Mercredi 1er février 2006

- Présidence de M. Alex Türk, président -

Echange de vues sur le programme de travail

M. Pierre André, rapporteur, a tout d'abord donné quelques orientations sur le programme de travail qu'il envisageait pour la mission d'information.

Après avoir indiqué que le bilan de la politique dite de la ville pourrait être établi depuis 1990, année de la création du premier ministère de la ville, il a considéré que la mission devrait s'interroger sur les définitions successives de la politique de la ville et ses contours, pour faire ressortir leur évolution et la spécificité des politiques dans ce domaine.

Il a souhaité que soit établi, à titre d'illustration, un état des déclarations initiales des ministres de la ville, ainsi que des déclarations de politique générale des Premiers ministres et des principaux candidats à la dernière élection présidentielle.

Il a estimé que la mission devrait également s'attacher à retracer les grandes étapes de cette politique et à rappeler les différents organismes et outils successivement mis en place.

Le rapporteur a ensuite indiqué que le programme des auditions de la mission débuterait le mercredi 22 février par l'audition de Mme Anne-Marie Charvet, pour la délégation interministérielle à la ville (DIV), et de Mme Bernadette Malgorn, préfet de la région Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine, présidente du conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS).

En ce qui concerne les auditions, le rapporteur a suggéré l'audition des responsables des principales structures dédiées à la politique de la ville, de sociologues, intellectuels, urbanistes, de certains responsables d'associations et des différentes parties concernées (organismes du secteur du logement, associations représentatives d'élus, chambres consulaires).

Il a souhaité également la mise au point d'un nombre limité d'indicateurs clés (démographie, chômage, emploi, potentiel fiscal ou financier) permettant de suivre l'évolution des quartiers depuis 1990.

Le rapporteur a suggéré l'établissement de deux questionnaires : l'un, à destination des ambassades de France, tendant à obtenir des informations utiles sur la politique de la ville menée dans les différents pays confrontés à des situations semblables, l'autre, à destination des maires des communes de plus de 10.000 habitants concernées par la politique de la ville. Pour ce dernier questionnaire, il a indiqué qu'il pourrait être fait appel à un cabinet spécialisé.

S'agissant des déplacements, il a jugé prioritaire d'effectuer un déplacement à Bruxelles auprès des instances communautaires et de donner la parole aux élus de terrain. Le rapporteur a évoqué la possibilité d'organiser un déplacement outre-mer ainsi qu'à l'étranger, par exemple en Espagne et en Suède. Il a par ailleurs estimé souhaitable d'effectuer quatre ou cinq déplacements, d'une durée de deux jours, dans de grandes métropoles régionales, sans oublier les villes moyennes de province et les quartiers épargnés par les récentes violences urbaines.

En ce qui concerne la médiatisation des travaux de la mission d'information, le rapporteur a enfin souhaité éviter tout excès et privilégier les conférences de presse avec la presse régionale lors des déplacements. Il a également souhaité que seules les auditions choisies par la mission fassent l'objet d'une retransmission sur la chaîne Public Sénat.

M. Jacques Mahéas a estimé que la mission devait se concentrer sur l'emploi et les discriminations à l'embauche (et donc entendre des responsables de l'ANPE), le logement et l'éducation. Soulignant le rôle néfaste joué par les chaînes de télévision pendant les événements de novembre 2005, il a souhaité que leurs responsables s'en expliquent devant les membres de la mission.

Mme Dominique Voynet, après s'être félicitée de la proposition d'auditionner les anciens ministres de la ville pour apprécier les évolutions de cette politique, a jugé utile d'étudier le rôle de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT, ex DATAR), ainsi que des nouveaux instruments de démocratie participative que constituent les comités de quartier et la Ligue de l'enseignement.

Après avoir lui aussi dénoncé le rôle des médias, M. Jean-Paul Alduy a souhaité que la mission mette en avant les expériences positives menées, citant l'exemple d'une cité de 5.000 logements à Perpignan. Il a en outre souligné la vitalité sociale de ces quartiers, notamment en matière culturelle, en évoquant l'expérience des Nouveaux territoires de l'art, avant d'estimer que de nombreux problèmes découlaient du mauvais fonctionnement des mécanismes de médiation (comme les régies et les conseils de quartier). Il a par ailleurs jugé indispensable de faire le bilan de programmes communautaires.

S'agissant des déplacements de la mission, il a préconisé de privilégier l'Espagne par rapport à la Suède, en soulignant l'intérêt de se rendre dans des pays ayant des systèmes de décision différents, mais rencontrant des difficultés analogues à celles de la France.

Après avoir salué l'intérêt de l'ouvrage de M. Claude Jacquier « Voyage dans dix quartiers en crise en Europe » et rappelé qu'il remettait en cause certaines idées reçues, comme le déterminisme architectural, M. Yves Dauge a jugé que la mission devait définir de nouveaux critères pour la politique de la ville.

Evoquant les exemples de Dreux, Vénissieux, Vaulx-en-Velin et des quartiers Nord de Marseille, il a estimé que les efforts fournis depuis 15 ans avaient permis d'éviter un embrasement en novembre dernier, tout en soulignant l'importance d'une politique cohérente de long terme. Réfutant la tentation d'une critique systématique des politiques menées depuis quinze ans, responsable à son sens de la démobilisation des acteurs de terrain, il a jugé indispensable de redonner confiance et a déploré le mépris manifesté à l'encontre des jeunes des quartiers.

Enfin, il a estimé que la politique de la ville incombait directement au Premier ministre, et non à un ministre de la ville.

M. Thierry Repentin a pour sa part souligné l'importance des phénomènes de ghetto mis en lumière par l'ouvrage de M. Eric Maurin « Le ghetto français », et souhaité que la mission étudie l'exemple des cités ayant résisté à l'embrasement, malgré des problèmes de ghettoïsation et de paupérisation.

Il a également suggéré de vérifier l'efficacité des politiques publiques menées pour lutter contre ce phénomène, notamment par l'école, puis a préconisé que soit abordée la question de la sécurité. Il a en outre souligné l'importance des dynamiques associatives locales à côté des politiques d'urbanisme.

Il a par ailleurs souhaité que soient auditionnés des jeunes des banlieues, rappelant qu'ils représentaient la France de demain, ainsi que les cabinets d'audit spécialisés dans l'évaluation des grands projets de ville.

Il s'est enfin interrogé sur la possibilité d'apporter des réponses analogues aux banlieues d'Ile-de-France et des régions, notamment en matière de carte scolaire.

M. Yves Dauge a ensuite rappelé l'importance de l'économie souterraine dans les quartiers, estimant que la fin des violences pouvait être imputée à l'action des trafiquants.

M. Jean-Paul Alduy ayant observé que le maire était au coeur de la politique de la ville, alors même que les problèmes se situaient au niveau de l'intercommunalité, qui n'avait que rarement la charge de cette politique, M. Pierre André, rapporteur, a estimé que cette difficulté visait surtout des intercommunalités comptant plusieurs communes d'importance analogue, dont les maires refusaient d'abandonner leurs prérogatives.