Mercredi 22 février 2006

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.

Audition de M. Matthieu Louvot, conseiller technique en charge de l'aménagement du territoire au cabinet du ministre de l'intérieur, et de M. Michael Trabbia, conseiller technique en charge des affaires européennes au cabinet du ministre délégué à l'aménagement du territoire

La délégation a procédé à l'audition de M. Matthieu Louvot, conseiller technique en charge de l'aménagement du territoire au cabinet du ministre de l'intérieur, et de M. Michael Trabbia, conseiller technique en charge des affaires européennes au cabinet du ministre délégué à l'aménagement du territoire.

Evoquant la tenue prochaine d'un comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT), M. Jean François-Poncet, président, a demandé des précisions sur la répartition entre régions des crédits européens destinés à la France au titre de la programmation 2007-2013 des fonds structurels, qui devrait être rendue publique à cette occasion, ainsi que sur l'état d'avancement de l'élaboration du cadre de référence stratégique national (CRSN). Il a souhaité savoir, à cet égard, si la Délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire serait consultée sur ce document stratégique avant son adoption définitive, comme il en a fait la demande.

S'agissant de la répartition entre régions des crédits européens, M. Matthieu Louvot, conseiller technique en charge de l'aménagement du territoire au cabinet du ministre de l'intérieur, a indiqué que le CIACT ne procéderait pas à une répartition contraignante, mais fixerait les grandes orientations.

M. Michaël Trabbia, conseiller technique en charge des affaires européennes au cabinet du ministre délégué à l'aménagement du territoire, a fait savoir qu'après une phase de consultations techniques conduites au niveau régional sur la base d'un document de travail, une première version du CRSN serait présentée lors du CIACT avant d'être soumise à une large concertation à l'échelle nationale, en vue d'une transmission informelle à la Commission européenne prévue à partir de fin mars 2006.

Revenant sur la réforme en cours de la politique européenne de cohésion, M. Matthieu Louvot a relevé que ses principales innovations consistaient en un recentrage de ses priorités sur la stratégie de Lisbonne et en la suppression du zonage des subventions attribuées dans le cadre de l'objectif 2. Il a fait valoir le caractère acceptable de la baisse de l'enveloppe destinée à la France qui, a-t-il rappelé, reviendrait, pour le seul objectif 2 nouveau (fusion des objectifs 2 et 3 de l'ancienne génération de fonds) de 12 milliards d'euros pour la période 2000-2006 à 9 milliards sur la période 2007-2013. A propos du CRSN, il a fait part du souhait du Gouvernement que celui-ci ne constitue pas un instrument trop contraignant pour les programmes opérationnels qui en découleront, mais qu'il laisse au contraire des marges de manoeuvre pour des redéploiements de crédits à l'échelle de chaque région.

En réponse à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, qui s'interrogeait sur la part respective du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE) dans l'enveloppe de crédits destinée à la France au titre de l'objectif 2, M. Matthieu Louvot a indiqué que ce point serait tranché lors du prochain CIACT, de même que la question du choix de l'autorité de gestion des fonds au niveau régional, soulignant à cet égard que les expérimentations conduites ne mettaient pas en évidence de différences techniques entre la gestion de l'Etat et celle des conseils régionaux.

M. Jean François-Poncet, président, a exprimé la crainte que les critères de Lisbonne, de par l'importance qu'ils confèrent à l'innovation, conduisent à privilégier les zones urbaines au détriment des zones rurales pourtant en cours de repeuplement. Après avoir noté que les crédits du Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) étaient relativement réduits et essentiellement orientés vers le soutien aux structures agricoles, il a souhaité savoir si le FEDER abonderait les pôles d'excellence rurale.

Ayant relevé que l'obligation de prendre en compte la stratégie de Lisbonne concernait 75 % des crédits de l'objectif 2 et laissait une grande liberté d'utilisation pour les 25 % restants et ayant souligné, en outre, que l'innovation pouvait aussi se rencontrer dans les zones rurales, M. Michaël Trabbia a assuré que certains des pôles d'excellence rurale pourraient prétendre à des cofinancements européens. Il a ajouté que d'ici à la fin de l'année 2006, quelque 5 millions d'euros pourraient être mobilisés en faveur de ces pôles sur les crédits « Leader + » de la programmation 2000-2006 encore disponibles.

M. Matthieu Louvot a précisé que trois des quatre thèmes retenus pour les pôles d'excellence rurale étaient cohérents avec les critères de Lisbonne.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a souhaité obtenir la liste détaillée des dépenses et des projets qui pourront être considérés comme répondant à cette stratégie de Lisbonne.

Après avoir précisé que cette liste était en cours d'élaboration, M. Michaël Trabbia a indiqué qu'un document provisoire établi dans cette perspective par la Commission européenne pourrait toutefois lui être transmis.

M. Matthieu Louvot ayant indiqué, par ailleurs, que les projets d'investissement élaborés dans le cadre de pôles de compétitivité pourraient également être éligibles à des fonds européens, M. Jean François-Poncet, président, a estimé que les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale rassembleraient peu ou prou tous les projets existants et réalisables à court terme sur l'ensemble du territoire et qu'il convenait désormais d'explorer de nouvelles pistes pour encourager à long terme le développement de l'espace rural.

M. Matthieu Louvot a mis l'accent sur les systèmes productifs locaux, indiquant que ce dispositif intermédiaire entre les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale pourrait aussi bénéficier de crédits issus des fonds structurels.

Evoquant ensuite la règle dite du « dégagement d'office » applicable aux crédits ouverts non utilisés au terme de deux années, M. Jean François-Poncet, président, l'a jugée trop rigide, notamment au regard de l'exigence d'innovation qui s'imposerait aux projets éligibles dans le cadre de la prochaine programmation, craignant qu'elle ne conduise à des pertes importantes pour la France, du moins les premières années.

M. Michaël Trabbia a précisé que la règle du dégagement d'office ne s'appliquait pas projet par projet, mais à l'échelle de chaque programme opérationnel, c'est-à-dire, selon les cas, au niveau national ou régional. En outre, il a fait observer qu'en imposant à l'ensemble des Etats membres, y compris aux nouveaux, des contraintes en matière de consommation des fonds, cette règle permettait d'éviter des reports de crédits en cascade et s'avérait finalement protectrice des finances publiques européennes et par conséquent du budget de la France, pays contributeur net au budget européen. En réponse à une question de M. Jean François-Poncet, président, il a indiqué que le CIACT devrait retenir l'idée de programmes interrégionaux, afin d'affermir des dispositifs déjà existants, comme les conventions interrégionales de massif en matière de politique de la montagne.

M. Jean François-Poncet, président, et Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, s'étant interrogés sur le type de programmation envisagé pour le fonds social européen (FSE), M. Michaël Trabbia a fait part du souhait du Gouvernement de pouvoir mobiliser ce fonds au profit des zones urbaines sensibles, tout en suggérant d'interroger sur ce point les services du ministère en charge de l'emploi.

M. Matthieu Louvot a mis l'accent sur une nouvelle dimension de la politique française d'aménagement du territoire, visant à prendre en compte les inégalités territoriales infra-urbaines par des mesures en faveur du développement économique et du désenclavement des quartiers défavorisés.