Mercredi 25 janvier 2006

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.

Audition de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

La délégation a procédé à l'audition de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.

Rappelant tout d'abord les travaux récents de la délégation à l'aménagement du territoire, M. Jean François-Poncet, président, a successivement évoqué les deux rapports réalisés en 2003 et 2004 sur la péréquation interdépartementale et la péréquation interrégionale, le rapport présenté en 2004 par M. François Gerbaud sur les contrats de plan Etat-régions (CPER) et celui publié en juillet 2005 par M. Claude Belot sur le haut débit. Il a indiqué qu'étaient actuellement en cours une étude sur les fonds structurels européens conduite par Mme Jacqueline Gourault et par lui-même, une réflexion sur les pays confiée à M. Alain Fouché et un rapport sur les expériences locales en matière de mise en valeur des énergies renouvelables, à travers les exemples du bois-énergie et de la géothermie, confié à M. Claude Belot. Après s'être interrogé sur la date et l'ordre du jour du prochain comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT), il a salué la mise en place prochaine des pôles d'excellence rurale et s'est interrogé sur la possibilité d'affecter des crédits issus de la politique régionale européenne à leur financement. Relevant, à cet égard, que la réforme des fonds structurels européens mettait l'accent sur une approche stratégique privilégiant des thèmes comme l'innovation et la recherche, il s'est inquiété des implications que cette évolution pourrait avoir pour les espaces ruraux. Il s'est également interrogé sur la possibilité qu'émerge un compromis entre le Conseil européen et le Parlement européen sur le budget de l'Union européenne après la remise en cause par ce dernier de l'accord conclu en décembre 2005 par les Etats membres. Enfin, prenant acte de la modification du titre de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), récemment devenue Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), il a demandé des précisions sur les actions qu'elle entendait conduire en matière d'accompagnement des mutations économiques.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, a fait observer que le rattachement au ministère de l'intérieur du portefeuille de l'aménagement du territoire conférait à ce dernier plus de poids et permettait à son administration d'entretenir des liens privilégiés avec les collectivités territoriales et l'administration déconcentrée de l'Etat.

Il a ensuite indiqué qu'il s'était donné six objectifs à atteindre pour l'année 2006 :

- accompagner la montée en puissance des pôles de compétitivité ;

Il a indiqué que, grâce aux fusions intervenues depuis la labellisation des projets en 2005, les pôles de compétitivité étaient désormais au nombre de 64 et que de nouveaux rapprochements étaient attendus, cette évolution positive s'effectuant, a-t-il souligné, de manière consensuelle. Il a également mis l'accent sur l'absence de concurrence entre les projets sélectionnés qui, a-t-il insisté, présentent tous un caractère original et une forte valeur ajoutée, de sorte qu'il n'était pas opportun de parler de « saupoudrage ».

- mettre en place les pôles d'excellence rurale ;

Précisant que cette mesure visait à valoriser des expériences et des savoir-faire locaux dans des domaines aussi divers que le tourisme, la culture, les ressources naturelles, les biotechnologies ou encore les technologies de l'information et de la communication en milieu rural, il a rappelé qu'un appel à projets venait d'être lancé en vue de labelliser quelque 300 pôles d'excellence rurale.

- achever la couverture numérique du territoire ;

Rappelant l'objectif d'une couverture de 100 % du territoire national à l'horizon 2007, il a d'abord fait le point sur les avancées en matière de téléphonie mobile, indiquant à propos de la mise en oeuvre du plan de résorption des zones blanches que 300 des 1.200 sites visés par la phase 1 fonctionnaient fin 2005 et que la phase 2 du plan avait démarré en avance sur le calendrier. Concernant le haut débit, il a abondé dans le sens de la réflexion conduite en 2005 par M. Claude Belot, s'agissant de l'insuffisant développement de la concurrence entre opérateurs sur l'ensemble du territoire et du caractère légitime de l'intervention des collectivités territoriales pour construire des réseaux ouverts de télécommunications. Il a également indiqué que l'appel d'offres relatif à l'utilisation de la technologie Worldwide interoperability for microwave access (Wimax) récemment lancé contribuerait à permettre une couverture totale grâce à deux opérateurs par région. Enfin, il a fait valoir que 85 % des foyers auraient accès à la télévision numérique terrestre (TNT) au printemps 2007, souhaitant que le rapprochement en cours des deux opérateurs satellitaires facilite le lancement d'un bouquet satellitaire dans un abonnement reprenant les 18 chaînes gratuites de la TNT, afin de permettre, en complément d'un déploiement terrestre additionnel, de couvrir 100 % des foyers.

M. Alain Vasselle a mis l'accent sur la nécessité d'étendre le « dégroupage » en matière de haut débit à l'ensemble du territoire.

- accompagner les mutations économiques ;

M. Christian Estrosi a considéré que l'aménagement du territoire ne visait plus seulement à relier entre elles différentes parties du territoire, mais comportait désormais une dimension de politique économique et industrielle et devrait aussi davantage tenir compte de problématiques liées à la politique de la ville.

- améliorer la desserte du territoire en infrastructures de transport ;

Il a indiqué que l'affectation à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) d'une partie du produit de la vente des parts de l'Etat dans les sociétés autoroutières (4 milliards d'euros, dont 1,5 milliard dès 2006) permettrait d'achever cette année la mise en oeuvre du volet « infrastructures de transport » des CPER, de sorte qu'il ne serait pas nécessaire de prolonger l'application de ces contrats au-delà de 2006 et que la prochaine contractualisation entre Etat et collectivités territoriales pourrait être en phase avec la prochaine programmation de la politique régionale européenne (2007-2013).

- consommer tous les crédits européens alloués à la France ;

M. Christian Estrosi a expliqué que l'accélération de la consommation des crédits du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE) destinés à la France serait une priorité en 2006, dernière année de l'actuelle programmation des fonds structurels européens. Il a relevé, qu'aux termes de l'accord conclu par les Etats membres en décembre dernier sur les perspectives financières européennes pour la période 2007-2013, la France devrait bénéficier de 12,7 milliards d'euros (dont 2,8 milliards d'euros pour des départements d'outre-mer), ce qui était certes en baisse par rapport à l'enveloppe de 16,5 milliards d'euros reçus sur 2000-2006, mais relativement satisfaisant par rapport à ce qui était initialement envisagé. Il a considéré que la suppression du zonage pour l'utilisation des crédits de l'objectif 2 apporterait davantage de souplesse au dispositif et permettrait de concentrer les crédits sur les territoires en difficulté en fonction de thématiques prioritaires. Il a, par ailleurs, fait savoir que le cadre stratégique de référence national (CSRN) en cours d'élaboration serait validé dans quelques mois et qu'un rapport dressant le bilan de la gestion déléguée des fonds structurels, actuellement expérimentée par la région Alsace, serait remis au Parlement au premier semestre 2006.

M. Jean François-Poncet s'est interrogé sur les modalités de sélection des pôles d'excellence rurale. Il a, en outre, constaté que malgré son statut d'établissement public, l'AFITF n'était pas plus à l'abri des ingérences du ministère des finances que ne l'avait été à l'époque le Fonds d'investissement des transports terrestres et voies navigables (FITTVN). Enfin, il s'est dit défavorable à la suppression du zonage pour l'objectif 2, estimant qu'en l'absence de ce garde-fou, les territoires les plus fragiles risquaient d'être moins bien pris en compte.

M. Alain Vasselle a regretté que le réseau ouvert de haut débit construit à l'initiative du conseil général de l'Oise ne couvre pas tout le territoire du département, alors que tous ses habitants contribuent par leurs impôts à son financement, ce qui, a-t-il souligné, conduisait à s'interroger sur l'opportunité d'une imposition différenciée des contribuables selon qu'ils bénéficient ou non d'un tel service. Constatant que les CPER ne permettent pas d'impliquer l'Etat dans le financement d'équipements d'intérêt local, il a suggéré que cela soit rendu possible à travers la politique des pays. Il s'est dit en désaccord avec l'idée d'imposer aux régions de contribuer financièrement au maintien de certaines lignes ferroviaires nationales considérées comme insuffisamment rentables par la SNCF. Enfin, il a souhaité savoir si la suppression du zonage des fonds structurels européens annonçait celle de zonages applicables dans le cadre d'autres politiques.

M. François Gerbaud a contesté la récente décision de l'Etat de vendre certains biens non ferroviaires de Réseau ferré de France (RFF), alors que la question de la régénération du réseau ferré national n'était pas réglée, et a souhaité savoir si cette question serait évoquée lors du prochain CIACT. Considérant, en outre, que les CPER avaient souvent affiché des ambitions irréalistes, il a souhaité que l'Etat joue davantage à l'avenir son rôle de stratège, notamment en ce qui concerne la définition du volet « infrastructures de transport». Il a estimé, par ailleurs, que la mise en oeuvre d'une politique interrégionale en matière de grands équipements ferroviaires ne pouvait incomber aux seules régions.

En réponse, M. Christian Estrosi a mis l'accent sur le renforcement de la péréquation entre collectivités territoriales, relevant que la dotation de solidarité rurale enregistrait en 2006 une augmentation de 15 % et que la dotation de solidarité urbaine allait doubler en quatre ans. Il a affirmé qu'il n'était pas envisagé de supprimer d'autres zonages que celui des fonds structurels, rappelant à cet égard que le Gouvernement était en train de créer quinze nouvelles zones franches urbaines et que 1.400 communes supplémentaires venaient d'être classées en zones de revitalisation rurale (ZRR) par un décret du 15 novembre 2005 pris en application de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il a considéré que la suppression du zonage européen permettrait à notre pays de mieux décider de ses priorités dans le cadre des programmes opérationnels qui remplaceront les actuels documents uniques de programmation (DOCUP), sans la contrainte d'un zonage imposé par la Commission européenne. Concernant les pôles d'excellence rurale, il a précisé qu'il avait proposé qu'un comité de sélection coprésidé par le ministre de l'agriculture et par lui-même soit mis en place, comprenant, outre des représentants des grandes associations d'élus locaux, trois députés et trois sénateurs dont les présidents des délégations à l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat. Revenant sur la privatisation des sociétés autoroutières, il a fait observer qu'elle avait permis d'augmenter considérablement les ressources de l'AFITF à court terme. Il a estimé que l'extension du « dégroupage » dépendait pour partie de la volonté politique des collectivités territoriales, certains départements prenant l'initiative de réseaux ouverts de haut débit destinés à couvrir 100 % de leur territoire. Puis il a souhaité apporter quelques précisions sur la future génération de contrats de plan, indiquant qu'elle ne concernerait, dans un souci de concentration des crédits, que des projets d'infrastructure de grande ampleur et privilégierait des dossiers dont le montage est avancé et le coût clairement évalué, afin d'éviter à l'avenir les retards dans la mise en oeuvre et la dérive des coûts. Il a ajouté que si les régions resteraient les interlocuteurs privilégiés de l'Etat, les contrats de plan pourraient être également passés avec d'autres collectivités territoriales ou établissements publics, tels que les départements, les villes ou les communautés d'agglomération, selon les compétences concernées. Enfin, il a mis l'accent sur la nécessité d'évaluer régulièrement la mise en oeuvre des futurs contrats. Concernant les questions ferroviaires, il a rappelé que le ministre des transports avait mis un terme à la tentative de la SNCF de mettre fin à l'exploitation des lignes non rentables, indiquant par ailleurs que si le prochain CIACT n'avait pas vocation à définir le calendrier de réalisation des infrastructures ferroviaires, celui-ci devrait tenir compte de la prochaine génération de contrats de plan Etat-collectivités territoriales.

M. Alain Fouché a constaté que du fait de certains blocages administratifs et de la mauvaise volonté des opérateurs, le déploiement de la téléphonie mobile enregistrait un certain retard dans son département, au grand mécontentement des habitants.

M. Claude Biwer a exprimé son inquiétude à l'égard de la suppression annoncée du zonage européen, craignant que les petites collectivités territoriales en zone rurale ne soient plus en mesure d'obtenir des financements européens. Soulignant à ce propos les faibles moyens financiers et humains de celles-ci, il a mis en cause la lourdeur administrative qu'imposait la mise en oeuvre du programme européen Leader + et a plaidé en faveur davantage de souplesse. Enfin, il a constaté que la dotation de solidarité rurale progressait moins rapidement que la dotation de solidarité urbaine.

En réponse, M. Christian Estrosi a expliqué que le doublement de la dotation de solidarité urbaine était lié à l'application du plan quadriennal en faveur des banlieues. Il a fait valoir que les espaces ruraux bénéficieraient d'autres crédits, notamment grâce aux pôles d'excellence rurale et à l'extension des zones de revitalisation rurale. Concernant le plan de résorption des zones blanches en téléphonie mobile, il a rappelé qu'il avait obtenu des opérateurs qu'ils équipent les pylônes construits par les collectivités territoriales dans un délai de trois mois, contre six mois auparavant.

M. Jean François-Poncet a remercié M. Christian Estrosi d'être intervenu devant la délégation du Sénat à l'aménagement du territoire. Il s'est félicité du renforcement et de l'extension des zones de revitalisation rurale, estimant que ce dispositif était très efficace, car très attractif pour les investisseurs. Enfin, il a de nouveau exprimé sa crainte qu'une partie des crédits européens ne soit, à cause de la suppression du zonage, récupérée par les régions les plus riches et les plus peuplées, au détriment des espaces ruraux les moins développés.

M. Christian Estrosi a rappelé que grâce à une initiative du Sénat au cours de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2005, les 477 communes qui, en application de la loi sur le développement des territoires ruraux, auraient dû sortir du dispositif des ZRR en 2005, y seront maintenues de manière transitoire pendant deux ans.