Mercredi 10 juillet 2019

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

L'innovation et la défense - Examen du rapport d'information

M. Cédric Perrin, co-rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, chargés du rapport sur l'innovation dans la défense, nous avons été amenés à nous demander si la LPM serait bien « à hauteur » des besoins d'innovation. L'innovation est à la mode, et c'est aussi un excellent moyen de communication du gouvernement. Que penser des efforts annoncés en la matière ? Des moyens mis en oeuvre et des acteurs nouveaux ou non de l'écosystème ?

Le besoin d'innovation n'a jamais été aussi essentiel dans un monde caractérisé par le retour des États puissances, l'émergence d'acteurs non étatiques, tels que les groupes terroristes, l'évolution des théâtres d'opération dans les champs numériques et spatiaux, et la possibilité nouvelle de voir les armées des pays les plus puissants économiquement parfois concurrencées en opérations par un usage efficace de technologies civiles. La supériorité technologique militaire est ainsi concurrencée par l'innovation civile rendant indispensable la captation plus rapide des innovations. Nous avons tous en tête l'usage fait par Daech de simples smartphones, et la nécessité d'adapter nos propres cycles d'innovation pour développer nos moyens de détection, de protection, de destruction parfois, aussi, face à un ennemi capable de bricoler de sérieuses menaces telles que des drones commerciaux lestés de grenades, toutes sortes d'explosifs improvisés cachés dans des vélos, des motos, des ânes et même des vaches.

Face à cette impérieuse nécessité de l'innovation, la loi de programmation militaire 2019-2025 que nous avons votée l'été dernier posait un 4e et dernier objectif : « innover pour faire face aux défis futurs ». Mais peut-on espérer une LPM à la hauteur de cet enjeu quand :

- premièrement, l'essentiel de l'augmentation des crédits n'intervient qu'à mi-programmation, si les contraintes budgétaires ne l'empêchent pas. Le budget consacré aux études et à l'innovation devrait ainsi passer de 730 millions d'euros en 2018 à 1 milliard d'euros en 2022, selon les termes de la fameuse clause de revoyure,

- deuxièmement, les efforts déployés par notre commission pour rendre l'achat plus agile dans le cadre de la LPM ont purement et simplement été balayés lors de la codification de la commande publique qui a passé outre les assouplissements introduits en matière de lutte contre le terrorisme notamment, par notre fameux amendement acquisitions,

- enfin, le plan de transformation du ministère s'organise autour de la nouvelle Agence de l'innovation de défense, créée le 1er septembre 2018, dirigée par Emmanuel Chiva, que notre commission a auditionné le 20 février 2019, et placée sous l'autorité hiérarchique de la DGA et dépendante d'elle financièrement. DGA dont la nouvelle et énième réforme a été annoncée en juillet 2018.

Dans ce contexte, nous vous proposons 12 recommandations pour l'innovation dans la défense pour en améliorer à la fois le pilotage, le financement et en renforcer les acteurs.

Le premier axe de ces réformes concerne donc le pilotage de l'innovation et appelle un profond changement de culture des acteurs de la défense.

Les acteurs de la défense doivent intégrer la culture du risque, seule à même de permettre l'innovation dans la défense et la captation très rapide de l'innovation duale ou civile. L'acculturation à l'innovation est une priorité.

Il convient également de passer à un management de l'innovation centré sur l'usager. L'innovation technologique est fascinante, mais elle est longue et souvent assez éloignée des besoins de l'utilisateur final, c'est-à-dire des forces armées. Industriels et ingénieurs doivent conserver leur capacité d'imagination, d'invention, mais le management de l'innovation ne doit plus être centré sur la technologie comme c'est le cas actuellement mais bien sur les besoins militaires opérationnels.

Un impératif évident du pilotage de l'innovation dans la défense concerne l'augmentation de la vitesse d'intégration de l'innovation. À l'ère numérique, le temps qui sépare le passage de la découverte scientifique à la mise sur le marché doit être réduit pour répondre aux besoins des armées et pour éviter que l'innovation ne devienne obsolète avant même d'avoir été intégrée aux matériels. Les exemples de ratages sont hélas nombreux dans ce domaine, et la potentielle supériorité stratégique qu'auraient apportée certaines avancées technologiques ne doit plus pouvoir échapper à nos armées.

Enfin, il nous faut « marcher sur nos deux pieds ». Cela signifie qu'il ne faut pas sacrifier les efforts consentis en R&D et en innovation planifiée au développement nécessaire et urgent de l'innovation ouverte. L'intelligence artificielle est tirée par le secteur civil, mais ses usages dans le domaine militaire doivent donner lieu à un effort de recherche publique programmé. Dans le même temps, l'innovation civile courte doit pouvoir être captée et intégrée rapidement et dans un processus adapté au monde militaire. La durée de vie d'une innovation civile ou duale est de 4 à 6 ans, son utilisation par le monde militaire sera parfois de 20 à 40 ans. Une adaptation est donc nécessaire.

J'en viens maintenant à nos quatre recommandations pour un financement plus efficace de l'innovation dans la défense.

Premièrement, il faut rendre enfin l'achat public plus agile, plus souple, plus rapide et l'amendement précédemment évoqué allait précisément dans ce sens. L'une des difficultés essentielles de la captation de l'innovation tient aujourd'hui à la lenteur et à la complexité de l'achat public. La passation d'un marché public ou la révision d'un contrat de programme d'armement prend entre 18 mois et 2 ans, ce qui est profondément incompatible avec la durée de vie des innovations les plus volatiles. Relever de 25 à 100 000 euros le seuil des marchés de gré à gré pour les achats innovants était nécessaire et devrait donner un peu de souplesse à la procédure d'achat, mais cela ne paraît pas suffisant. La nouvelle instruction relative à la politique d'achat du ministère des armées est très en deçà des enjeux : elle recommande essentiellement d'utiliser toutes les souplesses du code des marchés publics. L'acculturation des acheteurs du ministère et de la DGA à l'innovation est donc un impératif. Des procédures d'achat souples, telles que le concours, le défi, sans spécifications longues et lourdes doivent être développées. La culture du risque doit être valorisée, notamment dans la notation des agents publics en charge de la rédaction et de la passation des marchés publics. Ceci implique aussi de prévoir des procédures souples et efficaces de révision et d'arrêt si nécessaire des contrats publics qui ne donnent pas satisfaction. Il faut pouvoir arrêter à moindre frais une innovation qui ne porte finalement pas ses fruits.

Notre deuxième recommandation est de dynamiser le financement de l'innovation, en soutenant la recherche privée et les PME- et les start-ups, notamment dans la « traversée de la vallée de la mort », c'est-à-dire ce stade fatidique à de trop nombreuses innovations qu'est le financement du prototype ou du démonstrateur. Un mécanisme de soutien au financement des démonstrateurs et prototypes des PME et start-ups innovantes doit être financé. De même, il manque au panorama des instruments de financement de l'innovation un mécanisme d'amorçage et de démarrage des start-ups innovantes. Ces nouveaux financements pourraient découler de la réorientation de certains mécanismes de financement de l'innovation dans la défense qui doublonnent d'autres mécanismes de soutien à l'innovation. Ainsi les résultats du dispositif Rapid, qui gagnerait sans doute à être réorienté vers des prêts à taux zéro, ou du fonds Définvest' tourné aujourd'hui vers le capital risque au détriment du capital développement doivent faire l'objet d'un bilan constructif. De même, l'utilisation du fonds européen de défense (FED) doit être optimisée, et l'effet « transfrontière » incitant les grands groupes à chercher des sous-traitants d'une nationalité différente de la leur doit être géré. L'État doit aider les PME et ETI à se mettre en relation avec des grands groupes étrangers pour leur permettre d'accéder aux crédits du FED et ainsi préserver le second rang de la base industrielle de défense française. Enfin, il faut constituer un cercle des investisseurs de la défense qui puisse soutenir un fonds privé d'investissement dans l'innovation duale. La labellisation des entreprises porteuses d'innovations de défense jugées prometteuses permettrait d'orienter les investissements de ce fonds, et d'éviter les pertes de souveraineté liées au passage sous capitaux étrangers de pépites technologiques françaises et nous n'avons hélas que trop d'exemples de PME passées sous capitaux étrangers.

Notre troisième recommandation vise à modifier les plans d'études amont (PEA) et la conception même des programmes d'armement pour favoriser l'intégration des briques d'innovation courte, et par conséquent réformer la DGA en ce sens. Les start-ups, PME et ETI doivent avoir accès aux PEA, ce qui n'est pas assez le cas aujourd'hui. Une bonification des PEA qui comprennent une start-up, PME ou ETI ayant bénéficié d'un dispositif Rapid pourrait ainsi être étudiée.

Dernière recommandation en termes de financement de l'innovation : il faut proscrire, en cours d'exécution budgétaire, les gels et mises en réserve de crédits dédiés à l'innovation. Le dégel très tardif au mois de décembre dont Bercy est familier peut permettre à la DGA des achats de dernière minute. Le secteur de l'équipement pâtit de ces à-coups dans la consommation des crédits, mais le domaine de l'innovation y est complètement réfractaire. Les start-up qui portent les innovations ne peuvent parfois tout simplement pas attendre un paiement : différer l'achat dans ce domaine c'est faire disparaître l'innovation. Il faut ainsi tirer les conséquences de la priorité donnée à l'innovation.

Je laisse maintenant la parole à Jean-Noël qui va vous présenter nos autres recommandations.

M. Jean-Noël Guérini, co-rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, tout au long de notre mission, nous avons notamment cherché à comprendre ce qu'était l'innovation, qui étaient les acteurs de l'écosystème de l'innovation de défense et comment ils pouvaient et devaient interagir entre eux.

Nous avons procédé à un effort de définition de l'innovation dans le rapport, pour déterminer les contours de l'idéation, de l'invention, de l'innovation, de la recherche et du développement, etc. Il en ressort que l'innovation peut être ou non liée à une rupture technologique, par exemple Airbnb est une innovation sans rupture technologique. L'innovation peut alors porter sur une amélioration d'usage, de produit, d'organisation ou de commercialisation. À l'inverse, l'Intelligence artificielle est bien une innovation de rupture où une nouvelle technologie émerge. Il en est de même de l'ordinateur quantique, des nanotechnologies par exemple. Il est alors difficile de concevoir que de telles innovations soient portées par de petites structures que sont les start-up, les PME et dans une autre mesure les entreprises de taille intermédiaire ou ETI.

Tel est pourtant bien le cas, et on parle alors de deep tech, portées par des laboratoires, des start-up, des chercheurs, etc. L'excellence française est reconnue en mathématique et en biologie par exemple, et notre pays était l'année dernière dans le top 5 des pays attirant des investissements dans la deep tech. Ces entités économiques n'ont pourtant que rarement une orientation défense et sécurité pure. La surface de marché représentée n'est en effet pas suffisante pour assurer le développement de moyen terme des laboratoires ou start-up concernés. Il convient donc de proposer un marché dual pour attirer ces pépites technologiques vers le domaine de la défense et de la sécurité.

C'est dans ce contexte que nous sommes allés en Corée du Sud en mars dernier, puis au Royaume-Uni en mai. La Corée du Sud est classée régulièrement pays le plus innovant par Bloomberg depuis 5 ans, et pourtant sa DAPA, qui se veut calquée sur notre DGA, les ingénieurs en moins, ne nous a pas paru spécialement innovante. Elle transmet aux grands groupes, que l'on appelle les Chaebols, les besoins exprimés par les forces. La recherche est financée à 100% par l'État, mais les groupes doivent rembourser les sommes perçues si le calendrier ou les spécifications ne sont pas respectés. Ceci n'encourage ni l'innovation ni la prise de risque. De fait, si l'innovation est au rendez-vous dans le domaine civil, elle ne nous a pas semblé présente dans le domaine militaire. Le système anglais, quant à lui, nous a semblé d'une grande complexité, mais son système de conseil d'entrepreneurs ou son maillage territorial nous ont paru inspirant. Ainsi, de grands patrons très innovants consacrent leur temps bénévolement pour conseiller le ministère de la défense britannique dans le domaine de l'innovation. Un exemple à imiter !

Nous avons quatre recommandations principales pour renforcer les acteurs de l'innovation dans la défense.

Notre pays a axé sa réforme autour de l'Agence de l'innovation de défense (AID), créée en septembre dernier. L'AID n'a pas encore un an, elle est encore en train de définir les contours de son action. Son rôle consiste à capter l'innovation courte. Son directeur est venu nous présenter ses axes d'action, je n'y reviens pas.

Il nous semble essentiel de conforter l'Agence de l'innovation de défense dans son rôle et d'assurer sa place au sein de l'écosystème de défense de l'innovation. Convaincu par la stratégie présentée par son directeur, nous soutenons l'AID qui est le moteur du développement de la culture de l'innovation, du risque et de l'agilité au ministère des armées. Premièrement, il nous apparaît indispensable qu'elle soit autonome dans son action et son développement. Cette recommandation devra impérativement être prise en compte dans les documents qui seront prochainement présentés :

- son plan stratégique,

- le document d'orientation de l'innovation défense (DOID), qui va structurer l'innovation planifiée et définir les grandes priorités de l'innovation ouverte, notamment en traitant de la préparation des grands programmes structurants de défense,

- et l'instruction ministérielle d'innovation de défense qui définira les processus et la gouvernance de l'innovation au sein du ministère avec un volet particulier portant sur l'innovation ouverte.

Ces trois documents, à paraître prochainement, devront faire l'objet d'un examen attentif de notre commission. Car d'eux dépendra l'articulation de l'agence avec la DGA. Elle doit permettre à l'AID, en pleine autonomie, de mettre en oeuvre l'acculturation à l'innovation du ministère, l'agilité des achats, qui nous paraît fondamentale, et la réforme de la gestion des crédits des PEA qui doivent être de sa responsabilité. L'AID a donc vocation, à notre sens, à bousculer la direction technique de la DGA en charge des achats. Elle a ainsi obtenu d'avoir ses propres acheteurs. De même, l'Agence doit trouver le modus operandi pertinent avec la direction de la stratégie qui pilote actuellement les PEA. Ce point sera central. Si elle n'est pas pilote des PEA, l'AID gérant uniquement le dispositif Rapid, soit 50 millions contre les 758 millions des PEA, ne serait qu'un miroir aux alouettes de l'innovation. Ce point ne sera tranché que dans les trois documents stratégiques que nous attendons.

Pour être capable de remplir sa mission, l'agence doit également être une pépinière et non un pis-aller dans les carrières des militaires contraints à la mobilité. Il est essentiel que l'Agence ne subisse pas une politique mécanique de gestion des ressources humaines car elle doit à la fois casser les îlots de la DGA, attirer les hauts potentiels et organiser la participation des usagers finaux, des personnels opérationnels, afin que l'innovation soit au plus près des utilisateurs.

Notre deuxième recommandation concerne la capacité de l'AID à organiser la captation de l'innovation sur les territoires. L'agence doit organiser la remontée des innovations issues des clusters de la DGA, des centres d'innovation des armées tels que l'école de l'Air, des instituts de recherche, des pôles de compétitivité, ou encore des réseaux des associations d'industriels. Dans ce domaine, il est important qu'elle joue un rôle fédérateur, coordonnateur, et qu'elle ne soit jamais perçue comme un prédateur de l'innovation, qui s'emparerait des sujets intéressants au détriment des acteurs qui les auraient initiés.

L'innovation est présente sur tout le territoire français, et un réel maillage territorial doit être mis en place. Il devra être animé par un réseau de réservistes-innovation chargés de capter de l'information dans tous les secteurs économiques, auprès des pôles de compétitivité, des clubs et des agences de développement local, ce qui nous paraît très important, et de faire connaître aux acteurs privés les besoins opérationnels. Ces réservistes pourraient également être un lien entre l'AID et la direction générale des entreprises, en s'adossant sur les agences décentralisées de la banque publique d'investissement (BPI).

Notre troisième recommandation vise à exploiter au mieux l'innovation participative issue des militaires, usagers et innovateurs. Il s'agit de les acculturer en les faisant participer par exemple à des sessions de l'Institut des Hautes Études pour l'innovation et l'Entrepreneuriat (IHEIE), ou de l'Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN), en leur ouvrant les centres d'excellence des armées, comme ce sera le cas du centre d'excellence des drones de Salon-de-Provence que nous sommes allés visiter. Il nous semblerait également intéressant de libérer 20 % du temps des officiers -notamment dans les corps d'ingénierie- pour leur permettre de proposer et développer des projets innovants, en lien avec les incubateurs et accélérateurs des corps ou partenaires.

Enfin, quatrièmement, nous recommandons de soutenir une porosité accrue entre le monde de la défense&sécurité et la société civile. L'innovation stratégique sera duale ou ne sera pas. Il convient donc de donner au monde universitaire et civil toute sa place dans la recherche de supériorité de nos armées. Le statut dont vient de se doter l'école de l'armée de l'air, devenue établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de type grand établissement est une illustration très intéressante de la capacité de nos forces d'innover pour mettre en synergie les acteurs universitaires, les entreprises et nos forces.

Enfin, en conclusion, nous rappelons que l'évaluation des progrès de l'innovation dans la défense devra être une exigence forte de notre commission. De réels efforts financiers sont prévus, ils concernent notre autonomie stratégique actuelle et à venir, il convient que nous demandions à suivre les résultats dans le cadre de l'application de la LPM notamment.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Vos recommandations sont pointues et d'actualité. Nous avons évoqué le fonds de défense européen la semaine dernière en présentant notre rapport avec Ronan Le Gleut sur la défense européenne. Il est bien prévu qu'un grand groupe d'un pays travaille avec des PME de deux autres pays. J'aimerais savoir si les PME françaises sont incitées à se préparer à travailler avec des groupes étrangers, puisque les groupes français vont travailler avec des PME étrangères. Deuxième volet de la question : avez-vous noté, dans le cadre des auditions que vous avez menées en préparant votre rapport, une prise de conscience des acteurs industriels français sur l'importance d'être forts au niveau européen pour pouvoir résister à la pression chinoise ou américaine. Avez-vous constaté un engouement pour ce FEDEF qui est dédié essentiellement à l'innovation et à la recherche ?

M. Ronan Le Gleut. - Dans le domaine privé, la question de l'innovation soulève notamment la question de la propriété industrielle, de propriété intellectuelle. Dans le domaine de la défense, ces questions doivent prendre en compte la dimension du secret. Néanmoins, la DAG dispose au sein de sa direction de la stratégie d'un bureau de la propriété industrielle. Voyez-vous dans le domaine de l'innovation un intérêt particulier à ce que ce bureau de la DGA dépose des demandes de brevets, en vue éventuellement de vendre des licences ? Se pose également la question de la prorogation de la mise au secret des brevets présentant un intérêt pour la défense qui est une problématique particulièrement délicate.

M. Jean-Marie Bockel. - On dit souvent que la DGA est une fierté française, certains la voient également comme un frein dans le monde d'aujourd'hui. Je pense pour ma part qu'elle est une chance à condition qu'elle sache s'adapter et évoluer. Aux termes de votre travail, avez-vous l'impression que la DGA sache s'adapter ou non ? Qu'en est-il de la présence territoriale de l'AID ? Comment la voyez-vous se dessiner ?

M. Joël Guerriau. - Vous avez souligné que l'AID définissait, de fait, elle-même ses contours, ce qui peut nous interroger. Je voudrais avoir votre sentiment sur l'utilité qu'elle peut avoir, les limites qu'on doit lui fixer. J'ai compris qu'elle est un élément fédérateur, ce qui veut dire qu'elle utilise un maximum de moyens déjà existants, en utilisant du temps des officiers qui sont déjà sur ce type de sujets, ou encore en mobilisant des réservistes, comme vous l'avez suggéré. Quels sont les moyens humains dont elle dispose en propre ? Il faut éviter l'usine à gaz et l'empilement de structures qui existent et qui n'ont pas été optimisées. L'utilité de l'Agence vous semble-t-elle avérée ? Ne pouvait-on trouver un autre mode d'organisation pour optimiser le développement de l'innovation ?

M. Pascal Allizard. - Ma question concerne l'implantation des entreprises innovantes sur les territoires. Existe-t-il une cartographie, une idée des répartitions territoriales ? Est-ce qu'un mouvement de centralisation est à craindre, qui viderait les territoires de leurs forces vives ? Une réflexion est-elle conduite dans ce domaine ?

M. Olivier Cadic. - Certains types de forces armées ne peuvent pas souscrire au même processus d'achat que celui qu'on connaissait jusqu'à présent, pour faire face à leurs besoins, comme cela a été souligné. Il faut également parfois penser à faire évoluer nos législations qui entravent par trop l'expérimentation et ainsi l'innovation. Nous avons tous en tête cette invention extraordinaire, sorte de surf volant, pour laquelle les tests n'avaient pas pu être réalisés en France mais aux États-Unis. Peut-être faudrait-il ne pas limiter la réflexion au sol national mais penser également aux territoires ultra-marins, tels que La Réunion, qui pourraient offrir des possibilités en termes de tests des outils volants. Il existe une société qui fabrique des drones à La Réunion et qui était au salon du Bourget sur le stand de l'ONERA, qui peine à se faire connaître et à avoir accès aux services centraux à Paris.

Dans l'innovation, on nous demande d'imaginer l'inimaginable. Je me pose donc des questions lorsque j'entends que l'agence doit planifier et structurer l'innovation... on ne planifie pas l'innovation, cela n'existe pas. L'innovation arrive lorsqu'elle doit. Au lieu de planifier l'innovation, il conviendrait d'évaluer ce qui a déjà été fait : il vaudrait mieux confier une enveloppe aux innovateurs puis évaluer ce qu'ils en ont fait plutôt que de planifier l'innovation qu'ils sont supposée mettre en oeuvre. Le directeur de la DGA en 1996 disait aux PME de défense : « nous avancerons aussi vite que le permet la viscosité du système ». Ce n'est donc pas nouveau cette difficulté à laquelle se heurte l'innovation. Je me demande donc si vous avez auditionné les PME de la défense ? Et je me demande qui challenge l'AID, qui pense différemment ?

M. Ladislas Poniatowski. - Vos recommandations m'ont semblé particulièrement pertinentes mais je me demande s'il n'aurait pas fallu en ajouter une : le 15 juin dernier a été créée une co-entreprise entre Naval Group et Fincantieri. C'est une très belle opération qui devrait éviter la concurrence que nous nous menions sur la même gamme de produits. D'ailleurs, au moment de la création de cette co-entreprise, la concurrence s'exerçait toujours sur un appel d'offres roumain, que la France a remporté la semaine dernière.

Il est bon d'avoir mis un terme à cette concurrence. La gouvernance de l'entreprise est prévue dans une alternance régulière entre Naval Group et Fincantieri. Les autres points sont en revanche moins satisfaisants : le siège est à Gênes et même si l'ouverture d'une filiale en France est envisagée, ce n'est guère satisfaisant. De même, cinq projets de recherche et développement sont d'ores et déjà prévus, s'ils se réalisent tous en Italie et non en France, je ne suis pas sûr que ce soit quelque chose dont nous ayons à nous féliciter. Soyons vigilants à ce que la partie noble du travail ne soit pas localisée uniquement à l'étranger !

M. Gilbert-Luc Devinaz. - . - La privatisation d'une grande partie des entreprises de la défense a-t-elle un effet d'émulation ou non dans le domaine de l'innovation ? En quoi le critère de compétitivité joue-t-il dans l'avancée de l'innovation ?

M. Cédric Perrin, co-rapporteur. - Les PME ont bien conscience de l'importance qu'il y a à travailler, dans le secteur de l'innovation, au niveau européen. En revanche, elles ne sont guère soutenues, c'est pour cela que nous recommandons un accès des PME à la représentation permanente de la France à Bruxelles. Il est nécessaire de mettre en oeuvre tous les efforts pour capter les crédits du fonds européen de défense, relativement nouveau pour les PME. Il y a une impérieuse nécessité à faire en sorte qu'elles puissent en bénéficier. On note une différence de fonctionnement entre la France et l'Allemagne, une différence de structuration du tissu industriel, beaucoup plus riche en PME en Allemagne, et une différence de modalités de coopération entre grands groupes et PME. Les entreprises françaises, contrairement aux entreprises allemandes, ne « chassent pas en meute ». Lorsque les entreprises allemandes partent à la conquête d'un marché, elles y associent leurs start-ups et PME afin qu'elles soient en capacité de se développer. Nous avons le sentiment que ce schéma ne se produit pas en France. Il nous semble que, soit la grande entreprise associe la petite start-up aux PME pour capter son innovation et en bénéficier à son propre profit, soit elle capte l'innovation pour pouvoir la faire disparaître et garantir ainsi une durée de vie plus longue à son propre produit ou tout simplement éviter de devoir faire face à une nouvelle concurrence. Plusieurs de nos recommandations tentent de trouver des solutions dans ces domaines. Il y a un réel besoin d'acculturation nouvelle à l'innovation.

S'agissant de la propriété industrielle, le bureau de la DGA qui se trouve a pour vocation de contrôler l'ensemble des brevets qui ont vocation à être déposés pour capter éventuellement les brevets nécessaires à notre souveraineté nationale ou portant un intérêt stratégique. Pour les start-ups, les brevets sont extrêmement onéreux et complexes, ce qui explique que le processus de dépôt ne soit pas toujours entrepris ni mené à bien. C'est un sujet à explorer.

La DGA est-elle une chance ou un frein ? C'est un sujet dont nous débattons depuis plusieurs années dans notre commission. Pour moi, la DGA est un excellent outil, les pays qui n'en ont pas sont confrontés à un vrai problème. C'est un excellent outil à condition qu'il se réforme, comme l'a demandé la ministre l'année dernière. Je suis de ceux dans cette commission qui restent sceptiques sur la capacité de la DGA de se réformer en profondeur, même si la direction le souhaite.

M. Jean-Noël Guérini, co-rapporteur. - S'agissant du maillage territorial, nous avons des propositions pour le renforcer. Mais je voulais revenir sur la modernisation de la DGA, c'est un enjeu essentiel de parvenir à la réformer car nous avons constaté un certain nombre de blocages.

L'AID doit d'ailleurs trouver sa place par rapport à la DGA. L'agence a été créée en 2018, comme je l'ai rappelé ; elle s'inscrit dans une perspective et une ambition politique, largement annoncée, de faire de l'innovation l'une des priorités fortes du ministère. Son budget sera de 1,2 milliard, avec une centaine de personnes à son service. Les missions de l'agence consistent à mettre en oeuvre la politique ministérielle, à coordonner et piloter la mise en oeuvre des travaux d'innovation et de recherche scientifique, à conduire les dispositifs d'innovation et de recherche scientifique, et à développer et mettre en oeuvre des partenariats et des coopérations internationales avec les acteurs publics et privés. L'agence va s'appuyer sur des coopérations internationales, en particulier européennes, et va pour cela s'appuyer sur un réseau d'acteurs publics et privés. Nous défendons cette agence, elle a rôle fondamental et nécessaire.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur. - Il faut être prudent sur le montant de budget annoncé, il ne s'agit pas de moyens supplémentaires mis à disposition de l'innovation mais des crédits de PEA, à hauteur de 730 millions d'euros, qui sont aujourd'hui opérés par la DGA, qui passent, ou plutôt, dont on espère qu'ils passent réellement sous contrôle de l'AID. Aujourd'hui elle ne semble avoir dans ce domaine qu'un rôle consultatif. Enfin rappelons-nous que l'augmentation des moyens dédiés à l'innovation dépendra de la clause revoyure de la LPM dont nous avons déjà évoqué devant cette commission la fragilité dans le contexte budgétaire actuel. Les crédits pour l'innovation ont donc été regroupés mais il n'y a qu'une très faible augmentation pour l'instant.

L'autre problème est celui du positionnement l'AID face à la DGA. Aujourd'hui l'agence dépend hiérarchiquement et financièrement de la DGA. Si le directeur de l'agence, Emmanuel Chiva, est vraiment la bonne personne au bon endroit, nous ne sommes toutefois pas persuadés qu'on lui laissera toute l'autonomie dont il a besoin. Nous plaidons pour plus d'autonomie accordée à cette agence.

Pour le maillage territorial de l'agence, nous avons une proposition toute simple basée sur le constat selon lequel l'innovation n'est pas que parisienne mais au contraire irrigue tous nos territoires. La capacité qu'à l'agence aujourd'hui d'aller chercher l'innovation dans nos territoires est réduite puisqu'elle ne dispose pas d'un maillage territorial. Nous préconisons donc d'utiliser à bon escient un certain nombre de réservistes, qui dans la réserve citoyenne notamment ne sont pas forcément très sollicités mais qui disposent d'une réelle connaissance de l'économie, du tissu industriel, des capacités technologiques de leur territoire. Comme dans le domaine cyber, les réservistes peuvent être des points d'appui essentiels dans nos territoires pour aller capter l'innovation dans les entreprises qu'ils connaissent et faire remonter ces informations à l'agence. De plus, dans un certain nombre de territoires, je suis bien placé pour le savoir, nous sommes confrontés à un problème de désindustrialisation, ce message territorial de l'innovation pourrait nous permettre de retisser le tissu industriel dans nos régions. Dans une telle perspective, l'agence pourrait être également un excellent outil de développement local.

S'agissant des limites fixées à l'AID, il est certain qu'elle n'a pas vocation à devenir une sorte d'armée mexicaine. Au contraire elle se voit comme une administration de mission avec peu de personnel très mobilisé sur ses missions de captation de l'innovation, avec l'objectif de ne rien laisser passer des évolutions technologiques utiles à nos forces armées.

Vous savez que la DARPA a une capacité de prise de risque très importante grâce au budget dont elle est dotée. On considère ainsi que si l'échec ne représente pas 70 % des recherches engagées, c'est le signe que l'on n'a pas assez cherché. Les Américains redoutent la surprise stratégique et font des recherches y compris sur les domaines qui peuvent paraître les plus incongrues, tels que la transmission de pensée. Il nous semble essentiel de développer ce type d'acculturation à l'innovation dans notre pays : il faut que nous soyons en capacité d'accepter de perdre de l'argent.

Bien sûr il est nécessaire de faire évoluer la législation en faveur de l'innovation : notre amendement à la LPM pour des modalités d'acquisition d'équipements militaires plus agiles allait dans ce sens. C'est un sujet très important, qui ne bénéficiait pas qu'à certaines unités mais bien à l'ensemble des forces armées. Cet amendement faisait partie du compromis qui a permis d'aboutir à un succès de la commission mixte paritaire sur la loi de programmation militaire. La commission de codification et la direction des affaires juridiques du ministère des armées nous expliquent que ce dispositif que nous avions adopté était inutile ou présentait un risque juridique, ce que nous contestons vivement. Il a été supprimé lors de la codification. C'est bien au Parlement d'ailleurs qu'il revient de décider de prendre, pour développer l'innovation, certains risques et non aux hauts fonctionnaires d'en décider dès lors que le Parlement s'est prononcé. Lorsque nous avons soulevé ce point lors d'une rencontre récente avec la ministre des armées, nous sommes restés sans réponse. Tous les intervenants que nous avons auditionnés y compris les PME ont témoigné du besoin d'une plus grande agilité de l'achat public. À titre d'exemple, une PME nous avons rencontrée a développé un casque à vision nocturne comportant de l'intelligence artificielle, qui va devenir obsolète avant même d'être parvenu à franchir tous les obstacles de l'achat public et d'avoir pu fournir un avantage stratégique à nos forces, ce qui est désolant. Nous avons souvent entendu l'argument selon lequel la DGA se vante de n'avoir connu aucun recours contre les marchés publics qu'elle passe, n'est-ce pas finalement le signe d'une trop faible prise de risque ? L'agence est parvenue à recruter les tous meilleurs rédacteurs de marchés publics du ministère, capables d'innover dans la passation de marchés publics, de prendre des risques raisonnés, favorables à l'innovation, ce qui constitue un signe encourageant, puisque l'agence est désormais en capacité d'acheter très vite en calculant ses risques.

M. Pierre Laurent. - . Vous n'avez pas réagi à la remarque sur la collaboration entre Naval Group et Fincantieri. Nous sommes confrontés à des problèmes de désindustrialisation et, dans le périmètre d'industries restant, la maîtrise industrielle publique ne cesse de reculer. La question de la synergie entre industrie et innovation se pose dans cette nouvelle coentreprise.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur. - À titre tout à fait personnel je connais des problématiques territoriales sur les conséquences que peuvent avoir de telles fusions.

Nous avons aujourd'hui une réelle problématique de capitalisation de nos entreprises. J'ai parlé dans mon propos liminaire de la « vallée de la mort », nous sommes persuadés qu'aujourd'hui la création d'une start-up, la première levée et même la deuxième levée de fonds ne posent pas de difficultés particulières. Il y a des fonds d'investissements qui sont capables de répondre à la demande. Les difficultés apparaissent ensuite, lorsque l'on souhaite passer au financement du démonstrateur, puis au stade de la production : la capacité des fonds n'est pas suffisante pour faire face aux besoins dans ce domaine. Face à cette pénurie, nos entreprises n'ont d'autres choix que d'accepter d'être capitalisées par des entreprises étrangères. La technologie, le savoir-faire et la production partent alors souvent à l'étranger. Nous avons des exemples d'entreprises financées sur un dispositif de la DGA qui n'ont pas été gardées sur le territoire national. La surface du marché de défense étant limitée, les entreprises ont besoin de trouver une dimension duale à leur innovation pour pouvoir se développer, c'est là que peuvent intervenir les prises de participation de capitaux étrangers, souvent majoritaires dans les entreprises innovantes. L'entreprise qui fabriquait le moteur du micro drone libellule, Silmach, a eu recours pour se développer à un partenariat avec le groupe américain Timex pour fabriquer les moteurs des montres connectées. Nous recommandons donc la mise en place d'un fonds d'investissement suffisamment doté pour préserver la souveraineté nationale sur certaines pépites technologiques. Je regrette d'ailleurs que la vision de la DGA consistant à sauvegarder nos intérêts stratégiques ne prenne pas assez en compte la sauvegarde des emplois qui sont aussi un enjeu de souveraineté.

M. Jean-Noël Guérini, co-rapporteur. - Je souhaite également rappeler que l'évolution des menaces impose l'innovation. C'est un grand défi qui se présente à nous et auquel nous devons nous adapter.

M. Jean-Paul Émorine. - L'innovation repose aussi sur des filières. Ainsi dans le nucléaire le nombre d'entreprises sous-traitantes du secteur était très important elles s'étaient fédérées dans un pôle nucléaire. Avec mon collègue Didier Marie, j'ai présenté en 2015 à la commission des affaires européennes un rapport sur le plan Junker et les PME. Jusqu'en 2020, le plan Junker met à disposition des entreprises les crédits du Fonds européen pour les investissements stratégiques au profit des grands investissements stratégiques mais aussi au profit des projets innovants portés par des PME. Ce plan a un réel effet de levier, il ne faut pas l'oublier. Sur le maillage territorial, il ne faut pas hésiter à s'appuyer sur le réseau de la BPI.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur. - Au terme de nos auditions, nous avons effectivement noté qu'un des problèmes essentiels de l'innovation réside dans la difficulté pour les start-ups et les PME d'avoir accès à toutes ces informations notamment sur les diverses possibilités de financement de leur développement. Il est urgent de parvenir à mettre en place un système de guichet unique. C'est pour cela également que nous proposons que les réservistes pour l'innovation dont nous défendons la mise en place s'adossent au maillage de la BPI.

M. Christian Cambon, président. - J'ai toujours regretté, pour ma part, que notre pays se soit engagé dans une politique mettant au coeur de son économie les services plutôt que l'industrie. L'innovation nous avait dotés de fleurons industriels qui étaient enviés dans le monde entier et dont il ne reste hélas dans bien des cas qu'un souvenir. Je vous recommande de visiter l'institut Saint-Louis, ce que j'ai fait hier, avec mon homologue de l'Assemblée nationale : c'est un excellent exemple de succès de la coopération franco-allemande dans le domaine de l'innovation de défense. Dans ce domaine d'ailleurs la France ne peut guère envisager un succès solitaire. Il faut que le Parlement pousse le gouvernement à lancer des initiatives de coopération européenne en matière de défense, et notamment dans le secteur de l'innovation.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

La Jordanie, clé de voûte de la stabilité d'un Moyen-Orient en crise - Examen du rapport d'information

M. Olivier Cigolotti, co-président. - Lorsque l'on se rend en Jordanie en mission, on est très vite frappé par le contraste entre l'importance stratégique de ce pays pour la région et donc pour le monde, et l'importance tout aussi considérable des menaces qui pèsent sur lui et des défis auxquels il est confronté.

Né dans des circonstances difficiles, puisque soumis d'une part au partage de la région entre Français et Britanniques dans le cadre des accords Sykes-Picot, et d'autre part à la création par les armes de l'Arabie Saoudite, la Jordanie a réussi à traverser le XXe siècle malgré les guerres, les mouvements massifs de population, l'instabilité chronique de la région, et son absence quasi totale de ressources naturelles, ce qui inclut le manque d'eau, mais aussi l'absence d'hydrocarbures si abondants un peu plus à l'est.

Si la Jordanie a fait preuve d'une résilience aussi remarquable, c'est sans doute d'abord grâce à l'intelligence politique des monarques hachémites qui se sont succédé.

C'est aussi ensuite grâce à l'emplacement géographique de la Jordanie, véritable carrefour entre le proche et le Moyen-Orient, espace d'échanges économiques et politiques, de brassage ethnique et culturel et l'une des portes d'entrée des occidentaux au Moyen-Orient. A ce titre il faut signaler d'emblée que l'économie jordanienne a reposé jusqu'à très récemment pour l'essentiel sur les échanges économiques avec la Syrie et l'Irak. Avec le port d'Aqaba sur la mer Rouge, la Jordanie jouait un rôle très important de désenclavement des régions méridionales de ces deux pays. Les guerres civiles dans ces deux pays ont conduit à un effondrement de la croissance, qui est passée de 8 % par an dans la première décennie de ce siècle, à 2 % aujourd'hui. Les conséquences ont été immédiates, avec une forte augmentation du chômage (18,9 % aujourd'hui) et en particulier du chômage des jeunes, puisqu'un tiers des moins de 25 ans sont au chômage. Dans le même mouvement, les investissements étrangers se sont effondrés depuis 2017 et la situation des comptes publics s'est fortement dégradée, avec une dette qui atteint aujourd'hui environ 95 % du PIB.

Comme beaucoup de pays en voie de développement, la Jordanie se retrouve aujourd'hui dans un dilemme économique : d'un côté, elle ne peut survivre sans l'aide internationale, qui est en partie conditionnée par les programmes d'ajustement du fonds monétaire international (FMI) ; mais de l'autre côté, ces réformes sont très mal accueillies par la population et fragilisent considérablement l'exécutif. C'est ainsi qu'une réforme fiscale directement inspirée par le FMI a causé en 2018 la chute du précédent gouvernement, des grèves et des manifestations.

Ces difficultés, conjuguées aux éléments extérieurs, ont conduit à un mécontentement politique croissant qui prend à la fois la forme d'une critique de l'absence de représentativité du système politique actuel, d'une critique de plus en plus perceptible du roi lui-même, ce qui est nouveau, et enfin, d'une audience de plus en plus forte des mouvements islamistes.

Naturellement, la communauté internationale a bien conscience de ces fragilités et elle tâche d'y répondre par une aide massive. Celle-ci prend la forme des aides des Etats, et de leurs agences spécialisées, comme l'Agence Française de Développement (AFD). Nous nous sommes entretenus avec les responsables de l'AFD, et nous avons visité un grand projet d'approvisionnement en eau portée par cette agence. Pour ma part, j'ai observé avec un certain étonnement que ce projet piloté par l'AFD était en définitive exécuté par des entreprises qui n'étaient pas françaises, notamment une entreprise turque. Il y a peut-être une réflexion à avoir sur l'action de l'Agence de ce point de vue.

L'aide de la communauté internationale prend aussi la forme des agences de l'Union européenne ou des Nations unies. Celles-ci sont particulièrement actives auprès des réfugiés, comme nous avons pu le constater dans le camp de Zaatari, où interviennent 45 organisations internationales.

Enfin, il faut aussi mentionner l'action de très nombreuses organisations non-gouvernementales (ONG). Nous avons rencontré des représentants de plusieurs d'entre elles. Elles s'efforcent de répondre tout à la fois aux besoins des réfugiés, qui retiennent l'attention des opinions publiques occidentales, mais aussi à ceux de la population jordanienne, dont une part très importante vit dans le dénuement. On estime ainsi que la grande pauvreté touche 1 million des 10 millions d'habitants de la Jordanie. De ce point de vue, la situation de la Jordanie est assez représentative de celle de nombreux pays en voie de développement qui se retrouvent confrontés à la nécessité de se moderniser, alors même qu'ils ne disposent d'aucune marge de manoeuvre financière.

Ce contexte très difficile rend d'autant plus importante la contribution de la France. Celle-ci prend trois formes :

- elle est d'abord une aide au développement, à travers l'action de l'AFD, mais aussi à travers l'action des agences européennes et des agences des Nations unies auquel la France contribue ;

- elle est ensuite un soutien diplomatique, tant les positions jordaniennes et françaises sont proches quant aux difficiles dossiers du Moyen-Orient. Le cas plus évident est celui du conflit israélo-palestinien, où les vues de nos deux pays convergent largement. La Jordanie fait de longue date figure de pays modéré dans la relation avec Israël, puisqu'elle a été en 1994 le deuxième pays arabe à signer un traité de paix avec Israël, après l'Égypte. Pourtant, le cours récent de la politique israélienne a conduit à une dégradation progressive et préoccupante des relations entre ces deux pays ;

- elle est enfin un soutien militaire direct et indirect. Sur le plan du soutien direct, il s'agit d'une part d'actions de formation. Celles-ci portent sur le maintien en condition opérationnelle d'une flotte d'hélicoptères Super-Puma, et aussi sur des actions de formation des troupes de montagnes.

D'autre part, la France apporte une aide modeste mais réelle en fourniture de matériel, par exemple des véhicules légers militarisés de type pick-up, qui ont l'avantage de pouvoir être facilement maintenus en condition opérationnelle par l'armée jordanienne.

Enfin, un volet significatif de notre mission a consisté à examiner une forme indirecte d'aide à la Jordanie et la stabilité de l'ensemble de la région, à savoir l'important dispositif de la base aérienne projetée au levant (BAP), communément désigné sous son nom de code de base H5. Nous avons décidé de nous rendre sur cette base et d'y passer une journée et une nuit, afin de mieux percevoir les enjeux de cette implantation et aussi d'aller à la rencontre des femmes et des hommes de nos forces qui y sont en opération.

Il s'agit d'un dispositif tout à fait original et c'est pourquoi il nous paraît important d'y revenir avec vous et de vous faire part de notre réflexion collective sur ce sujet.

Cette base aérienne projetée a été ouverte en septembre 2014 pour répondre à l'apparition du califat territorial de Daech. Très rapidement, il est apparu que cette base allait devenir un élément important de la riposte française après les attentats de 2015. Elle est intégrée au dispositif Inherent Resolve de la coalition internationale contre le terrorisme, qui regroupe 75 pays.

Pour donner d'abord une idée de cette base, il faut savoir qu'elle compte 306 personnels, pour l'essentiel issus de l'armée de l'air. Elle abrite actuellement 4 avions Rafale, qui se relayent par roulement depuis la France tous les deux mois. Elle compte également de façon provisoire un Atlantique 2 et un C160 Gabriel de renseignements d'origine électromagnétique (ROEM).

Cette implantation se justifie par sa proximité extraordinaire des théâtres d'opérations, puisqu'elle n'est qu'à 40 km de la moyenne vallée de l'Euphrate (MERV), où les combats contre Daech se sont achevés. Pour les avions français, c'est avant tout un gage d'efficacité et d'autonomie sur le théâtre, puisque les avions peuvent consommer la quasi-totalité de leur carburant sur le théâtre. A contrario, si l'on imaginait par exemple faire la même chose avec des avions qui décolleraient de la base aérienne 104 aux Emirats Arabes unis, il faut considérer que l'on consommerait 10 % de tout le carburant de l'armée de l'air juste pour faire les allers-retours jusqu'au théâtre d'opérations. Très concrètement, dans le cadre de la coalition, les avions remplissent des créneaux de trois heures. Grâce à l'emplacement de la BAP H5, ces créneaux de trois heures sur le théâtre représentent des missions de seulement 4h30, là où il faudrait 7h30 si les avions décollaient depuis la BA 104 des Emirats.

L'activité de cette base est tout à fait impressionnante, pour une installation provisoire d'ampleur volontairement limitée. En quatre ans d'opérations, cette base a permis plus de 6000 sorties, soit 28 000 heures de vol et 1500 frappes.

Naturellement, le rythme des frappes a diminué avec le recul, puis l'effondrement, du califat territorial. Mais, et c'est insuffisamment, cet outil reste pleinement opérationnel. À titre d'exemple, la veille même de notre arrivée sur la base, chacun des deux avions qui étaient sortis avait largué ses quatre bombes de 250 kg sur des dépôts de munitions de Daech.

L'autre aspect, à notre sens assez méconnu concernant la BAP H5, c'est son rôle absolument essentiel de plateforme logistique. Cette base a été la porte d'entrée logistique de toute l'opération Chammal. Elle reçoit environ deux A400M par semaine. Elle peut aussi servir de précieux espace de stockage lorsque certains changements doivent être fractionnés ou ne peuvent, par exemple pour des problèmes administratifs, franchir immédiatement la frontière terrestre avec l'Irak.

Je crois pouvoir résumer le sentiment de nos collègues de la mission en disant que nous avons vraiment été marqués par l'efficacité et l'utilité de cette base, et cela nous a amenés à considérer collectivement qu'il était prématuré d'envisager sa fermeture. La question qui est posée est celle du coût de cette installation, qui est bien sûr réel. Mais nous pensons que ce coût doit être mis en balance, d'une part, avec ce que serait le coût de revenir en Jordanie dans quelques années si besoin s'en faisait sentir ; d'autre part, avec le coût diplomatique qu'un retrait aurait sur nos relations avec les Jordaniens ; et enfin, sur le coût que représenterait la nécessité de devoir mener le même type d'opération sans ce point d'appui.

En conclusion, je souhaitais exprimer l'importance que revêt à nos yeux, pour les questions de sécurité et de défense, notre position en Jordanie. Lorsque l'on se penche sur ce pays, il nous semble qu'il faut garder cet élément présent à l'esprit.

M. Gilbert Roger, co-président- Dans la présentation que nous souhaitions vous faire de la situation de la Jordanie, il est indispensable de revenir sur les origines historiques de cet Etat, qui ont largement défini et modelé son identité.

Aux origines de la Jordanie, il y a d'abord la relation historique entre la dynastie hachémite et les Lieux Saints de l'islam.

Le deuxième élément historique, qui est à la fois fondamental et problématique pour la stabilité de l'État jordanien, c'est naturellement la question palestinienne et les conséquences du conflit israélo-palestinien.

Ce qui importe, c'est de bien voir que cette situation historique reste complètement d'actualité, notamment en raison des positions américaines actuelles. Le fait que les Américains aient de facto cessé de soutenir une solution à deux Etats du conflit israélo-palestinien conduit certains à penser que la conséquence implicite de la vision américaine, et peut-être aussi israélienne, serait de dire qu'il y aurait bien un État palestinien, mais dans l'actuelle Jordanie. Nous ne sommes pas là dans un plan très hypothétique, mais dans une perspective qui pèse comme une épée de Damoclès sur la monarchie hachémite.

Par conséquent, la Jordanie a un intérêt très direct et immédiat à la résolution du conflit israélo-palestinien. Et naturellement, l'impasse totale dans laquelle est ce conflit est une très mauvaise nouvelle pour la Jordanie. Nous avons pu examiner l'exemple très concret du canal mer Rouge-mer Morte. Il s'agit d'un projet ancien déjà, qu'on peut qualifier de pharaonique, consistant à alimenter la Jordanie en eau de mer dessalinisée acheminée depuis la mer Rouge, avec le rejet des saumures dans la mer Morte. Le problème est que ce projet majeur dépend de la bonne volonté d'Israël, et que celle-ci n'est plus au rendez-vous.

Les Jordaniens nous ont fait part de leur espoir que le projet puisse aboutir, même sans le soutien des Israéliens. Mais le problème est que dans ce cas, il faudrait rejeter les saumures dans la mer Rouge, et non dans la mer Morte, ce qui serait sans doute beaucoup moins évident sur le plan environnemental. Le projet peinerait alors à trouver l'aide de financement international dont il a besoin.

Comme on le voit, les relations de la Jordanie avec Israël et avec les Palestiniens sont essentielles à l'avenir de ce pays. Il faut malheureusement bien constater qu'à l'heure actuelle, la situation est très difficile sur ces deux plans.

A ce défi considérable, s'est ajoutée plus récemment l'épreuve supplémentaire du conflit syrien. Le roi Abdallah a fait le choix d'ouvrir ses frontières pour laisser les populations syriennes se réfugier en Jordanie. Les estimations actuelles sont que le nombre de ces réfugiés est compris entre 700 000 et 1 million de personnes. Nous avons visité le grand camp de Zaatari, qui abrite environ 80 000 personnes. Mais il faut garder à l'esprit que seule une petite minorité des réfugiés sont hébergés dans ces grands camps qui bénéficient de l'aide directe de la communauté internationale.

Les ordres de grandeur laissent songeur. En France et dans les pays européens, les populations sont souvent inquiètes à l'idée de l'arrivée de réfugiés et de migrants. Comme je l'ai dit, il y a des limites à la comparaison que l'on peut faire, car les populations syriennes et jordaniennes sont proches (langue, religion, modes de vie...). Mais on peut se demander comment réagirait, toutes proportions gardées, la société française si elle devait, en quelques mois, recevoir par exemple l'afflux de 6 millions de Belges francophones. Comme les Palestiniens, les réfugiés syriens ont été accueillis par une société extraordinairement résiliente, sans que soient signalés d'incidents xénophobes ou de mouvements de rejet.

Le deuxième atout jordanien, c'est l'aide massive que la communauté internationale lui apporte, que ce soit au titre de sa contribution à la stabilité géopolitique de la région, ou au titre de la masse de réfugiés syriens qu'elle accueille dans les meilleures conditions possibles. A eux seuls, les Etats-Unis apportent 1 milliard de dollars par an à la Jordanie, soit 2,5 % de son PIB !

Il y a un dernier point frappant : le roi a pris la décision que les réfugiés syriens auraient accès au service public dans les mêmes conditions que les Jordaniens. Très concrètement, cela veut dire que beaucoup des écoles du pays fonctionnent aujourd'hui en deux temps, une demi-journée pour les Jordaniens et une demi-journée pour les réfugiés syriens. De la même façon, il faut imaginer le poids que ces réfugiés souvent démunis font peser sur le système de santé publique jordanien.

Il y a enfin un élément quelque peu paradoxal qui menace la stabilité de la Jordanie : c'est que le pays bénéficie d'aides importantes justement en raison du conflit en Syrie. Or, si la communauté internationale devait venir à considérer que ce conflit en Syrie est achevé parce que les forces du régime ont repris entièrement le contrôle du pays, il existe un risque que le soutien à la Jordanie se réduise, alors même qu'il y a fort à parier que les réfugiés syriens qui ont fui leur pays soient assez peu désireux d'y retourner.

Il faut également citer le cas particulier des réfugiés irakiens, qui sont souvent des chrétiens qui ont fui les persécutions de Daech. Malheureusement, leur situation est encore plus difficile que celle des réfugiés syriens, car à la différence de ceux-ci, ils n'ont pas automatiquement accès aux services publics jordaniens. Nous avons du reste entendu des témoignages poignants, en particulier de prêtres qui s'efforcent de venir en aide à cette communauté.

Je voudrais maintenant en venir, après la présentation des difficultés économiques et sociales auxquelles le pays doit faire face, aux difficultés politiques, et en particulier au contexte sécuritaire.

La situation au voisinage de la Jordanie est très mauvaise sur quasiment tous les fronts. Nous l'avons vu, le conflit israélo-palestinien est dans l'impasse et va plutôt en se dégradant ; en Syrie, en Irak, dans le Golfe, le Yémen. J'en donnerai un seul exemple : pour les tours-operator, le raisonnement se fait au niveau régional. Or, la Jordanie dépend largement du tourisme pour vivre, et la destination est toujours boudée par la plupart des tours-operator en raison de tous les conflits proches. Enfin, la situation au Liban est également fragile.

De plus, la fin du califat territorial ne signifie en rien la fin de Daech.

Une autre conséquence du conflit syrien est la question des djihadistes « revenants ». Pour la Jordanie, c'est une question particulièrement pressante en raison de la proximité de la Syrie et de l'Irak, d'une part ; et du fait qu'un nombre important de Jordaniens ont rejoint les rangs djihadistes, puisqu'on estime qu'ils constituent, en proportion de leur population, le deuxième contingent étranger après les Tunisiens, soit, selon les estimations, entre 1 500 et 3 000 combattants. Les revenants sont immédiatement judiciarisés et s'exposent à des peines de prison de l'ordre de 10 à 15 ans. Toutefois, il faut bien avoir en tête que, le conflit ne datant pas d'hier, le moment où les premiers condamnés sortiront de prison n'est pas si éloigné, ce qui posera nécessairement des questions de sécurité. Il faut rappeler que les attentats terroristes commis en Jordanie l'ont toujours été par des Jordaniens. Les services de renseignements jordaniens sont réputés pour leur efficacité, mais n'ont pu empêcher tous les attentats. Il faut d'ailleurs faire une mention spéciale d'Al-Qaïda, organisation dont de nombreux cadres sont Jordaniens.

Un des enjeux de la sécurité de la Jordanie est donc le contrôle de ses frontières, et les autorités jordaniennes y consacrent des efforts très importants.

Enfin, la Jordanie compte également un mouvement fondamentaliste à vocation politique, avec une présence forte des Frères musulmans. Toutefois, pour l'instant, il y a une forme de non-agression entre la monarchie hachémite et les Frères musulmans : ce mouvement est toléré, dès lors qu'il ne franchit par les lignes rouges.

En conclusion, on peut voir que la liste des défis auxquels la Jordanie a à faire face est considérable. Mais on voit surtout que la partie est d'autant plus difficile qu'elle se joue très largement en dehors des frontières de la Jordanie, que ce soit avec le conflit israélo-palestinien ou en Syrie ou en Irak.

A travers cette mission en Jordanie, nous avons en réalité plongé au coeur de toutes les crises qui traversent le Moyen-Orient. Dans ce contexte, la Jordanie fait figure de point d'ancrage, voire de fragile clé de voûte de la stabilité de la région. À ce titre, il nous semble que la France doit continuer à soutenir ce pays et peut-être même réfléchir à le soutenir davantage.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - De cette mission très dense de 4 jours, je voudrais partager avec vous un point qui m'a particulièrement marquée : la question de la base aérienne projetée (BAP) H5.

Olivier Cigolotti a rappelé l'importance opérationnelle de cette implantation. Évidemment, nous pouvons tous être sensibles à la question du coût de cette base. Mais il faut bien avoir conscience que ce qui coûte, finalement, ce sont plus les opérations menées depuis H5 que la base elle-même. Olivier Cigolotti évoquait les huit bombes larguées la veille de notre arrivée : il faut savoir que chacune de ces bombes coûte 250 000 €. J'ajoute, puisque nous avons eu l'occasion d'en discuter avec les soldats qui préparent ces bombes, que ce qui coûte dans ces munitions, c'est essentiellement le kit de guidage A2SM (Armement Air-sol modulaire) produit par Safran, qui permet d'avoir une frappe ciblée et d'éviter les dommages collatéraux.

Il me semble qu'il nous faut tenir un discours de vérité : on ne peut pas à la fois vouloir frapper Daech et ne pas vouloir y mettre les moyens. Or, tous nos interlocuteurs étaient convaincus que la fin du califat territorial n'était qu'une étape dans la guerre contre le terrorisme djihadiste. Daech n'a pas disparu, il attend son heure.

C'est pourquoi je partage entièrement l'avis de nos collègues qu'il ne faut pas fermer la BAP H5. Mais j'irai même plus loin : il nous faut peut-être réfléchir à la pérenniser, car qui parmi nous peut croire que cette région sera en paix dans trois ans ou dans cinq ans ?

Naturellement, si nous devions pérenniser la base, il faudrait peut-être réfléchir à un véritable accord de défense avec la Jordanie, comme nous en avons un avec les Émirats Arabes Unis pour l'implantation de nos bases dans ce pays.

Je voudrais ajouter un dernier point : nous avons pu mesurer l'intérêt de déployer depuis cette base des moyens de renseignement électromagnétique et de surveillance, grâce aux avions Atlantique 2 et C160 Gabriel. Ces outils permettent d'être des partenaires de premier rang au sein de la coalition contre le terrorisme, et leur déploiement est aussi rendu possible par cette base en plein coeur du Moyen-Orient. Depuis H5, un Rafale peut rejoindre la Syrie en quelques minutes.

C'est un argument qui vient s'ajouter aux précédents.

M. Jean-Pierre Vial. - Cette mission a aussi été l'occasion d'aborder la question du développement, en particulier au travers de l'action de l'AFD. Le bureau d'Amman est particulièrement important, puisqu'il abrite également les activités de l'AFD en Irak, même si celles-ci devraient être réimplantées en Irak cet été.

Il faut souligner l'importance de l'action de la France en Jordanie, puisque l'AFD délivre à peu près 200 millions d'euros par an sous forme de prêts. Depuis l'ouverture de ce bureau, les engagements représentent 1,6 milliards d'euros. Cette aide porte essentiellement sur le traitement et la distribution de l'eau, pour 50 % du total, ainsi que sur le développement des services publics locaux, y compris le transport. Il y a aussi une action de soutien à la justice ou à la formation professionnelle.

Ce qui est intéressant, c'est que le soutien de projets par l'AFD peut déclencher un effet de levier auprès d'autres partenaires, en particulier l'Union européenne et les agences équivalentes des pays européens, ou même les agences américaines, en particulier l'USAID, qui a donné 100 millions d'euros pour le projet mer Rouge-mer Morte.

Sur ce projet emblématique mer Rouge mer Morte, il est intéressant de noter que le financement, évalué à 1 milliard d'euros, se répartit entre un tiers de prêts souverains et de dons, et deux tiers de financement privé. Le projet est prêt sur le plan technique, mais il lui manque le feu vert d'Israël. Cela amène certains de nos interlocuteurs jordaniens à envisager de réaliser ce projet sans Israël, ce qui serait sans doute complexe.

Il faut rappeler que la Jordanie est le 4e pays le plus pauvre en eau du monde, et cela pèse particulièrement sur le nord du pays, où se concentre la population.

Cette expertise française sur les dossiers liés à l'eau nous a donné envie d'en voir plus sur le terrain, et c'est pourquoi nous avons organisé une visite d'un important projet de traitement et d'adduction d'eau près d'Irbid, qui est la troisième ville du pays. Cet équipement en cours d'achèvement, qui s'appelle Wadi Arab II, appartient aux Jordaniens, avec un financement de l'AFD et de l'Union européenne et une maîtrise-d'oeuvre turque. Pour donner une idée de l'ampleur du projet, il s'agit de traiter et de livrer 30 millions de mètres cubes d'eau par an prélevés dans le King Abdallah Canal (KAC). L'eau est pompée à 250 mètres en dessous du niveau de la mer et relevée de 600 mètres, au niveau d'Irbid. Les travaux ont débuté en janvier 2017 ; ils s'achèveront en octobre prochain, soit une période finalement assez rapide pour un équipement d'une telle ampleur, qui va apporter un changement considérable aux populations desservies.

Si, comme le rapporteur l'a rappelé, l'ingénierie est, sur ce projet, turque, l'AFD nous a indiqué que son exploitation serait vraisemblablement confiée à une entreprise française.

J'ajoute une précision technique : il faut penser au coût d'exploitation du pompage, puisqu'il faut faire monter l'eau sur 600 mètres. La consommation d'énergie nécessaire représente la consommation d'une ville moyenne. Il faut bien penser au coût d'exploitation, au-delà du coût de la réalisation de l'équipement.

Ce projet est une illustration de la forte présence française dans le secteur des travaux publics, que ce soit à travers l'aide au développement ou dans le domaine des entreprises de réseaux qui ont été privatisées ces dernières années.

J'ajoute, concernant l'AFD, qu'il peut y avoir des interrogations sur des projets qui servent le rayonnement de la France, par exemple le financement de formations techniques, et qui rencontrent plus difficilement le soutien de l'AFD, ce qui est dommage.

Mme Sylvie Goy-Chavent. - Au Liban et en Jordanie, les masses des réfugiés perturbent fortement l'équilibre social, économique et politique, déjà fragile. L'administration Trump s'oppose au retour des réfugiés en Syrie, qui sont aussi découragés par les organisations humanitaires agitant divers obstacles, ainsi que la menace du service militaire obligatoire, la perte des terres... Or, le discours des réfugiés ne semble parfois pas être le même, et il y a une volonté de retour.

La situation est grave, presque explosive. Les réfugiés sont une monnaie d'échange pour des enjeux politiques. Or, leur retour devrait être une priorité si on veut maintenir la stabilité du Moyen-Orient ! Il était question d'un accord entre les États pour un déplacement de réfugiés présents au Liban vers la Jordanie, où en est ce projet ? Les camps jordaniens sont déjà saturés !

Mme Christine Prunaud. - Je vois sur les images projetées que vous avez pu rencontrer des groupes de femmes dont le statut, nous le savons, les prive de beaucoup de droits. Les mouvements islamistes que vous nous avez décrits ne vont pas dans le sens de leur émancipation. Avez-vous pu leur parler ? Y a-t-il des mouvements travaillant à l'émancipation des femmes ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour la qualité de votre rapport. Je voudrais revenir sur ce que disait Mme Prunaud. Je me suis rendue, en 2013, au camp de Zaatari pour y fermer l'hôpital français et j'ai été frappée par les images que vous avez projetées, car, en 2013, il n'y avait alors pas de femmes voilées.

S'agissant de l'Arabie Saoudite, avez-vous pu mesurer son influence dans les camps, notamment par rapport aux financements, à la construction de mosquées ? Y a-t-il un manque de financement de notre part, notamment pour l'éducation des enfants ?

M. Hugues Saury. - La Jordanie est en effet dans une situation complexe et préoccupante. La pauvreté est endémique, sa croissance est faible par rapport aux pays de sa catégorie, son endettement est fort. La Jordanie a perdu ses principaux marchés d'exportations qui étaient la Syrie et l'Irak et le gouvernement fait face à d'importants mouvements de contestations... Il y a peu d'éléments d'optimisme dans votre présentation ! Quelle est votre vision de l'avenir de la Jordanie ?

M. Olivier Cadic. - Je voudrais revenir sur la problématique de l'eau. Le seuil de pénurie est fixé à 1000 mètres cubes d'eau par personne et par an. Les Jordaniens ont à peine 140 mètres cubes par personne et par an. La difficulté d'approvisionner les grandes villes en eau est réelle. La ville d'Amman, par exemple, est alimentée par une nappe fossile située sous la frontière saoudienne, en partie du côté saoudien, et son exploitation est rendue possible grâce à l'accord tacite de l'Arabie Saoudite et les installations du groupe Suez. Je voudrais évoquer le Jourdain, fleuve qui s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile. Par ailleurs, le projet de canal entre la Mer Rouge et la Mer Morte, qui devait être financé par la Banque Mondiale, est beaucoup ralenti par Israël. Avez-vous pu aborder, dans vos travaux, la problématique de l'eau ? Israël peut-elle assouplir sa position ?

M. Richard Yung. - Je ne suis pas sûr qu'Israël voie le moindre avantage à assouplir sa position, selon moi ce projet est malheureusement mort-né... Je soutiens les conclusions de nos rapporteurs. La situation en Jordanie est effectivement très difficile, sur le plan économique et politique. Le projet américain, piloté par le gendre du Président, apparaît être un « flop ». La Jordanie est notre alliée et mérite un soutien français et européen.

S'agissant de la base H5, à quoi servirait-elle dans l'avenir ? Il me semble qu'il devrait y avoir un partage des coûts au niveau européen, pourquoi pas avec l'Allemagne ?

M. Pierre Laurent. - J'ai aussi des interrogations sur le maintien de la base H5. Les coûts sont importants. La LPM ne prévoyait que deux bases aériennes projetées, or nous en avons trois. Et surtout, compte tenu des autres immenses défis du pays, la priorité des moyens à apporter est-elle réellement le maintien de cette base ?

M. Olivier Cigolotti, co-président. -Je laisserai mes collègues vous répondre sur certaines questions, notamment Isabelle Raimond-Pavero sur les questions relatives aux droits des femmes.

S'agissant des réfugiés, la problématique est aussi celle des autorités syriennes, notamment s'agissant des documents d'identité. Je voudrais rappeler que seuls 20 % des réfugiés syriens en Jordanie sont dans les camps, les 80 % restants sont dans les villages, les localités. Il est plus difficile, là, de mesurer l'influence de l'Arabie Saoudite, même si elle est réelle. Elle se traduit par l'aide humanitaire, alimentaire, par la construction de mosquées. Cette influence est naturellement présente dans les camps, puisque l'Arabie saoudite est un contributeur important de l'aide apportée.

Concernant l'avenir du pays, il est vrai que la Jordanie fait face à de nombreuses crises. La Jordanie parvient à parler à l'ensemble des pays de son voisinage et la relation avec les Frères musulmans est plutôt contenue. Mais nous pouvons avoir des inquiétudes pour la suite. Beaucoup dépendra de la capacité des autorités jordaniennes, mais aussi des partenaires de la Jordanie, à maintenir cette stabilité très relative, mais indispensable à l'ensemble de la région.

L'eau est en effet un enjeu majeur pour la Jordanie. Les investissements se concentrent sur la nécessité d'approvisionner les villes majeures, alors que le réseau est soumis à rude épreuve, notamment du fait de piratages. Suez consacre ainsi des investissements importants uniquement pour assurer la sécurité de ce réseau. L'AFD participe de manière significative au maintien et au développement de ce réseau, comme par exemple le projet récent d'approvisionnement en eau de la ville d'Irbid.

La base H5, comme je vous l'indiquais tout à l'heure, est aussi une plateforme logistique et permet l'acheminement de convois vers l'Irak en cas de difficultés administratives, ou vers Djibouti. Concernant le rôle des Etats-Unis, ceux-ci sont implantés sur une base proche, à Mafraq. La base H5 leur sert occasionnellement de piste de délestage, mais leur outil principal est la base de Mafraq. Il est vrai que la LPM ne prévoit que deux bases aériennes. Mais je tiens à rappeler que la fin du califat ne signifie pas la fin de Daech, il reste des foyers d'insurrection. Nous avons rencontré récemment le chef d'état-major de l'armée de l'air, et nous pensons qu'il est nécessaire de maintenir cette base. Il s'agit aussi d'un enjeu de confiance entre la France et la Jordanie, qui ne verrait pas d'un bon oeil notre retrait.

Enfin, je voudrais souligner l'important effort du gouvernement jordanien dans les camps de réfugiés, avec la mise à disposition de professeurs, 32 implantations scolaires dans le camp de Zaatari, et de forces de sécurité.

M. Gilbert Roger, co-président. - Les retours vers la Syrie sont très compliqués. Beaucoup craignent d'éventuelles vengeances, et les réfugiés ne croient pas en un retour en toute tranquillité. Il faut aussi garder en tête la problématique des visas, qui coûtent 350 dollars par personne. Un marché cynique s'est mis en place au profit du gouvernement syrien. Nous n'avons pas eu l'impression que les autorités jordaniennes poussaient les réfugiés au départ ; c'est sans doute une différence avec le Liban.

Concernant la situation des femmes, j'ai eu tout de même le sentiment d'une émancipation des femmes dans les camps, dans lesquels elles se sentent plus en sécurité et sont libres de travailler.

S'agissant de l'eau, si le projet mer Rouge-mer Morte est bloqué, ce n'est que pour des raisons politiques. Le blocage vient des désaccords avec Israël et les États-Unis sur le conflit israélo-palestinien.

Nous n'avons pas pu rencontrer le Roi lors de notre déplacement, mais nous avons vu de nombreux ministres qui nous ont assurés de leur besoin de France. Ceci en réaction à la nouvelle attitude des États Unis depuis l'élection de M. Trump. Leur crainte est notamment que nous nous désintéressions de la Jordanie et qu'un projet de création d'un État de Palestine en Jordanie voit le jour.

Enfin, s'agissant de la base H5, nous connaissons les dispositions de la LPM. Mais si nous en partons, nous ne pourrons pas revenir si facilement en Jordanie, avec les mêmes avantages : il n'y a par exemple pas de contrôles de douane sur les équipements militaires. Se retirer uniquement parce que, d'un point de vue militaire, la situation est plus stable, serait une erreur stratégique. Il s'agit d'un point d'appui très utile et où notre présence ne sera pas remise en cause par la partie jordanienne.

M. Olivier Cigolotti, co-président. - Si je peux simplement ajouter un élément sur la condition des femmes dans les camps, beaucoup d'entre elles ne souhaitent pas revenir en Syrie dans la situation actuelle. Les conditions de vie sont pour le moment bien meilleures dans les camps. Elles ont pu s'émanciper, travailler, leurs enfants sont scolarisés.

Mme Isabelle Raimond-Pavero, co-président. - Je serais plus prudente sur le sujet des femmes. Certes, leur situation est meilleure dans les camps. Elles font de l'éducation des enfants un point d'honneur, car elles ont bien compris que c'était indispensable. Mais le nombre d'écoles est encore insuffisant. Nous avons par ailleurs eu des contacts avec d'autres femmes, par exemple au supermarché du camp, et je n'ai pas eu le même sentiment. Je resterai réservée sur ce point, il y a des avancées indéniables, mais il reste aussi des inquiétudes.

M. Christian Cambon, président. - Lorsque j'ai assisté à une audience accordée par le roi au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, il ressortait clairement que cette base n'était pas éternelle, mais qu'en revanche il fallait finir le travail entrepris dans la lutte contre le terrorisme.

A l'issue de ce débat, la commission adopte le rapport à l'unanimité.

Projet de loi de finances pour 2020 - Désignation des rapporteurs pour avis

M. Christian Cambon, président. - Mes chers collègues, nous avons un certain nombre de désignations à faire, qui ont été évoquées lors du Bureau de la commission du 3 juillet.

Comme chaque année, nous devons désigner nos rapporteurs budgétaires pour avis.

Je vous propose, comme c'est l'habitude, de les reconduire pour l'examen du projet de loi de finances 2020. Et je les remercie pour leur investissement car ils auront comme chaque année fort à faire en octobre et novembre.

Il n'y a pas d'opposition ?

Sont ainsi désignés :

Désignation des rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2020

Rapports

Majorité

Opposition

Mission Action extérieure de l'Etat

   

Programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde

M. Ladislas Poniatowski
(Les Républicains)

M. Bernard Cazeau
(LaREM)

Programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence

M. Robert del Picchia
(Les Républicains)

M. André Vallini
(SOCR)

Programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

M. Jean-Pierre Grand
(Les Républicains)

M. Rachid Temal
(SOCR)

Mission Aide publique au développement

   

Programme 110 - Aide économique et financière au développement et

Programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

M. Jean-Pierre Vial
(Les Républicains)

Mme Marie-Françoise
Perol-Dumont
(SOCR)

Mission Défense

   

Programme 144 - Environnement et prospective de la politique de défense

M. Pascal Allizard
(Les Républicains)

M. Michel Boutant
(SOCR)

Programme 178 - Préparation et emploi des forces

M. Jean-Marie Bockel
(UC)

Mme Christine Prunaud
(CRCE)

Programme 212 - Soutien de la politique de défense

M. Joël Guerriau
(Les Indépendants -République et Territoires)

M. Gilbert Roger
(SOCR)

Programme 146 - Equipement des forces et

Programme 402 - Excellence technologique des industries de défense

M. Cédric Perrin
(Les Républicains)

Mme Hélène Conway-Mouret
(SOCR)

Mission Direction de l'action du Gouvernement 

   

Programme 129 - Coordination du travail gouvernemental (Cyber ; SGDSN)

M. Olivier Cadic
(UC)

M. Rachel Mazuir
(SOCR)

Mission Compte de concours financier : avances à l'audiovisuel public

   

Programme 844 - France Médias Monde et

Programme 847 - TV5 Monde

Mme Joëlle Garriaud-Maylam
(Les Républicains)

M. Raymond Vall
(RDSE)

Mission Sécurités

   

Programme 152 - Gendarmerie nationale

M. Philippe Paul
(Les Républicains)

M. Yannick Vaugrenard
(SOCR)

Désignation d'un vice-président de la commission

M. Christian Cambon, président. - J'ai reçu un courrier du Président Hervé Marseille en date du 25 juin 2019 m'indiquant que Mme Sylvie Goy-Chavent ayant quitté le groupe UC, c'est M. Olivier Cigolotti qui serait candidat à la vice-présidence de la commission pour le groupe UC, et M. Olivier Cadic qui  serait candidat au poste de secrétaire en remplacement de M. Cigolotti. Il en a été pris acte par le Bureau de la commission la semaine dernière. La commission en prend acte ce matin. Merci à Sylvie pour son action au sein du Bureau, et félicitations aux deux Olivier !

La commission prend acte de la démission du Bureau de Mme Sylvie Goy-Chavent et désigne MM. Olivier Cigolotti, secrétaire, comme vice-président et Olivier Cadic comme secrétaire.

Par ailleurs, j'ai demandé au Bureau de la commission, qui l'a accepté, et je l'en remercie, que M. Philippe Paul, qui est secrétaire du Bureau de la commission, puisse faire fonction de vice-président délégué pour me représenter dans les différentes cérémonies et colloques. Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.

Désignation d'un candidat appelé à siéger au conseil d'administration de Campus France

M. Christian Cambon, président. - Je vous propose de désigner M. Richard Yung pour siéger au sein du Conseil d'administration de Campus France, où siège déjà Ronan Le Gleut.

Pas d'opposition. Il en est ainsi décidé.

Nomination de rapporteurs

M. Christian Cambon, président. - La commission nomme rapporteurs :

- Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique nord sur l'accession de l'ex-République yougoslave de Macédoine (ARYM) (sous réserve de son dépôt) ;

- M. Gilbert-Luc Devinaz sur le projet de loi n° 1154 (AN - XVe législature) autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti (sous réserve de sa transmission) ;

- M. Olivier Cadic sur le projet de loi n° 642 (2018-2019) autorisant l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers.

Mission « Aide publique au développement » à Madagascar - Désignation des membres

M. Christian Cambon, président. - La présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale Marielle de Sarnez nous propose une mission conjointe à Madagascar, qui vise à préparer la loi d'orientation sur le développement. Je propose qu'outre moi-même, nos rapporteurs « aide publique au développement » Jean-PierreVial, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont en soient membres, ainsi que M. Jacques Le Nay.

Pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Conférence interparlementaire sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) - politique de sécurité et de défense commune (PSDC) d'Helsinki - Désignation des membres participant

M. Christian Cambon, président. - MM. Joël Guerriau (qui conduira la délégation), Ronan Le Gleut et Mme Gisèle Jourda sont désignés comme membres participants.

Pas d'opposition.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 11 h 50.

La réunion est ouverte à 17 heures.

Situation internationale - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 18 h 40.