Mardi 15 novembre 2011

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, et de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -

Application de l'article 68 de la Constitution - Examen des amendements au texte de la commission

La commission examine les amendements au texte n° 85 (2011-2012) qu'elle a établi pour la proposition de loi organique n° 69 (2009-2010) portant application de l'article 68 de la Constitution.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Jean-Pierre Michel, président. - Nous allons examiner les amendements au texte de la commission, sachant que M. Hyest a déposé une motion tendant à opposer la question préalable et qui sera discutée en séance.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je suis d'ores et déjà contre la question préalable.

Article 1er

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - J'ai déjà présenté la teneur de notre amendement n° 3 qui veut donner au Parlement le pouvoir d'agir par l'intermédiaire des groupes politiques.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je me suis penché attentivement sur cette question et sur l'ensemble des amendements. La commission de la Haute Cour devra être indépendante et pluraliste, et chaque groupe doit pouvoir y être représenté. Mais nous devons nous garder de certains effets, de certaines inégalités, surtout si nous nous dirigeons vers des groupes de dix membres. Dans une commission de douze membres, soit six sénateurs et six députés, dans l'hypothèse où, dans une assemblée, on compterait cinq, six, sept groupes, nous aurions des situations d'une inégalité inacceptable, un groupe de dix parlementaires pouvant avoir la même représentation qu'un groupe de 200. Faut-il augmenter le nombre de membres ? Avec 60 membres - le nombre souhaitable pour la proportionnelle des groupes - nous aurions un vrai petit Parlement. Est-ce souhaitable ? Je propose donc par mon amendement de porter le nombre de membres à seize parlementaires, soit huit sénateurs et huit députés élus selon la proportionnelle au plus fort reste des groupes dans le respect du pluralisme. Cette formule éviterait les inconvénients des autres solutions. Toutes les composantes seraient représentées sans contrainte inutile.

M. Jean-Jacques Hyest. - Mme Borvo, à ce stade, ne parle que du droit de saisine qu'elle veut accorder aux groupes politiques, et ne traite pas de la composition de la commission. Pour la saisine, le rapporteur se rallie à un dixième des membres de chaque assemblée, qui est la solution du gouvernement. Mme Borvo va plus loin.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Vous avez raison : j'abordais l'ensemble des amendements pour aller directement au coeur du problème. Je suis toujours hostile à l'amendement de Mme Borvo et je préfère la position du gouvernement dans son projet de loi. Je ne suis pas d'accord avec l'idée de laisser le droit de saisine à la discrétion des groupes.

Mme Corinne Bouchoux. - Il ne nous semble pas absurde, pour une mesure exceptionnelle dans des circonstances exceptionnelles, de confier la saisine non seulement à 1/10e des membres d'une assemblée, mais aussi à un groupe. Nous sommes favorables à la proposition de Mme Borvo.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je suis contre. La destitution du chef de l'État est un acte grave qui ne saurait dépendre de l'action d'un groupe politique. Cette initiative serait nécessairement interprétée comme un geste politique, alors qu'il doit s'agir d'une démarche républicaine, dans l'intérêt supérieur de la nation. La formule du gouvernement respecte les droits du Parlement.

M. Yves Détraigne. - Nous allons peut-être avoir des groupes de dix membres : je suis contre cet amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous parlons de la saisine et non de la destitution. Je suis scandalisée par l'idée que la saisine par un groupe serait une « politisation » inacceptable, comme si le Parlement n'était pas de part en part politique. Je déplore cet éloge de l'apolitisme qui privilégie la collusion entre trente parlementaires à la démarche d'un groupe ! Je maintiens l'amendement.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - J'aime la politique, j'en fais et j'en suis fier. C'est une activité digne. Mais, en l'espèce, il s'agit d'un manquement grave du chef de l'État qui amène à considérer sa destitution. Un certain nombre de parlementaires d'opinions différentes doivent pouvoir demander la saisine de la commission : il ne faut pas que cet acte d'une grande gravité soit perçu comme un acte dans le combat politique de chaque jour. Je vous rappelle ce que disait notre ancien collègue Robert Badinter : il se trouvera toujours « un vieux Caton ou un jeune Saint-Just » pour déposer une motion. La prudence de M. Badinter n'est pas pour autant de la défiance à l'égard de la politique.

M. Christophe Béchu. - Je me rallie à la position de M. le rapporteur car la saisine enclenche déjà quelque chose de lourd. Il faut un seuil minimal de parlementaires.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Article 4

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - J'ai présenté l'objet de l'amendement que je dépose : la commission comprendrait seize membres au lieu de douze, et ceux-ci seraient élus « dans le respect du pluralisme ».

M. Alain Richard. - S'il faut mentionner les groupes, n'est-il pas préférable de dire « dans le respect du pluralisme des groupes » car « la représentation proportionnelle au plus fort reste des groupes » est une formule ambiguë ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Elle se trouve dans le Règlement du Sénat, mais je suis sensible à l'argument de M. Richard Je proposerai de passer à seize, voire à vingt membres pour tenir compte de l'existence de cinq à six groupes dans chaque assemblée, tout en respectant la proportionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest - C'est de la surenchère !

M. Jean-Pierre Michel, président. - Pouvez-vous préciser votre rectification ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - A l'alinéa 1, deuxième phrase, de l'article 4 : premièrement, la commission comprend 20 membres ; deuxièmement, supprimer « des groupes » après « au plus fort reste » ; troisièmement, ajouter, après « reste », « dans le respect du pluralisme des groupes ».

Mme Catherine Tasca. - Je m'interroge sur le terme de pluralisme. Ce qu'on vise, n'est-ce pas plutôt la pluralité des groupes ? Le pluralisme comporte, me semble-t-il, une petite ambiguïté. Sans doute voulez-vous afficher ce terme ?

M. Alain Richard. - Il est normatif, ce que ne suggère pas « pluralité ».

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Il est breveté : il a l'avantage de figurer à l'article 4 de la Constitution. Nous dirons ce qu'il faut en séance pour préciser sur ce point les travaux parlementaires. Il ne s'agit pas de représenter tous les courants de pensée du parti socialiste...

M. Michel Delebarre. - Vingt membres n'y suffiraient pas !

M. Jean-René Lecerf. - Je voterai contre. Votre amendement laisse supposer que chaque groupe serait représenté. Or nous légiférons de manière globale, dans tous les cas de figure. Si le seuil de constitution d'un groupe est abaissé à dix personnes, pas moins de 34 groupes pourraient être représentés !

M. Jean-Jacques Hyest. -Nous ne prendrons pas part au vote. Tout cela n'est pas mûr...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous allez le faire mûrir !

L'amendement du rapporteur est adopté. En conséquence la commission est défavorable aux amendements n° s 1 et 4 qui deviennent sans objet.

Article 5

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Cet amendement, présenté par M. Collombat, ne me convainc pas. Il tend à supprimer les conséquences qui s'attacheraient au dépassement du délai d'un mois donné à la Haute Cour pour statuer. Dans ce cas, la Cour serait dessaisie.

M. Alain Richard. - A partir de quand court ce délai ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - L'article 68 de la Constitution dispose que la Haute Cour statue dans un délai d'un mois...

M. Alain Richard. - Cela suppose que les faits soient incontestables. S'il y a le moindre doute, s'il faut procéder à une analyse approfondie des faits, le délai paraît insuffisant : l'impeachment de Nixon a pris six mois !

M. Jean-Pierre Michel, président. - Ce délai est inscrit dans la Constitution !

M. Alain Richard. - Tout dépend de son point de départ ! S'agit-il de la saisine de la Haute Cour ou du rapport de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Le délai d'un mois court à partir du moment où la proposition de réunion de la Haute Cour a été adoptée par les deux assemblées... L'amendement de M. Collombat supprime le dessaisissement de la Haute Cour au cas où elle ne statue pas dans les délais.

M. Alain Richard. - Même si on ne l'écrivait pas...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. -...Cela irait de soi, donc il vaut mieux que ce soit écrit. Imaginez la situation extraordinaire où se trouverait le pays, il n'est pas souhaitable qu'elle soit prolongée...

M. Alain Richard. - En tout cas la Constitution a tranché !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Examen de l'amendement du rapporteur

Article

Objet de l'article

Numéro de l'amendement

Auteur de l'amendement

Sort

Article 4

Mise en place d'une commission ad hoc

6 rect.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur

Adopté

Tableau des amendements extérieurs

Article

Objet de l'article

Numéro de l'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Motion tendant à opposer la question préalable

 

5 rect.

M. Jean-Jacques Hyest et les membres du Groupe Union pour un mouvement populaire

Défavorable

Article premier

Conditions de recevabilité

3

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du Groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article 4

Mise en place d'une commission ad hoc

1

M. Pierre-Yves Collombat

Défavorable

4

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du Groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article 5

Organisation des débats devant la Haute Cour

2

M. Pierre-Yves Collombat

Défavorable

Loi de finances pour 2012 - Mission Protection judiciaire de la jeunesse - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Nicolas Alfonsi sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice »).

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis. - Je suis heureux de rapporter ce budget qui mérite à mon sens une attention particulière. Comme je l'indiquais l'an dernier, depuis 2008, la protection judiciaire de la jeunesse a profondément évolué : confrontée à une baisse continue de ses crédits (qui ont diminué de 6,3% entre 2008 et 2011) et de ses effectifs (suppression de 540 emplois), elle a recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants et s'est dégagée de l'exécution des mesures d'assistance éducative ordonnées par les juges des enfants dans le cadre de la protection de l'enfance en danger. Ces mesures relèvent désormais de la seule compétence des services d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux. Parallèlement, elle s'est engagée dans une démarche de restructuration de ses services déconcentrés, de rationalisation de l'offre de prise en charge sur l'ensemble du territoire et de modernisation de ses pratiques, afin de limiter l'effet des réductions budgétaires sur la qualité des prises en charge. A ce titre, des efforts très importants ont été accomplis et doivent être soulignés.

En 2012, la DPJJ prévoit de marquer une pause : pour la première fois depuis 2008, ses crédits augmenteront de 4,6% en autorisations d'engagement, de 2% en crédits de paiement. Elle disposera ainsi de près de 793 millions d'euros en autorisations d'engagement et de près de 773 millions d'euros en crédits de paiement. Toutefois, cet accroissement global dissimule une évolution contrastée, puisque l'essentiel de ces crédits supplémentaires seront consacrés à l'ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF). 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 10 millions d'euros de crédits de paiement seront affectés à ce projet. En 2012, 11,6 % du budget global de la PJJ sera ainsi consacré aux CEF. Parallèlement, le plafond d'emplois alloué à la PJJ diminuera globalement de 106 équivalents temps plein (ETP) : 76 ETP seront transférés au programme n°310 : « conduite et pilotage de la politique de la justice », afin de permettre la mise en place des plateformes interdirectionnelles CHORUS ; 60 nouveaux ETP seront dédiés à la création de 20 nouveaux CEF ; 50 nouveaux ETP seront affectés aux services de milieu ouvert, dans les territoires affectés par les délais de prise en charge les plus élevés ; parallèlement, 140 ETP devront être supprimés.

Je souhaiterais profiter de cette présentation pour mettre en perspective les évolutions accomplies depuis trois ans et évoquer les trois points suivants : d'une part les réformes intervenues dans l'organisation de la justice pénale des mineurs ; d'autre part, la priorité accordée depuis plusieurs années à la prise en charge des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants, au détriment des structures de milieu ouvert et d'hébergement traditionnelles ; enfin, le problème de pilotage de la justice civile des mineurs.

Les réformes intervenues dans l'organisation de la justice pénale des mineurs, tout d'abord. Je passe rapidement sur la question de l'évolution de la délinquance des mineurs. Augmente-t-elle ? N'augmente-t-elle pas ? Certes le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie augmente, mais la part des mineurs dans la délinquance globale est stable et diminue même légèrement (aux alentours de 19% de la délinquance globale).

On assiste surtout depuis une dizaine d'années à un accroissement important du rôle du parquet en matière de justice pénale des mineurs. D'une part, les parquets poursuivent presque systématiquement les mineurs mis en cause. Le taux de réponse pénale était de 93,9% en 2010 (contre seulement 78,5% en 2002), en raison, notamment, d'une très forte diminution des classements sans suite. D'autre part, les parquets recourent de plus en plus aux procédures alternatives aux poursuites et à la composition pénale. En 2010, 53,6% des affaires mettant en cause des mineurs ont été classées après réussite d'une procédure alternative aux poursuites (dans deux tiers des cas, après un simple rappel à la loi). Depuis 2002, le législateur a conforté ce rôle croissant joué par le parquet, en créant deux procédures qui lui permettent de saisir directement la juridiction pour mineurs sans instruction préalable par le juge des enfants : la procédure de présentation immédiate, inspirée de la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs, créée en 2002, et la procédure de convocation par officier de police judiciaire (COPJ), créée par la loi du 10 août 2011, qui permet au parquet de faire comparaître le mineur devant la juridiction pour mineurs dans un délai de dix jours à deux mois. 1 686 procédures de présentation immédiate ont été mises en oeuvre par les parquets en 2010.

J'en viens maintenant aux bouleversements qui affectent à l'heure actuelle les juridictions pour mineurs. Tout d'abord, la loi du 10 août 2011 a créé une nouvelle juridiction : le tribunal correctionnel pour mineurs. Cette nouvelle juridiction sera compétente à partir du 1er janvier 2012 pour juger des mineurs récidivistes de plus de seize ans. Elle sera présidée par un juge pour enfants, qui sera assisté cette fois par deux magistrats professionnels, et non plus par deux assesseurs devant les tribunaux pour enfants, choisis en raison de leurs compétences et de leur intérêt pour les questions de l'enfance. Il y a là une regrettable mise à l'écart de personnes qui ont pourtant montré leur savoir-faire. Je précise que le Conseil constitutionnel a estimé que le tribunal correctionnel pour mineurs ne pouvait pas être considéré comme une juridiction pénale spécialisée.

J'évoquerai également la QPC du Conseil constitutionnel en date du 8 juillet 2011. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a jugé que, désormais, un juge des enfants ayant instruit une affaire ne pourrait plus présider l'audience du tribunal pour enfants chargée de juger cette affaire sans porter au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution. Cette décision inquiète fortement les magistrats pour enfants, notamment ceux situés dans les 34 tribunaux pour enfants qui ne comprennent qu'un juge pour enfants. Le Gouvernement a introduit des dispositions dans la « PPL Ciotti » afin de prévoir qu'en cas de nombre insuffisant de juges des enfants, il serait possible de faire appel à un juge des enfants du ressort de la cour d'appel. Cette solution inquiète les juges des enfants, notamment au regard de la charge de travail qu'elle entraînera (délais de route pour se rendre d'une juridiction à une autre, délais nécessaires pour prendre connaissance des dossiers, etc.). Comme vous le savez, cette proposition de loi est toujours en cours d'examen par le Parlement. Il y a par ailleurs eu des expérimentations dans certaines juridictions, mais le Gouvernement ne nous a pas donné davantage de précisions sur ce point.

J'évoquerai enfin rapidement la question des délais de jugement et d'exécution des décisions de justice, qui sont toujours trop importants.

Des progrès indéniables ont été réalisés par la PJJ : le délai moyen est passé de 28 jours à 20 jours environ. Toutefois, de très grandes disparités subsistent entre les territoires. Sur un axe Lille - Paris - Lyon - Marseille notamment, les délais d'exécution des décisions prises par les juridictions pour mineurs peuvent atteindre plusieurs mois, ce qui est très regrettable en termes de pédagogie de la réponse pénale.

J'en viens maintenant aux priorités qui fondent le budget que nous examinons. L'essentiel des crédits supplémentaires alloués à la PJJ en 2012 sera consacré à la création de 20 nouveaux CEF, comme le Gouvernement l'avait annoncé lors de la discussion de la loi du 10 août 2011 sur les « citoyens assesseurs ». Or la création de ces nouveaux CEF ne s'effectuera pas ex nihilo, mais à partir de la transformation d'unités d'hébergement existantes. Nos collègues François Pillet et Jean-Claude Peyronnet ont rendu il y a quelques mois un rapport d'évaluation consacré aux dispositifs de prise en charge des mineurs multirécidivistes créés en 2002 : centres éducatifs fermés et établissements pénitentiaires pour mineurs. Je ne reviens pas sur leurs conclusions, modérément optimistes s'agissant des CEF, plus mesurées s'agissant des EPM. Je souligne toutefois que ces dispositifs coûtent très cher : 614 euros par jour en CEF ; quant à l'EPM, le Gouvernement est incapable à ce jour de nous donner une évaluation globale du coût d'une journée de détention, ce qui n'est pas acceptable. Nos collègues l'ont évalué à environ 570 euros. A moyens budgétaires constants, le développement des CEF et des EPM diminue donc mécaniquement les moyens disponibles pour financer les services de milieu ouvert et les foyers d'hébergement classiques. Une telle orientation aura donc pour effet d'appauvrir la « palette » des réponses ouvertes aux juges des enfants, au préjudice de l'ensemble des mineurs concernés :

- d'une part, les établissements de placement éducatif (foyers traditionnels) offrent un mode de prise en charge adapté à certains mineurs délinquants moins « difficiles » que ceux qui sont placés en CEF ;

- d'autre part, un placement en CEF - ou une détention - ne peut être qu'une étape dans le parcours du jeune, qui doit pouvoir bénéficier d'un suivi éducatif à sa sortie, dans un foyer ou dans un service de milieu ouvert. Or, nous savons qu'il faut absolument éviter les « sorties sèches » de détention ou de centre éducatif fermé, au risque de favoriser la réitération.

En conséquence, il me semble essentiel d'appeler le Gouvernement à la plus grande prudence s'agissant de la réalisation de ce projet de création de nouveaux CEF. Et ce d'autant plus que le secteur associatif habilité souffre de ces réductions de crédits dans le domaine du milieu ouvert et dans les foyers classiques d'hébergement : en 2011, ce secteur subit un report de charge d'environ 2 mois de crédits de paiement. Un grand nombre de services sont déstabilisés, voire contraints à la fermeture, ce qui est très préoccupant. Le Gouvernement indique avoir pris la mesure de cette difficulté. Ainsi, un projet de décret est actuellement examiné par le Conseil d'Etat afin de permettre à la DPJJ d'assurer le financement de services associatifs par dotation globale de financement.

Je terminerai mon intervention par quelques mots sur la question de la protection de l'enfance en danger. Depuis 2008, la PJJ s'est désengagée de l'exécution des mesures de protection ordonnées par les juges des enfants, à l'exception des mesures d'investigation. Depuis 2011, plus aucun crédit n'est consacré à ces prises en charge. Toutefois, la DPJJ a une compétence générale de pilotage de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs. Or, ce pilotage est nettement insuffisant à l'heure actuelle.

En effet, l'ensemble des mesures judiciaires prescrites par les juges des enfants doivent désormais être exécutées par les conseils généraux. Dans une décision QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il n'y avait pas eu transfert de charges. Nous prenons acte de cette décision. L'Etat a par ailleurs mis en place un certain nombre de mécanismes de concertation avec les conseils généraux, notamment les cellules de recueil des informations préoccupantes, afin de trouver des solutions permettant d'assurer la continuité du parcours des jeunes concernés. Toutefois, et en dépit des préconisations formulées par la Cour des comptes, l'Etat -la DPJJ- ne dispose toujours pas d'outil de suivi lui permettant de connaître le taux et les délais d'exécution des mesures de protection décidées par les juges des enfants. Cette situation est particulièrement regrettable : il ne me paraît pas acceptable que le ministère de la justice, qui est en principe le garant du bon fonctionnement de la Justice, ne soit pas en mesure de savoir si les décisions prononcées par des juges des enfants sont exécutées dans des délais raisonnables et dans des conditions satisfaisantes. En conséquence, il me semble qu'il convient d'appeler le Gouvernement à mettre en oeuvre dans les plus brefs délais un tel outil de suivi.

J'en viens à ma conclusion. J'ai l'honneur de rapporter les crédits de la PJJ depuis plusieurs années maintenant. Il me semble qu'il faut replacer les choses en perspective. Oui il y a des problèmes préoccupants, notamment le développement des CEF au détriment du milieu ouvert et l'absence de suivi des décisions prises par les juges des enfants en assistance éducative. Mais des efforts ont aussi été réalisés par la PJJ, il y a eu des progrès indéniables, un renforcement du dialogue social notamment. En outre, les CEF permettent de limiter l'incarcération des mineurs. Je suis donc favorable à ce budget et propose à la commission de lui donner un avis favorable.

Mme Virginie Klès. - La conclusion du rapporteur m'interpelle. L'an dernier, vous nous disiez déjà qu'il n'y avait plus de marge de manoeuvre ! Nous devons une protection à ces mineurs qui sont avant tout des mineurs en danger. Pour ma part, je voterai contre ce budget.

J'ai par ailleurs quelques questions. Les conséquences de la réforme de la carte judiciaire sur les tribunaux pour enfants ont-elles été évaluées ? Pourquoi l'Etat veut-il diminuer le taux d'encadrement dans les centres éducatifs fermés gérés par les associations ? Ces centres ont des conventions particulières, et la diminution du taux d'encadrement risque de poser de graves difficultés aux CEF gérés par le secteur associatif. Par ailleurs, en cette période de pénurie budgétaire, qu'en est-il du financement de la proposition de loi de M. Ciotti, qui entend placer des mineurs délinquants dans des centres relevant de l'EPIDe ? Le ministre a annoncé que deux millions d'euros seraient dégagés pour permettre ce financement : sur quelles missions seront-ils prélevés ?

M. Christophe Béchu. - La difficulté de l'Etat à appréhender statistiquement les taux d'exécution des mesures d'assistance éducative prononcées est une question majeure.

La loi réformant la protection de l'enfance avait pointé cette lacune : il n'existe pas d'outil statistique renseignant sur l'efficacité des interventions publiques en la matière.

Les raisons en sont nombreuses. L'aide sociale à l'enfance (ASE) ne passionne pas les médias, sauf pour quelques circonstances dramatiques, et elle est souvent reléguée au second rang des priorités. Lorsque l'observatoire de l'enfance en danger (ONED) a été chargé de mettre en place un instrument statistique qui permette de mieux appréhender l'ASE, il a dû vaincre les réticences des travailleurs sociaux qui dénonçaient un risque de fichage social. Je me félicite que, malgré tout, à force de dialogue, ce dossier ait été mené à son terme, ce qui nous permettra de disposer dans quelques années d'études statistiques complètes sur la situation de l'enfance en danger et l'efficacité des dispositifs mis en place pour prévenir la délinquance des mineurs. Nos débats seront ainsi plus informés et nous éviterons le pilotage à vue actuel.

Je souscris à la proposition du rapporteur sur la création d'un outil statistique de suivi des décisions judiciaires rendues en la matière.

S'agissant du budget proprement dit, je me réjouis de la progression, dans un contexte difficile, des moyens alloués à la PJJ, même si cette augmentation arrive après plusieurs années de diminutions de crédits et de transferts rampants de compétences aux collectivités territoriales. Dans la situation budgétaire que nous connaissons, il nous appartient de bien distinguer le souhaitable du possible.

M. Jean-Pierre Michel. - Je salue l'expertise de notre collègue Nicolas Alfonsi mais j'indique que mon groupe ne le suivra pas et votera contre ces crédits. L'augmentation des moyens ne sert que le développement des centres éducatifs fermés (CEF), manifestation moderne des bagnes d'enfants que l'ordonnance de 1945 avait pourtant supprimés.

La politique conduite à destination des mineurs associe un volet préventif et un volet répressif. La prévention est délaissée, non seulement par certains conseils généraux, au nom de priorités plus médiatiques, mais aussi par l'État. Quant au droit pénal des mineurs, l'actuel garde des Sceaux, Michel Mercier, en restera comme le fossoyeur, par les réformes qu'il a conduites.

M. Jean-Jacques Hyest. - Excessif !

M. Jean-Pierre Michel. - Je ne fais que souligner une dérive dangereuse à laquelle nous ne pouvons souscrire.

En promulguant sans différer l'ordonnance de 1945, alors que d'autres priorités auraient pu s'imposer à lui à l'époque, le Général de Gaulle a manifesté que la protection des enfants était une priorité nationale.

M. François Pillet. - Je partage la plupart des réserves et des observations présentées par notre rapporteur, qui rejoignent plusieurs des remarques que nous avions formulées, avec Jean-Claude Peyronnet, dans notre rapport sur les centres éducatifs fermés. Parler à leur sujet de bagnes d'enfants est excessif...

M. Jean-Pierre Michel. - Illustratif !

M. François Pillet. - Je voterai les crédits du budget car l'augmentation proposée témoigne de l'attention particulière que le Gouvernement porte à la protection judiciaire de la jeunesse.

La délinquance des mineurs évolue, sa nature change. La moitié des vols avec violence sont commis par des mineurs. La solution des CEF, qui n'ont rien d'établissements pénitentiaires pour mineurs, est plus adaptée à cette évolution d'une certaine délinquance des mineurs et à l'intensité qui la caractérise.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Tout en rejoignant notre rapporteur sur de nombreux points, j'en tire des conclusions inverses. Certes le budget progresse mais dans le pire faut-il louer ce qui l'est un peu moins ?

Surtout, deux évolutions me paraissent très contestables : la dissociation entre le traitement de la délinquance des mineurs et la protection de l'enfance, d'une part, et la montée en charge de l'enfermement comme panacée pour la délinquance des mineurs, d'autre part.

J'ajoute qu'il faut rester prudent sur les conclusions que l'on tire des variations constatées dans la mesure de la délinquance des mineurs.

Enfin, il me semble que le problème essentiel reste le défaut de l'Etat pour le développement des mesures en milieu ouvert.

En dépit de la légère augmentation de ces crédits, nous voterons contre ce budget.

M. Philippe Bas. - La réforme de la protection de l'enfance intervenue en 2007 repose sur le schéma suivant : à la PJJ, la prise en charge des mineurs délinquants, aux départements celle de l'enfance en danger. Pour autant, il faut veiller à la continuité de ces deux missions et éviter toute césure entre elles. Il est malheureux que la Chancellerie ait pris argument de la distinction créée par la réforme pour réduire les moyens de la PJJ alors qu'elle aurait au contraire dû les employer au traitement de la délinquance des mineurs.

Pour autant, je regrette qu'en manifestant votre opposition vous négligiez le fait que les crédits augmentent, ce qui va dans le bon sens. Le présent budget est un très bon budget contrairement à ceux des années précédentes.

Quant à qualifier les CEF de bagnes pour enfants, c'est oublier l'approche éducative qui les sous-tend.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La bonne et la mauvaise oppositions ne sont pas toujours celles que la majorité estime telle...

Mme Virginie Klès. - Les CEF ne sont certes pas un bagne mais ils possèdent tout de même des barreaux. J'ajoute qu'on ne dispose toujours pas de la preuve de leur efficacité pour lutter contre la délinquance des mineurs.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis. - L'an passé, je m'étais engagé à donner, pour la dernière fois, un avis favorable au budget de la PJJ, dans l'attente de progrès. J'observe que dans un contexte budgétaire très contraint, les crédits augmentent. Doit-on faire la fine bouche parce que la progression ne profite qu'aux CEF et non au secteur associatif habilité qui en a pourtant le plus besoin ?

A Mme Virginie Klès, je voudrais préciser que la réforme de la carte judiciaire n'a pas eu d'impact sur la PJJ et lui confirmer que les documents budgétaires ne prévoient aucun financement pour le dispositif prévu par la proposition de loi de M. Ciotti.

M. Christophe Béchu, effectivement, le dispositif statistique est défaillant. Une des raisons en est l'absence d'homogénéité dans la gestion par les départements de l'aide sociale à l'enfance, qui reflète aussi l'inégalité des situations dans lesquelles ils sont placés.

Je partage l'appréciation de M. Jean-Pierre Michel sur le fait que le droit pénal des mineurs s'éloigne de la doctrine classique. J'observe cependant que certaines de ces évolutions sont rendues nécessaires par des décisions du Conseil constitutionnel qu'il ne nous appartient pas de commenter.

Quant aux évolutions récentes de la délinquance des mineurs soulignées par notre collègue François Pillet, j'observerai seulement que les hausses enregistrées résultent aussi des décisions du parquet de poursuivre plus systématiquement ces faits de délinquance.

Pour conclure, je voudrais insister sur la grande complexité de la protection judiciaire de la jeunesse et l'absence d'homogénéité qui la caractérise. Si je suis favorable à ce budget c'est parce qu'il augmente malgré tout mais je souhaite qu'il soit le dernier soumis aux contraintes qu'on a fait peser jusqu'alors sur la PJJ.

La commission adopte un avis défavorable sur les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse.

Loi de finances pour 2012 - Mission Outre-mer - Départements d'outre-mer - Examen du rapport pour avis

Enfin, la commission examine le rapport pour avis de M. Félix Desplan sur le projet de loi de finances pou 2012 (crédits affectés aux départements d'outre-mer de la mission « Outre-mer »).

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'avis budgétaire outre-mer fait l'objet, depuis cette année, de deux avis, l'un consacré aux DOM, dont je suis le rapporteur, le second aux COM, confié à Monsieur Cointat. Toutefois, la première partie du rapport, consacrée aux crédits de la mission, à son évolution, à ses indicateurs ainsi qu'à la politique de défiscalisation, est commune aux deux avis.

Le projet initial de loi de finances pour 2012 prévoyait, pour la mission outre-mer, 2,179 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,035 milliards d'euros en crédits de paiement. Toutefois, après l'annonce du Premier ministre du 24 août dernier, selon laquelle un effort supplémentaire d'un milliard d'euros d'économies devait être recherché, la mission outre-mer a fait l'objet d'un coup de rabot de 48 millions d'euros en autorisations d'engagement, portant ainsi celles-ci à 2,131 milliards d'euros et de 56 millions d'euros en crédits de paiement, portant ces derniers à 1,979 milliard d'euros. Ce coup de rabot conduit à une diminution des autorisations d'engagements égale à 1,15 % par rapport au budget de 2011 et les crédits de paiement au même niveau.

On constate que si les crédits de la mission « outre-mer » ont augmenté dans le cadre de la loi de finances pour 2010, en raison des mouvements sociaux ayant secoué les DOM des Antilles et à la suite de l'adoption de la LODEOM, la mission outre-mer  a connu une forte diminution en 2011 et une nouvelle en 2012. Dans le cadre du PLF pour 2012, le niveau des crédits de la mission n'atteint pas celui du budget pour 2010.

Les indicateurs de performance qui accompagnent la mission ne permettent pas de mesurer la rentabilité des choix effectués par l'État en faveur des outre-mer. Or, les priorités données en matière de défiscalisation et d'exonération des charges patronales et sociales devraient nécessairement s'accompagner d'une étude d'impact.

La défiscalisation représente en effet 2,96 milliards d'euros, soit 1,5 fois le montant des crédits de paiement de la mission outre-mer. Force est de constater qu'il s'agit d'un dispositif coûteux pour lequel il n'existe aucun dispositif d'évaluation des dépenses fiscales pour les DOM et est limité pour les COM. C'est pourquoi l'initiative de Messieurs Carrez, Cahuzac et Bartolone visant à demander au Gouvernement de déposer un rapport au Parlement sur l'opportunité de transformer les dépenses fiscales en dotations budgétaires me paraît tout à fait excellente. Je souhaite préciser d'ailleurs que, compte tenu de la priorité donnée ces dernières années à la dépense fiscale en outre-mer, la limitation des niches fiscales sans compensation a un impact beaucoup plus fort sur les territoires ultramarins que sur ceux de l'hexagone. Elle freine carrément leur développement.

Enfin, la dernière observation sur ce premier point concerne l'accompagnement budgétaire utilisé pour la départementalisation de Mayotte. Au titre du PLF pour 2012, Mayotte devrait bénéficier de 700 millions d'euros en autorisations d'engagement et 659,3 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation respective de 2,07 % et 1,2 % par rapport à 2011. Toutefois, on constate que les crédits destinés à Mayotte sont affectés en priorité à la modernisation et au renforcement du développement économique de Mayotte et non, à proprement parler, à l'évolution institutionnelle de ce territoire. Seuls les crédits alloués à la nouvelle organisation judiciaire et à la mise en place du revenu de solidarités actives participent directement à l'effort de l'évolution institutionnelle de Mayotte.

Je souhaiterai maintenant aborder les questions liées à la lutte contre l'immigration clandestine et l'amélioration des moyens de la justice qui font l'objet d'une volonté affichée du Gouvernement mais avec des moyens limités.

On constate une pression migratoire hétérogène dans les DOM, avant tout liée à l'importance des facteurs géographiques et économiques. Ainsi, la proximité géographique d'Anjouan et de Mayotte ou bien la montée récente du cours de l'or pour la Guyane expliquent en grande partie l'importance de ce phénomène qui s'accompagne d'une immigration clandestine forte. On estime le nombre d'immigrés clandestins entre 30.000 et 60.000 en Guyane, soit entre le quart et le tiers de la population, et à 15.000 en Guadeloupe, soit 3 % de la population. A Mayotte, les immigrés clandestins sont évalués à 50.000, représentant entre un quart et un tiers de la population.

Le Gouvernement a souhaité répondre à cette situation par la mise en place d'une politique active de reconduite à la frontière. Les objectifs ont été largement dépassés : en 2010, on dénombre 13,65 % de reconduites à la frontière en plus des objectifs initiaux prévus pour les cinq DOM, en raison de l'augmentation des effectifs de police et de gendarmerie nationales. Pourtant, force est de constater que cette politique du chiffre atteint ses limites puisque, comme l'a montré la Cour des Comptes dans un récent rapport, en raison de la persistance des flux migratoires clandestins.

Une politique de coopération transfrontalière, aujourd'hui peu développée, représenterait véritablement un outil de lutte contre l'immigration clandestine. En Guyane, la lutte contre l'orpaillage clandestin ne saurait sans doute se limiter à des opérations policières et militaires ; son efficacité serait sans doute favorisée par la mise en oeuvre d'une stratégie plus globale, mobilisant toutes les administrations concernées et nécessitant donc une coordination interministérielle, sous l'autorité même du premier ministre.

Rappelons également la situation de surpopulation des centres de rétention administrative -à titre d'exemple, le taux d'occupation du CRA de Pamandzi a atteint 145 % en 2009 - ainsi que les conditions de salubrité très préoccupantes. Cette situation est ancienne et n'a fait l'objet que d'améliorations légères et timides. En effet, les crédits consacrés à la politique immobilière des CRA sont modestes et affectés prioritairement à des réhabilitations de centres existants, alors que la réalisation d'opérations nouvelles s'impose en la matière.

Enfin, le dernier point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention, concerne la situation de la justice dans les DOM. On constate toujours la persistance d'une surpopulation carcérale dans les DOM des Antilles et à Mayotte, malgré l'augmentation du nombre de places dans les maisons d'arrêt ou les centres pénitentiaires entre 2006 et 2011, égale à 24 %. A titre d'exemple, le taux d'occupation du QMA de Baie-Mahault en Guadeloupe est de 156,4 %. En revanche, la situation de la Réunion se distingue par un taux d'occupation inférieur à 100 % dans deux des trois centres pénitentiaires.

Pour faire face à cette situation, un certain nombre d'opérations immobilières visent à augmenter la capacité d'hébergement et la mise aux normes des différentes structures. Malgré une légère amélioration, on ne peut que regretter que la réalisation des extensions ou des reconstructions des établissements pénitentiaires soit annoncée à des horizons éloignés alors même que la situation de surpopulation carcérale est ancienne et atteint aujourd'hui, dans beaucoup d'établissements, un seuil inacceptable.

Dernière observation, les juridictions judiciaires et administratives doivent faire face à un afflux de dossiers que leurs moyens limités ne permettent pas de traiter efficacement. Ainsi, en Guadeloupe, les délais moyens de jugement du tribunal administratif de Basse-Terre sont de deux ans et demi contre onze mois en moyenne en métropole mais ce délai s'élève à cinq ans pour les dossiers non urgents. La réalisation de nouveaux locaux tarde également, comme l'illustre la Cour d'appel de Fort-de-France, qui est logée dans des locaux provisoires depuis ... 1981.

En conclusion, je souhaite rappeler que les concours de politiques transversales, qui représentent environ 85 % de l'effort global de l'État, sont en stagnation pour les DOM. Les crédits de la mission outre-mer, représentant environ 15 % de l'effort global de l'État, sont, eux aussi, en stagnation pour les DOM.

J'ajoute que seule une autorité rattachée au Premier ministre permettrait d'imposer à chaque département ministériel une bonne prise en compte de l'outre-mer dans les politiques dont il a la charge et d'imposer une réelle coordination, pour une politique plus efficace.

Aussi, après ce bref tour d'horizon, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « outre-mer ».

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Dans le cadre de la réflexion sur les missions que notre commission pourrait conduire, j'ai pensé qu'une des priorités en termes de déplacements serait d'envoyer une mission à Mayotte, compte tenu des événements actuels et de la situation sociale difficile. Nous pourrions à cette occasion nous rendre également à La Réunion.

M. Christian Cointat. - Je tiens à souligner que ce budget n'est pas en régression et qu'il traduit la volonté d'effort du Gouvernement pour l'outre-mer. Face à une bouteille à moitié pleine ou à moitié vide, il faut toujours se demander lorsqu'on souhaite une autre bouteille, si la nouvelle sera plus vide ou plus pleine. Un budget de gauche pour l'outre-mer ne serait pas meilleur ! Dans le budget qui nous est présenté, l'effort sur le service militaire adapté est maintenu. La priorité donnée au logement social, à la continuité territoriale et aux investissements essentiels est également maintenue. C'est donc pour moi une bouteille à moitié pleine, même si certaines choses ne sont pas pleinement satisfaisantes. Il est en effet toujours possible de faire mieux et plus, notamment pour mettre fin au déséquilibre entre les moyens dont dispose la direction générale de l'outre-mer et les résultats insuffisants qu'elle obtient. On peut encore améliorer le caractère interministériel de la mission, puisque seulement 15 % de l'effort global de l'Etat en faveur de l'outre-mer y est concentré. Le ministre doit être davantage concepteur et non seulement coordinateur du budget de l'outre-mer.

Pour toutes ces raisons, je serai favorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Catherine Tasca. - Notre commission doit examiner plusieurs budgets qui traduisent une grande faiblesse de la politique gouvernementale depuis de nombreuses années. De ce fait, face à tous les retards accumulés, on pourrait penser que ces budgets pourraient être pires. Nous ne sommes cependant pas là pour mesurer des efforts relatifs, mais pour pointer des manques flagrants de la politique menée. Si nous voulons que notre commission soit entendue, nous ne devons pas formuler un avis en demi-teinte. Par conséquent, j'appuierai la proposition de notre rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Pour répondre à M. Cointat sur la question de savoir si le budget de l'année prochaine sera meilleur que celui de cette année, je tiens à préciser que si le changement de majorité auquel il fait allusion a lieu, nous ne pourrons certes pas augmenter tous les budgets, en raison des réalités du contexte économique. Cependant, voter contre les missions qui nous sont proposées, c'est s'opposer aux choix de politique générale et de répartition des efforts opérés par le Gouvernement.

Je formulerai quelques brèves remarques. Tout d'abord, les crédits du budget 2012 pour les départements d'outre-mer n'atteignent pas ceux du budget 2010. Ensuite, concernant la politique de défiscalisation, je rappelle que ce sont des dépenses qui ne servent qu'à une partie de la population, tout comme les niches fiscales. Il conviendrait donc, comme l'ont proposé nos collègues députés, de s'interroger sur le moyen de traduire ces défiscalisations de façon positive afin de les rendre plus efficaces. Enfin, je considère qu'au vu de la situation très préoccupante à Mayotte, il faudra décider de mesures fortes. S'agissant de la question de l'immigration clandestine, une piste proposée par notre rapporteur consiste à développer la coopération transfrontalière. Souvenons nous que le Gouvernement actuel a d'ailleurs vanté l'idée d'accords signés avec les pays d'origine en matière d'immigration !

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - J'apprécie la liberté d'analyse et l'objectivité de M. Cointat, et je peux comprendre qu'il ne soit pas en mesure, pour des raisons politiques, de tirer des conclusions à la hauteur de ses analyses.

En matière de logement social, des efforts ont été faits dans le budget 2010, dans le cadre de la LODEOM et pour répondre aux demandes formulées pendant les événements de 2009. Mais aujourd'hui, on peut constater une baisse des crédits. Le Gouvernement s'étant engagé pour une nouvelle politique de rattrapage, même s'il y a aujourd'hui une crise financière, il faut comparer le budget qui nous est présenté avec le budget 2010 et non avec celui pour l'année 2011 où le gouvernement avait stoppé les efforts budgétaires.

S'agissant des cinquante-sept mesures adoptées par le comité interministériel de l'outre-mer, il a été indiqué, lors des discussions en mai dernier à l'Assemblée nationale, que ces mesures ont été mises en oeuvre à hauteur de 30 %, alors que le Gouvernement prétend que 85 % d'entre elles sont appliquées ou en voie de l'être. C'est une différence considérable !

Pour le logement social, les crédits ont permis de ne réaliser que le tiers de ce qui était nécessaire.

En ce qui concerne la continuité territoriale, la Cour des comptes a rendu un rapport à la demande de la commission des finances du Sénat qui permet d'émettre plus que des réserves sur la gestion et les suites que l'on peut attendre de LADOM. On sait que les crédits consacrés à cette question sont insuffisants. Le Gouvernement prévoit d'envoyer 1200 jeunes des départements d'outre-mer suivre leur formation en métropole, sur les crédits de LADOM. Il est nécessaire de disposer dès à présent d'une évaluation qui permette de vérifier que les crédits disponibles sont suffisants pour faire face à la demande.

Je terminerai mon propos par la question de Mayotte. J'ai reçu ce matin le député de Mayotte à ce sujet. Dans mon rapport, j'affirme que la départementalisation a été mal préparée. Les Mahorais s'attendaient à ne plus avoir de problèmes après la départementalisation. On aurait dû leur permettre d'être mieux préparés à ce passage sur le plan de l'éducation et de la formation : les agents des juridictions judiciaires administratives ou de l'administration territoriale ne sont pas formés à ce changement. Je salue donc l'idée de l'envoi d'une mission à Mayotte proposée par notre président.

M. Christian Cointat. - Monsieur le Président a indiqué que le budget 2012 était inférieur au budget 2010. Je tiens cependant à préciser que si le budget qui nous est présenté cette année est en effet légèrement inférieur en crédits de paiement à l'exécution du budget en 2010, il est cependant supérieur aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2010. Cela montre donc que le Gouvernement avait dépensé plus que les crédits votés, et qu'il y a ainsi un véritable effort gouvernemental en faveur des départements d'outre-mer.

La commission adopte un avis défavorable sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Mercredi 16 novembre 2011

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Nomination de rapporteurs

M. Antoine Lefèvre est nommé rapporteur :

- de la proposition de loi n° 255 (2010-2011), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif ;

- de la proposition de loi n° 369 (2010-2011), présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues, relative à la classification, l'acquisition, la détention et le transport des armes ;

- de la proposition de loi n° 714 (2010-2011), présentée par M. Gérard César et plusieurs de ses collègues, relative à la réglementation des armes.

Ouvrages d'art de rétablissement des voies - Examen des amendements au texte de la commission

La commission examine ensuite les amendements au texte n° 72 (2011-2012) qu'elle a établi pour la proposition de loi n° 475 rectifié (2010-2011), visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article premier

Amendement n° 14

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement reprend les dispositions de l'amendement n° 7 de M. Grignon visant à ne pas rentrer dans le détail des modalités et des obligations au stade de l'enquête préalable, mais à en rester aux principes généraux. Il précise toutefois les domaines dans lesquels ces principes doivent être exposés.

L'amendement n° 14 du rapporteur est adopté.

AMENDEMEMENTS EXTÉRIEURS

Amendement n° 7

M. Christian Favier, rapporteur. - L'amendement que nous venons d'adopter reprend le principe de l'amendement de M. Grignon tout en mentionnant les champs qui devraient être précisés dans ce cadre.

L'amendement n° 7 est satisfait.

Amendement n° 1

M. Christian Favier, rapporteur. - Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui améliore la rédaction de la proposition de loi initiale.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.

Amendement n° 2

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement propose que la convention de transfert de maîtrise d'ouvrage, prévue par l'article 2 de la loi MOP, soit le réceptacle des dispositions de répartition des charges concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies. Or, la problématique visée par la présente proposition de loi ne concerne pas la question de la maîtrise d'ouvrage mais celle de la répartition des charges et des responsabilités. Par ailleurs, pour les nouveaux ouvrages d'art, nous avons adopté le principe selon lequel aucun délai de signature de la convention ne doit être fixé pour les nouveaux ouvrages d'art afin de laisser de la souplesse aux différentes parties. L'adoption de cet amendement ne me semble pas très sécurisant pour les collectivités territoriales.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Amendement n° 3

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement propose de ne pas fixer de principe de répartition des charges et des responsabilités préalablement à la convention afin de laisser à la négociation le soin de prendre en compte la spécificité liée à chaque ouvrage d'art. Cet amendement est contraire au principe même de la proposition de loi telle que nous l'avons adoptée à l'unanimité au sein de notre commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Amendement n° 4

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement propose que le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport à l'origine de la construction d'un nouvel ouvrage d'art de rétablissement se libère de sa responsabilité par un versement libératoire en faveur de la collectivité concernée. Or, ce système, qui existe déjà, a démontré ses limites : les collectivités territoriales peuvent utiliser ce versement à d'autres fins pour lesquelles elles l'ont reçu ; ce versement peut également s'avérer insuffisant pour faire face à des travaux de renouvellement conséquents et les collectivités ne disposent pas toujours des compétences techniques pour assurer les charges d'entretien qui leur incombent.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Amendement n° 12

M. Christian Favier, rapporteur. - Le commentaire est identique à celui de l'amendement n° 4.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.

Amendement n° 5

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement propose d'aligner l'entrée en vigueur de cette loi sur celle retenue pour l'entrée en vigueur des nouvelles réglementations en matière d'étude d'impact et d'enquête publique.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5.

Amendement n° 10

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement propose la médiation du préfet en cas de litige entre les deux parties avant la saisine du juge en cas d'échec. Toutefois, le préfet peut également être porteur des intérêts du maître d'ouvrage de l'infrastructure de transport, si bien que sa neutralité peut être mise en doute.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La question est de savoir quel doit être le rôle du préfet : un médiateur ou un facilitateur, d'une part, ou le représentant de l'Etat, d'autre part. Je pense que leurs tâches consistent davantage à représenter l'Etat qu'à être médiateur.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

Amendement n° 11

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement précise que le juge compétent en cas de litige est le juge administratif. Or, la formule retenue par la proposition de loi est celle de juge compétent ce qui englobe, de fait, le juge administratif.

M. Jean-Jacques Hyest. - On peut retenir la formule de juge pour éventuellement préciser le juge compétent ultérieurement.

M. René Vandierendonck. - La jurisprudence constante du Conseil d'Etat en la matière reflète la compétence du juge administratif. C'est pourquoi la présente proposition de loi pourrait préciser que le juge compétent en la matière est le juge administratif.

M. Alain Richard. - Le code de justice administrative définit le rôle du juge administratif qui est compétent en matière de travaux publics. Il n'est donc pas nécessaire de rappeler la compétence du juge administratif dans chaque texte de loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

Amendement n° 13

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement propose de supprimer les dispositions de la proposition de loi relatives aux conventions déjà signées qui pourraient faire l'objet d'un litige ou d'une dénonciation. Le Gouvernement estime en effet que la conclusion d'une convention dans ce cadre pourrait entraîner un « appel d'air » qui ferait porter une charge sur les gestionnaires des infrastructures de transport pouvant s'élever à plusieurs dizaines de millions d'euros par an. L'objet de la présente proposition de loi ne vise nullement à inciter par la loi à la dénonciation des conventions déjà existantes et elle vise à imposer la signature d'une convention uniquement en cas de litige. Enfin, rien ne dit que des litiges vont se multiplier avec la promulgation de la présente proposition de loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.

Amendement n° 9

M. Christian Favier, rapporteur. - Cet amendement propose que les charges d'entretien, de renouvellement et de réparation soient à la charge du gestionnaire des nouvelles infrastructures de transport pour les communes et les groupements de communes dont la population serait inférieure à 3 500 habitants, sauf si la convention en dispose autrement. Or, le critère de richesse n'est pas lié à l'importance de la population, d'une part, et les effets de seuils peuvent être dramatiques pour le budget d'une collectivité qui verrait sa population augmenter.

M. Pierre-Yves Collombat. - Je suis favorable à cet amendement car l'analyse des communes par strates démographiques montre que les communes les plus pauvres sont souvent les plus petites. On peut effectivement trouver des contre exemples de petites communes très riches mais ce n'est pas la norme.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 8

M. Christian Favier, rapporteur. - L'objet de la présente proposition de loi est de définir un principe clair de répartition des charges financières et des responsabilités de chaque partie lors de la réalisation de l'ouvrage d'art de rétablissement des voies. Or, le présent amendement propose de supprimer les termes « responsabilités » et « financières ».

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 8.

M. Alain Richard. - Il faudrait préciser la date de début d'application de la présente proposition de loi.

M. René Vandierendonck. - Il existe actuellement beaucoup d'ouvrages d'art qui n'ont fait l'objet d'aucune convention. C'est pourquoi il faudrait effectivement connaître avec précision la date d'entrée en vigueur de la présente proposition de loi.

M. Christian Favier, rapporteur. - La présente proposition de loi précise que les conventions s'appliqueront aux ouvrages d'art dont l'enquête publique démarrera, si l'amendement de M. Grignon est adopté, six mois après la promulgation de la présente proposition de loi.

Examen de l'amendement du rapporteur

Article

Objet de l'article

Numéro de l'amendement

Auteur de l'amendement

Sort

Article premier

Établissement d'une convention répartissant les charges et les responsabilités des ouvrages de rétablissement des voies

14

M. Christian Favier, rapporteur

Adopté

Tableau des amendements extérieurs

Article

Objet de l'article

Numéro de l'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article premier

Établissement d'une convention répartissant les charges et les responsabilités des ouvrages de rétablissement des voies

7

M. Francis Grignon

Satisfait

1

Favorable

2

Défavorable

3

Défavorable

4

Défavorable

12

Défavorable

5

Favorable

10

Défavorable

11

Défavorable

13

Gouvernement

Défavorable

9

M. Francis Grignon

Défavorable

Intitulé de la proposition de loi

 

8

M. Francis Grignon

Défavorable

Abrogation du conseiller territorial - Examen des amendements au texte de la commission

Puis la commission examine les amendements au texte n° 88 (2011-2012) qu'elle a établi pour la proposition de loi n° 800 (2010-2011) relative à l'abrogation du conseiller territorial.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Exception d'irrecevabilité

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je serais curieux de savoir comment le groupe UMP étayera l'exception d'irrecevabilité... Quel est l'avis du rapporteur ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Je suis stupéfait que l'inconstitutionnalité soit soulevée simplement parce que la création du conseiller territorial a été validée par le Conseil constitutionnel, et je pense que l'ensemble des juristes de cette commission partage mon sentiment. Cette argumentation aboutirait à un gel juridique total et parfait. Je vous propose un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La motion repose sur un syllogisme.

M. Pierre-Yves Collombat. - Il est en effet étonnant de considérer qu'on ne peut pas revenir sur une loi dès lors qu'elle n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je développerai mes arguments en séance publique, comme le faisait l'ancienne minorité.

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 1 tendant à soulever l'exception d'irrecevabilité.

Question préalable

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 2 tendant à opposer la question préalable.

Renvoi en commission

M. Jean-Pierre Sueur, président. - De manière plus modérée, le groupe UCR nous propose le renvoi en commission.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Il est inutile de rappeler à cette commission que le conseiller territorial a été très largement débattu par elle. Je vous propose un avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat. - Constatons que M. Maurey considère que nous n'avons pas assez débattu alors que, avec la motion n° 2, M. Gélard considère que nous avons trop débattu...

M. Yves Détraigne. - Lors de l'examen de la présente proposition de loi la semaine dernière, nous n'avons pas participé au vote final ; selon nous, il faut examiner la loi du 16 décembre 2010 dans son ensemble.

M. Christian Cointat. - La minorité actuelle utilise pour s'exprimer les mêmes méthodes que l'ancienne. Je me réjouis de constater que la nouvelle majorité trouve ce procédé peu agréable.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Dans la mesure où nul ne saurait être justifié par ses propres turpitudes, estimons-nous à match nul.

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 4 de renvoi en commission.

Amendement n° 3

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'abrogation du conseiller territorial constitue l'aboutissement d'une longue discussion tranchée par les grands électeurs : avis défavorable à l'amendement de suppression de M. Buffet.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Tableau des amendements extérieurs

Article

Objet de l'article

Numéro de l'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité

 

1

M. Jean-Jacques Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire

Défavorable

Motion tendant à opposer la question préalable

 

2

M. Patrice Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire

Défavorable

Motion tendant au renvoi en commission

 

4

M. Hervé Maurey et les membres du groupe Union centriste et républicaine

Défavorable

Article unique

Suppression
de l'article unique

3

M. François-Noël Buffet et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire

Défavorable

Loi de finances pour 2012 - Mission Justice - Programme Justice judiciaire et accès au droit - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de Mme Catherine Tasca sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Justice judiciaire et accès au droit » de la mission « Justice »).

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons à examiner cinq rapports budgétaires. Il me paraît sage d'appliquer une égalité républicaine, afin que le dernier de nos collègues à rapporter ce matin ne le fasse pas à une heure tardive. Nous pourrions donner la parole à chaque rapporteur puis aux orateurs, sans que le débat soit ouvert à nouveau après la réponse du rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel. - J'approuve ces règles dans la mesure où, au vu de la durée des débats qui ont eu lieu hier soir lors de l'examen de deux rapports pour avis, nous devons organiser notre discussion pour la réunion ce matin.

Mme Éliane Assassi. - Il y a une vie après l'hémicycle !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous avez raison, Madame Assassi.

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis. - Permettez-moi, à titre liminaire, de rendre hommage au travail réalisé, les années précédentes, par le précédent rapporteur pour avis de notre commission sur le budget de la justice, notre collègue Yves Détraigne.

Les crédits examinés dans le présent avis correspondent à ceux dévolus, au sein de la mission « justice », d'une part au fonctionnement et à l'organisation des juridictions et d'autre part à l'aide juridictionnelle : le programme 166 « Justice judiciaire », le programme 101 « accès au droit et à la justice », le programme 310 « conduite et pilotage de la politique de la justice » et, pour la première fois, le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature ».

L'élévation, cette année, des crédits du CSM au rang de programme autonome répond à une demande récurrente de notre commission. L'autonomie budgétaire du CSM se trouve ainsi garantie, ce qui est conforme à l'indépendance de cette institution.

Lors de son audition par notre commission, le garde des sceaux s'était félicité que, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, les crédits du ministère de la Justice augmentent à nouveau de 4 %, poursuivant l'effort de rattrapage entrepris depuis plusieurs années.

Cette affirmation mérite d'être fortement nuancée, s'agissant des crédits de la justice judiciaire. En effet, la plus grande part de la hausse annoncée concerne les crédits de l'administration pénitentiaire : 210 millions d'euros en crédits de paiement et 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagements.

Au contraire, les crédits sur lesquels porte le présent avis n'enregistrent qu'une augmentation de 61 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et une baisse de 644 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE). Cette hausse concerne principalement l'aide juridictionnelle et le budget de l'administration centrale de la Chancellerie.

Rapportée à l'évolution du budget général de l'État, à laquelle elle reste inférieure, cette faible augmentation manifeste la seule stabilisation, en proportion, de la dépense consacrée au fonctionnement de l'institution judiciaire dans les dépenses de l'État.

L'effort présenté par le ministre ne correspond finalement, pour la justice judiciaire, qu'à la conservation des moyens existants dans un contexte, il est vrai, de contrainte budgétaire et d'élévation importante de la charge de la dette.

Depuis cinq ans les réformes se sont accumulées sur les juridictions. Elles ont fortement affecté leur fonctionnement et leur organisation. Les personnels et les magistrats ont été particulièrement sollicités pour conduire ces changements, accompagner les évolutions de la norme juridique et, trop souvent, compenser par leur dévouement et leur engagement l'insuffisance des moyens qu'on leur offrait.

Cette seule année 2011 aura vu : l'achèvement de la carte judiciaire, la refonte du contentieux de l'exécution, la réforme de la garde à vue, celle de l'hospitalisation d'office, la création des citoyens assesseurs, et avec le vote prochain du projet de loi sur la répartition du contentieux, la suppression de la juridiction de proximité et l'application d'une bonne partie des recommandations de la commission Guinchard.

Sans revenir, dans le cadre budgétaire, sur la pertinence ou non de ces réformes, on est en droit d'exiger que l'avalanche de réformes s'accompagne de moyens suffisants pour garantir le bon fonctionnement des juridictions. Or, force est de constater que, de ce point de vue, le budget proposé est loin de lever toutes les hypothèques.

Le ministre s'est félicité de ce que cette année, 84 emplois supplémentaires de magistrats seraient créés. Cependant cette création compense à peine la suppression, cette année, de 76 postes. Surtout, elle est censée répondre aux besoins nés des réformes adoptées cette année. Mais, l'effectif nécessaire est bien supérieur à ce qui est proposé : pour ne prendre que l'hospitalisation d'office, l'expérimentation des citoyens assesseurs et le transfert au juge d'instance du contentieux civil actuellement suivi par les juges de proximité, le besoin serait respectivement de 80+65+69 = 214 postes ! On ne peut compter, pour compenser la différence, sur les maigres allègements procéduraux envisagés.

Cette question des moyens concerne aussi les frais de justice. La difficulté en la matière, est que la Chancellerie n'a pas la possibilité de contrôler le volume de la demande de frais de justice, pour deux raisons : d'une part, celle-ci dépend des prescriptions des magistrats, qui ne peuvent recevoir de directives en raison de leur indépendance ; d'autre part, elle est due à 60 % aux prescriptions des officiers de police judiciaires, qui ne sont pas soumis au contrôle de la Chancellerie.

Depuis 2008, ces frais de justice connaissent une inflation très importante sous l'effet de plusieurs causes : revalorisation tarifaire des experts, renchérissement du coût de certaines prestations, augmentation du nombre de prescriptions en matière médicale ou d'analyse génétique en raison des réformes qui intensifient l'activité pénale...

On doit saluer les efforts de maîtrise des frais de justice engagés par la Chancellerie : des marchés publics ont été passés pour faire diminuer le coût de certaines prestations, le circuit de la dépense a été réformé etc.

Cependant le ministère de la justice continue de mener en la matière une politique de sous-budgétisation chronique des frais de justice : l'écart entre la dotation initiale et les crédits finalement consommés était de 23 millions d'euros en 2009 et de 74 millions d'euros en 2010. La tendance se poursuivra en 2011.

Les conséquences d'une telle sous-budgétisation sont graves : les crédits ouverts au titre d'une année servent à 53 % à financer des dépenses datant d'un an ou de deux ans. Ceci entraîne pour les prestataires des retards de paiement considérables : ainsi, cette année, la Poste s'est plainte de retards de règlement de factures pour un montant total de 8,5 millions d'euros. Ces retards détournent les prestataires et les experts des tribunaux, ce qui, à terme, posera problème aux juridictions qui ne trouveront plus personne pour répondre à leurs prescriptions.

La sous-budgétisation des frais de justice et la sous-évaluation des besoins en personnel me conduisent à m'interroger sur la sincérité du budget présenté.

Depuis deux ans, la dépense d'aide juridictionnelle qui avait légèrement diminué a recommencé à augmenter. Proche de 300 millions d'euros en 2009, elle devrait atteindre, en 2012, 421 millions d'euros. La plus grande part de cette augmentation tient à la réforme de la garde à vue, dont le coût est évalué à 103,8 millions d'euros.

Cette dépense supplémentaire ne sera financée qu'à hauteur de 18 millions d'euros par le budget de l'État, soit un financement d'un peu moins 20 % sur les crédits de l'aide juridictionnelle.

Tout le reste, c'est-à-dire à peu près 85 millions d'euros, sera financé par une taxe, la contribution pour l'aide juridique, directement affectée au Conseil national des barreaux qui en redistribuera le produit aux CARPA (caisses autonomes de règlements pécuniaires des avocats).

Cette taxe a été créée par le collectif budgétaire de juillet dernier. Son assiette est très large, puisqu'elle doit être acquittée par tout justiciable introduisant une instance civile ou administrative, ce qui représente, chaque année, 2,5 millions de justiciables. L'État en est dispensé, mais pas les collectivités territoriales ni les organismes sociaux !

Le montant de la contribution pour l'aide juridique est de 35 euros et les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle en sont dispensés.

Cette taxe me semble contestable à plusieurs titres :

- tout d'abord, elle amorce un mouvement très regrettable de débudgétisation de la dépense d'aide juridictionnelle. En effet, la taxe est directement affectée au CNB, ce qui fait que le montant de la dépense correspondante n'apparaît plus dans le budget de la « justice ». Or, il me semble, qu'en matière d'aide juridictionnelle, il est important que l'effort de l'État apparaisse clairement dans le budget ;

- ensuite, elle crée un obstacle supplémentaire à la saisine du juge. 35 euros, pour chaque instance, ce n'est pas rien. Ceci représente, par exemple, 2,5 % du plafond de ressource de l'aide juridictionnelle partielle. Devoir acquitter cette somme dissuadera certains justiciables de faire valoir leur droit, pour de petits litiges, comme ceux de la consommation. Cette taxe constitue un véritable « ticket modérateur pour la justice », qui s'ajoutera aux autres renchérissements du coût du procès comme la taxe « avoué » de 150 euros pour l'appel ;

- enfin, elle pose une question de principe. Doit-on faire contribuer les seuls justiciables au financement de l'aide juridictionnelle ? Imaginerait-on de faire financer la CMU par les seuls malades et non par la collectivité toute entière ? Lorsqu'il s'agit des missions régaliennes de l'État et du fonctionnement de services publics aussi essentiels que celui de la justice, il me semble préférable de faire appel à la solidarité nationale et de refuser de faire peser la charge sur les seuls justiciables, au risque de les décourager de saisir la justice pour faire respecter leurs droits.

C'est la raison pour laquelle, je vous proposerai un amendement supprimant cette taxe en la compensant à due proportion. D'autres solutions de financement sont envisageables et il faudrait réfléchir à la façon de mieux faire contribuer les assurances de protection juridique au financement de l'aide juridictionnelle.

En tout dernier lieu, je voudrais attirer votre attention sur la situation très difficile des tribunaux d'instance et le désarroi de leurs personnels.

Leur activité n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années, de 21 % depuis 2001, sous l'effet conjugué de plusieurs réformes : la réforme de la protection juridique des majeurs, celle du crédit à la consommation et celle du surendettement. Demain, ces tribunaux se verront réattribuer le contentieux civil inférieur à 4 000 euros dont s'occupaient les juridictions de proximité. Les réformes qui devaient alléger leur charge ont échoué : le transfert des tutelles-mineurs au TGI n'a pas fonctionné, la Chancellerie elle-même demandant aux TGI de réattribuer, par délégation aux juges d'instance, le contentieux qui leur était transféré !

La charge de travail des tribunaux d'instance s'est considérablement accrue. Or, manifestement, les moyens n'ont pas suivi : au cours des six dernières années, les juges d'instance n'ont reçu que 28 nouveaux postes, quand - et cette comparaison ne remet pas en cause la légitimité des augmentations intervenues, qui étaient nécessaires - les juges des enfants en recevaient 30, les juges d'application des peines, 95, le parquet, 157 et les juges du siège non spécialisés 227.

La présidente de l'association nationale des juges d'instance me l'a confirmé : les juges d'instance se vivent comme les parents pauvres de la justice. Or ces tribunaux sont essentiels : ce sont par excellence les tribunaux les plus proches des gens, ceux des litiges du quotidien (tutelle, voisinage, consommation et crédit, baux locatifs...).

À cet égard, la situation de ces tribunaux au regard de la révision des mesures de tutelles est très préoccupante, comme le garde des sceaux l'a lui-même reconnu lors de son audition par notre commission. Au 25 janvier 2011, à peine 20 % des mesures de tutelles en cours au 1er janvier 2009 avaient été révisées. Il en reste près de 700 000. Pour venir à bout du stock avant le 1er janvier 2014, les efforts devront être quatre fois plus importants qu'aujourd'hui.

On ne peut que déplorer que les solutions envisagées par la Chancellerie pour répondre à ce problème ne soient manifestement pas à la hauteur de l'enjeu. Le risque est grand que, faute de moyens suffisants, le retard accumulé place les tribunaux d'instance, quels que soient le dévouement et l'engagement de leur personnel, dans une situation de quasi sinistre. Or les conséquences d'un échec de la révision de mesures de protection ne seraient pas seulement graves pour l'institution judiciaire, mais aussi, et surtout, pour les personnes protégées, dont les mesures de protection deviendraient caduques. Il est plus que jamais nécessaire que la Chancellerie prenne la mesure du risque pour engager massivement les moyens permettant d'y parer.

Compte tenu de l'écart constaté entre les besoins des juridictions et les moyens qui leur sont alloués, le budget proposé ne peut recevoir notre assentiment. C'est pourquoi je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à la justice judiciaire.

M. Jean-Pierre Michel. - L'analyse de notre rapporteur s'inscrit dans la ligne de celle développée les années passées par notre collègue Yves Détraigne, mais elle aboutit à une conclusion inverse, puisque ce dernier proposait, après avoir reconnu la pénurie, d'adopter le budget au nom des efforts engagés. Catherine Tasca dresse le même constat mais, en rejetant les crédits, elle marque son opposition à la politique conduite jusqu'alors. Certes, on peut donner acte au garde des Sceaux de ses efforts pour apaiser les magistrats. Cependant, les effectifs proposés restent très insuffisants. Nous suivrons notre rapporteur.

Les tribunaux d'instance sont effectivement en grande détresse ; les suppressions intervenues par l'effet de la carte judiciaire éloignent les justiciables de ces juridictions : les audiences se tiennent en leur absence.

S'agissant de la contribution pour l'aide juridique, certes, des exonérations sont prévues mais, sauf décision contraire du juge, celui qui perdra son procès aura à la payer au titre des dépens. Cette solution de financement est très mauvaise. Elle manifeste l'impéritie du Gouvernement qui a conçu la réforme de la garde à vue sans prévoir les moyens nécessaires.

M. Yves Détraigne. - Cette année encore le budget de la justice est relativement privilégié. Contrairement à ce que l'on a parfois dit, l'effort de rattrapage engagé les années précédentes n'a pas bénéficié seulement à l'administration pénitentiaire. J'observe que le ratio greffiers/magistrats continue d'évoluer favorablement.

Je ne pense pas que la contribution pour l'aide juridique entravera l'accès au juge : les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle en sont exonérés.

Dans le contexte budgétaire actuel, il me paraît nécessaire d'observer une pause législative. Les juridictions n'ont plus les moyens de faire face à de nouvelles réformes.

Le budget enregistre une progression en dépit du contexte budgétaire très contraint. Même si cette progression reste faible, nous voterons les crédits alloués à la justice.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je partage les préoccupations de notre rapporteur sur la situation des tribunaux d'instance. Il conviendrait, si on augmentait leurs effectifs, de prélever ces postes sur des juridictions moins chargées, je pense par exemple à certaines cours d'appel. Les suppressions de tribunaux opérées par la réforme de la carte judiciaire étaient justifiées. Peut-être aurait-on pu aussi s'interroger sur le maintien de certaines cours d'appel ?

Le budget proposé enregistre des progrès. Il y aura bientôt un greffier pour un magistrat : l'effort est net.

Les études d'impact jointes aux réformes sont une farce. Parfois, certaines juridictions se trouvent surchargées sans qu'on adapte leurs moyens à leurs besoins.

Dans un contexte budgétaire contraint il me semble nécessaire de saluer les efforts budgétaires engagés sans rien nier des lacunes anciennes qui perdurent. C'est pourquoi nous voterons les crédits proposés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je partage la position de notre rapporteur. Ce n'est pas la première fois que l'on constate la pénurie du budget de la justice mais jusqu'à présent la majorité présidentielle le votait quand même. Demain nos paroles seront conformes à nos actes.

Certes le budget augmente un peu, mais cela est dû principalement à la hausse des crédits de l'administration pénitentiaire et aux nouveaux besoins créés par les réformes qui se sont succédé.

La contribution pour l'aide juridique pose un problème de principe. L'accès à la justice, mission régalienne de l'Etat, doit être préservé. Cette taxe suscite de nombreuses oppositions parmi les magistrats, les avocats et les syndicats. Sans même évoquer les problèmes de recouvrement, j'observe que les salariés licenciés devront l'acquitter et qu'elle ne pèsera que sur les justiciables les plus modestes. D'autres propositions de financement de l'aide juridictionnelle existent.

M. Pierre-Yves Collombat. - Dispose-t-on de statistiques permettant de connaître l'évolution de la charge de travail des juridictions que l'on pourrait rapprocher de manière pertinente de l'évolution des moyens qui leur sont alloués ?

M. Jean-Pierre Vial. - La charge de travail appréciée par le ministère est parfois différente de celle vécue par les juridictions.

M. Patrice Gélard. - Je regrette qu'on ait si mal traité les juges de proximité qui auraient pu être une solution aux difficultés relevées et je pense que nous n'aurions pas dû supprimer les avoués. En outre, je ne constate pas de progrès dans la programmation du recrutement des magistrats.

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis. - Je reconnais avec MM. Jean-Pierre Michel et Yves Détraigne que le garde des Sceaux actuel n'est pas responsable des retards accumulés et c'est justice de lui faire crédit de l'apaisement de certaines inquiétudes des magistrats. Toutefois, l'intempérance du Gouvernement en matière de réforme est déplorable. Une réforme doit s'accompagner de moyens, pas seulement d'une annonce.

Je ne partage pas l'optimisme de notre collègue Yves Détraigne sur la contribution pour l'aide juridique. La taxe est due à chaque introduction d'instance, lesquelles peuvent se multiplier pour un même litige et elle reste dissuasive pour les litiges de plus faible montant.

Sur la réforme de la carte judiciaire, votre commission a mis en place une mission d'information qui nous permettra d'en dresser le bilan.

L'amélioration du ratio greffiers/magistrats est certes positive mais on ne doit pas oublier qu'elle a parfois eu pour cause la baisse du nombre de magistrats et qu'elle s'accompagne d'une dégradation du ratio fonctionnaires/magistrats.

La Chancellerie dispose d'outils statistiques pour connaître l'activité des juridictions. Cependant, les données recueillies sont parfois incomplètes et les réformes intervenues ont perturbé leur recueil.

Enfin, je souscris tout à fait à la remarque de M. Gélard sur les juges de proximité.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

EXAMEN DES AMENDEMENTS PROPOSÉS PAR LE RAPPORTEUR

Article 52 bis

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis. - Ce premier amendement vise à limiter aux seules personnes morales à but lucratif l'application de la règle selon laquelle les frais de justice pénale sont mis à la charge de la personne morale condamnée. Il s'agit en effet de protéger la situation des syndicats ou de certaines associations qui ne disposent pas forcément d'un patrimoine conséquent et qui n'ont en principe pas été motivées, dans leur action, par la recherche du profit.

M. Jean-Jacques Hyest. - Pourquoi cette exception ? Vous créez une inégalité de traitement.

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis. - Celle-ci a été créée par le Gouvernement qui a souhaité supprimer, pour les seules personnes morales, la règle selon laquelle les frais de justice pénale ne peuvent être mis à la charge du condamné et échoient exclusivement à l'Etat.

La commission adopte l'amendement LOIS.1.

Article additionnel après l'article 52 bis

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis.- L'amendement supprime la contribution pour l'aide juridique en la compensant à due proportion. Cette suppression s'impose pour les raisons précédemment évoquées.

La commission adopte l'amendement LOIS.2.

Loi de finances pour 2012 - Mission Justice - Programme Administration pénitentiaire - Examen du rapport pour avis

La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice »).

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - Avec une dotation de 2,99 milliards en crédits de paiement en hausse de 7 % par rapport à 2011, et la création de 454 ETPT, le projet de budget pour l'administration pénitentiaire, dans un contexte marqué par une dépense publique fortement contrainte, paraît devoir échapper à la critique. Pourtant les perspectives que dessine le projet de loi de finances pour la politique pénitentiaire en 2012 et pour les années à venir suscitent la perplexité.

L'effort consenti pour les prisons est, en effet, pour l'essentiel, commandé par l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires. Au-delà de l'achèvement du programme « 13.200 places » engagé depuis 2002, le nouveau programme immobilier préparé par le ministère de la justice devrait porter à 80.000 le nombre de places de détention à l'horizon 2017.

Selon le Gouvernement, ces créations sont justifiées par la mise en oeuvre de l'encellulement individuel et l'exécution effective des peines d'emprisonnement. Toutefois, la loi pénitentiaire invoquée à l'appui du premier de ces arguments n'a jamais imposé l'encellulement individuel pour la totalité des personnes détenues. Quant à l'exécution des peines, elle n'exclut pas leur aménagement. Bien au contraire, le législateur a relevé de un an à deux ans le quantum de peine prononcé, susceptible de faire, sous certaines conditions, l'objet d'un aménagement.

Il est légitime d'augmenter le nombre de cellules individuelles et d'améliorer les conditions matérielles de détention. Toutefois la cible affichée par le Gouvernement, alors que le nombre de personnes détenues écrouées atteignait 63.600 au 1er octobre 2011, dépasse de loin cette ambition. Aussi je crains que l'accroissement des capacités de détention n'ait d'autre effet que d'encourager de nouvelles incarcérations à rebours de la volonté, exprimée notamment par les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale de « rompre le cercle vicieux entre l'accroissement du nombre de détenus et l'augmentation des capacités d'accueil en prison ». Par ailleurs, la mise en oeuvre du nouveau programme immobilier risque de concentrer de nouveau les moyens sur la création d'emplois de personnels de surveillance au détriment des emplois de conseiller d'insertion, et partant des mesures d'aménagement de peine. Un volet essentiel de la loi pénitentiaire se trouverait ainsi affecté par la priorité donnée aux constructions à venir.

Au reste, la traduction financière des grandes orientations de la loi pénitentiaire n'apparaît toujours pas clairement dans le projet de loi de finances. Il est significatif -et regrettable- à cet égard, que les indicateurs de performance supposés éclairer les choix de la politique pénitentiaire n'aient transcrit que de manière très formelle, les objectifs poursuivis par le législateur en 2009.

Certes, je me félicite que la cible retenue en 2013 pour le taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée ait été fixée au-delà de 40 % -alors qu'elle avait été établie à 37,4 % dans le projet annuel de performance présenté l'année passée. Cet objectif s'accorde mieux avec l'obligation d'activité pour les détenus. Néanmoins, l'indication ainsi donnée devrait être pondérée par le nombre d'heures travaillées. En effet, le nombre de personnes détenues bénéficiant d'un emploi peut augmenter tandis que les heures effectuées par travailleur diminuent.

En revanche, je m'étonne de la très forte réévaluation du « taux d'évasions hors établissements pénitentiaires en aménagement de peine ». L'« incapacité à respecter les termes » de la mesure peut être liée au choix d'un dispositif inadapté à la personnalité de la personne condamnée en raison d'une analyse insuffisante des dossiers et d'un suivi individuel défaillant. On peut craindre qu'à la faveur du développement de la surveillance électronique, l'administration pénitentiaire ne soit tentée de faire l'économie de l'encadrement humain pourtant indispensable à la mise en place de ce dispositif. Il serait en tout cas paradoxal de fixer pour objectif un taux qui ne correspond pas à une gestion entièrement satisfaisante des aménagements de peine.

Le choix des indicateurs eux-mêmes soulève des réserves. L'indicateur relatif au nombre de détenus par cellule fait l'objet d'une approche réductrice dans la mesure où il ne distingue pas entre maisons d'arrêt qui connaissent une surpopulation récurrente et établissements pour peine où prévaut, en principe, l'encellulement individuel. Le projet annuel de performances présente certaines lacunes. Ainsi la sécurité des établissements devrait s'apprécier non seulement à travers le nombre d'incidents dont les personnels sont victimes mais aussi à travers les violences commises en détention sur les personnes détenues.

J'en viens au projet de budget pour 2012. Le programme « administration pénitentiaire » représente 40,8 % de la mission justice, soit, dans le projet de loi de finances initialement présenté par le Gouvernement devant le Parlement, une dotation en crédits de paiement de 3 milliards d'euros, en augmentation de 7 % par rapport à l'an passé. Le plafond d'autorisation d'emplois au titre du projet de loi de finances pour 2012 s'élève à 35.511 ETPT contre 35.057 en 2011, soit la création de 454 ETPT.

La hausse du plafond d'emploi en 2012 résulte pour l'essentiel de deux facteurs : la création d'emplois de surveillants pour les établissements dont l'ouverture est prévue en 2012 ; le transfert de 250 ETPT sur le programme « administration pénitentiaire » afin de poursuivre la mise en place des pôles régionaux d'extractions judiciaires engagée depuis 2011 dans le cadre de la reprise des missions d'extractions judiciaires auparavant assumées par les services de la police nationale et de la gendarmerie.

S'agissant du titre 3, les crédits s'élèvent à 713,6 millions d'euros, soit une progression de 8,5 % par rapport à la loi de finances pour 2011. Cette augmentation s'explique principalement par le paiement des loyers des établissements construits en partenariat public-privé et l'obligation contractuelle liée aux marchés en gestion déléguée. A ce titre, les montants alloués à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances s'élèvent à 383,2 millions d'euros contre 347,6 millions d'euros en 2011. L'effet financier des dispositions de la loi pénitentiaire apparaît beaucoup plus modeste. Les crédits de fonctionnement restent structurellement insuffisants pour garantir un entretien satisfaisant du parc pénitentiaire. Faut-il rappeler que le défaut d'entretien a imposé la rénovation complète de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis dont le coût équivaut à la construction d'un établissement neuf. En outre, les moyens de fonctionnement sont, de manière récurrente, affectés par les gels de crédits en cours d'année. Dans la mesure où ces gels ne peuvent s'appliquer à la dotation affectée aux marchés de gestion déléguée, dépense obligatoire en vertu des contrats qui lient l'Etat aux prestataires privés, ils portent sur l'enveloppe réservée au parc en gestion publique. Des inégalités risquent de se creuser dans les conditions de détention entre les deux catégories de gestion. Un effort particulier doit être garanti pour le parc pénitentiaire en gestion publique qui ne saurait être le « parent pauvre » de l'administration pénitentiaire sauf à consacrer un système à deux vitesses.

L'évolution récente de la population pénale m'inspire des inquiétudes. Au 1er octobre 2011, le nombre de personnes écrouées détenues en métropole et outre-mer s'élevait à 63.602 contre 60.789 au 1er octobre 2010, soit une augmentation de 4,6 %. Cela semble résulter pour partie de la volonté de porter à exécution les peines d'emprisonnement ferme. Il convient néanmoins de lever toute ambigüité en matière d'exécution de peine : une peine aménagée est une peine exécutée. Ce rappel permet de nuancer la donnée selon laquelle, au 30 juin 2011, 85.600 peines d'emprisonnement étaient en attente d'exécution. En effet, près de 95 % d'entre elles sont constituées de peines aménageables (peines inférieures à deux ans ou à un an en cas de récidive). Ainsi, une partie du stock de peines d'emprisonnement est en réalité en cours d'exécution dans la mesure où les peines ont été transmises aux services de l'application des peines et aux services pénitentiaires d'insertion et de probation en vue de leur aménagement.

Les aménagements de peine sont marqués par la prédominance de la surveillance électronique. Avec la loi pénitentiaire, celle-ci pourrait également devenir la modalité la plus usuelle d'exécution des fins de peine. Au total, le seuil des 5.000 placements sous surveillance électronique simultanés a été atteint pour la première fois en mars 2010. Il s'élevait au 1er septembre 2011 à 7.051. En flux, le placement sous surveillance électronique représente de loin le premier aménagement de peine prononcé sur l'ensemble du territoire national avec 50 % de l'ensemble des mesures accordées au cours de l'année 2010. Les personnes placées sous surveillance électronique représentent 13 % des personnes condamnées sous écrou.

Qu'en est-il du parc pénitentiaire ? La France disposait au 1er janvier 2011 de 56.358 places « opérationnelles ». Au terme du programme « 13.200 » en 2013, la capacité opérationnelle des établissements pénitentiaires devrait atteindre 61.200 places. Le ministère de la justice a souhaité en 2010 la mise en oeuvre d'un nouveau programme immobilier afin de porter à 70.400 le nombre de places disponibles. Conformément au voeu du Président de la République, cet objectif devrait même être relevé à 80.000 places par la future loi de programmation sur l'exécution des peines. Le nouveau programme de construction vise la réalisation de 14.282 places nouvelles et la fermeture de 7.570 places vétustes. A l'issue de ce programme, la France sera dotée de 70.400 places de prison (réparties dans 62.500 cellules), dont plus de la moitié ouvertes après 1990. La fermeture de 45 sites avait été initialement annoncée. Les critères retenus pour établir cette liste avaient néanmoins suscité de nombreuses réserves dont je m'étais fait l'écho l'an passé. A la lumière de visites effectuées notamment dans les maisons d'arrêt d'Aurillac, de Châlon en Champagne et dans le centre pénitentiaire de Château-Thierry, j'avait rappelé la nécessité de tenir compte de considérations liées à la qualité des infrastructures, à l'intérêt des expériences conduites sur place ou encore à la proximité géographique, indispensable au maintien des liens familiaux. Aussi, depuis novembre 2010, une concertation plus approfondie avec les personnels de l'administration pénitentiaire et les élus locaux a-t-elle conduit à ramener à 36 le nombre de sites désarmés. Je note d'ailleurs avec satisfaction que les établissements sur lesquels j'avais attiré l'attention ont été maintenus.

Je souhaiterais évoquer les droits des personnes détenues. La mise en oeuvre réglementaire de la loi pénitentiaire est désormais en bonne voie. Il reste des progrès à accomplir notamment en matière de fouilles. Je note que les articles R. 57-7-79 à R. 57-7-82 du code de procédure pénale issus du décret du 23 décembre 2010, paraissent interpréter a minima les prescriptions de la loi pénitentiaire. Je regrette également que le projet de budget pour 2012 ne prévoit pas de financement pour permettre l'expérimentation de matériels de détection électronique qui éviterait le recours à des pratiques ressenties de manière humiliantes pour les personnes détenues. Deux décrets importants restent attendus : celui relatif aux règlements intérieurs types et celui concernant l'évaluation du taux de récidive par établissement pour peines par un observatoire indépendant.

L'amélioration des conditions de détention doit beaucoup au contrôle juridictionnel exercé par les juridictions administratives ou, au niveau européen, par la Cour européenne des droits de l'Homme. La mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison des conditions de détention a connu une forte augmentation depuis l'année 2008. Les condamnations prononcées par les juridictions administratives ont représenté en 2010 un montant de 143.950 euros contre une somme totale de 47.000 euros sur la période 2007-2009.

Je tiens à rendre hommage à l'action du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, qui nous a indiqué, lors de nos échanges, que ses avis étaient davantage suivis au niveau local que sur le plan national.

Je voudrais rappeler l'importance du travail et de la formation pour favoriser la réinsertion des personnes détenues. Au regard des objectifs fixés par la loi pénitentiaire, le bilan de l'année 2010 apparaît plus favorable : la masse salariale enregistre une hausse de 9 % pour les activités de production (contre une diminution de 13 % en 2009), le nombre d'emplois en production ayant progressé de 726 emplois par rapport à 2009. La situation de l'emploi dans les établissements d'outre-mer demeure néanmoins très préoccupante.

Au titre des actions en faveur du retour à l'emploi, il faut citer le développement d'une application informatique qui permettra l'inscription des personnes détenues suivies par Pôle emploi à compter d'octobre 2011. Cette avancée devrait faciliter la préparation des projets de sortie et d'aménagement de peine. Jusqu'à présent, en effet, seules les personnes sorties de prison pouvaient s'inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi. Les conseillers Pôle emploi pourront ainsi proposer aux personnes détenues souhaitant anticiper leur réinsertion professionnelle, l'ensemble des services de Pôle emploi et, en particulier, des prestations d'aide à la confirmation du projet (évaluation de compétences et capacités professionnelles, évaluation en milieu du travail, bilan de compétences ...). Ils pourront également les orienter vers des dispositifs de formation professionnelle.

Je conclurai sur les moyens des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Certes, les effectifs du SPIP ont beaucoup augmenté dans la période récente passant de 1.175 à 3.198 personnels d'insertion et de probation entre 1997 et 2010. Au 1er janvier 2011, 2.716 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation suivaient 239.996 personnes placées sous main de justice, soit un ratio de 88,4 dossiers par CPIP. Cet effort suffira-t-il à combler les vacances constatées dans de nombreux SPIP ? A Dunkerque, par exemple, sur 17 emplois théoriques, 10 seulement sont effectivement pourvus. Surtout, il ne paraît pas à la mesure des objectifs fixés par la loi pénitentiaire en matière d'aménagement des peines. Selon l'étude d'impact accompagnant ce texte, l'accroissement du nombre de personnes prises en charge et l'exigence d'un suivi plus attentif des dossiers -soit un ratio de 60 dossiers par conseiller d'insertion et de probation- nécessiterait « la création de 1.000 postes de CIP pour un coût salarial total de 32.844.000 euros ». A cette aune, les créations successives d'ETPT au titre des « métiers de greffe, de l'insertion et de l'éducatif » (148 dans la loi de finances pour 2010, 114 dans la loi de finances pour 2011, 41 seulement dans le projet de loi de finances pour 2012) demeurent très modestes.

M. Henri Masse, directeur de l'administration pénitentiaire, m'a indiqué que la réflexion portait sur la mise en place d'un volant de 88 conseillers d'insertion et de probation « placés » afin de répondre, selon les besoins, aux demandes des directions interrégionales. Il a également évoqué le recours à la réserve civile pénitentiaire dont le budget a été triplé en 2011.

Si je ne conteste pas la nécessité de renforcer l'efficacité de l'organisation des SPIP, j'estime néanmoins que la lutte contre la récidive et l'objectif de réinsertion impliquent un rééquilibrage indispensable des recrutements en faveur des conseillers d'insertion et de probation.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Quel est votre avis, Monsieur le rapporteur, sur l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » pour 2012 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - Comme vous le constatez, il y a dans ce rapport des éléments qui peuvent plaider pour une adoption comme pour un rejet. Je préfère, pour ma part, voir le verre à moitié plein et je voterai en conséquence l'adoption de ce budget.

M. Yves Détraigne. - La plupart des places nouvelles ont été créées dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). Si ces partenariats permettent des constructions à un coût moindre, ils pèsent néanmoins sur les charges de fonctionnement. J'en veux pour preuve le centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville (600 places) dont le budget est six fois supérieur à celui de la maison d'arrêt de Châlon-en-Champagne (200 places). Dispose-t-on de précisions sur le coût des PPP dans les années à venir ?

M. Michel Delebarre. - Je regrette que le rapporteur n'ait pas eu l'occasion de se déplacer à Dunkerque, ce qui aurait peut-être permis de préserver la maison d'arrêt... Selon les Gardes des Sceaux, on m'annonce tantôt la création d'un nouveau centre de détention, tantôt la suppression de la prison existante mais jamais ces deux opérations combinées ! Je m'interroge en conséquence sur la logique de la planification qui préside à la restructuration de la carte pénitentiaire. Faire accepter l'implantation d'un établissement pénitentiaire dans une agglomération demande un effort de concertation. Nous étions engagés dans une démarche de partenariat avec l'administration pénitentiaire dont je m'étonne qu'elle n'ait pas abouti. Le Garde des Sceaux a annoncé la fermeture de la maison d'arrêt de Dunkerque. Certes, cette structure souffre d'insuffisances justifiant son remplacement. Cependant, elle reste une prison de proximité, ce qui ne serait plus le cas si l'on construisait un centre pénitentiaire en dehors de l'agglomération. J'ajoute que nous avions tissé de nombreux liens entre la collectivité et la prison, notamment la mise en place d'une bibliothèque.

Mme Virginie Klès. - Il semble que les paramétrages des bracelets électroniques mobiles entraînent de nombreux dysfonctionnements. Qu'en est-il exactement ? Par ailleurs, vous avez évoqué certaines difficultés dans la mise en oeuvre des recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Pourriez-vous les préciser ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les services pénitentiaires d'insertion et de probation font valoir qu'il leur manque un millier d'emplois supplémentaires pour assumer leur mission dans des conditions satisfaisantes. Les organisations professionnelles rappellent que dans certains pays européens, les agents appartenant à des services équivalents traitent en moyenne, chacun, de 30 à 40 dossiers. Ce ratio est même de l'ordre de la quinzaine au Canada. S'agissant des prisons nouvelles, je souhaiterai une évaluation précise du coût des programmes menés en partenariat « public-privé ». Je m'interroge sur le choix de construire sur des sites excentrés des prisons pour un nombre très important de détenus. Il faut revenir sur cette logique. Les fouilles continuent d'être pratiquées parce qu'on ne veut pas doter les établissements des moyens nécessaires en détection électronique. L'application de la loi pénitentiaire n'est pas seulement une question de volonté mais aussi de moyens budgétaires.

Mme Catherine Tasca - Quels moyens sont consacrés à la rénovation des établissements existants, en particulier de ceux qui ont été créés voici une trentaine d'années ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis - Je suis effectivement inquiet sur la question des coûts de fonctionnement à moyen et long terme des établissements créés sous le régime des partenariats publics privés, d'autant que ces dépenses empièteront sur celles allouées au parc pénitentiaire public. Une évaluation serait intéressante.

Concernant la dimension et la localisation des établissements, des erreurs ont été commises dès le programme Chalandon en 1986, avec la construction de gros programmes situés loin des agglomérations. Toutefois, ce n'est plus le cas : il a été décidé, à partir de M. Dominique Perben, de ne plus créer d'établissements de plus de 600 places et dans les années récentes plusieurs nouveaux établissements de 300 à 350 places ont été construits, ce qui est plus raisonnable.

Alors que les élus sont généralement favorables à l'implantation d'un établissement pénitentiaire sur leur territoire en raison des retombées économiques que l'on peut en attendre, il semble très difficile d'obtenir leur accord dans le Nord, que ce soit dans l'agglomération lilloise ou dans le dunkerquois. Dans ce dernier cas, un site semblait avoir été trouvé mais il aurait fait l'objet d'un refus de dernière minute.

M. Michel Delebarre - C'est faux !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - C'est ce que m'a dit la chancellerie. En tout état de cause, si, comme le souhaite le Président de la République - quant à moi je n'y suis pas du tout favorable -, de nouveaux établissements sont construits pour atteindre un total de 80 000 places, je ne vois pas pourquoi une implantation serait refusée à Dunkerque, d'autant que l'établissement actuel est vétuste.

Concernant le bracelet électronique mobile, ma principale préoccupation porte sur le caractère balbutiant de son utilisation, seulement 54 bracelets étant aujourd'hui utilisés. Or, le PSEM est beaucoup plus efficace contre la récidive que le bracelet fixe, en particulier pour lutter contre les violences conjugales.

Concernant le contrôleur des lieux de privation de liberté, il m'a indiqué que ses avis étaient davantage suivis au niveau local qu'à l'échelle nationale.

Le service pénitentiaire d'insertion et de probation devait bénéficier de 1000 emplois au total, ce qui aurait permis qu'un agent ne traite que 60 dossiers. Nous en sommes loin aujourd'hui.

Par ailleurs, le décret sur les fouilles au corps applique a minima la loi. J'ai même des doutes sur la légalité de la circulaire d'application.

Enfin, concernant le coût de la rénovation des établissements anciens, je ne dispose d'éléments que pour les plus importants : 519 millions d'euros pour la Santé, 171 millions d'euros pour les Baumettes, 471 millions d'euros pour Fleury-Mérogis. Pour les autres, j'ai simplement constaté que les crédits engagés représentent la moitié de l'effort qui serait nécessaire, ce qui risque de se traduite in fine par des réhabilitations comparables à celle de Fleury-Mérogis, c'est-à-dire aussi coûteuses que des nouvelles constructions.

Loi de finances pour 2012 - Mission Outre-mer - Collectivités d'outre-mer, Nouvelle-Calédonie et TAAF - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Christian Cointat sur le projet de loi de finances pour 2012 (crédits affectés aux collectivités d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et aux TAAF de la mission « Outre-mer »).

M. Christian Cointat, rapporteur. - Je serai bref sur les crédits de la mission « Outre-mer » qui ont déjà été examinés hier à l'occasion du rapport de M. Desplan, mais je ferai quelques observations sur la mission.

Premièrement, ce budget est presque à volume constant malgré la période de crise ; cette absence de recul est une bonne chose, notamment parce qu'entre 2008 et 2012, les crédits ont augmenté de 22 % en crédits de paiement.

Deuxièmement, je me réjouis de la stabilisation du périmètre de la mission, même si celle-ci continue de ne représenter que 15 % de l'effort total de l'Etat en faveur des territoires ultra-marins.

Ensuite, un troisième point plus embarrassant : j'ai demandé depuis plusieurs années à savoir qui déterminait la politique financière de l'outre-mer ; le ministère de l'outre-mer ou les ministères dépensiers ? Il s'avère finalement, selon la Délégation générale à l'outre-mer, que c'est un peu tout le monde ; la Délégation estime d'ailleurs que c'est une bonne chose, puisque cela permet aux autres ministères de se sentir davantage impliqués. Je continue de penser qu'il faut un chef d'orchestre pour diriger une partition : des progrès restent à faire pour atteindre ce but, et il faudra avant tout que la DéGéOM soit dotée des moyens nécessaires à la conduite de ses missions.

Enfin, un budget doit poursuivre trois objectifs : récolter de l'argent pour l'Etat, répartir les crédits entre différentes actions et inciter les citoyens à dépenser dans un sens utile à la Nation. Or, sur ce troisième point, je constate que la défiscalisation est un élément essentiel de la politique ultra-marine et qu'en dépit de cela, aucune évaluation n'a été conduite sur son impact, à part en matière de logement social. C'est un problème majeur, vu les montants en cause : plus de trois milliards d'euros ! Nous pilotons un avion sans savoir où l'on se trouve ni ou l'on va.

J'en viens à l'état des lieux dans chacune des collectivités concernées par mon rapport.

En Nouvelle-Calédonie, comme j'avais pu le constater lors de la mission que j'ai menée avec Bernard Frimat en 2010, les transferts de compétences avancent de manière satisfaisante ; on ne peut que se féliciter de cette prise de conscience qui a amené l'ensemble des acteurs à prendre les problèmes à bras le corps. Par ailleurs, tous se souviennent de la crise politique du début de l'année 2011 : force est de constater que la loi organique adoptée en août dernier a permis de calmer les esprits, même si des difficultés persistent en province Sud.

En matière économique, la crise financière liée au nickel est en voie de résolution ; les usines du Nord et du Sud sont progressivement mises en place. Précisons que l'usine du Nord repose sur la technique de pyrométallurgie et exploite des minerais à haute teneur, alors que l'usine du Sud utilise l'hydrométallurgie, c'est-à-dire les minerais à basse teneur qui sont traités avec de l'acide sulfurique : cette différence technique explique les problèmes de sécurité rencontrés par l'usine de Goro.

Concernant le centre pénitentiaire de Nouméa, son état est catastrophique. Malgré quelques aménagements, le taux d'occupation continue d'avoisiner les 200 % et de forcer les détenus à vivre dans des conditions abominables. Un nouveau centre sera prochainement construit et devrait être implanté dans le grand Nouméa pour rester accessible aux familles.

Pour la Polynésie française, gageons que la loi organique de l'été dernier signera la fin d'une instabilité paralysante. Ce texte semble effectivement avoir remis les pendules à l'heure : malgré de fortes pressions pour faire chuter le gouvernement, celui-ci est resté en place. Or, la stabilité est le début de la confiance qui elle-même conditionne la reprise économique.

La réforme de la dotation générale de développement économique n'a pas permis de couvrir les besoins des communes -qui sont d'ailleurs handicapées par le mauvais fonctionnement du fonds intercommunal de péréquation. Plusieurs options de réforme de ce fonds sont aujourd'hui sur la table ; j'attire votre attention sur le fait que certains proposent de recentraliser les compétences au profit de la Polynésie française, alors même que les communes polynésiennes doivent être des communes comme les autres et exercer les mêmes missions que celles de métropole, quitte à percevoir des dotations de fonctionnement renforcées.

La situation économique de la Polynésie continue de se dégrader en raison de la cherté des transports, produite par une absence de concurrence et le manque de compétitivité de l'industrie hôtelière : à titre personnel, je nourris de fortes inquiétudes.

Quant au centre de Faa'a, il demeure l'un des plus fortement occupés au monde mais les prisonniers ne sont pas enfermés dans leur cellule, sauf la nuit ; par ailleurs, l'établissement est particulièrement bien organisé. Toutefois, il suffirait d'une étincelle pour que tout explose...

J'en viens à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je suis triste de voir que cet archipel à la beauté sauvage, et qui contient la seule forêt boréale française, est en sommeil. Les résistances au changement sont fortes (comme me l'a confirmé l'ancien préfet Claude Valleix) : il est effrayant de voir que localement, de véritables clans empêchent toute réforme. La coopération régionale avec le Canada me semble être la meilleure porte de sortie. Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait être une porte d'accès à l'Europe pour le Canada, en même temps qu'elle pourrait redevenir une station service pour ceux qui pratiquent la pêche.

Wallis-et-Futuna, composé de trois royaumes où les rois exercent réellement leur autorité et s'affirment face au préfet, est le seul territoire à ne pas avoir vu son statut être mis en conformité à la Constitution après la révision de 2003. Sur place, le principal problème est la non-consommation des crédits. Par exemple, en matière de santé, en dépit du fait que les équipements soient anciens et plus que spartiates, les crédits ne sont pas dépensés : cette situation est inacceptable. De même, après le passage du cyclone Tomas il y a plus d'un an, il reste des zones à Futuna où le téléphone est coupé et la seule route de l'île est toujours éventrée : il est anormal que le gouvernement ne débloque pas les crédits nécessaires.

Sur Saint-Martin, je me contenterai de signaler un point : la frontière avec Sint Maarten est une frontière géographique, mais non politique ; or, Sint Maarten est un PTOM alors que Saint-Martin est une RUP qui appartient pleinement à l'Union européenne : la limite entre ces deux territoires est donc de facto une frontière extérieure de l'Union qui n'est pas contrôlée.

Pour Saint-Barthélemy, je relève qu'en raison d'une appréciation discutable de la notion de potentiel fiscal, la collectivité est censée payer chaque année 5,6 millions d'euros à l'Etat, qui lui seront réclamés à compter de cette année : cette situation est aberrante et oblige Saint-Barthélemy à subventionner la métropole.

Les TAAF sont le seul territoire où l'on assiste à une chute libre des crédits, alors même qu'il s'agit d'un centre de recherches remarquable. En outre, l'îlot de Clipperton est devenu une base arrière des narcotrafiquants et est laissé à la merci des pollueurs : en ne protégeant pas ce territoire, le gouvernement abandonne l'un des joyaux de notre planète.

Pour finir, mes chers collègues, je ne formulerai pas d'avis sur les crédits de la mission : après l'avis défavorable adopté hier soir lors de l'examen de l'avis de M. Desplan sur les départements d'outre-mer, il m'est impossible de demander à la commission de modifier sa position. A titre personnel, j'aurais, à l'instar de Jean-René Lecerf, vu le verre à moitié plein et proposé l'adoption d'un avis favorable.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - En effet, il n'est pas nécessaire de nous prononcer après le vote défavorable intervenu hier soir et qui valait pour l'ensemble des crédits de la mission.

Loi de finances pour 2012 - Mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Programme Fonction publique - Examen dur rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de Mme Jacqueline Gourault sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » - programme Fonction publique).

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. - Le programme 148 comprend les crédits consacrés à la formation et à l'action sociale interministérielles.

Depuis le remaniement gouvernemental du 29 juin 2011, la fonction publique relève d'un ministère de plein exercice.

La diminution des effectifs des agents de l'Etat se poursuit dans le cadre du budget triennal 2011-2013, parallèlement à la réorganisation des administrations.

Le plafond des autorisations d'emplois fixé par le projet de loi de finances pour 2012 s'établit à 1.935.321 ETPT (soit -30.258 ETPT par rapport à 2011 à périmètre constant) pour les administrations de l'Etat ; à 373.456 ETP (- 1.106 ETP par rapport à 2011) pour les opérateurs de l'Etat.

L'application du principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite repose, pour 2012, sur une évaluation de 55.900 départs en retraite pour les fonctionnaires civils soit un taux de réduction de 54,38 %.

Je précise que le principe de restitution aux agents de la moitié des économies en résultant a été maintenu pour le nouveau train de suppression de postes.

Les 560 opérateurs de l'Etat sont naturellement soumis, depuis 2011, à un effort comparable à la règle du non-remplacement de un sur deux.

J'en viens à la politique de fusions de corps qui remonte à 2005. 320 suppressions de corps ont depuis été opérées.

L'objectif final poursuivi est de parvenir à 230 corps vivants à l'horizon 2015, dont 329 dès le premier semestre 2012 en sachant qu'il y en a encore 380 aujourd'hui.

Le programme 148 « Fonction publique » regroupe donc les crédits consacrés à l'action interministérielle pour la formation des fonctionnaires d'une part, et pour l'action sociale d'autre part.

Il est mis en oeuvre par la DGAFP, chargée de piloter et de coordonner la GRH dans les administrations de l'Etat et d'animer le dialogue social interministériel.

Le budget correspondant pour 2012 s'élève à 227,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 230,2 millions d'euros en crédits de payement (CP), soit + 3,08 %. Mais l'évolution est différenciée : si l'enveloppe consacrée à l'action sociale croît de 5,52 %, les crédits de formation diminuent de 1,01 %.

La formation interministérielle représente 35 % du budget total, qui finance les dotations allouées à l'ENA (école nationale d'administration) et aux IRA (instituts régionaux d'administration) ; l'organisation des concours aux cinq IRA et les actions de formation interministérielle ; des crédits de communications et études (guides méthodologiques, rapports ...) ; des subventions aux organisations syndicales ; le financement des vingt-six instituts et centres de préparation à l'administration générale et la subvention à l'institut européen d'administration publique de Maastricht.

Parallèlement aux actions financées sur le programme 148, les ministères consacrent plus de 2,1 milliards par an à la formation continue.

La DGAFP promeut une meilleure efficience de la formation sous deux angles : d'une part, ouverture réciproque aux stages ministériels par l'intermédiaire des plateformes régionales RH ; d'autre part, mise en place d'actions transversales au moyen d'un catalogue national de formations prises chacune en charge pour tous par un seul département ministériel.

L'action sociale interministérielle est en hausse de 5,52 %. Les crédits correspondants représentent 64,20 % des crédits inscrits au titre du programme 148 pour 2012, soit 146,3 millions d'euros en AE et 148,6 millions d'euros en CP (+ 7,48 % par rapport à 2011). La croissance des crédits découle principalement de l'inscription d'une dotation de 10 millions d'euros pour financer l'aide ménagère à domicile rénovée. On s'est beaucoup battu sur ce sujet depuis 2008.

Les cinq prestations gérées par la DGAFP sont déclinées en aides aux familles et au logement : des prestations individuelles destinées à améliorer le pouvoir d'achat des bénéficiaires (chèques-vacances, allocation pour la garde d'enfant -chèque emploi-service universel -CESU-, aide au logement -aide à l'installation et prêt mobilité-) ; des prestations collectives (réservation de places en crèche et de logements sociaux ; mise aux normes sanitaires des restaurants interadministratifs dans le cadre d'un plan pluriannuel qui devrait se poursuivre jusqu'en 2014).

Les prestations individuelles sont directement gérées par la DGAFP au niveau central. En revanche, les prestations collectives font l'objet de délégations de crédits vers le niveau régional et/ou départemental.

Le succès des prestations est variable.

Il est en baisse pour le chèque vacances. Bénéficiant, sous conditions, à l'ensemble des agents actifs et retraités de l'Etat, il repose aujourd'hui sur une épargne de l'agent, abondée d'une participation de l'Etat qui varie selon le revenu fiscal de référence. Le nombre de dossiers servis a diminué en 2010 de 16 % par rapport à 2009 soit un total de 110.000 bénéficiaires environ. Aussi, pour renforcer l'attractivité de cette prestation, plusieurs modifications affecteront les plans d'épargne ouverts à compter du 1er octobre 2011 : nouvelle tranche de bonification à 30 % ; revalorisation de 15 % du barème actuel de ressources pour élargir la population bénéficiaire. Le Gouvernement espère ainsi 15.000 bénéficiaires supplémentaires dès 2012, correspondant à une dépense nouvelle de 5,66 millions d'euros pour 2012. En conséquence, l'enveloppe globale consacrée à cette prestation est de 35,8 millions d'euros.

L'aide à l'installation des personnels de l'Etat : ce dispositif concerne l'accès au logement locatif des personnels intégrant la fonction publique de l'Etat (premier mois de loyer, frais d'agence, dépôt de garantie et frais de déménagement). La dépense totale, pour 2010, s'est élevée à 6,54 millions d'euros pour près de 6.500 bénéficiaires, en baisse par rapport à 2009 (7,2 millions d'euros et 8.000 agents).

Institué à la fin du mois de juillet 2007, le prêt mobilité est un prêt à taux zéro, d'un montant maximum de 2.000 euros, d'une durée maximale de 3 ans. Il peut financer le dépôt de garantie, les frais d'agence et de déménagement. Seuls 161 agents en ont bénéficié en 2010 pour une dépense correspondante de 10 000 euros. L'insuccès rencontré par cette prestation semble être lié à l'existence concomitante d'aides directes propres aux ministères. Il sera supprimé à compter du 1er janvier 2012.

Le CESU garde d'enfant : destiné à financer les frais de garde des enfants de 0 à 6 ans, il couvre tous les modes de garde : assistantes maternelles, gardes à domicile et crèches. Il est attribué sous condition de ressources et de la situation familiale du foyer.

C'est une prestation au succès croissant : en 2010, le CESU 0/3 ans a connu une augmentation de 12,6 % par rapport à 2009 avec 102.000 ouvertures de droits environ ; cette tendance est plus que doublée pour le CESU 3/6 ans : 21 millions d'euros pour 75.000 ouvertures de droits soit une augmentation de 28,7 % par rapport à 2009. Le montant moyen d'aide a été, en 2010, de 306 euros par dossier. L'enveloppe inscrite au programme 148 est calculée sur un nombre de bénéficiaires estimé à 186.000.

L'aide ménagère à domicile (AMD) sera réintroduite avant le 1er mars 2012 -nous a dit le ministre- sous critères calqués sur ceux de la CNAV (caisse nationale d'assurance vieillesse) qui gèrera cette prestation. Elle devrait bénéficier dans un premier temps à 5.000 personnes. Cette aide bénéficiant aux agents retraités de l'Etat et à leurs ayants-cause faiblement dépendants et, à ce titre, ne justifiant pas de l'allocation personnalisée d'autonomie a été suspendue en 2009. Les critères de la prestation de l'Etat étaient moins stricts que ceux du régime général (dépendance limitée et revenus supérieurs).

Au-delà des désaccords qu'on peut avoir sur la politique générale de réduction du nombre de fonctionnaires, je ne peux que donner un avis favorable au programme 148 ; l'action sociale et la formation sont importantes ; les syndicats apprécient la réintroduction de l'aide ménagère à domicile.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Y a-t-il des interventions ?

M. Christian Favier. - Merci pour la clarté du rapport et des informations fournies.

Vous avez donné des indications sur l'évolution du chèque-vacances. Quelle est celle de la subvention versée aux syndicats ? Est-elle semblable à celle de l'action consacrée à la formation ?

M. Jean-Pierre Michel. - Nous ne suivrons malheureusement pas le rapporteur sur le vote de ce budget malgré quelques points positifs car la fonction publique est malmenée, très malmenée : par la réduction du nombre de fonctionnaires, le service n'est donc plus rendu au public ; on fait supporter aux fonctionnaires un délai de carence alors qu'on aurait pu aligner vers le haut le privé sur le public ; on nivelle par le bas, sur le plan du privé.

Nous voterons sans états d'âme contre ce budget malgré l'excellence du rapport de Jacqueline Gourault. Il n'y a plus de véritable fonction publique républicaine chargée des services publics.

M. Jean-Jacques Hyest. - On ne dit jamais que la moitié des économies résultant des suppressions d'effectifs est rendue sous forme de primes aux fonctionnaires, d'où une revalorisation du statut de la fonction publique. On pouvait supprimer des emplois dans certains services qui ont fait l'objet de réorganisations. Je serai donc plus nuancé sur ces suppressions.

Quand l'aide ménagère à domicile a été supprimée, on n'avait pas trouvé cela très bien. La faire gérer par la caisse nationale d'assurance vieillesse est une bonne mesure car il ne faut pas multiplier trop de systèmes spécifiques donc onéreux. Quand c'est géré de manière nationale, c'est une bureaucratie qui fonctionne généralement assez mal.

Nous voterons les crédits du programme 148.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Je réponds simplement à M. Favier. La subvention aux syndicats est identique à celle de 2011 : 2,36 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Sueur, président. Je soumets au vote de la commission l'avis favorable du rapporteur.

Il est repoussé. La commission émet un avis défavorable sur les crédits du programme Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines figurant dans le projet de loi de finances pour 2012.