Mardi 16 juillet 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Isabelle Pasquet, rapporteure. - Le projet de loi modifie un point central du statut des pupilles de l'Etat : il clarifie et sécurise en effet, en réponse à une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2012 prise sur le fondement d'une question prioritaire de constitutionnalité, les modalités d'exercice des recours contre les arrêtés d'admission en qualité de pupille de l'Etat.

Les pupilles de l'Etat sont des enfants dont la famille n'est plus en mesure d'assurer la prise en charge. Un statut protecteur ouvrant droit à l'adoption leur est alors conféré, fondé sur l'intervention de trois acteurs : le préfet d'abord, désigné comme tuteur ; le conseil de famille ensuite, composé de représentants du département, d'associations et de personnalités qualifiées, qui assiste le préfet ; le service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) enfin, placé sous l'autorité du président du conseil général, qui prend en charge les pupilles et veille à l'élaboration d'un projet d'adoption dans les meilleurs délais.

Peuvent devenir pupilles de l'Etat : les enfants sans filiation ; ceux remis au service de l'ASE par leurs parents ou par un seul d'entre eux, sans que l'autre ait manifesté sa volonté d'assurer leur prise en charge ; les orphelins de père et de mère pour lesquels aucune tutelle n'est organisée ; enfin, les enfants dont les parents ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité parentale par décision judiciaire ou pour lesquels une décision judiciaire d'abandon a été prononcée.

Cette classification recouvre en pratique deux grandes catégories. Lorsqu'une décision de justice est intervenue, l'acquisition du statut de pupille est immédiate. Dans les autres cas, un procès-verbal établi par le service de l'ASE au moment du recueil de l'enfant donne à celui-ci le statut de pupille à titre provisoire, avant que le président du conseil général prononce un arrêté d'admission, à l'issue d'un délai de deux ou six mois selon les situations.

Au 31 décembre 2011, 2 345 enfants avaient le statut de pupille de l'Etat, un nombre en diminution constante depuis plusieurs décennies. L'âge moyen des pupilles au moment de leur admission est d'un peu plus de quatre ans et demi. Les situations varient fortement selon le mode d'admission : les enfants nés sous « x » sont généralement recueillis très jeunes avant d'être rapidement placés en vue de l'adoption, ceux qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire d'abandon acquièrent souvent le statut plus tardivement, après avoir été pris en charge plusieurs années par l'aide sociale à l'enfance.

Fin 2011, quatre enfants sur dix faisaient l'objet d'un placement en vue de l'adoption. Celle-ci n'a pas vocation à être systématique : l'intérêt de l'enfant commande parfois de le maintenir dans sa famille d'accueil, et cette dernière peut ne pas souhaiter engager une procédure d'adoption. L'adoption constitue cependant le prolongement logique de l'admission en qualité de pupille de l'Etat. Cette mesure étant susceptible de rompre définitivement les liens avec la famille d'origine, les modalités du recours offert aux parents ou proches de l'enfant sont fondamentales.

Depuis 1984, la compétence de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat appartient au président du conseil général. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, l'arrêté peut ensuite faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire dans un délai de trente jours suivant la date de son édiction. Trois catégories de requérants ont qualité pour agir : les parents d'abord, en l'absence de décision judiciaire consacrant l'abandon ou le retrait total de l'autorité parentale ; les alliés de l'enfant ensuite ; enfin, toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait. Pour que son action soit recevable, le requérant doit demander à assurer la prise en charge de l'enfant.

Soucieux de préserver l'enfant de recours abusifs, sans pour autant exiger de la part des conseils généraux la notification individuelle de l'arrêté à chacun des requérants potentiels, le législateur s'est abstenu de préciser les conditions de publicité de l'arrêté. Or dans sa décision du 27 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur « ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit d'exercer un recours juridictionnel effectif, s'abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l'enfant sont effectivement mises à même d'exercer ce recours ». Le Conseil a déclaré le premier alinéa de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Afin de laisser au législateur le temps de légiférer, il a reporté l'effet de sa décision au 1er janvier 2014.

Le texte que nous examinons aujourd'hui remédie à cette inconstitutionnalité. Il dispose d'abord que l'arrêté d'admission, lorsqu'il n'intervient pas après une décision judiciaire, n'est pris qu'à l'issue des délais de deux ou six mois. En effet, dans le but de sécuriser au plus vite la situation de l'enfant, les conseils généraux prennent parfois un seul arrêté au moment de son recueil par l'ASE, parfois un premier provisoire et un second définitif à l'issue du délai légal. Cette précision harmonisera les pratiques.

Ensuite, l'article 1er précise le champ des personnes ayant qualité pour agir. Celui-ci recouvre désormais quatre catégories : les parents de l'enfant, en l'absence de déclaration judiciaire d'abandon ou d'un retrait total de l'autorité parentale ; les membres de la famille de l'enfant ; le père de naissance ou les membres de la famille de naissance pour les enfants dont la filiation est inconnue ; toute personne ayant assuré la garde de droit ou de fait de l'enfant.

L'ouverture explicite du recours à la famille de naissance ne remet pas en cause le droit pour une femme d'accoucher sous « x », mais consacre une évolution admise par la jurisprudence. En effet, plusieurs juridictions ont récemment reconnu le droit aux parents d'une femme ayant accouché sous « x » de contester l'arrêté d'admission de leur petit-enfant en qualité de pupille de l'Etat. Les professionnels qui ont accompagné la mère ayant interdiction de révéler quoi que ce soit à un tiers, ces personnes avaient été informées par la femme elle-même de son accouchement. Pour la rapporteure du texte à l'Assemblée nationale, il y a une forme d'acte manqué dans le fait d'en parler... Quant au père de naissance, la loi lui reconnaît déjà la possibilité d'engager une procédure en reconnaissance de paternité.

Parmi les personnes ayant qualité pour agir, l'article 1er précise celles à qui l'arrêté devra être notifié : les parents, ainsi que ceux des requérants ayant manifesté avant la date de l'arrêté d'admission leur intérêt pour l'enfant auprès de l'ASE.

Le point de départ du délai de recours demeure fixé à trente jours, mais il court désormais à compter de la date de réception de la notification. Celle-ci devra être effectuée par tout moyen permettant d'établir une date certaine de réception. La notification indiquera en outre la règle - déjà en vigueur - selon laquelle l'action contre le recours n'est recevable que si le requérant demande à assumer la charge de l'enfant.

Cette rédaction remédie parfaitement aux critiques du Conseil constitutionnel. La publicité générale des arrêtés d'admission comme la limitation du droit de recours aux seules personnes à qui l'arrêté aura été notifié ont été écartées. La solution choisie définit les requérants légitimes : d'une part ceux qui, outre les parents, auront fait la preuve de leur « lien plus étroit » avec l'enfant en se signalant auprès de l'ASE et à qui toutes les garanties pour exercer leur recours dans le délai de trente jours sont offertes ; d'autre part ceux qui, sans doute parce qu'ils n'auront pas eu connaissance à temps de la situation de l'enfant, pourront malgré tout effectuer un recours jusqu'au placement de celui-ci en vue de l'adoption.

Cette solution n'exclut pas que, dans des cas très exceptionnels et malgré toutes les précautions prévues, des recours soient formés trop tardivement, c'est-à-dire une fois l'enfant placé en vue de l'adoption. Or aux termes de l'article 352 du code civil, le placement agit comme un couperet puisqu'il exclut toute possibilité de retour dans la famille d'origine. La question de l'évolution de cette règle, qui entend sécuriser au maximum la situation de l'enfant, demanderait une réflexion bien plus approfondie et qui dépasse largement l'objet du présent projet de loi.

Outre plusieurs amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel qui prévoit d'informer les parents des règles fixées à l'article L. 224-8, lorsqu'ils remettent leur enfant à l'ASE.

L'article 2 du texte porte sur l'application de la loi outre-mer. L'article 3 prévoit son entrée en vigueur au 1er janvier 2014, c'est-à-dire à la date où la censure du Conseil constitutionnel deviendra effective. Ce délai est justifié : les conseils généraux vont devoir adapter leurs pratiques afin de répondre aux nouvelles obligations qui s'imposeront à eux en matière de notification des arrêtés d'admission.

En l'état, le texte fournit la solution la meilleure pour garantir à la fois le droit au recours et la sécurisation de la situation de l'enfant dans des délais satisfaisants. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont adopté le projet de loi à l'unanimité en commission puis en séance. J'espère qu'un large consensus pourra également se former dans notre Haute Assemblée autour de la rédaction des députés.

M. Jean Desessard. - Je félicite notre rapporteure pour la qualité de son travail. Je voterai ce projet de loi. Les auditions auxquelles j'ai assisté m'ont toutefois convaincu que ces questions appellent d'autres débats, qu'il faudra aborder en temps utile.

M. René-Paul Savary. - Nous avons examiné ce texte au sein de l'Assemblée des départements de France (ADF). Il pose de nombreuses questions aux services sociaux des conseils généraux, dont les pratiques diffèrent en effet : certains prennent des arrêtés provisoires, d'autres un unique arrêté définitif, parfois trop imprécis.

Les recours, au demeurant peu fréquents, proviennent souvent des grands-parents, en cas d'accouchement sous « x ». Il y a peut-être à ce niveau des choses à clarifier.

La notification de l'arrêté auprès de ceux des requérants ayant manifesté leur intérêt pour l'enfant auprès des services sociaux est un bon compromis, applicable en dépit de la difficulté de certaines situations. Il serait opportun de renforcer le poids de l'avis rendu par le conseil de famille. Celui-ci n'est pas forcément pris en compte, notamment lorsqu'il existe des personnes susceptibles d'assumer la charge de l'enfant.

J'attire votre attention sur la durée des procédures de contestation : l'arrêté d'admission peut être pris deux mois après l'arrêté provisoire, contesté dans le mois qui suit, l'affaire tranchée en première instance trois mois plus tard, à quoi s'ajoutent quinze jours pour faire appel et à nouveau trois mois en deuxième instance... Ces procédures ont leur logique, mais elles ne servent pas toujours l'intérêt de l'enfant.

Enfin, depuis 1984, les conseils généraux ont la charge des pupilles : le statut des associations départementales des pupilles et anciens pupilles, qu'aident les conseils généraux, mériterait d'être revu.

M. Claude Jeannerot. - Je félicite à mon tour notre rapporteure pour la clarté de son exposé, instructif même pour le président de conseil général que je suis ! Si j'approuve les propos de René-Paul Savary, je rejoins notre rapporteure sur la nécessité d'adopter conforme ce projet de loi afin de ne pas retarder son application, quitte à introduire des dispositions complémentaires dans une proposition de loi ultérieure.

M. Georges Labazée. - Le Conseil supérieur de l'adoption où je représente le Sénat a rendu un avis sur ce texte. La question centrale est celle de l'accouchement sous « x » : modifier l'équilibre existant est très difficile et serait source de contentieux. Le cas porté à la connaissance du Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs été par un proche d'une mère ayant accouché sous « x ». Il a exploité une faille juridique.

En l'état, ce texte me convient. Si nous touchons aux mécanismes d'adoption, nous risquons de prolonger l'examen de ce texte plus que de raison.

Mme Muguette Dini. - Merci pour ce rapport d'une grande clarté.

Les recours sont évidemment utiles, mais certaines familles d'accueil, notamment d'un enfant handicapé, attendent le dix-huitième anniversaire du jeune pour procéder à l'adoption, afin de ne pas perdre leur rémunération. Il faudrait inciter ces familles à adopter plus tôt, en leur permettant de conserver les aides qu'elles reçoivent.

Dès leur majorité, le conseil général n'a plus la charge des pupilles. Certains départements continuent de les aider, d'autres non. En toute hypothèse, on ne peut pas dire que les associations départementales des pupilles et anciens pupilles n'ont plus de raison d'être.

M. René-Paul Savary. - Je n'ai pas dit cela.

Mme Muguette Dini. - Enfin, je me réjouis que nous ayons un délai pour légiférer sur ce point, et je regrette que le Conseil constitutionnel n'ait pas eu le même souci concernant le harcèlement sexuel : sa décision de 2012 avait pris effet immédiatement et mis à terre nombre de procédures judiciaires.

Mme Annie David, présidente. - Nous sommes quelques-uns à penser de même.

Mme Muguette Dini. - Notez que l'avocat et le requérant connaissaient la grande majorité des membres du Conseil constitutionnel, de l'aveu de l'avocat lui-même. Je le dénonce ici et recommencerai.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Mme Isabelle Pasquet, rapporteure. - L'amendement n° 1 déposé par M. Savary retire tout fondement législatif à l'existence des associations départementales de pupilles et anciens pupilles de l'Etat. Or le code de l'action sociale et des familles rend leur participation obligatoire aux conseils de familles, ainsi qu'aux commissions d'agrément en vue d'adoption. Une telle évolution exigerait au moins une concertation préalable avec la fédération nationale de ces associations. Leurs missions devront certes évoluer, en particulier là où le nombre de pupilles et anciens pupilles est faible. Mais on ne peut leur dénier toute existence législative, et reconnaître simultanément, comme le fait l'exposé des motifs, qu'elles forment « une grande famille pour ceux qui n'ont pas eu la chance d'avoir une famille ».

La deuxième partie de cet amendement supprime l'obligation d'affecter les biens des pupilles de l'Etat, recueillis par le département lorsqu'aucun héritier ne s'est fait connaître, à des dons ou des prêts aux pupilles et anciens pupilles. M. Savary propose que les sommes recueillies soient librement utilisées par les départements.

Je trouve cependant légitime que des sommes reçues au décès d'un ancien pupille puissent être utilisées au bénéfice d'autres pupilles. En outre, sept décès en 2010, quatorze en 2011 : les sommes en jeu sont faibles ! La mesure serait négligeable sur le plan financier mais lourde de sens pour les intéressés.

Je demande donc le retrait de cet amendement. A défaut, j'y serai défavorable.

M. René-Paul Savary. - Je le retire. Je voulais avant tout susciter le débat. Nos conseils généraux sont aujourd'hui dans une situation critique. Chaque jour des mesures de rigueur, voire d'austérité, doivent être prises. Toute subvention est réexaminée, chaque politique est remise à plat.

Je n'ai aucun mépris pour ces associations qui, comme dans le domaine du handicap, jouent un rôle majeur. Nous leur sommes très attachés. Il n'en demeure pas moins qu'il faut clarifier leurs relations administratives et financières avec les collectivités publiques.

Mme Isabelle Pasquet, rapporteure. - La notion de pupille est complexe et les dispositions qui s'y rattachent sont dispersées dans divers codes. Cela ne facilite pas la tâche des familles, des conseils de famille...

Mme Muguette Dini. - Et des enfants !

Mme Isabelle Pasquet, rapporteure. - Oui. Je souhaite que l'on examine sinon urgemment, du moins rapidement, un texte relatif aux questions familiales qui nous donne l'opportunité d'approfondir ces sujets. Les associations nous ont suggéré d'intéressantes pistes de réflexion.

Mme Colette Giudicelli. - Il y a urgence. Les conseils généraux sont en difficulté. Or l'action sociale est au coeur de leurs compétences. Nous ne pourrons pas attendre un an ou deux. J'approuve tout ce qui a été dit précédemment.

M. René-Paul Savary. - Cet amendement a été proposé par l'Assemblée des départements de France (ADF). Je n'ai fait que le reprendre à mon compte.

M. Jean Desessard. - Voilà bien le corporatisme des départements !

M. René-Paul Savary. - J'ai réagi vivement face à Dominique Bertinotti sur le rôle des préfets dans l'organisation des structures d'accueil de la petite enfance. Je signale que le président de l'ADF a publié à ce sujet un courrier qui recadre bien les choses : les schémas départementaux d'accueil de la petite enfance attribuent clairement au président du conseil général la responsabilité des structures d'accueil. Or les départements n'ont pas été associés à la concertation ! Ils n'ont pas vocation à être seulement des contributeurs financiers. Compliquer le dispositif à outrance n'aboutira qu'à les décourager d'agir et à les contraindre à couper sévèrement dans leurs dépenses.

M. Claude Jeannerot. - Je le confirme.

M. René-Paul Savary. - Aidez-nous à reprendre nos responsabilités en main !

Mme Annie David, présidente. - Les crédits attribués aux associations de pupilles ne menacent pas directement l'équilibre financier de nos départements...

M. René-Paul Savary. - Les subventions grèvent les charges générales.

Mme Annie David, présidente. - Nous prolongerons ce débat dans le cadre du texte relatif à la famille.

L'amendement n° 1 est retiré.

Le projet de loi est adopté sans modification.

Mme Annie David, présidente. - Unanimité ! Cela mérite d'être salué. Je vous remercie.

Article additionnel après l'article 1er bis

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAVARY

1

Associations départementales de pupilles
et anciens pupilles de l'Etat

Retiré

Mercredi 17 juillet 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Annie David, présidente. - Nous examinons la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé. Avant que nous entendions le rapport de M. Daudigny, je souhaite la bienvenue à M. Claude Domeizel, qui rejoint notre commission à la suite du départ pour une autre commission de Mme Samia Ghali.

M. Claude Domeizel. - J'y reviens, plus exactement, car j'y ai siégé dans le passé.

Mme Annie David, présidente. - C'est un retour aux sources !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Nous examinons un texte qui a beaucoup fait parler de lui. Nous avons été interpelés, beaucoup par les professionnels de santé, moins par les patients. Quoi qu'il en soit, notre seul objectif est d'améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens.

L'ordonnance de 1945 a posé le principe de la participation des assurés à leurs frais de santé. Celle-ci s'élevait alors, pour la plupart des prestations, à 20 %. C'est ainsi que se sont développés les organismes complémentaires. Sur les 180 milliards d'euros de dépenses de santé, 138 milliards proviennent de financements publics (essentiellement l'assurance maladie), 17,3 restent à la charge des ménages et 26,1 sont versés par les organismes complémentaires (Ocam).

En 1950, l'assurance maladie prenait en charge 50 % des dépenses de santé. Ce taux a atteint 80 % en 1980 puis a décru pour s'établir à 75,5 % en 2011. Les dépenses de l'assurance maladie ont toujours augmenté plus vite que l'inflation ou la croissance du PIB. Les Ocam financent actuellement 13,7 % des dépenses de santé : 5,6 milliards d'euros de soins hospitaliers, 5,2 pour les médicaments, 4,5 pour l'optique, 3,9 de soins dentaires, 3,7 de soins dispensés par les médecins, 1,5 de soins dispensés par les auxiliaires médicaux et 1,1 de soins dispensés par les laboratoires d'analyse.

Les Ocam ne sauraient être de purs guichets, des financeurs aveugles. La présidente du CNSD, le syndicat majoritaire des chirurgiens-dentistes, décrit du reste les complémentaires santé comme « des payeurs majoritaires » et ajoute qu'il est « logique que nous ayons avec elles des relations conventionnelles ». Dans certains domaines, l'assurance maladie obligatoire n'intervient plus ou quasiment plus et les prix sont libres : le rôle des Ocam y est plus que complémentaire ! En optique, en audioprothèse et pour les soins dentaires prothétiques, les prix sont librement fixés par les prestataires et les assurés n'ont guère la faculté de comparer et d'évaluer les offres. La dissymétrie entre l'information du patient et celle du professionnel est manifeste, alors que les coûts sont peu transparents et le prix final très variable.

La situation des chirurgiens-dentistes est particulière. Les soins conservateurs sont précisément encadrés par la convention existante mais leur tarification n'est en rapport ni avec la pratique ni avec les coûts réels. Les soins conservateurs étant sous-financés, la convention autorise les professionnels à fixer librement leurs tarifs pour les soins prothétiques et orthodontiques, par « entente directe » avec le patient. Les actes de soins conservateurs sont pris en charge en moyenne à 70 % par l'assurance maladie, mais à moins de 15 % pour les prothèses et quasiment pas pour la parodontie et les implants. Au total, l'assurance maladie prend en charge 32 % des soins dentaires et les Ocam, 38 %.

L'audioprothèse est un secteur en développement : entre 30 % et 40 % de personnes appareillées sur 6 millions de malentendants. L'appareil en lui-même ne constitue qu'une part du travail de l'audioprothésiste, qui doit accompagner le patient durant plusieurs mois. L'assurance maladie rembourse en moyenne 14 % des frais - nettement plus toutefois pour les moins de vingt ans - et les Ocam en moyenne 30 %, avec des variations importantes selon les contrats et appareils. Le reste à charge net est donc élevé car un appareil coûte en moyenne 1 500 euros.

L'optique a certainement été le secteur le plus actif auprès de nous ces derniers temps... Quelque 25 000 opticiens-lunetiers, auxiliaires de santé formés en deux ans et titulaires d'un BTS, exercent dans presque 12 000 points de vente : 41 % de plus en dix ans ! Le chiffre d'affaires global - environ 5,3 milliards d'euros dans le champ de l'assurance maladie - a progressé de 60 % en dix ans et serait sensiblement supérieur à celui des pays voisins. Les marges semblent importantes puisque les magasins ne vendent en moyenne que 2,8 paires de lunettes par jour. Certes, le fait que la France ait inventé le verre progressif n'est pas étranger au niveau de nos dépenses d'optique. L'assurance maladie participe de manière symbolique ou résiduelle aux frais d'équipement - environ 4 %. Les Ocam prennent en charge environ 45 % de la dépense, ce qui laisse un reste à charge élevé.

Le total des dépenses potentiellement remboursables dans ces trois secteurs s'élève à 16,4 milliards d'euros. L'assurance maladie en finance aujourd'hui 3,6 milliards et le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé qu'une enveloppe supplémentaire de 7 milliards d'euros serait nécessaire pour porter le taux de remboursement à 65 %.

Face à cette situation, les Ocam ont créé des réseaux depuis plus d'une dizaine d'années, sans aucune réglementation. Ils ont contractualisé avec les professionnels de santé. Chaque Ocam s'est organisé différemment, pour diminuer le reste à charge, en obtenant des tarifs plus avantageux et parfois en remboursant mieux l'adhérent qui consulte à l'intérieur du réseau. Ainsi, pour un même équipement d'optique, le prix pratiqué par un professionnel du réseau de la MGEN s'élève à 559 euros, contre 880 euros à l'extérieur ; le reste à charge est de 204 euros dans le premier cas et de 596 dans le second, car la MGEN majore son remboursement lorsque l'assuré consulte au sein du réseau.

L'Autorité de la concurrence comme la Cour des comptes l'affirment : les prix dans un réseau d'optique sont inférieurs de 15 % à 40 % ; le reste à charge est également plus faible.

L'article 1er de la proposition de loi place les mutuelles sur un pied d'égalité avec les institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance. Comme l'avait rappelé M. Jeannerot au moment de l'examen du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, les mutuelles représentent aujourd'hui 55 % du secteur, les assurances 27 % et les institutions de prévoyance (IP) 18 %. En 2000, ces chiffres s'élevaient respectivement à 61 %, 21 % et 17 %. Le code de la mutualité n'autorise des différences dans le niveau des prestations servies qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille. En mars 2010, la Cour de cassation a donné de cette disposition une interprétation stricte, qui empêche les mutuelles de rembourser différemment un adhérent selon qu'il consulte au sein du réseau ou non. Mais rien dans le code des assurances ou dans le code de la sécurité sociale n'interdit cette modulation aux assurances et aux IP. Il existe donc une rupture d'égalité entre les familles de complémentaires, qui ne se justifie aucunement puisque tous les Ocam sont en concurrence.

C'est pourquoi l'article 1er autorise les mutuelles à moduler les remboursements selon que l'assuré choisit de recourir ou non à un professionnel qui a signé une convention avec elles. Il n'y a là aucune obligation : Groupama et Pro-BTP ont mis en place un réseau commun, or le premier utilise la modulation, le second non, alors qu'il le pourrait.

L'article 2, ajouté par l'Assemblée nationale, pose les bases d'un encadrement du fonctionnement des réseaux. Il fixe les principes que doivent respecter les conventions entre les Ocam et les professionnels ou établissements de santé : libre choix du professionnel ou de l'établissement par le patient ; des critères objectifs, transparents et non discriminatoires pour l'adhésion du professionnel ou de l'établissement à la convention ; pas de clause d'exclusivité. L'Assemblée nationale a exclu des conventions avec les médecins les stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations de la sécurité sociale, ce qui couvre les honoraires et les autres rémunérations découlant de la classification commune des actes médicaux (CCAM), de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ou des conventions médicales négociées avec l'assurance maladie. Les Ocam doivent fournir une information complète à leurs assurés sur le conventionnement. Ces règles s'appliqueront aux nouvelles conventions, comme aux anciennes lors de leur renouvellement.

Je savais que la tâche du rapporteur sur ce texte ne serait pas aisée. Je me félicite que nous ayons eu le temps nécessaire pour écouter et travailler. J'ai procédé à plus d'une dizaine d'auditions, dont une table ronde avec les syndicats de médecins. A l'initiative de notre présidente, la commission a tenu une table ronde avec les organismes complémentaires.

Il n'existe actuellement aucun encadrement des réseaux de soins : les Ocam peuvent proposer à tous les professionnels, y compris les médecins, des contrats portant sur n'importe quelle question. Rejeter la proposition de loi reviendrait à laisser aux Ocam et aux professionnels une totale liberté contractuelle. Je crois qu'il relève de l'intérêt général et de notre responsabilité de poser les principes que doivent respecter les réseaux. Pour éviter les éventuelles dérives que certains annoncent, il faut légiférer. Avec prudence, car à imposer trop de contraintes, nous risquerions une censure du Conseil constitutionnel qui, à l'occasion du projet de loi de sécurisation de l'emploi, a insisté sur la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle, justement sur le sujet des complémentaires santé.

Il ne semble pas illégitime qu'un organisme complémentaire puisse maîtriser les dépenses financées par les cotisations de ses adhérents. Ces conventions peuvent porter sur des sujets tout à fait consensuels et importants pour nos concitoyens, par exemple le tiers-payant : interdire complètement les conventions pourrait avoir pour effet de supprimer celui-ci dans les pharmacies, à 1'hôpital ou chez les autres professionnels !

Je vous propose de compléter sur trois points substantiels le travail des députés. D'abord, nous ne pouvons pas traiter pareillement l'ensemble des professionnels de santé. Certains - médecins, infirmiers, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes... - relèvent de conventions avec l'assurance maladie, qui jouent encore un rôle moteur et prédominant dans la régulation du système. Dans d'autres professions, les dépenses de l'assurance maladie sont aujourd'hui minoritaires et, parfois, il n'existe aucune convention nationale. Du reste, l'Unocam joue un rôle renforcé en cas de convention de l'assurance maladie dans les domaines où les dépenses de la sécurité sociale sont minoritaires. Ces professions sont déterminées par arrêté : chirurgiens-dentistes, opticiens et audioprothésistes. Je vous propose de prévoir que, pour les autres professions, des conventions pourront être conclues, sans inclure de stipulations tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l'assurance maladie. En outre, pour les médecins, la modulation des remboursements ne sera pas possible.

Réseaux ouverts, réseaux fermés : les premiers accueillent sans restriction tous les professionnels qui remplissent les conditions définies par la convention ; la proposition de loi prévoit que ces conditions doivent être objectives, transparentes et non discriminatoires. Les réseaux fermés limitent le nombre des professionnels admis par zone géographique. Le nombre des chirurgiens-dentistes et des audioprothésistes est limité, soit par un numerus clausus explicite, soit par un nombre de places limité en école : un réseau fermé n'est pas nécessaire. La situation démographique des opticiens-lunetiers est plus inquiétante : chaque année, environ 2 000 nouveaux sortent des écoles, lesquelles se sont multipliées. Le nombre de professionnels a déjà crû de 53 % depuis 2005 ! La profession va au-devant de grandes difficultés. Il serait sage de se diriger vers une formation en trois ans et vers un transfert de tâches des ophtalmologistes, dont le nombre est notoirement insuffisant. Nous pourrions décharger ces derniers de compétences qui ne sont pas du tout médicales, mais cela ne relève pas de la présente proposition de loi. En tout état de cause, un réseau fermé peut se justifier dans le secteur de l'optique, faute de régulation du nombre de professionnels. Pour accepter de modérer leurs tarifs, les opticiens doivent avoir l'espérance de recevoir un nombre significatif d'assurés. Je vous propose donc d'interdire les réseaux fermés, sauf en optique.

Troisième point substantiel, je suggère de préciser que les conventions ne pourront avoir pour effet d'introduire des différences dans les modalités de délivrance des soins, ce qui interdit une éventuelle discrimination selon que le patient s'adresse ou non au réseau.

Je vous présenterai enfin de simplifier la rédaction de l'article 3 relatif au rapport annuel d'évaluation des réseaux, et de modifier l'intitulé de la proposition de loi.

L'urgence est de mettre sur un pied d'égalité les trois familles de complémentaires et de poser les bases d'un encadrement des réseaux de soins. Je vous proposerai donc d'adopter la proposition de loi assortie des modifications que j'ai dites, en espérant que l'Assemblée nationale approuvera ensuite le texte en termes identiques.

Mme Annie David, présidente. - Merci pour ces rappels importants, grâce auxquels nous comprenons les tenants et aboutissants de la proposition de loi.

M. Gilbert Barbier. - Je félicite le rapporteur pour son analyse, mais je ne suis pas d'accord avec ses propositions. Ce texte, qui aligne les mutuelles sur les autres organismes complémentaires, n'est pas anodin. Il bouleverse complètement les principes fondamentaux de l'organisation des soins dans notre pays. Organiser le secteur des complémentaires, pourquoi pas ? Mais des remboursements différents selon que l'on consulte ou non dans le réseau bafouent le principe « à cotisations égales, prestations égales ».

Vous avez parfaitement décortiqué le fonctionnement du système, en isolant certaines professions, dont il est difficile d'ailleurs de dire si ce sont des professions de santé : opticiens, audioprothésistes... Vous invoquez le principe d'égalité pour justifier l'alignement. Mais y a-t-il égalité ? Dans son arrêt du 18 mars 2010 la Cour de cassation précise que « l'interdiction faite aux mutuelles par le législateur, dans un dessein de meilleure solidarité, d'instaurer des différences dans le niveau des prestations qu'elles servent, autrement qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés, a pour contrepartie d'autres avantages qu'il leur consent et l'appellation spécifique qu'il leur garantit de sorte qu'elles ne sont pas placées en situation de concurrence défavorable par rapport aux autres organismes complémentaires d'assurance maladie ». Les mutuelles bénéficient d'avantages financiers et fiscaux spécifiques. Mieux vaudrait interdire la pratique, qui se généralise, de modulation des remboursements. L'exemple que vous avez cité n'est guère probant : de nombreux opticiens hors réseau pratiquent le même tarif que ceux du réseau.

Je n'ai guère d'espoir de voir mon amendement de suppression adopté. Vous nous menacez, si ce texte n'est pas voté, d'une situation catastrophique. Or, mise à part la CSMF, l'ensemble des professions médicales sont vent debout contre votre proposition de loi. En effet, dès lors que les remboursements sur les actes médicaux seront contrôlés par les organismes complémentaires, le patient n'aura plus de libre choix. C'est une atteinte majeure à notre système de soins ! Tous les médecins en milieu rural n'adhèreront pas nécessairement à ces conventions, par exemple.

Le texte comporte une ambigüité : les actes médicaux sont codifiés par l'assurance maladie, mais certains frais ne relèvent pas de l'acte médical. Par exemple, en chirurgie, la clinique facture séparément le prix d'une prothèse. Un organisme complémentaire pourra imposer des prothèses fabriquées à bas coût en Chine ou ailleurs, transposant dans ce domaine ce qui existe déjà dans le domaine de l'optique. Et quels sont les moyens de contrôle des professionnels adhérents ? Des opticiens, enrôlés par les organismes complémentaires, vont contrôler leurs confrères, nous dit-on...

A vouloir tirer les prix vers le bas, on en arrive à ne plus utiliser de verres fabriqués en France : dans mon département est installée l'entreprise Essilor et sans vouloir défendre à tout prix, comme M. Montebourg, le « made in France »...

M. Claude Jeannerot. - Ou le « made in Jura »...

M. Gilbert Barbier. - Les prix sont peut-être plus élevés, mais il y a là une qualité que nous pouvons surveiller. Je reconnais que vous avez beaucoup travaillé mais ce que vous proposez est au détriment du patient.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je félicite également le rapporteur pour l'exhaustivité de son analyse. Je note qu'il a cité deux chiffres discordants pour le nombre d'opticiens-lunetiers. C'est une profession particulièrement ciblée, il nous faut être précis. Le texte valide juridiquement les réseaux de soins en les encadrant et en les ouvrant aux mutuelles ou à tout organisme susceptible de développer un conventionnement et d'améliorer l'accès aux soins par la pratique du tiers-payant. Nous y sommes favorables.

Quelques précisions cependant. Le réseau ne signifie pas nécessairement remboursement différencié, vous l'avez dit. Mais ces réseaux feront-ils baisser le reste à charge pour l'assuré tout en préservant sa liberté de choix ? C'est la seule question. Votre rédaction, c'était nécessaire, exclut du champ du conventionnement tous les actes médicaux, effectués par toutes les professions qui ont un tarif conventionnel de la sécurité sociale, quand l'Assemblée nationale n'avait exclu que les actes des médecins. Mais certains dispositifs médicaux ne sont pas pris en compte, dans la chirurgie ou même la kinésithérapie.

La différence entre réseaux ouverts et fermés concourt-elle bien à favoriser l'accès aux soins et à faire baisser le reste à charge ? Les réseaux fermés font baisser les prix, certes. Mais la baisse du reste à charge dépend du niveau des cotisations et des conditions de la convention. Les réseaux seraient ouverts pour les audioprothésistes et les chirurgiens-dentistes, et fermés pour les opticiens car ceux-ci sont nombreux. Attention, car le Conseil constitutionnel exigera certainement un accès aux soins totalement libre, en tout point du territoire.

La médicalité des cahiers des charges devrait être contrôlée non par les organismes complémentaires eux-mêmes, mais par un organisme extérieur qui certifierait que les prestations médicales correspondent bien aux prescriptions de la Haute Autorité de santé.

Mme Jacqueline Alquier. - Je remercie le rapporteur pour son travail : il a su améliorer le texte de l'Assemblée nationale. Nous avons atteint le moment où l'absence de modification du code de la mutualité peut avoir des conséquences juridiques importantes. Les IP et les assureurs, eux, ne sont pas tracassés. La mission assurée par les mutuelles au travers de leurs réseaux de soins est primordiale, surtout là où les prix ne sont pas encadrés, optique, audition, dentition, hébergement hospitalier. Les médecins généralistes ont exprimé des craintes : ils demandent des précisions sur le champ d'intervention. La liberté de choix du patient doit être préservée, tout comme la qualité des produits utilisés. A cet égard, un cahier des charges pourrait être élaboré au plan national, avec le concours de la sécurité sociale ou des organismes de santé. La couverture sera-t-elle assurée sur tout le territoire ? La discussion des amendements sera l'occasion de lever cette inquiétude. Les mutuelles, organismes sans but lucratif, ont-elles un réel pouvoir pour diminuer le reste à charge ? La réduction du coût des produits fera-t-elle diminuer le montant des cotisations ? Comment le mesurer ? L'Assemblée nationale a prévu la remise d'un rapport, je m'en réjouis et soutiendrai l'amendement du rapporteur sur ce point comme sur les autres.

Mme Gisèle Printz. - Cette proposition de loi concerne-t-elle aussi le régime d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle ? Il ne faut pas nous oublier...

M. René Teulade. - Le sujet est vaste, et mon objectivité n'est peut-être pas totale, étant donné les responsabilités qui ont été les miennes... L'essentiel est l'accès à des soins de qualité pour l'ensemble de la population. C'était la philosophie du Conseil national de la Résistance : chacun participe selon ses capacités contributives et reçoit en fonction de ses besoins. Je félicite le rapporteur, car la tâche n'était pas simple, et il a abordé les problèmes essentiels. Je me concentrerai pour ma part sur le tiers payant. Il ne s'agit pas tant de permettre aux organismes complémentaires de « maîtriser les dépenses qui proviennent des cotisations » que de donner aux adhérents la faculté de décider comment leur participation est utilisée ! J'avais passé un accord avec les pharmaciens : ils s'engageaient à introduire le tiers payant et je mettais fin aux pharmacies mutualistes, qui étaient apparues parce que le tiers payant était interdit.

L'équilibre ici est satisfaisant. Mais attention : la philosophie des compagnies d'assurances n'est pas celle de la mutualité. Pour la seconde, la qualité des soins prime ; les premières sont attachées aux résultats financiers. Il n'est pas vrai de dire que la liberté de soins existe : beaucoup de nos concitoyens n'en bénéficient pas. Elle doit être le premier objectif. Faut-il conserver un reste à charge pour responsabiliser les assurés ? Le ticket modérateur d'ordre public avait fait l'objet d'une pétition de huit millions de signatures qui a conduit M. Barre à remettre en cause le décret qu'il avait pris lui-même : il s'agit donc d'un secteur bien particulier ! Les propositions du rapporteur général améliorent le texte de l'Assemblée nationale. Nous devons rechercher un consensus, travailler en accord avec les représentants des professions de santé. Je soutiens les propositions qui nous sont faites par M. Daudigny.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je ne suis que partiellement d'accord avec votre rapport. Votre amendement révèle bien l'embarras que vous éprouvez devant la fronde de certaines professions de santé. Nous prenons en effet le problème à l'envers, en partant du constat que les assurances et les organismes de prévoyance n'ont pas de réglementation propre et en choisissant d'aligner le droit sur un état de fait... Il aurait fallu traiter l'ensemble de la question des réseaux, pour l'ensemble des organismes complémentaires.

Durant les auditions, j'ai parlé du lien personnel entre un médecin et le patient, on m'a répondu que ce n'était pas le sujet et qu'il fallait se limiter aux trois domaines évoqués dans le rapport. Or, la proposition de loi, malgré l'engagement écrit pris par la ministre auprès des professions concernées, concerne bien l'ensemble des professions de santé. L'émoi a été grand. Le rapporteur propose finalement un amendement pour exclure expressément les médecins des remboursements modulés. Mais pourquoi ne pas en exclure toutes les professions de santé ? Les opticiens, les prothésistes dentaires ou les audioprothésistes ne sont pas des professions de santé, ils fournissent un matériel. Il serait plus simple de faire des réseaux ouverts, d'interdire la modulation du remboursement et de viser uniquement les trois activités en question. Je crains que les professions de santé ne soient de plus en plus contrôlées, évaluées, et finalement régies, par les mutuelles. Ce serait l'opposé de la libre concurrence. C'est aux mutuelles de créer des réseaux de santé efficients afin que leurs adhérents aient les meilleures prestations au meilleur prix.

En outre, les patients doivent renouveler périodiquement leurs lunettes ou leurs appareillages. Les mutuelles l'intègrent dans les primes. Les cotisations sont, à cet égard, des avances de trésorerie - et si les personnes mettaient de l'argent de côté pour payer elles-mêmes ces dépenses directement, cela leur coûterait moins cher... Les réseaux doivent apporter une réponse sur ce point. Les mutuelles ont à mener une approche financière intelligente.

Soyons cohérents. On ne peut soutenir la libre concurrence et voter ce texte, malgré des aménagements comme l'exclusion des médecins.

M. Alain Milon. - L'analyse de M. Daudigny est complète et pragmatique, elle me semble très pertinente ; ses propositions me conviennent moins...

Cette proposition de loi vise à encadrer une pratique déjà développée. Sans doute est-ce le signe d'une perte de pouvoir : de plus en plus souvent, le politique court après l'existant et cherche à trouver des solutions après coup. Nous le faisons tous ! Un texte identique avait été présenté par M. Yves Bur et d'autres députés ; le Sénat de son côté avait rejeté ce texte lorsqu'il a été introduit dans la proposition de loi Fourcade ; et c'est la députée UMP Mme Valérie Boyer qui en avait repris les dispositions en CMP, avant que le Conseil constitutionnel ne les censure.

Le transfert de tâches, sur lequel Mme Génisson et moi-même travaillons, n'existe pas d'une profession à une autre. Il peut se produire entre deux professionnels à propos d'un patient particulier ou entre un professionnel de santé prescripteur et un technicien. Les opticiens ne feront jamais le travail d'un ophtalmologue, mais ils pourront accomplir certains travaux pour lui.

Avec des réseaux de soins, les cotisants qui s'adressent à des praticiens hors réseau n'auront plus les mêmes remboursements que ceux consultant dans le réseau. Cette inégalité n'est pas acceptable.

Ces réseaux me font penser aux centrales d'achat ! Ce sont elles qui dicteront le prix.

M. Jean-Noël Cardoux. - Sans parler des marges arrière !

M. Alain Milon. - Nous avons commis l'erreur de croire que ce système ferait baisser les prix. Mais qu'un Ocam dirige l'ensemble et il imposera ses prix.

Si les réseaux sont maintenus, nous sommes favorables à ce qu'ils soient ouverts. Formons-nous trop d'opticiens ? Dans les années quatre-vingt, on craignait une explosion du nombre de médecins, on a mis en place un numerus clausus ; et aujourd'hui c'est la pénurie ! Il appartient au législateur de trouver une solution pour financer l'ensemble des soins à l'ensemble de la population, plutôt que de laisser le champ libre aux uns et aux autres.

Mme Annie David, présidente. - Un remboursement à 100 % par la sécurité sociale ? Vous rejoignez nos positions !

M. Dominique Watrin. - Ce texte s'inscrit dans le prolongement de l'accord sur la sécurisation de l'emploi (ANI). Il constitue la condition posée par la mutualité française pour accepter la clause de désignation. Nous avions critiqué la généralisation à terme de la complémentaire santé dans les entreprises, avec prise en charge à 50 % par les employeurs : nous aurions préféré un élargissement du champ de la sécurité sociale. L'ANI entraîne 2,5 milliards d'euros de nouvelles exonérations pour les employeurs, le même montant que les économies demandées à la sécurité sociale pour 2014. On répare à peine les fissures et l'on fragilise les fondations. Notre position est plutôt négative sur la proposition de loi et nous nous abstiendrons.

Mme Laurence Cohen. - La position du groupe UMP, partisan d'un remboursement à 100 % par la sécurité sociale, est intéressante ; mais que ne l'ont-ils fait lorsqu'ils étaient au pouvoir...

Ce texte est décevant. Certes, le prix des prothèses ou des lunettes s'envole. La réponse doit-elle être une fuite en avant et une ouverture plus large au marché ? La question se pose à l'échelle européenne.

Pourquoi ne pas rechercher des mesures qui aident réellement les patients ? Les mutuelles sont livrées à la même logique que les assurances : des remboursements non en fonction des besoins mais du contrat. Pourquoi ne pas choisir de renforcer le financement solidaire, en mettant un terme aux exonérations de cotisations, 30 milliards d'euros ? Pourquoi ne pas encadrer le coût des prothèses et des lunettes comme pour les médicaments ? Les réseaux de soins existent déjà, or les coûts n'ont pas baissé. C'est un marché de dupes. Il y a trop d'opticiens ? Encadrons leur nombre, comme on l'a fait pour les pharmaciens. Au prétexte du pragmatisme, on ouvre la porte à plus de discriminations sociales.

M. Claude Jeannerot. - Je décèle une certaine ambivalence dans les propos de M. Milon. Ils témoignent de la complexité du sujet. Lors de la discussion de l'accord sur la sécurisation de l'emploi, lui et ses amis ont défendu le principe de la libre concurrence. Or ce texte la renforce en mettant sur un pied d'égalité les institutions de prévoyance, les assurances et les mutuelles. Comment promouvoir la liberté d'accès aux soins si, dans le même temps, l'offre présente des ruptures d'égalité, si entre les mutuelles et les autres acteurs, les règles sont différentes ? De ce point de vue, le texte constitue une avancée.

Mme Patricia Schillinger. - Cette loi modifiera-t-elle le régime de droit local en vigueur en Alsace et en Moselle ?

Mme Isabelle Debré. - On ne peut faire abstraction du lien subjectif entre le patient et son médecin, notamment le chirurgien-dentiste. Ce lien est essentiel dans la guérison. Faut-il limiter les réseaux fermés à l'optique ? N'est-ce pas discriminatoire à l'égard des audioprothésistes ? Je rejoins, une fois n'est pas coutume, Mme Cohen : pourquoi ne pas instaurer plutôt une régulation des installations en fonction de la population ou du territoire ? Cette loi risque d'être censurée par le Conseil constitutionnel car elle est discriminatoire pour certaines professions.

M. Alain Milon. - Je n'ai pas dit que la sécurité sociale devait rembourser tous les soins à 100 %. Simplement une erreur originelle veut que les prothèses ou l'optique ne soient pas prises en charge. Réparons cette erreur. Quant à ma prétendue ambivalence, je pense simplement que l'instauration des réseaux profitera aux grandes mutuelles, tandis que les petites disparaîtront.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Nous devons partir de la situation existante : les complémentaires santé occupent une place importante en optique, pour les soins dentaires et les audioprothèses, secteurs où l'assurance maladie rembourse peu. Il faut reconnaître la place des organismes complémentaires et leur octroyer les moyens correspondants. Idéalement, il serait bon que l'assurance maladie s'engage plus dans ces trois domaines ; mais soyons honnêtes, la situation financière n'autorise pas à penser qu'elle peut les réinvestir dans un futur proche.

Monsieur Barbier, nous sommes en désaccord. Je maintiens ma position sur le principe d'égalité entre trois types d'organismes en concurrence directe. La fiscalité est la même pour les trois. Or ils sont régis par trois codes différents. J'ajoute qu'ils relèvent d'une même directive européenne, la directive sur les assurances. Il est un fait que nous sommes ici dans le monde de la concurrence pure, il faut donc rétablir l'équité. C'est ce à quoi procède l'article 1er.

Le principe du libre choix a été inscrit clairement dans le texte par l'Assemblée nationale. L'article 2 dispose que les conventions ne peuvent comporter aucune stipulation portant atteinte au libre choix des patients. Aujourd'hui celui-ci est limité, de fait, par les dépassements d'honoraires. Dans le sixième arrondissement de Paris, les ophtalmologues vous reçoivent rapidement. Mais ils pratiquent un dépassement de 100 % ! Lorsque d'autres patients, ailleurs, attendent six mois pour un rendez-vous, oui, il y a rupture d'égalité. Ne rendons pas les réseaux de soins responsables de phénomènes qui ont d'autres causes.

Les équipements de chirurgie font l'objet d'un remboursement de l'assurance maladie directement à la clinique, ils ne sont pas liés aux honoraires.

En optique, les prix sont très élevés, le reste à charge aussi. La marge brute dépasse 300 euros en moyenne pour une paire de lunettes, voire 600 pour des montures de créateur avec des verres particuliers. L'équilibre économique d'un point de vente est atteint à partir de deux ou trois paires vendues par jour. Les chiffres sont-ils fiables ? En tout cas le problème de prix est indéniable.

Les professions de santé sont parfaitement définies dans les codes de la santé publique et de la sécurité sociale.

Toutes les études montrent que la généralisation des réseaux de soins entraînera une baisse du reste à charge. Le Gouvernement nous fournira un rapport annuel qui analysera cette évolution. Certes, alors que les réseaux existent, les prix n'ont pas diminué. Mais ceux-ci seraient-ils restés stables en l'absence d'une telle organisation, compte tenu, par exemple, des évolutions techniques ?

Il conviendra de vérifier que les contrats entre professionnels et les organismes complémentaires sont conformes aux bonnes pratiques médicales. Les professions médicales sont contrôlées par les ordres professionnels, les agences sanitaires et l'État. Les contrats ne peuvent se situer que dans ce cadre.

Le texte ne modifie pas le régime qui prévaut en Alsace et en Moselle.

Monsieur Cardoux, j'éprouve un malaise en vous écoutant...

M. Jean-Noël Cardoux. - Donc je suis sur la bonne voie !

M. Yves Daudigny, rapporteur. - ... car c'est vous et vos amis qui avez voté le texte sur les réseaux de soins, en demandant au Gouvernement un encadrement national par décret. Comment pouvez-vous contester aujourd'hui l'existence même des réseaux ?

Contrairement à ce que vous semblez croire, le texte ne vise pas toutes les professions de santé ! J'ai passé une grande partie de mon temps à trouver la meilleure rédaction pour rassurer l'ensemble des acteurs, que ce soient les professionnels, par exemple les médecins qui s'inquiétaient, les organismes complémentaires, qui réclament légitimement le droit de gérer au mieux les dépenses des adhérents, et les patients qui attendent une baisse du reste à charge. Il faut aujourd'hui prendre en considération les trois secteurs où l'assurance maladie joue un rôle minoritaire dans les remboursements. Ces secteurs figurent dans une liste fixée par arrêté du Gouvernement. Les députés ont écarté les médecins - il est vrai que leurs organisations professionnelles ont exercé une très forte pression sur le législateur. J'approuve cette orientation mais elle est restrictive. Nous envisageons donc l'ensemble des professions de santé, en trouvant un critère objectif. Si on interdit tout conventionnement, on pourrait se priver de ceux qui existent pour le tiers-payant. C'est pourquoi je propose de préciser que ce texte ne concerne pas les professions de santé autres que les trois mentionnés, pour tout ce qui relève des tarifs de la sécurité sociale ; et nous préciserons qu'il n'y a pas de remboursement différencié pour les médecins, une large part de cette profession contrairement aux autres étant autorisée à pratiquer des honoraires libres.

Contrôle des professionnels de santé ? Nous recherchons simplement la meilleure qualité au meilleur prix : si nous voulons y parvenir, chacun ne peut faire ce qu'il veut...

Monsieur Milon, l'inégalité entre les cotisants résulte du principe de la liberté contractuelle. Le système est concurrentiel, un adhérent peut quitter un organisme pour rejoindre un autre. Certains soulignent même que cette concurrence est dangereuse, car elle pourrait pousser les complémentaires à ne pas être suffisamment vigilantes, à trop regarder du côté du champ concurrentiel. Je n'en dis pas plus.

J'entends votre argument lorsque vous évoquez une dérive vers un système de centrales d'achat et nous devons en effet être vigilants sur cette évolution qui serait dommageable.

Monsieur Watrin, la proposition de loi n'est pas une contrepartie de l'accord sur la sécurisation de l'emploi, puisqu'elle a été adoptée à l'Assemblée nationale avant l'ANI. Elle répond à la décision de la Cour de cassation de 2010.

Madame Cohen, nous partageons les mêmes valeurs.

Mme Laurence Cohen. - Mais nous n'atterrissons pas au même endroit !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Pas sur la même piste... Selon vous, il appartient à l'assurance maladie de reconquérir les domaines dont nous parlons. Mais l'époque n'est plus à l'administration des prix, celui de la baguette n'est plus fixé par décision du Gouvernement. Je cherche à rester fidèle à mes valeurs tout en les mettant en pratique dans le monde d'aujourd'hui. Nous n'élaborons pas un texte fondateur d'un nouveau mode de financement de la protection sociale, nous apportons une correction à une situation qui n'est pas supportable. Nous aurions pu nous en tenir à l'article 1er. Mais l'article 2 permet un encadrement qui s'appliquera aux nouveaux contrats et aux contrats existants lorsqu'ils seront renouvelés.

Madame Debré, le lien subjectif entre le chirurgien-dentiste et son patient n'est pas particulièrement bousculé du fait que les réseaux sont ouverts dans ce secteur.

Ce système engendre-t-il des discriminations ? La situation des trois professions est très différente, numerus clausus ou non, installation libre ou pas. Le texte répond à des situations différentes.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

M. Gilbert Barbier. - Je suis étonné que le rapporteur ne tienne pas compte de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010 qui établit une différence entre la mutualité et les autres organismes complémentaires. Mieux vaudrait encadrer les réseaux existants pour éviter le vide juridique, au lieu de basculer tous les organismes complémentaires dans le non-droit. C'est pourquoi l'amendement n° 4 supprime l'article 1er.

M. René-Paul Savary. - Je soutiens cet amendement. Il tend à supprimer un texte qui ne règle rien. Il y aura toujours trois codes ; la question de l'encadrement de la liberté d'installation ou de la liberté de choix du médecin se posera toujours ; le texte dissocie les réseaux fermés et les réseaux ouverts. Je suis favorable à l'interdiction des réseaux fermés, sauf pour les opticiens, mais il leur suffira de développer une activité d'audioprothésiste pour échapper à l'amendement du rapporteur. De même les problèmes médico-sociaux ne sont pas réglés. La presbytie, ainsi que la baisse de l'acuité auditive, sont des handicaps liés à l'âge, non des problèmes d'ordre sanitaire, ils n'ont rien à voir avec la myopie ou les surdités de naissance. L'articulation entre le médico-social et le sanitaire n'est pas abordée. Ce texte ne s'attaque qu'à un aspect du problème sans s'intéresser à la prise en charge des pathologies. Du reste, le rapporteur change l'intitulé du texte. En outre, aucune économie n'est à en attendre. Quant aux patients, ils verront leur reste à charge baisser, mais perdront leur liberté de choisir leur appareillage ou leur professionnel de santé.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Avis défavorable. L'article 1er rétablit l'égalité entre les trois familles de complémentaires : dans le droit actuel, les mutuelles ne peuvent moduler les remboursements selon que le patient consulte dans le réseau ou à l'extérieur. Le Conseil constitutionnel a clairement rappelé que le secteur des complémentaires santé relève de la liberté de concurrence et de la liberté contractuelle. Comment justifier que les mutuelles, qui représentent la moitié du secteur, ne bénéficient pas du même régime que les IP et les assurances ?

L'amendement n° 4 est rejeté.

M. Gilbert Barbier. - L'amendement n° 5 précise, de manière claire, que les remboursements différenciés sont limités à l'optique, aux soins dentaires prothétiques, et aux audioprothèses.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement limite la modulation des remboursements des mutuelles à ces trois domaines. Mais il y a de ce fait rupture d'égalité entre les familles de complémentaires. Mon amendement à l'article 2 intervient en amont, sur la constitution des réseaux, quelle que soit la catégorie des organismes complémentaires. Avis défavorable.

L'amendement n° 5 est rejeté.

M. Gilbert Barbier. - L'amendement n° 6 est un amendement de repli : il exclut les médecins du champ de la proposition de loi.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je demande le retrait de cet amendement. Je proposerai un amendement à l'article 2 qui répondra à vos attentes et concernera non seulement les mutuelles, comme à l'article 1er, mais tous les organismes complémentaires.

M. Gilbert Barbier. - Dommage que vous ne rattachiez pas l'amendement à l'article 1er, fondamental.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - C'est bien ce qui nous sépare ! En amendant l'article 1er, on ne vise que les mutuelles. Je souhaite toucher l'ensemble des organismes complémentaires.

L'amendement n° 6 est retiré.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 1 réécrit l'article 2. Il maintient les principes posés à l'Assemblée nationale : liberté de choix du praticien ; critères objectifs, transparents et non discriminatoires ; absence de clause d'exclusivité. Il ajoute le principe selon lequel les conventions ne peuvent pas avoir pour effet d'introduire des différences dans les modalités de délivrance des soins. Il prévoit également que pour les professionnels de santé - à l'exception des chirurgiens-dentistes, des opticiens et des audioprothésistes, pour lesquels la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie est minoritaire - les conventions avec les Ocam ne pourront comprendre de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixées par l'assurance maladie. En outre, pour les médecins, les conventions ne pourront avoir pour effet une modulation des remboursements aux assurés. Il limite aussi les réseaux fermés au secteur de l'optique, où le nombre de professionnels et de magasins justifie d'utiliser cet outil de régulation des dépenses des Ocam.

Mme Catherine Deroche. - Je suis dubitative. Les réseaux doivent être ouverts. La prescription de lunettes relève aussi d'une logique médicale - bien que le taux de remboursement par l'assurance maladie des traitements oculaires des enfants soit ridiculement bas. En outre, certaines complémentaires poussent à la consommation et à l'achat de lunettes. Attention aux effets pervers. Je suis également hostile à la fermeture des réseaux de chirurgiens-dentistes et d'audioprothésistes.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Mon groupe s'interroge sur le maintien des opticiens en réseau fermé. Certes un réseau fermé peut induire une baisse des tarifs, mais la liberté d'accès aux soins est remise en cause.

Le rapporteur dit que les actes des médecins ne peuvent être modulés. Les autres actes médicaux pourraient donc l'être ? La rédaction de l'amendement n'est-elle pas contradictoire ?

M. Gilbert Barbier. - La rédaction du paragraphe 2 porte atteinte au principe « à cotisation égale, prestation égale ». Le remboursement variera en fonction des conventions et en fonction du praticien consulté, dans ou hors réseau. De plus la rédaction exclut les autres professions de santé autres que les médecins : quid des professions paramédicales ? Enfin, les conventions ne pourront comporter des stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations mentionnées à certains articles du code. Ajoutons « aux prescriptions des intéressés ». Dans les cliniques mutualistes les modèles des prothèses sont imposés aux chirurgiens. Même si le lobby de la mutualité est très actif, ne nous voilons pas la face, de telles pratiques existent déjà. De même que les centrales d'achat existent aujourd'hui dans le secteur hospitalier.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Le principe que vous évoquez vaut pour la sécurité sociale, mais pour les complémentaires, il est sans fondement. Je ne souhaite pas modifier la rédaction très précise de l'Assemblée nationale, fruit d'un travail de concertation. J'ai simplement voulu, avec le dernier alinéa, apaiser les interrogations des jeunes médecins inquiets de voir le système français se rapprocher du système américain.

Mme Annie David, présidente. - Les lobbys ont mené une campagne intense, et ils n'émanent pas seulement de la mutualité.

L'amendement n° 1 est adopté.

Les amendements nos 7, 8, 9 et 10 deviennent sans objet.

M. Gilbert Barbier. - « A cotisation égale, prestation égale. » L'amendement n° 11 rappelle ce principe.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Cet amendement ne concerne que les actes de médecine, notion floue. Sa rédaction pose aussi des difficultés à l'égard de la convention médicale qui fixe des tarifs différents selon le secteur d'exercice du médecin, ce qui a des conséquences sur les remboursements des complémentaires. Enfin, vous avez je crois satisfaction avec mon amendement qui interdit la modulation des prestations du fait d'une convention entre un Ocam et un médecin.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - On a introduit une spécificité pour les médecins. Pourquoi ne pas dire la même chose pour les autres professions médicales ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Parce que cela n'a aucune portée aujourd'hui. Eux seuls, sauf quelques exceptions, peuvent dans certaines circonstances, pratiquer des dépassements.

M. Gilbert Barbier. - Le mot « aujourd'hui », dans votre réponse, m'inquiète. Demain, les kinésithérapeutes ou d'autres professionnels seront obligés d'accepter des restrictions liées aux conventions. C'est le problème de cette proposition de loi : au lieu de réglementer précisément le rôle des complémentaires dans tous les secteurs d'activité, on ouvre la porte à tous les abus par les organismes complémentaires. Les premiers qui le feront seront les institutions de prévoyance et les compagnies d'assurances, et la mutualité suivra !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Nous votons la loi aujourd'hui, en considérant la situation actuelle et en essayant d'anticiper les évolutions à venir. Constituer un réseau n'est pas facile, et cela a un coût. Il faut ensuite le gérer. Il n'y a donc aucun intérêt à en créer un dans un secteur où le volume de remboursement serait trop faible. On imagine mal un organisme complémentaire constituer un réseau de masseurs-kinésithérapeutes, par exemple. Ces organismes créent des réseaux là où les remboursements se chiffrent en milliards. Alors pourquoi l'écrire, direz-vous : pour la beauté du geste législatif.

M. Claude Domeizel. - Cet amendement devrait être rectifié. Il parle de l'alinéa 7, mais la numérotation a changé depuis l'examen par l'Assemblée nationale. M. Barbier devrait donc le retirer, et s'expliquer en séance.

L'amendement n° 11 est rejeté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 2 procède à une simplification rédactionnelle concernant le rapport demandé au Gouvernement et met en adéquation la date de remise avec le calendrier législatif prévisionnel. Il prévoit également une évaluation des conventions conclues par les Ocam en termes d'accès aux soins pour les patients.

Mme Aline Archimbaud. - Cette proposition de loi porte sur un point très précis. Nous sommes nombreux à espérer une réforme de la politique de santé du pays, mais ce n'est pas l'objet du présent texte. Cet article prévoit, au moins, que le Parlement fera un point annuel afin de s'assurer que n'apparaissent pas des soins au rabais, que le reste à charge diminue, que les organismes font les efforts attendus. Pourquoi limiter à une période de trois ans ce rapport ? Le bilan portera-t-il uniquement sur les réseaux de soins des mutuelles ? Notre commission pourra-t-elle demander un bilan précis et un débat chaque année ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Ce sont les députés qui ont prévu une période de trois ans. C'est la tendance, lorsque l'on demande des rapports, d'en limiter le champ chronologique par souci de simplification. Le texte concerne toutes les conventions, et pas uniquement celles conclues par les mutuelles.

L'amendement n° 2 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 3 vise à modifier le titre actuel qui met l'accent sur les réseaux de soins créés par les mutuelles. Or, la proposition de loi vise l'ensemble des conventions, je propose donc de retenir le titre suivant : proposition de loi relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je ne peux approuver un tel amendement. Actuellement il existe des dérives, des atteintes à la libre concurrence. Or le système est généralisé à tous les organismes complémentaires. Je maintiens que le problème a été pris à l'envers : un vaste débat s'imposait sur les réseaux de soins.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je ne suis pas d'accord. L'article 2 apporte toutes précisions utiles sur les conventionnements. La possibilité est ouverte, ne vous plaignez pas qu'elle n'existe pas !

M. Gilbert Barbier. - Qu'en est-il des conventions déjà conclues ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Elles sont couvertes par l'article 2.

M. Gilbert Barbier. - On remet à plat l'ensemble des conventions, donc.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Au moment du renouvellement. Une convention déjà signée ira jusqu'à son terme.

L'amendement n° 3 est adopté.

La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Possibilité pour les mutuelles de moduler le niveau des prestations
selon le professionnel de santé consulté

M. BARBIER

4

Suppression de l'article

Rejeté

M. BARBIER

5

Limitation de la modulation à trois secteurs

Rejeté

M. BARBIER

6

Exception pour les médecins

Retiré

Article 2

Encadrement des conventions entre les organismes complémentaires
et les professionnels, établissements et services de santé

M. DAUDIGNY, rapporteur général

1

Approfondissement de l'encadrement

Adopté

M. BARBIER

7

Renvoi à un décret pour fixer les règles de fonctionnement

Tombe

M. BARBIER

8

Indépendance professionnelle

Tombe

M. BARBIER

9

Réseaux ouverts

Tombe

M. BARBIER

10

Pas de clause tarifaire pour les professions de santé

Tombe

M. BARBIER

11

Interdiction des modulations de remboursement

Rejeté

Article 3

Rapport du Gouvernement au Parlement

M. DAUDIGNY, rapporteur général

2

Simplification rédactionnelle

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

M. DAUDIGNY, rapporteur général

3

Cohérence

Adopté

Nomination d'un vice-président de la commission en remplacement de M. Jean Louis Lorrain

La commission a désigné Mme Catherine Deroche vice-présidente de la commission, en remplacement de M. Jean Louis Lorrain.

Elle a également désigné M. Jean-Noël Cardoux secrétaire de la commission, en remplacement de Mme Catherine Deroche.

Jeudi 18 juillet 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Biologie médicale - Présentation par M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, de l'enquête de la Cour des comptes

Mme Annie David, présidente. - Nous recevons M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui est accompagné de MM. Michel Braunstein, président de section, Serge Barichard, conseiller référendaire et rapporteur de l'enquête, et Jean Picq, président de chambre, exerçant les fonctions de contre-rapporteur. Il nous présentera les conclusions de l'enquête sur la biologie médicale demandée à la Cour par notre commission fin 2012 - avant le dépôt par M. Le Menn et le groupe socialiste de la proposition de loi sur la biologie médicale qui visait à ratifier, en la modifiant, l'ordonnance du 13 janvier 2010. Nous avons par la suite demandé à la Cour d'intégrer à son enquête un éclairage sur la mise en oeuvre de la réforme de 2010, qui instaurait une accréditation obligatoire des laboratoires.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. - Merci pour votre accueil. Vous nous avez proposé un sujet qui nous a beaucoup intéressés.

Nous avons dû reconstituer nombre de données chiffrées qui n'étaient pas disponibles. Les honoraires des laboratoires de biologie médicale se sont élevés à 4,7 milliards d'euros en 2012 au terme d'une décennie de vive croissance, jusqu'à 9 % par an les premières années. L'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) a dû procéder à des retraitements comptables pour nous renseigner sur les dépenses de biologie hospitalière, qui ne sont pas identifiées en tant que telles dans les remboursements de l'assurance maladie ; elles se sont élevées à 2,4 milliards d'euros. La charge totale au titre de la biologie médicale avoisine donc les sept milliards d'euros, une somme considérable. Pourtant, les administrations en charge de ce secteur - direction de la sécurité sociale (DSS), direction générale de la santé (DGS), direction générale de l'offre de soins (DGOS) - ne procèdent à aucun suivi de routine de son évolution.

Le nombre d'actes a explosé au cours des dernières années, y compris en 2012. Il a crû de 63 % entre 2000 et 2011, deux fois plus vite que celui des autres soins de ville, qui ont progressé de 35 % sur la même période. Les déterminants de cette dépense sont assez mal connus. Les cinq examens les plus fréquents concentrent un quart des actes ; les vingt plus fréquents, la moitié. Les médecins généralistes sont à l'origine de 68 % des actes de biologie médicale de ville. Parmi les spécialistes, les gynécologues, les anesthésistes et les cardiologues sont les principaux prescripteurs. On observe une très grande disparité régionale, qui révèle un fort lien entre densité en prescripteurs, nombre de laboratoires, volume d'actes et évolution de la dépense. La caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et les administrations de tutelle ont très insuffisamment analysé les déterminants de cette dépense, à l'évolution pourtant dynamique.

Comme l'imagerie médicale, la biologie médicale joue un grand rôle dans le progrès médical : l'une et l'autre tendent à rendre le corps du patient transparent, ce qui permet d'affiner le diagnostic et de personnaliser le traitement. Elles sont elles-mêmes en évolution constante, l'automatisation croissante engendrant des gains de productivité considérables.

L'accréditation obligatoire, prévue par l'ordonnance de janvier 2010 ratifiée par la loi du 30 mai dernier, réforme profondément l'organisation de la biologie médicale. Dans la logique du principe de médicalisation, le biologiste - pharmacien, dans 70 % des cas, ou médecin - devra désormais être présent à toutes les étapes du processus d'analyse. La réalisation des examens nécessitera l'attestation d'une compétence de haut niveau délivrée au terme d'une revue par les pairs. Cette accréditation sera obligatoire et portera sur la totalité des examens - dans certains pays européens elle est fondée sur le volontariat et ne porte que sur certains types d'analyses. Elle combinera le respect de la norme internationale EN ISO 15189 et des exigences spécifiquement françaises.

Elle sera mise en place par paliers. Au 31 mai 2013, les laboratoires devaient remettre au Comité français d'accréditation (Cofrac) un dossier d'entrée dans l'accréditation. Ceux qui ne l'auront pas fait avant le 31 octobre 2013 ne pourront plus exercer leur activité. Le 1er janvier 2016, les laboratoires entrés dans le processus d'accréditation devront avoir fait accréditer au moins 50 % des actes dans huit familles d'examens ; ce sera le cas pour la totalité des actes en 2020. Le dispositif se renouvellera ensuite par période de cinq ans. Il est particulièrement exigeant pour les laboratoires mais aussi pour le Cofrac. La règlementation européenne exigeant qu'un seul organisme par pays soit chargé de l'accréditation, c'est cette structure, jusqu'ici spécialisée dans la qualité industrielle, qui a dû se réorganiser et créer une section spéciale. L'accréditation concerne aussi les laboratoires hospitaliers : l'approche est unifiée, le niveau d'exigence identique.

Cette réforme s'installe avec une certaine difficulté. Au 31 mai 2013, un nombre significatif de laboratoires, hospitaliers comme libéraux, n'avaient pas déposé de dossier. Pourtant, les formalités ont été aménagées afin qu'ils puissent tous respecter ce délai. Dès lors, certains seront-ils contraints à cesser leur activité au 31 octobre 2013 ? La DGS s'appuie sur les agences régionales de santé (ARS) pour relancer, un par un, les retardataires. Le syndicat des biologistes libéraux estime qu'environ 250 petits laboratoires de ville ne seront pas au rendez-vous. Le Cofrac, quant à lui, a recruté des biologistes mais il devra, pour tenir l'échéance, tripler rapidement leur nombre. De nombreux laboratoires attendront le dernier moment pour déposer leur dossier, ce qui risque de produire un engorgement. Les autorités de tutelle doivent donc être vigilantes et mettre en place un dispositif de pilotage fin et rigoureux impliquant l'ensemble des administrations concernées - DGS, DGOS, DSS - le Cofrac et, j'y insiste, les ARS, qui devraient selon nous participer au dispositif de pilotage qui reste à construire.

L'annonce de la réforme a déjà provoqué une réorganisation du secteur. Le nombre de laboratoires est passé de 3 800 à 1 500, peut-être moins : nous manquons de données, à un point étonnant... Ni la Cnam ni l'État ne semblent en mesure de suivre l'évolution de ce secteur pourtant sensible ni, donc, de le piloter fermement. L'organisation des sites de prélèvement n'a pas changé. Leur nombre, qui a atteint un point bas il y a deux ans, augmente depuis, et s'établit à 3 625. Chacun emploie en moyenne dix salariés. Certains laboratoires ont jusqu'à soixante sites. La réorganisation du réseau est encore inaboutie. Ce ne sont pas les volets « biologie » des schémas régionaux d'organisation des soins (Sros) construits par les ARS qui la commanderont, car ils ont le plus souvent été établis sur la base d'informations lacunaires et imprécises.

Nous avons interrogé les administrations de tutelle sur leur vision à dix ans de l'organisation de la biologie, en particulier libérale, dans notre pays : nous n'avons eu aucune réponse, ni de la DGS, ni de la DGOS, ni de la DSS ! Pas de suivi du dispositif d'accréditation, pas de vision de moyen terme dans les administrations de tutelle. Le risque est celui d'une réorganisation sauvage. La loi du 30 mai 2013 confère bien aux ARS la régulation du secteur, en particulier pour éviter une concentration excessive. Cependant les agences régionales sont pour la plupart dans l'incapacité d'exercer cette mission, faute de disposer de l'information et des compétences nécessaires : il leur faudrait avoir accès aux chiffres, et être en mesure de disséquer des montages financiers complexes.

Les laboratoires hospitaliers connaissent un retard d'organisation encore plus préoccupant. Nombre d'établissements ne sont pas entrés dans une logique de réorganisation en profondeur, ils n'anticipent pas l'entrée en vigueur des contraintes nouvelles.

Les efforts d'efficience du secteur, de régulation de la dépense, sont insuffisants. Depuis 2006, la Cnam organise chaque année un train d'économies sans concertation avec les biologistes. Elle déclare avoir ainsi réalisé 700 millions d'euros d'économies entre 2006 et 2012 : nous en prenons acte, mais ne sommes pas en mesure de certifier ces chiffres.

Il s'agit de mesures d'ajustement conjoncturel, non de réformes structurelles. La maîtrise structurelle des dépenses supposerait une actualisation régulière de la nomenclature des actes de biologie, dont l'archaïsme contraste avec le dynamisme de la discipline : il y a 1 600 actes hors nomenclature pour 1 000 actes dans la nomenclature ! La commission de hiérarchisation des actes de biologie est bloquée car les syndicats des biologistes libéraux refusent d'y siéger. La Cnam en a pris son parti, au bénéfice d'une interprétation laxiste de la règle du quorum, et décide seule. L'actualisation de la nomenclature est pourtant un outil essentiel d'efficience, de maîtrise de la dépense et de qualité.

Il faudrait aussi développer la maîtrise médicalisée de la dépense de biologie chez les biologistes comme chez les médecins prescripteurs. Aujourd'hui elle n'existe ni d'un côté, ni de l'autre. La convention de 1994 entre les laboratoires et la Cnam ne prévoyait pas grand-chose à cet égard, et le peu qu'elle prévoyait n'a guère été mis en oeuvre.

Depuis la fin 2012, la Cnam n'a plus aucune base juridique pour travailler avec les biologistes sur une maîtrise médicalisée de la dépense. Pis : aucune action de réduction de la dépense n'a été conduite en direction des médecins libéraux ou hospitaliers. Nous faisons donc un constat de carence et de blocage du dispositif conventionnel. Ce blocage arrange tout le monde. La Cnam n'a pas à s'embarrasser de négociations avec les professionnels. Ceux-ci acceptent des ajustements tarifaires parce que le dynamisme du volume des actes les compense largement, tandis que l'automatisation dégage des gains de productivité considérables.

L'ensemble du dispositif de régulation du secteur doit être repensé. L'actuelle convention de biologie médicale arrive à expiration en juillet 2014. Il conviendrait de ne pas laisser passer cette opportunité, et de la dénoncer avant le 26 janvier 2014. Cela n'aurait pas d'effet sur les assurés, le règlement arbitral se substituerait à la convention. En revanche, l'ensemble de la profession serait incitée à se pencher sur les questions de modernisation et d'accréditation. L'assurance maladie doit recevoir sa juste part des progrès de productivité. Il est temps de refonder les relations entre celle-ci, les pouvoirs publics, la Cnam.

Mme Annie David, présidente. - Merci pour cette présentation très complète.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Les questions de biologie médicale nous sont rarement apparues avec tant de clarté.

Mme Catherine Procaccia. - Je suis d'accord !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Vous nous avez indiqué que le blocage conventionnel arrangeait tous les acteurs : pourriez-vous préciser votre propos ? Vous préconisez une dénonciation de la convention : cette hypothèse a-t-elle été étudiée par l'assurance maladie ? Quels pourraient être les obstacles ?

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. - Les raisons du blocage sont doubles. L'accréditation a d'abord été acceptée par les biologistes libéraux car elle s'accompagnait d'une reconnaissance de la médicalisation de la biologie et représente un progrès collectif. Mais ce dispositif est exigeant, et leur impose de se mettre en l'état de l'art. Or beaucoup de laboratoires se situaient en deçà. Le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale (GBEA) posait déjà auparavant un niveau d'exigence élevé, mais n'a guère été observé. La contrainte de l'accréditation, initialement acceptée, l'est de moins en moins à mesure que l'échéance approche. En outre, le processus a un coût. Or en 2012, pour la première fois, le volume d'honoraires a baissé, comme la dépense prise en charge par l'assurance maladie. C'est une rupture, dont l'explication n'est pas connue, mais qui s'insère dans une baisse générale de la consommation des soins de ville - l'exécution 2012 est restée inférieure de 830 millions d'euros à l'Ondam. La même tendance est observée sur la consommation en général. Cela a créé une tension supplémentaire.

Nous avons auditionné la Cnam sur l'hypothèse d'une dénonciation de la convention, et avons hélas dû constater qu'elle n'en pensait rien, s'accommodait fort bien de la situation actuelle et n'avait aucune vision prospective du secteur. Son dernier rapport « charges et produits », examiné ces jours-ci par son conseil d'administration, le montre bien. Elle sait pourtant affirmer, sur d'autres segments, une vision stratégique et tactique. Le dispositif conventionnel a vieilli, il faut le réformer. Pour les assurés sociaux, il n'y a pas de différence. Les possibles obstacles sont plutôt à chercher du côté des professionnels et de la Cnam, qui renâcleront peut-être à sortir de leur routine. Cela est pourtant indispensable.

M. Jacky Le Menn. - La Cour des comptes a fait un travail considérable. Le sujet n'est pas facile. Nous avions même l'impression de nous trouver face à une boîte noire. Nous avons déposé une proposition de loi pour que l'ordonnance du 13 janvier 2010 soit ratifiée rapidement, avec une exigence de qualité très forte : dans les CHU, plus de 80 % des diagnostics sont fondés sur les résultats de la biologie médicale et dans les soins de ville, entre 60 % et 70 %. Nous avons voulu une loi ambitieuse et exigeante. Nous savons que cela pose difficulté à un certain nombre de laboratoires, 200 à 250. Des rapprochements sont en cours entre laboratoires, une financiarisation sauvage est à l'oeuvre : nous voulions intervenir. Et nous n'avions que trop tardé pour ratifier l'ordonnance !

Il reste une boîte noire : l'hospitalisation publique. Dans nos questionnements sur son mode de financement, sur la tarification - objet d'un rapport de la Mecss du Sénat - nous avions identifié les problèmes soulevés par la biologie médicale.

Vous appelez à une surveillance renforcée du secteur d'ici 2020, échéance de l'accréditation totale. Par qui ? Avec quelle coordination ? Vous avez mentionné les ARS, mais elles ne sont pas armées pour cette tâche. Par ailleurs, comment s'opérera le renforcement du pilotage de la partie « santé humaine » du Cofrac ? Nous avons attiré l'attention du comité sur cette question, il s'est voulu rassurant... Les syndicats de biologistes ne pensent pas que le Cofrac parviendra à faire face, et ils estiment que la mission sera coûteuse.

Le fait que les personnes chargées de l'accréditation soient des professionnels du secteur concerné pose-t-il des difficultés matérielles ou déontologiques ?

La Cour signale la coexistence d'actes de biologie médicale non individualisés et intégrés à la tarification des séjours hospitaliers et d'actes hors nomenclature financés par les missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (Migac). Nous avons vu que les actes hors nomenclature sont plus nombreux que les autres, ce qui rend les choses plus complexes. Cette situation vous paraît-elle présenter des inconvénients ? A-t-elle une incidence sur la bonne prise en charge financière des actes de biologie médicale à l'hôpital ? Faut-il la revoir ?

M. René Teulade. - Merci pour ces précisions chiffrées. Dans une situation que nous connaissons bien, nous ne sommes jamais arrivés à concilier deux démarches économiquement incompatibles, sur lesquelles notre système repose pourtant : des prescriptions libérales, et des prestations socialisées. Nous n'avons jamais trouvé les modifications de comportement pour arriver à un équilibre. Vous faites naître un espoir...

Mme Catherine Procaccia. - Ce sujet suscite beaucoup d'inquiétudes, notamment à propos des petits laboratoires en milieu rural. Le nombre de sites de prélèvement n'a pas changé : la proximité s'en trouve-t-elle confortée ? Le nombre d'actes n'a pas évolué en 2012 comme auparavant. Vous n'avez pas évoqué le problème des doubles, ou des triples prescriptions, parfois dans deux services du même hôpital ! De même, en médecine de ville, un généraliste demande parfois des analyses déjà prescrites par un gynécologue. Comment parvenir à une meilleure cohérence ? De plus, l'itinérance du patient entre les médecins ne favorise pas le suivi des actes déjà réalisés. Ainsi pensez-vous qu'une évolution soit possible en matière de contrôle des dépenses ?

Mme Annie David, présidente. - Comment surmonter les difficultés auxquelles le Cofrac sera, selon vous, confronté ?

Voyez-vous un lien entre les fermetures des petits laboratoires de campagne, les regroupements de laboratoires et la désertification médicale ? Vous souhaitez une baisse de 27 à 25 centimes du prix de l'unité de tarification des actes de biologie mais vous expliquez aussi combien il est difficile d'estimer le coût réel des soins à l'hôpital. Pourquoi pensez-vous, au cas présent, que le tarif est trop élevé ?

La hausse du nombre des actes n'est-elle pas due aussi au vieillissement de la population et à l'application du principe de précaution ?

Que pensez-vous des difficultés d'installation des jeunes biologistes ? Sont-elles dues aux regroupements, à la financiarisation ? Enfin, êtes-vous favorable à la tarification à l'activité ? Donnera-t-elle une meilleure définition du coût des actes de biologie médicale ?

M. Antoine Durrleman. - S'agissant du processus d'accréditation, il appartient aux administrations d'assumer le respect des échéances et des exigences fixées par le législateur. Un pilotage ferme et collectif est indispensable, dans un secteur qui souffre d'un éclatement des responsabilités. Chacun voit midi à son clocher ! La direction générale de la santé doit jouer un rôle de coordination, en animant un comité de pilotage qui regrouperait les autres administrations centrales et locales, l'assurance maladie, et bien sûr le Cofrac. Faute de quoi, l'application de la loi se heurtera à la multiplication des dérogations destinées à prolonger l'activité de laboratoires non totalement opérationnels, qu'ils soient de ville ou hospitaliers.

Le non-respect des échéances constitue un autre risque. Les laboratoires ont déjà eu du temps pour s'adapter et la loi a redéfini les paliers successifs. Quant au Cofrac, il monte en puissance. Sa section spécialisée doit suivre de très près les échéances en lien avec les administrations de l'État. Le recrutement des biologistes experts est en plus délicat que celui des qualiticiens. Le Cofrac peut s'appuyer sur les professionnels des laboratoires déjà accrédités : certains l'ont été avant même la ratification de l'ordonnance de 2010. Le comité semble avoir pris en compte le risque de conflits d'intérêts : il nous a indiqué demander aux experts biologistes une déclaration de conflits d'intérêts et un déport le cas échéant. Nous n'avons pas vérifié nous-mêmes la mise en oeuvre.

A l'hôpital, le volume des actes hors nomenclature est préoccupant. La direction générale de l'offre de soins a créé un groupe de travail pour en revoir la liste. Décision louable mais qu'il faudrait articuler avec une révision de la nomenclature. Il est temps d'y intégrer des actes autrefois innovants mais désormais courants. C'est pourquoi le blocage des relations est dommageable. Les actes de biologie médicale au sein des CHU pourraient faire l'objet d'une prise en charge dans le cadre d'une mission d'intérêt général (MIG) particulière.

M. Jacky Le Menn. - La Haute Autorité de santé (HAS) pourrait intervenir ?

M. Antoine Durrleman. - Elle est déjà très sollicitée... Pour certains ajustements de nomenclature, la procédure pourrait être simplifiée : à la Cnam l'analyse et l'expertise préalables, à la HAS la validation.

Les référentiels de bonnes pratiques constituent un levier intelligent de modernisation et de discipline collective, de nature à concilier prescriptions libérales et financement socialisé. Or ce secteur compte très peu de référentiels. Des progrès ont eu lieu mais le retard reste important.

Il s'agit aussi d'un moyen de limiter la multiplication des analyses pour un même patient et une même pathologie. Ce phénomène, relevé par l'Académie nationale de médecine, est dû à la défiance entre médecine de ville et médecine hospitalière, laboratoires de ville et laboratoires hospitaliers. Si tous font l'objet d'une procédure commune de certification, menée avec les mêmes critères, la confiance s'établira. Le dossier médical personnel (DMP) constituera également un levier de progrès, quand il fonctionnera, mais là encore il y a du retard. La ministre a annoncé un DMP de deuxième génération. Son coût est élevé mais pas excessif, comme l'ont fait apparaître nos comparaisons entre la France et d'autres pays, Etats-Unis, Grande-Bretagne, pays nordiques.

La désertification médicale est souvent évoquée. Nous n'avons pas d'éléments pour l'évaluer, l'analyse territoriale est lacunaire, les déterminants de la dépense mal connus. Dans certains départements ruraux l'essentiel des prélèvements n'est pas réalisé sur les sites d'analyse mais par des infirmières à domicile ou des médecins ; les échantillons sont acheminés ensuite vers des plateformes d'analyses. N'opposons pas accessibilité des soins et nombre de sites. Tout dépend des modes d'organisation.

Le coût des actes de biologie en France est élevé : les comparaisons internationales montrent des différences de prix importantes, de l'ordre de un à dix pour certains actes. Les marges dans notre pays sont considérables. Le prix de cession des laboratoires a doublé depuis 2010, preuve que le système est très rentable. Du reste la rémunération moyenne des biologistes libéraux déclarée à leur régime d'assurance vieillesse s'établit à 150 000 euros annuels. Ce secteur présente les caractéristiques d'une économie de rente. Vous m'interrogez sur la difficulté des jeunes biologistes à s'installer : oui, ils la ressentent, d'autant plus qu'ils ont été formés dans la perspective d'une installation libérale et un exercice en salarié ne correspond pas à leurs attentes.

Enfin nous manquons d'analyses pour expliquer l'évolution du volume des actes. Les effets du vieillissement et du principe de précaution sont réels mais difficiles à quantifier.

Michel Braunstein, conseiller maître, président de section. - Entre la Bretagne et les départements de l'Est, la consommation médicale varie de 100 euros à 148 euros par personne, avec des profils de population pourtant semblables. La Cnam n'a pas mené suffisamment d'études pour expliquer ces différences, mais la maîtrise du nombre d'actes représente un enjeu central.

Mme Annie David, présidente. - Quid de la baisse du B ?

M. Antoine Durrleman. - Le B est l'unité de base de la tarification. La lettre clé est associée à un coefficient qui détermine la valeur de chaque acte. L'assurance maladie n'a guère profité des gains de productivité du secteur. La valeur de la lettre B n'a pas évolué depuis 10 ans. Une inflexion est nécessaire, mais impossible dans le cadre de la convention. Je le répète, il faut dénoncer celle-ci !

M. Jacky Le Menn. - La loi du 30 mai 2013 a prévu une exception à la règle d'implantation des laboratoires, au profit de l'Etablissement français du sang. Quelle est la position de la Cour des comptes ?

Que pensez-vous de l'accès aux postes de recherche en biologie médicale pour les scientifiques non détenteurs du diplôme universitaire spécifique ? Que de discussions ce sujet avait fait naître ! Certains chercheurs craignent une dévalorisation de leur profession mais des postes restent vacants, c'est dommage.

M. Antoine Durrleman. - Nous n'avons pas examiné particulièrement la situation de l'Etablissement français du sang au cours de notre enquête. Il fallait une dérogation pour maintenir l'organisation territoriale actuelle. Les examens d'immuno-hématologie dits receveurs sont susceptibles d'être réalisés dans tout laboratoire. La question est de savoir si l'Etablissement français du sang jouit d'un monopole : si tel est le cas, la dérogation évite une restructuration à un établissement dont l'histoire est déjà compliquée. Sans doute est-ce un équilibre provisoire.

Nous n'avons pas émis de recommandations, dans notre enquête, sur l'accès aux postes de recherche en biologie médicale. Mais l'innovation naît du croisement des expertises et des connaissances. Pour une biologie innovante, mieux vaut bien sûr des équipes pluridisciplinaires.

M. Jacky Le Menn. - C'est aussi le point de vue du professeur Mandel au Collège de France.

M. Antoine Durrleman. - La recherche avance par fécondations croisées entre disciplines.

M. Jean Picq, président de chambre, contre-rapporteur. - Le professeur Philippe Beaune, à l'hôpital Pompidou, considère que la pluridisciplinarité de ses équipes est indispensable à la recherche de pointe, en adéquation avec le niveau d'exigence international. Il est dommage que la défense d'une corporation conduise à un aveuglement sur les conditions du progrès médical.

Mme Annie David, présidente. - Notre commission a aussi défendu la pluridisciplinarité. Je propose que cette enquête de la Cour des comptes, accompagnée du compte rendu de cette audition, soit publiée sous la forme d'un rapport d'information, sous la signature de M. Jacky Le Menn, rapporteur.

Il en est ainsi décidé.

Egalité entre les femmes et les hommes - Audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales et Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes -

La commission, en commun avec la commission des lois et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, entend Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, sur le projet de loi n° 717 (2012-2013) pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mme Annie David, présidente de la commission des affaire sociales, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes et moi-même sommes heureux de vous écouter sur un sujet qui mobilise déjà beaucoup de sénatrices et sénateurs - ne commençons-nous pas à y travailler en ce mois déjà bien chargé de juillet ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. - Le projet « Egalité entre les femmes et les hommes », que le Sénat examinera à la reprise de ses travaux en septembre, est un texte transversal, car pour contrer les inégalités qui se manifestent dans la société, il faut apporter un ensemble de réponses. C'est pourquoi, contrairement aux précédents, il ne se limite pas à un thème comme les violences faites aux femmes ou l'égalité professionnelle.

Son premier volet renforce l'égalité professionnelle en donnant tout d'abord plus d'effectivité aux lois existantes : ainsi les entreprises de plus de cinquante salariés qui ne respectent pas leurs obligations en termes d'égalité professionnelle ne pourront plus soumissionner aux marchés publics ; cette mesure très dissuasive reste proportionnée afin de ne pas nuire à l'activité des PME.

Nous le savons, les difficultés viennent en grande partie de l'inégale répartition des tâches au sein des couples. Le congé parental, aujourd'hui pris à 97% par des femmes, peut leur être préjudiciable s'il dure longtemps. Nous rappelons un principe simple : ce congé est fait pour les pères comme pour les mères. Pour lui donner corps, nous incitons très fortement le deuxième parent à prendre un congé de six mois ; ce congé s'ajoute aux six mois déjà prévus pour les familles avec un seul enfant ; dans les familles de deux enfants et plus, les six mois devront être pris sur les trois ans actuels. S'y ajoute un dispositif d'accompagnement des mères à la fin de leur congé (formation, bilan de compétences, accompagnement personnalisé à l'emploi). Enfin, le texte transposera dans la loi l'accord entre partenaires sociaux sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle. Les salariés seront ainsi mieux accueillis à leur retour de congé.

Deuxième volet, la précarité des femmes. Le texte s'attaque aux impayés des pensions alimentaires dont 40% ne sont pas payées ou le sont irrégulièrement. À cet effet, il crée une forme de garantie publique confiée à un opérateur central, la caisse d'allocations familiales (CAF), qui fera écran entre les deux parents : dès le premier mois, elle se substituera au parent défaillant pour verser à la mère isolée une allocation de soutien familial, dont le montant atteindra 120 euros par enfant et par mois, puis se retournera contre le débiteur, afin de ne pas créer de désincitation à verser la pension alimentaire.

Troisième volet, la lutte contre les violences faites aux femmes. Outre la généralisation du téléphone portable grand danger à l'ensemble du territoire - un bel outil qui a fait ses preuves -, nous gravons dans le marbre de la loi le principe selon lequel c'est à l'auteur des violences et non à la victime de quitter le domicile familial ; le texte supprime également le recours à la procédure de médiation pénale, aux effets délétères en la circonstance ; il met fin aux taxes importantes liées au titre de séjour payées par les femmes étrangères victimes de violences, qui bénéficiaient déjà de facilités pour renouveler leur titre de séjour ; des stages de prévention de la récidive pourront être imposés comme peine complémentaire ou alternative aux auteurs de violences faites aux femmes, de manière à les empêcher de se réfugier dans le déni.

Quatrième volet, la parité. Le texte double la pénalité financière pour les partis qui ne respectent pas la parité. Il étend également cet objectif à d'autres secteurs, tels que les fédérations sportives, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres d'agriculture, les autorités administratives indépendantes ou les EPIC.

Nous agissons enfin sur la question des médias. Les inégalités trouvent leur racine dans les stéréotypes qu'ils peuvent véhiculer. Nous donnons une nouvelle compétence au CSA, qui veillera à ce qu'ils ne diffusent pas en permanence des images attentatoires à la dignité des femmes et définira une grille pour repérer les stéréotypes.

Je souhaite m'engager dans une co-construction avec le Parlement. J'accueillerai les ajouts et les améliorations que vous me proposerez afin d'apporter une réponse intégrée à un problème qui ne l'est pas moins.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Je me ferai l'interprète de Michelle Meunier, notre rapporteure pour avis.

Vous cherchez à inciter les pères à recourir davantage au congé parental, comme l'avait fait la réforme allemande de 2007. Or cette dernière créait un congé plus court, mais mieux rémunéré. Comment pensez-vous parvenir à votre objectif de 100 000 pères en congé parental en 2017 ? En outre, votre réforme augmentera mécaniquement le besoin en places d'accueil de jeunes enfants. Le plan annoncé par le Premier ministre le 3 juin dernier suffira-t-il ?

Les partenaires sociaux ont conclu le 19 juin dernier l'accord national interprofessionnel « Vers une politique d'amélioration de la qualité de vie au travail et de l'égalité professionnelle ». Quelles sont vos intentions concernant la transposition de certains de ses éléments, comme la réorganisation des obligations de négociation en entreprise en matière d'égalité professionnelle et salariale, ou de sécurisation des carrières des salariés bénéficiant d'un congé parental d'éducation ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. - Je suis ravie de pouvoir échanger avec vous. Si la mise en chantier du texte a été unanimement saluée lors des nombreuses auditions auxquelles notre délégation a procédé, la nécessité de progresser davantage vers l'égalité salariale a été soulignée. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une loi-cadre, un regret a été exprimé à propos du droit de pouvoir disposer de son corps - nous reparlerons de la revalorisation de l'acte d'IVG lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Saisissant la perche que vous avez tendue, la délégation fera de nombreuses recommandations, qui, je l'espère, pourront être transformées en amendements. Il faudra en particulier faire le lien avec d'autres projets de loi à propos de la déconstruction des stéréotypes de genre, du rôle de l'Éducation nationale, et d'une manière générale de la formation des professionnels intervenant en ce domaine. Il importe à cet égard de mieux expliciter votre exigence et la nôtre.

Bien sûr, nous ferons des recommandations sur le rôle du CSA. Comme vous refuseriez un observatoire, nous vous proposerons de créer une mission d'observation sur les programmes, mais aussi sur l'accès aux responsabilités dans les chaînes et au CSA lui-même.

Nous nous interrogeons sur la valeur juridique d'expressions comme « les meilleurs délais » concernant l'ordonnance de protection. Nous serons attentifs aux places d'hébergement. Nous voudrions également savoir si le Gouvernement aura des amendements sur l'accord national interprofessionnel. Vigilants sur la question des moyens, nous aimerions être sûrs que les moyens dégagés par les six mois non pris par le premier parent dans le cadre de votre réforme iront bien à la création de places en crèche.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Si la victime de violence conserve le logement du couple, il sera nécessaire de prévoir un hébergement approprié pour le conjoint violent. La commission vous proposera des amendements sur l'ordonnance de protection, peut-être pour l'étendre aux enfants. Doit-on être strict ou souple, comme les professionnels que j'ai reçus y inclineraient plutôt, sur les délais, et dans ce cas, comment les réduire ? Vous prévoyez qu'un juge civil prendra une mesure pénale, ce dont il n'a pas l'habitude : comment donner le relais à la chaîne pénale et faudra-t-il prévoir une validation par le parquet ? Comment résoudre l'opposition entre secret professionnel et non-assistance à personne en danger ?

Êtes-vous favorable à une parité à l'unité près ou à une fourchette de 45-55 ou de 40-60 ? Faut-il prendre en compte la sociologie des instances représentatives de la société et ne doit-on prendre du temps ? Bien évidemment, je souscris à votre projet de loi. Je crois aussi que nous aurons beaucoup à travailler pour changer les mentalités et éviter des propos machistes, y compris au sein de cette enceinte.

Mme Muguette Dini. - Merci, madame la Ministre, pour votre projet de loi très complet. Votre texte est formidable et, en lui apportant notre touche, nous en ferons une vraie merveille. Il est certain que les pères doivent participer au congé parental ; néanmoins comment résolvez-vous le problème que rencontrent d'ores et déjà les parents, surtout ceux de jumeaux ou de triplés, pour trouver un mode de garde entre le troisième anniversaire de leurs enfants et la rentrée scolaire ? Allongerez-vous pour certains le congé parental ? Actuellement, un parent peut se faire licencier en toute légalité, après l'expiration des trois ans de congé parental.

Si c'est la mère qui prend le plus souvent le congé parental, c'est parce que son salaire est plus faible. Comment réglerez-vous la question d'équilibre budgétaire familial que votre réforme soulèvera si le père doit aussi le prendre pour six mois ?

Mme Catherine Tasca. - Bravo, madame la Ministre, pour cette loi nécessaire et bienvenue. Néanmoins, la réduction du droit au complément de libre choix d'activité à moins de trois ans ne s'inscrit pas forcément dans le calendrier d'entrée des enfants dans une structure d'accueil. J'ai également un doute sur le caractère incitatif de votre réforme pour les pères : leurs six mois ne sont pas un plus mais sont pris sur les trois ans alloués à la famille, ce qui ne manquera pas de susciter un débat difficile dans les familles. Cela est-il définitif ? Entrevoyez-vous une porte de sortie pour faire coïncider le retour de la mère à la vie professionnel et l'accueil de l'enfant dans une structure ?

Il serait dommage que le texte ne mentionne pas cette question fondamentale qu'est l'égalité salariale. Que pensez-vous faire à cet égard, compte tenu de l'accord national interprofessionnel ? Le Sénat a d'ailleurs adopté le 16 février 2012 une proposition de loi, qui introduisait des mesures contre les entreprises qui ne négocient pas un accord sur cette question. Enfin, l'article 18 n'est-il pas un cavalier législatif ?

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je vous remercie, madame la Ministre, pour ce projet de loi complet et ambitieux. À chaque nouveau texte, je me demande comment il se déclinera dans nos territoires reculés. Dans mon département, une question structurelle prévaut : l'accès à l'instruction, à l'éducation et à la formation, en particulier pour les jeunes filles. Comment sortir de ce cercle infernal ? À Mayotte, la polygamie et l'inégalité successorale ont été supprimées et la parité a été instituée. Je crains pourtant que les inégalités aient encore de beaux jours devant elles si on ne s'attaque pas à la racine du problème.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mayotte n'est pas un territoire reculé, mais un département cher à notre coeur.

M. Félix Desplan. - L'inégalité trouve sa source dans la différence d'éducation donnée aux filles et aux garçons. En Guadeloupe, société pourtant moins marquée que Mayotte, dans beaucoup de familles, on dit : « les coqs sont libres, c'est aux femmes de retenir leurs poulettes ». Dès le départ, les garçons reçoivent priorité, ascendant sur les filles. On ne pourra pas intervenir dans chaque famille ; mais il faut parvenir à corriger cela. Il revient à l'école d'enseigner aux garçons et aux filles dès le jeune âge à se considérer comme égaux.

La CAF interviendra dans le cas, assez fréquent, de non-paiement de la pension alimentaire. Comme bien des hommes organisent leur insolvabilité, attention à ne pas mettre à la longue les allocations familiales en difficulté !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'ajoute deux autres questions. Les victimes de violences sont réticentes à porter plainte. Comment améliorer la détection et le signalement ? Quelles dispositions envisagez-vous contre les pesanteurs dans l'application de la parité, dans certaines fédérations sportives et dans les chambres d'agriculture par exemple ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Vos interventions montent que vous vous êtes déjà intéressés au projet. Soyez convaincus des ambitions du Gouvernement avec la réforme du congé parental. Celle-ci sera difficile à mener, ne serait-ce que parce que nous ne partons pas de rien. Nous ne pouvons pas, par exemple, réduire brutalement le congé parental à un an, pour augmenter la rémunération, comme dans le dispositif suédois. Notre choix a été dicté par deux objectifs : d'une part réduire l'éloignement des femmes du monde du travail ; d'autre part mieux partager entre hommes et femmes. La solution à laquelle nous arrivons est la meilleure, compte tenu d'un contexte caractérisé par le manque de modes de garde et les besoins des familles. Le congé parental sert aussi à cela et, comme nous ne voulons pas que la charge pèse exclusivement sur les femmes, nous instaurons une période de partage.

Il sera plus facile demain pour un homme de demander un congé parental, en dépit de la stigmatisation sociale qu'il subit : il pourra répondre à son employeur que c'est la loi qui l'impose. Notre solution est incitative, mais très souple : un homme peut prendre six mois en temps partiel ou trois mois au lieu de six...

Ce projet couvre tous les enjeux liés au congé parental : il construit pour les femmes des dispositifs qui ne les laissent pas sur le bord du chemin à la fin de leur congé, en particulier pour celles qui ne sont pas en emploi. Nous apportons des réponses à des situations existantes et créons des mécanismes pour assurer la jonction entre l'anniversaire de l'enfant et son entrée à l'école. Le seul fait de mener cette réforme qui bouscule les habitudes amène à trouver des solutions telles que l'accueil des enfants pour six mois en crèche ou leur préscolarisation. Nous vous présenterons en septembre des propositions précises.

Les 275 000 solutions d'accueil promises par le Premier ministre suffiront-elles ? Cette réforme ne concernera que les enfants nés après avril 2014 ; il convient par conséquent de se projeter dans trois ans et demi.

La présentation médiatique trouble un peu. L'indemnité allemande est-elle si différente de la nôtre ? De mille euros pour un an, elle devient dégressive quand elle dure plus longtemps. Notre complément optionnel du libre choix d'activité, lui, peut monter à 900 euros pour un an. Le choix allemand de dire que si le père ne prend pas une partie du congé parental, elle sera perdue nous a en effet inspirés : la part des hommes est passée en trois ans de 3 à 20% ; cela nous fait espérer que nous passerons de 18 000 à 100 000 hommes en trois ans.

Concernant les violences, tout n'est pas dans la loi. Ainsi la construction de 1 500 places d'hébergement de victimes a d'ores et déjà été décidée. Il y a déjà plus de 140 dispositifs pour les auteurs de violences, lesquels bénéficient d'ailleurs, selon les études, d'un réseau amical et social plus large que les victimes : l'on ne peut mettre les deux sur le même plan. Nous travaillons sur ces questions avec la mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof).

L'ordonnance de protection est exorbitante du droit commun. C'est pourquoi nous souhaitons avant de l'étendre aux enfants de victimes de violences conjugales, nous assurer de la constitutionnalité de cet ajout. Vos propositions sur le secret professionnel m'intéressent ; l'on pourrait s'inspirer de ce qui existe en matière de protection de l'enfance.

Les professionnels sont divisés sur le délai pour délivrer l'ordonnance de protection. Nous souhaitons qu'une semaine soit la règle. Certains professionnels craignent qu'une date butoir tombe comme un couperet - si l'ordonnance n'a pas été prise dans les sept jours, il sera trop tard pour agir. On nous a convaincus d'écrire « meilleurs délais », quitte à être plus précis dans le décret d'application et à organiser les conditions d'une plus grande célérité grâce à un véritable partenariat entre les acteurs (associations, barreau, tribunal) car c'est ainsi que les choses ont fonctionné. Pour aller plus vite, le décret prévoira également une convocation systématique de la partie défenderesse par pli d'huissier.

Comment améliorer les signalements ? On estime en effet que seulement une femme sur dix victimes dépose plainte. Les mains courantes ne doivent plus être des bouteilles qu'on jette à la mer. Une circulaire bientôt à la signature prévoit que le procureur fera systématiquement remonter les mains courantes, et que, pour les plus alarmantes, une assistante sociale recontactera la victime afin qu'il y ait un suivi de la situation.

Il faut écrire l'égalité salariale, et nous le ferons. Oui, madame David, nous reprendrons des éléments des accords sociaux : tout ce qui concerne la dynamisation des négociations ainsi que l'accompagnement des salariés revenant de congé parental. Nous introduirons quelque chose sur les classifications et la revalorisation des métiers à prédominance féminine : nous définirons exactement ce que l'on doit entendre par « à travail de valeur égale, salaire égal ».

D'autres mesures ont été proposées, notamment par la CGT, sur le droit d'expertise du comité d'entreprise sur le rapport de situation comparée : c'est une bonne idée, que vous pourriez d'ailleurs porter.

Nous avons voulu fixer un principe ferme en matière de parité, mais nous sommes pragmatiques. Des aménagements se feront, dans les fédérations sportives par exemple : dans celles comptant moins de 25 % de licenciés d'un même sexe, nous demanderons d'atteindre un pourcentage de 25 % dans les instances dirigeantes d'ici 2020. Si la sociologie fait apparaître une proportion supérieure à 25 %, on leur demandera d'atteindre 50 %. De même, nous tiendrons compte de la réalité dans les chambres de commerce et d'industrie.

Sur l'éducation, tout n'est pas dans la loi. En septembre, 600 établissements scolaires se sont engagés dans les « ABCD de l'égalité », une expérimentation menée dans les petites classes, qui prendra à la racine la question de l'égalité entre filles et garçons. Il faudra aussi travailler sur la connexion avec la loi sur la refondation de l'école et celle sur l'enseignement supérieur et la recherche, notamment à travers la question de la formation des formateurs dans les nouvelles écoles supérieures du professorat, où un module de formation à l'égalité filles-garçons est prévu. N'hésitez pas à nous présenter des propositions sur ce sujet crucial.

Mme Esther Benbassa. - Les livres scolaires !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Parce que nous ne voulons rien oublier de ce qui forge les mentalités, le projet comporte quelques éléments relatifs à internet : nous complétons notamment la loi sur l'économie numérique, qui avait omis le sexisme dans les signalements faits par les internautes.

Le droit qualifie l'insolvabilité organisée de situation de « hors d'état » : considérant que ces débiteurs ne sont pas en situation de payer leur pension alimentaire, l'on a cessé de les poursuivre. Dans cette catégorie figurent les très faibles revenus, comme le RSA, les personnes qui ont disparu à l'étranger, ou les auteurs de violences conjugales. Pourtant, nous ne pouvons exonérer toutes ces personnes de leurs obligations : c'est pourquoi nous repoussons cette catégorie de hors d'état, dans le cadre d'une expérimentation. Désormais, la CAF poursuivra les auteurs de violences conjugales qui ne paient pas la pension due : s'il s'agit d'un RSA, elle préfèrera faire payer quelques dizaines euros à rien ; simultanément, nous menons une diplomatie active dans le cadre de la convention de la Haye avec les pays voisins qui accueillent les débiteurs défaillants.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Avec Annie David et Brigitte Gonthier-Maurin, je vous remercie pour la qualité de vos réponses.