 15 octobre 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Emploi - Salaires, temps de travail et développement de l'emploi - Audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

La commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi n° 21 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale,relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

M. François Fillon
, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi était inspiré par une idée dynamique du progrès économique, indissociable de celui de la justice sociale. Dans un monde ouvert et compétitif, l'efficacité et la solidarité doivent être réconciliées et mises au service de la relance de la croissance. Depuis près de deux ans, cette croissance s'est tarie, et le chômage n'a cessé d'augmenter depuis un an. Certes, la morosité de la conjoncture internationale y est pour beaucoup, mais il existe aussi dans notre pays des blocages qui expliquent les difficultés rencontrées.

Il a estimé que trois facteurs sont à la source du malaise économique et social français :

- d'abord, l'absence d'un dialogue social riche et constructif irriguant une société participative et confiante. Les récentes élections ont révélé l'état de doute et de crispation du corps social ;

- ensuite, la rigidité de notre organisation du travail, symbolisée par l'instauration dogmatique des trente-cinq heures, dont les conséquences sont autant économiques que culturelles avec la dépréciation de la valeur du travail ;

- enfin, la stagnation des bas salaires, qui, pour les Français les plus modestes, s'apparente à une véritable panne de l'ascenseur social. M. François Fillon a estimé que cette stagnation s'était aggravée sous les effets des deux lois relatives à la réduction du temps de travail de juin 1998 et janvier 2000 qui ont introduit, avec la multiplication des salaires minimum de croissance (SMIC), une nouvelle injustice sociale. En valeur absolue, les salariés modestes ont perdu entre un et deux points de pouvoir d'achat depuis trois ans, quand les cadres dirigeants voyaient le leur croître.

M. François Fillon a souligné que ces trois facteurs pesaient sur l'emploi : la France se situe ainsi au douzième rang en Europe en matière de chômage, en dépit des trente-cinq heures et du recours massif aux emplois aidés dans le secteur public. Il a donc indiqué que le Gouvernement souhaitait agir simultanément sur ces trois problèmes : harmonisation rapide et ambitieuse des SMIC, assouplissement des trente-cinq heures, amplification de la baisse des charges en vue d'une maîtrise du coût du travail. Annoncé en juillet dernier, ce programme volontariste, proposé au Parlement, s'inscrit dans le cadre d'une politique globale mise au service de la croissance et de l'emploi visant à :

- dynamiser le marché du travail en offrant davantage de libertés aux entreprises et aux salariés ;

- favoriser l'insertion du plus grand nombre possible de personnes dans le monde du travail, notamment celle des jeunes grâce au nouveau contrat qui leur est proposé dans le secteur privé ;

- encourager l'initiative et l'effort en réduisant le poids de la fiscalité sur les ménages, en augmentant les plus bas salaires à travers l'aménagement de la prime pour l'emploi et l'unification des SMIC par le haut, ce qui contribue à alimenter le moteur de la consommation ;

- moderniser les pratiques participatives avec le renforcement de la démocratie locale et de la démocratie sociale.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a rappelé que le projet de loi avait été élaboré en concertation avec les partenaires sociaux, conformément à l'engagement du Président de la République et du Premier ministre de renouer avec la pratique du dialogue social. La Commission nationale de la négociation collective a également été consultée, notamment sur la question de la sortie des SMIC multiples, ainsi que les conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale pour ce qui relève du nouveau dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales. Jugeant ces concertations constructives, M. François Fillon a indiqué que plusieurs observations et préoccupations formulées par les partenaires sociaux avaient été prises en compte. Il a observé qu'une majorité d'entre eux partageaient un diagnostic critique sur le dossier « mal ficelé » des trente-cinq heures et celui, indéchiffrable et inéquitable, des SMIC multiples.

Il a ainsi estimé que le projet de loi était équilibré, car respectant les intérêts des entreprises et ceux des salariés, et conforme à l'intérêt national. Il a souligné que sa philosophie, contrairement à celle prévalant par le passé, était de mettre les partenaires sociaux en situation de responsabilité. C'était d'ailleurs déjà le cas avec la loi relative à l'emploi des jeunes en entreprise qui offrait des espaces de négociations aux partenaires sociaux.

M. François Fillon a affirmé que la France d'aujourd'hui ne pouvait plus être gouvernée comme celle d'hier, c'est-à-dire par le haut, de façon uniforme et sans considération pour la complexité des situations économiques et sociales. Il a estimé que, dans le cadre du présent projet de loi, chacun des partenaires sociaux comprenait qu'il lui fallait maintenant assumer ses responsabilités, en particulier sur les points sensibles que sont les contingents d'heures supplémentaires, leur rémunération et les règles de gestion du compte épargne temps. D'autres ajustements seront également à définir par voie d'accord, en particulier en ce qui concerne le régime des cadres.

M. François Fillon a souligné que, en assouplissant les trente-cinq heures, le texte permettait d'introduire du pragmatisme dans l'application d'une loi dogmatique et à l'évidence trop rigide. Cette rigidité a d'ailleurs entraîné, dans certains secteurs d'activité, faute de marges de manoeuvre, une flexibilité mal vécue par les salariés et une stagnation des salaires.

Il a indiqué qu'en cinq ans, la réduction du temps de travail avait permis de créer ou de préserver seulement 300.000 emplois, d'ailleurs largement imputables aux allégements de charges qui l'accompagnaient, quand, au même moment, la croissance en créait près de 1,4 million. Il a ainsi estimé que les trente-cinq heures uniformes et imposées s'étaient avérées être moins le levier structurel du plein emploi que le symbole d'un certain malthusianisme. Il a néanmoins constaté que les trente-cinq heures faisaient désormais « partie du paysage » et qu'il s'agissait, aujourd'hui, de les adapter aux réalités économiques.

M. François Fillon a insisté sur le fait que le point essentiel de la réforme s'articulait autour du régime des heures supplémentaires, dont dépendent en réalité tant le rythme de travail des salariés que l'organisation du travail au sein des entreprises. Il s'agit du coeur du dispositif sur l'aménagement du temps de travail. Le système actuel se caractérise par sa complexité, puisqu'il faut distinguer entre le contingent dont le dépassement est subordonné à l'autorisation de l'inspecteur du travail et le contingent dont le dépassement implique l'octroi du repos compensateur. L'un peut être négocié par les partenaires sociaux, tandis que l'autre est fixé unilatéralement par l'Etat par voie de décret. A cela s'ajoute un régime complexe définissant les conditions de rémunération des heures supplémentaires.

Il a donc indiqué que la réforme proposée se caractérisait par trois principes : la simplicité, la souplesse et la volonté de s'adapter à la situation de chaque branche ou de chaque entreprise, le maintien des équilibres essentiels par l'Etat.

M. François Fillon a précisé que la volonté d'uniformiser les contingents annuels d'heures supplémentaires allait dans le sens de la simplicité. Il existera désormais un contingent unique déterminant tant l'autorisation administrative que le déclenchement du repos compensateur. Ce souci de simplicité ne doit toutefois pas conduire à méconnaître la situation spécifique des petites entreprises, qui font l'objet de dispositions particulières en matière de majoration des heures supplémentaires et de repos compensateur obligatoire. En ce qui concerne les entreprises de moins de vingt salariés, à défaut d'accord de branche, le taux actuel de 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires sera ainsi maintenu jusqu'au 31 décembre 2005.

Il a également souligné que le choix de la souplesse et de l'empirisme se traduisait par le renvoi aux partenaires sociaux du soin de fixer le niveau du contingent des heures supplémentaires et les conditions de leur rémunération. Cette disposition essentielle du projet de loi va au-delà de la seule question des trente-cinq heures : elle marque la volonté du Gouvernement de rééquilibrer la place de la norme conventionnelle par rapport aux dispositions législatives et réglementaires.

M. François Fillon a, toutefois, affirmé que cette orientation nouvelle ne se traduisait pas par un désengagement de l'Etat. S'agissant d'une question aussi essentielle pour les salariés que celle de la rémunération des heures supplémentaires, la loi fixe les modalités de l'accord qui déterminera le régime de ces heures en exigeant un accord de branche étendu. La loi fixe par ailleurs une règle minimale, en dessous de laquelle les partenaires sociaux ne sauraient valablement aller, en prévoyant que le taux de majoration ne peut être inférieur à 10 %.

Enfin, M. François Fillon a constaté que, tant pour la fixation du niveau du contingent que pour les conditions de rémunération des heures supplémentaires, l'Etat fixait la règle supplétive qui s'applique en l'absence d'accord. Un décret, publié très prochainement, fixera donc, à défaut d'accord, le niveau du contingent à 180 heures. Mais le renvoi à la négociation prévu par la loi n'aurait guère de sens si, parallèlement, l'Etat fixait de manière définitive le niveau supplétif du contingent : ce serait perçu comme une forme déguisée d'intervention de l'Etat sur les discussions futures et le résultat des négociations. Aussi, le décret sera-t-il réexaminé dans dix-huit mois au vu du contenu des négociations et des pratiques. A cette échéance, le Gouvernement prendra définitivement position sur le niveau optimal du contingent devant s'appliquer en l'absence d'accord. Conformément au souhait du Premier ministre, il le fera après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Conseil économique et social.

M. François Fillon a rappelé que cette exigence de simplicité et de souplesse inspirait également les autres dispositions plus techniques du projet. C'est ainsi que les durées horaires annuelles de travail seront calculées, comme le prévoient déjà de nombreuses conventions, sur la base d'un niveau forfaitaire annuel de 1.600 heures, et cela indépendamment des particularités propres à chaque année en ce qui concerne les jours fériés. Le seuil de dix salariés applicable en matière de repos compensateur sera porté à vingt salariés, ce qui constitue une mesure de simplification pour les entreprises mais surtout de cohérence par rapport au seuil qui avait été choisi en 2000.

Le ministre a souligné que le souci de souplesse inspirait également les dispositions relatives au compte épargne-temps : les partenaires sociaux pourront désormais prévoir que les éléments du compte seront valorisés en argent et non pas obligatoirement en temps. Enfin, une plus grande latitude sera accordée aux partenaires sociaux dans la définition des différentes catégories de cadres.

M. François Fillon a indiqué que la réforme ainsi proposée s'inspirait assez largement des accords conclus dans les branches et les entreprises entre 1998 et 2000, accords dont le gouvernement précédent n'avait pas voulu tenir compte, estimant sans doute être plus qualifié en la matière que les acteurs sociaux.

Il a insisté sur le fait que le présent projet se voulait avant tout pragmatique. L'adaptation des trente-cinq heures n'est pas un retour à une situation passée, mais une avancée résultant de l'amélioration d'un dispositif qui ne satisfaisait véritablement ni les partenaires sociaux, ni même les responsables de l'actuelle opposition qui, à l'issue des récentes consultations électorales nationales, n'ont pas eu de mots assez durs pour fustiger les effets politiques et psychologiques des trente-cinq heures. La durée légale des trente-cinq heures est donc maintenue, mais est organisée selon un mode permettant aux acteurs sociaux de l'aménager et finalement, de se l'approprier.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que le projet de loi allait également permettre d'engager la convergence des SMIC.

Il a estimé que le SMIC était plus qu'une variable technique. Or, avec six salaires minima différents, ce symbole a été brouillé et il ne joue plus son rôle de référent économique et social dans le monde du travail. Le SMIC, qui concerne plus de deux millions de salariés, détermine le minimum horaire auquel doit correspondre la rémunération de tout salarié et constitue une valeur cardinale dans la fixation et l'évolution des basses rémunérations.

Le ministre a rappelé que le principe posé par l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 était, en apparence, simple : faire en sorte que, pour les salaires les plus bas, le passage aux trente-cinq heures ne se traduise pas par une réduction de rémunération. De même, le principe de la convergence entre la garantie mensuelle et le SMIC ne semblait pas alors poser de difficultés particulières.

M. François Fillon a souligné que la réalité, maintes fois et unanimement dénoncée, était une multiplication des valeurs de référence et une complexité inextricable tant pour les salariés que pour les employeurs, complexité d'autant moins acceptable qu'elle ne permet pas d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi du 19 janvier 2000. En effet, le dispositif actuel ne permet pas d'obtenir la convergence à terme du SMIC et de la garantie minimale car toute augmentation du SMIC entraîne la création d'une nouvelle garantie, ce qui ne fait que repousser d'année en année la convergence. Il a, en outre, estimé que le dispositif en vigueur ne permettait pas davantage d'assurer la justice sociale, puisqu'il conduit au contraire à créer des disparités entre les salariés selon que leur entreprise est ou non passée aux trente-cinq heures ou selon la date du passage à un horaire collectif de trente-cinq heures.

M. François Fillon a indiqué que, sur la base de ce constat, le Premier ministre avait, dès son entrée en fonction, décidé de saisir de cette question le Conseil économique et social. A partir des travaux et des différents scenarii envisagés par le conseil, le Gouvernement propose de sortir rapidement, et par le haut, de la situation confuse et injuste des SMIC multiples. Le mécanisme de convergence, dont le terme est fixé au 1er juillet 2005, aura pour effet une augmentation du SMIC horaire de 11,4 % en termes réels au cours des trois prochaines années. Globalement, les deux tiers des salariés rémunérés par référence à l'un des SMIC actuellement en vigueur verront leur pouvoir d'achat progresser de façon significative.

M. François Fillon a souligné que la restauration de l'unité du SMIC passait par un mécanisme volontaire de convergence. Le cycle de création, chaque année, de nouvelles garanties mensuelles est définitivement arrêté ; la dernière et cinquième garantie a été fixée à juillet 2002. A partir de là, un double mouvement de convergence sera opéré dont le point final est fixé au 1er juillet 2005. Pendant les trois années précédant cette date, le premier mouvement de convergence concernera les garanties mensuelles qui, tout en augmentant en fonction de l'évolution de l'indice des prix, feront chaque année l'objet d'une revalorisation, afin de permettre leur alignement à la date fixée sur la garantie mensuelle la plus haute, c'est-à-dire celle de juillet 2002. S'agissant de cette dernière garantie, son pouvoir d'achat sera préservé, dans la mesure où, comme les autres garanties, elle évoluera, chaque année, et pendant cette période de trois ans, en fonction de l'indice des prix.

Il a ajouté que le second mouvement de convergence concernera le rapport entre les garanties mensuelles et le SMIC puisque celui-ci, par rattrapages successifs incluant tant l'évolution des prix que les « coups de pouce » nécessaires, rejoindra par paliers le différentiel de 11,4 % qui le sépare, en valeur réelle, de la dernière garantie mensuelle. Cette dernière convergence implique que les règles de calcul du SMIC soient modifiées mais cette dérogation ne sera que temporaire et exclusivement justifiée par les besoins de l'opération. Il y sera mis fin à l'issue de la convergence pour revenir aux règles habituelles.

M. François Fillon a précisé que l'effort ainsi consenti n'était pas neutre d'un point de vue macroéconomique : l'Etat, par la voie des allégements de charges, en supportera la plus grande part. Le nouveau dispositif d'allégement, qui montera en puissance au même rythme que la convergence des salaires minima, garantira une large compensation au niveau du SMIC mais surtout un allégement net du coût du travail pour les salaires au-dessus du SMIC jusqu'au niveau moyen de salaire des Français.

Il a indiqué que le Gouvernement proposait donc de simplifier les mécanismes actuels d'allégement en unifiant la ristourne sur les bas salaires créée en 1995 et les diverses dispositions mises en oeuvre par la loi du 19 janvier 2000. Ce nouveau dispositif d'allégement se mettra en place à partir du 1er juillet 2003 et s'appliquera à toutes les entreprises, indépendamment de leur durée collective de travail.

Il a précisé que les allégements de charges, qui augmenteront de 6 milliards d'euros d'ici 2006 et seront compensés aux régimes de sécurité sociale, seront fortement concentrés sur les salaires modiques et moyens. Ils se traduiront par une diminution nette du coût du travail, allant jusqu'à plus de 5 % pour des salaires moyens dans neuf entreprises sur dix, la plupart étant des PME.

M. François Fillon a estimé que cette politique favorable aux bas salaires jointe aux allégements de charges permettait au Gouvernement de « servir tout à la fois la feuille de paie et l'emploi ». Elle participe d'une politique économique de soutien à la demande intérieure, nécessaire dans une période où la conjoncture est hésitante.

En conclusion, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a estimé que le projet de loi, fruit d'un juste équilibre entre l'efficacité économique et la justice sociale, traduisait la volonté du Gouvernement de faire évoluer la France sur les bases d'un progrès plus dynamique et mieux partagé.

Répondant ensuite aux questions de M. Louis Souvet, rapporteur, M. François Fillon a indiqué que l'harmonisation des SMIC allait se traduire par une forte augmentation du pouvoir d'achat des bas salaires. Cette harmonisation s'effectuant sur le niveau de la garantie mensuelle la plus élevée, elle assurera un gain de pouvoir d'achat de 11,4 % sur trois ans aux salariés rémunérés au SMIC horaire et de 6,5 % pour l'ensemble de ces salariés.

Il a également indiqué que le nouveau dispositif d'allégement de charges patronales compensera, pour une large part, soit environ les deux tiers, les effets sur le coût du travail de l'harmonisation « par le haut » des minima salariaux.

Puis M. François Fillon a précisé que le projet de loi ne privilégiait les accords de branche qu'en ce qui concerne la détermination du contingent des heures supplémentaires. Il a rappelé qu'il s'agissait du niveau traditionnel de la négociation sociale, et notamment en raison de la nécessité de réguler la concurrence au sein d'un même secteur d'activité. Par ailleurs, il a également souligné qu'il s'agissait du seul niveau de négociation possible dans de nombreux secteurs où prédominent les petites entreprises.

M. François Fillon a précisé que le projet de loi renvoyait largement à la négociation collective, les accords collectifs pouvant déterminer, en se fondant sur le critère de leur autonomie, les cadres bénéficiant du forfait en jours. Il a considéré qu'un simple renvoi aux partenaires sociaux sur ce point lui paraissait à la fois inutile et dangereux au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Il a indiqué que l'article 13 nouveau du projet de loi visait à donner aux accords conclus en application des lois précédentes leur plein effet au vu des dispositions de la nouvelle loi. Estimant que cet article 13 conduirait à l'examen des précédents accords au regard des règles posées par la loi, notamment en matière de contingent conventionnel, il a considéré que le législateur se devait d'intervenir afin de valider les accords conclus, dans la limite des 180 heures qui sera fixée par décret.

M. Gilbert Chabroux a estimé que le projet de loi se traduisait par l'allongement du temps de travail et entraînerait, de fait, l'abrogation des lois Aubry. Il s'est interrogé sur le nombre d'emplois qu'escomptait créer le Gouvernement avec son nouveau dispositif d'allégement de charges. Il a enfin regretté que le projet de loi introduise une segmentation entre les entreprises de plus de 20 salariés et les autres, et que l'Assemblée nationale ait choisi de revenir sur la définition de l'astreinte.

Après avoir observé que les syndicats de salariés considéraient le projet de loi comme un retour sur les 35 heures, M. Roland Muzeau a souligné la gravité de la modification apportée à l'Assemblée nationale au régime de l'astreinte.

M. Alain Gournac a considéré que le projet de loi était attendu, notamment par les petites et moyennes entreprises (PME) et les salariés. Il a insisté sur la nécessité de communiquer, à la fois, en direction des entreprises sur le nouveau dispositif d'allégement de charges et en direction des salariés sur la hausse du SMIC.

M. Guy Fischer a estimé que le projet de loi contenait des mesures permettant d'allonger la durée du travail et d'accentuer la flexibilité. Observant qu'il réduisait le champ législatif au profit de la négociation collective, il a considéré que ce bouleversement de la hiérarchie des normes sociales serait lourd de conséquences. Il s'est demandé s'il s'agissait d'un début de déréglementation du droit du travail.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur le refus d'agrément de l'accord de branche conclu dans le secteur de l'aide à domicile.

M. Jean-Louis Lorrain a souhaité obtenir des précisions sur le compte épargne-temps. Il s'est, à cet égard, interrogé sur l'opportunité d'offrir au salarié la possibilité de se voir directement payer les jours de repos, plutôt que de l'obliger à les placer sur le compte.

Mme Anne-Marie Payet a souhaité une meilleure coordination entre les dispositifs nationaux et les dispositifs spécifiques à l'outre-mer, et notamment une adaptation de la règle de non-cumul des allégements de charges. Elle a également évoqué les difficultés rencontrées à La Réunion en matière de réglementation du travail, celle-ci ne prenant pas suffisamment en considération la spécificité de ce département.

En réponse aux différents intervenants, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souhaité que l'objet du projet de loi ne soit pas travesti : il ne vise nullement à supprimer les 35 heures et se contente de redonner une marge de liberté aux partenaires sociaux. A ce propos, il a fait part de sa conviction que les accords déjà conclus ne seraient pas, dans leur grande majorité, renégociés car des équilibres avaient été trouvés.

Confirmant que sa politique constituait une rupture effective avec la politique de l'emploi du précédent gouvernement, il a rappelé que la croissance constituait le moteur de l'emploi et que le projet de loi visait précisément à instituer des conditions meilleures pour l'affermissement de la croissance. Estimant que l'emploi « ne se décrétait pas », il s'est gardé, en conséquence, de chiffrer le nombre d'emplois que pourrait créer le projet de loi.

Rappelant que la segmentation entre les entreprises de plus de 20 salariés et les autres était issue des lois adoptées par le précédent gouvernement, il a fait part de sa conviction que les conditions de travail ne pourraient rester durablement différentes entre petites et grandes entreprises, notamment au vu des perspectives démographiques, et que la négociation collective permettrait progressivement de les rapprocher.

S'agissant de la place respective de la loi et de la négociation collective, il a affirmé son souci de trouver un nouvel équilibre qui ne méconnaisse pas le rôle de la loi. Sur ce point, il a fait part de son souci de s'inspirer de la position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective, signée par tous les syndicats de salariés, sauf la Confédération générale du travail (CGT).

Il a, en outre, estimé que les partenaires sociaux avaient exprimé une réaction modérée à l'égard du projet de loi, car ce dernier vise à trouver un juste équilibre entre les aspirations des salariés et les contraintes de l'économie moderne.

S'agissant du régime de l'astreinte, il a observé que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale reprenait le contenu de la circulaire du 3 mars 2000 et ne remettait pas en cause l'équilibre général du régime de l'astreinte : celle-ci reste le fruit de la négociation entre partenaires sociaux qui en déterminent les contreparties.

S'agissant de l'accord de branche dans le secteur de l'aide à domicile, il a indiqué qu'il n'avait pu être agréé en l'état, du fait de l'absence de toute concertation avec les financeurs. Il a, alors, souhaité une reprise des négociations sur ce sujet.

S'agissant du compte épargne-temps, il a considéré que les dispositions du projet de loi répondaient largement au souci de donner plus de liberté au salarié pour monétariser le temps épargné.

S'agissant, enfin, de l'outre-mer, il a indiqué qu'il veillerait à assurer la meilleure coordination entre les dispositions de ce projet de loi et celle de la future loi de programmation pour l'outre-mer.

Mercredi 16 octobre 2002

- Présidence de M. Alain Gournac, vice-président -

Emploi - Salaires, temps de travail et développement de l'emploi - Auditions



Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions sur le projet de loi n° 21 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux salaires, au temps de travail et audéveloppement de l'emploi.

Audition de M. Roland Metz et Mme Marie-José Maroni, conseillers confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT), accompagnés de M. Bernard Saincy, secrétaire national de l'Union générale des ingénieurs, cadres, techniciens de la Confédération générale du travail (UGICT-CGT)

La commission a procédé à l'audition de M. Roland Metz et Mme Marie-José Maroni, conseillers confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT), accompagnés de M. Bernard Saincy, secrétaire national de l'Union générale des ingénieurs, cadres, techniciens de la Confédération générale du travail -(UGICT-CGT).

M. Roland Metz,
à la demande de M. Louis Souvet, rapporteur, s'est, tout d'abord, prononcé sur le bilan des lois Aubry I et II. Il a rappelé que la CGT avait affirmé son attachement au principe de la réduction du temps de travail et avait préconisé une méthode reposant sur une loi-cadre renvoyant à la négociation sociale assortie d'une date butoir pour la mise en oeuvre effective de la nouvelle durée du travail. Il a rappelé que la CGT avait souhaité que la réduction du temps de travail préserve les rémunérations, améliore les conditions de travail et développe l'emploi, et il a observé que le dispositif mis en place ne correspondait pas aux positions de la Confédération. Aussi, cette dernière avait-elle formulé des critiques et des propositions et appelé les salariés à se saisir, à travers les négociations, de l'opportunité ouverte de faire de la RTT un vrai progrès social.

Il a ensuite déclaré que la CGT partageait les conclusions du rapport présenté à la Commission nationale de la négociation collective consacrées au bilan de la réduction du temps de travail. Il a rappelé que ces lois avaient favorisé la création de 300.000 emplois, que la réduction du temps de travail avait amélioré la situation des salariés en général, et notamment du personnel d'encadrement féminin. Toutefois, il a déploré que 13 % des salariés, particulièrement parmi les moins favorisés, aient vu leurs conditions de travail dégradées et il a regretté que nombre d'accords aient été conclus dans un sens défavorable aux travailleurs, générant une accélération des rythmes du travail et une perte d'autonomie des salariés. Il a, en outre, déploré que la mise en place de la loi ait été accompagnée de tensions sur le pouvoir d'achat dues notamment au gel des rémunérations. Il a rappelé qu'un quart des salariés travaillent dans des entreprises qui ne bénéficient d'aucune aide et qu'un grand nombre de travailleurs n'étaient pas passés aux 35 heures.

Il a ensuite précisé que la CGT militait pour une accélération et un approfondissement du dispositif alors que le projet de loi présenté par le gouvernement favorisait au contraire l'allongement de la durée du travail et contribuait à remettre en cause la réduction du temps de travail en en affaiblissant la portée réelle.

Il a notamment dénoncé le nouveau régime des heures supplémentaires et l'élargissement du nombre de salariés touchés par les conventions de forfait. Il a regretté que le projet de loi diminue les garanties des salariés en rendant les négociations plus difficiles. Il a affirmé que le projet était porteur d'inégalités entre les salariés passés aux 35 heures et ceux restés à 39, et tournait le dos à l'emploi.

Il a rappelé que la CGT était résolument opposée au dispositif d'allégement de charges généralisé : ce dispositif constitue une baisse du salaire socialisé, qui ne s'entendait initialement dans le cadre des lois Aubry qu'en tant que contrepartie à la réduction du temps de travail.

Il a observé que le présent projet de loi ne procurait un avantage financier qu'aux seules entreprises restées à 39 heures et a, en outre, jugé que le projet présentait un danger de fragilisation des accords conclus puisque, la signature d'accords minoritaires suffisant à l'avenir, des entreprises pourraient trouver intérêt à remettre en cause leur signature initiale.

Il a enfin regretté la disparition des possibilités de remise en cause des allégements de charges en cas de non-respect des engagements.

Il a ensuite dénoncé les mesures défavorables aux salariés contenues dans le projet de loi, qui accroît le risque de trappes à bas salaires et encourage la fixation des barèmes d'heures supplémentaires moins favorables.

Il a, par ailleurs, estimé que si la hausse du SMIC horaire en elle-même était positive, l'unification à l'horizon 2005 était déjà prévue par la loi Aubry II, jugeant en outre que le bénéfice de la hausse serait inférieur à 11,4 % pour les salariés passés aux 35 heures ou devant y passer.

Il a ensuite regretté que les préconisations de la CGT, qui sont notamment de sortir des SMIC multiples dès 2003 par relèvement au 1er juillet du taux horaire de 11,4 %, n'aient pas été retenues.

Il a ensuite insisté sur le caractère pervers du niveau des heures supplémentaires qui, selon lui, encourage l'allongement de la durée du travail et risquent de banaliser le recours à ces heures. Il a enfin déploré qu'en fixant le plafond d'heures supplémentaires à 180 heures contre 130 précédemment, le Gouvernement décale le seuil de déclenchement du repos compensateur et fasse perdre aux salariés l'équivalent de 7 jours de repos.

Il a, en outre, constaté que le champ de l'ordre public social était amoindri. Il s'est interrogé sur l'incertitude juridique résultant de l'articulation incertaine entre les dispositions légales et les négociations de branche où sont déjà conclus des accords sur des contingents d'heures supplémentaires fixés à 130 heures. Il a exprimé ses craintes qu'en l'absence de négociations nouvelles, le contingent de 180 heures ne trouve pas à s'appliquer.

Il a précisé que l'amendement sur la sécurisation juridique ne dissipait pas l'inquiétude des syndicats et créait, en outre, les conditions pour la légalisation d'accords jusqu'ici illégaux.

Il a dénoncé l'amendement adopté par l'Assemblée nationale sur la définition de l'astreinte qui porte atteinte, selon lui, à des garanties importantes en autorisant l'employeur à restreindre la liberté d'aller et de venir du salarié pendant sa période de repos, et a souligné les difficultés qu'entraînait la monétarisation du compte épargne-temps.

M. Bernard Saincy a rappelé que les statistiques du ministère du travail soulignaient que les ingénieurs et les cadres étaient les salariés les plus satisfaits des 35 heures et a estimé que les modifications que proposait d'introduire le projet de loi constituaient, pour eux, un recul. Il a précisé, à ce titre, que l'élargissement de la notion de forfaits jours était considéré par les cadres comme une véritable régression.

En conclusion, M. Roland Metz a déclaré que les dispositions du projet de loi ne répondaient nullement aux attentes des salariés et que la CGT ne pouvait approuver un tel texte.

M. Louis Souvet, rapporteur, a, pour sa part, rappelé que les 35 heures initialement annoncées sans perte de rémunération avaient, en réalité, entraîné le gel des salaires et suscité un coût par emploi créé très élevé pour les finances publiques. Il a observé que la France se situait dans un système économique européen qui la contraignait à une certaine convergence et a constaté qu'elle n'avait pas été suivie par ses partenaires dans la mise en oeuvre des 35 heures.

Il a salué l'augmentation des SMIC et a constaté que la disposition relative à l'astreinte contenue dans le projet de loi ne faisait que reprendre, sur ce point, la circulaire Aubry de mars 2000, cette dernière n'ayant pourtant pas été contestée par les syndicats lors de sa parution.

M. Roland Metz a maintenu que la situation des salariés était fidèlement retracée par l'étude réalisée par le ministère du travail et qu'une sortie des SMIC multiples plus favorable pour les salariés aurait été possible. Il a ensuite affirmé que beaucoup de pays en Europe avaient permis, à leur manière, de réduire la durée du travail à 35 heures.

Il a enfin souligné que la position de la CGT relative à l'astreinte était identique à celle arrêtée par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 juillet 2002 et a déploré que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale sur ce point contredise cette jurisprudence favorable pour les salariés.

M. Guy Fischer a demandé s'il ne semblait pas à la CGT que les dispositions du projet de loi modifiaient substantiellement le champ de l'ordre public social, redéfinissant les compétences respectives de la loi et la négociation entre les partenaires sociaux. Il s'est interrogé sur l'analyse que formulait la CGT sur la modification introduite par l'Assemblée nationale à la notion de cadre intégré.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que le ministre se prévalait d'un accord général avec les partenaires sociaux au-delà de quelques critiques convenues. Il a constaté que la CGT n'avait pas apporté, loin s'en faut, son accord au projet de loi.

M. Dominique Leclerc a reproché l'uniformité des 35 heures et s'est vivement inquiété pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui ne peuvent souvent pas en assumer le coût.

M. Michel Esneu a précisé que, selon lui, l'astreinte devait s'entendre comme une période de vigilance rémunérée.

Mme Marie-José Maroni n'a pas jugé opérant l'argument relatif aux petites et moyennes entreprises, l'aide devant bénéficier à ces dernières relevant d'une autre problématique.

M. Roland Metz a constaté un désaccord de fond sur le sujet et a déploré que la consultation des partenaires sociaux par l'Etat relève de la fiction. Il a, à ce titre, vivement regretté que la commission nationale de négociation collective n'ait été interrogée que sur un projet de loi amputé de son titre II.

Audition de M. Robert Buguet, président, et de M. Pierre Burban, secrétaire général, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

La commission a procédé à l'audition de M. Robert Buguet, président, et de M. Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Robert Buguet
a rappelé, en premier lieu, que si 78 % des salariés employés dans des entreprises de plus de 20 salariés étaient passés aux 35 heures, cette proportion diminuait nettement pour les entreprises de moins de 20 salariés puisque seuls 7 % de ces dernières avaient réduit la durée du travail, créant par là une véritable dichotomie au sein du secteur marchand.

Il a souligné que l'UPA jugeait impossible de réduire le temps de travail sans contrepartie en termes de flexibilité, notion qui, dans une petite entreprise, ne pouvait être aussi élastique que dans une grande.

Insistant sur la stricte neutralité politique qu'entend observer l'UPA, il s'est néanmoins réjoui que les revendications des artisans relatives au contingent d'heures supplémentaires aient en partie obtenu satisfaction. Il a, par ailleurs, constaté qu'un certain nombre d'accords signés et dont l'extension avait été refusée par Mme Elisabeth Guigou, pourraient trouver leur mise en oeuvre par le biais du présent projet de loi.

Il a ensuite exposé que les difficultés liées à la pénurie de main-d'oeuvre dans l'artisanat atteindraient des proportions préoccupantes dans les années à venir, du fait de la situation démographique. Il a ainsi constaté que, chaque année, 800.000 salariés qualifiés partiraient en retraite alors même que l'artisanat ne pourrait compter que sur 650.000 jeunes peu ou pas qualifiés.

Il a constaté, en outre, que la taille moyenne des entreprises artisanales augmentait au fil du temps et qu'aujourd'hui les artisans étaient devenus des employeurs à part entière. A ce titre, il a précisé que l'UPA prévoyait la création d'un million d'emplois supplémentaires dans les années futures alors que les grandes entreprises, pour leur part, en supprimeraient.

Il a ensuite réclamé des états-généraux de la formation professionnelle, constatant qu'1,5 million de chômeurs pourraient être remis au travail au bénéfice d'une formation adéquate. Il a enfin affirmé que l'activité économique artisanale était en décalage avec le cycle industriel lui-même, le niveau des commandes des artisans demeurant soutenu par la consommation des ménages. Il a précisé toutefois que cette situation ne présumait pas de l'avenir.

Analysant les mesures prises par les gouvernements Juppé et Jospin relatives à la baisse des charges sociales, il a affirmé que financer la protection sociale sur le seul produit du travail constituait aujourd'hui une erreur majeure puisque ce dernier ne représentait aujourd'hui plus que 68 % du PIB contre 97 % en 1947. Il a néanmoins admis que l'ensemble des rapports sur la politique de l'emploi avaient démontré que les baisses de charges sociales étaient plus productives d'emplois que la réduction du temps de travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a demandé à M. Robert Buguet si le taux de majoration des heures supplémentaires fixé à 10 % était suffisamment adapté à la situation des entreprises artisanales.

En réponse à M. Louis Souvet, rapporteur, M. Robert Buguet a déclaré que ce taux était raisonnable, la véritable difficulté rencontrée dans l'artisanat étant la pénurie de main-d'oeuvre générant d'elle-même une hausse des coûts salariaux. Il a, en outre, insisté sur le fait que l'UPA attendait de l'Etat qu'il laisse un champ de liberté permettant aux partenaires sociaux de négocier.

M. Guy Fischer a demandé si l'ACOSS, que préside M. Pierre Burban, avait pu distinguer dans l'augmentation de l'emploi celle ressortant de la croissance et celle liée à la baisse des charges sociales.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur l'effet positif, chiffré ou prévisionnel, du contrat-jeune voté par le Parlement au cours de la session extraordinaire, et a demandé à M. Robert Buguet si l'UPA ne craignait pas d'être pénalisée par les conditions de travail plus favorables offertes aux salariés dans les grandes entreprises.

Il a rappelé que le ministre se prévalait d'un accord général avec les partenaires sociaux au-delà de quelques critiques convenues. Il a souhaité savoir si l'UPA avait apporté son accord au projet de loi présenté.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est, en premier lieu, enquis du pourcentage des salariés dans l'artisanat dont la rémunération se situe entre 1 et 1,7 SMIC.

Il a ensuite demandé à M. Robert Buguet si l'UPA et les chambres des métiers avaient apuré le conflit déjà ancien sur les centres de formation d'apprentis (CFA).

En réponse à M. Guy Fischer, M. Robert Buguet a insisté sur l'impact positif de la baisse des charges sociales sur l'emploi, tout en reconnaissant la nécessité de diversifier les ressources de la protection sociale afin de compenser cette perte.

En réponse à M. Gilbert Chabroux, il a réitéré les regrets de l'UPA concernant l'absence d'une obligation de formation dans le dispositif des contrats-jeunes. Il a néanmoins souligné que ces contrats avaient le mérite de mettre des jeunes en situation d'emploi par le biais de contrats à durée indéterminée.

Il a, en outre, précisé que la fracture salariale entre entreprises artisanales et grandes entreprises posait une vraie difficulté d'attractivité et avait suscité plusieurs campagnes publicitaires à destination des jeunes.

En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, M. Robert Buguet a précisé qu'au moins 70 % des salariés d'entreprises artisanales disposaient d'une rémunération inférieure à 1,7 SMIC, la majeure partie d'entre eux se situant entre 1,4 et 1,8 SMIC.

Il a rappelé que la multiplication des SMIC rendait très complexe le calcul de la rémunération des apprentis dont la grille salariale, calée sur ce minimum, affiche désormais 60 références. Il a noté que cette évolution justifiait, en elle-même, une harmonisation des SMIC par le haut.

Il a, en outre, constaté que des progrès avaient été faits dans la gestion des CFA mais a regretté que ces derniers butent sur les mêmes difficultés que l'enseignement technique, à savoir le vieillissement des cadres enseignants, trop longtemps déconnectés des entreprises et donc moins au fait des nouvelles techniques.

Il a enfin demandé à la commission de réfléchir aux conséquences d'une jurisprudence tendant à assimiler le temps de trajet (siège-chantier dans le bâtiment) à un temps de travail effectif. Il a, pour sa part, souhaité que le soin soit laissé aux partenaires sociaux de clarifier ce point dans les conventions collectives.

Audition de M. Jean-Marc Icard, secrétaire national chargé du pôle « emploi », M. Alain Lecanu, délégué national, et Mlle Laurence Matthys, conseillère technique, de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marc Icard, secrétaire national chargé du pôle « emploi », M. Alain Lecanu, délégué national, et Mlle Laurence Matthys, conseillère technique, de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

Abordant en premier lieu la question du rétablissement de l'unicité du SMIC, M. Jean-Marc Icard a déclaré que les propositions faites par le Conseil économique et social étaient soutenues par sa Confédération. Il a toutefois précisé qu'il ne pouvait considérer clos le débat sur les minima sociaux et proposait, à ce titre, un travail de réflexion sur la possibilité d'un salaire plancher par catégorie professionnelle négocié par branche.

Il a déclaré que la discussion du régime des heures supplémentaires pouvait être renvoyée à la négociation collective mais que, pour cela, il était nécessaire que cette dernière s'exerce dans un cadre qui ne soit pas déséquilibré. Il a ensuite réitéré l'opposition de la CFE-CGC aux exonérations de charges sociales telles que prévues par le Gouvernement qui constituent, selon lui, une trappe à bas salaires, et biaisent le recrutement des entreprises.

Il a rappelé la proposition de sa confédération d'une exonération générale sur les 1.000 premiers euros de salaires pour tous les salariés, dont le coût de prise en charge s'inscrirait dans une réforme plus vaste diversifiant le financement de la sécurité sociale. Il a, à ce titre, précisé que la CFE-CGC avait formulé une proposition de création d'une taxe sociale sur la consommation.

Concernant le problème des cadres, il a déploré la modification du régime des cadres non intégrés qui, auparavant, supposait deux critères cumulatifs -être autonome dans l'organisation de son temps de travail et avoir un temps de travail ne pouvant être prédéterminé- ces conditions devenant alternatives. Il a précisé que la CFE-CGC craignait une multiplication de la forfaitisation des cadres et par là l'allongement des horaires de travail.

Il a rappelé que la CGC avait critiqué la définition retenue par la loi Aubry pour le forfait jours parce que celle-ci posait une difficulté par rapport aux droits sociaux reconnus par le droit européen. Il a indiqué que, si la CFE-CGC avait obtenu gain de cause auprès des experts européens dans un premier temps, leurs préconisations n'avaient pas été reprises par le conseil des ministres européen du 27 mars 2002.

Il a rappelé que les lois Aubry définissaient le champ d'extension de la forfaitisation des cadres selon le niveau de revenu, de fonction et d'autonomie dans la gestion du temps de travail, alors que le projet de loi présenté par le Gouvernement se référait essentiellement à cette dernière notion, soumettant ainsi une grosse majorité des cadres au champ du forfait jours. Il a, en outre, annoncé que la CFE-CGC avait réalisé une enquête sur le stress au travail, qui avait obtenu 2.000 réponses, enquête qui révèle que 68 % des cadres souffrent de problèmes psychiques ou physiques et que 89 % souffrent du stress. Il a en outre déclaré que la CGC n'était pas initialement défavorable au principe du forfait jours, mais que celui-ci devait être mis en oeuvre de manière mesurée et ne pas nuire à la vie familiale, observant en outre que la généralisation de la classification des cadres en forfait jours avait été condamnée de manière réitérée par la jurisprudence, notamment aux dépens des entreprises Hachette, Renault et Aventis.

Concernant l'astreinte, il a estimé que le texte voté par l'Assemblée nationale s'opposait à une jurisprudence abondante sur le sujet, déplorant que, selon ce texte, l'absence d'intervention dans le temps d'astreinte assimilait ce dernier à du temps de repos.

Il a rappelé que, même sans intervention, le salarié sous astreinte ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles et donc bénéficier d'un véritable repos. Il a en conséquence vivement regretté que l'amendement de l'Assemblée nationale s'oppose brutalement à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Il a estimé que la sécurisation des accords risquait de favoriser la multiplication de signatures d'accords avant le vote définitif de la loi, accords se trouvant à la limite de la légalité.

Il a déclaré que la CFE-CGC était favorable à la monétarisation du compte épargne-temps, constatant qu'un certain nombre de cadres ne pouvaient prendre leurs jours de repos, mais sous la réserve expresse que des accords viennent préciser l'impossibilité de monétariser la totalité des jours. Il a, par ailleurs, souhaité que la gestion des comptes épargne-temps soit externalisée de l'entreprise et confiée à la branche ou au niveau interprofessionnel.

M. Louis Souvet, rapporteur, a fait part de ses réserves sur le sens d'une enquête relative au stress des cadres. Il a affirmé que, selon lui, la fonction d'encadrement générait, par essence, le stress. Concernant l'astreinte, il a observé que le texte du projet de loi reprenait celui de la circulaire Aubry du 3 mars 2000.

M. Jean-Marc Icard a rappelé que la loi Aubry I prévoyait une obligation d'embauche, que les entreprises avaient satisfaite en recrutant, de préférence, des non-cadres. Il a observé, en conséquence, que si le temps de travail des cadres avait été réduit, leur charge de travail avait consécutivement augmenté.

M. Jean Chérioux a rappelé que la jurisprudence de la Cour de cassation ne saurait, sous aucun prétexte, s'imposer au législateur qui, en l'espèce, s'inspirait du législateur précédent. Il a observé que l'astreinte n'était, ni du temps de repos, ni du temps de travail effectif, mais un temps de repos sous contraintes devant donner lieu à indemnisation.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que le ministre se prévalait d'un accord général avec les partenaires sociaux au-delà de quelques critiques convenues. Il a souhaité savoir si la CFE-CGC avait apporté son accord au projet de loi présenté.

M. Guy Fischer a demandé à M. Jean-Marc Icard de préciser l'appréciation de la CFE-CGC sur les dispositions du projet de loi relatives aux cadres, et notamment sur les amendements adoptés par l'Assemblée nationale. Il a souhaité savoir en quoi ce texte semblait plus ouvert et plus dangereux que la loi Aubry II et s'est interrogé sur les moyens de mieux cibler les cadres concernées par les forfaits jour.

Mme Gisèle Printz a demandé à M. Jean-Marc Icard si, selon les résultats de l'enquête conduite par la CFE-CGC, le stress au travail touchait davantage les femmes que les hommes.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Marc Icard a précisé que les dispositions du code du travail complétées par la jurisprudence relative à l'astreinte satisfaisaient pleinement la CFE-CGC. Il a ajouté qu'une négociation pour trouver un accord sur l'astreinte était envisageable mais que l'assimilation de cette dernière à du temps de repos demeurait inacceptable.

Il a déploré que cette modification batte en brèche la jurisprudence de la Cour de cassation du 10 juillet 2002.

Il a précisé que la CFE-CGC avait fait part de son désaccord sur plusieurs points du projet de loi, mais qu'elle ne rejetait pas le texte en bloc. Il a réitéré son regret qu'en restreignant la notion de cadre intégré, le projet de loi inclue une grosse partie des cadres dans la classification du forfait jours. Il a enfin indiqué que l'enquête conduite par sa confédération n'avait pas permis de discerner si les femmes-cadres étaient davantage victimes du stress que les hommes.

Audition de M. Denis Gautier-Sauvagnac, vice-président, M. Dominique Tellier, directeur des relations du travail, et M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

La commission a procédé à l'audition de M. Denis Gautier-Sauvagnac, vice-président, M. Dominique Tellier, directeur des relations du travail, et M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

Après avoir exprimé le souhait que l'examen du projet de loi par le Sénat soit l'occasion d'un débat riche et constructif, M. Denis Gautier-Sauvagnac est revenu sur le bilan des lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000.

Estimant que ces deux lois relevaient de la « tragi-comédie », il a considéré qu'elles avaient commis l'erreur de laisser croire qu'il était possible tout à la fois de travailler moins, de gagner autant et de créer des emplois.

Il a indiqué qu'elles avaient eu de graves conséquences : l'augmentation du coût du travail pour les entreprises sans augmentation parallèle des salaires, la dévalorisation du travail et l'incitation pour les entreprises à fonctionner parfois aux limites de la légalité.

Il a également observé que ces lois n'avaient pas permis de créer des emplois, les statistiques internationales montrant que la France n'avait pas créé davantage d'emplois dans le secteur marchand que ses partenaires européens entre 1997 et 2001.

Il a toutefois souligné que ces lois avaient néanmoins eu un impact positif facilitant la vie des entreprises : elles ont en effet introduit plus de flexibilité, notamment en matière d'annualisation du temps de travail et de possibilité pour les cadres de bénéficier du forfait en jours.

S'agissant de la nouvelle réduction unique de cotisations sociales, il s'est félicité de la déconnexion effectuée entre l'allégement de charges et l'horaire de travail. Il a observé que la France était jusqu'à présent le seul pays au monde à effectuer une telle connexion, même si, par le passé, des déconnexions avaient pu se produire, notamment lorsqu'il s'est agi d'encourager le temps partiel.

S'agissant de l'harmonisation des salaires minima, il a considéré que personne n'avait jamais imaginé que l'alignement puisse être autre chose qu'une convergence par le haut. Il a toutefois insisté sur la proposition du MEDEF de réaliser l'alignement en cinq ans afin de lisser l'augmentation des coûts salariaux, estimant que l'augmentation probable de 17 % du SMIC sur trois ans prévue par le projet de loi serait difficilement soutenable par les entreprises.

Abordant le titre II du projet de loi, M. Denis Gautier-Sauvagnac a considéré que ces dispositions constituaient certes des assouplissements des 35 heures, mais n'étaient qu'un simple aménagement de la loi du 19 janvier 2000. Il a ainsi observé que la durée légale du travail restait fixée à 35 heures et que l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires instituée par le décret annoncé par le ministre se traduirait seulement par une augmentation de 38 heures 15 à 39 heures 30 de la durée hebdomadaire du travail, dans le cas d'une consommation totale du contingent.

Soulignant à nouveau que le projet de loi ne constituait qu'un premier pas dans la voie d'un meilleur aménagement du temps de travail, il a néanmoins insisté sur le fait que le texte renforçait significativement les possibilités de négociation pour les partenaires sociaux.

Il a néanmoins regretté que le projet de loi n'aborde pas certains points importants, pour lesquels les lois précédentes se sont révélées une source importante de contentieux.

Il a d'abord indiqué que, si le projet de loi simplifiait le régime applicable aux cadres au forfait en jours, il apparaissait souhaitable qu'un accord de branche ou d'entreprise puisse être à même de déterminer à lui seul les catégories de cadres relevant de ce régime.

Il a ensuite observé que le régime actuel du temps de travail applicable aux salariés itinérants non-cadres était actuellement ingérable pour les entreprises. S'appuyant sur l'exemple des monteurs sur chantiers, des visiteurs médicaux et des mainteneurs d'ascenseurs, il a souhaité que la loi puisse leur permettre de bénéficier de conventions de forfait annuel en jours.

Il a également regretté que le projet de loi ne simplifie pas le régime applicable au temps de formation professionnelle. A cet égard, il a souligné que la distinction posée par la loi entre formation d'adaptation de l'emploi, devant être réalisée en totalité pendant le temps de travail, et formation de développement des compétences, pouvant être en partie effectuée hors temps de travail, était, en pratique, très délicate à établir.

Il a enfin déploré que le projet de loi n'aborde pas la question du temps partiel. Observant qu'il existait aujourd'hui quatre régimes différents de temps partiel, il a considéré que la législation actuelle était particulièrement complexe alors même que l'expérience montrait que le temps partiel était créateur d'emplois. Il a alors souhaité que la loi laisse plus de place à la négociation collective, notamment en matière d'heures complémentaires. A cet égard, il a observé que le temps partiel était souvent subi et que les salariés voulaient généralement travailler davantage.

Abordant la question de la sécurisation, M. Denis Gautier-Sauvagnac a rappelé l'importance des dispositions introduites à l'article 13. Indiquant que la loi du 19 janvier 2000 n'avait pas respecté les accords précédemment conclus, il a considéré qu'il était nécessaire de sécuriser les accords signés par les partenaires sociaux et naturellement conformes aux dispositions de la présente loi. Il a indiqué que de nombreuses branches professionnelles avaient été « piégées » par la seconde loi « Aubry » et avaient en conséquence anticipé un contingent de 130 heures dans leurs accords. Il a alors estimé qu'il serait difficile de renégocier ces accords et a exprimé le souci de sécuriser le nouveau contingent légal de 180 heures, en souhaitant que les contingents négociés sous l'empire des précédentes lois soient réputés nuls.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur un éventuel accord général des partenaires sociaux sur le projet de loi, au-delà des critiques qu'ils ont pu formuler et que le ministre a jugé convenues.

M. Guy Fischer a souligné les contradictions du discours du MEDEF qui, d'un côté, met en avant les conséquences graves des lois « Aubry » mais, de l'autre, se félicite de la flexibilité qu'elles ont apportée. Il s'est également demandé s'il était aujourd'hui possible d'aller plus loin en matière d'allégement de charges sans pour autant avoir des garanties en matière de création d'emploi.

En réponse aux intervenants, M. Denis Gautier-Sauvagnac a rappelé la position du MEDEF sur le projet de loi. Il a indiqué que sa critique était totale pour l'harmonisation des SMIC qui aura des conséquences dramatiques en matière d'emploi. Il a, à ce propos, souligné que le mécanisme d'allégement de charges ne compenserait pas la hausse des coûts salariaux puisqu'il s'agissait d'un simple redéploiement. Observant qu'à partir d'un seuil salarial de 1,35 ou 1,4 fois le SMIC l'entreprise était perdante, il en a conclu que le nouveau mécanisme serait principalement défavorable pour les entreprises à forte valeur ajoutée.

En revanche, il a réaffirmé son appréciation positive sur le volet du projet de loi concernant les assouplissements des 35 heures, même s'il a insisté sur la nécessité d'aller plus loin.

S'agissant des lois « Aubry », il a confirmé que leur impact avait été négatif même si le « manteau de la croissance » avait pu masquer, pour un temps, leur coût. Il a relevé que seuls le régime du forfait en jours et la possibilité d'annualisation du temps de travail avaient constitué des points positifs.

S'agissant des contreparties en emploi du dispositif proposé, il a estimé que l'emploi ne pouvait pas se décréter et que c'était le travail qui créait de l'emploi.

Audition de M. Jean Gautier, rapporteur au nom du Conseil économique et social, de l'avis « SMIC et réduction du temps de travail : des divergences à la convergence »

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Alain Gournac, puis de M. Georges Mouly, vice-présidents, la commission a procédé à l'audition de M. Jean Gautier, rapporteur au nom du Conseil économique et social, de l'avis « SMIC et réduction du temps de travail : des divergences à la convergence ».

M. Alain Gournac, président,
a rappelé que le Conseil économique et social, le 4 juin 2002, avait été saisi pour avis par le Premier ministre sur la question de la convergence des SMIC multiples. Il a précisé que cet avis ne portait donc pas sur le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. Il a souligné que, lorsque le Conseil était saisi pour avis d'un projet de loi, il était prévu que son rapporteur puisse être entendu par le Sénat. Tel n'était pas le cas en l'espèce ; aussi, la commission avait-elle le plaisir d'entendre elle-même le rapporteur du Conseil.

A titre liminaire, M. Louis Souvet, rapporteur, s'est interrogé sur le diagnostic du Conseil économique et social sur les conséquences économiques et sociales résultant de la multiplicité du SMIC, ainsi que sur les principes posés par le Conseil pour explorer les voies de sortie de ce dispositif.

M. Jean Gautier, rapporteur du Conseil économique et social, a souhaité rappeler les origines de cette multiplicité résultant de l'abaissement de la durée légale du temps de travail, des dispositions relatives à la définition et à l'évaluation du SMIC et de la loi du 19 janvier 2000 garantissant, par l'instauration d'une garantie de rémunération mensuelle (GRM), le maintien du pouvoir d'achat des salariés au SMIC.

Il a observé que le salaire mensuel de base ouvrier et le salaire horaire avaient évolué à un rythme différent du fait de la réduction du temps de travail, de telle sorte qu'au 1er juillet de chaque année intervenait une nouvelle GRM. Il a noté qu'aujourd'hui coexistaient cinq SMIC, apparus aux différentes dates du passage aux 35 heures des entreprises dans la période comprise entre 1998 et 2002. Il a indiqué que le Conseil d'Etat avait demandé, compte tenu de l'inégalité ainsi créée, qu'une date limite de convergence des SMIC soit fixée au 1er juillet 2005.

Il a indiqué qu'au sein du Conseil économique et social, tous les partenaires sociaux s'étaient accordés pour souligner le désordre provoqué par ce système. Parallèlement, le Conseil s'est inquiété de la situation de certaines PME, dans lesquelles plusieurs SMIC étaient appliqués à des salariés d'égale compétence. Il a ensuite regretté l'absence de toute promotion salariale pour les plus bas niveaux des grilles des conventions collectives dépassées par le SMIC. Il a alors relevé qu'entre 2,7 millions et 2,8 millions de salariés, soit 15 % des effectifs salariés, étaient concernés par cette situation, et particulièrement les salariés les moins qualifiés.

Puis M. Jean Gautier a exposé les principes posés par le Conseil économique et social pour explorer les voies de sortie de ce dispositif :

- le souhait de préserver la vocation initiale du SMIC, c'est-à-dire son caractère de minimum social assorti d'une participation aux fruits de la croissance ;

- la nécessité de ne pas menacer les emplois dans les entreprises par une augmentation brutale du coût du travail.

S'appuyant sur divers travaux macro-économiques et notamment sur une synthèse du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts (CSERC), il a fait valoir à cet égard que jusqu'à 300.000 emplois pouvaient être menacés par l'augmentation de plus de 10 % du SMIC induite par une convergence immédiate.

Il en a conclu que les salariés, les entreprises et l'Etat devaient partager le coût financier de cette convergence.

Il a ensuite exposé les différents scenarii envisagés au sein du Conseil économique et social qui avait distingué plusieurs « familles de solutions », celles reposant sur le recul de l'échéance du 1er juillet 2005, celles fondées sur le gel nominal de la GRM 2002 sur plusieurs années, celles, enfin, impliquant une convergence rapide. Parmi ces dernières, le scénario d'une convergence immédiate impliquant une revalorisation du SMIC horaire de l'ordre de 11 % au 1er juillet 2003 présentait le mérite d'apporter une solution immédiate à la multiplicité des SMIC, mais entraînait une forte hausse des coûts de production.

Aussi un scénario de convergence par étapes avait été également envisagé, consistant à stopper le mécanisme de création de nouvelles GRM, à aligner celles-ci sur le niveau le plus élevé, à faire évoluer la dernière GRM selon les dispositions légales en vigueur et à étaler la hausse du SMIC horaire sur plusieurs années, en procédant à des coups de pouce successifs de l'ordre de 3 % sur trois ans (2003-2005), venant s'ajouter à la hausse spontanée liée au mécanisme d'indexation.

M. Jean Gautier s'est réjoui du scénario équilibré pour lequel le Gouvernement avait opté. Il a affirmé que ce scénario prenait en compte aussi bien la préservation du pouvoir d'achat des salariés que la maîtrise des coûts de production pour les entreprises et retenait la date du 1er juillet 2005 préconisée par le Conseil d'Etat.

Au total, M. Jean Gautier s'est déclaré satisfait de l'article premier du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, avec une seule réserve mineure tenant au choix de suspendre, jusqu'au 1er juillet 2005, le mode de revalorisation du SMIC prévue à l'article 141-5 du code du travail.

M. Guy Fischer s'est inquiété du blocage du pouvoir d'achat des salariés au SMIC, induit par cette convergence. Il a craint que la réserve exprimée par M. Jean Gautier au sujet de l'article premier du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi n'ait des conséquences plus importantes à l'avenir.

Après avoir reconnu que le choix de juillet 2005 pour la convergence des SMIC relevait des aspects positifs du projet de loi, M. Gilbert Chabroux a ajouté qu'il partageait les inquiétudes de M. Guy Fischer sur la préservation du pouvoir d'achat des salariés. Il a estimé que le projet de loi s'éloignait sur ce point des recommandations du Conseil économique et social.

M. André Lardeux a interrogé M. Jean Gautier sur les effets de cette convergence sur l'emploi et sur les salariés dont la rémunération se situait juste au-dessus du SMIC.

M. Jean Gautier a indiqué que la section « travail » du Conseil économique et social a demandé aux instituts d'analyse de procéder à une étude d'impact. Il a regretté que ceux-ci n'aient pas bénéficié d'un délai suffisant pour entreprendre de telles études.

M. Jean Chérioux a assuré que le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi n'avait pas d'effet négatif sur le pouvoir d'achat, contrairement à la loi relative à la réduction du temps de travail (RTT), puisque celle-ci impliquait un gel des salaires. Il a fait valoir que le projet de loi avantageait les salaires les plus faibles. Puis il a demandé si le Conseil économique et social disposait de statistiques relatives aux effectifs de salariés au SMIC appartenant aux différentes GRM.

Répondant à MM. Guy Fisher et Gilbert Chabroux, M. Jean Gautier a rappelé que le Conseil économique et social n'avait pas eu l'intention de remettre en cause la vocation initiale du SMIC, c'est-à-dire la garantie d'un pouvoir d'achat minimum pour les salariés de faible qualification. Il a justifié le caractère mineur de sa réserve à l'égard de la rédaction de l'article premier du projet de loi par le caractère provisoire de la dérogation. Il a fait observer, à cet égard, que l'objectif poursuivi par cet article était de permettre une revalorisation du SMIC, plus forte que celle résultant des règles actuelles.

En réponse à la question de M. Jean Chérioux, M. Jean Gautier a affirmé que les deux catégories de salariés au SMIC les plus nombreux étaient les salariés bénéficiant de la GRM la plus ancienne et les salariés appartenant aux entreprises qui n'avaient pas signé d'accord relatif à la RTT.

Audition de Mme Michelle Biaggi, secrétaire confédérale, Mmes Lucile Castex et Aïcha Tlibi, assistantes confédérales, de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO)

La commission a procédé à l'audition de Mme Michelle Biaggi, secrétaire confédérale, Mmes Lucile Castex et Aïcha Tlibi, assistantes confédérales, de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO).

Mme Michelle Biaggi
a rappelé que la réduction du temps de travail était une préoccupation de CGT-FO mais préférait que celle-ci soit mise en oeuvre par voie de négociation. Elle a, à ce titre, déploré que le MEDEF ait réitéré, à plusieurs reprises, son refus de négocier sur ce point.

Elle a ensuite observé que le projet de loi présenté par le Gouvernement risquait d'inciter les entreprises à dénoncer les conventions déjà signées dans certaines branches, notamment les conventions prévoyant une tarification des heures supplémentaires supérieure à 10 %.

Elle a déploré successivement l'annonce faite par le Gouvernement du relèvement du contingent réglementaire des heures supplémentaires et l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement relatif à la définition de l'astreinte, adoption intervenue hors de toute négociation avec les partenaires sociaux. Elle a jugé inacceptable l'assimilation faite par cet amendement du temps de travail à du temps de repos.

Elle a, en outre, estimé que la monétarisation du compte épargne-temps risquait d'entraîner une série de dérives : substitution à des augmentations de salaire, tentative de capitalisation dans le cadre de la retraite.

Elle a jugé que le délai d'harmonisation des différents SMIC -fixé dès la loi Aubry II à l'année 2005- demeurait trop étendu et s'est inquiétée de la modification dans le projet de loi des modalités d'indexation du SMIC. Elle a enfin dénoncé l'absence de gain de pouvoir d'achat pour les salariés déjà passés aux 35 heures.

Elle a exprimé sa crainte que la référence à 35 heures en moyenne sur l'année disparaisse au profit d'accords conclus sur la base de 1.600 heures annuelles, générant par là une incertitude juridique sur l'avenir des accords conclus, en référence à une durée hebdomadaire moyenne, mais sur une base inférieure à 1.600 heures.

M. Guy Fischer s'est inquiété d'une éventuelle redéfinition par la loi du champ de l'ordre public social.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que le ministre se prévalait d'un accord général avec les partenaires sociaux au-delà de quelques critiques convenues. Il a souhaité savoir si la CGT-FO avait apporté son accord au projet de loi présenté.

Mme Michelle Biaggi a déclaré que la fixation d'un nouveau contingent réglementaire d'heures supplémentaires rendait quasiment impossible toute négociation sur ce point, puisqu'il n'était pas rationnel pour les syndicats d'aller au-delà et contraire à l'intérêt des entreprises de descendre en deçà.

En réponse à M. Gilbert Chabroux, Mme Michelle Biaggi a précisé que CGT-FO était favorable aux dispositions du projet de loi visant à la résorption du SMIC, mais avait formulé son désaccord sur l'ensemble des autres points, notamment l'extension du forfait jours, l'abandon de la référence aux 35 heures en moyenne par semaine et le relèvement du contingent d'heures supplémentaires.

Elle a enfin invité le Sénat à examiner avec attention les conséquences d'une remise en cause de la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux astreintes.

Audition de M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales, M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales, M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

M. Jean-François Veysset
s'est déclaré satisfait du vote en première lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale et du décret, paru ce jour, relatif au contingent d'heures supplémentaires. Il a souligné que ces deux textes prenaient conscience des difficultés des entreprises individuelles pour lesquelles l'application des lois Aubry I et Aubry II constituait une « mission impossible ». Il a, à ce titre, regretté que les délocalisations décidées par les grandes entreprises dans le contexte de la réduction du temps de travail aient un effet important sur les PME.

Il a ensuite déclaré que la CGPME avait préconisé une harmonisation des SMIC sur cinq années plutôt que trois et a, à ce titre, précisé qu'il avait communiqué cette position au Premier ministre et au ministre du travail.

Il a néanmoins exprimé la satisfaction de la CGPME concernant l'évolution prévue de la définition des cadres pouvant bénéficier du forfait jours, particulièrement au regard d'un contexte démographique futur susceptible d'entraîner des pénuries de main-d'oeuvre.

Il a ensuite estimé que le principe de sécurisation allait permettre de mettre en oeuvre des accords qui jusque-là n'avaient pu être appliqués.

Il a jugé que le renvoi de la fixation du contingent des heures supplémentaires à la négociation entre partenaires sociaux serait difficile car les syndicats de salariés risquaient de s'arc-bouter sur la norme précédemment prévue.

Il a rappelé, pour sa part, qu'il avait demandé que le seuil du déclenchement du repos compensateur puisse être fixé à 180 heures, même si le contingent conventionnel était moins élevé.

M. Gilbert Chabroux s'est indigné que le décret relatif au contingent d'heures supplémentaires ait été publié avant que ce sujet ne soit débattu au Sénat. Il a constaté le large accord de la CGPME avec le présent projet de loi. Il a toutefois relevé les réserves formulées par la confédération sur les mécanismes d'harmonisation du SMIC.

M. Guy Fischer a déploré le rythme très rapide imposé au travail législatif. Il s'est interrogé sur l'analyse que faisait la CGPME de la modification introduite par l'Assemblée nationale quant à la définition des cadres intégrés. Il a enfin regretté la volonté persistante de délocalisation de certaines entreprises et s'est inquiété de l'explosion du nombre de plans sociaux.

Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur la liberté de choix du salarié de faire, ou de ne pas faire, des heures supplémentaires.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Veysset a déclaré que le décret pris par le Gouvernement était très attendu dans le contexte d'une concurrence internationale chaque jour accrue.

Il a jugé la modification de la définition des cadres intégrés très positive.

Concernant les heures supplémentaires, il a confirmé qu'en pratique il n'était guère envisageable de contraindre un employé à faire des heures supplémentaires. Il a, a contrario, fait part de nombreux témoignages de salariés désireux de faire des heures supplémentaires afin d'améliorer leur rémunération.

M. Alain Gournac, président, s'est inquiété des conséquences qu'avait pu avoir la limitation du recours aux heures supplémentaires dans l'extension du travail dissimulé.

En réponse à M. Alain Gournac, M. Jean-François Veysset s'est déclaré partisan d'une campagne d'information sur les effets désastreux du travail dissimulé sur les finances de la protection sociale.

M. Christian Bergelin a précisé que les différences de réglementations entre pays européens dans le domaine du transport généraient des délocalisations que les lois Aubry avaient encore accentuées.

M. Jean Chérioux a déclaré qu'il n'était pas possible de fixer des réglementations économiques et sociales sans tenir compte de la situation des autres pays européens, sauf à risquer un accroissement du phénomène de délocalisation.

Audition de M. Michel Coquillion, secrétaire général adjoint, chargé des négociations, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Coquillion, secrétaire général adjoint, chargé des négociations, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Abordant le bilan de la réduction du temps de travail, M. Michel Coquillion a rappelé que les lois Aubry I et II avaient créé des emplois même s'il était fort difficile d'en réaliser le chiffrage. Il a néanmoins souligné que le véritable mérite de ces lois était d'avoir suscité un grand nombre de négociations et permis de faire avancer les dossiers de la flexibilité et l'organisation du travail.

Il a rappelé que la CFTC était a priori plus favorable à des dispositifs fondés sur le volontariat, à l'instar des dispositions prévues par la loi de Robien, mais qu'elle avait considéré que les lois Aubry I et II comme un engagement pris par la précédente majorité à l'égard des électeurs. Néanmoins, il a déploré que les lois Aubry, au demeurant très contraignantes, n'aient pas réglé la question de l'évolution des rémunérations.

Il a constaté, en outre, que le dispositif restait en quelque sorte au milieu du gué, puisque un quart des salariés n'étaient pas couverts par ces dispositifs en n'étant pas passés aux 35 heures.

Il a observé que, dans bien des cas, la négociation avait abouti à un échange de flexibilité et de modération salariale en contrepartie de la réduction du temps de travail.

Concernant le projet de loi, il a déclaré que si, dans une majorité de cas les accords signés ne devraient pas être remis en cause, le risque existait que les entreprises l'appréhendent comme une prime à l'attentisme et profitent d'une possibilité offerte d'accroître la charge du travail sans négocier davantage.

Il a déploré la posture très idéologique du MEDEF qui rendait la négociation sur l'aménagement du temps de travail difficile. Il a affirmé que le SMIC relevait de la responsabilité politique et qu'il n'était pas possible de sortir de la divergence des rémunérations garanties sans une harmonisation par le haut.

Il s'est déclaré, par ailleurs, inquiet que la sécurisation ne procure un avantage aux branches qui remettent en cause les accords précédemment négociés pour en signer de nouveaux.

M. Louis Souvet, rapporteur, a demandé si la CFTC souhaitait voir renégocier certains accords, tel celui conclu chez Renault.

En réponse à M. Louis Souvet, M. Michel Coquillion a rappelé que la CFTC ne souhaitait pas a priori de remise en cause des accords déjà signés, sauf en cas d'accords véritablement minoritaires et dérogatoires.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur les conséquences pour les salariés de la définition de l'astreinte, du forfait jours, et sur la monétarisation du compte épargne-temps.

Il a, en outre, rappelé que le ministre se prévalait d'un accord général avec les partenaires sociaux au-delà de quelques critiques convenues. Il a souhaité savoir si la CFE-CGC avait apporté son accord au projet de loi présenté.

M. Guy Fischer a déclaré qu'au-delà de ses aspects très complexes, le projet de loi avait une grande importance puisqu'il allongeait la durée du travail, aggravait les inégalités et accentuait les pressions sur les rémunérations. Il a enfin demandé à M. Michel Coquillion si ce dernier ne voyait pas, à travers ce texte, une remise en cause de l'ordre public social.

M. Jean Chérioux a admis qu'il soit difficile d'obtenir un accord entre les partenaires sociaux sur la nécessité d'assouplir les 35 heures tout en précisant qu'il existait un accord sur la nécessité de légiférer. Il a demandé à M. Michel Coquillion si la CFTC aurait préféré demeurer en l'état actuel du droit.

En réponse aux différents intervenants, M. Michel Coquillion a d'abord rappelé que la CFTC ne souhaitait pas d'abattement de charges sans obligation ou contreparties.

Il a constaté que l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires était significative. Il a néanmoins concédé que des salariés passés aux 35 heures n'étaient pas hostiles à effectuer des heures supplémentaires.

Il a déploré que la référence à la durée hebdomadaire du travail soit abandonnée au profit de la référence à la durée annuelle de 1.600 heures.

Il s'est déclaré inquiet de l'avenir des cadres intégrés car ces derniers ne réalisaient presque jamais exactement le même horaire que leurs équipes. Il a craint que la restriction apportée par le projet de loi suscite de nombreux contentieux.

Il a en outre précisé que si la CFTC n'était pas hostile à une sortie monétarisée du compte épargne-temps, elle restait très attachée à ce que celui-ci demeure comptabilisé en heures et non sous forme monétaire. Il a souhaité que ce compte épargne-temps n'ait pas d'impact défavorable sur le compte épargne-temps formation.

Il a enfin proposé que le régime de l'astreinte fasse l'objet d'un encadrement afin de prévenir le risque de voir les entreprises remplacer des postes de travail par des personnels mobilisables à tout moment pendant leur temps de repos.

M. Jean Chérioux s'est enquis de la possibilité d'un amendement permettant de limiter les effets pervers en matière d'astreinte.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Michel Coquillion a précisé qu'un garde-fou comparable à celui régissant le statut des travailleurs de nuit pouvait permettre une régulation des astreintes.

Il a enfin indiqué qu'au total la CFTC avait été demandeur d'une harmonisation de la multiplicité des SMIC et n'avait pas été hostile à un assouplissement de la réduction du temps de travail, toutefois moins profond que ce qui a été prévu par le projet de loi.

Audition de M. Gilbert Fournier, secrétaire confédéral chargé du dossier « temps de travail » et Mme Laetitia Defosse, secrétaire confédérale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Gilbert Fournier, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

M. Gilbert Fournier
a tout d'abord tenu à brosser un bilan de la réduction du temps de travail, qui remonte, pour la CFDT, bien avant les lois Aubry I et II.

Il a ainsi rappelé deux dates importantes pour la réduction du temps de travail : l'accord interprofessionnel d'octobre 1995, qui avait permis dès cette date, la conclusion de 70 accords de branche et la loi du 11 juin 1996 dite loi « de Robien », qui avait mis en place un dispositif incitatif qui comportait déjà une obligation de création ou de préservation d'emploi, et une obligation d'accord collectif pour bénéficier des aides de l'Etat.

Dressant le bilan de ce processus, M. Gilbert Fournier a rappelé qu'il avait permis 80.000 accords d'entreprise couvrant 250.000 établissements, auxquels il fallait ajouter 100.000 entreprises passées aux 35 heures par application d'un accord de branche. Il a également souligné, qu'à l'heure actuelle, les 35 heures concernaient 9,5 millions de salariés, soit 70 % des salariés à temps complet. Il a cependant noté que 4,5 millions de salariés travaillaient, aujourd'hui encore, 39 heures ou plus.

Concernant les effets sur l'emploi, M. Gilbert Fournier a évoqué le chiffre de 345.000 emplois créés et 67.000 sauvegardés.

Il a également insisté sur le fait qu'un des acquis essentiels des lois Aubry était le développement sans précédent de la négociation collective et son entrée dans le monde des petites entreprises, par le biais des délégués du personnel et des salariés mandatés.

Il a enfin indiqué que, malgré le frein que constituait le projet de loi, la CFDT poursuivrait son action en faveur des trente-cinq heures, qui lui semblaient désormais un phénomène irréversible.

Abordant l'analyse du projet de loi, M. Gilbert Fournier a tout d'abord évoqué la question du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Il a convenu que la méthode de l'alignement sur la garantie la plus élevée, dans la perspective d'une réunification du SMIC en 2005, correspondait aux attentes de la CFDT. Il a toutefois souligné les conséquences de cette évolution sur l'ensemble des grilles de salaires dans les branches. Il a également rappelé que la suppression du lien entre allégement de cotisations sociales et obligation d'accord de réduction du temps de travail enlevait toute incitation à négocier pour les employeurs. Il a enfin fait part de son inquiétude concernant le seuil de 1,7 SMIC en matière d'allégement de charges, soulignant le risque de trappe à bas salaire qui y était attaché.

Concernant la réduction du temps de travail, M. Gilbert Fournier a d'abord rappelé le caractère positif du bilan de ce processus, tel que présenté devant la commission nationale de la négociation collective, tant en matière de dialogue social, qu'en matière d'emploi, de conciliation de la vie professionnelle et familiale, ou encore de réorganisation du travail.

Face à ce bilan, M. Gilbert Fournier s'est interrogé sur les motivations de l'assouplissement envisagé et a souhaité attirer l'attention de la commission sur les conséquences d'une révision du dispositif, qui pourrait conduire à un contournement des 35 heures.

Il a concédé que cet assouplissement était sans doute nécessaire dans certains secteurs, comme celui de la boulangerie ou des hôtels-cafés-restaurants. Il a rappelé qu'à cet égard, la CFDT avait toujours été disposée à négocier les modalités de tels assouplissements, à titre transitoire, dans les secteurs où existaient des difficultés liées à l'activité ou au recrutement. Mais il a insisté sur la nécessité, pour des raisons d'équité, de généraliser la réduction du temps de travail, la plupart des salariés encore à 39 heures travaillant dans de petites entreprises.

Concernant le contingent d'heures supplémentaires, M. Gilbert Fournier a rappelé que l'augmentation du plafond était loin d'être une demande générale, dans la mesure où moins d'un quart des branches avaient négocié un contingent supérieur à 130 heures, et que les heures supplémentaires effectuées par les salariés s'élevaient, en moyenne, à 40 heures seulement.

Passant en revue les modifications prévues par le projet de loi dans le domaine du temps de travail, M. Gilbert Fournier a d'abord regretté la méthode du Gouvernement consistant à relever par décret le contingent des heures supplémentaires avant toute négociation entre les partenaires sociaux, et a souligné qu'une telle méthode faussait la négociation collective. Il a également souligné les conséquences de ce relèvement unilatéral sur les conventions en vigueur, notamment du point de vue du seuil de déclenchement du repos compensateur.

M. Gilbert Fournier a ensuite insisté sur le désaccord de la CFDT concernant la transformation de la compensation des heures supplémentaires. Il a estimé qu'en transformant le repos compensateur en indemnité monétaire, le dispositif perdrait tout caractère incitatif à la création d'emploi. Il a également insisté sur le fait que, la prorogation jusqu'à 2005, pour les entreprises de moins de dix salariés, de la limitation à 10 % de la majoration des heures supplémentaires accroîtrait les inégalités entre les salariés des très petites entreprises et ceux des entreprises plus importantes, et nuirait à l'attractivité des premières.

Concernant les repos compensateurs, M. Gilbert Fournier a estimé que leur diminution aggraverait les inégalités pour les salariés des entreprises comptant entre 10 et 20 salariés, et contribuerait à augmenter fortement la durée annuelle maximum du travail pour ces derniers.

S'agissant des dispositions relatives aux cadres et aux itinérants non cadres, il a, d'autre part, estimé que le projet de loi tendait encore une fois à accroître le nombre de salariés à statuts particuliers.

M. Gilbert Fournier s'est ensuite interrogé sur la possibilité offerte aux salariés de liquider en argent les comptes épargne-temps. Il a rappelé que ce principe serait, notamment, contraire à la règle générale en matière de congés payés, dont la raison d'être est justement d'être pris en repos.

S'agissant de l'article 5 du projet de loi, concernant la convention collective des établissements sociaux et médico-sociaux, qui limite le paiement des heures supplémentaires, contrecarrant ainsi les effets de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2002, il a estimé que, compte tenu des conditions posées, la loi ne concernerait pas plus de 15.000 salariés. Enfin, sur la non-application de cette disposition aux instances en cours, il a déclaré que la date à retenir devrait être celle de la promulgation de la loi, et non celle de son dépôt.

M. Gilbert Fournier s'est ensuite interrogé, concernant les allégements de charges sur les bas salaires, sur le transfert toujours plus important des cotisations sociales vers l'impôt. Il a estimé que ce transfert contenait en germe un changement du fondement du système français de protection sociale et pourrait, à terme, remettre en cause la place des partenaires sociaux dans la gestion de la sécurité sociale.

Il a enfin insisté sur le fait qu'en rompant le lien entre les allégements de cotisations et les accords de réduction du temps de travail, le Gouvernement se privait d'un dispositif pouvant peser sur la courbe du chômage, à un moment où celle-ci reprenait justement une trajectoire ascendante.

Evoquant les modifications apportées au projet de loi par l'Assemblée nationale, M. Gilbert Fournier a mentionné le nouvel article 13 qui vise à sécuriser les accords en vigueur par rapport à toute modification ultérieure de la loi. Il a précisé que cet article répondait à la préoccupation des partenaires sociaux, mais que l'interprétation qui en serait faite devrait se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire s'appliquer aux seuls accords qui étaient en conformité à la loi applicable au moment de leur rédaction.

S'agissant de l'article 2 bis concernant les astreintes, il a rappelé que les lois Aubry n'avaient pas fixé le régime des astreintes, et que c'était une circulaire qui avait indiqué qu'une astreinte sans intervention pouvait être incluse dans une période de repos, au regard de la réglementation relative aux repos quotidiens ou hebdomadaires, disposition reprise désormais dans le projet de loi.

Evoquant les décisions successives du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation qui ne classaient les astreintes, ni comme temps de travail, ni comme temps de repos, il a insisté sur le fait que le droit français se trouvait, en la matière, en porte à faux avec le droit communautaire qui ignore les catégories intermédiaires entre temps de travail et temps de repos.

M. Gilbert Fournier a cependant considéré qu'il aurait été souhaitable de laisser le soin aux partenaires sociaux de fixer, branche par branche, les règles en la matière. Il a estimé qu'en réalité le problème résidait dans le fait que la loi en vigueur laissait l'employeur régler unilatéralement la question, en l'absence d'accord. C'est pourquoi il s'est prononcé pour la solution alternative d'une obligation d'accord sur la question des astreintes.

Evoquant les résultats de l'enquête « le travail en question » menée par la CFDT, M. Louis Souvet, rapporteur, s'est interrogé sur la portée d'une enquête consistant à demander aux intéressés s'ils étaient satisfaits de travailler moins. Il a rappelé que, dans bien des cas, la réduction du temps de travail s'était accompagnée d'une détérioration des conditions de travail, et que la réorganisation du travail avait souvent posé des difficultés inextricables.

M. André Vantomme s'est félicité qu'au-delà des querelles de chiffres concernant le nombre d'emplois créés par la réduction du temps de travail, le développement du dialogue social soit également mis à l'actif des lois Aubry.

M. Gilbert Chabroux s'est déclaré satisfait de la volonté de la CFDT de défendre et de poursuivre la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, ainsi que du bilan positif des 35 heures en matière de création d'emploi. Il a rappelé qu'une des critiques courantes à l'égard de ce processus était qu'il aurait nuit à la « valeur travail » et il a estimé que c'était en réalité davantage la multiplication des plans sociaux par les entreprises qui dévalorisait le travail.

Revenant sur une remarque du ministre lors de son audition devant la commission concernant le partage des rôles entre la loi et la négociation collective, M. Guy Fischer a estimé que le projet de loi ne renvoyait qu'en apparence aux partenaires sociaux la définition de règles qui relevaient jusqu'alors de l'ordre public social, car il arrêtait la règle, avant toute négociation ou débat parlementaire, comme en témoignait la publication, avant même le débat au Sénat, du décret fixant le contingent des heures supplémentaires.

Répondant aux différents intervenants, M. Gilbert Fournier a souligné que la position de la CFDT concernant la réduction du temps de travail n'avait jamais varié. Il a rappelé que, dès son congrès de 1994, elle avait posé cinq principes concernant la réduction du temps de travail : la possibilité d'en faire un outil au service de l'emploi, la nécessité d'éviter l'uniformité dans sa mise en oeuvre, le principe d'un passage par la négociation collective comme moyen d'éviter cette uniformité, celui d'une prise en charge du coût par un financement public et enfin la nécessité d'instaurer un mécanisme incitatif pour pousser les partenaires sociaux à la négociation. A ce titre, il a estimé que la loi « de Robien » s'était largement inspirée de ces propositions.

Revenant sur la question du contingent d'heures supplémentaires, il a estimé que son relèvement à 180 heures ne devait pas remettre en cause les accords existants qui avaient fixé une durée inférieure, dans la mesure où cette durée correspondait aux besoins de l'entreprise concernée.

Jeudi 17 octobre 2002

- Présidence de M. Georges Mouly, puis de M. Alain Gournac, vice-présidents-

Emploi - Salaires, temps de travail et développement de l'emploi - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 21 (2002-2003)adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

A titre liminaire, M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que la commission avait exprimé, lors des débats précédant l'adoption des lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000, une triple crainte sur la politique de réduction du temps de travail menée par l'ancien gouvernement : l'absence de prise en compte des incidences de la réduction du temps de travail sur les minima salariaux risquant de provoquer un éclatement du SMIC et une augmentation du coût du travail, la priorité accordée à une réduction autoritaire de la durée du travail réduisant la place du dialogue social à la portion congrue et complexifiant à l'extrême un droit du travail déjà singulièrement illisible et, enfin, la complexité du dispositif d'aide financière, dont la pérennité des conditions de financement pérennes n'était, à l'évidence, pas assurée.

Observant que ces trois inquiétudes étaient aujourd'hui confirmées, il a indiqué que le projet de loi cherchait à y apporter une réponse pragmatique.

Il a d'abord souligné que le projet de loi engageait le processus de convergence des SMIC.

Jugeant que le dispositif posé par l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 constituait une véritable « bombe à retardement », il a présenté le scénario de convergence retenu par le projet de loi. A cet égard, il a souligné que ce scénario d'harmonisation « par le haut » en trois ans était d'ailleurs celui privilégié par le Conseil économique et social dans son avis de juillet dernier.

Il a déclaré souscrire pleinement à ce dispositif qui lui paraissait le seul véritablement praticable pour en finir avec l'éclatement des référents salariaux. Il a estimé que ce scénario permettrait de mettre fin en trois ans aux flagrantes inégalités salariales existantes, tout en garantissant au minimum le maintien du pouvoir d'achat. Observant qu'il n'était pas illégitime de craindre les conséquences de ce scénario en matière de hausse du coût du travail, il a toutefois précisé que le dispositif retenu permettait de lisser sur trois ans l'inévitable augmentation de 11,4 % du SMIC et que le nouveau dispositif d'allégement de charges permettra de compenser en grande partie le coût salarial supplémentaire. Il a également indiqué que cette solution avait l'avantage d'offrir une lisibilité inédite sur l'évolution des salaires sur trois ans.

Abordant le titre II du projet de loi relatif aux assouplissements des « 35 heures », M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que l'assouplissement essentiel concernait le régime des heures supplémentaires.

Après avoir rappelé que le régime actuel se caractérisait par son extrême complexité et sa forte rigidité, il a estimé que le projet de loi apportait une nouvelle lisibilité au régime actuel, renforçait le rôle du dialogue social et prenait en compte les spécificités des petites entreprises en étendant la période d'adaptation.

Il a ensuite indiqué que le projet de loi modifiait également le régime du temps de travail des cadres en renforçant notamment le rôle de la négociation collective pour la définition des cadres au forfait en jours. Il a toutefois estimé qu'il était nécessaire d'aller plus loin en la matière en élargissant plus encore la responsabilité de la négociation collective. Il a également jugé souhaitable d'étendre le système du forfait en jours aux salariés itinérants non-cadres.

Observant que le projet de loi prévoyait la « monétarisation » du compte épargne-temps, il a jugé que cette réforme favoriserait le développement de ce dispositif utile mais encore trop peu utilisé. Il a toutefois souligné la nécessité d'encadrer cette monétarisation afin que la réforme proposée ne remette pas en cause les règles actuellement applicables en matière de congés payés.

Après avoir rappelé que l'Assemblée nationale avait introduit un amendement clarifiant le régime de l'astreinte et que les organisations syndicales auditionnées par la commission avaient attiré son attention sur les conséquences de cette modification, il a jugé nécessaire d'étudier avec soin toutes les implications de la réforme proposée. Il a alors déclaré que cette question pourrait être à nouveau évoquée le mercredi 23 octobre prochain, lors de la réunion d'examen des amendements, si ces implications apparaissaient réellement préjudiciables à l'intérêt général.

Il est également revenu sur le dispositif de « sécurisation » introduit à l'Assemblée nationale. A ce propos, il a souhaité que les conséquences de ce nouvel article 13 soient examinées avec la plus grande attention. Il a notamment indiqué qu'il lui paraissait nécessaire de prévoir dès à présent l'impact de la future loi sur l'équilibre général des accords déjà conclus, notamment en matière de déclenchement du repos compensateur obligatoire. Il a alors considéré que le projet de loi ne devait pas avoir pour conséquence d'entraîner automatiquement la renégociation des accords actuellement applicables, à condition que leur légalité ne soit pas en cause.

Présentant ensuite les dispositions du titre III du projet de loi relatives à la nouvelle réduction de cotisations patronales de sécurité sociale, M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que cette réduction remplacerait, à compter du 1er juillet 2003, les deux principaux allégements en vigueur à savoir, d'une part, la ristourne sur les salaires, dite « ristourne Juppé », et, d'autre part, l'allégement lié à la réduction du temps de travail, dit allégement « Aubry II ».

Il a précisé que l'allégement de charges ainsi accordé aux entreprises, qui concerne leurs cotisations de sécurité sociale, d'accidents du travail et d'allocations familiales, serait de 26 points, sur un total dû de 30,2 points, pour une rémunération horaire égale au SMIC. Il deviendra nul pour une rémunération horaire égale à 1,7 fois le SMIC. Toutefois, et afin d'accompagner la convergence des minima salariaux, des modalités transitoires de calcul de cet allégement sont prévues pour les années 2003-2005.

Comparant ce nouveau dispositif avec la ristourne « Juppé » et l'allégement « Aubry II », M. Louis Souvet, rapporteur, a notamment souligné que la nouvelle réduction de cotisations était calculée sur la base du salaire horaire, et non de la rémunération mensuelle. Elle est ainsi cohérente avec les objectifs généraux du projet de loi qui assouplit, sous réserve d'accords collectifs, le recours aux heures supplémentaires. Il convient donc que le coût de ces heures supplémentaires ne soit pas dissuasif au point d'ôter toute signification à la possibilité aussi ouverte aux partenaires sociaux.

A ce sujet, M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le coût effectif d'une heure supplémentaire au niveau du SMIC était, actuellement, de l'ordre de 190 % pour une entreprise à 35 heures, et de plus de 200 % pour une entreprise à 39 heures. En effet, la ristourne « Juppé » et l'allégement « Aubry II » étant calculés sur la base de la rémunération mensuelle du salarié, chaque heure supplémentaire accroît cette rémunération et diminue, automatiquement, le montant de l'aide qui est dégressive en fonction du niveau du salaire.

M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que, dans le cadre du nouveau dispositif, calculé sur la base du salaire horaire, seule la bonification de l'heure supplémentaire contribuait à augmenter le salaire horaire moyen et, par conséquent, à réduire le montant de l'allégement accordé à l'entreprise.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que la nouvelle réduction de cotisations sociales ainsi définie était parfaitement adaptée aux objectifs que lui a assignés le Gouvernement, c'est-à-dire compenser le coût, pour les entreprises, de l'unification progressive des minima salariaux d'ici 2005, favoriser la création d'emplois, notamment d'emplois peu qualifiés et, enfin, simplifier les dispositifs existants.

Il a ajouté que le coût net résultant, pour la sécurité sociale, de la création de ce nouvel allégement de charges est estimé à un milliard d'euros en 2003, et à six milliards d'euros d'ici 2005. Il s'est félicité que ce coût soit intégralement compensé à la sécurité sociale, via le FOREC, sans détournement de recettes préalablement affectées aux régimes sociaux.

En conclusion, M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que le projet de loi était à la fois pragmatique et équilibré, permettant de concilier au mieux les aspirations des salariés et les contraintes des entreprises. Il a indiqué qu'il proposerait toutefois d'adopter une quinzaine d'amendements qui, sans remettre en cause l'équilibre général du texte, en prolongeaient la logique et lui apportaient de nécessaires précisions.

Observant que le rôle du législateur était avant tout de dégager l'intérêt général, M. Jean Chérioux a salué le souci d'équilibre recherché par le rapporteur et sa volonté de prendre en compte les observations exprimées par les partenaires sociaux lors de leur audition. Il a alors déclaré partager la proposition du rapporteur de ne pas exclure le dépôt d'amendements ultérieurs, notamment en matière d'astreinte.

M. Gilbert Chabroux, tout en reconnaissant que le rapporteur avait présenté un rapport clair et bien construit sur un sujet difficile et dans un laps de temps très restreint, a déclaré ne pas partager les conclusions qui venaient d'être exposées. Observant que les auditions réalisées par la commission avaient permis de montrer que seule, parmi les partenaires sociaux, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) était pleinement en accord avec le projet de loi, il a alors considéré que le ministre ne pouvait en aucun cas, se prévaloir d'un accord général.

Il s'est également interrogé sur les créations d'emplois suscitées par la ristourne sur les bas salaires entre 1993 et 1997, rappelant que les études économiques aboutissaient à des résultats contradictoires sur ce sujet.

S'agissant des amendements annoncés par le rapporteur, il a salué son effort de modération à l'exception de ses propositions d'extension du forfait en jours aux cadres et aux salariés itinérants. Il a notamment estimé que l'amendement sur la monétarisation du compte épargne-temps allait dans le bon sens et a également souhaité le dépôt d'un amendement sur l'astreinte et les établissements médico-sociaux. Il a toutefois considéré que les amendements proposés ne changeraient pas la nature du texte qui relève de la régression sociale.

M. Guy Fischer, observant qu'il s'agissait du premier texte social de la nouvelle législature, s'est interrogé sur la marge de manoeuvre réelle du Sénat en la matière. Il a considéré qu'il s'agissait d'un texte de régression sociale remettant en cause l'ordre public social au profit du contrat. Il a rappelé que les partenaires sociaux étaient très partagés voire très critiques sur ce texte, que l'examen à l'Assemblée nationale était loin d'avoir amélioré. Il a alors exprimé son intérêt sur les amendements que pourrait présenter ultérieurement le rapporteur afin de compenser les excès d'une lecture précipitée à l'Assemblée nationale et a souhaité en avoir communication dans les meilleurs délais.

M. Michel Esneu a estimé que le projet de loi avait atteint un réel équilibre en matière de temps de travail. Il a ainsi indiqué que le législateur restait le garant de l'intérêt général, mais que le projet de loi permettait de restaurer le rôle de la négociation contractuelle. Il a jugé cette démarche salutaire pour le développement de l'initiative privée et de l'emploi.

M. André Lardeux a considéré que le texte allait dans le bon sens en permettant de revaloriser le travail. Après avoir rappelé que de récents rapports avaient souligné l'écart croissant entre les États-Unis d'un côté et la France et l'Allemagne de l'autre, il a estimé que cet écart s'expliquait largement par la rigidité de notre système économique. Il a estimé qu'avec ce texte le Gouvernement faisait le pari, à son avis justifié, de la responsabilité des partenaires économiques et sociaux, dans un souci bien compris de recherche de l'intérêt général. Il a enfin jugé urgent de clarifier les conséquences de la réduction du temps de travail dans les établissements médico-sociaux.

M. André Geoffroy s'est inquiété des conséquences du nouveau régime de l'astreinte introduit à l'Assemblée nationale, notamment pour le secteur hospitalier et pour les services départementaux d'incendie et de secours.

En réponse aux différents intervenants, M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que sa démarche avait été guidée par la recherche constante de l'intérêt général dans le peu de temps qui lui a été offert. A cet égard, il a, à nouveau, insisté sur les deux aménagements qui lui paraissaient le plus nécessaire : l'extension du forfait en jours aux cadres et aux itinérants non-cadres. Il a également précisé que les évaluations, dont il a cité les résultats, des créations d'emplois dues à la ristourne « Juppé » étaient le fruit d'une étude de l'INSEE publiée en août 2001.

Indiquant qu'il aurait souhaité pouvoir présenter immédiatement l'ensemble de ses propositions définitives, il a jugé qu'il était néanmoins plus raisonnable de se ménager un délai jusqu'à la semaine prochaine.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles et des amendements présentés par le rapporteur.

Elle a adopté sans modification l'article premier (harmonisation des salaires minima).

A l'article 2 (assouplissements des 35 heures), outre trois amendements de précision ou de coordination, la commission a adopté un amendement visant à renvoyer plus largement à la négociation collective le soin de déterminer les cadres au forfait en jours, un amendement visant à permettre à des salariés itinérants non-cadres de relever de ce même forfait et un amendement visant à préciser les conditions de valorisation en argent des congés payés affectés au compte épargne-temps.

Elle a adopté sans modification les articles 2 bis (régime des astreintes) et 2 ter (coordination avec le code du travail maritime).

A l'article 3 (prolongation jusqu'au 31 décembre 2005 du régime transitoire applicable en matière d'heures supplémentaires pour les entreprises de 20 salariés au plus), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 4 (transposition de certaines dispositions du projet de loi dans le code rural), elle a également adopté un amendement de coordination.

Elle a adopté sans modification l'article 5 (mesure spécifique aux établissements médico-sociaux).

A l'article 6 (dispositif d'allégement de cotisations patronales de sécurité sociale), la commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle.

A l'article 7 (dispositif transitoire d'allégement de cotisations patronales de sécurité sociale), la commission a adopté deux amendements de précision ou de cohérence rédactionnelle, et un amendement visant à faire bénéficier les entreprises passées aux 35 heures, pendant la période transitoire, de la nouvelle réduction de cotisations au titre des salariés intérimaires qu'elles emploient, et ce dans les mêmes conditions que leurs propres salariés.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 8 (abrogation de l'allégement de cotisations sociales patronales lié à la réduction du temps de travail et coordination), l'article 9 (application du dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales à certains régimes spéciaux de salariés) et l'article 10 (caractère individuel de l'aide incitative à la réduction du temps de travail afférente au salarié y ouvrant droit).

A l'article 11 (date d'entrée en vigueur du dispositif d'allégement), la commission a adopté un amendement de précision.

A l'article 12 (abrogation des règles d'accès, de suspension et de suppression de l'allégement de cotisations sociales patronales lié à la réduction du temps de travail), elle a adopté un amendement visant à corriger une erreur matérielle.

Elle a adopté sans modification l'article 13 (sécurisation des accords conclus par les partenaires sociaux).

La commission a enfin adopté le projet de loi ainsi amendé.