Mardi 20 octobre 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 17h50.

Audition de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaite tout d'abord remercier le président Olivier Schrameck d'avoir bien voulu répondre à notre invitation afin, notamment, d'informer le Parlement sur la récente décision prise par le Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à la chaîne Numéro 23.

Comme vous le savez, notre commission a été particulièrement attentive à cette affaire qui a suscité une indignation unanime. Si le législateur a prévu que les fréquences hertziennes pour la télévision n'avaient pas à faire l'objet d'un appel d'offres, c'est parce qu'elles constituent un des leviers de notre politique culturelle et qu'elles doivent avoir pour contrepartie des investissements importants dans la création.

Nous ne pouvons que souscrire, dans ces conditions, à la décision du Conseil lorsqu'il estime que « le principe de gratuité d'occupation du domaine public hertzien audiovisuel (...) ne vise pas à asseoir la valeur financière de la personne morale titulaire d'une autorisation délivrée par le CSA ».

Voilà pourquoi nous aimerions, Monsieur le président, mieux comprendre comment il a été possible, d'une part, que soit accordée à cette chaîne une autorisation d'émettre alors que dès 2012 des interrogations s'étaient fait jour sur la capacité de ses actionnaires à assurer son développement et, d'autre part, pourquoi il a fallu plus de deux ans et demi pour que le Conseil se saisisse de ce cas à l'occasion de l'annonce de la cession de la chaîne au groupe NextRadioTV. Sans vouloir revenir sur des décisions passées, il nous appartient, en effet, de nous interroger sur une telle défaillance afin d'examiner comment les prévenir à l'avenir, éventuellement en améliorant le droit en vigueur.

Un autre point sur lequel nous aurions besoin de précisions, monsieur le Président, concerne le sens de la sanction qui a été décidée par le Conseil. Si la fraude est constituée, pourquoi la sanction n'est-elle pas irrévocable ? Comment expliquer qu'une faute aussi grave puisse être pour ainsi dire pardonnée, pour autant qu'une modification du pacte d'actionnaires serait adoptée ? Nous avons un peu de mal à comprendre cette éventualité qui pourrait affaiblir la portée de votre décision, aussi vous serions-nous reconnaissants de nous préciser les raisons qui pourraient amener le CSA à reconsidérer son jugement.

Mes collègues ne manqueront pas de vous interroger sur ce sujet après votre propos liminaire ainsi que sur tous les sujets qui font l'actualité du CSA comme nous en sommes convenus. Je pense notamment au débat sur l'indépendance des rédactions.

Je vous proposerai, si vous en étiez d'accord, de nous indiquer où en sont les travaux du CSA sur la réorganisation des fréquences dans la perspective du transfert de la bande 700 MHz au secteur des télécommunications et du changement de norme de diffusion. La loi relative au deuxième dividende numérique a, en effet, été publiée au Journal officiel la semaine dernière. Il s'agissait d'une étape indispensable pour engager la réduction du nombre des multiplex. Pouvez-vous nous indiquer comment se passent les échanges avec les acteurs et notamment les opérateurs techniques de diffusion ? Le service public de télévision sera-t-il prêt, selon vous, compte tenu des spécificités du réseau France 3 ? Que pensez-vous, par ailleurs, de l'état de préparation de la campagne d'information et du plan d'aides prévu par le Gouvernement ?

M. Olivier Schrameck, président du CSA. - Chaque fois que je viens devant vous, je mesure combien il est dans mon rôle de vous rendre compte de l'activité du CSA. Le nombre et la variété des questions que vous souhaitez évoquer montrent de surcroît combien il est utile de venir s'expliquer devant la représentation nationale sur une actualité très riche.

Je commencerai par les deux décisions prises par le CSA le 14 octobre 2015 : celle d'abroger l'autorisation de fréquence accordée à la chaîne Numéro 23 et celle, qui en est corollaire, concluant qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'agrément à la prise de contrôle par le groupe NextRadioTV. Le communiqué du Conseil publié le soir même est de nature à vous éclairer sur le raisonnement qui a sous-tendu ces décisions, de même que le texte de la décision publié ce matin au Journal officiel : bien qu'amputé de certains éléments pour respecter le secret des affaires auquel nous sommes tenus, il est suffisamment éclairant.

Si le Conseil a estimé que la fraude n'était pas établie ab initio, dès l'attribution de la fréquence - période où, je le rappelle, je n'étais pas au CSA -, il a en revanche retenu un ensemble de faits qui, articulés ensemble, démontrent l'existence d'un abus de droit à visée spéculative entaché de fraude.

Parmi ces faits, comptons, en premier lieu, les conditions de présentation de la candidature de Diversité TV, alors assortie d'un engagement de montée en charge jusqu'en 2019 et d'une déclaration selon laquelle la société demanderesse reposait sur un actionnariat stable et durable. De fait, la société se prévalait d'un tour de table associant sept entrepreneurs, et non des moindres, présenté comme la preuve de la solidité de l'assise financière prévisible de son activité. Elle avait également pris des engagements programmatiques sur lesquels le Sénat a mis l'accent, à votre initiative, madame la présidente, par voie d'amendement à la loi Macron, pour en faire une pierre de touche de notre appréciation juridique.

Il est désormais avéré qu'à la suite de l'obtention de l'autorisation, cinq mois après le début de la diffusion de Numéro 23, le 12 décembre 2012, Diversité TV a fait entrer à son capital, à hauteur de 15 %, une société russe, UHT. Nous avons demandé à trois reprises à la société de nous fournir les éléments relatifs à cette cession et notamment le pacte d'actionnaires, sans obtenir aucune réponse - même si la société a fait valoir qu'elle aurait adressé début 2014 par courrier simple, que le CSA n'a jamais reçu, les pièces y afférentes.

La dernière de ces demandes, pressantes, a été formulée le 25 mai 2015, après l'annonce, le 9 avril, du projet de cession à NextRadioTV. C'est alors que le CSA a mesuré l'étendue des opérations effectuées, en contradiction avec les engagements et déclarations de la société au moment de sa candidature.

C'est donc un ensemble de circonstances postérieures à l'attribution de la fréquence - dont le contenu même du pacte d'actionnaires, dans lequel était pris l'engagement d'une cession rapide de la société, au terme de négociations engagées en mai 2013 et conclues le 21 octobre 2014, soit durant la période de deux ans et demi où tout changement capitalistique était interdit - qui nous a éclairés. Je rappelle au passage, afin d'anticiper, madame la présidente, sur une éventuelle question, que le Conseil avait d'abord souhaité que cette interdiction s'étende sur une période de cinq ans mais que finalement, sur l'insistance de l'ensemble des opérateurs susceptibles d'être concernés, cette période a été ramenée à deux ans et demi.

De cet ensemble de circonstances, des stipulations de l'accord avec la société NextRadioTV et du prix d'acquisition, fixé à 88,3 millions d'euros, le CSA a conclu, au regard de ce qu'a été la vie de la société, le contenu de ses programmes et la réalité de ses engagements financiers, que ce qui avait pu être recherché à titre principal était, plus que la valeur intrinsèque de la société en cause, la valorisation financière de la fréquence attribuée à titre privatif sur le domaine public. De là nait la fraude que nous avons dénoncée, en le motivant dûment dans notre décision de douze pages.

Nous y rappelons, en particulier, que l'attribution gratuite de fréquences audiovisuelles a été décidée par le législateur pour assurer la liberté d'expression et de communication, le pluralisme, et encourager la création audiovisuelle et plus généralement culturelle. Elle n'est évidemment pas attribuée pour asseoir la valeur d'un actif. J'ajoute que le Conseil constitutionnel a jugé, dès 1994, que l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui protège le droit de propriété, vaut aussi bien pour le propriétaire public qu'est l'Etat que pour les propriétaires privés, et qu'il a dégagé, en 2003, dans sa jurisprudence, un impératif constitutionnel de protection du domaine public.

Vous m'interrogez, madame la présidente, sur les conditions dans lesquelles cette fréquence a été attribuée à la chaîne Numéro 23. Je vous ai donné les éléments de réponse dont je disposais, mais seul mon prédécesseur, M. Michel Boyon, pourrait vous apporter des éléments précis, notamment sur la teneur de la présentation de sa demande par la société avant l'audition publique, comme le veut le secret des affaires.

Pour notre part, nous avons relevé un certain nombre de fait, qui ne sont pas, en eux-mêmes, constitutifs de fraude, notamment la faiblesse du capital - 10 000 euros - même si cela n'est pas inhabituel en droit des sociétés, assortie de la mise en valeur du tour de table, que j'ai évoquée. Des déclarations ont été faites, en réunion plénière du CSA, tant au sujet de l'attribution des fréquences en raison du basculement de la bande des 700 MHz qu'à l'occasion de l'étude d'impact relative au projet de cession de Numéro 23 à NextRadioTV, évoquant des rendez-vous, des conciliabules. Elles n'ont pas été démenties, mais n'ayant pas connu cette période, je n'ai aucun moyen de leur accorder crédit. Deux livres ont de même été écrits, l'un par M. Rachid Arhab, ancien membre du CSA, sous sa responsabilité, l'autre par M. Didier Maïsto, qui s'était exprimé comme candidat au nom de la société Fiducial Medias. Par ailleurs, j'ai lu comme vous dans la presse que l'un des membres du Conseil, M. Patrice Gélinet, a déclaré qu'il avait eu le sentiment d'avoir été trompé. Je ne saurais en dire plus sur les circonstances d'origine.

Deux ans et demi plus tard, c'est la cession de la chaîne qui a bouclé le processus de valorisation financière engagé, lequel a permis de déceler l'abus de droit entaché d'intention frauduleuse. Car c'est bien la cession elle-même qui atteste de la réalité de l'opération envisagée. Si cette cession n'avait pas eu lieu, la société propriétaire de la chaîne aurait continué à l'exploiter, conformément à ses engagements de montée en charge jusqu'en 2019.

Comment prévenir de tels faits ? Je rappelle qu'à plusieurs reprises, sous ma présidence, le CSA a sollicité du Parlement des pouvoirs de régulation économique lui permettant de mener des investigations, le cas échéant sur pièces et sur place, de déterminer quels sont les marchés pertinents et d'émettre des recommandations préventives et correctrices. Ce souhait reste à l'ordre du jour.

En second lieu, le débat qui a eu lieu, en particulier devant votre haute assemblée, a conduit à s'interroger sur le délai d'interdiction de cession. Je rappelle que c'est le CSA qui avait initialement soulevé cette problématique. Il me semble qu'il y a là, pour le législateur que vous êtes, matière à réflexion, afin de prévenir des opérations si rapides dans leur dénouement qu'elles ne peuvent être qu'a priori suspectes, tout en évitant de corseter à l'excès un marché de l'audiovisuel dont l'actualité de ces derniers mois témoigne assez qu'il est en évolution permanente. Il serait regrettable, en effet, qu'une disposition trop générale ne vienne à empêcher une opération susceptible d'être bénéfique à l'avenir du secteur.

Vous vous interrogez sur les conséquences juridiques que tire le CSA de l'intention frauduleuse retenue. Je rappelle que la sanction prononcée par le Conseil est une sanction ferme. Il ne s'agit ni d'un simple avertissement, ni d'une sanction avec sursis. Il est vrai que sa date d'application est retardée au 30 juin 2016, mais nous n'avons fait là qu'appliquer le principe de sécurité juridique affirmé par la décision « société KPMG » de l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, de mars 2006. J'ajoute que nous avons pris en compte, au plan économique, la situation des fournisseurs, producteurs et annonceurs, ainsi que celle des téléspectateurs - comme le veut notre mission essentielle et quelque réserve que l'on puisse avoir sur le contenu programmatique de la chaîne.

Pour le reste, aux recours gracieux susceptibles de nous être présentés, nous appliquerons notre jurisprudence constante, en étudiant les considérations de droit et de fait qui nous seront présentées, de même que le Conseil d'Etat, face aux recours contentieux qui pourraient être déposés devant lui, jugera dans un délai de trois mois, conformément à l'article 42-9 de la loi de 1986 modifiée, s'il y a lieu de confirmer ou non la décision du CSA. Je me permets de préciser que le CSA a pris sa décision dans la conviction qu'elle était solidement motivée et justifiée, en droit et en fait.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Merci de cet exposé synthétique sur le cheminement qui a conduit le CSA à sa décision du 14 octobre.

Le Conseil a prévu que l'abrogation de la fréquence de Numéro 23 prendra effet au 30 juin 2016. Quel sera alors la destinée de cette fréquence ? Quel pourrait être le calendrier de sa réattribution ? Comment empêcher un nouveau détournement de droit ?

Le gouvernement pourrait-il, selon vous, user de ses prérogatives tirées de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 pour attribuer la fréquence laissée libre par Numéro 23 au projet de nouvelle chaîne d'information engagé par France Télévisions en collaboration avec Radio France ?

La loi définit de manière semble-t-il assez rigide les conditions de retrait de l'autorisation d'émettre. Ne serait-il pas utile de la modifier pour prévoir un retrait automatique de l'autorisation en cas de fraude caractérisée ?

Le Conseil est-il aujourd'hui certain que d'autres cas de fraudes n'existent pas concernant les autres chaînes de la TNT ? Envisagerait-il, si la faculté lui en était donnée, de mener des investigations qui pourraient concerner, par exemple, les pactes d'actionnaires et la capacité réelle de certaines chaînes de la TNT à assumer leurs obligations légales et conventionnelles ?

Ma dernière question, enfin, est relative à la bande des 700 MHz et à la réorganisation des multiplex. Les opérateurs de diffusion technique expliquent qu'ils ont du mal à obtenir des propositions d'indemnisation de la part de l'État. Le Sénat a souhaité défendre le principe de cette indemnisation qui a également reçu le soutien de l'Inspection générale des finances. Pouvez-vous nous expliquer en quoi le rôle des opérateurs de diffusion est techniquement essentiel pour assurer le succès du changement de norme de diffusion et partant, justifier ce principe ?

M. David Assouline. - Merci d'avoir répondu une nouvelle fois à notre invitation. Nous connaissons votre précision méticuleuse, qui ne s'est pas démentie dans votre présentation de l'approche qui a été celle du CSA.

Si nous nous montrons si attentifs à cette décision, c'est qu'au-delà de Numéro 23, qui, au vu de son audience, ne pesait pas tant que cela dans le paysage, il y a un cas d'école. Le mouvement de concentration dont il témoigne, avec son cortège de spéculation, ne date pas d'hier. Dès le rachat de la chaîne Direct 8, nous avons plaidé en faveur d'une fiscalité dissuasive. Alors que la TNT payante ne se porte pas très bien et face à d'inévitables mouvements de concentration, appelés à se poursuivre, il serait bon de se doter d'outils adéquats. Nous avons évoqué la question de la fiscalité - lorsque j'avais proposé, au moment du rachat de Direct 8, une taxation à 5 %, on jugeait que c'était trop, aussi je me réjouis de constater que l'on entend aujourd'hui aller plus loin et que la proposition d'augmenter la taxation à la revente, que nous devons à l'initiative de notre présidente, ait été suivie.

Avez-vous au-delà besoin d'outils législatifs supplémentaires pour remplir votre mission de contrôle ? Dans votre exposé, vous avez rappelé que vous ne sauriez être parfaitement au fait des conditions dans lesquelles a été décidée l'attribution de la fréquence, puisque vous n'étiez pas, alors, membre du CSA. Vous avez également souligné que l'intention frauduleuse ne pouvait être caractérisée qu'à partir de la concrétisation du projet de cession. En revanche, il est clair que depuis deux ans, la qualité des programmes produits par la chaîne faisait jaser. Les fréquences sont une denrée rare et le lauréat, en l'occurrence, n'a guère été à la hauteur de l'honneur que représente une telle attribution gratuite. Quelle leçon en tirez-vous quant au mode de vigilance qu'il conviendrait d'exercer, afin de vous assurer du respect des engagements éditoriaux de départ ? Quand avez-vous été alerté sur ces questions de contenu et comment expliquer que vous ne l'ayez été plus tôt ?

M. Jean-Claude Luche. - Merci de votre présentation précise et ordonnée. Je m'interroge, comme notre rapporteur, sur l'existence d'autres cas douteux parmi les chaînes de la TNT.

Avez-vous engagé une réflexion sur les cahiers des charges attachés à l'attribution des fréquences. Envisagez-vous d'y adjoindre des engagements supplémentaires dans les conventions à venir, pour éviter de nouveaux dérapages.

A qui sera attribuée la fréquence de Numéro 23, et selon quelle procédure ?

M. Jacques Grosperrin. - Le projet présenté par la société incriminée portait, à l'origine, sur la diversité. Comment entendez-vous, à l'avenir, promouvoir la diversité ?

M. Olivier Schrameck. - Il est clair, monsieur le rapporteur Leleux, que la sanction prononcée ouvre la perspective d'un appel à candidature. Le collège n'en a pas débattu à ce stade. Il me semble, à titre personnel, qu'il serait raisonnable d'attendre d'éventuels recours gracieux ou contentieux avant de prendre des décisions engageant la présentation du dossier de candidature. Il serait malheureux de reproduire la situation que nous avons connue pour la bande des 700 MHz, où manquaient aux dossiers présentés certaines données d'appréciation utiles.

Le Gouvernement pourrait-il user, dans la perspective d'un appel à candidature, du droit de réserve que lui reconnaît l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 ? Je ne puis préjuger de ses intentions, mais il est clair que l'exercice de ce droit n'est subordonné, aux termes de l'article 26, à aucune condition tenant à l'état antérieur de la fréquence.

Ne pourrait-on envisager, me demandez-vous encore, une automaticité du retrait en cas de fraude avérée ? La fraude, en jurisprudence, comporte dissolution du lien juridique. Fraus omnia corrumpit, la fraude corrompt tout, dit l'adage. Nul besoin de disposition légale supplémentaire pour étayer ce principe jurisprudentiel qui s'impose en toute circonstance à tout acte réglementaire ou contractuel, qu'il émane de l'Etat ou d'une autorité indépendante. Si la fraude avait été d'emblée caractérisée, nous en aurions tiré immédiatement les conséquences. Mais dès lors que l'intention frauduleuse que nous avons dégagée résulte, ainsi que je le disais, de la prise en compte simultanée d'une séquence d'événements successifs, ce n'est qu'au moment où le processus a été bouclé par la demande de revente que la fraude a émergé à la réalité juridique.

Avons-nous connaissance d'autres cas de fraude du même type ? Tel n'est pas le cas. Mais soit dit sans botter en touche, la fraude cherche, par définition, à se dissimuler. D'où la question des pouvoirs d'investigation du CSA dans son action de régulation économique, qui nous a conduits à demander, hors toute volonté inquisitoriale, de disposer de la possibilité, quand un cas nous semble douteux, de procéder à des investigations sur pièces et sur place, avec mise en demeure, si nécessaire.

Vous avez indiqué, monsieur Assouline, que le Parlement a voté, sur initiative de votre présidente, une procédure de taxation qui figure désormais à l'article 7 de la loi du 14 octobre 2015. Mais cette taxation suppose que l'opération soit réalisée, et le soit légalement.

D'autres moyens peuvent être employés. J'ai évoqué la question du délai de revente. Vous avez vous-mêmes, toujours sur initiative de Mme Morin-Desailly, introduit une disposition, figurant à l'article 4 de la loi, selon laquelle il doit être tenu compte, en cas de projet de transaction, de l'accomplissement des obligations programmatiques de la chaîne. C'est sur quoi vous avez, me semble-t-il, centré votre question. J'y répondrai par deux observations. Force est de constater, tout d'abord, que la convention signée en mars 2012 est de formulation singulièrement large. Si la société demanderesse s'est réclamée, ainsi que le rappelait le sénateur Grosperrin, de la diversité, le cadre fixé à son activité est tellement... divers, que les termes mêmes de la convention s'en ressentent, au point qu'il est très difficile d'en sanctionner le non-respect. Cela est d'autant plus regrettable que l'article 3-1 de la loi de 1986 modifiée a confié mission au CSA de veiller à ce que les programmes rendent un tableau fidèle de la diversité et contribuent à la cohérence du lien social, ce qui doit pousser le Conseil, comme il l'a montré lors d'un colloque organisé en juillet, à être particulièrement vigilant à l'égard des engagements des sociétés. Il ne peut le faire, en l'état actuel de la loi, que sous forme incitative, en application de sa délibération de 2009. Le Conseil d'Etat a en effet conclu qu'il ne pouvait tirer un pouvoir réglementaire de sa mission de « veiller à ». Bien entendu, si le législateur souhaite nous conférer un tel pouvoir, nous l'assurerons.

M. David Assouline. - « Veiller à » n'est donc pas garantir ?

M. Olivier Schrameck. - Dans la jurisprudence du Conseil d'Etat, les termes « veiller à » sont interprétés différemment selon les matières. Lorsqu'il s'agit du pluralisme, un pouvoir réglementaire nous est reconnu ; tel n'est pas aujourd'hui le cas lorsqu'il s'agit du respect de la diversité.

Deuxième observation, nous sommes, de fait, très attentifs à la programmation de chaque chaîne. Outre les nombreux rapports prévus par la loi, au premier rang desquels le rapport annuel de l'article 18, dont la loi du 15 novembre 2013 a beaucoup enrichi le contenu, nous procédons à un examen annuel de la programmation de chaque chaîne, sur laquelle nous établissons un rapport. Et nous ne manquons pas de prononcer, comme nous y autorise la loi, des mises en demeure. Faut-il aller plus loin ? Formuler une appréciation directive serait heurter le principe de libre programmation des chaînes, qui ne trouve sa limite que dans le respect de la convention. Or, comme je l'ai indiqué, celle qui a été signée avec Numéro 23 est fort peu contraignante.

M. le sénateur Luche me demande si des problèmes ont été identifiés sur d'autres chaînes. Les mises en garde et mises en demeure prononcées à l'égard d'autres opérateurs en donnent la mesure. Je rappelle que le Conseil s'est accordé pour ne prononcer, la première année de lancement d'une chaîne, que des mises en garde, afin de prendre en compte la montée en charge de ces nouveaux opérateurs. Nous avons ainsi prononcé à l'encontre de Numéro 23 des mises en garde fermes pour méconnaissance des obligations du décret du 17 janvier 1990, notamment du fait des déficiences de la programmation cinématographique en provenance d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique. Pour l'année 2014, nous avons prononcé deux mises en demeure, afin que la chaîne se conforme dès l'exercice 2015 et à l'avenir à ses obligations réglementaires et conventionnelles de diffusion d'oeuvres cinématographiques, après avoir observé que les taux d'oeuvres cinématographiques d'origine française et européenne était nettement inférieur aux engagements pris par la chaîne.

Nous signons, monsieur le sénateur, des conventions avec les opérateurs privés. Il est certes pertinent de s'interroger sur l'utilité de leur réexamen périodique, mais leur caractère synallagmatique interdit de les modifier autrement que par accord entre les signataires. Notre pouvoir, en la matière, n'est pas unilatéral, il n'est que de négociation.

Sous réserve d'un éventuel usage, par le Gouvernement, de son droit de réserve, le choix du lauréat, dans la perspective d'un appel à candidature, dépendra évidemment des dossiers déposés : je ne saurais préjuger de l'appréciation des membres du collège, dont je suis néanmoins persuadé qu'il restera extrêmement attentif à l'objectif de diversité.

La diversité est en effet à nos yeux un objectif essentiel. Ceci pour répondre au sénateur Grosperrin. J'ai réuni, le 28 mai dernier, l'ensemble des opérateurs, pour les persuader, avec l'aide de Mme Memona Hintermann-Afféjee, qui suit tout particulièrement ces questions avec M. Nicolas About, vice-président du groupe de travail, de renforcer leurs engagements, de les rendre publics et de les inscrire dans une programmation pluriannuelle. Plusieurs propositions nous ont été transmises. A l'occasion du colloque du 6 octobre, Mme Delphine Ernotte, nouvelle présidente de France Télévisions, a pris des engagements fermes devant le Conseil, assortis d'obligations non seulement de moyens mais de résultats. L'ensemble des obligations ainsi consenties par les chaînes seront bien évidemment rendues publiques par le Conseil.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Vous mesurez, monsieur le président, combien notre commission est sensible à ce dossier, que nous suivons depuis plusieurs mois. M. Assouline a rappelé que les difficultés économiques et les mutations technologiques ont amené certaines reconfigurations, nécessaires à la survie dans ce paysage audiovisuel en pleine mouvance. J'avais dit, à l'époque, mon hostilité à l'attribution de nouvelles fréquences, considérant que ce paysage avait déjà été considérablement bouleversé par l'attribution des premières chaînes de la TNT. Il me semblait en effet difficile, face à de si profondes mutations, de garantir la stabilité économique tant des chaînes en place que des nouveaux entrants. L'actualité conforte cette analyse - qui ne disculpe en rien la mauvaise utilisation d'une fréquence par telle ou telle société.

Nous avons bien noté qu'il faut laisser passer la période de recours gracieux ou contentieux, ce qui nous mène à fin juin de l'année prochaine. Dans l'intervalle, nous continuerons à travailler, car le cadre juridique reste perfectible. Nous avons tenté, ces dernières semaines, de l'améliorer, et nous entendons poursuivre.

J'en viens à la bande des 700 MHz, autre sujet d'actualité qui nous a beaucoup occupés. Le calendrier prévu pour le basculement des fréquences est-il soutenable ? Comment se réorganisent les multiplexes ? Quid, également, des opérateurs, tant de diffusion que de programmation, sur lesquels M. Leleux vous a interrogés ? Avez-vous, sur ces questions, des éléments nouveaux à porter à notre connaissance ?

M. David Assouline. - Je fais partie, avec M. Retailleau, de la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, dont notre présidente elle-même a souhaité que la loi consacre le rôle. Cette commission se réunira le 4 novembre pour faire un point d'étape sur la mise en oeuvre du calendrier, qui suscite inquiétudes et tensions. C'est de fait une échéance difficile à respecter, et qu'il faut pourtant tenir. Par parenthèse, je fais observer que l'audition de Mme Delphine Ernotte devant notre commission de la culture, qui l'entendra pour la première fois depuis sa nomination à la tête de France Télévisions, a été fixée le même jour. Nous ne pouvons pas être au four et au moulin...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous travaillons à fixer une autre date qui s'accorde à l'agenda, complexe, de Mme Ernotte.

M. David Assouline. - Tant mieux, faute de quoi, nous manquerions à l'une de nos fonctions.

Vous avez émis un certain nombre de craintes sur un processus que vous jugez tendu. Considérez-vous, depuis, que l'Etat s'est donné les moyens de tenir le calendrier, et êtes-vous à présent aussi optimiste que je le suis ?

M. Olivier Schrameck. - Je ne suis pas optimiste mais réaliste et, par conséquent, inquiet. Vous vous souvenez que votre commission m'a invité, le 5 février dernier, à présenter mes observations sur le sujet. J'ai été sensible au fait que la représentation nationale, notamment sur votre suggestion, a pris en compte, ainsi qu'il apparaît dans votre communiqué de presse du 15 septembre dernier, un certain nombre de principes qui nous étaient également apparus fondamentaux. Je relève en particulier que le principe de couverture à 95 % du territoire par les chaînes de la TNT devra être préservé pour les chaînes diffusées en numérique. Je relève aussi, cependant, que s'agissant tant de l'éligibilité à l'aide à l'équipement des foyers qui reçoivent la TNT par voie satellitaire, dont nous nous étions longuement entretenus, que des conclusions du rapport de l'IGF sur les opérateurs techniques de diffusion, seules sont évoquées des intentions du Gouvernement.

Je crois devoir à la représentation nationale une grande clarté sur la nature de nos inquiétudes. Nous avions marqué que ce basculement, qui correspond à la fois à un changement de norme de compression et à une réaffectation des fréquences dans l'ensemble de la région Ile-de-France touchant de nombreux sites limitrophes, est une opération sans précédent, techniquement plus risquée que le passage de l'analogique à la télévision hertzienne. Nous soulignions que le choix de la date, qui correspond à une période de vacances, accroît ces risques. D'où notre extrême vigilance, qui nous a conduit à prendre un certain nombre de mesures. Tout récemment encore, lors du collège du 14 octobre, nous avons procédé, pour faciliter les opérations et réserver leur juste place aux chaînes parlementaires, à la recomposition des multiplexes, rendue nécessaire par l'arrêt du R5 et du R8 lié au passage au MPEG-4. Les chaînes locales, de même que les chaînes de France Télévision, trouveront ainsi place sur le R1, avec une répartition de 160 millièmes, tandis que conformément à leur souhait, les deux chaînes parlementaires seront sur le R6, avec une répartition de 145 millièmes, ce qui leur assure, au regard des 160 millièmes sur le R1 initialement envisagés, une meilleure qualité à moindre coût.

Cela étant, des sujets de préoccupation demeurent, en particulier touchant l'indemnisation des opérateurs techniques de diffusion, sur laquelle m'interrogeait M. le sénateur Leleux. D'autant que certains prestataires de la diffusion technique conditionnent la reprise des travaux avec le CSA sur le réaménagement de fréquences à l'aboutissement des négociations. J'ai dit devant vous, en février, ma préférence pour l'indemnisation. Le Gouvernement a préféré commander un rapport à l'IGF, le 13 juillet 2015. J'indique que le contenu de ce rapport ne nous a pas été communiqué, ce qui nous met hors d'état de juger de ses préconisations et d'apprécier les garanties que pourrait apporter la solution transactionnelle annoncée dans votre communiqué. En tout état de cause, il importe de parvenir à une solution dans les meilleurs délais, afin d'inscrire ce dispositif d'indemnisation dans la loi de finances pour 2016 et de sécuriser les étapes à venir. Il ne serait pas inutile que la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle se penche sur la question.

S'agissant de la situation des foyers qui ont dû adopter un équipement satellitaire lors du passage au hertzien, nous exprimons les mêmes craintes.

En ce qui concerne l'accompagnement du public et des collectivités territoriales, se pose, en premier lieu, la question du dispositif d'aide à l'équipement et à la réception. Par un avis du 23 septembre 2015, le Conseil a émis deux réserves sur les projets de décret qui lui étaient soumis. La première tenait à la nécessité de reconduire le dispositif antérieur, par lequel il revenait au CSA de définir les zones géographiques de couverture où la continuité de la réception ne peut être assurée sans une intervention sur le récepteur lui-même. La seconde tendait à prévoir un processus pérenne d'attribution d'aide aux téléspectateurs couvrant, sur la période 2016-2019, la vie normale de la plateforme - problèmes de brouillage, de perte de réception - au-delà des seules opérations relatives au changement de fréquences et de normes. Le Conseil a en outre marqué une attention particulière au fait que le transfert de la bande des 700 MHz sur les émetteurs dits de l'article 30-3, susciterait des frais pour les collectivités territoriales. Il a sensibilisé l'Agence nationale des fréquences (ANFR) au problème et rendra un avis dans le cadre du projet de décret sur le Fond de réaménagement du spectre. Le CSA est favorable à l'intégration des collectivités territoriales dans le dispositif prévu par ce projet de décret. Un comité « 30-3/Bande 700 » a d'ailleurs été créé entre le CSA et l'ANFR, qui s'est réuni pour la première fois mercredi dernier et se réunira à nouveau le 3 novembre.

En ce qui concerne le dispositif de communication, nous souhaitons engager une collaboration plus étroite avec l'ANFR, chargée désormais de la campagne nationale d'information. Nous avons entendu le 30 septembre dernier, en collège plénier, son directeur général, M. Brégant, pour le sensibiliser à l'importance du sujet et aux actions envisagées. Nous avons émis le souhait très vif d'associer les comités territoriaux de l'audiovisuel, en vue de la diffusion de la campagne par les médias audiovisuels locaux. C'est en effet l'ANFR qui pilote le programme au plan national - dans un dialogue, certes, avec le CSA. L'Agence a sélectionné un prestataire, la société Publicis, et le CSA n'intervient qu'en appui, notamment dans le dialogue engagé avec les chaînes. Plusieurs de ces chaînes ont vivement critiqué le spot d'information envisagé, qui renvoie le téléspectateur, pour effectuer le test de compatibilité HD de son récepteur, à une chaîne qui se trouve hors de notre sphère de régulation, ce qui, manifestement, pose problème aux éditeurs dans le cadre de leurs écrans publicitaires.

Bref, le CSA exerce avec la plus grande attention son rôle d'interface avec les chaînes, mais c'est l'ANFR qui pilote ce plan. La campagne devrait être lancée par les ministres de l'économie et de la culture le 19 novembre prochain. L'expérience présente montre qu'il serait utile de prévoir, à l'avenir, une concertation plus en amont avec les éditeurs et le CSA.

Le réaménagement des fréquences relève pleinement, en revanche, du CSA, compétent pour planifier celles-ci en lien avec l'Arcep (Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes), chargée de la coordination aux frontières et de la distribution des aides à la réception. C'est dans ce cadre que le CSA a rendu, le 23 septembre dernier, les deux avis que j'ai évoqués. Il restera vigilant sur les aides accordées aux collectivités territoriales concernant les émetteurs de l'article 30-3 et entend témoigner, dans le cadre de ces opérations, d'un souci d'échange constant avec les acteurs, appelé à s'intensifier au fil du calendrier, extrêmement tendu, qui nous attend. Je me garderai donc, monsieur le sénateur Assouline, d'un optimisme a priori.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci de cet exposé très clair. Les réserves persistantes que vous exprimez nous montrent que nous avons eu raison, lors des débats au Sénat, d'exprimer des inquiétudes et de poser des exigences, qui se sont traduites par un certain nombre d'amendements dont les dispositions figurent aujourd'hui dans la loi.

Sur le calendrier, nous nous inquiétons tous de la tenue des délais. La réunion de travail du 4 novembre évoquée par M. Assouline sera l'occasion de déterminer s'il convient ou non de desserrer l'étau. Mieux vaut, à mon sens, se donner quelques semaines supplémentaires que risquer l'écran noir, ainsi que je n'ai cessé de le répéter durant les débats.

Quant au processus d'indemnisation, c'est un sujet sur lequel la ministre s'est personnellement engagée. Nous en discuterons lors de l'examen du projet de loi de finances. L'article 40 nous interdisait d'introduire des dispositions financières dans le texte de loi, mais les débats d'alors éclairent suffisamment nos intentions.

M. Olivier Schrameck. - Nous partageons votre souci de vigilance. Je précise, en réponse à M. Leleux, qu'Itas TIM, le diffuseur le plus en danger, puisque 40 % de son activité est en cause, ne participe plus aux réunions techniques du CSA, tandis que TDF et Towercast n'apportent pas toutes les réponses aux questions des éditeurs concernant le calendrier des opérations. Si donc le CSA a le souci de maintenir le dialogue avec l'ensemble des parties prenantes, il constate néanmoins un risque de blocage, susceptible, s'il se prolonge, de mettre en danger le calendrier du transfert de la bande des 700 MHz.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La présence de l'ensemble des opérateurs est nécessaire à la réussite du basculement. Il est donc impératif de régler la question si l'on ne veut pas prendre le risque d'allonger les délais. L'ambition est bien de réussir en temps et en heure.

M. Olivier Schrameck. - C'est l'ambition du CSA.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Encore une fois, nous adhérons pleinement aux objectifs portés par la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique, que nous avons votée : modernisation de la plateforme mais aussi déploiement de la fibre, qui doit bénéficier aux zones les plus reculées.

Venons-en à notre ultime sujet de préoccupation, l'indépendance des rédactions.

M. David Assouline. - J'ai planté tout à l'heure le décor : l'audiovisuel connaît de grands mouvements de concentration, peu anticipés, donc peu régulés, et qui peuvent avoir un certain nombre de conséquences. A la différence de l'Allemagne, nos opérateurs sont de très grands groupes privés dont le coeur de métier n'est pas l'audiovisuel. D'où des problèmes d'indépendance. On l'a vu, dans le domaine de la presse, avec les concentrations dans la presse quotidienne régionale : nombre de petits titres ont été rachetés, notamment par des banques, ce qui nous avait conduits à poser la question de l'indépendance des rédactions en place. On a ainsi vu des titres qui, bien que maintenus, ne l'étaient que de façon cosmétique : étant détenus par un même actionnaire, ils se voyaient imposer une même ligne éditoriale qui bousculait les rédactions dans leurs engagements, qui remontent, pour certaines, à l'après-guerre, et leurs façons de travailler. C'est pourquoi nous avions songé, alors, à légiférer.

Pour l'audiovisuel, la situation est plus compliquée encore. La question déborde celle des rédactions. Outre que l'on a vu un documentaire déprogrammé par Canal +, qui n'a finalement pu être diffusé que grâce au service public, le problème, au-delà, est concrètement le suivant : ce ne sont pas les rédactions qui produisent les émissions d'investigation, mais des prestataires extérieurs avec lesquels les chaînes passent contrat. Ce qui complexifie un peu la donne. La ministre a recherché des solutions, encouragé la constitution de comités d'éthique internes, mais peut-être serait-il bon d'aller plus loin, en conférant par la loi des pouvoirs de régulation plus étendus au CSA. J'aimerais savoir, à l'orée de ce débat, comment vous voyez les choses. A l'heure où l'essentiel du panorama de l'audiovisuel français est entre les mains de grands groupes dont le coeur de métier est ailleurs, l'indépendance éditoriale des chaînes est en cause. J'ai même entendu que France Télévisions, pour avoir diffusé le documentaire que j'ai évoqué, avait été sanctionnée par la perte de recettes publicitaires. Il devient difficile de résister à cet univers économique qui entend peser de tout son poids sur le pluralisme et l'indépendance de l'information.

Mme Corinne Bouchoux. - Les enfants d'aujourd'hui sont les citoyens de demain. Lors de votre audition comme candidat à la présidence du CSA, au cours de laquelle nous vous avions interrogé sur la publicité en direction de la jeunesse, vous nous aviez indiqué qu'un chapitre du rapport du CSA était tous les ans consacré à ce sujet. Vous savez que notre commission a fait sienne la proposition de loi de notre collègue André Gattolin, qui vise à mieux encadrer, sur certaines tranches de programmation, la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Pouvons-nous compter sur le CSA pour nous délivrer chaque année une information complète sur les actions entreprises ? J'ai vu que la charte visant à promouvoir une alimentation et une activité favorables à la santé a été réactualisée et densifiée. J'espère que vous aurez à coeur de nous transmettre chaque année vos analyses sur les efforts engagés par les parties prenantes.

Mme Maryvonne Blondin. - M. Bolloré, que vous avez rencontré, a pris devant vous des engagements qui doivent vous agréer. Je n'oublie pas que vos pouvoirs, en ces matières, ne sont, comme vous l'avez rappelé, que de négociation. A quelle échéance M. Bolloré pourra-t-il vous transmettre des éléments, notamment en termes de programmation, de nature à concrétiser ces engagements ?

Autre question. Certains programmes, qu'ils émanent de chaînes publiques ou privées, interpellent les citoyens. En ces temps électoraux, je suppose que vous serez très attentif au partage des temps médiatiques et à la pluralité ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je précise que nous entendrons M. Bolloré le mois prochain.

M. Olivier Schrameck. - Nous vivons, ainsi que l'a souligné M. le sénateur Assouline, une transformation importante de la structure économique de l'audiovisuel privé. Cela sous l'impulsion, en particulier, de M. Patrick Drahi - je fais référence à l'accord, soumis à l'examen du CSA, entre Altice et NextRadioTV -, de M. Bolloré, mais aussi du fonds d'investissement doté de 300 à 500 millions qui vient d'être créé aux fins d'acquisitions dans les médias.

M. David Assouline. - Rappelez donc par qui...

M. Olivier Schrameck. - Matthieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre-Antoine Capton.

Ces mouvements, qui se réclament de la convergence ou de la synergie, peuvent être positifs mais ils sont complexes, et doivent être surveillés. C'est pourquoi j'insiste à nouveau sur la nécessité d'asseoir le rôle économique du CSA. La loi du 15 novembre 2013 a certes posé des jalons, dans les cas d'appel à candidature. Mais hors ce cas de figure, nous manquons des moyens légaux pour mener des investigations, définir les marchés pertinents et indiquer des orientations régulatrices. Nous demandons au législateur de nous les donner, car cela est plus nécessaire encore aujourd'hui. J'ajoute que les règles relatives aux concentrations posées par la loi de 1986 ne concernent que les concentrations monomédia, avec, par exemple, le plafond de couverture radio, ou plurimédia, avec la règle dite du deux sur trois. Ces règles, définies en 1994, ont singulièrement vieilli. J'ajoute que rien n'est dit des concentrations entre des médias et d'autres activités économiques - télécoms, production, BTP, publicité, transports... C'est là un sujet qui relève du législateur, et sur lequel je me permets d'attirer vivement votre attention.

M. Assouline et Mme Blondin m'interrogent sur l'indépendance éditoriale. Nous avons été très attentifs aux débats de ces dernières semaines sur le sujet. M. Bolloré a été entendu par le CSA le 24 septembre dernier, et nous avons décidé de constituer un groupe de travail réunissant les plus hauts responsables de l'administration du CSA, conduits par le directeur général, et les plus hauts responsables du groupe Canal +. Ce groupe de travail s'est déjà réuni à deux reprises, la semaine dernière et ce matin même. Son objectif est d'aboutir, madame la sénatrice Blondin, dans les prochaines semaines. Outre la question du comité d'éthique - qui n'est pas purement interne à la société, car le CSA a des moyens d'action sur sa composition, son fonctionnement, ses rapports et ses évaluations -, nous avons discuté de l'adoption d'une éventuelle charte - vous savez qu'il en a existé une à Canal +, à laquelle il a été mis fin en 2005, sous la présidence de M. Baudis. D'ores et déjà, l'article 7 de la convention de 2000 modifiée signée avec Canal + introduit une référence au principe constitutionnel de l'indépendance éditoriale de la société. Par ailleurs, la convention avec iTELE est plus précise encore, puisqu'elle fait référence au problème des relations entre les activités d'édition et les activités de distribution de services de communication audiovisuelle développés par ailleurs. Enfin, nous avons signé des conventions avec les groupes TF1 et M6, qui comportent chacune un article 6 relatif à l'indépendance éditoriale plus précis encore.

Nous agissons dans une optique de régulation, par la négociation, dans un souci de persuasion et je dois dire que nos interlocuteurs sont, dans ce dialogue, extrêmement diligents. Je suis régulièrement en contact avec M. Bolloré, qui insiste sur l'importance des investissements qu'il est prêt à consentir, notamment dans le cadre du changement nécessaire des décodeurs, pour 1 milliard d'euros, et dans celui des investissements de contenu, pour la même somme. Mais ces engagements économiques, dont nous mesurons la portée, doivent se doubler du respect des principes éthiques qui garantissent l'honnêteté, le pluralisme et la qualité de l'information. J'ai bien noté que la ministre de la culture et de la communication a évoqué la possibilité d'une disposition législative. La représentation nationale sera juge du résultat des négociations que nous menons actuellement avec Canal + pour obtenir des résultats tangibles. Cela étant, nos pouvoirs, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur Assouline, s'arrêtent à la diffusion à l'antenne. Nous n'avons pas de levier sur le fonctionnement des éditeurs pour la fabrication des émissions. Or, l'audiovisuel est une chaîne qui, outre les éditeurs, passe par les producteurs, les scénaristes, les ayants droit, les diffuseurs, les annonceurs. La régulation économique devrait porter sur l'ensemble de la chaîne.

Vous avez, madame Bouchoux, entendu Mme Sylvie Pierre-Brossolette. Nous avons en effet renforcé et élargi la charte de l'alimentation, en ouvrant l'adhésion à l'ensemble des radios. Nous nous attachons à l'action en faveur de l'éducation des jeunes téléspectateurs. Nous avons ainsi organisé, il y a un an, un colloque au Collège de France sur les jeunes et les écrans. Nous avons également mis en place, sous la conduite de Mme Memona Hintermann-Afféjee, un groupe de travail Education et médias, qui doit nous permettre d'enrichir notre site d'information. C'est, là encore, la même logique de régulation par la persuasion qui nous anime.

Quant au pluralisme, nous y travaillons semaine après semaine. Chaque collège est ponctué par l'examen de saisines. La période de six semaines avant l'élection, durant laquelle les critères au regard desquels s'apprécie le respect du principe d'équité sont particulièrement exigeants, ne s'ouvrira, comme vous le savez, que le 26 octobre prochain. Cependant, via un mail envoyé il y a vingt-quatre heures, nous avons entendu, au-delà des cas particuliers dont nous sommes saisis, sensibiliser l'ensemble des éditeurs au fait que la période préalable à l'ouverture de la campagne appelait de leur part un attachement particulier au respect du principe d'équité.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci de vos réponses à ces nombreuses questions, suscitées par un paysage audiovisuel mouvant qui nous appelle à nous assurer de l'application de la loi mais aussi à anticiper les problématiques.

C'est pour nous non seulement un voeu, ainsi que l'a formulé Mme Bouchoux, mais aussi une exigence que de pouvoir entendre régulièrement les représentants du CSA pour dresser un état des lieux sur tous les sujets. La publicité en direction des jeunes, sujet sur lequel Christine Kelly avait fait un travail remarquable, en fait partie.

La réunion est levée à 19h23.

Mercredi 21 octobre 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

Suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique - Examen des amendements au texte de la commission

La réunion est ouverte à 9 h 30.

La commission procède à l'examen des amendements sur le texte de la commission n° 69 (2015-2016) sur la proposition de loi n° 656 (2014-2015) relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous examinons ce matin les amendements extérieurs déposés sur la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure. - Les amendements n° 1 et 3 sont identiques. Ils proposent de rétablir la publicité après 20 heures dans les programmes de France Télévisions n'ayant pas de caractère familial. Cette proposition est étrangère à l'objet de la proposition de loi et aurait pour effet d'affaiblir l'identité du service public. Le rapport de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin a ouvert la perspective d'une publicité « raisonnée », mais ce n'est pas non plus ce que propose ces amendements. Je leur donne donc un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Leleux. - Ces amendements expriment une inquiétude de nos collègues d'outre-mer concernant l'avenir du financement de France Ô qu'il convient d'apaiser. Je suis cependant d'avis de ne pas les accepter.

La commission donne un avis défavorable aux amendements n° 1 et 3.

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure. - Les amendements n° 2 et 4, également identiques, ont eux aussi pour objectif de rétablir la publicité en soirée sur France Télévisions, hormis pour les programmes destinés aux enfants de moins de 10 ans. Comme pour les précédents, je proposerai un avis défavorable tout en privilégiant la poursuite de la réflexion sur la mise en place d'une publicité « raisonnée ».

M. Jean-Pierre Leleux. - Il me semble, par ailleurs, préférable de nous référer à l'âge de 12 ans par rapport à celui de 10 ans dans le cadre de la protection des enfants face à la publicité.

La commission donne un avis défavorable aux amendements n° 2 et 4.

Article additionnel après Article 2

Auteur

Avis de la commission

M. MAGRAS

1

Défavorable

M. PATIENT

3

Défavorable

M. MAGRAS

2

Défavorable

M. PATIENT

4

Défavorable

Protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et sécuriser leur situation juridique et sociale - Examen des amendements au texte de la commission

La commission procède à l'examen des amendements sur le texte de la commission n° 71 (2015-2016) sur la proposition de loi n° 489 (2014-2015), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - J'invite maintenant M. Michel Savin, rapporteur au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication de la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, à présenter ses amendements et à nous donner son avis sur les amendements extérieurs.

AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 4 bis

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 14 vise à compléter l'article L. 611-4 du code de l'éducation afin d'obliger les établissements d'enseignement supérieur à proposer des aménagements dans l'organisation et le déroulement des examens des sportifs de haut niveau.

L'amendement n° 14 est adopté.

M. Michel Savin, rapporteur. - Afin de permettre aux sportifs de haut niveau de concilier leur pratique sportive et la poursuite d'une formation, je vous propose l'amendement n° 1 qui incite les établissements d'enseignement supérieur à recourir à l'enseignement à distance et aux moyens de télécommunication audiovisuelle.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 2 corrige une référence inexacte.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article additionnel après l'article 6

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 3 que je vous soumets vise à ouvrir un compte personnel de formation à tout sportif de haut niveau à partir de quinze ans et à le faire abonder par la fédération délégataire dont il dépend pendant toute la durée où il est inscrit sur la liste des sportifs de haut niveau. Cet amendement poursuit un double objectif : d'une part, permettre aux sportifs de haut niveau non actifs d'accumuler des crédits d'heures de formation qu'ils pourront utiliser ultérieurement dans le cadre de leur double projet ; d'autre part, créer des ressources supplémentaires pour financer la formation des sportifs de haut niveau.

L'amendement n° 3 est adopté.

Article 9

M. Michel Savin, rapporteur. - La proposition de loi prévoit trois situations dans lesquelles la durée du contrat des sportifs et entraîneurs professionnels salariés peut être inférieure à une saison sportive. Néanmoins, pour éviter que les clubs embauchent leurs joueurs au cours de la saison et non à son début, l'amendement n° 4 renvoie les modalités pratiques des exceptions prévues par la loi à une convention ou à un accord collectif national ou, à défaut, au règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 9 est un amendement de coordination.

L'amendement n° 9 est adopté.

Article 12

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 5 est un amendement de précision.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 15 B

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 11 est également un amendement de précision.

L'amendement n° 11 est adopté.

Article 15

M. Michel Savin, rapporteur. - Les amendements n° 12 et 13 sont des amendements de conséquence.

Les amendements n° 12 et 13 sont adoptés.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci, monsieur le rapporteur, venons-en maintenant aux amendements extérieurs.

AMENDEMENTS EXTÉRIEURS

Article 2

M. Dominique Bailly. - L'amendement n °11 rectifié vise à remplacer la liste « partenaires d'entraînement » par la liste « sportifs des collectifs nationaux ». En effet, ce terme apparaît plus conforme à la réalité de ces sportifs.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11 rectifié.

Article additionnel après l'article 2

M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement n °12 rectifié oblige la fédération non délégataire à inscrire des compétitions de la discipline concernée au calendrier international et à inscrire les sportifs de haut niveau de cette discipline aux compétitions internationales.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 12 rectifié.

Article 3

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °23 précise que la convention signée entre le sportif et la fédération diffère de la convention de formation, de la convention d'aménagement d'emploi et de la convention d'insertion professionnelle. J'inviterai M. Pellevat à le retirer, à défaut je propose d'émettre un avis défavorable.

M. Jean-Jacques Lozach. - Le groupe socialiste et républicain s'abstiendra sur tous les amendements de M. Cyril Pellevat.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.

M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement n °13 rectifié précise que le droit à l'image du sportif doit être concilié avec les contrats de partenariat conclus par la fédération.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13 rectifié.

Article 4

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °25 avait un sens lors de la discussion à l'Assemblée nationale dans la mesure où il était proposé de supprimer l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel sur la conclusion d'une convention d'insertion professionnelle. Comme l'avis n'a pas été supprimé, cet amendement n'a plus d'objet.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °4 du Gouvernement précise que les contrats de prestation de service, de cession de droit à l'image ou de parrainage sont exclusifs de tout lien de subordination.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4.

Article 4 bis

Mme Claudine Lepage. - L'amendement n °1 rectifié étend aux établissements d'enseignement français à l'étranger homologués l'obligation de permettre, selon des formules adaptées, la préparation des élèves en vue de la pratique sportive de haut niveau.

M. Michel Savin, rapporteur. - Cette obligation est déjà prévue par le code de l'éducation. Il convient donc de la faire appliquer par les établissements français à l'étranger, sans que cela ne nécessite de modifier la loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié.

Article 5

M. Dominique Bailly. - L'amendement n °14 rectifié est un amendement de précision.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14 rectifié.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °26 vise à ce que le décret prévu à l'article 5 précise les modalités d'adaptation du passage des épreuves d'examen pour les sportifs de haut niveau. En réalité, mon amendement n° 4 satisfait l'objet de cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °27 porte sur la validation des acquis de l'expérience. Toutefois, l'article 6 bis étend déjà aux sportifs de haut niveau la possibilité de demander à bénéficier de la validation des acquis de l'expérience.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.

Article additionnel après l'article 5

M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement n °15 rectifié impose au Gouvernement la remise d'un rapport sur les modalités d'application du compte personnel d'activité pour les sportifs de haut niveau.

M. Michel Savin, rapporteur. - Le compte personnel d'activité n'a pas encore été l'objet d'un texte de loi. Cet amendement me paraît donc prématuré.

M. Jean-Jacques Lozach. - Nous le défendrons en séance, au moins en tant qu'amendement d'appel.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15 rectifié.

Article 6

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °22 oblige les fédérations à assurer un suivi socioprofessionnel aux anciens sportifs de haut niveau pendant cinq ans. Un dispositif de cette sorte existe déjà, cet amendement n'est donc pas utile.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °28 permet, le cas échéant, au comité national olympique et sportif français de nommer en son sein, un référent chargé du suivi socioprofessionnel. Là encore, l'article 6 y donne déjà satisfaction.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.

Article 7

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n °2 du Gouvernement renvoie au niveau réglementaire la prise en charge par l'Etat de la couverture au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.

Article 8 bis

Mme Christine Prunaud. - L'amendement n °5 prévoit que la date du déclenchement de la prorogation d'un an du bénéfice des droits inhérents au statut de sportif de haut niveau est calculée en fonction de la date présumée d'accouchement.

M. Michel Savin, rapporteur. - Cet amendement introduit une rigidité dans un dispositif devenu particulièrement favorable aux sportives de haut niveau ayant des enfants pendant leur carrière sportive puisqu'elles disposent désormais d'une prorogation automatique d'un an, voire de deux ans en cas de besoin. Je n'y suis pas favorable, mais il faudra interroger le Gouvernement sur cette question.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

L'amendement n °17 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 8 bis

Mme Sylvie Robert. - L'amendement n °19 rectifié soumet l'activité des agents sportifs non membres de l'Union européenne à l'obtention préalable d'une licence.

M. Michel Savin, rapporteur. - Je partage l'inquiétude des auteurs de l'amendement face à des agents souvent sans scrupule et la nécessité de réglementer cette profession. Toutefois, le statut des agents mérite une proposition de loi ou un projet de loi à part entière qui traiterait du sujet dans sa globalité.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19 rectifié.

M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement n° 18 rectifié propose d'étudier la possibilité de créer une caisse de règlement pécuniaire des agents sportifs.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18 rectifié.

Article 9

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 29 prévoit qu'une convention ou un accord national collectif peut préciser la définition du sportif professionnel et de l'entraîneur. L'amendement n °30 interdit au sportif salarié professionnel de rompre prématurément son contrat à durée déterminée au profit d'un contrat à durée indéterminée. L'amendement n °34 complète la liste des motifs permettant de recourir à un contrat à durée déterminée. L'amendement n° 33 précise le champ d'application du contrat à durée spécifique créée par la présente proposition de loi. J'inviterai l'auteur de ces amendements à les retirer.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 29, 30, 34 et 33.

Mme Christine Prunaud. - L'amendement n° 7 renvoie à une convention ou un accord collectif conclus au niveau national pour fixer les conditions dérogatoires à la durée minimale d'une saison sportive de douze mois.

M. Michel Savin, rapporteur. - J'ai proposé un amendement similaire (n° 4) qui a été adopté par la commission. Je demande donc aux auteurs de l'amendement de se rallier à cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 31 fait partir le point de départ du délai de transmission du contrat par l'employeur au sportif professionnel à compter de la date à laquelle le contrat a été homologué par les instances compétentes.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.

Mme Christine Prunaud. - L'amendement n °8 précise que seul un accord collectif peut prévoir une procédure d'homologation du contrat de travail.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

Article 10

Mme Christine Prunaud. - L'amendement n °9 étend le bénéfice d'un suivi socioprofessionnel assuré par les clubs aux entraîneurs.

M. Michel Savin, rapporteur. - Nous en avons déjà discuté la semaine dernière, votre proposition a été écartée par la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°9.

Article 11

Mme Christine Prunaud. - L'amendement n °10 rétablit l'assujettissement des clubs à la cotisation 1 % CIF-CDD pour financer la formation professionnelle des sportifs professionnels salariés.

M. Michel Savin, rapporteur. - Je partage la préoccupation des auteurs de l'amendement sur la nécessité de réfléchir sur de nouveaux moyens de financer la formation des sportifs professionnels, en responsabilisant davantage à la fois les clubs et les joueurs. Je considère donc votre amendement comme un amendement d'appel qui devra être retiré une fois que le ministre sera intervenu.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

Article additionnel après l'article 12

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 32 permet la signature d'un premier contrat professionnel pour une durée pouvant aller jusqu'à 5 ans contre 3 ans actuellement. Cela me paraît trop contraignant.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32.

Article additionnel après l'article 15 A

M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement n° 21 rectifié vise à combler un vide juridique, tant sur le champ et la nature des organismes que l'inspection générale de la jeunesse et des sports est à même de contrôler, qu'au plan de ses prérogatives d'investigation.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 21 rectifié.

Article additionnel après l'article 15 B

M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement n° 20 rectifié clarifie le statut des conseillers techniques sportifs détachés auprès des fédérations.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 20 rectifié.

Article 15

M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement n° 16 rectifié fait évoluer les dispositions relatives à la surveillance médicale réglementaire.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 16 rectifié.

M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement n° 3 du Gouvernement accélère l'entrée en vigueur de la disposition permettant aux sportifs de haut niveau de bénéficier d'une couverture sociale en cas d'accidents du travail et des maladies professionnelles.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.

La commission adopte les avis suivants :

Article 4 bis

Auteur

Avis de la commission

M. SAVIN, rapporteur

14

Adopté

M. SAVIN, rapporteur

1

Adopté

M. SAVIN, rapporteur

2

Adopté

Article additionnel après l'article 6

M. SAVIN, rapporteur

3

Adopté

Article 9

M. SAVIN, rapporteur

4

Adopté

M. SAVIN, rapporteur

9

Adopté

Article 12

M. SAVIN, rapporteur

5

Adopté

Article 15 B

M. SAVIN, rapporteur

11

Adopté

Article 15

M. SAVIN, rapporteur

12

Adopté

M. SAVIN, rapporteur

13

Adopté

Article 2

Auteur

Avis de la commission

M. D. BAILLY

11 rect. bis

Favorable

Article additionnel après Article 2

M. LOZACH

12 rect. bis

Favorable

Article 3

M. PELLEVAT

23

Défavorable

M. LOZACH

13 rect. bis

Défavorable

Article 4

M. PELLEVAT

25

Défavorable

Le Gouvernement

4

Favorable

Article 4 bis

Mme LEPAGE

1 rect.

Défavorable

Article 5

M. D. BAILLY

14 rect. bis

Favorable

M. PELLEVAT

26

Défavorable

M. PELLEVAT

27

Défavorable

Article additionnel après Article 5

M. LOZACH

15 rect. bis

Défavorable

Article 6

M. COLLIN

22

Défavorable

M. PELLEVAT

28

Défavorable

Article 7

Le Gouvernement

2

Favorable

Article 8 bis

Mme PRUNAUD

5

Défavorable

Mme GHALI

17 rect.

Retiré

Article additionnel après Article 8 bis

Mme S. ROBERT

19 rect.

Défavorable

M. LOZACH

18 rect.

Défavorable

Article 9

M. PELLEVAT

29

Défavorable

M. PELLEVAT

30

Défavorable

M. PELLEVAT

34

Défavorable

M. PELLEVAT

33

Défavorable

Mme PRUNAUD

7

Défavorable

M. PELLEVAT

31

Défavorable

Mme PRUNAUD

8

Défavorable

Article 10

Mme PRUNAUD

9

Défavorable

Article 11

Mme PRUNAUD

10

Défavorable

Article additionnel après Article 12

M. PELLEVAT

32

Défavorable

Article additionnel après Article 15 A

M. LOZACH

21 rect.

Favorable

Article additionnel après Article 15 B

M. LOZACH

20 rect.

Favorable

Article 15

M. LOZACH

16 rect.

Favorable

Le Gouvernement

3

Favorable

Communication diverse

Mme Marie-Christine Blandin. - Madame la présidente, le nouveau règlement nous oblige à être assidus le mercredi matin lors des temps législatifs de la commission, ce qui amène tous les parlementaires à être présents, alors qu'il n'y a même pas assez de sièges autour de cette table, certains de nos collègues se trouvant relégués devant le mur ! Regardez, il n'y a pas assez de place pour écrire, la table est surencombrée. C'est assez désagréable.

M. David Assouline. - Pour revenir à ma demande d'hier, nous avions insisté pour que la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle se réunisse afin d'évaluer l'état d'avancement de la loi pour qu'elle soit opérationnelle le plus vite possible. A votre demande insistante, cette instance a prévu de se réunir le mercredi 4 novembre, à l'heure exacte où notre commission prévoit d'auditionner Mme Delphine Ernotte, nouvelle présidente de France Télévisions. Or M. Retailleau et moi-même représentons le Sénat auprès de la commission de modernisation. Est-il possible de modifier l'horaire de l'audition de Mme Ernotte ?

Ma deuxième remarque concerne l'audition de Mme Fleur Pellerin qui doit avoir lieu la veille au soir de l'examen de mon rapport. Pour la crédibilité de nos travaux, je demande d'éviter ce genre de programmation.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sur ce dernier point, je croyais vous avoir entendu dire que finalement ça ne vous posait pas de problème insurmontable.

M. David Assouline. - Non, j'ai soulevé cette question en réunion de bureau mais on m'a répondu qu'il n'était pas possible d'avancer l'audition de la ministre, j'ai dû accepter cette situation. Mais ça pose une question de principe.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sur ces questions de calendrier, il est bien entendu que nous mettons tout en oeuvre pour rendre l'ensemble des obligations des uns et des autres compatibles.

Monsieur Assouline, pour ce qui concerne l'audition de Mme Delphine Ernotte, le 4 novembre après-midi, nous allons faire en sorte de l'avancer à 15 heures, ce qui vous permettra de participer à la réunion de la commission de modernisation.

En revanche, nous ne pouvons contraindre l'agenda des ministres : s'ils ne nous aident pas, nous avons les plus grandes difficultés à organiser leurs auditions devant la commission. D'ores et déjà, je peux vous dire que la seule date que nous donne Mme Najat Vallaud-Belkacem est le mardi 27 octobre de 19 heures à 21 heures ! J'ai dû appeler le cabinet de M. le Guen pour qu'il sensibilise les ministres à se rendre disponibles pour être auditionnés sur le projet de loi de finances.

Je relaierai auprès du Président du Sénat toutes ces préoccupations concernant l'organisation matérielle de nos travaux.

Gratuité et modalités de la réutilisation des informations du secteur public - Examen du rapport pour avis

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Loïc Hervé sur le projet de loi n° 34 (2015-2016) relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. - Le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, déposé le 31 juillet 2015 sur le bureau de l'Assemblée nationale, constitue la transposition législative de la directive 2013/37 du 26 juin 2013 portant modification de la directive 2003/98 du 17 novembre 2003 relative à la réutilisation des informations du secteur public, dite « directive ISP ». Rappelons que cette transposition aurait déjà dû être effective à la date où le présent texte a été déposé à l'Assemblée nationale.

Aux fins de transposition, le projet de loi modifie plusieurs dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA ».

Cette loi, qui, la première, a affirmé la liberté d'accès des citoyens aux documents administratifs, n'a cessé d'évoluer en faveur d'un accès étendu à ces informations. Le projet de loi n'y fait pas exception : les modifications qu'il introduit élargissent le champ de la loi de 1978 aux documents détenus par les opérateurs culturels. Elles portent également sur le traitement des demandes de réutilisation des informations publiques, ainsi que sur les redevances et accords d'exclusivité attachés à cette réutilisation.

La transposition de la directive précitée du 26 juin 2013 nécessite relativement peu de mesures législatives, d'abord parce qu'elle-même ne modifie qu'à la marge la directive ISP, mais aussi parce que la législation française satisfait d'ores et déjà à nombre des nouveaux objectifs assignés aux États membres.

De fait, la France, dont la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoyait dans son article 15, dès 1789, que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », appartient aux nations les plus avancées en matière d'open data, entendue comme le libre accès aux données publiques par la voie numérique.

Initiée dès les années 1970 avec la « loi CADA », la transparence administrative a pris un nouvel élan avec l'arrivée du numérique et a progressivement été renforcée, depuis la fin des années 1990, par nos gouvernements successifs. On citera notamment l'adoption, en janvier 1998, du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI), la création de l'Agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE) en 2007, le lancement du portail « data.gouv.fr » en 2011 ou encore la mise en place, en 2014, d'un administrateur général des données produites par l'État et ses opérateurs.

Ces initiatives ont contribué à ce que l'ONU classe récemment notre pays quatrième au monde pour l'accès aux données publiques, ce qui ne signifie pas que nous ne devons pas poursuivre nos efforts pour offrir plus de transparence à nos concitoyens.

La directive du 26 juin 2013 impose à la France de revoir son dispositif sur trois points : le champ des données réutilisables, la révision périodique des accords d'exclusivité et les principes de tarification de la réutilisation des informations publiques.

Le projet de loi visant à la transposer en droit français comprend neuf articles, dont plusieurs concernent notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication dans la mesure où ils visent à inclure dans le droit commun de l'accès aux informations publiques les documents détenus par les bibliothèques, y compris universitaires, les musées et les archives, jusqu'alors expressément exclus du champ de la directive du 17 novembre 2003.

L'article 1er abroge l'article 11 de la loi du 17 juillet 1978, afin d'inclure dans les obligations générales d'accès au public les documents produits ou reçus par les établissements d'enseignement de recherche, ainsi que par les établissements culturels.

L'article 2 modifie l'article 14 de la même loi et prévoit que, lorsqu'un droit d'exclusivité, dérogatoire au droit commun, est accordé à un tiers pour la réutilisation d'informations publiques, la période d'exclusivité ne peut excéder dix ans et fait l'objet d'un réexamen triennal. Une dérogation supplémentaire est instaurée pour les ressources culturelles : la période d'exclusivité peut être supérieure à dix ans dès lors qu'elle est accordée pour les besoins de leur numérisation. Un réexamen est alors prévu tous les sept ans. En outre, une copie des ressources numérisées devra être remise gratuitement et dans un format ouvert à l'établissement à l'origine de l'exclusivité. Enfin, les accords d'exclusivité devront être transparents et publics.

L'article 3 procède à la réécriture de l'article 15 de la loi de 1978 relatif aux redevances. Désormais, la gratuité devient le principe général en matière de réutilisation des informations publiques. Le projet de loi va ici au-delà des exigences imposées par la directive, ce que le Conseil d'État a estimé faisable. L'instauration d'une redevance demeure toutefois possible pour les organismes tenus de couvrir une partie de leurs dépenses par des recettes propres, dès lors qu'elle est plafonnée aux coûts marginaux de collecte, de reproduction, de mise à disposition et de diffusion des données.

Là encore, une dérogation supplémentaire est accordée au secteur culturel : l'instauration d'une redevance est également autorisée lorsque les documents réutilisés sont issus d'opérations de numérisation des fonds et collections des bibliothèques, musées et archives. Son montant peut alors également prendre en compte les coûts de conservation et d'acquisition des droits de propriété intellectuelle. Il s'agit ici de continuer de permettre aux partenaires des organismes culturels publics d'amortir leurs investissements dans le cadre des programmes, fort coûteux, de numérisation des ressources.

L'article 4 modifie l'article 16 de la même loi en élargissant le champ des cas où une licence peut être établie s'agissant de la réutilisation des données publiques : la délivrance d'une licence n'est plus seulement limitée aux cas où la réutilisation fait l'objet d'une redevance.

L'article 5 modifie l'article 17 de la loi de 1978 afin de prévoir que les modalités de réutilisation des informations publiques comme de calcul des redevances sont mises à la disposition du public dans un format ouvert. Aujourd'hui, l'obligation de communication des administrations en la matière est limitée aux seules personnes qui en font la demande.

L'article 6 complète l'article 25 relatif aux décisions de refus d'accès aux informations publiques. En l'état du droit, celles-ci doivent être notifiées par écrit et motivées. L'identité du titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le document doit également, le cas échéant, être mentionnée. Compte tenu de la surcharge de travail que cela occasionnerait pour les établissements concernés en raison de l'intégration de leurs documents dans le droit commun de la loi de 1978, les bibliothèques, musées et archives seront dispensés de cette dernière obligation s'agissant de leurs décisions de refus.

L'article 7 porte sur les conditions d'application des dispositions du projet de loi en Outre-Mer.

L'article 8 dispose que les accords d'exclusivité existants devront être mis en conformité avec les dispositions du projet de loi lors de leur premier réexamen suivant la promulgation du texte. S'agissant du secteur culturel, ces accords devront prendre fin à l'échéance du contrat ou, au plus tard, le 18 juillet 2043, comme le prévoit la directive.

Enfin, l'article 9 vise à autoriser le Gouvernement à intégrer, par voie d'ordonnance, ces nouvelles dispositions dans le futur code des relations entre le public et l'administration.

Au cours de sa réunion du 29 septembre, la commission des lois de l'Assemblée nationale - sa commission des affaires culturelles n'avait pas jugé utile de se saisir pour avis - a apporté, outre quelques précisions rédactionnelles, plusieurs modifications plus substantielles au projet de loi initial :

- avant l'article 1er, elle a inséré deux articles additionnels. L'article 1er A apporte une modification rédactionnelle à un intitulé de chapitre au sein de la loi du 17 juillet 1978, afin d'affirmer que la réutilisation des informations publiques constitue un droit. L'article 1er B prévoit, quant à lui, que les organismes du secteur public mettent leurs documents à disposition, aux fins de réutilisation, sous forme électronique et, si possible dans un format ouvert ;

- à l'article 3, elle a souhaité préciser, d'une part, que la liste des administrations autorisées à percevoir une redevance fera l'objet d'une révision tous les cinq ans et, d'autre part, qu'un décret établira la liste des informations pouvant donner lieu à l'établissement d'une redevance pour leur réutilisation ;

- à l'article 4, elle a rendu obligatoire la mise à disposition sous forme électronique des licences types pour la réutilisation d'informations publiques ;

- enfin, à l'article 6, elle a élargi aux décisions défavorables relatives à la réutilisation - et non plus seulement à l'accès - le champ de l'exception de motivation des refus formulés par les bibliothèques, services d'archives et musées fondés sur l'existence d'un droit de propriété intellectuelle.

La séance publique du 6 octobre n'a apporté que de minimes changements à l'équilibre trouvé en commission des lois de l'Assemblée nationale entre les objectifs ambitieux affichés par la France en matière d'open data et le texte moins téméraire de la directive européenne du 26 juin 2013, qui s'agit de transposer.

L'article 1er B a vu ses termes précisés. L'article 2, pour sa part, a fait l'objet d'une modification plus franche, puisqu'un amendement du rapporteur est venu limiter la durée des accords d'exclusivité conclus pour la numérisation des ressources culturelles à quinze ans - elle n'était pas bornée dans le texte initial - avec un réexamen au cours de la onzième et de la treizième année. Cette limitation ne s'appliquera toutefois pas aux accords conclus entre personnes publiques dans le cadre de leurs missions de service public, dans le respect du droit de la concurrence. Cette exception répond spécifiquement à la situation des musées liés à la Réunion des musées nationaux (RMN), laquelle dispose de l'exclusivité de numérisation des reproductions photographiques de leurs oeuvres. Outre les accords d'exclusivité eux-mêmes, leurs avenants ainsi que les conditions de la négociation et les critères retenus devront faire l'objet d'une publicité dans un format électronique. À l'article 3, les députés ont également décidé que le montant des redevances serait révisé au moins tous les cinq ans. Dans un souci de transparence, ils ont enfin souhaité que leurs montants soient rendus publics (article 5).

Il convient d'avoir à l'esprit que tous les amendements, en commission et en séance publique, visant à élargir par trop le champ de la transposition, notamment en proposant des dispositifs plus souples en matière de réutilisation des données publiques, ont été écartés. Le rapporteur et le Gouvernement ont en effet pris soin d'éviter tout risque de « surtransposition » du texte européen, en application de la récente décision du Conseil constitutionnel, qui, le 13 août 2015, a amplement censuré la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne sur ce motif.

Indéniablement consensuel et strictement encadré par les obligations fixées au Parlement en matière de transposition, le projet de loi a été adopté à l'unanimité en commission des lois comme en séance publique par nos collègues députés.

Lors de sa réunion du 14 septembre, notre commission de la culture s'est saisie pour avis du projet de loi, qui sera discuté en séance publique le 26 octobre, la commission des lois, à laquelle incombe toute modification de la loi du 17 juillet 1978, étant chargée d'examiner le texte au fond.

J'ai, pour ma part, rencontré le 6 octobre le chef du service des affaires juridiques et internationales du secrétariat général du ministère de la culture et de la communication, le rapporteur général de la CADA, ainsi que les responsables des Archives nationales, de la Réunion des musées nationaux (RMN) et de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Hormis quelques points de détail que j'évoquerai dans un instant, tous se sont déclarés satisfaits de la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

De fait, comme je vous l'indiquais en préambule, la transposition de directive que nous examinons porte sur des sujets sur lesquels la France est déjà fort avancée. En outre, les arbitrages rendus en réunions interministérielles ont conduit à sortir du texte les mesures allant au-delà de la stricte transposition - gratuité mise à part - pour les renvoyer au projet de loi pour une République numérique qui devrait être examiné en 2016.

Pour autant, ne négligeons pas l'intérêt de ce texte, qui constitue une étape supplémentaire en matière d'open data. À cet égard, l'affirmation d'un principe de gratuité, dans le respect des contraintes propres des établissements culturels, me semble être une véritable avancée, comme l'introduction des ressources culturelles dans le champ de la loi de 1978.

Le Sénat a d'ailleurs toujours fait preuve d'un intérêt certain pour ces enjeux. Récemment, la mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques, présidée par Jean-Jacques Hyest avec pour rapporteure notre collègue Corinne Bouchoux, a ainsi proposé plusieurs mesures ambitieuses destinées à améliorer l'effectivité et l'exhaustivité de l'accès aux données et de leur réutilisation.

Je suis, pour ma part, convaincu des avantages de ce processus. La mise à dispositions des données représente un levier de croissance, d'innovation et d'emplois pour nos entreprises, un outil sans précédent de modernisation de l'État et des services publics et un instrument au service d'une démocratie plus transparente et collaborative.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale est conforme à ces objectifs. Il s'éloigne, en revanche, sur plusieurs points de la directive dont il assure la transposition en droit français. Si l'on peut approuver, par exemple, l'instauration d'un principe de gratuité pour la réutilisation des données publiques, d'autres initiatives me sont apparues moins pertinentes.

En particulier, la rédaction de l'article 1er B me semble par trop contraignante pour les collectivités territoriales, qui seraient dans l'obligation de mettre à disposition l'ensemble des documents sous forme électronique, alors que la directive en fait une simple possibilité.

De même, à l'article 2, le champ, élargi par l'Assemblée nationale, des éléments constitutifs des accords passés pour la numérisation des ressources culturelles devant être portés à la connaissance du public pose question : juridiquement, d'une part, s'agissant du respect du secret des affaires, économiquement d'autre part, en ce que cette disposition risque d'être préjudiciable au développement indispensable de ce type de partenariats.

J'envisageais donc de vous proposer de modifier le texte sur ces deux points. Mais la commission des lois, saisie au fond et réunie ce matin sur le même sujet, a prévu de porter elle-même ces deux amendements. J'en laisse, sans en prendre ombrage, la primeur à notre collègue Hugues Portelli, son rapporteur, l'essentiel étant que la rédaction issue des travaux du Sénat réponde à nos attentes.

La directive du 26 juin 2013 une fois transposée, le chantier de l'open data sera toutefois loin d'être clos. De fait, le projet de loi pour une République numérique, porté par Axelle Lemaire, devrait contenir des dispositions autrement plus ambitieuses s'agissant de l'open data, ainsi que le rappelait Clotilde Valter devant les députés. L'enjeu sera alors, mes chers collègues, de nous montrer modernes, certes, mais aussi attentifs à ce que les équilibres établis aujourd'hui soient préservés. Je pense notamment au respect du droit d'auteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je remercie notre collègue pour cet excellent rapport. Il est important que notre commission se saisisse des sujets qui la concernent. J'y suis particulièrement attentive. Au cas présent, je regrette, comme certains d'entre vous qui s'en sont déjà émus, que la commission des lois, qui se réunit aujourd'hui même, n'ait pas été en mesure de prendre en compte nos travaux avant son propre examen du texte. Je ferai part de ces difficultés au Président du Sénat afin d'améliorer, pour l'avenir, la coordination entre les différentes commissions.

Mme Corinne Bouchoux. - Je remercie le rapporteur pour la clarté de son propos et sa pédagogie sur les enjeux complexes de l'open data.

Je m'associe aux propos de la présidente. Il me semble important que la commission des lois soit attentive à la contribution des autres commissions au travail législatif. Je souhaite qu'à l'occasion des prochaines échéances législatives relatives à l'open data, le projet de loi pour une République numérique ou peut-être même le projet de loi dit « Macron 2 », notre commission de la culture soit davantage proactive, pour être mieux entendue en amont.

Ce projet de loi propose une transposition a minima de la directive européenne, dans un contexte où la France est déjà en retard dans son obligation de transposer et risque des pénalités financières. Il est donc urgent, du point de vue de nos équilibres budgétaires, de l'adopter. Je note que le texte est assez consensuel : il a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

Au-delà de ce projet de loi, modeste, notre commission devrait effectuer, dans un avenir proche, un travail sur la RMN et, plus particulièrement, sur son système de ressources propres, qui ne m'apparaît pas optimal du point de vue de l'accès de tous aux oeuvres.

Il me semble également important d'entendre les craintes des archivistes quant aux changements que la numérisation risque d'entraîner pour leur métier.

Enfin, comme le rapporteur l'a souligné, il est paradoxal de demander aux petites communes qui manquent de moyens des efforts en matière d'open data que l'État, au plus haut niveau, ne parvient à s'imposer. Il y a un souci de cohérence à avoir : l'effort doit s'appliquer à tous.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je m'associe aux propos de la présidente. Lorsque nous demandons à ce que l'avis de notre commission soit entendu en amont de l'examen du texte par la commission au fond, il ne s'agit pas d'une simple question de formalisme mais de notre capacité à participer à l'élaboration d'un texte législatif.

Sur le fond, je tiens à dire que le sujet dont nous débattons aujourd'hui est loin d'être secondaire. L'accès aux données publiques va devenir un important vecteur économique. Mais la constitution, aux fins de réutilisation possiblement gratuite, d'un important patrimoine immatériel rassemblant les informations détenues par l'État et les collectivités publiques, ainsi que les données culturelles, pose la question de l'utilisation de l'argent public et des moyens de la numérisation. Il n'est pas anodin de confier la numérisation des données publiques à des opérateurs privés qui, en échange du service rendu, exigeront l'exclusivité de l'exploitation.

Au cours du débat en séance publique, le groupe communiste, républicain et citoyen proposera des modifications au présent texte, tout particulièrement sur deux sujets : la définition de périodes d'exclusivité pour l'exploitation des fonds numériques et la création d'une plateforme de numérisation publique.

Mme Colette Mélot. - Étant par ailleurs membre de la commission des affaires européennes, je me réjouis que l'on soit désormais attentif au risque de « sur-transposition » de la législation européenne. Il faut en effet veiller à ne pas « sur-transposer » les directives européennes.

Mme Françoise Laborde. - Le groupe RDSE votera en faveur du rapport.

En matière d'open data, il faut être attentif à la distinction nécessaire entre ce qui relève de l'information d'origine administrative et les données culturelles.

Bien entendu, je regrette moi aussi que la commission des lois n'ait pas été en mesure de prendre en compte le point de vue de notre commission avant l'adoption de son rapport.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. - La question de la transposition des actes législatifs européens en droit interne est fondamentale. La notion de « sur-transposition » fait d'ailleurs écho aux difficultés de transposition liées à l'utilisation en droit européen de formulations juridiques qui n'ont pas cours au niveau national.

Le projet de loi n'opère pas une transposition a minima, madame Bouchoux. Il va même au-delà de ce que la directive prévoyait, notamment en ce qui concerne le principe de gratuité. Mais, je suis d'accord avec vous, on aurait pu aller plus loin. Le débat sur la République numérique prévu en 2016 nous permettra probablement d'avancer sur le sujet de l'open data.

Madame Gonthier-Maurin, la transposition n'apporte pas de changement majeur en ce qui concerne le rôle actuel des opérateurs privés en matière de numérisation des données culturelles, même si vous en déplorez le principe.

Enfin, je veux souligner que les deux sujets sur lesquels j'estimais nécessaire d'intervenir, à savoir les obligations des collectivités locales en matière de transmission numérique des informations et le respect du secret des affaires s'agissant des accords d'exclusivité, échappent au champ de compétence de la commission de la culture. Pour autant, compte tenu des contraintes de calendrier, j'ai engagé un dialogue en amont avec le rapporteur de la commission des lois, notre collègue Hugues Portelli, de manière à ce que la rédaction qu'il propose ce matin soit conforme à nos attentes. Cette démarche n'efface toutefois pas la nécessité d'une meilleure collaboration entre nos commissions pour le futur.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci, monsieur le rapporteur. Nous nous retrouverons lundi, à 16 heures, pour le débat en séance publique. Il me reste à soumettre au vote l'avis de notre collègue.

L'avis est adopté, le groupe communiste, républicain et citoyen s'abstenant.

La réunion est levée à 11 heures.