Mercredi 23 novembre 2016

- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président -

La réunion est ouverte à 9 h 15.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Défense » - Programme 146 « Equipement des forces » - Examen du rapport pour avis

La commission examine le rapport pour avis de MM. Jacques Gautier, Daniel Reiner et Xavier Pintat sur le programme 146 - Equipement des forces - de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis. - Le projet de loi de finances pour 2017 place le budget de la défense dans la situation rare d'un niveau de crédits supérieur aux prévisions de la loi de programmation militaire (LPM), révisée à la hausse en juillet 2015 avec le soutien de la majorité du Sénat.

Avec une prévision de plus de 32,68 milliards d'euros en crédits de paiement et hors pensions, le budget de la défense dépasse de 609 millions d'euros la dotation prévue en loi de finances initiale pour 2016, et de 417 millions d'euros la prévision de la LPM révisée.

Ce budget, pensions incluses - c'est-à-dire à la norme Otan - maintiendra l'effort national de défense à hauteur de 1,8 % du PIB. La dotation de l'agrégat « Équipement » s'élèvera l'année prochaine à 17,3 milliards d'euros, en hausse de 300 millions d'euros.

Cette inflexion était indispensable pour répondre à la dégradation du contexte sécuritaire, avec l'opération Sentinelle, et pour respecter les engagements pris par le Président de la République devant le Congrès en novembre 2015 et devant les armées en janvier 2016 : fin de la déflation des effectifs, prime aux militaires de l'opération Sentinelle, revalorisation de la condition de militaire, etc.

Inquiets des réticences de Bercy, vos rapporteurs sont intervenus auprès du Président de la République et du Premier ministre avant les arbitrages en conseil de défense, lesquels ont heureusement été favorables.

Cet ajustement des moyens de la défense s'inscrit dans une nouvelle trajectoire financière. La loi de juillet 2015 avait déjà accru les ressources financières de la défense de 3,8 milliards d'euros pour la période 2016-2019. Une nouvelle révision a été décidée par l'exécutif à la suite des attentats du 13 novembre 2015.

Le rapport du Gouvernement relatif à la programmation militaire pour les années 2017-2019 présente l'impact des décisions arrêtées en conseil de défense sur la trajectoire financière et capacitaire. Celles-ci entraînent, sur trois ans, un coût nouveau de près de 3 milliards d'euros : 775 millions pour 2017, près d'un milliard pour 2018 et 1,2 milliard pour 2019.

La dépense nouvelle est aux trois quarts concentrée sur les ressources humaines : hausse des effectifs pour près de 1,2 milliard d'euros entre 2017 et 2019 et amélioration des conditions du personnel pour 1 milliard d'euros sur la même période. À quoi s'ajouteront l'acquisition de nouveaux équipements et l'entretien programmé du matériel, 812 millions d'euros sur trois ans. La trajectoire ainsi ajustée vise à adapter l'armée aux nouvelles missions des forces sur le territoire national ; à équiper et entraîner les renforts opérationnels, dont les réservistes ; à donner les moyens d'intensifier les frappes dans les opérations de contre-terrorisme ; et à accentuer la montée en puissance du renseignement et de la cyberdéfense.

L'effort supplémentaire ne porte pas majoritairement sur les opérations extérieures, les Opex, ni sur l'accélération de la livraison des matériels, notamment les Griffon et les Jaguar, que souhaite le chef d'état-major de l'armée de terre. Nous regrettons que ces demandes s'accompagnent d'économies, avec la non-rénovation d'une partie du parc des vieux VAB et des AMX 10 RC.

Les modalités de financement de ces nouvelles mesures ne sont précisées que pour l'année 2017, et non pour 2018 ni 2019. Certes, cette situation tient compte du principe d'annualité budgétaire. Mais elle révèle aussi la limite technique et la faiblesse politique du choix du Gouvernement de ne pas avoir procédé à une nouvelle actualisation de la LPM... Si bien que le futur Président de la République devra dégager 6 milliards d'euros de plus entre 2018 et 2022.

L'an prochain, le financement des nouvelles dépenses sera assuré par 317 millions d'euros de rallonge budgétaire, 100 millions de recettes de cessions immobilières additionnelles et une économie de 358 millions, à redéployer. Il s'agit notamment de 205 millions d'euros escomptés de nouveaux gains sur le coût des facteurs - prix du pétrole et de certaines fournitures, cours de la monnaie - et d'un prélèvement de 50 millions d'euros sur la trésorerie du compte des essences, grâce à la baisse du prix des carburants. Le reste provient de l'actualisation des échéanciers financiers des programmes d'armement. Or des risques pèsent sur le montant de ces diverses ressources, par nature incertaines.

Avec l'ouverture de 100 millions d'euros de plus à consommer sur les recettes du compte « Immobilier », la prévision de ressources extrabudgétaires du budget de la défense pour 2017 s'élève ainsi désormais à 250 millions d'euros : 200 millions de produits de ventes immobilières - contre 100 millions d'euros dans la LPM actualisée en juillet 2015 - et 50 millions d'euros de produits de cessions de matériel. Le caractère aléatoire du calendrier et du produit de ces ventes, avec en particulier les demandes de la Ville de Paris en matière de logement social, fragilise ces ressources extrabudgétaires.

Elles ne constituent plus qu'une part très mineure du budget de la défense, mais il ne faudrait pas que cette part augmente trop, alors même qu'elle avait été réduite en 2015.

En intégrant 205 millions d'euros d'économies nouvelles sur le coût des facteurs, la construction du budget 2017 repose sur une prévision de 480 millions d'euros d'économies, puisque la LPM 2015 en avait déjà programmé 275 millions. Mais on ne sait quelle sera exactement la conjoncture économique ni le niveau d'activité opérationnelle des forces... De plus, ce calcul prend en compte des programmes d'équipement qui restent à lancer. Cette prévision constitue donc une prise de risque importante pour la gestion 2017.

En outre, le retard pris dans le paiement de la prime Sentinelle, promise à 10 000 militaires par le Président de la République en janvier 2016, est préoccupant. Cette prime doit être versée rétroactivement depuis le 1er janvier 2015, or elle vient seulement d'être intégrée dans le logiciel Louvois, dont on connaît les dysfonctionnements. Les intéressés recevront le montant à la rentrée 2017. Cela représente tout de même quelques dizaines de millions d'euros, or aucune recette ne semble prévue pour faire face à cette échéance ! Heureusement, le Gouvernement vient de me communiquer des éléments rassurants.

Il est heureux que le projet de collectif budgétaire déposé à l'Assemblée nationale vendredi dernier ait levé les inquiétudes quant aux mesures de régulation de la fin de gestion de l'exercice 2016.

Concernant l'état d'avancement des programmes d'armement, l'année 2017 sera encore marquée par de très nombreuses livraisons et commandes d'équipements. Le programme 146 est structuré en cinq systèmes de forces : la dissuasion ; le commandement et la maîtrise de l'information ; la projection, la mobilité et le soutien ; l'engagement et le combat ; enfin, la protection et la sauvegarde.

J'évoquerai ici le système de forces « projection-mobilité-soutien ». L'an prochain seront livrés 9 hélicoptères de transport et de surveillance NH90, dont 2 en version navale et 7 en version terrestre et 5 hélicoptères de transport tactique Cougar rénovés. Ces hélicoptères font l'objet de critiques répétées, en raison du coût prohibitif de leur maintenance, de l'immobilisation importante du parc qu'elle requiert et du manque de disponibilité opérationnelle qui en découle. Je vous renvoie au rapport pour avis de notre collègue député François Lamy.

Seront également livrés 3 avions de transport A400 M et 1 avion de transport tactique C130 J. Concernant l'A400 M, je rappelle qu'en raison des difficultés de développement et de production annoncées par Airbus au début de 2015, 8 des 15 avions qui seront livrés à l'armée de l'air d'ici à 2019 seront au standard initial, et serviront donc uniquement pour le transport logistique. Le plan d'action industriel présenté en juillet 2016 prévoit la livraison progressive jusqu'en 2020 des capacités tactiques attendues : extraction de charges lourdes par la rampe arrière, parachutage par les portes latérales, autoprotection contre des missiles, ravitaillement en vol d'hélicoptères et atterrissage sur terrain sommaire. La réalisation du plan a pris du retard.

Deux premiers A400 M dotés de capacités tactiques, ont été livrés en juin et juillet derniers. L'appareil attendu d'ici à la fin de cette année doit également correspondre à ce standard militaire. Encore faudra-t-il qu'Airbus respecte l'engagement pris par son président vis-à-vis du ministre de la défense.

L'acquisition de nouveaux C130 J a été décidée, conformément à l'actualisation de la LPM de juillet 2015, en raison de la tension sur la capacité de transport tactique et dans l'attente de la montée en capacité de l'A400 M. La commande de 4 appareils neufs a été effectuée en janvier 2016 auprès de l'armée de l'air américaine. La livraison d'un premier appareil est prévue en 2017, les trois autres d'ici à 2019.

Deux avions seront équipés afin de pouvoir ravitailler les hélicoptères en vol. Cependant, comme nous l'avons fait observer dès l'année dernière, seuls les Caracal en service dans l'armée de l'air sont munis de la perche permettant le ravitaillement en vol et seuls les Caracal peuvent être ainsi configurés. Cette faculté n'a pas été prévue pour le NH90.

Au début du mois d'octobre dernier, les ministres français et allemand de la défense ont annoncé leur intention de mutualiser une partie de leur flotte d'avions C130 J. C'est un élément de plus dans la coopération franco-allemande de défense. Et cela me semble très positif.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - Jacques Gautier, comme moi, considère donc que ce budget est bon... Chaque année, nous manifestons une inquiétude sur la fin de gestion de l'année en cours. Si celle-ci était défaillante, le budget suivant s'exercerait dans de mauvaises conditions. D'année en année, les conditions de fin de gestion ont toutefois été améliorées par des dégels successifs et la couverture des surcoûts de toute nature. Cette année comme la précédente, le dégel des crédits de la défense est entièrement réalisé et les surcoûts des opérations extérieures et intérieures sont intégralement couverts par la solidarité interministérielle ; 600 millions d'euros de crédits de 2015 ont également été débloqués. Les choses sont claires !

Le budget exécuté de l'année 2016 s'élèvera ainsi à 33,5 milliards d'euros, que l'on peut comparer à l'engagement pris dans la loi de programmation militaire. Les aspects techniques de ces opérations seront étudiés en commission des finances ; un décret d'avance sera signé, et la loi de finances rectificative précisera les détails.

La Cour des comptes a regretté que le financement des opérations extérieures ne soit pas suffisamment pris en compte dans le budget initial. Nous sommes d'accord. Nous n'avons inscrit à ce titre que 450 millions d'euros dans la loi de programmation militaire, alors même que les prévisions approchaient 1 milliard d'euros. Nous entendions ainsi ne pas pénaliser le budget de la défense, et notamment celui des équipements militaires. Ainsi que je l'ai dit devant le rapporteur de la Cour des comptes, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que le budget général prenne en compte les opérations extérieures dans une mission spéciale, en leur attribuant une somme plus raisonnable. Il en va de même aujourd'hui des opérations intérieures (Opint).

Les programmes d'armement sont décrits dans un document préparé par le ministère, listant les livraisons et les commandes prévues cette année. En ce qui concerne le système de forces « Engagement et combat », pour compléter les propos de Jacques Gautier, dans le respect du calendrier de la loi de programmation militaire seront livrés 3 avions Rafale dont 2 marine, 6 hélicoptères Tigre, une frégate multimissions (Fremm), les premiers véhicules blindés légers (VBL), et les premiers 5340 fusils d'assaut HK de nouvelle génération, choisis par appel d'offres parmi d'autres marques européennes pour remplacer le Famas : et seront commandés 12 000 de ces fusils, un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda, 20 engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar, 319 véhicules blindés multirôles (VBMR) Griffon, des VBL ; enfin, pour les forces spéciales, 23 véhicules poids lourd (PLFS) et 120 petits véhicules aérolargables de type fardier.

Nous nous réjouissons des efforts qui ont conduit au succès à l'export du Rafale. Un contrat a été signé avec l'Inde avec une première tranche de 36 avions annoncée dès avril 2015, après les contrats conclus avec l'Égypte et le Qatar pour 24 appareils chacun. Ces ventes ont permis de lever l'hypothèque budgétaire pesant sur loi de programmation militaire de 2013, l'État s'étant alors engagé à commander 11 appareils par an pendant six ans en cas de non-réalisation des objectifs à l'export.

Nous souhaitons en outre que soit étudiée l'idée d'une anticipation à 2017 du développement du standard F4 du Rafale, afin de préserver les compétences des bureaux d'étude.

Pour la marine, la réflexion sur les frégates de taille intermédiaire (FTI) a conduit à compléter le format Fremm par des frégates de plus petite taille, plus faciles à exporter. Cette réflexion conjointe de la DGA, DCNS et Thalès nous place à la pointe du progrès à l'échelle mondiale. Ces FTI représentent une avancée technologique majeure. La société DCNS peine toutefois à retrouver les compétences qu'elle a perdues, comme l'indique le retard de livraison du Barracuda.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. - En complément des exposés de Jacques Gautier et Daniel Reiner, dont, bien sûr, je partage les orientations, j'aborderai trois sujets : la dissuasion, l'espace, et les drones.

Concernant notre force de dissuasion nucléaire, en 2017, l'action stratégique « dissuasion » doit bénéficier de près de 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,8 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces sommes importantes ne doivent toutefois pas provoquer un effet d'éviction d'autres équipements.

La conjoncture internationale justifie le maintien de l'effort de dissuasion, qui est essentielle à la crédibilité de la France sur la scène internationale - elle justifie notre siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. La programmation militaire actualisée a renforcé les moyens de notre outil de défense, sans remettre en cause cet effort budgétaire, mobilisé pour les deux composantes de la dissuasion, aéroportée et océanique.

Dans les prochaines années, la modernisation du dispositif de dissuasion, en particulier de sa composante aéroportée, appellera d'importants investissements. Cet effort nécessaire devra faire l'objet d'une programmation financière pour soutenir les programmes de dissuasion, tout en conservant des marges de manoeuvre pour des opérations d'armements conventionnels. Ceux-ci permettent en effet de répondre aux menaces les plus pressantes, notamment le terrorisme.

Le budget pour 2017 intègre le financement de la poursuite de la rénovation indispensable à mi-vie du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré), des travaux de conception du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération, de l'adaptation au missile M51 du Téméraire, le dernier sous-marin livré, et de la quatrième génération des supercalculateurs Tera 1000.

Le tir d'acceptation du M51 effectué le 1er juillet dernier a été couronné de succès. Il s'agissait du huitième tir d'essai du programme et le premier du missile dans sa version 2 depuis le SNLE Le Triomphant, permettant ainsi de qualifier la tête nucléaire océanique. L'échec de 2013 paraît désormais lointain.

S'agissant de l'espace militaire, les crédits sont prévus à hauteur de 492 millions d'euros, contre 489 millions en 2016, mais 151 millions en 2015 et 389 millions en 2014. Ces fortes variations s'expliquent par le cycle des programmes.

La dotation vise principalement à financer les programmes d'imagerie optique et de radar (Musis), de renseignement électromagnétique (Ceres), et de communications par satellite (Syracuse IV). Les priorités du spatial militaire restent en effet les télécommunications, avec Syracuse IV, le renseignement, avec les programmes Musis et Ceres, ainsi que l'alerte avancée pour la défense antimissile, dont le calendrier a cependant été décalé au-delà de la période couverte par la LPM pour 2014-2019.

Le secteur spatial doit être soutenu en tant qu'enjeu de souveraineté et parce qu'il représente un enjeu scientifique, technologique et industriel - les technologies spatiales constituent un véritable laboratoire d'innovations. La France est un investisseur mondial de premier plan, derrière les États-Unis, qui dépensent 50 milliards d'euros, et sans doute derrière la Russie et la Chine, dont les budgets, que l'on ne connaît pas, approchent peut-être 10 milliards d'euros.

Il faut donc soutenir les coopérations européennes, comme le programme Musis, issu de la coopération décidée en mars 2015 entre le système allemand d'observation radar par satellite (SARah) et la composante spatiale optique (CSO) réalisée sous responsabilité française. Je rappelle qu'un troisième satellite CSO est financé aux deux tiers de son coût, soit 210 millions d'euros, par l'Allemagne, pour un lancement prévu en 2021, à la suite du lancement des deux premiers, lesquels sont financés par la France.

Concernant les drones, l'accord conclu l'année dernière entre l'Allemagne, l'Italie et la France, rejointes par l'Espagne, pour conduire une étude sur deux ans visant à déterminer les prérequis opérationnels et à élaborer le prototype d'une nouvelle génération de drones de moyenne altitude et de longue endurance (Male) à l'horizon 2025, marque la poursuite de l'effort de recherche. L'arrangement-cadre est entré en vigueur le 22 juin 2016 et la notification du contrat d'étude de définition est intervenue en septembre dernier. Les maîtres d'oeuvre en sont Dassault, Airbus-Allemagne et Leonardo - anciennement Finmeccanica - en attendant une possible participation industrielle de l'Espagne. Il sera toutefois difficile de produire un drone Male européen conjuguant la satisfaction d'un besoin militaire partagé et un coût susceptible de créer un marché.

Concernant les drones Reaper en service dans notre armée de l'air, la loi de programmation militaire a prévu d'ici à 2019 la livraison de 4 systèmes complets, comprenant chacun 3 vecteurs, pour un total de 12 drones.

Un premier système, composé de 2 vecteurs, a été livré sur la base aérienne de Niamey, au Niger, fin 2013 et officiellement mis en service au début 2014, puis complété par son troisième vecteur en mai 2015. Un deuxième système a été commandé en juillet 2015, pour une livraison prévue fin 2016, et la commande d'un troisième système a été passée en décembre 2015, pour une livraison en 2019. La commande du quatrième système est programmée pour la fin de l'année 2016, pour une livraison en 2019. Nous disposerons alors des 4 systèmes complets.

Ces Reaper servent de manière intensive dans la bande sahélo-saharienne. Ils ont amélioré de manière significative la capacité opérationnelle de nos forces, qui ne peuvent désormais plus se passer de cet apport essentiel en matière de renseignement.

Du côté de l'armée de terre, le programme de système de drones tactiques (SDT) vise à remplacer, à l'horizon 2017, les drones tactiques Sperwer actuellement en service. En janvier dernier, la DGA a choisi le Patroller de Sagem, de préférence au Watchkeeper de Thalès qui équipe les forces britanniques. Un des points forts du Patroller tient à sa boule optronique, offrant des performances remarquables pour l'identification d'objectifs. De même, son acceptation dans l'espace aéronautique français paraît plus facile. Le premier système opérationnel est attendu pour la fin de l'année 2018, le second, avec les moyens de formation et d'entraînement, en 2019.

Le chef d'état-major de l'armée de terre attend beaucoup du Patroller. Lors de son audition par notre commission, il a souligné que l'armée de terre et l'armée de l'air ne se concurrençaient pas dans ce domaine. Un prochain exercice commun est d'ailleurs prévu, dans lequel des avions et des drones de l'armée de l'air vont travailler avec des drones de l'armée de terre afin de démontrer leur complémentarité.

Les drones concernent aussi la marine, le salon Euronaval l'a montré comme notre récente audition de l'amiral Prazuck, chef d'état-major de la marine. À cet égard, les crédits du programme 146 comprennent les moyens de financement du système de lutte anti-mines marines du futur (Slamf), qui prépare le renouvellement de la capacité de guerre des mines pour remplacer le système actuel. La réalisation d'un prototype a été commencée en 2016 et se poursuivra l'année prochaine. En outre, je signale que les études et les expérimentations en vue de l'intégration d'un drone aérien sur les plateformes de la marine doivent être lancées d'ici à 2019, notamment au profit des futures frégates de taille intermédiaire.

Jacques Gautier, Daniel Reiner et moi-même émettons, sur les crédits du programme 146 prévus pour 2017, une appréciation positive. Sous réserve de l'avis des autres rapporteurs, nous recommandons l'adoption des crédits de la mission « Défense », quand bien même leur examen ne devrait pas aller jusqu'à la séance publique du Sénat.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Ce rapport conséquent est à la dimension du sujet ! Avant de donner la parole à nos collègues, je vous rappelle que le vote sur les crédits de la mission se fera à la fin de l'examen de l'ensemble des rapports pour avis sur les divers programmes.

M. Jean-Marie Bockel. - Certains de nos collègues se sont livrés pour la dernière fois à cet exercice du rapport budgétaire, cela a été relevé dans le monde militaire, qui est très respectueux de leur remarquable travail.

Devrions-nous travailler sur le renouvellement des matériels aéroportés ? Le rapport de notre collègue député Lamy, mentionné par Jacques Gautier, fait le point sur la question, et des militaires affirment qu'une amélioration commence à être perceptible. Ce n'est toutefois pas le cas partout.

Les rapporteurs pour avis peuvent-ils développer cette question, surtout si nous ne sommes pas amenés à l'étudier de manière approfondie ?

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis. - Le rapport Lamy est très précis, mais il est trop tôt pour en dire plus. L'armée de terre dispose de 300 hélicoptères, dont seuls 100 sont disponibles, quand il en faudrait au moins 150. S'il est normal que le parc se partage entre les appareils en rénovation et ceux qui sont en phase opérationnelle, le rapport ne saurait se maintenir à un sur trois.

L'industriel a conçu des hélicoptères modernes et sophistiqués, mais l'armée a également besoin d'équipements plus rustiques. Il faudra un jour parvenir à faire coïncider l'intelligence demandée aux matériels et la réalité de leur emploi.

Quant à l'hélicoptère interarmées léger, le HIL, Airbus souhaite proposer un hélicoptère commun aux trois armées, dont les besoins sont pourtant différents. Un programme commun déboucherait sur un six-tonnes cher, sophistiqué, dont les coûts d'entretien seraient exorbitants. Cela ne correspond pas aux besoins des armées. Nous devons donc rester vigilants.

M. Jean-Marie Bockel. - Il y a matière, peut-être, à un travail de la commission ?

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Assurément. Nous verrons cela le moment venu.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - Nous souhaitions mener ce travail. La situation des régiments d'hélicoptères - ceux engagés en Centrafrique, dans l'opération Barkhane ou en France - n'est pas satisfaisante. Les Allemands connaissent les mêmes difficultés - mais cela ne règle pas nos problèmes !

Nous voulions comprendre comment nous en sommes arrivés là. Dans son rapport sur l'aviation légère de l'armée de terre, M. Lamy a livré dix éléments d'explication ; il reste à trouver les dix solutions correspondantes. Le ministre de la défense a amorcé, il y a un an et demi, une réflexion incluant toutes les parties prenantes. Les rapports d'étape analysant les difficultés ont été présentés devant le comité exécutif restreint (COMEX) du ministère, mais les solutions tardent à émerger. Les responsabilités sont partagées entre tous les acteurs. Le constructeur, d'abord, est en situation de monopole et s'intéresse plus au civil qu'au militaire. Il fabrique donc des hélicoptères dérivés du civil, qui ne conviennent pas aux militaires. Le processus de maintien en condition opérationnelle comprend beaucoup d'étapes, dont chacune requiert un délai, durant lequel rien n'est fait. Ainsi, un Tigre peut rester 360 jours au sol pour entretien, parce qu'il aura fallu 100 jours pour obtenir les documents, puis 100 jours pour recevoir les pièces, et ainsi de suite.

Nous voulions taper du poing sur la table, identifier et analyser les responsabilités, afin de sortir enfin de cette situation insupportable. Nous n'étions d'ailleurs pas d'accord avec les achats nouveaux. Les hélicoptères sont trop importants, aujourd'hui, dans l'aérocombat, pour que l'on s'en prive ainsi. Au vu de la mobilisation du ministère, nous sommes optimistes. Mais nous devons lancer un cri d'alarme, et condamner l'immobilisme.

M. Jean-Paul Émorine. - C'est Airbus qui a repris EADS, donc Eurocopter, et l'État en est actionnaire. Ne peut-il pas imposer un programme ? Airbus vend des appareils dans 180 pays, cette entreprise doit être en mesure de fournir les hélicoptères qui conviennent aux besoins des armées !

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis. - Je réponds ici à une question que m'avait posée Joël Guerriau au sujet du pôle d'excellence franco-britannique sur les missiles. Notre collègue s'interrogeait sur l'utilisation d'uranium appauvri dans les vecteurs qui en sont issus. Toutefois, un député a directement posé la question au Gouvernement, à propos des missiles que nous achetons aux Américains. Dans sa réponse, le ministre a assuré que la France n'achetait pas d'armes contenant de l'uranium appauvri.

Enfin, je rappelle la position des rapporteurs sur les crédits inscrits pour 2017 dans le programme 146 : elle est favorable.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Défense » - Programme 178 « Préparation et emploi des forces » - Examen du rapport pour avis

La commission examine le rapport pour avis de MM. Yves Pozzo di Borgo et Mme Michelle Demessine sur le programme 178 - Préparation et emploi des forces - de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis. - Michelle Demessine et moi-même sommes globalement satisfaits de l'évolution des crédits du programme 178, mais nous restons vigilants sur certains points.

Les crédits de paiement sont stables, augmentant de 0,27 % pour s'établir à 7,29 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement diminuent de 8,8 %, à 7,27 milliards d'euros. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une nouvelle augmentation de 6,8 % des autorisations d'engagement dédiées à l'entretien programmé du matériel. Cela me semble nettement insuffisant, en raison du croisement des courbes attendu en 2018 dans le domaine du maintien en condition opérationnelle du matériel terrestre.

Le nouveau modèle de maintien en condition opérationnelle à l'horizon 2025 repose sur une évolution de la maintenance industrielle, dont la part assurée par l'État va diminuer avec les crédits du titre 2. Cette baisse a pour corollaire l'augmentation des dépenses du titre 3, qui comprennent à la fois les dépenses transférées du titre 2 vers le titre 3 pour que la maintenance bascule de l'État vers le secteur industriel, la surutilisation et la surusure de nos équipements militaires - les équipements militaires s'usent six fois plus vite durant l'opération Barkhane qu'en métropole - et l'obsolescence de nombreux parcs, laquelle entraîne des coûts de maintien en condition opérationnelle exagérément hauts. On peut ainsi se demander s'il est pertinent de reconstruire des véhicules légers tactiques polyvalents P4 au prix de 300 heures de maintenance et pour un coût de 30 000 euros plutôt que d'acheter sur étagère un véhicule remplissant le cahier des charges pour un prix certainement inférieur.

L'intensité des phases de combat, le rythme des opérations, leur âpreté et la dureté physique des théâtres d'opérations conduisent à une surconsommation des équipements, donc à leur vieillissement accéléré et à l'augmentation de la casse. Il en résulte une charge de maintenance encore plus élevée, qui sera confiée au secteur privé et qu'il faudra financer. Le seul financement du délestage d'activités vers le privé a été évalué à près de 500 millions d'euros sur la période 2017-2022. Mais la sur-usure des équipements et la surintensité de leur exploitation par rapport au contrat opérationnel initial ne sont, à ce jour, pas pleinement chiffrées. Selon le chef d'état-major de l'armée de terre, le financement de ce nouveau modèle de maintien en condition opérationnelle est envisagé pour 2017 et 2018, mais n'est pas garanti au-delà. Une lourde hypothèque pèse donc sur la prochaine loi de programmation militaire, d'autant que ces difficultés concerneront certainement également le maintien en condition opérationnelle des matériels aériens. C'est le capital opérationnel de notre armée qui est en jeu !

Dans la loi de programmation en cours, l'enveloppe nécessaire pour le total des besoins de maintien en condition opérationnelle serait plus proche des 800 millions d'euros que des 500 millions d'euros distribués entre 2016 et 2017 au titre de l'actualisation de 2015. Il manque donc 300 millions d'euros. Ce montant peut être rapproché des gains liés aux coûts de facteurs, soit 317 millions d'euros issus de l'évolution favorable des indices économiques sur la période 2016-2019, transférés au programme 146. Pour l'année 2017, ce transfert représente près de 117 millions d'euros, principalement ponctionnés sur le carburant opérationnel, le fonctionnement et les petits équipements.

Nous risquons toutefois de découvrir, à l'occasion de la prochaine loi de programmation militaire, que ces économies ont été calculées trop largement. Nous recommandons donc vivement au Gouvernement d'évaluer la possibilité d'avancer les livraisons de matériels neufs lorsque cela revient moins cher que l'entretien des parcs vieillissants. Je pense au remplacement des VAB par les Scorpions, par exemple.

J'ai souhaité cette année approfondir un sujet déjà considéré comme essentiel l'année dernière, et que les chefs d'état-major ont évoqué à de nombreuses reprises : le retour des opérations de soutien à l'exportation, le Soutex.

L'exportation de nos armements était une condition sine qua non au maintien en activité de la chaîne de production du Rafale à son minimum de 11 appareils par an, sans l'achat par le ministère de la défense de 40 appareils en plus des 26 prévus dans la loi de programmation militaire. Le montant des commandes annuelles d'armement français est passé de 5,1 milliards d'euros en 2010, à 6,9 milliards d'euros en 2013, 8,2 milliards d'euros en 2014 et 16 milliards d'euros en 2015. Il avait déjà atteint ce palier en juin 2016. La condition sur laquelle reposait le financement de la loi de programmation militaire est donc satisfaite.

Le décret de 1983 organise le Soutex et prévoit que les industriels remboursent la participation des militaires. Toutefois, seules les dépenses supplémentaires sont concernées et non les dépenses courantes. Les frais supplémentaires de maintien en condition opérationnelle des matériels vieillissants, utilisés plus longtemps pour permettre à l'industriel d'exporter les frégates ou les rafales qu'il aurait dû livrer à nos armées, ne sont pas non plus pris en charge. Le maintien en service actif du Montcalm et du Primauguet en témoigne !

L'année dernière, j'avais interpellé le ministre en séance publique afin qu'il évalue l'incidence des exportations d'armement et chiffre la compensation nécessaire. Un groupe de travail a été mis en place pour étudier les adaptations nécessaires du décret de 1983 afin que les armées récupèrent la totalité des recettes liées au remboursement des prestations de Soutex. La refonte envisagée vise à abolir la distinction entre dépenses courantes et supplémentaires, afin d'en simplifier l'utilisation par les services du ministère et de permettre le retour au budget du ministère de la défense de la totalité des rémunérations perçues, suivant la procédure des attributions de produit (rattachement aux programmes qui ont supporté la dépense). Le groupe de travail ad hoc a élaboré un projet de document en ce sens en mars 2016. Il nécessite encore des aménagements rédactionnels et une étude d'impact.

Cette évolution est encourageante. Il faut aller plus loin, pour que les industriels prennent en compte l'effort de soutien à l'exportation réalisée par nos armées et baissent le coût du maintien en condition opérationnelle.

Enfin, je souhaiterais qu'on mette en place au sein des armées, certainement sous le contrôle du chef d'état-major, une direction commerciale, chargée d'étudier l'impact économique des activités militaires. Elle veillerait à la valorisation des avancées spectaculaires du SSA qui a notamment mis au point le sang lyophilisé désormais universellement reconnu et utilisé sans en tirer les bénéfices économiques. Elle prendrait également en compte l'impact du Soutex sur la croissance et le développement des industries d'armement. Elle veillerait globalement à la valorisation des actions de notre armée sur le modèle des services de valorisation de la recherche universitaire.

Enfin, dans la mesure où la commission s'est rendue au Val-de-Grâce en avril l'année dernière, j'attire votre attention sur la mise en oeuvre progressive du nouveau modèle d'organisation du Service de santé des armées (SSA), découlant de son projet de service intitulé « Service de santé des armées 2020 ». La réforme engagée me semble très bien menée, comme j'ai pu le constater lors d'une journée de travail au Val-de-Grâce et des auditions organisées sur place avec le directeur de l'école du Val-de-Grâce, le médecin-chef du SSA et ses services. Le service de santé des armées s'est pleinement approprié cette réforme, il ne la subit pas, il l'utilise pour se renforcer.

Je tiens à saluer l'action du service de santé qui a contribué au soutien des populations civiles au cours et dans les suites des attentats de 2015. L'action du SSA a été particulièrement significative non seulement dans la prise en charge des blessés physiques mais aussi dans celle des blessés psychiques : parmi les 52 blessés pris en charge dans la nuit (17 à Percy et 35 à Bégin proche de certains lieux d'attentats), 18 étaient des urgences absolues. Il y a eu 50 interventions chirurgicales en 48 heures et 13 admissions en réanimation.

Ces blessés ont bénéficié de stratégies et techniques de prise en charge largement utilisées et éprouvées en Opex, notamment le Damage control et la transfusion de plasma lyophilisé qui est systématiquement utilisée en première intention en cas d'hémorragie sévère d'origine traumatique dans tous les hôpitaux d'instruction des armées (HIA) comme en Opex.

L'entière capacité des hôpitaux militaires était reconstituée dès le dimanche soir, grâce à ceux qui se sont présentés spontanément pour assurer la relève du personnel engagé dans la nuit du 13 au 14 novembre. Dès le matin du samedi 14 novembre, à la demande de la direction générale de la santé, une cellule d'aide médico-psychologique a été mise en place sur le site de l'École militaire pour armer un dispositif d'aide aux familles.

En outre, depuis plusieurs mois, le SSA fait bénéficier la communauté médicale de son expérience en matière de médecine de guerre. À la demande de la direction générale de la santé et de la direction générale de l'offre de soins, le SSA, en collaboration avec le centre national des urgences hospitalières (CNUH), a participé à l'ingénierie d'une formation à la chirurgie de guerre, en particulier au Damage Control, au profit des praticiens civils. Deux sessions nationales de formation de formateurs ont eu lieu à Paris, à l'École du Val-de-Grâce en avril et à au CRHU de Lille en mai. Environ 350 formateurs y ont assuré la formation d'un millier de praticiens, en priorité dans les régions concernées par l'organisation d'Eurofoot 2016. Ces actions s'inscrivent dans le cadre de la participation du SSA à la résilience de la nation que je tenais à saluer.

Je m'en remets à la sagesse de la commission sur l'adoption des crédits du programme 178. Mais serait-il courageux de s'abstenir ? Peut-être pourrions-nous voter positivement malgré les nombreuses réserves que je vous ai exposées.

Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis. - Je partage le jugement paradoxal du général de Villiers : le budget est bon, mais des inquiétudes sérieuses persistent, notamment sur la disponibilité technique opérationnelle (DTO).

Alors que le niveau des engagements extérieurs de la France n'a pas diminué et que les achats d'équipement se traduisent très lentement en livraison d'équipements nouveaux, les efforts budgétaires et les réformes structurelles engagées commencent à porter leurs fruits de sorte que les objectifs de la DTO sont en légère augmentation. Pour autant, si la DTO des hélicoptères de manoeuvre de l'armée de terres augmente de 15 % par rapport à 2016, elle ne permet de remplir que 57 % du contrat opérationnel.

La disponibilité des chars Leclerc souffre de l'engagement du personnel en charge de sa maintenance sur l'opération Sentinelle, et celle des chars AMX 10 RCR du vieillissement du parc, malgré les efforts de prolongation de sa durée de vie. Le parc des VAB souffre d'un déficit de régénération, celui des VBCI des actions de rétrofit qui augmenteront l'encours chez l'industriel.

Dans le même temps, le coût de la fonction de maintien en condition opérationnelle, mesuré par l'indicateur n° 6-2 du projet annuel de performance, augmente. Les coûts sont passés de 61 à 65 euros entre 2014 et 2017 pour le coût moyen de la fonction maintien en condition opérationnelle (MCO) terrestre par matériel et jour de préparation opérationnelle. La cible est fixée à 63 euros pour 2017, mais il est d'ores et déjà prévu qu'elle soit en dépassement. Le coût transitoire de la fonction MCO navale par jour de disponibilité de la flotte est passé de 57 000 à 61 000 euros entre 2014 et 2015. Ce coût semble se stabiliser depuis 2016 à 57 000 euros. Mais la cible pour 2017 remonte à 59 000 euros.

En revanche, le coût moyen de la fonction MCO aéronautique à l'heure de vol est passé de 11 149 euros en 2014 à 10 706 euros. La cible pour 2017 est de 10 268 euros. Cette évolution s'explique par la diminution des vieux équipements, coûteux en entretien, et la tendance à la baisse du coût moyen d'heure de vol des matériels de nouvelle génération au gré de la maturation des équipements et du système de MCO : il s'agit des effets de plans de fiabilisation, de la rentabilisation des systèmes de MCO et des économies d'échelle liées à l'augmentation du parc livré aux forces. Cela justifie les réflexions formulées devant notre commission sur le modèle économique du maintien en condition opérationnelle. Comme mon collègue, j'ai été frappée par le fait que l'accélération des livraisons d'équipements neufs engendrerait des économies sur les crédits d'entretien programmé du matériel et des gains d'efficacité de nos forces, si elle était soutenable par l'industriel. Elle améliorerait également le moral des troupes.

Près de 5 milliards d'euros sont consacrés au MCO, dont 2 milliards de masse salariale destinés à la rémunération des catégories de personnel du ministère, militaires et civils, chargés de ses fonctions, et 3 milliards consacrés à l'entretien programmé du matériel. Ce type d'externalisation est assez captif dans la mesure où les industriels font ce qu'ils savent, veulent et peuvent faire. La qualité de l'entretien programmé du matériel, notamment hors de France, suscite des questions, notamment sur les délais. J'ajouterai que la projection sur les théâtres d'opérations des catégories de personnel non militaire chargées de l'entretien programmé du matériel n'est pas évidente. La qualité de certaines prestations laisse à désirer. Enfin, les industriels n'ont pas toujours intérêt à maintenir une chaîne d'entretien programmé du matériel qui soit compatible avec la durée de vie extraordinairement rallongée de la plupart de nos parcs d'équipement.

Il me semble donc indispensable que le ministère de la Défense conserve en interne les compétences permettant d'entretenir les équipements dont la durée de vie est souvent plus longue que ce que le modèle industriel prévoit.

Lors de l'audition du directeur central de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel terrestre (SIMMT), nous avons appris que la capacité de maintenance industrielle étatique était fortement menacée. On prévoit 2 500 départs à la retraite entre 2015 et 2025. Il faut préserver cette compétence ! Des ajustements ont été proposés et validés par le comité ministériel des investissements, pour réduire les effectifs à 1 600 personnes et accroître la part de l'entretien programmé du matériel terrestre à due concurrence. Pour cela il faut pouvoir recruter 160 personnes par an pendant 10 ans, sur un statut suffisamment attractif pour concurrencer le secteur privé. Les résultats des derniers recrutements sont très mauvais, les candidats ayant réussi le concours préférant se désister plutôt que d'occuper des postes en province. Il faudrait explorer la possibilité de créer des concours régionaux et d'adapter les modalités de recrutement.

Nous nous étions intéressés l'année dernière au maintien en condition opérationnelle des équipements aéronautiques, et nous avions rencontré à Mérignac le directeur de la structure intégrée dédiée et le directeur du service industriel aéronautiques. Nous continuons de prêter une grande attention aux crédits dédiés à la préparation des forces aériennes. Si les crédits de paiement de cette action diminuent de 1,4 %, en 2017, les autorisations d'engagements destinées à l'équipement programmé des matériels progresseront de plus de 20 %. Un engagement pluriannuel de 530,51 millions d'euros est prévu dans le PLF pour 2017 pour financer notamment le lancement du programme de modernisation de la formation et d'entraînement différencié des équipages de l'aviation de chasse (Fomedec).

Dans le domaine du maintien en condition opérationnelle aéronautique, on constate que la remontée de la disponibilité des équipements en Opex est globalement satisfaisante, mais que la disponibilité des hélicoptères pose toujours problème. La mise en oeuvre d'une chaîne logistique efficiente dite Supply chain semble progresser lentement. La mise en oeuvre du projet Simmad « CAP 2016 » est une orientation prometteuse. Il convient pour qu'elle puisse produire tous ses effets que le service industriel de l'aéronautique (SIAé) dispose de suffisamment de moyens humains pour exercer sa mission. Dans cette perspective, le recrutement d'ouvriers d'État, soit 160 en 2016, et 165 en 2017, répond à un besoin avéré.

La préparation opérationnelle est le gage de notre réactivité et de notre efficacité ; c'est aussi l'assurance de la sécurité du personnel. Les pilotes d'hélicoptères doivent obligatoirement s'entraîner pour être capables de poser leur machine sur le pont d'envol d'un bateau de la marine.

Les problèmes de disponibilité du matériel expliquent largement le fait que l'activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10 % en deçà des normes reconnues par l'Otan, et des objectifs exprimés par la loi de programmation militaire pour 2014-2019. À ces effets déjà connus, il faut ajouter ceux de l'opération Sentinelle qui a un impact durable sur les armées dans de nombreux domaines : contrats opérationnels, préparation opérationnelle et soutiens.

L''armée de terre est lourdement affectée en raison de son niveau d'engagement dans l'opération Sentinelle, qui aura mobilisé plus de 70 000 de ses soldats en 2015. Jusqu'au terme de la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT) à 77 000 hommes en 2017, l'armée de terre engage et hypothèque son capital opérationnel. Elle doit ainsi consentir à des renoncements et s'adapter pour être en mesure de remplir les contrats opérationnels qui lui ont été assignés.

Les renoncements qui se traduisent par des suppressions ou adaptations d'activités impliquent une stricte limitation de la préparation opérationnelle qui se concentre sur la réalisation des missions programmées, c'est-à-dire les mises en condition finale (MCF) avant engagement opérationnel.

La plupart des exercices interarmées ou internationaux ont ainsi été soit annulés soit dégradés et le maintien du dispositif Sentinelle à 10 000 hommes durant l'été 2016 a conduit à de nouvelles annulations d'exercices programmés au second semestre.

La formation initiale ayant été affectée en 2015, l'aptitude opérationnelle des nouvelles unités de jeunes cadres est différée.

La préparation opérationnelle métiers connaît un ralentissement important, alors que la dégradation du socle des fondamentaux qui en découle risque d'avoir des incidences négatives sur l'exécution des missions à venir.

La préparation opérationnelle interarmes se limite aux mises en condition finale et à quelques rares évaluations, au détriment de l'entraînement générique. Il en résulte des prérequis non atteints et irrattrapables en MCF, et là encore, une usure du socle de compétence interarmées.

La cible en volume d'activités de l'armée de terres de 2016, soit 83 jours de préparation opérationnelle, ne sera pas atteinte. La réalisation annuelle est estimée à 75 jours de préparation opérationnelle pour l'année. La cible fixée pour 2017 est de 81 jours, soit un niveau inférieur aux 84 jours de préparation en 2014 et bien loin des 90 jours fixés comme objectif par la loi de programmation militaire. En 2017, la qualité de cette préparation restera déséquilibrée, puisque la moitié des journées de préparation opérationnelle sont dorénavant consacrées à la formation initiale au détriment de la préparation opérationnelle métier et de la préparation opérationnelle interarmes. Cette situation est préoccupante et fera l'objet de toute notre attention.

L'armée de terre n'est pas la seule à souffrir d'une trop faible préparation opérationnelle : c'est également le cas de l'armée de l'air. Du fait du retard de la mise en place de Fomedec, l'entraînement différencié n'est pas encore opérationnel. Le capital opérationnel de nos armées, humain et matériel, est soumis à rude épreuve. À nous d'être vigilants pour le préserver.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je félicite les rapporteurs pour l'excellence de leur travail. Monsieur Pozzo di Borgo, je ne crois pas que tous les militaires soutiennent et accompagnent la fermeture du Val-de-Grâce. Je partage le souci de rationalisation du ministre ; et les militaires sont trop disciplinés pour contester cette décision. Il n'en reste pas moins que certains s'en sont plaints à titre personnel. Le Val-de-Grâce est un outil d'excellence, d'efficacité et de diplomatie dont le manque se fera sentir. Peut-être faudrait-il amender votre rapport pour éviter d'y affirmer que « tous les militaires » soutiennent la fermeture ?

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis. - Un problème de financement nous oblige à ne conserver que quatre structures, et le Val-de-Grâce n'en fait pas partie. Il ne subsistera donc que dans sa dimension historique, avec l'école et le musée. Tous les responsables des armées sont favorables au maintien de ces deux institutions. L'hôpital du Val-de-Grâce ne relève plus du ministère de la Défense, puisqu'il a été mis en vente. Le ministère du Budget a délégué l'opération à la préfecture. Il est regrettable qu'un certain nombre de biens immobiliers du ministère de la Défense soient bradés à la Ville de Paris. J'espère que l'hôpital du Val-de-Grâce sera vendu au prix du marché et ne subira pas le même sort que l'Ilot Saint-Germain, bradé par le ministère de la Défense pour y construire des logements sociaux.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Très bien !

Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis. - Les communistes s'abstiendront sur les crédits de la mission  « Défense », en raison de leur désaccord sur la dissuasion nucléaire.

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis. - Pour ma part, je m'abstiendrai.

- Présidence de M. Christian Cambon, vice-président -

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Défense » - Programme 212 « Soutien de la politique de défense » - Examen du rapport pour avis

La commission examine le rapport pour avis de MM. Robert del Picchia et Gilbert Roger sur le programme 212 - Soutien de la politique de défense - de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. - Le volet « Ressources humaines » du budget de la défense tire les conséquences de la décision prise par le Président de la République à la suite des attentats de novembre 2015 de stopper les déflations prévues dans le cadre de la programmation militaire, décision qui s'est traduite par la définition d'une nouvelle trajectoire d'effectifs, validée lors du Conseil de défense du 6 avril 2016.

La suppression de 10 000 postes a été annulée entre 2017 et 2019. Alors que les déflations nettes auraient dû représenter, selon la loi de programmation militaire initiale, plus de 33 000 postes sur la durée de programmation, et 15 000 autres au terme de l'actualisation votée en juillet 2015, elles ne représenteront plus au final que 15 000 postes.

De quoi réduire la pression excessive qui pesait sur nos armées depuis 2015 du fait du déploiement de l'opération Sentinelle sur le territoire national et de la poursuite simultanée de nos engagements extérieurs. Quelques chiffres suffisent à illustrer l'intensité opérationnelle : le nombre moyen de jours en projection, que ce soit en Opex, en opération intérieure (Opint) ou en mission de courte durée, a augmenté de 43 % entre 2014 et 2015. Les conséquences de cette forte sollicitation se font sentir, aussi bien sur la préparation opérationnelle, qui a diminué de 24 % entre 2014 et 2015, que sur les conditions de vie du personnel, avec un allongement du temps passé loin du régiment et un report des permissions.

En 2017, la réorientation de la trajectoire des effectifs se traduit par la création nette de 400 postes en plus des 64 nouveaux postes destinés au SIAé. Les dépenses de rémunération augmenteront en conséquence de 355 millions d'euros, et les pensions de 295 millions d'euros.

L'arrêt des déflations entraînera également la baisse des crédits consacrés au plan d'accompagnement des restructurations (PAR), avec une économie de 63 millions d'euros dégagée en 2017. Ce plan, qui comprend les mesures d'incitation au départ comme le pécule et les aides à la mobilité, est néanmoins maintenu, à hauteur de 91 millions d'euros, pour accompagner les transformations en cours. N'oublions pas que la défense poursuit parallèlement son indispensable manoeuvre RH, combinant flux de départs, recrutement et déploiement des postes. Ce double levier (annulation des déflations et transformations) servira à renforcer les capacités opérationnelles des trois armées en 2017, à créer des postes dans le domaine du renseignement et de la cyber défense et à doter les organismes de soutien de moyens supplémentaires.

Ce changement d'orientation influe positivement sur le moral des troupes : de nouvelles unités ont été créées, comme la troisième division Scorpion à Marseille ou le cinquième régiment de dragons à Mailly-le-Camp, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps !

Il n'en était pas moins nécessaire de prendre en compte la suractivité des différentes catégories de personnel. C'est ce que fait le volet RH du plan d'amélioration de la condition du personnel, financé par les crédits de titre 2 du programme 212. Ce plan crée notamment une indemnité d'absence cumulée (IAC) pour compenser l'absence du domicile au-delà de 150 jours par an, sur la base d'un montant journalier progressif ; il prévoit également la possibilité d'indemniser deux jours supplémentaires de permissions complémentaires planifiées sur les sept auxquelles les militaires ont droit, afin de tenir compte de leurs difficultés à en bénéficier effectivement. D'autres mesures figurent dans ce plan comme l'extension de l'indemnité de sujétion spéciale d'alerte opérationnelle (Aoper) et l'application des mesures générales de la fonction publique au personnel protégeant l'ensemble des sites du ministère.

Les crédits consacrés au versement des allocations chômage aux anciens militaires, destinées à 80 % aux militaires du rang, continuent d'augmenter et représentent une enveloppe de 157 millions d'euros en 2017.

Enfin, la dotation destinée aux réserves augmente de près de 30 %, à 126,5 millions d'euros en 2017, pour accompagner la montée en puissance de la Garde nationale, annoncée en Conseil des ministres le 12 octobre 2016 et constituée des réserves des armées, de la police et de la gendarmerie. L'objectif est d'atteindre, dès la fin de l'année 2018, un effectif de 40 000 réservistes opérationnels, un niveau d'emploi de 4 000 hommes par jour et une capacité permanente de déploiement sur le territoire national de 1500 hommes par jour.

L'augmentation de 58 %, à 15 millions d'euros, des crédits de titre 2 consacrés aux Opint - soit une enveloppe de 41 millions d'euros - reste, en revanche, très en-deçà des besoins. Rappelons que pour l'année 2016, ces dépenses sont estimées à 145 millions d'euros.

Au final, les crédits de titre 2 du programme 212 pour 2017 s'établissent à 11,6 milliards d'euros hors pensions, soit une hausse de 328,4 millions d'euros par rapport à 2016. Avec les pensions, les crédits de titre 2 s'établissent à 19,8 milliards d'euros.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis. - Nous vous présenterons un amendement à propos de Sentinelle. Je vous proposerai de le signer tous, puis nous le transmettrons à l'Assemblée nationale, à moins que nous ayons finalement l'occasion d'en parler en séance publique ?

J'ai effectué une visite à Vincennes le 10 novembre dernier pour rencontrer les responsables des trois niveaux de la chaîne du recrutement de l'armée de terre : la sous-direction du recrutement (SDR) de l'armée de terre, le groupement de recrutement et de sélection (GRS) de l'Ile-de-France et le centre d'information et de recrutement des forces armées (Cirfa) de Paris.

Le recrutement représente un défi tout particulier pour l'armée de terre, qui doit relever sa force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes d'ici 2017. Ces 11 000 recrutements supplémentaires viennent s'ajouter au flux habituel de recrutements, dans des délais très resserrés, afin d'enrayer la suractivité et d'en atténuer les conséquences (sous-entraînement, sur-absentéisme de la garnison, etc.). Près de 17 000 militaires ont déjà été recrutés en 2016, dont près de 15 000 militaires du rang (contre 7 000 en 2014) et l'on envisage d'en recruter encore 15 000 en 2017, dont 12 000 militaires du rang.

Pour relever ce défi, il a fallu développer la chaîne du recrutement, articulée autour de cinq groupements de recrutement et de sélection (GRS) situés à Nancy, Rennes, Lyon, Bordeaux et Vincennes, et de 104 Cirfa, dont 42 sont interarmées. Cette chaîne mobilise environ 1 000 personnes environ, qui sont également confrontées au problème de la suractivité. Les campagnes de communication se sont multipliées dans les médias, insistant sur les valeurs de l'armée. Enfin, les régiments ont reçu pour mission de dynamiser le recrutement local, qu'il s'agisse de militaires du rang ou de réservistes.

Les attentats ont eu un impact très fort sur les recrutements, avec un pic de demandes d'information au lendemain du 13 novembre 2015, effet qui s'est répété à chaque nouvel événement tragique.

Les motivations des candidats sont diverses : ouverture sur le monde et socialisation, accès à l'emploi, vocation, besoin de repères, volonté de dépassement personnel... Parmi eux, 60 % viennent d'abord pour combattre, et 40% sont motivés par la recherche d'un métier à dominante technique. Les candidats dotés de compétences techniques rechignent fréquemment à les faire valoir, car ils entrent dans l'armée « pour faire autre chose », notamment combattre. Le rôle du recruteur est de les convaincre de l'utilité pour l'armée de leurs compétences spécifiques. A l'inverse, les recruteurs se montrent méfiants envers les candidats qui souhaitent avant tout « en découdre ».

La répartition géographique du recrutement sur le territoire national est assez équilibrée. Les DOM-COM constituent un vivier important (8% des recrues). Le nord et l'est de la France, territoires qui accueillent davantage de régiments, présentent des taux de recrutement supérieurs à la façade atlantique.

Le parcours du candidat, qui s'étale sur quatre à six mois, est bien structuré et garantit que les profils recrutés sont adaptés aux attentes de l'institution. L'évaluation à laquelle procède le département « Évaluation et information » du GRS, qui combine tests, visite médicale, épreuves sportives et entretiens, notamment avec des psychologues, constitue une étape fondamentale. Des mesures sont également prises pour assurer la sécurité du recrutement et prévenir le risque d'infiltrations.

Malgré l'ampleur des recrutements, la sélectivité reste assurée, et elle reste particulièrement stricte en ce qui concerne les officiers et les sous-officiers.

On renforce également la fidélisation. Il s'agit de garder les militaires plus longtemps, en incitant ceux qui arrivent au terme de leur contrat à le renouveler et en évitant les résiliations de contrat, en particulier la dénonciation de contrat pendant les six mois qui constituent la période probatoire. Rappelons que 70 % des militaires et 100 % des militaires du rang sont des contractuels.

L'armée n'est pas la seule à être concernée au premier chef par les campagnes de recrutement : en 2017, 24 500 recrutements sont envisagés pour l'ensemble du ministère de la Défense.

Les crédits budgétaires du programme 212, hors crédits de personnel, s'élèvent pour 2017 à 2,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en hausse de 5 %, et à 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 6 %.

Les crédits des politiques de soutien augmentent de manière significative, en cohérence avec l'actualisation de la loi de programmation militaire et les orientations définies lors du Conseil de défense du 6 avril 2016. Les décisions de renoncer aux déflations d'effectifs, de porter la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes et de poursuivre l'opération Sentinelle, ont des répercussions évidentes sur la politique immobilière et sur les politiques sociales du ministère.

En ce qui concerne la politique immobilière du ministère, les crédits s'élèvent à 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de près de 7 %, et à 1,3 milliard d'euros en crédits de paiement, en hausse de 14 %. Les besoins sont en effet croissants, puisqu'il s'agit de créer ou d'adapter les infrastructures à l'accueil des nouveaux matériels pour que les grands projets engagés depuis le début de la loi de programmation militaire puissent se poursuivre.

En 2017, les investissements principaux accompagneront les programmes SNA Barracuda, MRTT, A400M, Scorpion, Hélicoptères de nouvelle génération, Rafale et Fremm, ainsi que la rénovation des réseaux électriques des bases navales de Brest et de Toulon. La soutenabilité de ces programmes est une priorité du ministère. Elle fait l'objet d'un examen annuel devant une commission spécialisée et peut éventuellement susciter des arbitrages, au détriment d'opérations moins prioritaires.

Les opérations prévues en matière de dissuasion garantissent le caractère opérationnel des infrastructures de la Force océanique stratégique et procèdent à la refonte de certains ouvrages. Des crédits du programme Hermès sont également consacrés aux transmissions stratégiques, dans le cadre du projet Descartes de modernisation des réseaux de transmission du ministère de la Défense.

Les crédits de la politique immobilière doivent aussi répondre à la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre. On a ainsi décidé de densifier 33 emprises en créant des unités supplémentaires et deux régiments, le 5ème régiment de dragons à Mailly le Camp et la 13ème demi-brigade de légion étrangère au Larzac. Des travaux de construction ou de réhabilitation sont engagés sur une vingtaine de sites.

Le maintien durable de l'opération Sentinelle implique un soutien, organisé en deux phases. Dans un premier temps, des travaux d'urgence ont été réalisés, à compter d'avril 2015, pour améliorer les hébergements et augmenter leur capacité d'accueil. Puis, un dispositif plus pérenne a été mis en place, avec l'installation de bâtiments modulaires et la mise en oeuvre d'un schéma directeur de l'hébergement pour l'Ile-de-France, en vue de reloger 1 000 militaires, grâce à la densification du fort de l'Est et du fort neuf de Vincennes.

Au total, 21 millions d'euros ont été engagés en 2015 et 2016 pour améliorer les conditions de vie des militaires mobilisés dans l'opération Sentinelle. Le niveau des crédits inscrits en PLF 2017 doit permettre de poursuivre cet effort.

Enfin, il faut aussi prévoir de renforcer les installations militaires : près de 100 millions d'euros ont été consacrés à cet aspect de la politique immobilière du ministère de la Défense, en 2016 ; en 2017, près de 80 millions d'euros pourront être engagés au titre du programme « Infrastructures, sécurité, protection ». Les incidents constatés sont en augmentation puisque l'on est passé, entre 2015 et 2016, de 6 à 31 intrusions ou tentatives d'intrusion, dont deux aériennes et douze survols de drone.

À la suite de ces incidents, on a déployé un plan d'urgence, propre aux dépôts de munitions, et un schéma directeur fonctionnel « Sécurité, protection », réactualisé en novembre 2015 puis en juillet 2016, qui s'attache à améliorer les dispositifs de protection des emprises de la défense au travers d'un plan d'équipement échelonné sur la période 2017-2022. Hors dissuasion, les besoins estimés sur cette période sont évalués à 445 millions d'euros.

Le service des infrastructures de la défense (SID) a été doté de crédits de fonctionnement supplémentaires, afin qu'il monte en puissance, et qu'il intègre des régies d'infrastructures, en provenance des groupements de soutien des bases de défense.

S'agissant de Balard, les crédits inscrits sont conformes à l'équilibre financier prévu dans le cadre du partenariat public privé, malgré quelques travaux d'adaptation menés en complément du programme initial. La redevance versée s'élève à 152 millions d'euros, couvrant les divers aspects du contrat. Un suivi et pilotage du PPP a été mis en place, quelques difficultés sont inévitables, des adaptations seront probablement nécessaires, mais le regroupement des états-majors et directions autrefois dispersés sur un site unique semble avoir atteint ses principaux objectifs, qui étaient d'améliorer la gouvernance du ministère tout en rationalisant la gestion des emprises immobilières.

La politique immobilière suit donc une évolution plutôt positive, cohérente avec les besoins, et correspondant à ce que le ministère a la capacité d'engager, puisqu'il lui serait difficile, en tout état de cause, d'aller au-delà.

Il convient, bien sûr, de demeurer vigilants, notamment en ce qui concerne l'entretien du patrimoine immobilier de la défense, parfois très dégradé, mais aussi la politique du logement familial et la réhabilitation des bâtiments de vie les plus dégradés, pour lesquels des programmes sont en cours.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. - En plus de ses crédits budgétaires, la politique immobilière doit bénéficier de 200 millions d'euros de recettes exceptionnelles issues du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Vous le savez, le ministère de la Défense bénéficie d'un taux de retour de 100 % des produits de cession sur la durée de la programmation militaire. Les prévisions de recettes sont néanmoins affectées par le décalage de certaines opérations d'une part, par les incertitudes pesant sur le montant final de recettes d'autre part.

En 2015, les encaissements s'élèvent à 184 millions d'euros, dont 118,5 provenant de la cession du centre La Pépinière. En 2016, les prévisions s'établissent à 99 millions d'euros. Durant ces deux années, les réalisations sont donc inférieures aux montants inscrits en LPM actualisée (230 millions d'euros en 2015 puis 200 millions d'euros en 2016). Cela tient à l'annulation de la cession prévue d'une partie de la caserne Lourcine pour faire face au besoin en matière d'hébergement en Ile-de-France et au décalage dans le temps de cessions initialement prévues en 2015 et 2016, concernant l'Hôtel de l'Artillerie et l'Ilot Saint Germain.

Le projet de loi de finances pour 2017 réactualise la prévision en tenant compte de ces décalages. Il établit les recettes à 200 millions d'euros contre 100 millions d'euros inscrits en LPM actualisée.

L'arbitrage rendu en faveur de Sciences-po, pour le site de l'Hôtel de l'Artillerie, devrait conduire à percevoir environ 87 millions d'euros. Comme nous l'a confirmé le secrétaire général de l'administration, Jean-Paul Bodin, compte tenu des prix de vente de la Pépinière (118,5 millions d'euros) et de l'ensemble Bellechasse-Penthemont (137 millions d'euros), une cession ouverte de l'Hôtel de l'Artillerie, plutôt qu'une cession de gré à gré, aurait produit davantage de ressources.

Enfin, les montants des cessions futures risquent d'être minorés par la mise en oeuvre du dispositif de décote issu de la loi du 18 janvier 2013. La disposition que nous avions introduite en LPM actualisée, qui limitait la décote à 30 % de la valeur du bien, a été abrogée à l'initiative de l'Assemblée nationale.

Comme vous le savez, il est envisagé d'appliquer le dispositif de décote dans le cadre de la cession de l'Ilot Saint-Germain, dont une fraction devrait être utilisée pour construire des logements sociaux et des équipements publics, avec des conséquences possibles sur la cession de l'autre fraction, qui doit faire l'objet d'un appel à projets. Il n'est pas certain que ces opérations soient réglées en 2017. Il en va de même pour la cession d'une partie du Val-de-Grâce, objet de discussions en cours.

En tout état de cause, ces ressources immobilières ne sont pas pérennes et devront être remplacées par d'autres crédits à l'horizon 2019.

Quant aux systèmes d'information, d'administration et de gestion, les crédits sont en forte augmentation en 2017 (+ 33 % en autorisations d'engagement), ce qui devrait faciliter la montée en puissance du projet « Source-Solde », et compenser l'absence de crédits issus du recouvrement des indus de Louvois en 2017. Les indus cumulés représentent 400 millions d'euros, dont 271 millions d'euros ont été remboursés. Les années 2017 à 2019 seront les années de calcul des premières soldes à blanc puis en double, avant une bascule fin 2017 ou début 2018. Le calendrier est retardé de quelques mois, par rapport à ce qui nous avait été annoncé l'an dernier.

S'agissant des politiques sociales, les crédits sont en augmentation de 9 %, en raison d'une amélioration de l'offre de services faite à ceux qui souhaitent se reconvertir, et d'une revalorisation du plan d'amélioration de la condition du personnel, pour compenser les fortes obligations auxquelles les employés du ministère de la Défense sont soumis.

Enfin, les crédits des politiques culturelle et éducative sont en baisse, tout comme les crédits dédiés à l'accompagnement des restructurations. Les actions initiées au titre des restructurations décidées précédemment se poursuivent, mais l'actualisation de la programmation militaire n'implique pas de restructurations territoriales majeures en 2017.

En conclusion, des points de vigilance demeurent, notamment au-delà de 2017. Cependant, les crédits proposés pour le programme 212 correspondent globalement aux besoins et aux décisions prises en loi de programmation militaire actualisée et tout au long de l'année 2016. Nous donnons donc un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme et nous vous proposons d'adopter notre amendement à l'article 3 bis du texte.

L'Assemblée nationale a en effet introduit à l'article 3 bis du projet de loi de finances pour 2017 une disposition visant à exonérer d'impôt sur le revenu les indemnités versées aux militaires au titre de Sentinelle, afin de tenir compte de la suractivité que cette opération impose aux 7 000 soldats qui y participent et d'établir une égalité de traitement avec ceux qui sont engagés en opération extérieure et qui bénéficient déjà d'une telle exonération.

Dans un souci d'équité, nous souhaitons préciser que sont également concernées les autres opérations engagées ou renforcées à la suite des attentats, et notamment les missions « Cuirasse » et « Égide » de protection des emprises militaires, des bâtiments publics de l'État, des organisations internationales et des missions diplomatiques et consulaires, ainsi que les missions « Secpro » de protection des informations et installations contre le terrorisme, le sabotage ou les actes de malveillance.

M. Alain Néri. - Aurons-nous l'occasion de voter cet amendement en séance publique ? Si nous ne le pouvons pas, voter cet amendement en commission n'est pas plus qu'un effet de manche illusoire et artificiel.

Mme Nathalie Goulet. - Connaît-on précisément le coût de Louvois ? On risque de connaître la même vrille avec la plateforme nationale d'interception judiciaire. Il serait intéressant d'évaluer précisément le coût de ces dérives. Quant à l'amendement, nous le voterons.

M. Daniel Reiner. - Je souhaiterais rétablir la vérité des chiffres sur les déflations d'effectifs. La précédente loi de programmation militaire prévoyait une réduction de 54 000 postes à réaliser jusqu'en 2015. La LPM de 2013 a ramené ce chiffre à 24 000 - et non pas 33 000, comme il a été dit, les 9 000 autres postes n'étant que le report de déflations non réalisées sur la programmation précédente. Quant aux 24 000 déflations, elles ont été totalement annulées par les décisions des conseils de défense successifs et la loi d'actualisation de la programmation. Par conséquent, il n'y a eu aucune déflation d'effectifs au titre de la loi de programmation militaire actuelle.

En ce qui concerne l'amendement, il est de bonne justice. La défiscalisation des indemnités en question est accordée aux soldats en opérations extérieures. Il fallait rétablir l'équité avec ceux qui sont engagés dans les opérations intérieures. Cependant, l'Assemblée nationale a été un peu vite en omettant de prendre en considération les militaires qui interviennent dans les opérations de protection des sites, etc. Je vous engage à voter cet amendement, même s'il n'est pas discuté en séance, au Sénat.

M. Christian Cambon, président. - En tant que maire de la région parisienne, j'ai assisté aux transformations de l'opération Sentinelle. Je doute parfois de l'efficacité de l'affichage. Il n'y a plus d'éléments statiques devant les lieux sensibles et l'on voit seulement circuler des voitures marquées de l'inscription Sentinelle. Cependant, ce dispositif épuise les hommes et les conditions d'hébergement sont difficiles, de sorte que l'on peut s'interroger, non sur le principe mais que les conditions de la mise en oeuvre.

Mme Éliane Giraud. - Je n'ai pas cette impression et je constate plutôt une coordination intelligente de toutes les forces de sécurité intérieure, dont fait partie Sentinelle. Nous avons fait le point sur les forces déployées en Isère. Elles sont organisées de manière efficace, et à Grenoble, les soldats sont très bien intégrés, en centre-ville. Tout cela mérite une analyse fine.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis. - Selon les estimations du ministère, le coût initial du logiciel Louvois est estimé à 80 millions d'euros, hors dysfonctionnement, puis 5 millions d'euros par an pour garder le logiciel opérationnel. Les moins-versés sont autour de 30 millions d'euros. On compte 1 500 personnes affectées aux rectifications manuelles. Pour le paiement des primes, l'armée préfère se passer de Louvois et procéder manuellement !

M. Christian Cambon, président. - Les rapporteurs et la commission sont-ils d'accord pour cosigner cet amendement ?

M. André Trillard. - Cet amendement est-il compatible avec les déclarations fiscales des militaires ? Autrement dit, le successeur de Louvois pourra-t-il prendre en compte l'élargissement de l'exonération ?

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis. - Oui.

M. Christian Cambon, président. - Dans la mesure où personne ne s'y oppose, je mets aux voix cet amendement de la commission, que nous transmettrons à l'Assemblée nationale.

M. Alain Néri. - Nous aurions honoré le Sénat en engageant toute notre assemblée dans un grand élan d'unanimité sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Les rapporteurs pour avis émettent une appréciation positive sur les crédits du programme 212 de la mission « Défense » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Défense » - Programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » - Examen du rapport pour avis

La commission examine le rapport pour avis de MM. André Trillard et Jeanny Lorgeoux sur le programme 144 - Environnement et prospective de la politique de défense - de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2017.

M. André Trillard, rapporteur pour avis. - Le programme 144 est doté pour 2017 de 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,3 milliard d'euros en crédits de paiement - soit 3,3 % des crédits de paiement prévus pour la mission « Défense ». Modeste par son volume financier, ce programme constitue le coeur de la fonction « connaissance et anticipation » de notre outil de défense.

Par rapport à la prévision pour 2016, les crédits sont en nette augmentation, de plus de 18 % en autorisations d'engagement, soit une hausse de 236 millions d'euros ; et de près de 3 % en crédits de paiement, soit 44 millions d'euros de plus. Cette évolution touche l'ensemble des actions du programme. Elle traduit la priorité donnée à la fonction « connaissance et anticipation » en 2017.

Ces crédits devront bien sûr couvrir le report de charges du programme, issu de l'exécution budgétaire 2016. Ce report est estimé à 175 millions d'euros - soit 7 % du report de charges global prévu pour la mission « Défense » - sous la double condition d'une levée intégrale de la réserve de précaution (90 millions d'euros) et du maintien, à la fin de la gestion en cours, de l'ensemble des crédits prévus pour cette année. Il s'agirait d'une baisse de 10 % par rapport au report de charges de 2015 sur 2016.

Selon le Livre blanc de 2013 et à la loi de programmation militaire actualisée en juillet 2015, les priorités du programme 144 sont, d'une part, la réaffirmation du rôle central du renseignement, d'autre part, la consolidation des efforts de recherche en matière de défense et le maintien de la capacité d'influence de la France.

En 2017, les études amont font l'objet d'une prévision de 720 millions d'euros en crédits de paiement, soit plus de la moitié des crédits du programme 144. Par rapport à 2016, il s'agit d'un accroissement de 2 %. Ce montant reste en ligne avec l'objectif fixé en matière d'études amont par la loi de programmation militaire, soit 730 millions d'euros en moyenne annuelle sur la période 2014-2019 - d'autant que la prévision en autorisations d'engagement enregistre une hausse d'un quart, par rapport à 2016. Cette forte augmentation traduit la poursuite du projet de drone de combat « FCAS », mené en coopération avec le Royaume-Uni.

Nous resterons bien sûr vigilants quant au respect de cet objectif d'un niveau d'études amont suffisant. Il conviendra de le reconsidérer à la hausse, dans la prochaine programmation militaire, en vue d'assurer une préparation adéquate de l'avenir de notre outil de défense.

L'analyse stratégique doit bénéficier en 2017 de 6 millions d'euros en crédits de paiement, montant stable par rapport à 2016, mais de 4,5 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de moitié. Il s'agit là d'une conséquence de la réforme du soutien à la recherche stratégique mise en oeuvre depuis 2015. Le ministère de la Défense, en effet, pour donner plus de prévisibilité et donc améliorer le pilotage des études, a mis en place des contrats-cadres, a accru les études de type « observatoires », et a développé de nouvelles relations avec l'université. Ces évolutions positives ont donné lieu à la notification d'engagements pluriannuels, lancés en 2015 et 2016 ; le besoin est donc moindre pour l'année prochaine.

Tous programmes confondus, le budget total consacré à la recherche et développement en matière de défense devrait atteindre 4,9 milliards d'euros, en 2017, en augmentation de 30 % par rapport à 2016 et de 35 % par rapport au budget moyen sur la période 2014-2016. Un tel niveau d'effort n'avait pas été atteint depuis 2009. Nous devons nous en réjouir : malgré les contraintes financières, la France est le pays d'Europe qui consacre le plus gros effort budgétaire à la recherche et au développement en matière de défense.

Dans ce contexte globalement positif, la situation de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (l'Onera) reste préoccupante, même si elle est en voie d'amélioration.

La tutelle de l'établissement s'est mobilisée, et la nouvelle dynamique insufflée paraît positive. En particulier, à la suite de l'initiative que nous avions prise, l'an dernier, d'un amendement au projet de loi de finances pour 2016 - amendement finalement retiré en séance, en échange des engagements du ministre de la Défense -, l'Onera s'est vu attribuer, au printemps dernier, une dotation exceptionnelle de 15 millions d'euros en plus de sa subvention annuelle pérennisée à hauteur de 105 millions d'euros. Cette dotation est destinée à financer les travaux requis par la soufflerie S1MA de Modane, menacée de péril à la suite d'affaissements du terrain. Les travaux ont commencé et doivent durer deux ans.

Un plan scientifique stratégique de l'Onera a été finalisé en avril dernier, et le projet de contrat d'objectifs et de performance de l'opérateur d'ici à 2021 a enfin été validé, hier, mardi 22 novembre, par le conseil d'administration de l'établissement. Ces documents sont essentiels pour assurer le pilotage correct de l'Office.

En outre, une nouvelle organisation est en gestation, et le projet de contrat d'objectifs et de performance que je mentionnais à l'instant prévoit la rationalisation des implantations immobilières de l'Onera en Ile-de-France. Les équipes actuellement installées à Meudon et à Châtillon devraient ainsi être regroupées sur le site de Palaiseau d'ici 2021.

Cependant, on comprend mal la décision du ministère chargé de la recherche, en juillet dernier, de ne pas renouveler le label « Carnot » dont l'Onera bénéficiait jusqu'alors. Il était même « chef de file », en 2015, pour la filière aéronautique et spatiale des établissements labellisés « instituts Carnot ». Cette décision va à rebours des améliorations en cours.

Par ailleurs, pour l'opération de rationalisation des implantations franciliennes dont je viens de parler, un équilibre entre le coût des travaux liés au regroupement à Palaiseau et les produits des cessions immobilières de Meudon et Châtillon est recherché. Les produits de cession ne pourront vraisemblablement couvrir que partiellement le coût des travaux.

En outre, au-delà des travaux urgents entrepris sur la soufflerie S1MA, des investissements substantiels sont nécessaires pour conduire la rénovation générale dont le parc de souffleries de l'Onera a besoin, afin d'être maintenu au meilleur niveau mondial. Nous craignons que le report d'arbitrages financiers de l'État qui permettraient d'engager en temps utile ces travaux ne remette en cause la préservation d'ouvrages stratégiques.

J'ajoute que le climat social paraît aujourd'hui tendu au sein de l'Onera. Nous sommes plusieurs à avoir été sollicités à ce sujet par la CGT... Il est indispensable que le personnel de l'Office adhère aux réformes entreprises si l'on veut atteindre les objectifs fixés.

Enfin, la situation financière est également tendue. En 2015, l'Onera a enregistré un résultat bénéficiaire de plus de 5 millions d'euros. En 2016, le budget initial de l'Office prévoit un déficit de 2,8 millions d'euros. On attend cependant une hausse des commandes de l'industrie aéronautique et spatiale.

Pour développer ses ressources propres, l'Onera doit impérativement poursuivre l'adaptation de son offre aux besoins actuels de l'industrie. Une relation de confiance est en train de se renouer entre l'Office et les entreprises : il faudra attendre les commandes pour juger de sa force. L'établissement gagnera aussi à se rapprocher des acteurs clés de la recherche et de l'enseignement dans les domaines de l'aérospatial et de la défense, et à mieux valoriser sa recherche. C'est sans doute de cette manière que l'Onera pourra continuer à faire de la France un des très grands acteurs mondiaux du domaine aéronautique et spatial.

En ce qui concerne la capacité d'influence internationale de notre pays, le programme 144 reste marqué par la mise en service, en janvier 2015, de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), née de la fusion de l'ancienne délégation aux affaires stratégiques (DAS) et d'éléments de l'état-major des armées et de la direction générale de l'armement (DGA). La DGRIS dispose de 213 agents et sa création a permis l'économie de 57 équivalents temps plein sur le périmètre « relations internationales » de la défense. Elle est aujourd'hui pleinement opérationnelle.

Pour les actions de coopération et de diplomatie de défense pilotées par la DGRIS, près de 44 millions d'euros sont prévus en 2017. Les deux tiers de cette somme, 28 millions d'euros, tiennent à l'aide versée à la République de Djibouti, au titre de l'implantation des forces françaises, en application du traité bilatéral de 2011. Le reste des crédits est destiné à financer, notamment, le fonctionnement du réseau des attachés de défense en ambassade. Je tiens d'ailleurs à souligner l'efficacité de ce réseau, dont a récemment témoigné, entre autres, le succès de la candidature française pour le marché des sous-marins australiens.

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis. - Le programme 144 porte les crédits hors titre 2 alloués aux services de renseignement relevant du ministère de la défense, c'est-à-dire la direction générale des services extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ex DPSD. Le changement de dénomination n'est pas sans signification, la contre-ingérence ayant pris davantage de place au sein des activités de ce service. Il ne porte pas ceux de la direction du renseignement militaire (DRM) qui dépend de l'état-major des armées et figurent donc au programme 178.

Cette année encore, j'inclurai dans mon analyse les crédits de titre 2, car on ne peut bien comprendre l'évolution des crédits du programme 144 qu'à l'aune de la montée en puissance des effectifs de ces services.

Si l'on s'en tient au programme 144 stricto sensu, les crédits repartent à la hausse sous l'effet conjugué de l'augmentation des crédits de fonctionnement directement liée à l'activité opérationnelle des services dans le cadre de l'intensification de leur action à l'étranger, de la hausse des investissements à la suite de la reprise progressive des programmes d'investissement de la DGSE, et de la réalisation d'importants travaux d'infrastructures dans ce service. Le montant du programme d'infrastructures engagé depuis 2015 s'élève à près de 150 millions d'euros. C'est la conséquence de l'accroissement des effectifs accueillis sur les sites et des investissements techniques programmés.

Les crédits attribués à la DGSE constituent la masse la plus importante du programme, à hauteur de 243,8 millions d'euros dont 202,6 millions sont destinés aux investissements. Les crédits de la DPSD ne représentent que 13,55 millions d'euros mais ils progressent très rapidement en raison de son activité opérationnelle et de renforcements capacitaires. Globalement les crédits de l'agrégat de fonctionnement croissent de 37,5% et ceux de l'agrégat d'investissement de 33,9%, essentiellement pour la modernisation des systèmes d'information et de communication. Cette montée en puissance va de pair avec le développement d'un programme de modernisation des infrastructures immobilières supporté par le programme 212 pour un montant de 11,9 millions d'euros d'ici à 2019.

Cette évolution significative accompagne le renforcement des effectifs dans les deux services. Entre 2014 et 2019, la DGSE bénéficie de 797 créations d'emplois, dont 287 ont été réalisées au cours des trois dernières années 2014, 2015 et 2016. En 2017, on devrait compter 123 emplois supplémentaires. L'effort principal sera donc à conduire au cours des deux dernières années de l'exercice 2017-2019.

La DGSE emploie plus de 5220 agents. Le montant des crédits inscrits au titre 2 du programme 212 progressent en conséquence et passent de 413 millions d'euros en 2016 à 426 millions dans le budget pour 2017.

L'érosion de la part des militaires, constatée depuis plusieurs années, continue : celle-ci est passée de 29,3 % en 2008 à 25,1 % en 2016. Il en va de même de la progression du nombre des contractuels au sein des emplois civils et de la tendance, forte, à recruter davantage d'officiers ou de personnels de catégorie A.

La difficulté à recruter et à maintenir au sein du service tient à la spécificité de certains profils recherchés et à la faiblesse des viviers, même si elle est surmontée. Jean-Marie Bockel et Jean-Pierre Masseret ont évoqué cette question à propos de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et du Groupement interministériel de contrôle (GIC). Elle reste une préoccupation des services de renseignement. Deux missions d'audit ont été lancées, pour identifier en interne des mesures pour le recrutement et les parcours tout en consolidant la place des militaires et, en collaboration avec les autres services de renseignement de la défense, sur les problématiques communes et les capacités de chacun en matière de recrutement, de formation et de fidélisation.

Confrontée à une triple contrainte dans sa gestion des ressources humaines - mutations technologiques et évolution du cadre législatif, intensification des missions en raison de l'aggravation des menaces et accroissement sensible des effectifs à recruter, former et intégrer - la DGSE devra professionnaliser et moderniser ses fonctions de soutien et notamment sa direction des ressources humaines. Comme la priorité est donnée au coeur opérationnel des services, ces fonctions sont souvent les moins bien loties, mais leur modernisation est indispensable à la réussite de la transformation à conduire, qui conditionne la poursuite des succès.

La DRSD, dont les effectifs étaient tombés à 1053 fin 2013, connaît cette année un renforcement significatif. Son plafond d'emplois devrait atteindre 1328 fin 2017, et ses crédits connaissent une progression forte : ils passent de 84,7 millions d'euros en 2016 à 105,5 millions d'euros en 2017, soit une hausse de 24,6 %. La DRSD aura à gérer un renouvellement de ses effectifs supérieur à 10 % ainsi que leur montée en puissance, mais aussi un rééquilibrage entre personnels militaires et personnels civils et l'accroissement de la part des emplois de catégorie A. C'est donc à une véritable transformation de son organisation et de sa structure d'emplois qu'elle est confrontée alors même que, sur le plan opérationnel, elle doit apporter une réponse efficace.

La DRSD ne bénéficie pas de la même visibilité que les deux directions générales du premier cercle. De plus, sa vocation de service de renseignement était en partie occultée par ses importantes missions de sécurité et de protection - de nos bases, en particulier. Il lui est difficile de proposer des niveaux de rémunération suffisants pour attirer les compétences et ses fonctions de soutien sont sous-dimensionnées. Elle risque donc d'avoir de sérieuses difficultés à assurer la montée en puissance de ses effectifs. La gestion des ressources humaines devrait y être confortée et des solutions devraient être apportées par le ministère de la défense afin qu'elle puisse recruter des personnels civils à un niveau équivalent à celui des autres entités. Le ministère pourrait lui donner des facilités de négociation des rémunérations des contractuels et aménager les mesures catégorielles pour attirer les fonctionnaires civils. De même, des instructions devraient être données pour identifier les emplois proposables et valoriser davantage les parcours des militaires appelés à servir dans ce service au titre de leur mobilité, afin que ce passage soit un atout dans leur carrière.

Le renforcement des effectifs est bienvenu vu le surcroît d'activité de la DRSD dans la lutte anti-terroriste comme dans ses activités traditionnelles, qui font l'objet d'indicateurs de performance. Les décisions prises en début d'année après les attentats ont compliqué la gestion des demandes d'avis de sécurité car leur nombre a crû de 47,5 % : le ratio d'instruction dans les délais a chuté de 96 % à moins de 80 %. La responsabilité de la DRSD est aussi de respecter les programmes de visites de site et de se montrer très scrupuleuse dans l'identification de leurs vulnérabilités, mais sa tâche se complique avec l'accroissement du nombre de sociétés à inspecter. Et il faudrait que les préconisations qui résultent de ses visites soient effectivement mises en oeuvre. Nous renouvelons notre demande de mise en place d'un indicateur de performance sur le taux de suivi des recommandations des rapports d'inspection.

Sous réserve de ces observations, les rapporteurs pour avis émettent une appréciation positive sur les crédits du programme 144 de la mission « Défense » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017.

Projet de loi de finances pour 2017 - Vote sur l'ensemble des crédits de la mission « Défense »

M. Christian Cambon, président. - Nous passons au vote sur les crédits de la mission.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Sur le programme 178, je m'en remets à la sagesse de la commission. Certes, pour la première fois, la LPM est respectée. Mais je vois dans ce budget nombre de « grenades » qui ne manqueront pas d'exploser dans l'avenir. De plus - et sur ce point beaucoup partagent mon analyse - les biens immobiliers de l'armée ont été bradés, notamment à Paris. Aussi m'abstiendrai-je, à titre personnel.

Mme Nathalie Goulet. - Notre groupe, à l'exception de M. Pozzo di Borgo, votera ces crédits.

M. Philippe Esnol. - À titre personnel, je m'abstiendrai, car je réprouve la sous-estimation du budget des Opex. Pour nombre d'experts, celle-ci fait que les opérations ne se déroulent pas dans des conditions satisfaisantes.

M. Jeanny Lorgeoux. - Nul doute que les équipes qui succèderont aux actuelles auront à coeur d'inscrire en loi de finances initiale un milliard d'euros au budget des Opex.

M. Daniel Reiner. - Ne tombons pas dans le jeu de rôles. Etudions ce budget sérieusement en commission, comme nous le faisons depuis cinq ans, dans un esprit de responsabilité au bénéfice de notre défense nationale. Pourtant cette année, la majorité sénatoriale a choisi de ne pas discuter du budget de la nation. Pour nous, c'est une décision effarante, qui revient à priver le Parlement de son rôle essentiel. On nous impose, à la place, d'assister à des séances absolument inutiles, et qui même donnent une image peu flatteuse de notre institution. En 2012, nous avions proposé un budget alternatif. Vous ne l'avez pas fait cette année. Pourquoi ? Nous condamnons l'escamotage de la discussion budgétaire. Certes, vous deviez être inquiets d'avoir à construire un budget réalisant 20 milliards d'euros d'économies par an, avec des baisses de charges de 10 milliards d'euros. Si c'est pour creuser le déficit, bravo ! Nous avons hérité d'un déficit de 5 %, nous allons vous le rendre à 3 %. En le faisant remonter, vous ferez perdre de la crédibilité à la France.

Ce budget de la défense est le dernier de la législature - ce n'est pas le dernier de la LPM. Il respecte les engagements pris tant en matière financière qu'en termes de calendrier. Avec 600 millions d'euros de plus que l'an dernier, il nous met sur la voie d'une augmentation des crédits de la défense, ce qui engagera les majorités suivantes. Il s'agit de financer le nouveau contrat de protection et l'ensemble des opérations en cours, d'accroître les capacités de nos armées, notamment en Opex. Il s'agit aussi d'augmenter les moyens humains, de développer les moyens du renseignement et de la lutte contre la cybercriminalité. Les crédits d'équipement atteignent le montant inédit de 17,3 milliards d'euros : c'est le plus haut niveau en Europe. Nous mettons en oeuvre les débuts d'une vraie politique de réserve et de garde nationale.

Enfin, rendons hommage au ministère de la défense. Efficace, modernisé, il a lancé plusieurs chantiers de gouvernance et des réformes thématiques : ressources humaines, fonctions de soutien, MCO, relations internationales... Je salue spécialement l'action du ministre, sans même évoquer la politique en faveur de l'industrie de défense, illustrée par la croissance de nos exportations d'armements.

Aussi les socialistes voteront-ils des deux mains les crédits de cette mission, comme nous aurions voté le budget général. Nous vous souhaitons bonne chance si les élections vous donnent les rênes pour les prochaines années !

M. Christian Cambon, président. - La décision de la majorité sénatoriale n'a rien à voir avec la politique de défense du Gouvernement, à laquelle la commission a apporté un soutien sans faille tout au long de la législature.

M. Jacques Gautier. - M. Reiner a eu raison de mettre de la solennité dans son intervention, et d'afficher son soutien à la défense nationale. Les hommes et les femmes qui en ont la charge partagent nos valeurs et sont prêts, pour servir la France, au sacrifice suprême. Leur engagement nous engage, car nous sommes responsables des moyens qui leur sont consacrés, et de leur statut. À cet égard, la revalorisation de la condition militaire portée par ce budget est bienvenue. D'ailleurs, sur la défense, nous n'avons jamais eu le moindre désaccord.

Au nom du groupe Les Républicains, je vous rappelle que la commission des finances du Sénat et des experts extérieurs ont conclu que le budget 2017 était insincère et électoraliste : entre 8,5 milliards d'euros et 12 milliards d'euros de dépenses ne sont pas financées, ou le sont par des recettes irréalistes. Il était donc naturel que nous déposions une question préalable. Certes, cela nous privera du débat en séance publique. Pour autant - et je tiens à le préciser après la réponse du Premier ministre à une question d'actualité - le Sénat a fait son travail. Les rapporteurs ont passé plusieurs semaines, voire plusieurs mois, à étudier les budgets. Notre groupe votera en faveur des crédits de la mission « Défense ». Le mandat de Daniel Reiner, qui est rapporteur des crédits du programme 146 depuis des années, expirera en septembre 2017. Je souhaite lui exprimer mon amitié et saluer son engagement, toutes ces années, en faveur de la défense nationale.

M. Gilbert Roger. - M. Pozzo di Borgo a parlé de « grenades », que nous vous laisserions... Depuis 2012, nous nous sommes efforcés de traiter les problèmes dans l'intérêt de la nation. Auparavant, le nombre de militaires avait baissé, sans parler de l'excellent logiciel Louvois, des PPP... Votre expression aurait pu être plus mesurée.

La commission des affaires étrangères donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense », les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, Mme Leila Aichi, MM. Philippe Esnol et Yves Pozzo di Borgo s'abstenant.

La réunion est close à 11 h 45.