Mercredi 18 juin 2008

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Etude sur « Le marché français de l'offre de soins, d'hébergement et de services destinés aux personnes âgées dépendantes » - Présentation du rapport du cabinet d'audit Ernst et Young

La mission a entendu MM. Didier Desert, associé, Franck Zaeh, directeur de mission, et Mme Olympe Pougeoise, consultante, du cabinet d'audit Ernst et Young, venus présenter les premiers éléments de l'étude sur « Le marché français de l'offre de soins, d'hébergement et de services destinés aux personnes âgées dépendantes ».

M. Philippe Marini, président, a souligné le fait que les auditions réalisées depuis le mois de janvier 2008 ont fait apparaître la nécessité de compléter par une analyse économique l'approche sociale et budgétaire du problème de la dépendance. Le sujet mérite d'être appréhendé également sous l'angle d'un « marché » porteur, à forte rentabilité économique, attirant de nombreux investisseurs privés et mutualistes.

Il a souhaité que l'étude, commandée à Ernst et Young, apporte à la mission un éclairage sur trois points principaux :

- tout d'abord, l'état actuel de l'offre de soins, d'hébergement et de services à destination des personnes âgées. Il s'agit en l'occurrence d'apprécier la typologie des acteurs présents sur ce marché, leur stratégie financière, ainsi que les raisons expliquant l'intérêt croissant des investisseurs pour cette activité ;

- les perspectives de développement de la filière, les facteurs de croissance, ou à l'inverse les risques et les contraintes susceptibles d'entraver cette dynamique ;

- ainsi que des éléments de comparaison internationale.

M. Philippe Marini, président, a indiqué que l'objet de la présente audition consiste, pour le cabinet Ernst et Young, à présenter un premier document d'étape, tout en fournissant aux membres de la mission des précisions sur les méthodes de travail adoptées pour les travaux en cours.

A titre liminaire, M. Didier Desert, associé, a souligné que la démarche du cabinet Ernst et Young a consisté jusqu'ici à dresser un état des lieux du marché de la dépendance, à analyser les déterminants de l'offre et de la demande, ainsi que la stratégie des principaux acteurs privés appartenant au secteur commercial ou non lucratif. Ce travail repose sur l'étude des informations disponibles, mais également sur des contacts établis directement avec les professionnels. Il sera poursuivi de manière à compléter ce document d'étape, en premier lieu et d'ici à la fin du mois de juin, par des données prospectives, en second lieu et à un horizon un peu plus éloigné, par des éléments de comparaison internationale.

M. Franck Zaeh a rappelé que la problématique de la perte d'autonomie est caractérisée par des facteurs démographiques et sociaux parfaitement identifiés : la croissance tendancielle du nombre des personnes âgées, partiellement compensée, il est vrai, par l'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé, l'incertitude sur l'évolution de la prévalence de la maladie d'Alzheimer, l'aspiration générale au maintien à domicile le plus longtemps possible, l'entrée en institution à un âge toujours plus avancé (85 ans en moyenne) ainsi que la perspective, à terme plus ou moins rapproché, d'une diminution du nombre des aidants familiaux. Par ailleurs, alors que les classes d'âge aujourd'hui à la retraite bénéficient généralement d'un niveau de pension et d'actifs patrimoniaux élevés et largement supérieurs à ceux des générations précédentes, il n'en ira probablement plus de même pour celles qui succèderont, à partir de 2020, aux « baby boomers » d'après-guerre. Dans ce contexte, l'intervention de l'Etat est largement plébiscitée par l'opinion, mais les très fortes contraintes budgétaires actuelles limitent les marges de manoeuvre de la puissance publique et laissent en conséquence une large place au secteur privé, pour couvrir à titre complémentaire le risque de perte d'autonomie.

Après avoir souligné l'inégale répartition géographique de la demande  d'hébergement en France, M. Franck Zaeh a fait valoir que ce constat pose problème au regard de l'enjeu que représente l'accessibilité des personnes dépendantes à l'offre et aux services dont elles ont besoin. De fait, alors que les seniors de plus de 75 ans sont déjà surreprésentés dans le quart sud-ouest du pays, région à large dominante rurale, ce sont les départements ruraux qui connaîtront à nouveau, au cours des prochaines décennies, l'augmentation la plus sensible de la proportion des personnes dépendantes. Or, l'offre des établissements privés commerciaux suit une logique qui n'est pas uniquement fondée sur des critères démographiques : le pouvoir d'achat des retraités est également pris en compte. Fort logiquement, l'Ile-de-France, ainsi que les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes constituent le coeur de leurs réseaux d'implantation. Il existe en outre des différences sensibles en matière tarifaire entre les établissements privés commerciaux, d'une part, les établissements à but non lucratif, d'autre part, sans même évoquer les structures publiques, dans lesquelles les prix facturés aux familles sont les moins élevés.

Constatant que la population et les pouvoirs publics souhaitent organiser un parcours « sans rupture de l'autonomie à la dépendance », au fur et à mesure que les personnes vieillissent, M. Franck Zaeh a estimé que cette aspiration constitue un voeu pieux, tant sont importants les problèmes de cloisonnement et de manque de coordination entre les différents acteurs de cette politique.

De fait, les liens ou les passerelles entre les structures publiques et privées apparaissent trop restreints. Par ailleurs, si l'offre de services à domicile est de plus en plus souvent diversifiée, elle est sans doute insuffisamment structurée et valorisée. Il en va de même pour la complémentarité entre l'aide professionnelle et l'aide informelle, qui n'est pas assez prise en compte. En définitive, face à une demande d'hébergement qui ne peut que s'accroître à court, moyen et long termes, l'offre actuelle est d'ores et déjà déficitaire. Une telle situation de pénurie conduit à analyser la dynamique récente des créations de places dans le secteur privé lucratif.

M. Franck Zaeh a souligné que le second enjeu majeur réside dans la répartition des établissements d'hébergement sur le territoire. On constate en effet d'importantes disparités en termes d'équipement entre le Sud du pays, caractérisé par un nombre de places insuffisant au regard de la proportion élevée de personnes âgées, et les régions de l'Ouest et de l'Est, qui apparaissent à l'inverse globalement mieux dotées, avec une structure par âge de la population plus favorable.

Il a précisé que le nombre total de lits installés en maison de retraite s'élève actuellement à 690 000, ce qui correspond à un ratio de 140 places pour 1 000 habitants âgés de 75 ans et plus, au demeurant assez proche de celui des autres pays européens. Mais en moyenne, on ne compte qu'une place en service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) pour six personnes âgées dépendantes, tandis que les structures d'hospitalisation à domicile ne traitent que moins d'1 % des patients.

Le plan Solidarité-Grand Age prévoit certes l'ouverture de 145 000 places supplémentaires entre 2005 et 2025, mais la population des plus de 85 ans devrait elle aussi s'accroître dans des proportions très importantes. Il existe enfin une forte incertitude sur le niveau de l'effort que la collectivité nationale devra accomplir au cours des prochaines décennies. De nombreux facteurs méritent en effet d'être pris en compte pour en apprécier l'ampleur : l'évolution de la prévalence de la maladie d'Alzheimer, l'efficacité des politiques de prévention, l'arbitrage politique entre maintien à domicile et hébergement en établissement, l'impact des progrès technologiques et l'augmentation des coûts, notamment salariaux. Tous ces points font débat entre les experts.

M. Didier Desert a observé qu'outre les facteurs démographiques déjà évoqués, la problématique de la perte d'autonomie dépendra étroitement de l'évolution de l'âge auquel les personnes âgées quitteront leur domicile pour rentrer en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

A ce sujet, M. Paul Blanc a regretté l'échec des structures d'accueil temporaires conçues dans les années 1980. Compte tenu de la pénurie globale d'hébergements disponibles, de l'attente des familles et de l'urgence des problèmes à régler, ces établissements ont été le plus souvent convertis pour recevoir des résidents tout au long de l'année.

M. Franck Zaeh a ensuite présenté les principales caractéristiques du secteur privé lucratif, composé grosso modo à parité d'entrepreneurs individuels indépendants et de groupes plus ou moins importants. Parmi ces derniers, une quinzaine atteignent une taille critique significative, permettant même à plusieurs d'entre eux d'être cotés en bourse. Les cinq principaux groupes dominant le marché national sont Korian, avec 14 371 lits en France et 4 354 à l'étranger, devant Orpéa (9 212 lits en France et 3 057 à l'étranger), Dolcéa (7 898 lits en France), Medica France (7 144 lits en France et 1 378 à l'étranger) et Domus Vi (6 211 lits en France et 1 830 à l'étranger). A la faveur de nombreux regroupements récents et d'une politique dynamique d'acquisitions externes, ces opérateurs commerciaux majeurs sont rapidement parvenus à distancer ceux des secteurs associatif et public. Mais à l'échelle européenne, et a fortiori mondiale, ces entreprises françaises disposent néanmoins d'une taille relativement limitée.

M. Franck Zaeh a indiqué que la stratégie de développement privilégiée depuis les années 1990 par les grands opérateurs commerciaux a consisté à rechercher des sites isolés et à racheter de petites structures, afin de contourner les difficultés pour créer de nouveaux établissements. Cette dynamique a d'ailleurs été indirectement favorisée par les pouvoirs publics, dans la mesure où bon nombre d'exploitants individuels se sont trouvés dans l'impossibilité, ou n'ont pas voulu, s'adapter au renforcement des normes réglementaires s'appliquant aux Ehpad. S'agissant de l'équilibre économique de ces opérations, il a estimé à environ 20 000 euros le prix d'un lit obsolète non conventionné, auxquels s'ajoutent 50 000 euros pour sa mise aux normes. La différence avec le coût moyen d'un lit dans une construction neuve (80 000 euros) apparaît dès lors très limitée.

Les opérateurs ont eu d'autant plus tendance à privilégier une stratégie de croissance externe qu'il leur est apparu souvent beaucoup plus aisé de racheter des structures existantes pour les moderniser que d'obtenir les autorisations nécessaires pour en ouvrir de nouvelles. Au surplus, M. Franck Zaeh a souligné que dans certaines régions, les acteurs du secteur privé lucratif se sont trouvés confrontés à des refus d'autorisation en raison, d'une part, du niveau très élevé des tarifs d'hébergement prévus, d'autre part, de la faible proportion de places habilitées à l'aide sociale, ces deux facteurs conjuguant leurs effets pour rendre l'offre inaccessible aux plus démunis.

Il a ensuite précisé que les grands groupes cherchent à créer de la valeur en améliorant la gestion des prix, en limitant l'évolution des coûts d'exploitation et en optimisant leur taux d'occupation. La qualité des établissements modernisés, ainsi que leur positionnement dans des zones géographiques urbaines attractives pour les seniors disposant d'un pouvoir d'achat élevé permettent aux opérateurs de revaloriser leur grille tarifaire d'hébergement à l'occasion des changements de résidents. Ces changements sont d'ailleurs relativement fréquents, puisque la durée des séjours n'est en moyenne que de deux années.

Puis il a souligné que la tarification appliquée aux personnes dépendantes reflète le positionnement haut de gamme de ces établissements : les prix moyens de l'hébergement (incluant les coûts des repas, de l'animation et de la surveillance) s'élèvent à 110 euros par jour en région parisienne et 70 euros en province, contre 50 à 70 euros pour les mêmes prestations dans le secteur privé non lucratif.

M. Franck Zaeh a fait valoir les performances économiques enviables des grands opérateurs privés à but commercial. De fait, les chiffres d'affaires des principaux groupes ont enregistré une croissance à deux chiffres entre 2005 et 2007, tandis que leurs résultats opérationnels avant dotations aux amortissements, provisions et loyers connaissaient également un accroissement significatif.

Cette dynamique de développement s'est logiquement traduite par une progression sensible de la part de marché des opérateurs privés, qui atteint désormais près de 20 %, contre 14 % seulement il y a quelques années, alors que celles du secteur public et du secteur privé non lucratif tendent à l'inverse à régresser. Plus de la moitié des nouvelles places d'hébergement créées depuis 2003 ont été réalisées par des entreprises commerciales. Par ailleurs, de nombreux exploitants individuels sont enclins à accepter les offres de rachat des grands groupes, dans la mesure où ils arrivent eux-mêmes à l'âge de la retraite et où les prix de cession des petites structures ont récemment beaucoup augmenté.

M. Franck Zaeh a estimé que ce modèle de développement présente des avantages significatifs, en termes de modernisation des établissements et de qualité de prestations servies, notamment, mais aussi des inconvénients, dans la mesure où les actionnaires des opérateurs cotés en bourse ont tendance à privilégier une logique financière à court terme. Le poids des grands groupes pourrait continuer à s'accroître fortement pendant quelques années encore. Mais la stratégie de croissance externe, de modernisation et de revalorisation tarifaire se heurtera tôt ou tard à la contrainte que représente le niveau maximum de la solvabilité des personnes dépendantes.

En conséquence, les grands opérateurs du secteur privé commercial seront amenés à choisir entre trois modèles différents : continuer à privilégier la croissance externe, se développer à l'étranger, ou se diversifier dans le domaine des services ou dans le secteur sanitaire.

Les groupes privés à but lucratif cherchent donc à racheter des établissements existants, gérés « en bon père de famille », afin, notamment, de mutualiser les fonctions support. Leurs résultats s'expliquent également par l'entrée plus tardive des personnes âgées dépendantes en institution et le délai assez court de leur séjour, dans la mesure où chaque changement de personne est suivi d'une augmentation du prix de journée. En outre, leur taux de remplissage est élevé (96 %), de même que le nombre moyen de places par établissement (90), ce qui permet aux établissements privés à but lucratif d'afficher une croissance moyenne de l'Ebitdar (excédent brut d'exploitation avant loyers) d'environ 24 % en régime de croisière.

Ce modèle de croissance apparaît soutenable en période de concentration possible, mais l'on peut s'interroger sur la stratégie de croissance future de ces groupes (diversification, développement international...), qui font aujourd'hui plus d'hôtellerie que d'accompagnement des personnes.

M. Philippe Marini, président, a relevé la forte croissance du chiffre d'affaires de la société Orpéa, passé de 309,6 millions d'euros fin 2005 à 544,6 millions d'euros fin 2007, les résultats augmentant dans de moindres proportions. En admettant que ce type de structures se développe de plus en plus, il s'est interrogé sur les solutions envisageables pour assurer une régulation des prix et être certain qu'une augmentation de l'Apa réduise le reste à charge supporté par les familles au lieu d'augmenter les marges des établissements.

Mme Olympe Pougeoise a noté que les établissements ne peuvent pas augmenter continuellement les tarifs, ce qui explique leur intérêt pour le rachat de structures moyennes affichant aujourd'hui des tarifs relativement faibles.

M. Paul Blanc a observé que les charges de personnel représentent 50 % du chiffre d'affaires, ce qui signifie que ces établissements externalisent un certain nombre de tâches. Il a fait part de sa crainte que le regroupement d'établissements n'entraîne une disparition de la concurrence.

M. Didier Désert a observé la difficulté à réguler les prix dans un contexte de pénurie d'offre. Ceci peut effectivement soulever une difficulté d'accès aux établissements, si l'augmentation des prix conduit à opérer un tri entre les personnes âgées dépendantes en fonction de leur capacité financière. Il a également estimé que le regroupement d'établissements n'est pas nécessairement négatif, dans la mesure où il permet aux groupes de dégager des marges de manoeuvre, et a fait observer que, le marché se régulant de lui-même, d'autres acteurs feront leur entrée si celui-ci se révèle trop rentable.

Mme Olympe Pougeoise a précisé que les établissements privés lucratifs font preuve d'une plus grande réactivité que les établissements privés à but non lucratif, notamment en cas d'opportunité d'acquisition, et qu'ils ont tendance à développer une offre en direction des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de celles classées en Gir 1 et 2, dans une stratégie d'optimisation des coûts.

M. Franck Zaeh a également mis en évidence la différence de réactivité, du point de vue du rachat d'établissements, entre les groupes privés à but lucratif et les établissements privés à but non lucratif.

Compte tenu de ces logiques de développement, M. Philippe Marini, président, s'est interrogé sur les moyens de s'assurer que les efforts supplémentaires consentis par la collectivité bénéficient bien aux usagers.

M. Didier Désert a estimé qu'on verrait émerger deux formes différentes d'établissements privés lucratifs à l'avenir, l'une agissant dans un cadre conventionnel et l'autre s'apparentant à des établissements « déconventionnés », comme on l'observe aujourd'hui dans le champ sanitaire. Dans ce cadre, il a souligné l'enjeu que représente le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes le plus tard possible.

Répondant à M. Philippe Marini, président, M. Franck Zaeh a indiqué que le groupe Nobleage a pour l'instant une moindre rentabilité, car il n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière.

En réponse à MM. Alain Vasselle, rapporteur, et Guy Fischer, Mme Olympe Pougeoise a indiqué que les marges des établissements proviennent de leur activité d'hébergement, mais a précisé que la médicalisation des établissements permet aux groupes privés d'obtenir des subventions et facilite le remplissage des établissements. Elle a noté que certains groupes, comme Korian et Orpéa, sont également présents dans le champ sanitaire, disposant ainsi d'une compétence en la matière et d'une offre globale.

Répondant à MM. Philippe Marini, président, Paul Blanc et Mme Bernadette Dupont, M. Franck Zaeh et Mme Olympe Pougeoise ont souligné le fait que la stratégie de développement des groupes privés à but lucratif peut être bridée par les décisions des comités régionaux de l'organisation sociale et médicosociale (Crosms) et des conseils généraux, qui tendent à privilégier les groupes à but non lucratif.

M. Franck Zaeh a ensuite précisé que les établissements des groupes privés à but non lucratif sont en général plus petits que ceux des groupes privés lucratifs et présentent des tarifs inférieurs. Les acteurs privés non lucratifs perdent aujourd'hui des parts de marché face à la croissance du secteur privé lucratif et tentent d'en reconquérir grâce à des solutions souvent novatrices, intégrant notamment la proximité territoriale. La rentabilité n'est pas l'objectif premier de ces groupes, qui demeurent faiblement industrialisés et sont fragiles lorsque l'on considère la qualité de l'offre des services proposés.

Ces établissements développent une stratégie de diversification fondée, notamment, sur une meilleure coordination du suivi de la prise en charge des personnes âgées aux différents stades d'évolution de leur dépendance.

M. Philippe Marini, président, a souhaité obtenir des précisions sur la ventilation du chiffre d'affaires global entre la partie soins, la partie hébergement et la part assumée par les familles.

Après que M. Didier Désert eut souligné l'insuffisance de données disponibles en la matière, Mme Olympe Pougeoise a indiqué que, globalement, le reste à charge pour les familles représente environ 70 % du prix de journée, correspondant essentiellement à la partie hébergement.

M. Guy Fischer a souligné l'importance du reste à charge pour les familles et a jugé prioritaire de le maîtriser.

Mme Olympe Pougeoise a attiré l'attention sur l'entrée de certaines compagnies d'assurance dans le capital d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. La stratégie poursuivie par les assureurs est de solvabiliser la demande, afin que celle-ci utilise, en retour, une partie de l'offre.

M. Paul Blanc a, par ailleurs, rappelé qu'à court terme, le développement de l'assurance dépendance ne peut constituer une solution au financement de la prise en charge des personnes dépendantes. En effet, les cotisations exigées dans le cadre de ces contrats étant d'autant plus élevées que l'âge de la souscription est tardif, les contrats d'assurance dépendance sont peu attractifs pour les personnes les plus âgées.

M. Philippe Marini, président, a indiqué que cette question, qui s'inscrit dans un cadre plus large que celui de l'étude demandée au cabinet de conseil Ernst et Young, doit être analysée de façon précise et appelle l'analyse de différents scénarii, sur lesquels la mission aura prochainement à se prononcer.

M. Guy Fischer a souligné que les compagnies d'assurance ont pris conscience de la forte rentabilité du marché de l'hébergement des personnes âgées dépendantes.

M. Frank Zaeh a ajouté que les éléments, exposés aux membres de la mission, seront complétés, dans les prochains jours, par des entretiens avec les différents acteurs du marché de l'hébergement et de l'offre de services aux personnes âgées, afin d'analyser précisément les perspectives de développement de cette filière. Il convient, en effet, de mesurer la « volumétrie » des besoins futurs et de comprendre comment l'offre d'hébergement et de services pourra y répondre.

M. Didier Desert est revenu sur la stratégie développée par les compagnies d'assurances. Citant l'exemple des Etats-Unis, il a indiqué que, par leur investissement dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées, les assureurs visent à maîtriser les coûts de l'offre de service et d'hébergement, que leurs contrats d'assurance proposent, parallèlement, de couvrir, une fois le souscripteur entré en situation de dépendance.

M. Philippe Marini, président, a souhaité que le cabinet de conseil Ernst et Young analyse de façon précise cette stratégie poursuivie par les compagnies d'assurance qui vise, en quelque sorte, par leur investissement dans les établissements d'accueil pour personnes âgées, à s'assurer de la récupération d'une partie de la consommation des rentes qu'elles proposent dans le cadre de leurs contrats. Cette question soulève la question de la régulation de ce marché, d'autant plus qu'il s'agit d'une filière porteuse qui se développera de façon importante, notamment si les procédures de création de places sont assouplies. Des éléments de comparaison internationale dans ce cadre seront utiles, afin d'identifier les forces et les faiblesses de cette stratégie.

M. Paul Blanc a souhaité savoir si l'investissement des assureurs dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées ne constitue pas, par ailleurs, un moyen de contrôler les tarifs d'hébergement.

M. Didier Desert a indiqué qu'à l'évidence, cette stratégie permet un contrôle des prix du marché. Il a précisé qu'en cela, la logique des assureurs est très différente de celle des investisseurs financiers qui recherchent, en priorité, la rentabilité directe de leurs investissements. Il a ensuite souligné les stratégies différentes des acteurs du marché en matière de politique immobilière.

Mme Olympe Pougeoise a ajouté que l'entrée de compagnies d'assurances dans le capital de structures d'accueil pour personnes âgées vise également, dans certains cas, à contrer l'entrée d'investisseurs financiers.

M. Philippe Marini, président, a indiqué que, compte tenu des perspectives de développement du marché de l'offre de services et d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, cette filière représentera un chiffre d'affaires global de quelques milliards d'euros à l'horizon de 2015, 2020 et 2050, et constituera ainsi un enjeu économique majeur. C'est pourquoi il convient de connaître, de façon précise, la caractérisation du marché à moyen et long termes.

M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est interrogé sur la faible croissance, évoquée dans son document par Ernst et Young, de la population dépendante entre 2020 et 2050 (le nombre de personnes dépendantes devant passer de 845 250 en 2020 à 1 121 250 en 2050), alors que, sur la même période, la population des plus de 85 ans devrait augmenter fortement, passant de 1 311 000 en 2020 à 3 105 000 en 2050.

M. Frank Zaeh a indiqué que ce phénomène s'explique par l'entrée de plus en plus tardive dans la dépendance des personnes âgées. Il a insisté, par ailleurs, sur les incertitudes pesant sur l'évaluation du nombre de personnes dépendantes aux horizons 2020 et 2050, ce chiffrage pouvant varier en fonction de nombreux facteurs : le nombre de personnes atteintes de dépendance psychique, l'impact des politiques de prévention, l'arbitrage effectué entre le maintien à domicile et le placement en établissement, les progrès réalisés en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) adaptées au grand âge, ainsi que la hausse des coûts des services d'aide à domicile.

M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur les freins au développement du secteur public, comparativement au fort dynamisme du secteur privé lucratif. Cette question est d'autant plus importante que l'appel croissant au secteur privé pour répondre aux besoins futurs risque d'augmenter les restes à charge des familles, les prix d'hébergement pratiqués par les structures privées ne pouvant être contrôlés.

Il a également souhaité savoir si les établissements d'hébergement pour personnes âgées ont la possibilité d'intégrer l'amortissement de leurs investissements immobiliers dans le calcul des forfaits soins et dépendance.

M. Franck Zaeh a répondu que le calcul des forfaits relatifs aux soins et à la dépendance est indépendant de la stratégie immobilière suivie par l'établissement.

M. Philippe Marini, président, a souhaité que le cabinet de conseil Ernst et Young étudie le régime fiscal auquel les établissements d'hébergement pour personnes âgées sont soumis.

M. Didier Desert a insisté sur les difficultés à analyser l'évolution du marché de l'hébergement et de l'offre de services aux personnes âgées, rappelant le paradoxe actuel : alors que les structures privées rencontrent des difficultés à obtenir des autorisations de création de places, la pénurie de places engendre un renchérissement des prix. A terme, l'ouverture complète du marché par l'assouplissement des procédures d'autorisation de création de places permettra peut-être une diminution des tarifs pratiqués en matière d'hébergement.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur l'impact de la réforme hospitalière - qui pourrait engendrer la reconversion d'un certain nombre de lits de court séjour en lits en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes - sur les perspectives de développement du marché.

Il a, par ailleurs, insisté sur l'importance de la localisation des nouveaux établissements d'accueil pour personnes âgées, rappelant les fortes disparités régionales existant aujourd'hui qui résultent, pour partie, de l'histoire.

M. Philippe Marini, président, a indiqué que la présentation des premiers éléments d'analyse du cabinet de conseil Ernst et Young correspond aux objectifs fixés par le cahier des charges établi par la mission. Il a rappelé la nécessité de disposer d'éléments sur la dynamique du secteur public, ainsi que sur celle du secteur privé lucratif et non lucratif en matière d'offre de services et d'hébergement aux personnes âgées, afin de pouvoir apprécier la taille et la structuration futures de ce marché.