Mardi 30 janvier 2007

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.

Audition de M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires

La délégation a successivement entendu M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, accompagné de MM. Michel Vermeulen, conseiller auprès du délégué, et Marc Guigon, chargé de mission, puis M. Claude Martinand, vice-président du conseil général des ponts et chaussées.

Rappelant que la délégation avait confié à Mme Jacqueline Alquier et à M. Claude Biwer la rédaction d'un rapport sur l'équipement de la France en infrastructures de transports et sur l'état du désenclavement du territoire national, M. Jean François-Poncet, président, a souligné, avant de donner la parole à M. Pierre Mirabaud, que la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) pourrait contribuer à la réflexion de la délégation sur les principales questions qui devraient être étudiées dans le cadre de ce rapport :

- les effets, à la lumière de l'expérience, du désenclavement sur le développement économique des territoires, effets dont semblent témoigner de nombreux exemples, tel celui du département du Lot, qui a vu sa population augmenter depuis l'achèvement de l'autoroute A20 ;

- la situation actuelle des grands projets d'infrastructures de transports, les choix qu'ils traduisent, l'échéancier de leur réalisation ;

- la question, enfin, des conditions de financement de ces projets et, en particulier, celle de l'opportunité dans certains cas d'un recours à des formules de partenariat public-privé (PPP).

En réponse à ces questions, M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, a tout d'abord rappelé que l'essentiel des grands projets d'infrastructures arrêtés lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003 avaient aujourd'hui été lancés, aussi bien dans le domaine routier et dans le domaine ferroviaire que dans le domaine fluvial -les travaux de réalisation du projet de canal Nord-Seine venant de débuter- mais qu'ils nécessiteraient encore des années de travaux.

En ce qui concerne les modalités de leur financement, il a observé que les moyens apportés par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) avaient incontestablement fait avancer les choses et permis qu'environ 80 % des projets routiers et 70 % des projets ferroviaires aient pu être engagés à l'échéance prévue. Il a toutefois souligné qu'à compter de 2008, l'AFITF ne disposerait plus que de ses ressources pérennes, légèrement inférieures à un milliard d'euros par an, soit à peu près la moitié de ses dépenses annuelles en 2006 et 2007.

En réponse à une question de M. François Gerbaud, qui s'interrogeait sur le rapport entre le montant de ces dépenses et celui des investissements prévus, voisin de 7 milliards d'euros, il a précisé que les dépenses engagées étaient de l'ordre de quatre milliards d'euros en 2006 et trois milliards et demi d'euros en 2007, correspondant, pour chacune de ces deux années, à un montant de deux milliards d'euros de crédits de paiement.

Il a en outre indiqué qu'à ces moyens s'étaient ajoutés 3,2 milliards d'euros de crédits inscrits au budget de l'Etat, qui avaient financés des projets routiers, fluviaux ou ferroviaires comprenant notamment un programme ambitieux de régénération des anciens réseaux ferrés avec le concours facultatif des régions sous la forme de conventions et il a évoqué la place importante que devraient prendre les projets ferroviaires ou de desserte fluviale dans les contrats de projet Etat-région.

A propos des effets du désenclavement sur le développement des territoires, il a estimé que, si l'on constatait une évolution démographique dans les départements les plus ruraux, le développement des infrastructures de transport n'était pas, a priori, un facteur dominant d'explication du développement économique et que la ligne de partage du territoire français selon un axe nord-ouest/sud-est semblait relativement indépendante de la distribution géographique des infrastructures de transports. Il a relevé que le lien entre les investissements dans les transports et l'évolution du PIB paraissait moins net qu'auparavant, peut-être en raison des investissements déjà réalisés.

Sur ce point, M. Michel Vermeulen a précisé que, si la plupart des études faisait état d'une relation positive entre les dotations affectées aux infrastructures et le développement économique, celle-ci était toutefois très différente selon les situations et ne signifiait pas nécessairement l'existence d'un lien de causalité. Il a dès lors considéré qu'il était utile de compléter ces hypothèses générales par des analyses de cas concrets, comme ceux du plan autoroutier breton, de l'autoroute A10, des lignes de TGV, ou les études menées par les observatoires des autoroutes mis en place par la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône ou les autoroutes du sud de la France.

Prenant l'exemple de l'autoroute A 39, dont l'impact a été très contrasté selon les zones, M. Michel Vermeulen a conclu que les infrastructures de transports pouvaient être considérées comme des conditions nécessaires mais non suffisantes du développement économique. Il est cependant difficile de caractériser de façon rigoureuse les stratégies de développement mises en oeuvre par les acteurs locaux pour apprécier si elles ont ou non permis de tirer parti de l'opportunité constituée par la réalisation d'une infrastructure. Il a ajouté qu'un autre enseignement du cas de l'autoroute A 39 était le fait que le principal effet économique potentiel d'une infrastructure de transport passait souvent davantage par le développement des entreprises déjà présentes que par l'arrivée éventuelle de nouveaux opérateurs. Il a indiqué que, pour répondre au souhait exprimé par le président, la DIACT allait approfondir ces questions.

M. Jean François-Poncet, président, a souligné l'intérêt que de telles études de cas présenteraient pour la délégation, les liens entre infrastructures de transport et développement étant souvent très perceptibles à l'échelle d'un territoire. Il a relevé que l'exemple d'Agen illustrait le fait que les infrastructures de transports constituent des conditions nécessaires mais non suffisantes du développement : la seule construction de l'autoroute Bordeaux-Toulouse n'aurait en effet pas eu de conséquence sur le développement d'Agen, si les acteurs locaux n'avaient pas mis en oeuvre une stratégie active dont le pivot a été la création de l'agropole, qui regroupe aujourd'hui cent-vingt entreprises représentant environ deux mille emplois. Il a fait valoir que c'est à partir de ce pôle qu'avait pu s'enclencher un cercle vertueux conduisant à l'installation d'administrations ou d'entreprises cherchant une situation centrale entre Bordeaux et Toulouse, remarquant que de tels exemples accréditaient l'idée que « désenclaver, c'est déjà développer », parfois contestée par certains opposants aux grands projets d'infrastructures.

Mme Jacqueline Alquier, rapporteur, a posé des questions, d'une part, sur la définition précise de ce que l'on appelle aujourd'hui les projets de désenclavement, demandant si cette définition incluait, par exemple, la liaison Castres-Mazamet et, d'autre part, sur le critère utilisé pour définir la notion même de désenclavement. Elle a aussi demandé des précisions sur les projets en matière de transport ferroviaire et de développement du ferroutage.

M. Pierre Mirabaud a rappelé que les projets en cours de réalisation étaient ceux retenus par le CIADT du 18 décembre 2003.

M. Jean François-Poncet, président, ayant souhaité savoir si cette liste de projets « épuisait le sujet », M. Michel Vermeulen a précisé, en produisant des cartes illustrant les projets lancés, qu'en plus des projets clairement identifiés lors du CIADT, certains choix restaient à préciser concernant par exemple la région de Castres et de Mazamet, de même que les liaisons entre Paris et la Basse-Seine, entre Paris et Tours, ou encore la zone délimitée par Aurillac, Figeac et Villefranche-de-Rouergue.

Répondant ensuite à la question relative au critère du désenclavement, il a évoqué le principe posé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 -dite « loi Pasqua »- selon lequel une aire urbaine de plus de dix mille habitants ne doit pas être située à plus de cinquante kilomètres de distance ou quarante-cinq minutes de temps de trajet d'un grand axe de transport. Il a noté que le schéma des « grandes liaisons d'aménagement du territoire » permettrait d'atteindre cet objectif, dont il reste à fixer le rythme de réalisation.

M. Pierre Mirabaud a rappelé que le volet ferroviaire des grands projets actuels était particulièrement ambitieux avec l'accélération de la construction de lignes à grande vitesse (LGV) notamment par la liaison Bordeaux-Tours au moyen d'une délégation de service public et par le développement du réseau breton. En ce qui concerne les lignes traditionnelles, il a rappelé que les contrats de projet Etat-régions prévoiraient toujours une composante ferroviaire permettant le cofinancement d'actions par l'Etat et les régions.

Mme Jacqueline Alquier, rapporteur, a ensuite demandé comment la traversée des Pyrénées s'inscrivait dans le cadre des projets tel qu'il venait d'être défini.

Sur ce point, M. Michel Vermeulen a rappelé que l'ensemble de la question était traitée dans le cadre d'une commission franco-espagnole, le suivi technique du dossier au sein de l'administration française étant assuré par la mission Alpes-Pyrénées du ministère de l'équipement.

M. François Gerbaud a fait part de ses interrogations sur le projet de nouvelle ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges prévue par le CIADT du 18 décembre 2003, en particulier quant au coût de l'opération et à l'état d'avancement du processus décisionnel.

M. Pierre Mirabaud a précisé que le coût prévisionnel de cette ligne était de l'ordre de 1,1 à 1,3 milliard d'euros sur 25 ans, que le débat public était désormais terminé, les conclusions devant être connues très prochainement et les décisions de Réseau ferré de France (RFF) devant ensuite intervenir : aucune option définitive n'a donc encore été prise formellement sur ce projet.

M. Claude Belot a remarqué que, un peu plus de dix ans après la loi dite « Pasqua », beaucoup de progrès avaient déjà été réalisés et que les décisions fondatrices avaient été prises, mais que demeuraient des difficultés parfois difficilement compréhensibles.

Au titre des avancées, il a relevé que les problèmes liés à l'enclavement, à la différence de ceux relatifs au développement des technologies de l'information ou à la formation, n'étaient plus aussi présents dans les préoccupations des entreprises qu'il y a quelques années, ce qui donne à penser qu'une grande partie des difficultés en ce domaine ont été résolues, même s'il est tout à fait exact que l'existence d'infrastructures de transports ne suffit jamais à elle seule à créer un processus de développement.

En revanche, a-t-il souligné, d'autres questions demeurent posées, et d'abord celle de la traversée des Pyrénées. Après avoir rappelé que les Espagnols avaient, pour leur part, déjà réalisé toutes les infrastructures permettant de relier Valence au Somport, il s'est étonné de l'obstination traditionnelle à vouloir réaliser la traversée au niveau du pays basque, alors que le développement très rapide du sud-est de l'Espagne occasionne une croissance rapide des besoins de transports à l'autre extrémité de la chaîne pyrénéenne. Il s'est également interrogé sur les raisons qui s'opposent à la réalisation de « l'autoroute de la mer » -c'est-à-dire du développement du fret maritime- sur la façade atlantique.

M. Pierre Mirabaud a rappelé qu'il existait bien un grand projet de développement du fret maritime le long de la côte atlantique, mais que l'exemple du projet déjà réalisé en Méditerranée mettait en évidence le développement relativement lent de ces solutions.

M. Claude Martinand, vice-président du conseil général des ponts et chaussées est intervenu pour faire état des difficultés identifiées à ce propos par le groupe « Van Miert » de réflexion sur le réseau transeuropéen de transport, auquel il avait participé. Il a indiqué qu'hormis les cas où le marché a un intérêt spontané à ce type de projets, qui se réalisent alors très rapidement, leur développement est généralement très lent, puisqu'il est nécessaire que convergent, d'une part, la montée du trafic et, d'autre part, l'équipement des ports, la création d'interfaces mer-route et la mise en place de nouveaux modes d'organisation.

M. Michel Vermeulen a ajouté que cette lenteur de démarrage était illustrée par l'actuelle liaison Toulon-Rome qui n'a vraisemblablement pas encore atteint le seuil de rentabilité alors même qu'elle présente l'intérêt de permettre des liaisons plus rapides et plus faciles que par la route.

Revenant sur le projet du Somport, M. Pierre Mirabaud a rappelé que la liaison Oléron-Pau devrait vraisemblablement être terminée prochainement.

Mme Jacqueline Alquier, rapporteur, a posé une question sur les projets en matière d'amélioration du transport aérien.

M. Jean François-Poncet, président, a rappelé à ce sujet que la loi du 4 février 1995 avait instauré le financement d'un fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (le FIATA) par une taxe dont le montant avait été ramené de 4 euros par billet d'avion à 1 euro, fonds aujourd'hui remplacé par une ligne budgétaire. Il a souligné l'intérêt de ce financement, dont les aéroports des villes moyennes sont très largement dépendants, et il a posé une question sur l'avenir des liaisons aériennes qu'ils permettent d'assurer.

M. Michel Vermeulen a noté que la question du transport aérien se posait en des termes particuliers selon les zones. Il a ainsi pris l'exemple, d'une part, des villes se situant aux confins du grand bassin parisien, relativement éloignées de la capitale mais insuffisamment pour demander à disposer d'aéroports et, d'autre part, des villes moyennes éloignées du TGV dans lesquelles il existe une demande de liaison aérienne avec Paris. Il a, par ailleurs, estimé que des perspectives d'évolution existaient sans doute en matière d'organisation industrielle du trafic, celle-ci reposant aujourd'hui sur un financement ligne par ligne alors qu'une structuration par zone géographique pourrait s'avérer plus avantageuse pour les opérateurs.

M. Claude Belot a confirmé que les liaisons aériennes perdaient de leur intérêt pour les villes situées à moins de 3 heures de Paris en TGV, l'avion pouvant cependant rester un moyen d'assurer des liaisons transversales, comme le montre l'exemple de La Rochelle, que l'avion ne relie désormais plus à la capitale mais à Lyon. Il a toutefois observé qu'une partie des flux aériens vers La Rochelle échappait à la France, dans la mesure où les voyageurs étrangers sur des longs courriers ne ralliaient pas la ville charentaise par Lyon mais via Londres-Gatwick en empruntant une ligne exploitée par la compagnie Easy Jet.

M. Pierre Mirabaud a précisé que le FIATA n'intervenait que dans les villes pour lesquelles il n'existait pas de possibilité de se rendre à Paris en moins de 2 h 45 par TGV.

En conclusions de ce premier débat, M. Jean François-Poncet, président, a remercié M. Pierre Mirabaud pour les éléments d'information apportés à la délégation, indiquant que ses rapporteurs auraient certainement l'occasion de poursuivre le dialogue avec la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT).

Audition de M. Claude Martinand, vice-président du conseil général des ponts et chaussées

Il a ensuite donné la parole à M. Claude Martinand, vice-président du conseil général des ponts et chaussées.

M. Claude Martinand, vice-président du conseil général des ponts et chaussées, a développé cinq aspects liés à la problématique de l'étude menée par la délégation, relatifs respectivement à la notion même de transport, à l'importance de l'équité dans les choix publics en ce domaine, au financement des infrastructures de transport, à la situation particulière du fret ferroviaire et enfin au lien entre désenclavement et développement économique.

M. Claude Martinand a tout d'abord rappelé que le transport était à la fois une industrie et une activité de service utilisant des infrastructures. A ce titre, il a fait valoir que l'essentiel des difficultés ne provenaient pas toujours des infrastructures mais plutôt de la qualité du service offert, prenant l'exemple de la différence de traitement entre la Savoie, très bien desservie par la SNCF, et la Haute-Savoie, qui l'est beaucoup moins alors que les infrastructures sont comparables.

Au titre de la qualité du service, il a aussi évoqué les difficultés pour les différents intervenants de « co-organiser » les transports dans certaines agglomérations telles que Lyon ou Marseille, tout en rappelant que les problématiques d'organisation du transport sont relativement complexes dans la mesure où elles relèvent, pour une part, de la concurrence et, pour une part, de décisions administratives.

Il a ensuite souligné l'importance de la notion de mobilité, souvent associée à celle de transport, en soulignant qu'il pouvait exister une bonne et une mauvaise mobilité. A ce titre, il s'est par exemple interrogé sur l'opportunité d'utiliser l'avion pour certains trajets, eu égard au bruit ou à l'énergie consommée. A l'inverse, il a estimé que, malgré ses inconvénients, notamment en termes d'environnement, la route demeurait le seul mode de transport universel et qu'il fallait dès lors ne pas faire preuve de dogmatisme dans la volonté légitime de privilégier le rail ou le transport fluvial, évoquant à ce propos les débats actuels relatifs à la liaison entre la vallée du Rhône et l'arc languedocien.

En deuxième lieu, M. Claude Martinand a relevé le peu d'intérêt des économistes pour la notion d'équité ou d'accessibilité, qui n'est pas quantifiable et donc souvent peu prise en compte au regard des considérations d'efficacité ou de rentabilité. Il a mis en avant la nécessité d'améliorer sur ce point l'évaluation socio-économique, faute de quoi un certain nombre de projets ne seront pas considérés comme dignes d'intérêts alors qu'ils pourront répondre à de vrais besoins. Il a également estimé qu'un autre problème d'équité, particulièrement aigu, serait posé si les cours du pétrole atteignaient cent à deux cents dollars le baril, ce qui exposerait les habitants des quartiers périphériques -déjà exclus des centre-villes par le prix du logement- à des dépenses très lourdes pour financer les déplacements quotidiens vers leur lieu de travail.

Il a d'ailleurs noté que si elle était insuffisamment prise en compte dans les évaluations socio-économiques, la notion d'équité avait souvent joué un rôle central dans les choix politiques. Il a ainsi rappelé la volonté, sous la Troisième République, de Charles de Freycinet de desservir chaque chef-lieu de canton par le chemin de fer, ce qui correspondait à l'époque à un projet républicain majeur, celui d'assurer l'unité du territoire et la solidarité entre la ville et l'espace rural. Il a, à cet égard, regretté l'absence, aujourd'hui, d'un « pacte communautaire » analogue au niveau de l'Union européenne.

M. Claude Martinand a ensuite évoqué les questions de financement des infrastructures. Rappelant que le rythme de dépense de l'agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) devrait diminuer de moitié à partir du mois de février ou du mois de mars 2008, il a souligné la nécessité de mobiliser de nouvelles ressources financières, ce qui explique sans doute que soient évoquées aujourd'hui par certains des questions comme celle de l'institution de taxes sur les poids lourds, qui pourraient dégager environ un milliard d'euros de recettes par an, soit l'équivalent de la baisse des financements prévisible de l'AFITF, ou de l'instauration de péages urbains.

S'agissant de l'existence même de l'AFITF, il a tenu à mettre en garde contre l'insistance de la Cour des comptes et du ministère du budget à remettre en cause tous les systèmes de ressources affectées, en se référant notamment à son expérience relative au fonds spécial des grands travaux.

Il a enfin estimé que l'on assisterait probablement à la poursuite des cofinancements des investissements routiers, soit au travers des contrats de projets -qui comprennent tous un volet routier- soit au travers des nouveaux programmes de développement et de modernisation d'itinéraire (PDMI).

Quant au partenariat public-privé, il a considéré qu'il pouvait s'agir d'une formule intéressante parmi d'autres dès lors, par exemple, que l'instauration d'un péage ne constituait pas un mode de financement approprié. Tout en notant qu'il existait de fortes réticences vis-à-vis de ces formules, en particulier au sein d'une des commissions permanentes du Sénat, il a estimé que les contrats de partenariat présentaient le double avantage de permettre, du fait de la concurrence, des baisses de coût de l'ordre de 10 à 15 % et d'inciter l'Etat à entretenir le patrimoine ainsi réalisé.

Abordant ensuite la situation particulière du fret ferroviaire, M. Claude Martinand a fait état de la chute du trafic assuré par la SNCF, passé de 50 à 37 millions de tonnes en quelques années, en dépit des objectifs affichés de doublement en volume. Il a constaté que les pertes de parts de marché de la SNCF, liées à des surcoûts de 20 % à 30 %, nécessitaient une réorganisation rapide de cette branche de l'entreprise nationale, d'autant plus que de nouveaux concurrents particulièrement actifs étaient arrivés plus vite que prévu. Il a estimé qu'à défaut d'une réaction rapide, le fret de la SNCF pourrait connaître le même sort que sa filiale de transport routier, la SERNAM, aujourd'hui disparue.

En réponse à Mme Jacqueline Alquier, rapporteur, qui s'interrogeait sur la façon dont le fret ferroviaire pouvait améliorer la traversée des Pyrénées, M. Claude Martinand a souligné le handicap que représentait à cet égard le faible intérêt des Espagnols pour ce mode de transport. Il s'est par ailleurs déclaré partisan d'une traversée plutôt vers l'ouest des Pyrénées, qui présente l'avantage de correspondre à la longitude de Madrid.

Sur le sujet du lien entre désenclavement et développement économique, M. Claude Martinand a constaté que le phénomène de « métropolisation » se produit le plus souvent à l'endroit où existe un noeud du réseau de transport, tout en soulignant la nécessité, pour susciter un réel développement, d'une dynamique initiée par les acteurs locaux. A ce titre, il a pris l'exemple de Nancy où l'arrivée du TGV a déjà donné lieu à un accompagnement, au travers d'un réaménagement d'ensemble du quartier de la gare. Il a aussi opposé le cas de la Vendée, qui a su tirer parti de son maillage en réseaux de transport, à celui du Cantal, où l'arrivée de l'autoroute à Saint-Flour n'a pas permis une réelle amélioration de la situation.

M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, a observé que le Cantal ne pouvait connaître un développement équivalent à celui de la Vendée, faute de bassin d'emploi suffisamment large pour accompagner une forte hausse de l'activité.

En complément de cette présentation, M. Claude Martinand est revenu sur la question posée par M. François Gerbaud sur la ligne de TGV Poitiers-Limoges. Estimant que le projet avait peu de chances de se réaliser, il a considéré que le tracé prévu serait à la fois pénalisant pour l'Indre et pour le sud de Limoges, à commencer par la Corrèze.

Il a ajouté que si l'histoire avait donné de nombreux exemples de délaissement de certaines zones, elle démontrait à l'inverse qu'il existait une capacité réelle à désenclaver une région dès lors que la volonté de l'ensemble des intervenants était forte, cette règle étant à ses yeux particulièrement bien illustrée par l'exemple de la Bretagne.

M. Claude Belot a souscrit à cette opinion, soulignant la nécessité d'être mobilisé, voire revendicatif, pour obtenir que des efforts particuliers soient consentis, comme l'avait montré l'exemple de l'électrification des lignes ferroviaires de sa région. Il a toutefois observé que les efforts réalisés en faveur de ceux qui avaient su se montrer particulièrement revendicatifs l'étaient nécessairement au détriment des autres.

Il a également estimé, à propos du nécessaire équilibre entre équité et efficacité, que certains objectifs politiques seraient toujours difficilement évaluables et quantifiables, citant la volonté des autorités françaises de desservir Strasbourg par le TGV afin de renforcer son statut de ville siège du Parlement européen.