Mardi 12 avril 2011

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Equilibre des finances publiques - Audition de MM. Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques, et Renaud Guidée, inspecteur des finances et rapporteur général du groupe de travail

La commission procède à l'audition de MM. Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques, et Renaud Guidée, inspecteur des finances et rapporteur général du groupe de travail, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques.

Mme Muguette Dini, présidente. - J'ai le plaisir d'accueillir ce matin Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France et ancien directeur général du FMI, et Renaud Guidée, inspecteur des finances et rapporteur général du groupe de travail, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques.

L'année dernière, M. Camdessus a présidé un groupe de travail appelé à formuler des propositions pour mieux assurer, dans le cadre de la gouvernance budgétaire et financière de notre pays, le respect de l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques inscrit dans la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Ce groupe de travail a rendu son rapport en juin 2010 et ce document a servi de base à l'élaboration du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques que l'Assemblée nationale examinera au début du mois de mai et qui devrait être inscrit à notre ordre du jour en juin.

Afin de préparer cette échéance, il m'a semblé utile et intéressant que M. Camdessus nous présente les principales conclusions de son groupe de travail et nous indique si celles-ci ont été pleinement prises en compte dans le projet de loi constitutionnelle.

Notre rapporteur général, Alain Vasselle, lui posera ensuite des questions et se fera l'écho de quelques inquiétudes que peut susciter ce texte. Chacun d'entre vous pourra naturellement interroger M. Camdessus ou évoquer les différents aspects du projet de loi constitutionnelle.

M. Michel Camdessus. - Merci de l'honneur que vous nous faites en nous demandant d'échanger devant vous sur ce sujet. Prendre la présidence de ce groupe de travail était une tâche redoutable : cette commission était composée de membres éminents : les deux présidents et les deux rapporteurs généraux des commissions des finances, divers économistes et une personnalité étrangère hélas disparue depuis : l'ancien ministre des finances de l'Italie Tommaso Padoa-Schioppa, qui fut aussi membre du directoire de la BCE. Ce groupe était dominé par le souci du consensus, comme ce fut le cas pour la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) en 2001 et la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale de 2005.

Notre Constitution a prévu l'équilibre des finances publiques mais rien n'a été fait jusqu'à présent pour l'atteindre. Nous devions donc relever ce défi, tout en évitant que notre rapport ne termine sur une étagère. Ce ne fut pas le cas : nous sommes parvenus à un accord unanime, à l'exception d'une seule proposition. Cette unanimité était importante pour notre pays, mais aussi pour l'Europe, pour les marchés et pour les investisseurs nationaux. Alors que nous travaillions l'année dernière, la crise de la dette souveraine touchait la Grèce l'Irlande et le Portugal. Espérons que cette crise va prendre fin. A titre personnel, j'en suis persuadé.

J'en viens aux trois grandes propositions que nous avons faites et qui figurent dans la révision constitutionnelle que vous allez examiner : des lois-cadres d'équilibre des finances publiques vous seront présentées, qui définiront une trajectoire vers l'équilibre et la subordination des textes financiers ultérieurs. En second lieu, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale auront le monopole des mesures fiscales, afin d'assurer une cohérence complète des textes avec la trajectoire dont je viens de parler. Enfin, les programmes de stabilité et de croissance transmis périodiquement à la Commission européenne seront au préalable soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat afin de renforcer les prérogatives du Parlement.

Nous avons proposé un certain nombre d'autres dispositions que le Gouvernement a commencé à mettre en oeuvre, mais qui ne sont pas d'ordre constitutionnel.

J'en viens à la mesure qui n'a pas fait l'unanimité : compte tenu de l'extrême importance des documents soumis au Parlement, une grande majorité de notre groupe estimait qu'il fallait que les principes de sincérité et de véracité soient garantis. Nous pensions qu'une commission de sages composée d'experts compétents et indépendants pourrait se prononcer sur les chiffres fournis par l'exécutif. Elle aurait pu utilement éclairer les travaux du Parlement comme ceux du Conseil constitutionnel, ce dernier s'étant montré favorable à une telle expertise. Les membres parlementaires du groupe ne nous ont pas suivis, au nom de l'indépendance de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Pour moi, la loi-cadre d'équilibre des finances publiques est une disposition essentielle, car elle va marquer notre progression vers le retour à l'équilibre. Nous sommes dans un contexte d'après-crise. Cette crise nous a fait faire un bond de près d'une vingtaine de points d'endettement et nous a fait entrer dans une zone critique, quels que soient les efforts du Gouvernement et bien que notre croissance reparte. Dans les années 2020, nous serons autour de 100 % d'endettement par rapport au produit intérieur brut (Pib). Il était essentiel que nous montrions aux marchés et aux investisseurs étrangers notre sérieux et que nous fassions comme Ulysse, nous attachant au mât pour écouter le chant des sirènes sans y céder. Les Allemands ont décidé que l'équilibre structurel serait atteint en 2016, la seule marge qu'ils s'accordent étant 0,35 point de Pib. Le système que nous avons proposé et que le Gouvernement a retenu est plus simple, mais aussi un peu plus dur, que celui de notre voisin : à une date que la loi fixera, l'équilibre structurel devra être atteint et une trajectoire sera définie année après année jusqu'au point d'équilibre. Ensuite, il devra être maintenu selon des règles qu'il vous appartiendra de fixer. Nous connaissons déjà le premier tiers de cette trajectoire, fixé par nos engagements dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance européen : en 2013, nous devrions être à 3 % de déficit. Il reste à définir la trajectoire à partir de ce moment-là pour atteindre le point d'équilibre. Si on maintient l'effort actuel, on pourrait y arriver en 2016. Si je peux donner un conseil au Gouvernement et au Parlement, je suggérerais d'être un peu moins ambitieux et de retenir la date de 2017 pour être presque aussi vertueux que les Allemands et pour que les marchés se disent qu'entre l'Allemagne et la France, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Il ne faut pas que nous soyons atteints par une crise de la dette souveraine. Soyons en effet bien conscients que, durant cette période, nous allons continuer à nous endetter. Lorsque nous serons au point zéro, objectif exquis et désirable, notre endettement représentera près de 100 % du Pib. Nous aurons alors encore de grands efforts à faire pour résorber la dette, ne serait-ce qu'au nom de la solidarité intergénérationnelle.

S'il y a dérapage, des corrections auront lieu : si le dérapage est détecté en cours d'année par la Cour des comptes, la correction devra intervenir immédiatement. Si elle est détectée ensuite, deux années intermédiaires permettront de revenir à la trajectoire initiale.

Il est entendu que ce cheminement vers l'équilibre peut être revu en cas de circonstances véritablement exceptionnelles, comme une tension internationale impliquant un effort de dépenses majeures, une récession économique d'une ampleur inhabituelle, une catastrophe naturelle exceptionnelle.

Une deuxième recommandation a trait au monopole des lois financières en matière de fiscalité et de recettes : une des faiblesses majeures de notre dispositif est due à la dispersion des initiatives en ce domaine, ce qui érode, ruine la discipline, la cohérence et la hiérarchisation des priorités de l'action publique. Les quatre parlementaires ont approuvé cette recommandation et la disposition constitutionnelle correspondante.

Nous avons également recommandé que les collectivités territoriales soient associées à l'effort de maîtrise des comptes. Cela est nécessaire, compte tenu de la hausse plus rapide des dépenses des collectivités que de celle du budget général au cours des trente dernières années. Nos engagements d'équilibre au plan européen portent en effet non seulement sur le budget de l'Etat mais aussi sur ceux des collectivités territoriales.

Enfin, nous avons proposé des dispositions pour resserrer les mailles du filet et nous assurer que des pratiques de débudgétisation et des opérations d'affichage n'aboutissent pas à des fuites, mais ces dispositions ne relèvent pas de la Constitution.

Voilà donc l'essentiel de nos conclusions : ces propositions peuvent consolider nos perspectives financières et budgétaires, notre statut de pays raisonnable sur le plan international, mais aussi renforcer notre solidarité intergénérationnelle, en disciplinant notre endettement.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Vos propos sont séduisants et peu de parlementaires s'opposeront à ces objectifs vertueux. Depuis plusieurs années, nous tentons de mieux maîtriser les dépenses publiques mais la volonté politique fait encore défaut. Nous avons rencontré à diverses reprises Philippe Seguin, puis Didier Migaud et je les ai interrogés pour savoir quelles sanctions pourraient frapper un gouvernement s'il ne tenait pas compte des observations pertinentes faites par la Cour des comptes. En privé, l'un et l'autre nous ont dit qu'aucune sanction juridique ou financière ne pouvait contraindre un quelconque gouvernement. La sanction ne peut être que politique, par l'intermédiaire du vote des Français. Ne perdons-nous pas notre temps en votant des lois telles que celle-ci ? Si un gouvernement ne respecte pas cette loi constitutionnelle, que se passera-t-il ?

Récemment, nous avons vécu deux réformes importantes, celle des retraites et celle de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Ces deux lois ordinaires avaient des implications financières lourdes mais qui étaient renvoyées à la loi de finances et à la loi de financement. Nous ne pouvions examiner simultanément les mesures financières qui accompagnaient ces deux réformes et, lorsque nous avons finalement été saisis de ces dispositions financières, nous n'étions plus forcément dans la lettre ou dans l'esprit des annonces faites par le Gouvernement lorsqu'il avait présenté ces deux projets de loi. Ne serait-il pas souhaitable que certaines lois ordinaires porteuses de réformes importantes soient accompagnées de lois de finances ou de financement rectificatives ?

Le projet de loi constitutionnelle prévoit que certaines dispositions des futures lois-cadres d'équilibre s'imposeront aux lois financières actuelles. Quelles devraient être les mesures rigoureusement impératives ? Quelle serait la bonne durée de ces lois-cadres ?

Dès lors que les futures lois-cadres s'imposeraient aux lois de finances et de financement annuelles, est-il concevable de les adopter dans les mêmes conditions que les lois de programmation des finances publiques, à savoir une saisine au fond de la commission des finances et une saisine pour avis de la commission des affaires sociales ? Ne devrait-on pas constituer une commission spéciale constituée à parité des membres des deux commissions ? Dans votre rapport, vous vous êtes interrogé sur une éventuelle fusion entre ces deux lois, mais pour des raisons techniques, cette idée a été abandonnée. Je note aussi que votre groupe de travail ne comprenait que des représentants des commissions des finances. D'ailleurs, je regrette la « guéguerre » entre la commission des finances et celle des affaires sociales, la première ayant toujours mal vécu la réforme constitutionnelle de 1996, engagée par Alain Juppé, ayant créé les lois de financement de la sécurité sociale. Il serait souhaitable de mettre de côté ces bisbilles qui ne vont pas dans le sens de l'intérêt général. Ne faudrait-il pas enfin travailler ensemble ? Le président Jean Arthuis semble d'accord sur le principe, mais nous n'en sommes pas encore aux travaux pratiques.

Enfin, serait-il opportun de mettre en place un contrôle automatique de constitutionnalité pour vérifier le respect par les lois financières de la loi-cadre d'équilibre des finances publiques ? Ce contrôle devrait-il porter sur chacune des lois ou être commun pour vérifier le respect de la trajectoire vers le retour à l'équilibre ?

M. Michel Camdessus. - Ce travail a-t-il été utile ? Dans un premier temps, il s'agissait de trouver les chaînons manquants de notre Constitution : nous avons tous besoin de règles pour soutenir notre vertu. Or, nous ne disposions pas de trajectoire à laquelle nous accrocher. Nous ne proposons pas ici une solution miracle à l'insupportable légèreté des Français en ce qui concerne les déséquilibres financiers mais nous renforçons le dispositif qui nous permettra de pratiquer une politique financière vertueuse. Ce texte permettra de fixer un cheminement aux lois de finances et de financement et corrigera les dérapages, grâce à l'intervention rapide de la Cour des comptes.

Si une loi financière transgresse la trajectoire, le Conseil constitutionnel l'annulera. Il s'agit donc bel et bien d'une sanction, monsieur le rapporteur général ! En outre, la sanction politique est pour le moins importante. De plus, je suggérerais, à titre personnel, de muscler les lois de règlement. Des progrès ont été réalisés, mais il faudrait que ces lois « mordent » un peu plus. L'examen de la loi constitutionnelle devrait permettre au Gouvernement de vous faire des propositions novatrices en ce domaine.

Le Conseil constitutionnel pourra intervenir à tous les stades des lois financières pour s'assurer que la trajectoire est respectée. Il s'assurera également que les lois-cadres sont en ligne avec l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques. Ce projet de loi constitutionnelle est donc beaucoup plus contraignant que la législation en vigueur.

Le groupe que j'ai présidé a parlé des relations entre les commissions des finances et les autres commissions du Parlement : il ne lui a pas semblé qu'il était de son ressort de statuer sur cette question, même si votre remarque, monsieur le rapporteur général, est tout à fait fondée.

La date à laquelle l'équilibre devra être atteint sera fixée par la loi-cadre d'équilibre. Vous m'avez également interrogé sur la durée des lois-cadres. Le projet de loi constitutionnelle fixe un délai d'au moins trois ans. Plusieurs options sont possibles : une loi pour trois ans, une loi glissante, à savoir que chaque année, une nouvelle année sera ajoutée, une loi pour cinq ans. Le Président de la République a manifesté sont intérêt pour cette dernière solution : cette loi fixerait les objectifs et la trajectoire pour la durée de la nouvelle législature. Si un changement majeur intervient dans le contexte macro-économique ou dans la sphère politique, il est bien évident que le nouveau Parlement pourrait se départir de la loi précédente, mais une nouvelle loi devrait être votée.

A titre personnel, j'ai regretté que les commissions des affaires sociales ne soient pas représentées au sein de notre groupe, mais pour la première fois de ma vie de fonctionnaire, la composition de cette commission m'a été imposée. J'ai essayé de rétablir un certain équilibre en rencontrant parallèlement les présidents des autres commissions, mais il aurait été préférable que ce groupe soit un peu plus nombreux et que votre commission soit représentée. J'ai cru comprendre qu'au quotidien, les accords entre commissions sont plus fréquents que les sujets de friction.

Les dispositions impératives de ces lois d'équilibre ne porteront pas sur l'ensemble des lois financières mais seulement sur les mesures discrétionnaires qui sont pilotables par le Parlement et par le Gouvernement. Il s'agit des mesures nouvelles en matière fiscale ou en matière de dépenses qui ne sont pas liées aux fluctuations conjoncturelles.

Enfin, il serait souhaitable que les lois ordinaires qui ont un impact sur les finances publiques soient accompagnées simultanément de lois de finances ou de financement.

M. Guy Fischer. - Merci pour votre présentation, monsieur Camdessus. Vous avez dit qu'il fallait « resserrer les mailles du filet » et réduire les dépenses des collectivités territoriales. En montant dans mon train ce matin, je me demandais quelle allait être votre potion amère. J'ai la réponse. Vous préconisez de réduire les déficits et la dépense publique afin de rassurer les marchés et les investisseurs internationaux pour ne pas être atteints par la crise de la dette souveraine.

A l'heure actuelle, les déficits de la sécurité sociale se traduisent par une réduction de l'offre de soins. En matière de politique fiscale, le Président de la République veut se rapprocher de l'Allemagne. Le secrétaire général de l'OCDE a dit hier qu'il fallait définitivement rompre avec la dérive des comptes publics : « Si la France veut ramener son déficit public à 3 % en 2013, il va falloir tailler dans les dépenses ». Avec vos « mailles du filet », vous ne dites pas autre chose. Quand on parle d'améliorer l'efficacité de l'administration publique, cela implique la suppression de centaines de milliers de postes : du jamais vu, surtout dans l'éducation nationale ! Vous prônez aussi la maîtrise des dépenses de santé, ce qui va entraîner le relèvement du reste à charge pour les familles. Vous voulez également prolonger l'effort sur les retraites. D'ailleurs, Alain Vasselle estime que la loi de 2010 n'a pas réglé le problème et que nous devrons débattre encore de ce sujet. Il va donc falloir boire la purge, ou la potion amère, avec le relèvement de certains impôts, notamment la TVA dont certaines professions profitent outrageusement de la baisse qui leur a été accordée.

Je suis très inquiet des futures politiques de l'emploi qui vont être menées. On nous dit qu'il va falloir s'inspirer de la flexisécurité : nous avons fait le tour de l'Europe avec Alain Vasselle pour voir comment procéder. Des mesures drastiques risquent d'être prises à l'encontre des chômeurs qui refuseraient une offre d'emploi.

J'appelle toutes ces mesures de l'hyper-austérité : je crains qu'elles n'écrasent le pouvoir d'achat et le niveau des retraites et qu'elles ne touchent en priorité les classes moyennes, alors que d'autres, plus riches, tirent leur épingle du jeu. Comment redonner de l'espoir au peuple avec de telles mesures qui, en outre, sont peu crédibles à la veille de la présidentielle ?

M. René Teulade. - J'ai apprécié votre euphémisme, monsieur le gouverneur : vous avez parlé de tâche redoutable, au lieu de dire impossible, pour parvenir à l'équilibre des finances publiques. Je rappelle que 50 % des lois ne sont pas appliquées dans notre belle démocratie, faute de décrets !

Je veux vous parler d'un secteur que je ne connais pas trop mal, la santé, et pour lequel j'ai tenté pendant de nombreuses années de revenir à l'équilibre. Nous avons pris de nombreuses mesures pour contenir les dépenses de santé mais elles sont restées en grande partie sans effets car les décrets n'ont jamais été pris.

Dans le domaine de la santé, est-il possible de concilier un système qui repose à la fois sur des prescriptions libérales et sur des prestations socialisées ? Ne s'agit-il pas de logiques économiques profondément contradictoires ? Il est très difficile de modifier les comportements des prescripteurs et des consommateurs.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Tout est dit !

M. René Teulade. - Pensez-vous que cette loi constitutionnelle pourra régler ce problème ? Nos efforts passés ont été vains. Avec les transferts actuels vers les régimes complémentaires, l'injustice marque des points alors que notre système permettait aux Français d'être égaux face à la souffrance et à la maladie.

Comment modifier les comportements et parvenir à l'équilibre ? A une époque, on estimait qu'avec 17 milliards de francs de déficit, le système n'était plus viable. Aujourd'hui, nous avons dépassé les 140 milliards d'euros !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Peut-on espérer avec cette réforme constitutionnelle obtenir du Gouvernement qu'il réussisse à mieux maîtriser les déficits comptables du budget général de l'Etat alors qu'il est quatre à cinq fois supérieur à celui de la sécurité sociale, qui est qualifié d'abyssal ? Ce dernier est difficile à maîtriser car il s'agit de modifier les comportements des gestionnaires, des consommateurs et des prescripteurs. Les résultats n'ont pas été à la hauteur de nos espérances, mais la politique que nous avons menée en matière de sécurité sociale a connu néanmoins de bons résultats. S'il n'y avait pas eu la crise de 2008, nous aurions été proches de l'équilibre en 2013, ce qui n'aurait pas été le cas pour le budget de l'Etat qui ne traite que des dépenses comptables !

M. Michel Camdessus. - Vous avez parlé, monsieur Fischer, d'hyper-austérité. Mon sentiment est que ce projet de loi constitutionnelle est justement là pour éviter une telle austérité à laquelle nous pourrions un jour être amenés en cas de perte de notre indépendance nationale. Le but de ces règles est d'échapper aux déboires que connaissent nos amis grecs ou portugais, qui ont dû accepter une hyper-austérité décidée ailleurs, car il n'y avait plus personne pour financer leur endettement.

Comment parvenir à l'équilibre ? En jouant sur les dépenses et sur les recettes.

Du côté des recettes, il y a encore du travail à faire. La pression fiscale dans notre pays est globalement plus lourde que chez certains de nos voisins, mais certaines voies d'eau doivent encore être colmatées. J'invite le Parlement à se pencher sur les niches fiscales et aussi sur certains taux de TVA. Les niches sont un univers immense, et selon que l'on est de gauche ou de droite, on attaque les unes et on préserve les autres, et réciproquement. Il faut tailler des deux côtés pour que notre fiscalité réponde aux besoins de notre pays, puisqu'il s'agit de financer des dispositifs d'aide sociale et de sécurité sociale dont nous voulons qu'ils restent les meilleurs du monde. Pour cela, il faut mettre les recettes à niveau, mais aussi travailler sur les dépenses.

Quand j'ai parlé de « resserrer les mailles du filet », ce qui a chagriné M. Fischer, j'avais en tête toutes ces dépenses qui contribuent subrepticement à nos déséquilibres. Certains opérateurs publics recourent à l'emprunt en faisant croire au marché, sous prétexte qu'ils sont publics, qu'ils sont couverts par le souverain. Ils imposent à l'Etat, en dehors de toute autorisation parlementaire, de lourdes charges à terme. Ces opérateurs devraient ne pouvoir avoir recours au marché qu'avec l'autorisation fournie par un décret du ministère des finances.

Bien d'autres mesures pourraient être prises sans écraser les classes moyennes : vous avez cité l'excellent rapport de l'OCDE qui critique notre politique de financement du logement : nous dépensons presque deux fois plus que la moyenne des pays européens en matière d'aide au logement et nous sommes loin d'être aussi efficaces que nos voisins. Il y a donc là matière à réexaminer la question. La dépense publique doit soutenir ceux qui en ont véritablement besoin, alors que les dispositifs en place aident ceux qui pourraient se passer de cette aide, tandis que les mesures en faveur des plus pauvres se réduisent comme peau de chagrin.

J'en viens aux dépenses de santé : je comprends les frustrations qui ont été exprimées. J'observe néanmoins que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) est de mieux en mieux respecté, grâce au travail et à l'action du Parlement. Peut-être même l'équilibre aurait-il été atteint si la crise ne s'était pas produite. Nous savons que les dépenses de santé vont continuer à croître pour des raisons strictement démographiques et technologiques. La discipline financière est donc nécessaire pour conserver la qualité de ce système. Cela dit, de grands progrès ont été réalisés ces dernières années, même si beaucoup reste encore à faire.

Ce qui est en cause, ce n'est pas simplement le rôle des marchés, mais surtout notre indépendance et nos enfants. Ce dispositif fait donc oeuvre de salubrité publique.

J'en viens à la remarque de M. Vasselle : le déficit du budget de l'Etat est souvent lié à des circonstances conjoncturelles qui échappent au contrôle du Parlement et même du Gouvernement. Des règles plus sévères pourraient néanmoins améliorer la maîtrise des dépenses publiques. Du côté des collectivités territoriales, le groupe de travail présidé par Gilles Carrez et Michel Thenault a fait des propositions qui vont dans le bon sens.

Mercredi 13 avril 2011

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Présentation des principales dispositions et audition de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée de la santé

La commission entend une communication de Mme Muguette Dini, présidente, rapporteure, sur les principales dispositions du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, puis procède à l'audition de Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé, sur ce texte.

Mme Muguette Dini, présidente, rapporteure. - Avant l'arrivée de Nora Berra, retenue au Conseil des ministres, et pour préparer le débat que nous aurons avec elle sur ce projet de loi, j'ai souhaité vous en présenter les grandes lignes pour que chacun ait à l'esprit les changements importants qu'il pourrait apporter au droit actuel.

Aujourd'hui, lorsqu'une personne souffre de troubles mentaux et n'est plus en mesure de consentir à une hospitalisation éventuelle, des procédures permettent de l'hospitaliser sans son consentement : l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) et l'hospitalisation d'office (HO).

L'HDT est possible en cas de nécessité de soins immédiats et d'une surveillance constante en milieu hospitalier. Comme son nom l'indique, elle repose sur la demande d'un tiers qui doit avoir un lien personnel avec la personne malade et nécessite la production de deux certificats médicaux concordants, le premier ne pouvant pas être établi par un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil du patient. A titre exceptionnel, en cas de péril imminent pour le patient, le directeur peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin exerçant dans l'établissement. Par la suite, la nécessité de l'hospitalisation doit être confirmée par un psychiatre dans les vingt-quatre heures de l'admission, puis dans les trois jours précédant les quinze premiers jours d'hospitalisation, puis chaque mois.

De son côté, l'HO peut être prononcée en cas d'atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l'ordre public. Un seul certificat est nécessaire, qui ne peut pas émaner d'un psychiatre de l'établissement d'accueil.

En HDT comme en HO, l'hospitalisation peut être interrompue par des sorties d'essai, qui sont décidées par un psychiatre de l'établissement dans le cadre d'une HDT ou par le préfet, sur proposition du psychiatre, dans le cadre d'une HO. La durée est limitée à trois mois mais le renouvellement est possible.

Enfin, la levée d'hospitalisation relève du psychiatre en cas d'HDT, mais est automatique si le tiers à l'origine de l'hospitalisation demande sa mainlevée. En cas d'hospitalisation d'office, la levée relève du préfet sur proposition du psychiatre.

Tel est le droit actuel. Qu'en sera-t-il si le projet de loi est adopté ?

Tout d'abord, on ne parlera plus d'hospitalisation, mais de soins sans consentement, ceux-ci pouvant être dispensés en dehors de l'hôpital.

L'entrée dans la procédure de soins sans consentement passera obligatoirement par une période d'observation de soixante-douze heures en hospitalisation complète.

Comme aujourd'hui, le placement en soins sans consentement pourra être fait à la demande d'un tiers ou sur décision préfectorale. Toutefois, le texte prévoit aussi la possibilité d'admettre une personne en l'absence de l'intervention d'un tiers, sur la base d'un seul certificat médical, en cas de péril imminent. Selon l'exposé des motifs du projet, il s'agit de permettre de délivrer des soins à des personnes isolées pour lesquelles il n'existe pas de tiers susceptible de faire la demande.

Pendant la période d'observation, deux certificats successifs devront être établis, vingt-quatre heures et soixante-douze heures après l'admission, pour confirmer, ou non, la nécessité de poursuivre les soins. A l'issue de la période d'observation, un psychiatre établira un « avis motivé » pour proposer soit une hospitalisation complète, soit des soins sans consentement sous une autre forme, comportant des soins en ambulatoire et, éventuellement, des soins à domicile, sur la base d'un protocole de soins.

Dans le cas de soins sans consentement à la demande d'un tiers, la forme de prise en charge sera prononcée par le directeur de l'établissement, qui sera lié par la proposition du psychiatre. En cas de soins sur demande préfectorale, le préfet décidera de la forme de la prise en charge sur proposition du psychiatre. La forme de prise en charge pourra être modifiée à tout moment sur décision préfectorale, lorsque le préfet est à l'origine de la mesure, ou sur décision du psychiatre dans les autres cas.

Une autre nouveauté, imposée par une décision du Conseil constitutionnel, est l'intervention d'un contrôle judiciaire obligatoire. Aujourd'hui, des recours sont possibles mais il n'existe aucun contrôle systématique des décisions d'HO ou d'HDT. Désormais, le juge des libertés et de la détention devra se prononcer sur les mesures d'hospitalisation complète après un délai de quinze jours puis tous les six mois. Il pourra solliciter des expertises et se prononcera après une audience, qui pourra éventuellement se tenir par voie de visioconférence.

En ce qui concerne la sortie des soins sans consentement, une procédure renforcée d'examen est prévue pour certaines catégories de patients, à savoir ceux qui ont fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité ou qui ont déjà été placés en unité pour malades difficiles. La décision de sortie de soins sans consentement ne pourra être prise par le préfet ou par le juge des libertés qu'après avis d'un collège de soignants et présentation de deux expertises.

J'ai mené plusieurs auditions sur ce texte depuis deux semaines et d'autres sont encore prévues jusqu'à la présentation du rapport en commission. Il en ressort que l'idée de soins sans consentement en dehors de l'hôpital est plutôt bien perçue par les familles de patients qui espèrent ainsi que leur malade sera toujours suivi de près, même lorsqu'il quittera l'hôpital.

En revanche, le texte suscite une opposition assez forte des psychiatres. Ils considèrent notamment que la réforme de la loi de 1990 sur l'hospitalisation sans consentement aurait dû s'inscrire dans le cadre d'une loi plus large sur la santé mentale et que ce texte, si l'on excepte les dispositions imposées par le Conseil constitutionnel, est inspiré par une logique exclusivement sécuritaire.

Par ailleurs, le projet de loi multiplie les certificats, les règles de procédure, les transmissions de documents et sa complexité laisse augurer des difficultés de mise en oeuvre. Ainsi, le nombre de certificats et d'expertises pendant une période d'hospitalisation pourra être très élevé, alors que le nombre de psychiatres publics et d'experts judiciaires disponibles est limité.

La question des moyens risque d'être cruciale dans la mise en oeuvre de cette réforme. L'entrée en vigueur du contrôle du juge des libertés et de la détention dès le 1er août prochain suscite de très fortes inquiétudes, le risque de nullités de procédures étant élevé.

A ce stade, il m'est difficile d'en dire plus avant d'avoir procédé aux dernières auditions qui restent à faire, aujourd'hui même et à nouveau le 26 avril. Je n'ai pas encore entendu les représentants des patients ni ceux des infirmiers, qui jouent un rôle important dans ce domaine. J'ai fait préparer à votre intention des tableaux comparatifs très complets présentant le droit actuel et, en regard, la procédure qui s'appliquerait avec l'adoption de ce projet de loi.

M. Guy Fischer. - A nouveau, les conditions d'examen de ce texte sont très resserrées, alors même que nous venons à peine de terminer celui du projet de loi sur la bioéthique. Pour autant, il s'agit d'une préoccupation ancienne, que nous connaissons bien dans l'agglomération lyonnaise, puisque s'y trouvent trois établissements psychiatriques d'importance.

Selon le sentiment général, ce texte provoque colère et indignation, en particulier de la part des associations professionnelles quelles qu'elles soient. Avec une connotation sécuritaire très forte et un vocabulaire qui relève plus du ministère de l'intérieur que de celui de la santé, il constitue clairement un affichage politique. Il y a déjà eu la création d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) en prison...

Mme Christiane Demontès. - Il n'y en a d'ailleurs qu'une pour l'instant, à Lyon justement !

M. Guy Fischer. - Cette cohabitation entre le pénitentiaire et le sanitaire correspond à la même logique que le projet de loi sur les soins psychiatriques : surtout, ne pas régler les problèmes de fond !

Le groupe CRC-SPG condamne donc ce texte, qui revient à créer une garde à vue psychiatrique et qui est un indice supplémentaire d'un Etat qui préfère punir plutôt que guérir. Il instaure une logique répressive en quête permanente de responsables.

Mme Muguette Dini, présidente, rapporteure. - Il faut toutefois relativiser les chiffres : parmi les 70 000 personnes hospitalisées chaque année en HO ou en HDT, beaucoup le sont pour des durées très courtes.

Mme Sylvie Desmarescaux. - Si l'on peut comprendre que les aspects de sécurité soient mis en avant, on doit aussi constater que ce texte n'est soutenu ni par les psychiatres ni par les magistrats ni par les associations. Il tend à créer une véritable usine à gaz, remplie de procédures qu'il sera extrêmement difficile de mettre en place d'ici le 1er août prochain comme cela est pourtant envisagé.

M. Jean-Louis Lorrain. - Certes, on ne voit pas dans ce texte certaines réponses à même de faire entrer dans le système des malades qui ne le veulent pas. Pour autant, je ne vois pas matière aux excès verbaux que j'entends ici ; bien sûr, il y a toujours la hantise de la psychiatrie stalinienne.

M. Guy Fischer. - C'est de l'anticommunisme primaire !

M. Jean-Louis Lorrain. - Non, dans l'esprit des psychiatres, la hantise du totalitarisme est permanente. La principale interrogation devrait être de répondre aux souffrances des familles. Par ailleurs, il faudra résoudre le problème du consentement des personnes emprisonnées.

M. Marc Laménie. - Je suis souvent confronté au désarroi et à la grande solitude des maires ou des élus municipaux lorsqu'ils doivent prendre des mesures provisoires d'hospitalisation d'office. Le problème est encore plus délicat dans les petites communes. J'espère que le projet de loi permettra d'impliquer les élus dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.

Mme Christiane Demontès. - Le projet de loi qui nous est soumis aborde les troubles psychiatriques, mais uniquement sous un certain angle. Or, le Gouvernement s'était engagé, au moment des débats sur la réforme de l'hôpital, il y a maintenant deux ans, à proposer un texte plus large sur la santé mentale que le simple aspect sécuritaire. Je ne suis pas sûre que les familles des victimes y trouvent leur compte. Ce ne sera en tout cas pas la situation des familles de malades ! Nous devons rester vigilants pour ne pas nous laisser happer en permanence par l'émotion.

La réforme de la place du juge dans le dispositif résulte bien d'une décision du Conseil constitutionnel, mais cela n'empêche pas de se poser des questions sur les modalités des audiences ou sur les rapports du juge avec le préfet. Il ne faut vraiment pas connaître la question de la psychiatrie pour oser proposer des visioconférences à des malades de ce type, auxquels cette méthode est totalement inadaptée.

Dans le rapport que j'ai présenté voici un an avec Gilbert Barbier, Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions, nous estimions qu'il n'était pas possible de mettre en place des soins sans consentement en prison, c'est-à-dire sur des personnes enfermées. Or, le présent projet de loi mélange les choses et ne distingue pas entre détenus et non détenus.

Par ailleurs, la question de la sectorisation devra être clairement posée mais elle est intimement liée à celle des moyens déployés pour assurer le suivi et le traitement des malades.

Enfin, le projet de loi met en place un dossier psychiatrique, qui revient ni plus ni moins à un « casier psychiatrique » ; or, nous avions aussi souligné l'an dernier le nécessaire droit à l'oubli en la matière.

M. Jacky Le Menn. - Je constate tout d'abord qu'hormis l'aspect pris en compte par la décision du Conseil constitutionnel, il n'y a pas de vide juridique : les lois existent, les sorties d'essai ne sont pas remises en cause par les professionnels et, si des problèmes se posent ici ou là, une évaluation fine et approfondie paraîtrait nécessaire avant de se lancer dans une telle réforme. D'ailleurs, la loi de 1990 avait prévu que ses dispositions seraient revues dans les cinq ans qui suivaient et, tel Godot, nous n'avons rien vu venir !

Or, ce texte souffre, à l'évidence, d'un péché originel qui nourrit les ambigüités : son contexte sécuritaire. Alors que l'équilibre entre santé et ordre public est fragile, le curseur va ici trop loin du côté de la sécurité, au risque d'oublier complètement l'aspect sanitaire. C'est peut-être pour cela que le texte prévoit une profusion de certificats et de rendez-vous, mais que valent-ils en l'absence de moyens ?

Mme Janine Rozier. - Je crois qu'il est nécessaire de traiter les choses au cas par cas. Certes, il existe des situations très graves, mais il faut aussi trouver des moyens financiers et humains sur le terrain pour s'occuper des « fous doux » que nous connaissons bien dans nos villages et qui posent des problèmes de vie quotidienne auxquels les maires sont régulièrement confrontés.

Mme Roselle Cros. - J'ai moi aussi été confrontée, localement, à des situations où je devais signer, dans l'urgence, des arrêtés entraînant l'hospitalisation d'office de concitoyens. Il s'agit naturellement d'expériences douloureuses, avec des délais de prise de décision très courts.

Un autre aspect doit être pris en compte : nous sommes totalement démunis face à des familles qui viennent nous voir parce qu'elles constatent que leurs enfants ne prennent plus leur traitement et qu'elles s'inquiètent de ce qui peut en advenir. Dans ce cas où l'action préventive devrait être privilégiée, tant le maire que le psychiatre sont dépourvus de véritables moyens d'action.

Par ailleurs, les médecins généralistes ont souvent une approche différente, assez critique des abus de médicaments qui peuvent détruire les personnalités.

Mme Catherine Procaccia. - Les procédures sont en effet complexes. Le Conseil constitutionnel a pris une décision qui nécessite une réforme législative rapide, mais le projet de loi qui nous est soumis va plus loin. En attendant une révision globale sur la question de la santé mentale, quelles sont les dispositions qui pourraient être isolées dans le texte et qui découlent directement de la décision du Conseil ? Je crois savoir qu'il s'agit de l'intervention du juge des libertés, mais comment celui-ci va-t-il juger les dossiers ? Sur quels critères ou compétences ? Ne faut-il pas prévoir un juge spécialisé dans les affaires psychiatriques au sein de chaque tribunal ?

Mme Brigitte Bout. - Même si nous avons tous des expériences d'élu local en la matière, la présentation liminaire et synoptique de la réforme qui nous a été faite est indispensable pour poser clairement les problématiques. Elle permet de préparer correctement l'examen du rapport en commission.

M. Alain Milon. - La question des soins ambulatoires devrait être abordée dans le cadre plus large d'une loi d'ensemble sur la santé mentale, car elle nécessite par exemple de réfléchir à l'organisation de réseaux de psychiatrie.

Si on peut comprendre la volonté de renforcer la sécurité de nos concitoyens, il faut être conscient qu'elle nécessite la mise en place de moyens considérables.

Je note enfin que le projet de loi ajoute des étapes intéressantes dans la procédure de suivi des patients durant les tout premiers jours, qui n'existent pas aujourd'hui et qui vont dans le sens d'une meilleure prise en compte des droits des malades.

Mme Catherine Deroche. - Ma commune a connu, il y a quelques années, un crime commis par un jeune schizophrène, drame épouvantable et traumatisme pour l'ensemble de la population. Or, le maire est souvent contraint de prendre la responsabilité d'une hospitalisation d'office à la place de la famille qui ne souhaite pas le faire pour préserver les liens avec le malade. Ces situations sont évidemment difficiles, d'autant que ces patients sortent parfois très rapidement et il arrive qu'ils s'en prennent avec violence aux élus ou aux fonctionnaires municipaux.

Mme Muguette Dini, présidente, rapporteure. - Je souhaite la bienvenue à la ministre et lui laisse la parole pour présenter le projet de loi.

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé. - Le texte poursuit un triple objectif :

- un objectif de santé en permettant une meilleure prise en charge des personnes nécessitant des soins psychiatriques, mais qui sont incapables de consentir à ces soins ;

- un objectif de sécurité en assurant avant tout celle des patients, mais aussi celle des tiers, lorsque les troubles mentaux de la personne représentent un danger pour elle-même ou pour autrui ; l'amélioration de la continuité des soins est la meilleure garantie sur ce point ;

- enfin, un objectif de liberté en garantissant aux patients le respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés individuelles.

Le projet de loi concerne les 70 000 personnes par an qui font l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte.

La loi de 1990 devait être revue au bout de cinq ans. Plusieurs rapports, dont le rapport Strohl de 1997, ont fait des préconisations. Nous reprenons plusieurs d'entre elles : une période d'observation de soixante-douze heures, l'alternative à l'hospitalisation comme forme de prise en charge, la possibilité de prendre en charge une personne sans tiers.

Le projet de loi est une réponse aux besoins des professionnels, des patients et des familles, car il est nécessaire de réviser le dispositif pour tenir compte de la diversification des modes de prise en charge en psychiatrie, pallier l'absence de demande d'un tiers pour offrir des soins adaptés à une personne isolée et améliorer le fonctionnement des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques.

Nous avons également pris en compte l'avis du Conseil constitutionnel, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, et prévu que :

- au bout de quinze jours d'hospitalisation complète, la proportionnalité de la mesure sera soumise au contrôle systématique du juge des libertés et de la détention ;

- le contrôle de plein droit exercé par ce juge sera renouvelé tous les six mois, à compter de la dernière décision prise.

Je rappelle que cette saisine automatique du juge s'ajoute au recours facultatif, déjà prévu par le code de la santé publique, et qui, bien entendu, est maintenu : le patient peut aujourd'hui saisir à tout moment le juge des libertés et conservera ce droit à l'avenir.

Le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi du régime de l'hospitalisation d'office. Mais les garanties qu'il a demandées pour les hospitalisations à la demande d'un tiers doivent également être apportées aux hospitalisations d'office. Le projet de loi prévoit donc le même type de saisine dans les deux cas de figure.

Mme Muguette Dini, présidente, rapporteure. - Le Gouvernement s'était engagé, lors de l'examen de la loi HPST, à préparer et présenter une loi d'ensemble sur l'organisation de la psychiatrie et la santé mentale. Beaucoup ont le sentiment que ce projet de loi en constitue une version non aboutie. Le Conseil constitutionnel a, par la suite, pris une décision nécessitant une réforme législative sur un point précis, la judiciarisation de la procédure. Dans ces conditions, le présent projet de loi, qui comprend ces deux volets, constitue-t-il à vos yeux la réforme d'ensemble tant attendue ?

Par ailleurs, les dispositions du texte doivent entrer en vigueur le 1er août prochain. Est-ce réaliste au regard des nombreuses innovations qu'il contient, notamment dans les pratiques des magistrats, des médecins et des soignants en général ?

Enfin, le texte ouvre la possibilité de recourir à la visioconférence pour les audiences du juge des libertés et de la détention. Est-ce vraiment envisageable pour des malades gravement perturbés et parfois délirants ?

M. Guy Fischer. - En effet, comment envisager la moindre seconde une entrée en vigueur le 1er août, période où justement on ferme des services et où les administrations et les hôpitaux sont désertés en raison des restrictions budgétaires ? On sait bien que les moyens des hôpitaux publics, en crise, sont drastiquement réduits.

Sur le fond, ce texte complexe qui touche pourtant l'humanité des personnes ne suscite que colère et indignation des associations et des professionnels. Il répond uniquement à des objectifs sécuritaires à la suite des drames que l'on connaît.

La santé mentale mérite mieux ! Et il est aujourd'hui nécessaire de retirer ce projet de loi, qui est inacceptable. Nous devrions réfléchir et débattre d'une véritable réforme d'ensemble sur la psychiatrie. Plutôt que de respecter les libertés et les droits fondamentaux, ce texte répond aux objectifs d'affichage du Président de la République, qui veut uniquement désigner des bouc-émissaires !

M. Claude Jeannerot. - Traiter de la santé mentale sous le seul angle des soins sans consentement ne peut aboutir, comme on le voit dans ce texte, qu'à une vision tronquée, partielle et partiale. En conséquence, ne serait-il pas sage de reporter l'examen de la question à une réforme plus large et plus globale ?

M. Ronan Kerdraon. - Naturellement, on ne peut que partager les objectifs pour le moins larges et consensuels développés dans la présentation, elle-même concise, de la ministre : santé, sécurité et liberté. Mais quelles sont les motivations réelles pour présenter un tel texte, dans un délai aussi court et avec une certaine forme de précipitation ? Sur de tels sujets, on devrait au contraire prendre le temps d'une réflexion approfondie et contradictoire. Alors que ce texte n'est pas du tout soutenu par les professionnels ou les associations de patients, le retrait est à ce jour la meilleure solution !

Mme Sylvie Desmarescaux. - Je comprends la nécessité de réviser les procédures aujourd'hui en vigueur, avec l'objectif de renforcer la sécurité des personnes. En outre, il est important d'apporter des réponses aux familles et aux maires qui se trouvent face à des situations difficiles à vivre.

Pour autant, le délai du 1er août me paraît très court et peu réaliste. Qui plus est, quels moyens seront mis en place pour appliquer concrètement ces nouvelles mesures, notamment en termes de nombre de juges ?

En ce qui concerne les soins ambulatoires et à domicile, comment suivre la mise en oeuvre des protocoles de soins, alors que c'est déjà très délicat aujourd'hui ?

Enfin, quand on constate que les psychiatres, les magistrats et certaines associations familiales ne partagent pas la vision proposée par ce projet de loi, on peut s'interroger sur ses objectifs exacts. Dans ce cadre, quels sont les apports de ce texte ?

Mme Valérie Létard. - Les documents de travail que nous a fait distribuer la rapporteure permettent d'éclairer nos débats, notamment pour identifier les changements par rapport au droit existant. On constate combien les procédures restent complexes. Si le texte apporte de la souplesse et ouvre le champ des possibles, quels seront les moyens mis en place pour mieux accompagner les malades, d'un côté, les élus confrontés aux difficultés sur le terrain, de l'autre ?

Par ailleurs, quelles solutions le projet de loi prévoit-il pour améliorer l'accompagnement à la sortie de la prise en charge ?

Enfin, comment justifier une application aussi rapide de l'ensemble du texte ? Ne pouvons-nous prendre le temps de la mise en oeuvre pour mieux impliquer les professionnels concernés ?

Mme Catherine Procaccia. - L'implication automatique du juge des libertés et de la détention dans la procédure est certes une conséquence de la décision du Conseil constitutionnel mais le juge n'aura-t-il pas tendance à suivre l'avis du médecin, car ses compétences propres seront naturellement limitées ? Pour pallier cette difficulté, une formation des magistrats à ces problématiques est-elle prévue ou ne faudra-t-il pas spécialiser certains JLD ?

Par ailleurs, les élus locaux sont souvent seuls pour aider les familles ou prendre des décisions lourdes de conséquences sur la vie des gens et de leurs proches. Comment préciser le rôle de chacun pour faciliter le travail des maires ?

Enfin, j'estime que, s'il faut naturellement aider les malades, il est également nécessaire de protéger les citoyens et les familles.

M. Jacky Le Menn. - L'article 4 de la loi de 1990 prévoyait qu'une évaluation de ses dispositions devrait être réalisée dans les cinq années qui suivaient sa promulgation. Il est aujourd'hui plus que temps et une réforme d'ensemble de la prise en charge de la santé mentale est nécessaire. Clairement, cette exigence de globalité n'est pas remplie dans le projet de loi : dans ces conditions, n'est-il pas possible de disjoindre les dispositions découlant de la décision du Conseil constitutionnel du reste du texte ?

L'ensemble des professionnels que nous avons pu rencontrer sont atterrés devant la précipitation et évoquent une loi de circonstances, connotée du point de vue sécuritaire. Or, les faits divers, s'ils sont dramatiques, ne doivent pas nous éloigner de la prise en compte juste de la proportion des choses.

Un équilibre doit être trouvé entre les objectifs de santé, de sécurité des patients et des tiers et de liberté individuelle. Il ne faut donc pas partir sur des ambigüités. Tout cela ne peut que faire apparaître d'énormes difficultés d'application, notamment pour les élus et les personnels soignants.

En conclusion, nous sommes d'accord pour apporter des réponses adaptées aux exigences constitutionnelles mises en avant par le Conseil mais, pour le reste, il faut remettre à plus tard !

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Je m'inscris tout d'abord en faux contre l'allégation de précipitation. De nombreux rapports ont été remis ces dernières années au Gouvernement et d'importants éléments objectifs ont alimenté les travaux de rédaction du texte. Celui-ci a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 5 mai 2010 après plusieurs mois de concertation avec les associations et syndicats professionnels. Qui plus est, cette concertation est toujours en cours, à la fois sur les évolutions du texte liées aux discussions parlementaires et sur les très importants aspects non législatifs de la réforme.

Une loi plus large est-elle nécessaire ? Je ne le crois pas car beaucoup de mesures n'entrent pas dans le domaine législatif. Le présent projet de loi redéfinit les modalités de prise en charge des malades, en élargissant les alternatives à l'hospitalisation. Or, la garantie du succès thérapeutique repose souvent sur le fait d'éviter le déracinement des patients, de les maintenir dans leur environnement, leur référentiel. Le Gouvernement prépare un plan de santé publique ambitieux pour l'organisation et les moyens de la prise en charge psychiatrique ; il sera présenté à l'automne et il répond très clairement à une logique globale, mais ne relève pas - encore une fois - du domaine législatif.

En ce qui concerne la sectorisation, une réflexion est en cours et nous sommes ouverts sur cette question.

La visioconférence ne sera pas possible si le patient s'y oppose ou si le médecin ne l'estime pas opportune. Il s'agit d'une possibilité et elle n'a pas de caractère systématique.

Le texte ne modifie pas, à ce stade, le rôle des élus dans la procédure de prise en charge sans consentement.

Mme Catherine Procaccia. - Si rien ne change, cela signifie donc qu'on laisse, comme c'est le cas aujourd'hui, les maires seuls devant des responsabilités écrasantes.

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Les choses ne sont pas figées ; nous pourrons discuter si des propositions concrètes d'amélioration sont faites.

Au sujet des protocoles de soins, ils existent déjà puisque l'on pratique couramment les sorties à l'essai.

Le 1er août est une date impérative, fixée par le Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne les moyens à mettre en place, je veux souligner que le Gouvernement a totalement respecté l'étude d'impact qui est annexée au projet de loi : recrutement de soixante greffiers, de quatre-vingts magistrats et de quatre cents vacataires. Un concours sera lancé fin avril pour une prise de fonctions en septembre 2012. Du côté des professionnels de santé, nous estimons, au-delà de la question de leur inégale répartition sur le territoire, que des moyens supplémentaires ne sont pas nécessaires car, en limitant l'hospitalisation, nous permettons un transfert vers l'ambulatoire.

M. Guy Fischer. - Cela s'appelle déshabiller Pierre pour habiller Paul...

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Enfin, j'ai pu constater sur le terrain que les systèmes d'équipes mobiles sont très efficaces : l'hôpital sort de son cocon et organise une filière de soins permettant d'améliorer notablement la prise en charge, notamment pour des malades très mal suivis jusqu'à présent.

M. Gilbert Barbier. - Si le projet de loi apporte tant d'améliorations, notamment pour le patient, comment expliquer, sincèrement, une telle hostilité de la part des professionnels ? S'agit-il d'un manque de concertation ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Un tel texte fait rarement consensus. D'ailleurs, derrière le brouhaha produit par certains, je souligne que d'autres professionnels accompagnent ce texte : le syndicat universitaire de psychiatrie (Sup), l'union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), le syndicat des psychiatres français, le collège national universitaire de psychiatrie (Cnup), la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap), la fédération nationale des associations d'(ex) patients en psychiatrie (Fnapsy), la conférence des présidents des commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers spécialisés (CME-CHS), l'association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), la fédération hospitalière de France (FHF), le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) - Intersyndicale des psychiatres publics (IPP), le comité d'études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (Cefi-Psy), l'association scientifique de psychiatrie institutionnelle (Aspi) et le syndicat des psychiatres salariés (SPS), la fédération française de psychiatrie (FFP), le collège de psychiatrie médico-légale (fédération française de psychiatrie) et le collège de recherche et d'information multidisciplinaire en criminologie de l'Université de Poitiers (Crimcup) et, enfin, l'intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) - intersyndicale des psychiatres publics (IPP). Toutes ces institutions ont récemment publié un communiqué de presse qui se réjouit des avancées faites à l'Assemblée nationale et qui propose d'autres évolutions. Elles alimentent donc les travaux législatifs et ont une approche constructive.

Mme Raymonde Le Texier. - Nous savons tous à quoi sert ce texte et c'est désespérant. Qui plus est, les annonces de créations de postes dans le monde judiciaire ne serviraient même pas à combler les trous béants qui existent aujourd'hui dans tous les tribunaux, où les personnels se dévouent et sont obligés de travailler, sans compter leurs heures, dans des conditions lamentables. Alors comment ces recrues pourront-elles faciliter la mise en oeuvre des nouvelles mesures prévues dans le projet de loi, dont tout le monde s'accorde à dire quelles seront extrêmement chronophages ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Nous respectons l'étude d'impact qui a été préparée pour ce texte et qui est publiée en annexe. Les décisions correspondent bien aux besoins. D'ailleurs, je trouve curieux que le parti socialiste, qui réclame toujours des postes supplémentaires, ne soit pas satisfait dans ce cas !

Mme Raymonde Le Texier. - Votre réponse est un stéréotype, malheureusement pas à la hauteur des enjeux de fond !

M. Jacky Le Menn. - Vous nous avez donné la liste des personnes que vous avez consultées. Mais nous avons aussi rencontré ces partenaires et je ne crois pas me tromper en disant qu'ils ne débordent pas d'enthousiasme devant le texte. Ce n'est pas vraiment un tsunami de joie et de félicité ! Le communiqué de presse que vous citez dresse la liste des points de passage vers une réforme réussie et cela représente un pas de géant que nous n'avons pas franchi aujourd'hui. Je ne crois pas que nous devons prendre autant de libertés avec la réalité !

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Ces organisations ne réclament pas le retrait du texte.

Mme Annie David. - Non, mais elles proposent tellement d'amendements que cela revient un peu au même...

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - En tout cas, disjoindre certains éléments de ce texte pour en faire un second projet de loi nécessiterait de trouver un espace supplémentaire dans un ordre du jour parlementaire déjà saturé.

M. Alain Milon. - Il est vraiment difficile de défendre un texte de santé mentale qui aurait dû être beaucoup plus abouti que ce qui nous est proposé aujourd'hui. En ce qui concerne les moyens, il est indispensable de regarder aussi le volet santé. Quels moyens seront mis en place en termes de personnels soignants, qui forment une chaîne complète : médecins, psychiatres, infirmiers surtout... ? Sur ce dernier point, quel effort sera fourni pour améliorer la formation de ces personnels, notamment les infirmiers psychiatriques dont j'ai demandé le rétablissement dans un précédent rapport d'information de l'Opeps ?

M. Yves Daudigny. - On voit bien que le projet de loi se pare des atours de la décision du Conseil constitutionnel et tente d'y trouver sa justification, alors que les dispositions sont clairement d'opportunité électorale. Dans ces conditions, hormis les exigences constitutionnelles, en quoi ce texte apporte-t-il des réponses positives à des insuffisances du droit en vigueur ou à des dangers aujourd'hui encourus ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Qu'auriez-vous inscrit dans une loi de santé mentale ?

M. Alain Milon. - Ce qu'on trouve dans les différents rapports publiés sur cette question ces dernières années, par exemple le rapport Couty ou celui que j'ai établi au nom de l'Opeps, l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, voici deux ans : adapter l'organisation territoriale de la psychiatrie aux besoins de la population, créer une spécialisation de niveau master pour les infirmiers, renforcer les coopérations entre professionnels de santé mentale en développant la notion de réseaux, etc.

Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat. - Nous travaillons justement à un plan global de santé mentale qui englobera tous ces sujets, de la prévention à la recherche, et ces dispositions ne relèvent pas du niveau de la loi. De même, trouver les moyens adaptés ne peut être écrit dans une loi de santé mentale. Comme pour le plan Alzheimer ou le plan Cancer, le Gouvernement présentera un plan de santé mentale et il n'est nul besoin d'avoir une loi pour cela. Nous avons nous aussi à coeur d'apporter des réponses concrètes à nos concitoyens.