Mardi 18 juin 2013

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Mise en oeuvre du principe de participation du public - Communication

M. Raymond Vall, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de Laurence Rossignol sur le projet d'ordonnance relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public. Laurence Rossignol était rapporteure du projet de loi portant sur cette question. L'article 12 de la loi, promulguée le 28 décembre 2012, a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, avant le 1er septembre 2013, les mesures nécessaires pour permettre la mise en oeuvre du principe de participation en ce qui concerne les décisions des collectivités territoriales et les décisions individuelles. Comme nous l'avions demandé, le Gouvernement nous soumet aujourd'hui son projet d'ordonnance.

Mme Laurence Rossignol. - Comme l'a rappelé le président, le Gouvernement avait inclus dans le projet de loi relatif à la participation du public une habilitation à légiférer par ordonnance, pour les décisions émanant des collectivités territoriales, et pour les décisions individuelles. Nous avions alors fait valoir que la contrepartie de cette dépossession du pouvoir législatif, sur un sujet qui intéresse particulièrement le Sénat et les collectivités territoriales, était que le Gouvernement nous consulte en amont, avant de transmettre le projet d'ordonnance au Conseil d'État.

Pour mémoire, dans le cadre de la loi du 29 décembre 2012, nous avions réécrit l'article L. 120-1 du code de l'environnement, qui détermine la procédure de participation du public applicable aux décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, quand aucune autre procédure de participation n'est prévue. Dans ce cas, le projet de décision réglementaire de l'État est mis à disposition du public, accompagné d'une note de présentation synthétique. Le public a vingt et un jours pour faire parvenir ses observations. L'administration doit prendre en compte celles-ci et publier sa décision définitive dans un délai qui ne peut être inférieur à quatre jours. La décision est accompagnée d'une synthèse des observations et, dans un document séparé, de ses motifs.

Nous avions ajouté l'obligation pour l'administration de rendre disponible le dossier du projet de décision en préfecture si un citoyen en fait la demande, en complément de l'information dématérialisée. Le décret d'application est paru le 28 mai dernier. Il est conforme à ce que nous avons voté : tout citoyen peut demander à avoir accès au projet de décision sur support papier, s'il dépose sa demande dans une préfecture ou sous-préfecture du territoire concerné par la décision, au plus tard quatre jours avant l'expiration du délai de consultation.

Dans le cadre du projet d'ordonnance, le Gouvernement réécrit l'article L. 120-1. Cet article est désormais applicable aux décisions réglementaires ayant une incidence sur l'environnement de toutes les personnes publiques et plus seulement de l'État. Il est toutefois prévu que les collectivités de taille moindre puissent, si elles le souhaitent, recourir à des modalités alternatives de participation.

Pour les communes de moins de 10 000 habitants et les groupements de collectivités de moins de 30 000 habitants, le projet de décision et la note de présentation peuvent être consultés sur support papier, et les observations peuvent être déposées sur un registre. Le délai de dépôt des observations ne peut être inférieur à vingt et un jours. Trois jours sont ensuite consacrés à la prise en compte des observations du public. Pendant une durée minimale d'un mois, le maire rend publique, par voie d'affichage, la synthèse des observations. Pour les communes de moins de 2 000 habitants, la consultation du public peut être réalisée dans le cadre d'une réunion publique. Un délai de trois jours doit, là encore, être respecté pour prendre en compte les observations du public.

L'ordonnance crée, par ailleurs, un nouvel article L. 120-1-1 pour les décisions individuelles. Plusieurs modulations sont prévues en fonction de la taille des collectivités. Pour les communes de moins de 10 000 habitants et les groupements de collectivités de moins de 30 000 habitants, le projet de décision ou le dossier de demande peuvent être consultés sur pièces et des observations peuvent être déposées sur un registre. Le délai de consultation ne peut être inférieur à quinze jours. La décision ne peut être adoptée qu'après un délai de deux jours à compter de la clôture de la consultation. Contrairement à ce qui est prévu pour les décisions réglementaires, il n'est pas possible, pour les décisions individuelles, d'organiser une réunion publique. Cette modalité de participation serait en effet inadaptée à la nature de ces décisions.

L'ordonnance crée un article L. 120-1-2 qui reprend les dispositions précédemment inscrites à l'article L. 120-1, concernant l'urgence. Les articles que j'ai évoqués ne s'appliquent pas lorsque l'urgence, justifiée par la protection de l'environnement, de la santé publique ou de l'ordre public, ne permet pas d'organiser une procédure de participation du public.

Le nouvel article L. 120-1-3 rappelle que les modalités de participation du public peuvent être adaptées pour protéger les intérêts mentionnés à l'article L. 124-4 du code de l'environnement, à savoir la défense nationale, la sûreté de l'État, ou encore les procédures juridictionnelles.

L'article L. 120-2 prévoit les cas d'exemption de participation du public, notamment pour les décisions prises conformément à une décision, un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant lui-même donné lieu à participation du public.

Enfin, l'ordonnance rétablit mot pour mot le 4° de l'article L. 411-2. Cet alinéa avait été censuré par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où aucune procédure de participation du public n'était prévue pour les décisions aujourd'hui visées par le projet d'ordonnance. La création d'une telle procédure permet de rétablir ces dispositions.

Le projet d'ordonnance procède donc à une transposition assez fidèle aux collectivités territoriales de ce qui est prévu pour les décisions de l'État. L'administration a cherché à moduler les exigences de participation en fonction de la taille de la collectivité concernée. C'est un point positif : autant la Charte de l'environnement doit être respectée, autant il convient de ne pas imposer d'exigences disproportionnées aux collectivités territoriales. Une réunion publique peut suffire dans une commune de petite taille.

Pour autant, un point pourrait être amélioré : pour la version modulée de la participation, lorsque la commune ou l'EPCI a un site internet, il faudrait prévoir la publication des informations sur le site. Cela permettrait de toucher un public plus large. La mise à disposition par voie électronique est conforme aux objectifs fixés par la convention d'Aarhus de 1998. Je vous propose donc de suggérer au Gouvernement cet ajout.

Concernant le délai prévu pour déposer des observations, nous l'avions porté à vingt et un jours pour les décisions réglementaires, faisant le constat qu'il s'agissait du délai minimal pour que le public, d'une part, prenne connaissance de l'existence d'une consultation, d'autre part, puis fasse parvenir ses observations. Or, pour les décisions individuelles, y compris celles de l'État et de ses établissements publics, le délai est réduit à quinze jours. Peut-être serait-il opportun de porter à nouveau ce délai à vingt et un jours, afin de garantir que la participation du public puisse être effective.

Enfin, nos discussions à l'occasion de l'examen du projet de loi s'étaient beaucoup portées sur la question du « tenu compte » : comment l'administration manifeste-t-elle qu'elle a bien pris en compte les observations du public ? L'option retenue avait été de faire publier une synthèse des observations déposées et, pour les décisions réglementaires de l'État, de faire apparaître les motifs de la décision dans un document séparé. Dans le projet d'ordonnance, il n'est pas prévu de synthèse des observations pour les décisions individuelles. Le ministère a indiqué que cet aménagement s'explique par la nécessité de prévoir des modalités de participation plus souples, du fait notamment du nombre bien plus important de décisions individuelles que de décisions réglementaires.

Au final, nous pouvons, je crois, nous féliciter de la transmission de ce projet d'ordonnance. Le Gouvernement a tenu parole. Ce genre d'ordonnances gagne à être discuté en amont de la ratification. Si vous en êtes d'accord, nous pourrions transmettre une lettre à la ministre résumant la position de notre commission, avec les aménagements que je vous ai signalés et ceux que vous proposerez et que nous jugerons utiles.

Mme Odette Herviaux. - Je n'ai plus souvenir, dans les débats que nous avions eus à l'occasion du projet de loi, de l'autorité chargée de réaliser la synthèse des observations : quelle est-elle ?

Mme Laurence Rossignol. - L'autorité émettrice de la décision et organisant la consultation doit réaliser la synthèse.

Mme Odette Herviaux. - Je pose cette question parce que je vois de plus en plus de PLU retoqués, sous le prétexte unique que les commentaires du commissaire enquêteur ne sont pas suffisamment explicites. N'y a-t-il pas un risque de création d'un contentieux du fait d'une imprécision de la synthèse ?

Mme Laurence Rossignol. - Dans les PLU, la procédure suivie est celle de l'enquête publique, plus lourde que celle dont nous parlons aujourd'hui. La synthèse des observations sera en outre un acte séparé de la décision. Sa qualité n'entachera pas la légalité de l'acte. En revanche, l'absence de synthèse pourra être une cause de nullité.

Mme Évelyne Didier. - Dans une enquête publique sur un PLU, le rapport du commissaire enquêteur fait partie intégrante de la procédure. Or, il ne peut s'appuyer dans son rapport que sur ce qu'on est venu lui dire. Si personne ou peu de gens sont intervenus, il n'a pas grand-chose à dire. La qualité du rapport est totalement subjective. En outre, de plus en plus de PLU sont remis en cause parce que la note non technique, que nous devons joindre au dossier d'enquête publique, est incomplète. On constate parfois des jugements d'opportunité de la part des services de l'État.

M. Raymond Vall, président. - Le temps perdu pour les collectivités territoriales est très grave dans ces cas-là.

M. Henri Tandonnet. - Je voulais d'abord me féliciter de cette consultation sur le projet d'ordonnance. Mais ce texte est complexe. De nombreuses décisions individuelles ayant une incidence sur l'environnement vont désormais être soumises à consultation. Parmi ces décisions, je pense notamment aux permis de construire.

Je souhaiterais avoir des précisions sur le sens du dernier alinéa de l'article L. 120-1-3. Cet alinéa prévoit que ne sont pas soumises à participation les décisions individuelles prises dans le champ d'application d'une directive par laquelle l'autorité administrative compétente a défini des orientations en vue de l'exercice du pouvoir d'appréciation dont procèdent ces décisions, sous réserve que cette directive ait été soumise à participation du public dans des conditions conformes à l'article L. 120-1.

Les permis de construire pris en application d'un PLU sont-ils exemptés de participation ?

L'article L. 120-1 prévoit à son IV que la procédure de participation, dans les communes de moins de 1 000 habitants, peut être réalisée dans le cadre d'une réunion publique. Ce n'est qu'une faculté. Quel est le régime prévu dans les autres cas ?

Mme Laurence Rossignol. - L'article L. 120-1 décrit la procédure de participation de droit commun pour les décisions réglementaires. Les collectivités de moins de 1 000 habitants peuvent opter pour une procédure simplifiée. Sinon, elles sont soumises au régime ordinaire.

Pour les décisions individuelles, le Gouvernement a réintroduit le critère d'incidence directe et significative sur l'environnement, ce qui restreint son champ d'application et évite les effets domino.

S'agissant de l'article L. 120-1-3, l'alinéa cité vise à dispenser l'administration de soumettre une décision à participation du public lorsque le public peut être regardé comme ayant été mis en mesure de se prononcer sur les enjeux de la décision à l'occasion de l'élaboration d'un acte situé en amont, tel qu'un règlement, un document de planification ou une directive. Dès lors que l'acte administratif considéré procède d'un acte administratif antérieur ayant été soumis à participation du public, il n'est pas nécessaire de recommencer la procédure.

Je vais demander confirmation au Gouvernement pour le cas des permis de construire, mais a priori, le PLU ayant fait l'objet d'une consultation, il n'est pas requis de procéder à une nouvelle procédure de participation.

Le Gouvernement a par ailleurs lancé des états généraux de la simplification et de la modernisation du droit de l'environnement. J'ai réuni chez moi les maires autour du questionnaire envoyé par les services, afin de discuter collectivement des difficultés constatées et des remarques à faire remonter. Je vous invite à faire de même car les échanges ont été très fructueux.

M. Raymond Vall, président. - Nous pourrions échanger lors d'une prochaine réunion de commission sur cette question de la simplification du droit de l'environnement.

Nomination d'un rapporteur

M. Ronan Dantec est désigné rapporteur sur la proposition de résolution n° 645 (2012-2013), présentée par Mme Fabienne Keller au nom de la commission des affaires européennes, sur la circulation des mégacamions et le fret européen.

- Présidence de M. Raymond Vall, président, et de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques -

Audition de Mme Laurence Tubiana, directrice de l'Institut de développement durable et de relations internationales, facilitatrice du débat national sur la transition énergétique

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. - Nous recevons aujourd'hui Mme Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales, facilitatrice du débat national sur la transition énergétique, dans le cadre d'une audition commune à la commission du développement durable et à la commission des affaires économiques. Voilà six mois que le débat national sur la transition énergétique a été engagé, et la synthèse doit en être faite très bientôt. Les instances de débat sont nombreuses : comités citoyens, d'experts, de liaison, de pilotage, groupes de travail, auxquels participent plusieurs sénateurs de nos deux commissions. Les idées émises sont foisonnantes, comme en témoignent les cahiers d'acteurs et les nombreuses auditions effectuées par le conseil du débat. Des rencontres citoyennes ont eu lieu en région, auxquelles vous avez participé. Vous êtes donc au coeur du dispositif, et probablement la mieux placée pour nous dire où en est ce débat : sur quoi va-t-il déboucher ? Quelles en sont les prochaines étapes ? Surtout, quelles seront les principales conclusions en matière de mix énergétique, d'efficacité énergétique, de financement, de fiscalité, de gouvernance, de développement industriel, de recherche, d'implication des acteurs locaux ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Quel cahier des charges pour votre intervention ! Nous souhaitons en particulier connaître quelles difficultés proviennent de la recherche d'un consensus sur la transition énergétique. Seule une action durable convaincra les citoyens, les propriétaires, les entreprises, de réaliser cette transition, que l'état de la planète nous impose. Son principe semble accepté, mais ses modalités sont débattues. Votre rôle est de tracer le chemin, et, comme l'a dit Lénine, lorsqu'il y a une volonté, il y a un chemin. Il est indispensable de développer une vision pour 2030 : c'est un enjeu citoyen, mais aussi un enjeu pour nos entreprises et nos filières d'avenir. Les lobbies sont actifs, on l'a bien vu dans le débat national. Les premiers résultats des groupes de travail montrent qu'il est difficile de construire un consensus. Plusieurs scénarios sont évoqués pour l'évolution du mix énergétique français, la révision des objectifs du Grenelle pour 2020 ou sur la fiscalité environnementale. Quel sera l'axe prioritaire de la transition ? Comme en voile, il faudra peut-être tirer des bords pour atteindre l'objectif !

Mme Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales, facilitatrice du débat national sur la transition énergétique. - Merci pour votre accueil. Je dois tenter de dessiner le chemin d'arrivée du débat dans deux jours, lors de l'antépénultième réunion du conseil national de la transition énergétique : je ne puis donc tout vous dire aujourd'hui. Nous ferons le 8 juillet la synthèse entre les conclusions des débats territoriaux et l'état des lieux que nous aurons tracé. Le comité de pilotage est convaincu, comme l'est Mme Batho, que le débat territorial enrichira le débat national et lui apportera énergie et conviction. Nous rendrons notre copie le 18 juillet. Il s'agit donc du début de la dernière ligne droite.

Modérer ce long débat a été une lourde tâche, fatigante parfois. Nous avons ouvert des débats dans chaque collège - du Medef aux organisations syndicales - et nous devons faire en sorte qu'ils ne se referment pas, en les confiant par exemple à une institution. Nous n'avons pas cherché en priorité des consensus - ce n'était pas le souhait de la ministre, ni celui du comité de pilotage, ni le mien - mais plutôt des compromis sur les points essentiels, tout en identifiant les points litigieux, qui portent non sur la trajectoire dans les quinze prochaines années mais son adaptation ultérieure. Il s'agit soit de paris technologiques, soit de controverses sur l'efficacité des politiques de maîtrise de la demande.

Notre feuille de route a été très clairement tracée par le Président de la République lors de la conférence environnementale : objectif de 50 % d'électricité d'origine nucléaire, respect des objectifs français et européens du paquet 2020, et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le chiffrage des objectifs pour 2050 a donné lieu à des débats passionnés : tant mieux ! Pour tenir notre engagement de réduire de 80 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, il nous faut réduire notre demande d'énergie : la substitution d'un type énergie à l'autre ne suffira pas, car nous ne connaissons pas de source abondante d'énergie décarbonnée. Réduire l'enveloppe globale de consommation est donc indispensable. Chacun a pu se plonger dans les détails techniques de ces scénarios - car il faut comprendre la logique des systèmes énergétiques - ce qui est une bonne chose, même si nous n'avons pas atteint le grand public ; mais le Parlement devra à son tour s'y intéresser. L'examen de ces scénarios montre que, s'ils finissent par diverger, ils sont à peu près concordants en ce qui concerne les quinze prochaines années : aussi surprenant que cela puisse paraître, les experts de RTE, de l'Union française de l'électricité, des organisations environnementales, d'EDF, de GRDF, de l'Ademe, ont tous la même vision du mix énergétique - sauf à prôner une sortie rapide du nucléaire.

Nous savons donc ce qu'il faut faire : rénover quatre ou cinq cent mille logements par an, installer des éoliennes, des panneaux solaires, développer l'utilisation de la biomasse en mobilisant les énergies réparties... Il y a deux piliers de l'appareil énergétique français : le réseau électrique, très lié à la production nucléaire qui l'alimente à hauteur de 75 %, mais qui n'est pas saturé, et le réseau de gaz, qui est dense et bien construit, mais sous-utilisé, et qu'il conviendra, par exemple, d'alimenter en biogaz. La technologie de l'offre peut donc faire l'objet d'un compromis pour les quinze prochaines années, à condition de l'assortir d'une action forte de maîtrise de la demande énergétique. Ce sera l'heure de vérité de ce débat, car une telle maîtrise n'a jamais pu être mise en place.

L'objectif de rénovation du bâti est ambitieux, mais il est nécessaire si nous voulons réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées. Il ne s'agit pas d'une fantaisie française : l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark se sont fixé des buts comparables. Le parc immobilier a en effet été bâti sans souci particulier d'efficacité énergétique. Cela stimulera l'activité des industries de services énergétiques, des entreprises de matériaux, comme Saint-Gobain, ou de celles qui font de l'intelligence énergétique. Les PME auront une place centrale dans ce chantier, et nous devrons les mobiliser en leur donnant accès au crédit. Elles ont d'ailleurs exprimé cette inquiétude dans le débat sur l'obligation de travaux.

Même si certaines voix discordantes se font encore entendre, l'idée qu'un mix énergétique diversifié est nécessaire a progressé : nul ne plaide aujourd'hui pour le tout-nucléaire. Même les plus favorables au nucléaire reconnaissent l'utilité des sources d'énergie renouvelables - reste à définir la meilleure politique en la matière.

La gouvernance du système énergétique est un sujet qui paraissait tabou au début ; il a été confié à un groupe de travail, dont Ronan Dantec a été l'un des rapporteurs. Notre système doit conserver ses atouts tout en faisant place à la décentralisation et à l'autonomie qu'implique l'utilisation des énergies réparties. D'ailleurs, les collectivités sont, au moins autant que l'État, des leviers de la maîtrise de la demande, notamment en matière d'aménagement, d'urbanisme, de transport ou encore de mobilisation des PME. L'État met en place des incitations et un financement, mais en définitive la mise en cohérence de l'offre et de la demande dépend de la capacité des collectivités locales à innover en la matière. Les débats régionaux ont montré qu'elles le font déjà, quelle que soit leur taille, à travers de nombreuses expérimentations auxquelles il ne manque que quelques adaptations réglementaires ou législatives pour être pérennisées. La réflexion sur la gouvernance est sans doute le résultat le plus innovant de ce débat, à un moment délicat, qui voit la fin des concessions sur les réseaux d'électricité et une évolution du mix énergétique impliquant désormais les ressources locales - gestion des déchets, biogaz, réseaux de chaleur utilisant tout ce qui est chaleur fatale, grâce à des innovations industrielles. Les collectivités locales ont donc un rôle à jouer pour mettre en oeuvre un système énergétique plus sobre, plus efficace et plus moderne.

La précarité énergétique concernerait quatre à huit millions de Français. Faut-il agir par des tarifs ou par des subventions ? La question a été maintes fois débattue. Il semble que cette question doive être traitée sur le long terme : il s'agit de mettre les personnes précaires en situation de reconstruire une résilience, car la course-poursuite à travers les tarifs sociaux ne réglera jamais la question. Les associations de précaires ont montré que ce ne sont plus seulement les très pauvres qui n'arrivent plus à payer : les prix de l'énergie augmentent, et l'habitat est encore loin d'être énergétiquement efficace.

Sur quoi ferons-nous des compromis ? Nous nous inscrivons dans la feuille de route fixée par le gouvernement. Nous avons un débat sur le niveau souhaitable de sobriété énergétique pour la société française. Voulons-nous réduire le niveau de consommation de 50 % d'ici à 2050, comme l'ont répété les medias ? C'est un scenario médian, comparable à ceux retenus par le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède, le Danemark, qui se sont lancés aussi dans la transition énergétique. Nous n'aurons pas de consensus : le gouvernement devra décider. J'espère construire un consensus sur la stratégie à adopter pour les quinze prochaines années, quel que soit l'objectif final retenu.

Personne, au cours du débat, n'a imaginé une France désindustrialisée. Nous prenons pour hypothèse un taux de croissance supérieur à 1,5 % et une structure industrielle comparable à celle que nous connaissons. Pourtant, la structure économique de la France évoluera. Par exemple, si l'on extrapole l'évolution des surfaces commerciales enregistrée depuis 2004, elles recouvriront tout le pays en 2050 ! Or, il y aura sans doute une décrue de ces équipements, dont l'impact sur la distribution des déplacements est considérable. Il manque un travail sur ces scenarios d'évolution. Autre exemple : le nombre de kilomètres parcourus chaque année décroît. Est-ce une tendance stable, qui reflète l'instauration de réflexes de sobriété énergétique dans la société ? Il nous faut donc un outil national robuste, susceptible d'évaluer l'efficacité des politiques publiques et, le cas échéant, de les revoir, à intervalles réguliers. De nombreux paris technologiques, comme l'hydrolien, ou la capture et le stockage du carbone, imposent une telle clause de revoyure pour être évalués. Malheureusement, nous n'avons plus de Commissariat au plan pour donner un cadre. Cette institution rassemblait les acteurs pour construire une vision partagée des grands équilibres quantitatifs. En son absence, chacun apporte sa propre vision. Il faut un outil collectif pour tester les hypothèses, et réviser périodiquement les politiques. Certains économistes annoncent que les prix de l'énergie fossile vont baisser. D'autres disent que le gaz de schiste américain dégagera une rente sans faire baisser les prix, et que l'Opep continuera à maintenir le prix du baril autour de cent dollars. Face à une telle incertitude, le mieux est de prévoir une réévaluation périodique des politiques. Nous n'allons pas rénover tout le bâti en trois ans : il faut commencer fort, et réajuster le rythme ensuite.

Nous n'allons pas donner au gouvernement d'indications spécifiques sur les prix et les tarifs. La sobriété énergétique exige bien sûr un relèvement progressif des tarifs de l'énergie - sauf pour les industries électro-intensives, qui doivent être protégées de la concurrence internationale - assorti d'une maîtrise de la demande, pour éviter un effet dépressif, d'autant plus fort que la France importe pour 70 milliards d'euros d'énergie fossile. La programmation des investissements, en revanche, fera l'objet de propositions. Nous devons réinstaurer dans les contrats de plan État-région une programmation de l'investissement pour la transition énergétique, afin de construire la cohérence des plans d'urbanisme, de transport, de déplacement et de développement du système énergétique local. Quelles ressources l'État peut-il mobiliser ? L'épargne des Français n'est pas bien dirigée vers la transition énergétique. La Banque publique d'investissement (BPI) doit être impliquée également, et l'appui de la Banque européenne d'investissement (BEI) peut réduire le coût des emprunts des grandes collectivités. Le recouvrement des coûts pose la question des tarifs, et des signaux-prix. Nous signalerons la nécessité de faire référence à un prix du carbone, même si cela peut être difficile en dehors d'une réforme fiscale globale. Je ne crois pas que nous arriverons à un consensus sur cette question.

Le secteur des transports fait sa révolution, à la fois sur les véhicules et sur les modes de transport : l'idée se répand que des formes de mobilité nouvelles vont se développer, co-organisées et partagées, par exemple des transports en commun plus flexibles, utilisant les routes à moindre coût. A l'horizon 2020 le covoiturage devrait augmenter, des flottes collectives de véhicules électriques ou hybrides apparaîtront. Les moteurs ont déjà fait des progrès considérables à la fois en termes d'émission de CO2 et de consommation d'énergie fossile. L'utilisation du biogaz dans l'automobile peut être une solution prometteuse.

Nous avons donc un noyau dur consistant de propositions. Il n'est pas éclaté, mais cohérent. Il comporte un paquet commun, substantiel. Si le gouvernement y répond sérieusement, cela introduira des changements profonds dans le paysage énergétique français. Le débat régional a été passionnant et passionné : il faut le prolonger, au besoin dans un cadre institutionnel.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Je retiens de votre exposé que vos propositions seront comparables à une grappe de raisin : elles seront structurées autour d'une ossature centrale. Il semble qu'un consensus s'instaure sur la nécessité d'accepter la transition énergétique. Vous avez évoqué les transports : y a-t-il vraiment beaucoup de progrès en matière de covoiturage, surtout en milieu rural ? Comment améliorer le transport en commun dans le monde rural ? Le tramway n'est pas la seule solution : il y a des busway, des bus à fréquence cadencée qui coûtent bien moins cher. J'observe que vous n'avez pas parlé du télétravail, qui réduirait pourtant la mobilité. Il y dix ans tout le monde y croyait, aujourd'hui les entreprises en reviennent : il y a des problèmes de management complexes...

Mme Laurence Tubiana. - Une grappe de raisin, oui : l'axe central serait la maîtrise de la demande. Les grains seraient les mesures de détail, entre lesquelles le gouvernement aura le choix. La mobilité est le domaine sur lequel nous avons le moins travaillé, aussi ma pensée sur ces questions est-elle moins structurée. Nos hypothèses sont conservatrices : la mobilité personnelle va-t-elle s'accroître de 0,6 % par an ? Cela ferait 40 % de déplacements en plus en 2040, ce qui est beaucoup. Va-t-elle se stabiliser ? Se réduire ? Nous ne savons pas. Sur la mobilité, nous patinons.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - C'est un comble !

Mme Laurence Tubiana. - Les constructeurs automobiles commencent à constater que la vision des transports change. Le télétravail était présent dans les débats, mais pas autant qu'il l'aurait été il y a cinq ans. La question de la maîtrise de l'urbanisme et du foncier est centrale : il faut donc l'aborder. Sans maîtrise de l'urbanisme, en cohérence avec l'aménagement et les plans de transport, l'équation est insoluble. C'est, avec les prix, le point principal de la négociation. Investir en l'efficacité énergétique est rentable : la banque de développement allemande KfW estime que, depuis quinze ans, chaque euro ainsi investi en rapporte entre un et quatre. Il ne faut pas négliger l'effet multiplicateur sur la croissance et la création d'emplois : il y a un énorme chantier de transition professionnelle. Il faut former, sécuriser les PME, les arrimer aux grandes entreprises... Les fédérations d'artisans sont, pour l'heure, très prudentes.

M. Roland Courteau. - Ce débat est un remarquable processus démocratique, qui se déroule à la fois au niveau national, régional et local. Il est normal que notre société soit ainsi interpelée si nous devons élaborer un nouveau modèle pour 2030, 2040 ou 2050. Notre modèle n'est plus soutenable : la transition énergétique s'impose. Elle sera aussi la réponse au problème de notre facture énergétique de 69 milliards d'euros, ainsi qu'à la précarité énergétique qui touche quatre millions de ménages, soit huit millions de personnes. Soyons toutefois attentifs à bien prévoir son financement : c'est faute d'avoir anticipé celui des mesures du Grenelle de l'environnement que nous nous retrouvons aujourd'hui avec cinq milliards d'euros de contribution au service public de l'électricité (CSPE). Attention aussi à ne pas donner des coups de frein aux évolutions souhaitées, par des changements de règles ou des baisses de niveau des aides. La prévisibilité est essentielle pour tous les acteurs. Les tarifs sociaux sont une mesure à prendre d'urgence. A cet égard, je me réjouis des mesures adoptées récemment par le gouvernement, et de la loi que nous avons votée augmentant le nombre de bénéficiaires. Mais la vraie solution, c'est la rénovation thermique des logements mal isolés.

M. Marcel Deneux. - Bravo pour votre exposé, et pour l'autorité dont vous faites preuve dans la conduite de ce débat, qui en a bien besoin. Comment rendre publiques vos propositions ? Il ne faudrait pas les décrédibiliser alors qu'elles sont intelligentes et cohérentes. Nous avions un commissariat au Plan autrefois : c'est là que des décisions de consensus étaient prises, engageant l'ensemble des parties prenantes. En période de crise, la transition énergétique impose un changement des comportements. C'est un changement de société, qu'il est difficile de promouvoir. Les réunions régionales n'ont touché que les élites. Les mesures annoncées doivent être bien comprises : il ne faudrait pas, par exemple, que la nécessité d'augmenter les tarifs de l'énergie soit reliée aux mesures d'austérité. Il faut rappeler que la France, en matière d'émission de CO2, est le meilleur pays d'Europe...

Mme Laurence Tubiana. - Le deuxième.

M. Marcel Deneux. - Certes, mais le premier n'a pas le même volume. L'avenir, ce sont les énergies réparties. Notre système devra être modifié : il faudra développer l'utilisation de la biomasse, construire des lignes à haute tension, autoriser les collectivités locales à devenir énergéticiennes, dans toutes l'étendue du terme. Ces transformations seront mieux comprises par nos concitoyens que des messages nationaux qui ne manqueront pas de susciter des polémiques médiatiques, telle la polémique sur le nucléaire. En matière d'investissements, il faut définir des priorités et essayer de s'y tenir. Certains investissements conditionnent les autres. Par exemple, le programme de compteurs dits communicants est la base de départ pour introduire l'énergie renouvelable dans notre réseau. Sans cet investissement de quatre milliards d'euros, nous n'avancerons pas.

Si vous parvenez à faire passer ce message, il y aura une adhésion. C'est sur l'habitat qu'il y a le plus à gagner, mais dans l'ancien, les progrès seront le résultat d'une multitude de décisions individuelles. Les vrais décideurs, qu'il faut former, ce sont les artisans ! La loi du 13 juillet 2005 n'a guère été traduite dans les faits. La conjoncture a bon dos, il faut agir. Vous trouverez au Sénat des gens prêts à vous aider et à servir de relais dans les départements, pourvu que vous fassiez passer un message clair.

M. Gérard Bailly. - Les prix bas de l'énergie sont un atout pour notre pays, pour la compétitivité de notre industrie et de notre agriculture. Or pour lutter contre le chômage, il faut retrouver notre compétitivité ! Avec votre programme, allons-nous pouvoir conserver ces prix bas ? Selon un récent sondage, 94 % des personnes interrogées sont hostiles à une augmentation du prix de l'électricité pour financer les énergies renouvelables, et 80% ne sont pas prêtes à payer davantage pour être plus éco-responsables. Veillons à produire des énergies à des prix compétitifs pour ne pas pénaliser notre pays.

Qui paye, par exemple, l'écotaxe au bout du compte ? Le transporteur la reporte sur le producteur, qui la reporte à son tour sur le consommateur. Si elle pèse sur les entreprises, c'est encore moins de compétitivité, donc plus de chômage...

Je m'interroge toujours quand je vois des bâtiments en verre, forcément climatisés : quel est le coût énergétique de cette climatisation ?

En matière d'urbanisme, ces dernières années ont été marquées par une véritable gabegie : on employait des hectares de bonne terre agricole pour faire des parkings autour de chaque grande surface. Puis, comme souvent en France, retour de balancier : on ne nous laisse plus construire la moindre maison à la lisière de nos villages, même sur des terres médiocres !

Mme Laurence Rossignol. - À mon tour de saluer votre présentation, et votre travail. Revenons tout de même au pré-requis : la nécessité de diviser par quatre les émissions de CO2 d'ici 2050 en raison de l'emballement du dérèglement climatique, plus grave et plus rapide que ce qu'envisageaient il y a peu encore les climatologues.

Pourra-t-on maintenir un prix de l'énergie bas tout en poursuivant les objectifs climatiques ? En d'autres termes, ne rien faire nous garantirait-il le maintien de prix bas et compétitifs ? Avez-vous travaillé sur le lien entre croissance et consommation d'énergie ? La courbe de la croissance suit celle de la quantité d'énergie disponible par habitant, mais des économistes estiment qu'elle pourrait à l'avenir dépendre de notre capacité à maitriser la dépense et la consommation d'énergie. Comment articuler les deux ?

Il y a consensus sur le mix énergétique et la transition énergétique, dites-vous, mais vous vous inquiétez de la maîtrise de la demande. Si l'énergie est un bien commun, essentiel pour les individus et les sociétés, c'est aussi un bien marchand. Les fournisseurs d'énergie sont intéressés au volume de consommation. Comment peut-on avoir à la fois pour objectif de vendre et de faire baisser la consommation ? Jusqu'à quel point va le consensus ?

Selon vous, nous devrions arriver à un consensus cadré par les objectifs énoncés par le président de la République pour les quinze prochaines années : porter la part du nucléaire de 75 % à 50 % et réduire les émissions de CO2. Mais notre succès en la matière déterminera la suite du processus. Mon inquiétude, c'est qu'il ne se passe rien, que les acteurs ne soient pas tous impliqués dans cette réussite, et qu'au bout du compte, ce soit business as usual...

M. Jean-Claude Lenoir. - Sans vouloir minimiser la portée du débat engagé, je rappelle que cela fait des siècles que nous vivons des périodes de transition énergétique : on est passé du bois au charbon, puis au pétrole, au gaz, au nucléaire... Nous cherchons à organiser les choses, mais attention : il y a dix ans, un ministre de l'énergie affirmait que le pétrole, ce serait fini en 2020 ! C'était la théorie du pic de Hubbert. On sait ce qu'il en est. Nous n'avons aucune certitude concernant l'avenir, il faudra nous adapter, tenir compte des évolutions. Je me méfie des formules toutes faites.

Je suis en désaccord avec Mme Rossignol : l'énergie doit accompagner la demande, la croissance, ce n'est pas à nous de nous adapter à l'offre d'énergie. « Le socialisme, c'est les soviets plus l'électricité », disait Lénine. De fait, le développement économique et industriel de la Russie après la première guerre mondiale doit beaucoup à l'effort sans précédent pour produire de l'électricité.

Plus que les compteurs communicants, je crois à la nécessité de développer les réseaux communicants, notamment pour absorber l'électricité produite par le renouvelable. Je suis d'ailleurs l'auteur, avec Ladislas Poniatowski, d'un rapport sur le compteur Linky.

Le gaz est une composante importante du bouquet énergétique. Le groupe dédié au mix énergétique recommande l'ouverture du débat sur les hydrocarbures non conventionnels et invite à lancer la rechercher et à tenter des expérimentations pour savoir si nous avons des réserves sous nos pieds, et, si oui, comment les extraire. En cela, il rejoint les conclusions d'un récent rapport d'étape cosigné par deux parlementaires... Comment se construit cette étape dans le cadre de la transition énergétique ?

Mme Laurence Tubiana. - Peut-on tenir des prix de l'énergie bas en France, avec un parc nucléaire amorti mais dont il faut revoir la sûreté ? Selon le rapport de la commission de régulation de l'énergie, EDF devra relever ses tarifs pour rester rentable. Peut-on compter sur une compétitivité durable fondée sur les prix bas de l'énergie en France et en Europe ? C'est une vraie question. Les dirigeants d'EDF et de GDF-Suez ne pensent pas que l'on puisse maintenir à ce niveau les prix de l'énergie à la consommation - le prix pour les industriels est un autre débat.

Il n'y a pas de consensus sur le gaz de schiste. Les économistes américains, que je connais bien pour enseigner à Columbia, ne tablent pas sur une baisse du prix du gaz en France et en Europe : point de bonanza à l'américaine pour nous, dit l'Agence internationale de l'énergie. Difficile de fonder notre compétitivité internationale sur des prix de l'énergie bas ; il faut s'attendre à ce qu'ils doublent, surtout avec les nouveaux équipements nucléaires. Nous devrons trouver une solution pour les électro-intensifs. Heureusement que l'éolien va devenir rentable, et que nous n'aurons plus besoin de le subventionner. Inspirons-nous du Danemark ou de l'Allemagne pour ce qui est de la CSPE. Diversifions, trouvons des énergies peu chères, notamment les énergies dites fatales, mais en même temps, soyons plus économes et plus efficaces pour dépendre moins des aléas des prix internationaux.

Le découplage entre croissance économique et consommation énergétique est l'obsession du gouvernement chinois, que je conseille. C'est un problème international. Nous pouvons trouver des ressorts de croissance dans l'efficacité de l'économie en matière énergétique.

Nous avons beaucoup parlé de climatisation, les solutions se mettent en place. Personne ne prône aujourd'hui des soviets, mais tout le monde voit le futur énergétique de la France avec plus d'électricité, et moins de carburants liquides. L'espace d'innovation technologique sur le stockage est immense, nous devons investir pour être dans la course : celui qui trouvera la solution gagnera le jackpot.

J'insiste sur la notion de compromis, plus rassurant que le consensus, les déclarations d'intention. Se mettre d'accord pour valoriser le potentiel du nucléaire n'allait pas de soi. Même si l'objectif est de réduire la part du nucléaire, nous devons maximiser cette ressource, car notre avantage est fragile : notre système énergétique s'est dégradé et nous importons de plus en plus. Un changement s'impose, et le principe de la transition énergétique est désormais accepté, me semble-t-il. Personne ne veut payer, c'est normal, il faudra cependant expliquer que la transition est nécessaire et peut être une chance pour la France.

Le suivi et l'évaluation des politiques seront la garantie de la crédibilité, l'épreuve de vérité. Le conseil national a effectué un travail considérable, les positions ont évolué. Le Medef, qui était initialement contre la transition, ne prônant que le gaz de schiste, participe désormais activement à la discussion. J'espère un compromis : souhaitez-moi bonne chance !

M. Daniel Raoul, président. - La démarche pédagogique progresse.

M. Raymond Vall, président. - Merci. Un mot sur la gouvernance ?

Mme Laurence Tubiana. - Le rapport Dantec est public. Nous n'allons pas casser EDF pour tout décentraliser, mais il faut organiser le partage local de la gestion de l'électricité, des réseaux de gaz et des nouvelles énergies que les collectivités peuvent mobiliser. Protégeons notre système centralisé, mais utilisons aussi le reste. Même M. Proglio a changé de discours à ce sujet !