Mardi 10 décembre 2019

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet - Examen du rapport pour avis

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous écoutons le rapport pour avis d'Yves Bouloux sur la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - Cette proposition de loi pose une question légitime. Si le phénomène est encore peu documenté, chaque utilisateur des réseaux sociaux peut constater que des propos haineux, répréhensibles par la loi, s'y répandent quotidiennement.

Néanmoins, la réponse apportée à cette question apparaît inaboutie, même s'il faut avoir l'humilité de reconnaître qu'aucune solution simple n'existe. La commission des lois devrait aller plus loin que nous dans la mesure où le texte pose surtout problème au regard de la protection des libertés publiques. D'un point de vue économique, le texte s'appliquera en priorité aux plateformes les plus structurantes et les obligations qui y figureront seront proportionnées, de sorte qu'elles seront soutenables par les acteurs économiques concernés. Notre commission s'est saisie de cette proposition de loi car elle modifie la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 (LCEN) dont nous avions été saisis au fond. De plus, si son objectif relève de la protection des libertés fondamentales, elle affecte l'économie numérique, qui est aujourd'hui au coeur de la compétence de notre commission.

Tout d'abord, je souhaite revenir sur le cadre juridique applicable et issu de la LCEN, qui transposait la directive européenne dite « e-commerce ». Elle pose un principe de responsabilité - mais de responsabilité limitée - des hébergeurs de contenus, c'est-à-dire de la plupart des sociétés chargées d'héberger des sites internet, mais qui ne choisissent pas les contenus concernés. Ce principe se traduit concrètement par une obligation de prompt retrait de tout contenu manifestement illicite qui leur aurait été notifié par les utilisateurs, sous peine d'engager leur responsabilité civile ou pénale. Cela recouvre à la fois les contenus haineux illicites, mais aussi les contenus frauduleux, les atteintes au droit d'auteur, etc. L'objectif poursuivi à l'époque - nous étions au début des années 2000 - était à la fois de préserver la liberté d'expression en ligne, mais aussi de favoriser le développement des services sur internet. Ce régime est de plus en plus remis en cause compte tenu du poids et du rôle acquis par certaines plateformes en ligne. Par exemple, au regard de la protection des consommateurs, la persistance de produits frauduleux sur les places de marché en ligne pourrait plaider en faveur du renforcement de leur responsabilité. La question de la remise en cause de cette responsabilité limitée se pose actuellement au niveau européen. La nouvelle commission s'empare du sujet dans le cadre du Digital Services Act qu'elle entend mener à bien dans les années à venir.

S'agissant des contenus haineux illicites, le législateur français est déjà intervenu pour obliger les plateformes à mettre en place un dispositif de signalement facilement accessible et visible, à informer promptement les autorités publiques lorsqu'elles ont connaissance de tels contenus, et à rendre publics les moyens qu'elles y consacrent. Par ailleurs, la Commission européenne a déjà obtenu des progrès de la part des plateformes dans le cadre d'un code de conduite, attestés par des rapports d'évaluation périodiques. Selon ces rapports, les plateformes analyseraient dans les 24 heures 89 % des contenus signalés et 72 % des contenus considérés comme des discours de haine illégaux seraient supprimés. Facebook mobiliserait 15 000 personnes réparties sur une vingtaine de sites dans le monde pour modérer les contenus.

Ensuite, la proposition de loi qui nous intéresse entend aller plus loin. Elle prévoit deux mesures. La première consiste à renforcer la législation en créant un nouveau délit de non-retrait sous 24 heures des contenus haineux manifestement illicites. Cette disposition n'appelle que peu de remarques de la part d'un rapporteur de la commission des affaires économiques dans la mesure où elle pose essentiellement des questions quant au risque de sur-censure, quasi unanimement soulevé lors de nos auditions. Tout au plus peut-on se limiter à souligner que, face au risque d'une sanction pénale en cas de non-retrait, les acteurs économiques seront incités à retirer massivement les contenus, de sorte que le risque de sur-censure est bien caractérisé. Par ailleurs, le fait de fixer un seuil de 24 heures ne semble pas efficace : d'une part, il serait choquant qu'un contenu manifestement illicite et massivement diffusé mais retiré à 23h59 n'entraîne aucune mise en cause de la responsabilité de la plateforme, et d'autre part, le fait de devoir traiter tous les contenus indistinctement en 24 heures empêcherait d'effectuer une priorisation, de sorte que les contenus vraiment problématiques pourraient, in fine, ne pas être retirés. Enfin, faire peser sur des entreprises, fussent-elles très puissantes, une responsabilité qui appartient à l'État, à savoir juger des contenus haineux manifestement illégaux, apparaît exorbitant. C'est pourquoi je soutiens le parti pris par notre collègue de la commission des lois de faire évoluer de manière significative ce dispositif.

Je souhaite surtout m'arrêter sur le second point essentiel de cette proposition de loi, à savoir la régulation dite ex ante. Elle confie à un régulateur - en l'espèce, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - la mission de réguler les plateformes quant aux moyens qu'elles mettent en oeuvre pour lutter contre la haine en ligne, selon deux axes : l'efficacité et le respect des utilisateurs. Selon l'avis de la très grande majorité des personnes auditionnées, ce dispositif est bienvenu, car il permettra d'établir un dialogue entre les autorités publiques et les plateformes afin d'améliorer la lutte contre la haine en ligne. Ce volet du texte rejoint à la fois les orientations de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique et celles de la proposition de loi de notre commission visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace. Il s'agit de mettre un régulateur là où il n'y en a pas pour construire, de façon agile et évolutive, les bonnes pratiques à mettre en place destinées à lutter contre la haine en ligne. En cas d'insuffisance du dispositif mis en place par la plateforme, le régulateur pourra sanctionner fermement les opérateurs en question : cette régulation sera crédible car elle s'appuiera sur d'importantes sanctions financières : jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial ! Ce n'est pas rien !

Il apparaît toutefois nécessaire d'améliorer le texte sur ce volet. C'est pourquoi je vous propose quatre pistes d'amélioration. La première consiste à éviter que des plateformes qui ne correspondent pas aux seuils qui seront établis par décret, mais sur lesquelles il existe un défaut caractérisé de lutte contre la haine en ligne, puissent échapper à la supervision du régulateur. Le CSA pourrait donc imposer certaines obligations à ces plateformes sous les seuils, afin d'éviter le déport des auteurs de propos haineux vers d'autres sites qui ne seraient pas soumis à la réglementation. De cette façon, la balance entre liberté d'entreprendre et protection de la dignité humaine serait garantie.

La deuxième consiste à s'assurer que les obligations mises à la charge des plateformes seront proportionnées tant à la capacité des plateformes à les mettre en oeuvre qu'à l'ampleur du risque du préjudice, lequel croît nécessairement à mesure du nombre de vues. Autrement dit, il s'agit de s'assurer que le dispositif sera adapté au modèle d'affaires des plateformes et prendra en compte la viralité du contenu.

Par ailleurs, et c'est ma troisième piste, nous ne pouvons ignorer que la Commission européenne a émis un avis particulièrement réservé sur la proposition de loi quant à sa conformité au regard du droit européen. Sur ce volet de la proposition de loi, elle a en particulier pointé une disposition particulièrement problématique au regard du droit européen car elle imposerait une obligation générale de surveillance des contenus publiés sur la plateforme. C'est pourquoi je propose de supprimer ce point.

Enfin, quatrième piste d'amélioration, le texte prévoit que le régulateur pourra encourager les plateformes à coopérer pour lutter contre la diffusion de contenus haineux répréhensibles par la loi. Je propose de préciser que cette coopération pourra également porter sur le partage d'informations entre plateformes. Cela pourrait conduire à la création d'un pot commun de données afin de renforcer l'efficacité du dispositif.

Je conclurai par quelques remarques générales. Si l'on prend du recul, on s'aperçoit que ce texte propose un nouveau modèle de régulation du numérique. Il comporte trois grandes caractéristiques : un régulateur spécialisé, des obligations de moyens et une régulation qui s'applique en priorité aux acteurs les plus structurants du marché, ceux qui ont un impact massif.

Une régulation qui s'applique avant tout aux plus grands, et représente donc une régulation asymétrique, est la seule façon de permettre à d'éventuels nouveaux entrants de pénétrer le marché ! Sur ce point, le texte est assez évasif quant aux critères que le Gouvernement entend retenir pour déterminer ces plateformes structurantes. Il apparaît nécessaire que le Gouvernement retienne une pluralité de critères afin de bien cibler le dispositif sur les plateformes où les enjeux sont les plus prégnants.

Quelques mots enfin, sur la méthode adoptée par le Gouvernement. Alors que le Gouvernement a réfléchi au sujet pendant de longs mois, il est dommage qu'il ait choisi de faire déposer à la hâte une proposition de loi mal ficelée, largement remaniée suite à l'avis du Conseil d'État. Elle pourrait d'ailleurs être à nouveau retouchée à la faveur de l'adoption de différents textes abordant le même thème tant au niveau français qu'au niveau européen. Surtout, je déplore que le Gouvernement n'ait pas jugé nécessaire de nous transmettre l'avis de la Commission européenne. Malgré nos demandes, nous avons dû en prendre connaissance par voie de presse ! De même, je n'ai reçu les réponses à mon questionnaire écrit, envoyé le 8 octobre, que le 4 décembre, soit moins d'une semaine avant le passage en commission. Cependant, nous ne pouvons que soutenir l'option politique retenue par le Gouvernement, consistant à agir d'abord à l'échelon national, dans l'attente d'une réponse pérenne au niveau européen. Cette approche rejoint celle que notre commission a adoptée à travers la proposition de loi sur le libre choix du consommateur dans le cyberespace. Espérons que le Gouvernement soit aussi allant sur ce sujet tout aussi fondamental !

M. Pierre Cuypers. - Dispose-t-on des moyens techniques pour identifier des propos haineux ?

M. Franck Montaugé. - Certains éléments de cette proposition de loi rejoignent les propositions de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique, que j'ai eu l'honneur de présider. La définition de la plateforme systémique est compliquée mais il faut, je crois, en passer par là. Il nous paraît indispensable de placer sous l'autorité d'un régulateur indépendant les opérations de régulation ex ante.

L'auditabilité des algorithmes n'a pas été évoquée. Elle conditionne toutefois le fonctionnement des plateformes. Lorsqu'elles laissent passer des choses, c'est que les algorithmes le permettent, car ils représentent le point d'entrée de tous les systèmes. Nous pourrions aborder ce thème en séance.

Nous regrettons la présentation hâtive de ce texte. J'ai compris que le Président de la République souhaitait se rendre au prochain dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) pour y présenter la traduction des engagements qu'il avait pu formuler. Ce sujet est sérieux et aurait mérité d'y consacrer davantage de temps.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je salue la volonté de ne pas laisser les plateformes s'emparer de la régulation - je pense au projet de « cour suprême » de Facebook. Il est important que l'État reprenne la main sur ces sujets. Il est également nécessaire que la question soit prise en considération au niveau européen. Il va y avoir 28 législations, 28 types de sanctions. L'applicabilité pourrait être compliquée et derrière, il existe un véritable enjeu : la réouverture de la directive e-commerce et le Digital Services Act.

Mme Élisabeth Lamure. - Pour quelles raisons la Commission européenne est-elle aussi frileuse sur ces questions ? Quels sont ses arguments ? C'est difficile à comprendre car tous les pays sont concernés.

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - Notre capacité à détecter les propos haineux dépend des propos tenus. S'il faut tenir compte du contexte, cela ne peut pas être automatisé. Le régulateur qu'est le CSA devra être doté des moyens nécessaires.

Je partage les remarques de Franck Montaugé. Les algorithmes sont un vrai sujet. Effectivement, à ce stade, ils ne sont pas abordés dans ce texte.

M. Franck Montaugé. - Nous n'en sommes qu'au stade de la commission !

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - Comme le dit très bien Anne-Catherine Loisier, il s'agit d'un sujet de régulation complexe et en construction.

Les réticences de la Commission européenne sur ce texte s'expliquent par des raisons juridiques liées à la directive sur le commerce électronique.

Sachez que nous avons travaillé en excellente intelligence tant avec la commission des lois, qui examine le texte au fond, qu'avec la commission de la culture, qui s'est également saisie pour avis. Je présenterai demain l'avis de notre commission devant la commission des lois.

M. Franck Montaugé. - Le noeud central, c'est le modèle économique des plateformes, qui ont un statut d'hébergeur et non d'éditeur. Si on les mettait au même niveau que la presse, leur modèle s'écroulerait. Cela explique le comportement des acteurs. Devant la commission d'enquête sur la souveraineté numérique, les hébergeurs nous ont fait part de leur refus d'une responsabilité accrue sur les données qu'ils hébergent.

Mme Anne-Catherine Loisier. - J'ajoute que certaines de ces données ne sont pas hébergées en France. La réglementation américaine interdit la transmission de toutes les données relatives aux citoyens américains.

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - La LCEN est un outil intéressant, avec notamment la distinction entre éditeur, hébergeur et fournisseur d'accès à internet : chacun a son rôle et ses responsabilités.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - Je vais vous présenter quatre amendements ciblés sur le dispositif de régulation administrative. Ils ont été élaborés en bonne intelligence avec la commission des lois.

L'amendement AFFECO.1 vise à éviter le report d'usagers habitués à tenir des propos haineux illicites vers des plateformes non régulées. Le régulateur pourrait ainsi, sur décision motivée et en application de critères définis par décret, imposer des obligations de lutte contre la haine en ligne aux plateformes qui n'entreraient pas dans le champ de la régulation administrative.

M. Franck Montaugé. - Nous sommes favorables à cet amendement et nous le voterons, mais qu'est-ce qu'un « rôle significatif » ? Il faudra que cette notion soit définie.

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - Effectivement, cette notion sera définie par décret.

L'amendement AFFECO.1 est adopté.

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - L'amendement AFFECO.2 a pour objet de s'assurer que les obligations imposées aux plateformes prendront en compte les capacités de chacune à mettre en oeuvre des moyens de lutte contre la haine en ligne et qu'elles seront adaptées à l'ampleur du risque d'atteinte à la dignité humaine. En effet, toutes les plateformes ont des modèles d'affaires différents : certaines permettent de publier du contenu éphémère, d'autres du contenu conservé sur un fil d'actualité. En outre, il faut tenir compte de la viralité des contenus, qui détermine l'ampleur du préjudice subi.

L'amendement AFFECO.2 est adopté.

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - Une des dispositions de la proposition de loi instaure, à la charge des hébergeurs, une obligation de surveillance générale des contenus. Elle est incompatible avec le droit européen en vigueur. L'amendement AFFECO.3 vise donc à la supprimer.

L'amendement AFFECO.3 est adopté.

Article 4

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis. - La proposition de loi prévoit que le régulateur pourra encourager la coopération entre plateformes pour lutter contre la diffusion des contenus haineux illicites. Notre amendement AFFECO.4 vise à compléter ce dispositif en prévoyant également le partage d'informations entre plateformes.

Mme Anne-Catherine Loisier. - C'est d'ailleurs une demande des plateformes, qui souhaitent mutualiser leurs recherches. C'est une disposition de bon sens.

L'amendement AFFECO.4 est adopté.

La réunion est close à 14 h 30.

Mercredi 11 décembre 2019

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Audition, en application de l'article 13 de la Constitution, de M. Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous entendons ce matin, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Bertrand Munch, aujourd'hui préfet en service détaché et directeur de l'information légale et administrative, dont le Président de la République propose la nomination aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts (ONF).

Je rappelle que cette nomination ne sera effective qu'en l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat dans les formes prévues par la Constitution. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, l'État ne pourrait pas proposer cette nomination. À l'issue de l'audition, nous procéderons immédiatement au vote, mais nous ne dépouillerons les résultats qu'à l'issue de votre audition par nos collègues députés, qui débutera cet après-midi à 15 heures. Les délégations de vote n'étant pas autorisées, j'invite chacun d'entre vous à rester jusqu'à la fin de l'audition pour participer au scrutin.

Monsieur le préfet, notre commission doit exprimer un avis sur l'adéquation entre un candidat et un poste. En l'occurrence, il s'agit de relever deux défis considérables.

Le premier est d'affronter les difficultés récurrentes de l'ONF. Je rappelle que cet établissement public industriel et commercial (ÉPIC) est né en 1964 avec la mission de redresser notre balance commerciale déficitaire en sciages résineux et avec l'objectif de financer la gestion des forêts publiques par les recettes tirées des ventes de bois. Or ce modèle n'a fonctionné que pendant deux ans, au plus fort de la crise pétrolière de 1974. Depuis les années 1980, malgré des efforts considérables, l'ONF est devenu structurellement déficitaire, avec des recettes de vente de bois qui stagnent, en dépit d'une exploitation plus intensive de la forêt publique, et de sévères compressions d'effectifs qui n'ont pas suffi à maîtriser une masse salariale gonflée par des facteurs exogènes. Il en résulte un cumul de tensions financières, économiques, sociales et territoriales, avec une gestion « multifonctionnelle » de la forêt qui, dans les faits, s'apparente parfois à une gestion des conflits d'objectifs.

Quelle stratégie de rééquilibrage proposez-vous pour résoudre la quadrature du cercle face à la tutelle de Bercy, qui souhaite des économies de fonctionnement et une trajectoire de désendettement, face aux 8 500 agents de l'ONF, qui évoluent dans un climat social peu propice à l'efficacité de l'établissement, face aux 11 000 communes forestières, qui souhaitent plus de présence sur le terrain, plus de transparence des coûts et plus de concertation et face à la filière bois et ses 420 000 emplois, qui s'inquiète de son approvisionnement en matière première et des résistances sociétales aux coupes de bois ?

Quelle est votre vision du statut de l'ONF ? Faut-il, selon vous, que l'ONF change de statut ou de modèle ? Que comprenez-vous des intentions du Gouvernement et des scénarios d'évolution envisagés dans les volumineux rapports d'inspection sur cet établissement ?

Le second défi porte sur le rôle de locomotive que doit jouer l'ONF pour permettre l'adaptation de l'ensemble de notre forêt. Les attaques d'insectes, qui dévastent certaines essences résineuses et menacent aussi les feuillus, sont le révélateur d'un affaiblissement global de nos peuplements forestiers qu'il faut très vite adapter aux nouvelles conditions climatiques. Face à ce risque de catastrophe forestière, tout le monde s'accorde à peu près sur la nécessité de procéder à la replantation, mais personne ne sait exactement quelles essences replanter. Comment, selon vous, l'ONF peut-il répondre aux acteurs de la forêt, qui vont se tourner vers vous pour avoir des points de repère et des soutiens ?

Par ailleurs, les insectes ne tiennent pas compte des distinctions entre forêts publiques et privées. C'est pourquoi le moment nous paraît propice pour mettre en oeuvre notre préconisation de décloisonnement et pour raisonner par massif. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Enfin, nous souhaiterions éclaircir un mystère : alors que le Gouvernement a annoncé un plan de 16 millions d'euros sur trois ans pour la replantation, en prenant beaucoup de précautions juridiques pour ne pas contrarier les règles européennes, l'Allemagne prévoit de mobiliser 800 millions d'euros au total. Comment expliquez-vous ce décalage ?

Monsieur Bertrand Munch, je vous cède sans plus tarder la parole, puis mes collègues vous poseront directement leurs questions, chacun pour un temps de parole de deux minutes.

M. Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts. - J'ai effectivement l'honneur de vous soumettre ma candidature à la direction générale de l'Office national des forêts. Cette candidature repose sur une expérience, mais aussi une motivation et elle emporte un projet pour l'établissement.

Je ne suis pas un professionnel de la forêt ; pour autant, les expériences que j'ai connues dans les différents postes qui m'ont été confiés me permettent d'essayer de vous convaincre qu'elles peuvent constituer une base de départ pour répondre aux défis notamment internes qui se posent à l'ONF et assurer son pilotage.

Premier élément : issu du métier préfectoral, je suis convaincu de la dimension et de l'importance des territoires, du travail - et non pas seulement du dialogue - à mener avec les élus et les acteurs locaux. Je suis profondément imprégné de ces nécessités depuis mon entrée dans la fonction publique, ce qui est important dans le contexte de l'ONF.

J'ai commencé en 1985 ma carrière préfectorale au lendemain des lois de décentralisation qui ont changé non seulement le contexte, mais aussi l'état d'esprit sur le terrain. Là aussi, l'ONF doit prendre en considération ces évolutions de fond.

Deuxième élément : l'interministériel. L'ONF est profondément intégré - certains diraient « ballotté » - dans le dialogue interministériel : non seulement Bercy, madame la présidente, mais aussi le ministère de l'agriculture et le ministère de la transition écologique et solidaire. De même, l'ONF, depuis 1964, est traditionnellement à l'écoute des services de la présidence de la République et de Matignon. En tant que directeur financier du ministère de l'intérieur, puis en tant que secrétaire général de la préfecture de Paris, j'ai eu l'occasion de traiter des dossiers requérant de la persévérance pour obtenir des réponses.

La difficulté à équilibrer le budget est une question centrale pour l'établissement public. Dans plusieurs de mes postes, j'ai pu travailler sur les questions d'organisation, de logistique et de modernisation. Comme directeur de l'information légale et administrative, qui est ma responsabilité actuelle, je crois avoir agi en faveur d'une meilleure gestion avec des résultats mesurables. En tout cas, je suis convaincu qu'il n'est pas possible de transposer des recettes toutes faites ou des prescriptions d'économies, d'une structure à une autre ; chacune a sa vie propre et ses logiques propres.

J'ai également assumé la responsabilité des ressources humaines et du dialogue social dans plusieurs postes. Certes, ces organisations étaient plus petites que l'ONF et ses 8 500 fonctionnaires et salariés. J'ai la conviction qu'un projet ne peut pas aboutir « contre » les membres d'une organisation. Au poste que j'occupe aujourd'hui, nous avons vraiment travaillé avec les organisations syndicales, dont la tradition est forte dans la presse parisienne. Je pratique aujourd'hui quotidiennement la mixité - je ne parle pas simplement de coexistence - entre des salariés de droit privé et des fonctionnaires. Cet aspect est important s'agissant de l'ONF.

Enfin, mon parcours est marqué par l'appartenance au service public et cette sensibilité me paraît très importante pour l'avenir de l'Office. Je comprends le service public aujourd'hui comme une formidable exigence de la part des citoyens et en termes d'adaptation. C'est aussi la nécessité de rendre un service meilleur et moins cher - cela s'impose à toutes les structures publiques, qu'elles soient étatiques ou locales.

Ces éléments me permettent de penser que ma candidature est recevable, mais mon ambition n'est pas seulement d'animer un opérateur de l'État : elle est d'abord d'oeuvrer dans et pour la forêt publique. Je ne peux pas prétendre rivaliser avec la passion que les agents de l'ONF manifestent dans le travail quotidien : je souhaite leur dire mon respect pour cette vocation, qui est une chance pour l'Office et pour la forêt. Mon incompétence technique, qui est certaine, sera palliée par les cadres de haut niveau qui animent cette maison. Je signale cependant que ma vie privée fait une bonne place à la forêt, à l'arbre et au bois et je réfute ceux qui mettraient en doute a priori cette profonde motivation. Comment d'ailleurs, sans passion, relever les défis auxquels est confronté l'ONF ?

De ces défis, je vais maintenant vous parler avec une certaine prudence puisque je ne suis pas encore directeur général. Le contexte, les enjeux, les axes d'ores et déjà fixés me paraissent effectivement suffisants pour aborder devant vous les principales thématiques, celles que vous avez citées dans votre propos introductif, madame la présidente.

Un certain nombre d'éléments de cadrage actuels n'existaient pas il y a encore un an : le rapport conjoint des inspections que vous avez évoqué et la communication gouvernementale du 27 juin. Il existe d'autres contributions comme le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier, présidente du groupe d'études « forêt et filière bois », le résultat à venir de la mission que le Premier ministre a confiée à la députée Anne-Laure Cattelot et la préparation de la contractualisation 2021-2026 ; sur ce point, les six premiers mois de l'année 2020 seront consacrés à discuter et à formuler le projet de l'Office.

Ce projet s'articule autour de quatre points : le retour à la confiance par le dialogue social ; l'amélioration du modèle économique ; la refonte des relations avec les partenaires et spécialement avec les collectivités forestières ainsi que le rôle que peut jouer l'ONF dans la réponse au changement climatique et aux attentes environnementales.

Ma priorité immédiate sera de restaurer la confiance des agents de l'ONF dans leur avenir et dans celui de l'Office. Leur engagement et leurs compétences sont reconnus par tous, et je serai fier de les rejoindre, si vous ne vous y opposez pas.

La concertation doit être rétablie dans la durée. Jean-Marie Aurand, le directeur général par intérim, et l'équipe de direction ont travaillé en ce sens et restauré les conditions préalables à un dialogue qui était effectivement rompu. Je rejoins les déclarations faites par l'intersyndicale pour dire que le respect mutuel et la clarté sont les conditions d'un travail efficace. Des évolutions fortes sont en cours et la lucidité conduit à les accepter pour travailler à leur mise en oeuvre dans des conditions satisfaisantes pour tous.

Je m'inscris dans l'augmentation du nombre des salariés de droit privé et je constate qu'une évolution à la baisse des effectifs est à nouveau prévue par le projet de loi de finances pour 2020, avec une diminution du plafond d'emploi de 51 postes. Cette évolution est inscrite dans les documents triennaux, sous réserve de vos votes à venir sur les prochains budgets. Pour moi, il est nécessaire de travailler aux garanties à assurer aux fonctionnaires de l'établissement, mais aussi aux ouvriers forestiers, dont le métier évolue considérablement.

Mon second objectif est l'amélioration du modèle économique. Le budget pour 2020 récemment adopté par l'établissement enregistre un déficit de l'ordre de 50 millions d'euros. Le rapport des inspections indique des pistes d'économies internes, comme la rationalisation des fonctions support. Certaines de ces économies impliquent dans un premier temps des efforts en matière d'investissements, notamment l'amélioration et la refonte des systèmes d'information. Mais la maîtrise des coûts n'est pas seulement un sujet interne. Le niveau du compte d'affectation spéciale « CAS Pensions », le niveau des taxes foncières sur le domaine forestier - avec la fin de l'exonération dont bénéficiait l'ONF en Guyane - ont des conséquences financières importantes, qui doivent être traitées dans le cadre du projet de contrat 2021-2026.

Ce modèle économique mérite d'être clarifié. Le Gouvernement a posé le principe de la création d'une filiale pour les activités concurrentielles de travaux et de services. Plus encore que d'autres réformes, cette mesure ne peut être traitée dans une perspective uniquement comptable. L'enjeu est d'abord celui des ressources humaines, mais, là aussi, des voies ont été tracées.

L'expérience a montré par ailleurs que le retour à l'équilibre ne viendra pas principalement d'une augmentation du produit des ventes de bois. La logique profonde de l'ONF, en tant qu'EPIC, est d'exploiter et de vendre le bois dans les meilleures conditions de transparence. Cela vaut pour les forêts domaniales et territoriales. Pour autant, la crise sanitaire actuelle ne fait que renforcer une nécessaire prudence sur les prévisions de recettes.

Enfin, et pour ne les aborder que sous leur aspect financier qui est un peu réducteur, les activités d'intérêt général ne sont pas correctement financées. Je pense, en particulier, à la contrepartie des aménités environnementales.

Ces enjeux internes sont considérables et nécessitent un vrai travail, même si les 8 500 agents de l'ONF agissent sur le terrain, comme on l'a vu ces dernières semaines.

J'en viens aux enjeux externes. Le premier concerne l'amélioration du travail avec les partenaires, en premier lieu les collectivités forestières. Un certain nombre de sujets font l'objet de débats, mais je note que l'État a maintenu le versement compensateur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

La relation avec les collectivités territoriales implique un dialogue quotidien de terrain, qui peut être clarifié. Je pense notamment à la transparence sur les coûts et les produits de l'exploitation du bois dans les forêts communales et territoriales ainsi qu'à la manière d'élaborer les documents d'aménagement.

Le dialogue peut et doit évoluer tant entre la direction de l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières qu'entre forestiers et élus. L'immense majorité des collectivités reconnaît l'utilité du régime forestier et l'utilité de l'ONF, qui est le mieux à même de mutualiser les compétences et les moyens. Mais il est indispensable d'intégrer définitivement le fait que les collectivités sont propriétaires de leurs forêts. Le poids des ventes de l'ONF à l'aval de la filière bois - qui représente 440 000 emplois - est à lui seul un motif pour approfondir le travail avec la profession.

Dans un passé récent, des progrès certes limités, mais réels, ont été enregistrés, avec, par exemple, la création par l'ONF de la filiale bois énergie. S'agissant des relations entre l'Office et l'industrie de transformation, je serai prudent, madame la présidente, pour deux raisons : d'une part, je n'ai pas rencontré les professionnels de la filière, n'étant pas directeur général de l'ONF ; d'autre part, la responsabilité première du dialogue avec la filière, de sa structuration, relève en premier lieu des services du ministère de l'agriculture.

Il en va de même pour les relations entre la forêt publique et la forêt privée. Compte tenu de la complexité des sujets à régler s'agissant de la forêt publique, il n'y aura pas de tentation « invasive » vers la forêt privée et, plus précisément, vers les organismes qui la représentent. Pour autant, le travail en commun est indispensable et plus que jamais nécessaire. Vous avez évoqué la gestion par massif et, en tout état de cause, la prise en compte du changement climatique affecte de la même manière les parcelles privées et les parcelles publiques. Qui d'autre que l'ONF, structure nationale, peut apporter les solutions à mettre en oeuvre au regard du changement climatique, la forêt privée étant caractérisée par la multitude des propriétaires ? Là encore, le ministère de l'agriculture a un rôle de coordination à jouer. Je n'énoncerai pas a priori ce que sont les attentes des propriétaires forestiers : c'est à eux de les exprimer. Une intervention volontariste de l'ONF n'est pas nécessairement la solution pour régler les problèmes auxquels sont confrontés aujourd'hui les propriétaires forestiers, souvent de nature diverse.

Ces objectifs de partenariat me semblent non seulement compatibles, mais même plus accessibles qu'avant grâce à la réforme de la gouvernance de l'ONF que l'État a annoncée le 27 juin. Mon premier objectif externe est donc le dialogue avec les partenaires, au premier rang desquels les collectivités forestières. Le second, plus ambitieux, est de renforcer le rôle de l'ONF dans la réponse au changement climatique et aux attentes environnementales.

Ce changement profond est double. Un des facteurs objectifs, c'est le changement climatique, qui bouleverse durablement les conditions de vie de la forêt, publique ou privée.

L'évaluation du risque pour notre forêt et plus encore les réponses techniques et de gestion ne sont pas aujourd'hui stabilisées. L'ONF a déjà travaillé sur ces sujets et peut avoir l'ambition d'être un lieu central de recherche de solutions avec le patrimoine dont il a la responsabilité, mais aussi de mise à disposition de ces solutions au bénéfice de la forêt privée. Je ne vous préciserai pas ce matin les solutions techniques pour la replantation, le choix des essences, les résineux - avec, en particulier les attaques de scolytes contre les épicéas - ou encore la stratégie adéquate pour s'adapter au déplacement des lignes climatiques.

L'ONF a donc un vrai rôle à jouer, nouveau pour lui, mais qui apparaissait déjà en filigrane lorsque les forêts ont été attaquées par les pluies acides. Les défis d'aujourd'hui ont une autre dimension.

Le changement est aussi un changement de société, ne serait-ce qu'en raison de l'évolution de nos concitoyens - riverains des forêts et urbains - dans leur représentation de la forêt, spécialement de la forêt publique. Une ambition pour la forêt est possible, comme elle l'a été pour le littoral ou la montagne. Je crois comprendre que l'intention du chef de l'État et du Gouvernement, dans les mois qui viennent, est de formuler une ambition pour la forêt. Cette ambition ne peut se construire qu'en fonction des attentes actuelles de nos concitoyens. L'ONF s'étant structuré en fonction des attentes des années 1960 et 1970, une adaptation est nécessaire. Cela peut expliquer pour partie la difficulté sur certains points - je pense aux coupes rases - du dialogue entre ceux qui détiennent le savoir technique et ceux qui vivent la forêt par des usages plus ou moins réguliers. Ces changements prennent des dimensions supplémentaires dans nos outre-mer, et pas seulement en Guyane. Au début de mon propos, j'ai évoqué les questions de financement soulevées par ces évolutions.

Sur un autre plan, l'ONF prend toute sa part actuellement à la crise des scolytes. Il est le mieux à même de mobiliser les moyens d'expertise, d'assurer une fonction de conseil et aussi de participer à la régulation du marché par nombre d'actions très concrètes.

Pourquoi la République française mobilise-t-elle 16 millions d'euros tandis que notre voisin allemand mobilise 800 millions d'euros ? Je ne répondrai pas, madame la présidente, à cette question. Cette comparaison doit être faite avec prudence. Ces deux chiffres ont une force symbolique évidente et il est évident que ces 16 millions d'euros ne suffiront pas pour régler les problèmes financiers engendrés par la crise. Cependant, il faut rappeler que nos voisins allemands ont une approche de la forêt différente de la nôtre, qu'il s'agisse de son mode d'exploitation, de sa composition beaucoup plus résineuse ou de la répartition des rôles entre l'État fédéral, les Länder et les autres collectivités. Je souligne également que le bouleversement des conditions d'évolution de nos forêts va au-delà des questions financières.

Pour conclure, je dirai que, pour moi, pour les acteurs et pour nos concitoyens, l'ONF incarne toujours la forêt publique. De ce fait, cette exigence d'adaptation est plus forte que jamais.

Les agents de l'ONF apportent leur passion et leur compétence, et le Gouvernement vient de réaffirmer le principe de l'existence de cet établissement - cela n'allait pas de soi - ainsi que les axes d'une évolution importante. Les attentes des partenaires sont fortes et le changement climatique va bouleverser ce qui apparaît à certains comme un statu quo.

Face à de tels enjeux, je n'affirme que ma volonté de dialogue, l'ambition de la persévérance et ma foi dans l'avenir de la forêt publique.

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci monsieur le préfet. Pour la première question, je donne la parole à la présidente du groupe d'études « forêt et filière bois », Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier, présidente du groupe d'études « forêt et filière bois » - La situation de l'ONF est dégradée depuis longtemps et plus encore, dans les années récentes, pour l'ensemble d'une filière dont l'Office est une « locomotive », avec une concentration de savoirs, de connaissances et de culture forestière. Face aux difficultés actuelles, personne n'a de solution miracle, mais ces milliers de professionnels issus du public comme du privé, détiennent une foule de solutions qu'il faut dès à présent mettre en oeuvre et expérimenter. C'est maintenant qu'il faut agir pour reconstituer notre forêt et alimenter la filière, avec ses 400 000 emplois.

Ma question est simple : au-delà de la gestion et du cadrage social et budgétaire, quelle est votre vision du rôle que doit jouer l'ONF demain pour répondre aux enjeux de société, au croisement des besoins en matériaux bois et des attentes des citoyens ? Comment concilier ces enjeux avec la défiance qui persiste au sein de l'ONF ?

Il faut sans doute une nouvelle fondation de l'ONF, à travers de nouveaux rapports sur le terrain avec l'ensemble des élus et des associations, pour arriver à un pacte social autour de la forêt ainsi que par un renforcement des partenariats avec le secteur privé. Comment refonder ce nouveau pacte, qui est la seule porte de sortie de cette situation de défiance afin de tourner toute la filière vers l'avenir, comme l'ont compris nos voisins forestiers, qui investissent massivement dans la forêt ?

M. Daniel Gremillet. - L'ONF est une belle entreprise, qui exerce des responsabilités colossales dans les territoires, mais qui suscite des doutes. Comment comptez-vous rassurer les communes sur sa stratégie à l'égard des ressources forestières que leurs territoires recèlent ? De plus, aujourd'hui, nous assistons à une évolution du positionnement des régions, dont la responsabilité forestière augmente. Comment imaginez-vous les relations avec les collectivités régionales ?

Vous avez également évoqué l'évolution climatique : quels axes stratégiques - et pas seulement techniques - comptez-vous privilégier à ce sujet, en lien avec le marché ?

J'ai par ailleurs noté que vous n'aviez pas évoqué l'équilibre sylvo-cynégétique. Comment l'appréhendez-vous ?

La forêt est affaire de temps long. Aujourd'hui, on coupe plus que l'on ne reboise, alors même que la forêt française continue de croître. Comment comptez-vous intéresser les communes à l'investissement et les propriétaires au reboisement ?

S'agissant de l'aspect sanitaire, la crise des scolytes donne lieu à des situations absurdes, dans lesquelles on paye pour transporter des « cadavres », c'est-à-dire des bois morts : si l'on avait une politique sanitaire offensive, on pourrait transporter des bois vivants. Malheureusement, aucune politique de ce type n'a été mise en oeuvre, alors que l'on aurait pu éviter cette crise en coupant les arbres de manière à éviter la contamination des parcelles voisines.

Enfin, en ce qui concerne la dimension européenne, comment imaginez-vous travailler pour que la France forestière puisse concurrencer avec les autres régions forestières d'Europe ?

M. Joël Labbé. - Vous présentez votre candidature pour relever un gros challenge, après une période d'intérim, et alors que votre prédécesseur a été congédié. Je rappelle que quinze personnes pressenties ont décliné ce poste ; vous avez parlé de passion, mais j'aurais aimé sentir chez vous l'enthousiasme nécessaire à relever ce défi.

Rappelons le contexte : l'ONF est en déficit structurel chronique, malgré les restructurations, en raison de la baisse constante de la valeur du bois commercialisé. Il se trouve donc en situation de très grave crise, en particulier pour des raisons climatiques. Il manque plusieurs dizaines de millions d'euros en 2019, alors même que nous ne sommes qu'au début de cette crise climatique. Face à cette perte de recettes et à la nécessité d'investir pour sauver cette entreprise patrimoniale, quelle est votre vision de l'avenir et des négociations indispensables ? Avez-vous l'enthousiasme nécessaire ?

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Ma première question concerne la refonte des relations avec les communes forestières. Quelle sera votre première mesure en ce sens ? Trouvez-vous normal que les communes ne puissent pas disposer de l'ensemble des données concernant leurs forêts communales ? Que pensez-vous de la définition actuelle du régime forestier ? Faut-il, selon vous, l'élargir en zone de montagne, voire au niveau national au vu des urgences auxquelles la forêt française est confrontée ?

Quelles relations envisagez-vous de nouer avec le tout nouvel Office français de la biodiversité (OFB), alors que de nombreux personnels de l'ONF travaillent presqu'exclusivement sur cette dimension ? Quelles synergies budgétaires envisagez-vous pour valoriser la connaissance en matière de biodiversité forestière de l'ONF en prenant en compte les remontées du terrain ?

Je signale enfin que de plus en plus d'élus s'agacent d'être soumis à la taxe à l'hectare de 2 euros, notamment dans les départements où la topographie empêche de dresser un plan de gestion ou d'entretenir activement la forêt, comme c'est souvent le cas dans les Alpes-Maritimes. Envisagez-vous de faire évoluer cette redevance pour en réserver le paiement aux seules communes dont les surfaces boisées font l'objet de sylviculture ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. - Notre collègue Anne-Catherine Loisier, dans son rapport, recommandait de prendre en compte les spécificités propres de chaque territoire en intégrant dans sa sphère de réflexion les collectivités territoriales et les élus locaux. Pouvez-vous indiquer comment vous concevez, à l'échelle locale, une gestion diversifiée en accordant plus d'importance aux collectivités territoriales pour un encadrement nouveau de la forêt française ? Quelles relations envisagez-vous avec la Fédération nationale des communes forestières et les propriétaires privés ? Quelle sera votre première mesure en ce sens ?

Par ailleurs, qu'en est-il de l'agence de travaux de l'ONF et du projet de filiale transport ?

Enfin, comment comptez-vous inscrire le sylvo-pastoralisme dans la future stratégie de l'ONF, en particulier dans les nouvelles conventions de pâturage dans les forêts domaniales et communales ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Aujourd'hui, 25 à 30 % des grumes de chênes issus de nos forêts sont exportés en dehors de l'Union européenne, en particulier vers la Chine. Cette situation nuit aux scieries françaises, dont on déplore la fermeture de trente établissements par an. En 2015, le label « Transformation UE » a été créé, fixant des conditions particulières aux acheteurs. Selon vous, cette mesure va-t-elle permettre de reconcentrer la transformation dans l'Union européenne ?

Mme Noëlle Rauscent. - Les finances de l'ONF ne vont pas bien, de quels outils disposez-vous pour redresser la barre ? À défaut, de quels dispositifs souhaitez-vous que le Gouvernement vous équipe ?

S'agissant des territoires ultramarins, la forêt guyanaise, notamment, coûte cher et rapporte peu. Quelles actions envisagez-vous pour rétablir l'équilibre et mettre en valeur le bois des forêts d'outre-mer ?

M. Roland Courteau. - L'évolution du climat représente un danger pour la forêt : comment l'anticiper et préserver notre patrimoine ? L'État doit être au rendez-vous de ce défi, tout comme le sont nos voisins européens. Selon vous, faut-il mettre en place une nouvelle politique forestière, et laquelle ?

Quelle réforme vous semble prioritaire et quelle place comptez-vous laisser à la concertation ?

Enfin, les personnels de l'ONF espèrent le retour d'un dialogue social apaisé et fondé sur la confiance. Seront-ils associés à la conduite de l'établissement ? Sous quelle forme ?

M. Fabien Gay. - Hier, durant la manifestation interprofessionnelle contre la réforme des retraites, des salariés de l'ONF m'ont interpellé : ils sont très inquiets du climat social qui règne dans l'institution. Quelle est la feuille de route que vous a confiée le Président de la République ? J'espère que ce n'est pas celle qui a conduit à bloquer le pays aujourd'hui sans répondre à aucune revendication !

Depuis dix ans, l'ONF est en restructuration et les personnels en paient le prix. Comme partout, les salaires sont bloqués. Qu'en est-il aujourd'hui de la formation, en particulier sur le site de Velaine-en-Haye, qui nous coûte 400 000 euros par an ? Va-t-il rouvrir ? Si la qualité d'EPIC était remise en cause, quel statut conserveraient ces personnels ? J'espère, en tout état de cause, que nous ne connaîtrons pas le même climat social que celui qui a amené votre prédécesseur à partir !

S'agissant de la forêt guyanaise, la lutte contre l'orpaillage illégal exige une action diplomatique forte en direction du Surinam et du Brésil, car nos militaires de l'opération Harpie ne peuvent pas en venir à bout seuls. Quelle est votre vision de ce problème ? Comment protéger la forêt ? On évoque une réforme du code minier ; mais celle-ci est attendue depuis un siècle ! Quel est votre avis sur ce sujet ?

M. Franck Menonville. - Les ressources de l'ONF et son équilibre financier sont tributaires de la vente du bois, de son volume et de ses prix. Quelles évolutions de ce modèle économique peut-on attendre ? Les crises qui sont devant nous nécessitent un appui de l'ONF et risquent d'entraîner une importante baisse de recettes. Dans mon département, 5 000 hectares de forêt de résineux ont été touchés et les prix ont été divisés par quatre ou cinq.

La problématique climatique et géographique de la forêt nécessite une approche locale et régionale, quelle est votre stratégie sur ce plan ? Comment appréhendez-vous le rôle émergent des régions et de la Fédération nationale des communes forestières ? Comment comptez-vous adosser la stratégie de l'ONF à la régionalisation et aux enjeux régionaux et territoriaux ?

Mme Anne-Marie Bertrand. - Alors que l'Australie est ravagée par de gigantesques incendies, quelle politique contre les feux comptez-vous mettre en place dans l'Hexagone, mais aussi en outre-mer, particulièrement en Amazonie ? Dans la forêt méditerranéenne, les incendies constituent le fléau principal, contre lequel le département des Bouches-du-Rhône a créé les forestiers-sapeurs. Quelle sera votre politique à ce sujet ?

M. Jean-Claude Tissot. - Dans votre propos liminaire, vous avez dit ne rien connaître au monde du bois et de la forêt. Où allez-vous prendre votre feuille de route : à Bercy ou auprès des professionnels du bois ?

M. Bernard Buis. - Nous constatons que, dans les territoires ruraux, les ouvriers forestiers disparaissent alors que l'administration de l'Office dans les villes se renforce. Dès lors, les personnels sont déconnectés des territoires. Pourrez-vous faire marche arrière afin de rationaliser les sites administratifs et de remettre des ouvriers dans les territoires ?

M. Bertrand Munch. - Si vous le permettez, je commencerai par répondre aux questions qui concernent la gestion de l'ONF, le dialogue social et le rétablissement de la confiance. S'agissant du dialogue social et de la relation avec les syndicats, je postule que, dans une situation de crise où ceux-ci attendent qu'on donne un contenu au dialogue, j'affirme qu'il est possible de construire un avenir de l'ONF en passant par sa refondation. Aujourd'hui, je dirige des équipes composées de personnels à très grande tradition syndicale et qui exercent des métiers en forte évolution. Dans mes fonctions actuelles, je mène donc un dialogue social sur des métiers dont l'avenir même n'est pas assuré. Or nous avons construit un projet à l'échelle de notre entreprise et nous avons obtenu des résultats. Telle est également ma volonté vis-à-vis de l'ONF et cela sera facilité par le fait qu'aujourd'hui, les attentes sont très fortes pour faire évoluer notre forêt.

Nous allons rencontrer les syndicats, et je ne peux pas postuler l'entente avec des partenaires que, par définition, je n'ai pas encore rencontrés, mais il y a une restauration du travail et du dialogue. L'ensemble des structures de concertation avaient été interrompues ; il fallait les réactiver. Ensuite, il faut trouver un chemin en gardant à l'esprit que cogestion n'est pas concertation et que concertation n'est pas codécision. D'une manière générale, décréter des décisions sans concertation préalable avec les partenaires n'est pas une bonne méthode.

S'agissant de la motivation et de la compétence technique, ma candidature a fait l'objet de longues discussions, le choix a été lent à se dessiner, j'ai fait preuve de persévérance. Certes, tout cela doit se prouver sur le terrain ; ces notions sont peut-être vagues,...

M. Fabien Gay. - Un peu !

M. Bertrand Munch. - ... mais, dans une administration, le dialogue avec les partenaires syndicaux change les choses.

Concernant l'équilibre financier, je suis prudent quant à la possibilité de revenir en arrière sur la taxe à l'hectare. Celle-ci a été fixée d'abord à 4 euros, puis à 2 euros ; le processus me semble aujourd'hui stabilisé. La vocation de l'ONF est de mettre en oeuvre une mutualisation, et en matière de relations financières avec les collectivités territoriales, rentrer dans un débat forêt par forêt, en zone de montagne ou en zone urbaine, conduirait à des modulations et à une complexité qui ne paraissent pas opportunes. Les rapports entre l'ONF et les collectivités territoriales sont déterminés par le cadre réglementaire et législatif et il faut donc rester prudent. La stabilité du versement compensateur en offre un exemple. Je me dois donc de faire preuve de circonspection quant à la modification des équilibres, car les tentations sont fortes, mais les relations financières globales entre l'État et les collectivités territoriales marquent le point de stabilité.

On ne peut plus tabler, comme le prévoyait le contrat d'objectifs qui s'achèvera en 2020, sur une augmentation des recettes tirées de la vente de bois pour régler le problème ; il faut donc trouver d'autres réponses. Vous qualifiez l'ONF d'entreprise, c'est vrai, mais il s'agit également d'un établissement public. Cela soulève donc la question des prestations de service. Il faut les aborder sous leur aspect financier et analyser les prestations concurrentielles pour déterminer si elles sont rentables ou non.

Le Gouvernement a choisi de créer une filiale intégrée à l'Office dédiée à ces questions, dont l'agence de travaux, qui pose un problème de maturité, car elle n'a pas trouvé son rythme de rentabilité, ni consolidé un niveau de chiffre d'affaires satisfaisant. Il faut donc l'intégrer dans la démarche d'ensemble d'une filiale qui travaille sur l'ensemble des prestations.

En outre, se pose la question des missions d'intérêt général au sens précis du terme, c'est-à-dire la restauration des terrains montagne, la défense contre les incendies, voire des évolutions telles que la création d'un parc naturel en forêt de feuillus, comme cela a été le cas il y a peu. Ces actions doivent s'accompagner de compensations financières. Il est cohérent que certaines actions débouchent sur des financements, mais sur d'autres, la question reste ouverte : on a ainsi pu évoquer la compensation des aménités environnementales, notamment le stockage du carbone. Le sujet est sur la table.

Au sein de l'Office, des économies peuvent encore être réalisées. Vous avez évoqué la rationalisation des fonctions administratives, mais ce n'est pas suffisant, car ce n'est pas en opérant des coupes sombres que l'on restaurera l'équilibre.

Certains sujets précis doivent être traités pour que nous nous rapprochions d'un équilibre : le niveau du compte d'affectation spéciale « Pensions », les charges salariales ou la taxe foncière, pas seulement en Guyane. Il n'est pas si fréquent que le budget de l'ONF soit voté en déséquilibre et cela pose la question des ressources à trouver !

Mme Anne-Catherine Loisier. - C'est le cas depuis longtemps, mais c'était dissimulé.

M. Bertrand Munch. - L'évolution du nombre d'ouvriers forestiers est à la baisse, ce qui soulève en effet la question de la présence sur les territoires. Les ouvriers font un métier qui reste dangereux, mais l'exploitation change et s'industrialise. Reste à mener un travail avec les collectivités territoriales sur la transparence des données ; ce sont là des outils éloignés de la tradition du martelage. Il nous faut cheminer pour définir ce qu'est une présence territoriale, sans laquelle l'ONF n'aurait aucun sens.

En matière de défense des forêts contre les incendies, j'ai été, il y a longtemps, sous-directeur de la prévention des risques au ministère de l'intérieur. Ce qui a été fait dans le Midi méditerranéen montre qu'il existe des solutions efficaces. C'est l'un des axes de travail qui nous attendent, sur un des sujets d'intérêt général qui a le plus d'importance. Il en va de même du rétablissement des terrains en montagne, pour lequel l'ONF est opérationnel, comme l'ont montré les récents épisodes climatiques. Il s'agit là de missions qu'il ne faut pas contester.

S'agissant de l'équilibre sylvo-cynégétique, la chasse est un usage important de la forêt ainsi qu'une source de revenus. Je ne suis pas chasseur moi-même, mais je vais me risquer à dire qu'il y a aujourd'hui trop de chevreuils qui se nourrissent de plants ou de jeunes arbres. Dans votre rapport, la chasse apparaît comme un usage important de la forêt et une source de revenus. Dans le contexte de la fragilité de la forêt, avec la régénération rendue nécessaire par les scolytes, nous avons une difficulté d'approvisionnement en jeunes plans, et l'équilibre entre arbres et gibier me semble être arrivé à une limite.

La définition des relations avec les régions relève d'un cadrage national, au sein duquel l'ONF n'est pas seul. Ces relations doivent être développées, mais sans doute pas de façon uniforme. Par exemple, en matière de forêts domaniales, les orientations adoptées avec la région d'Île-de-France conduisent à adapter la façon de conduire la forêt et à prendre en compte les usages et les perceptions, car sa vocation est d'abord paysagère. Ce n'est pas le cas, en revanche, pour le massif des Maures, les Landes, ou les Vosges, ou tout au moins pas de la même manière.

Sur les relations avec l'Europe, l'ONF se différencie d'une entreprise par le fait qu'il n'est pas autonome, mais qu'il fait partie d'un ensemble : le dialogue européen est d'abord le fait de l'exécutif et des services de l'État. Toutefois, il faudra apporter des réponses techniques au changement climatique, même si je ne crois pas que l'on puisse s'inspirer en cela de l'exemple des membres nordiques de l'Union européenne, car les logiques sont très différentes. Le rapport établi par les inspections comprend un important volet de comparaison et de mise en commun des données européennes, j'en conclus qu'il n'existe pas de modèle forestier suffisamment proche du nôtre pour être directement transposé. C'est par le travail en commun sur les réponses à la crise que l'on avancera, notamment pour les résineux.

La première mesure que je prendrai pour faire évoluer la relation entre l'État et les communes forestières concernera sans doute la transparence des données. Ce n'est pas simple. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un sujet relevant de l'open data, car, si le gestionnaire est l'ONF, les propriétaires, c'est-à-dire les collectivités territoriales, ont droit à des informations privilégiées, notamment celles qui relèvent du secret commercial. Ce problème perdure et je ne sais pas pourquoi il n'a pas été réglé ; il faut maintenant le faire. De plus, la législation évolue et nous sommes sous le coup de contraintes légales qui rendent l'open data obligatoire. Il nous revient donc de définir un niveau élevé de transparence, car tous les acteurs, associations ou citoyens l'attendent et la législation sur la transparence des données nous oblige.

En outre, il faut être prudent, car les communes sont confrontées à des situations très différentes, mais, sur les documents d'aménagement, il existe une valeur ajoutée de l'ONF. Ses agents mettent des documents à disposition et il y a une façon de procéder qui peut concourir à faciliter le dialogue, à travailler plus facilement et à faire en sorte que la part administrative ne grignote pas le temps consacré aux relations de terrain.

S'agissant de la crise sanitaire, l'ONF a joué un vrai rôle et a confirmé son utilité. Monsieur Daniel Gremillet, vous connaissez éminemment la forêt vosgienne : pouvions-nous vraiment éviter cette crise ? Je comprends qu'il faudrait prendre plus rapidement la décision de couper du bois qui a encore une valeur marchande, mais pourquoi cela ne se fait-il pas suffisamment ? C'est un travail qu'il nous faut approfondir.

L'ONF a développé des compétences en biologie, en particulier, plusieurs centaines de personnes s'en occupent, la forêt publique française est une des plus diversifiées d'Europe, avec le nombre d'essences le plus élevé. L'ONF a travaillé sur cette compétence et pourra la développer dans le futur. Ce sera ma responsabilité. S'agissant, cependant, des relations avec les nouvelles structures, je réserve ma réponse car il faudra trouver un équilibre satisfaisant.

Sur la question de l'exportation du chêne vers la Chine, le label est une avancée positive, mais il faut travailler dans la durée. Ces mesures demandent du temps pour produire leurs effets, mais le dispositif est bon : il faut persévérer et mieux structurer la filière.

Madame Anne-Catherine Loisier, il faut admettre qu'il existe des concurrences dans les diverses fonctions que l'on assigne à la forêt publique : la dimension environnementale et la mise à disposition d'espace augmentent par rapport à l'exploitation du bois, qui a fondé l'ONF.

L'ONF a évolué, comme on le constate dans la position qu'il a adoptée à l'égard des parcs naturels ou d'anciens dispositifs comme Natura 2000. Il se positionne ainsi comme l'un des premiers acteurs de la biodiversité et du développement durable, mais il importe de traiter la conséquence financière de cette mission d'intérêt général qu'il exerce indubitablement. La réponse se trouve peut-être dans l'approche patrimoniale à long terme et dans une gestion dans la durée. Ces mots peuvent sonner comme des généralités, mais il s'agit de cycles longs qui ne doivent pas subir des changements tous les ans. Nous avons besoin de stabilité et de clarté, c'est cela qu'attendent les personnels de l'ONF. Toutefois, il faut gérer les conséquences : comment doser les coupes rases, par exemple ? Comment assurer la substance et les plants pour replanter, alors que le rôle de l'ONF en relation avec les propriétaires privés est précisément de mettre à disposition les moyens de replanter ?

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci, monsieur.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous avons procédé à l'audition de M. Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts. Nous allons désormais procéder au vote.

Le vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement du Sénat, et les délégations de vote ne sont pas autorisées, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.

Le dépouillement se déroulera aujourd'hui à 16 heures, de manière simultanée avec la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Désignation d'un rapporteur

Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, il nous reste à désigner un rapporteur sur la proposition de loi n° 159 (2019-2020) visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France. Ce texte, issu de l'Assemblée nationale, fait suite à une proposition de loi que j'avais moi-même déposée ; je vous propose donc d'en être le rapporteur. Le texte ne concerne que l'Île-de-France et vise à transposer une disposition transitoire.

La commission désigne Mme Sophie Primas rapporteur sur la proposition de loi n° 159 (2019-2020) visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France.

Mme Sophie Primas, présidente. - Sous réserve de l'avis de la conférence des présidents, je vous propose de traiter ce texte selon la procédure de la législation en commission.

Il en est ainsi décidé.

Vote sur la proposition de nomination de M. Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous allons procéder au dépouillement du scrutin, après celui de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sur la proposition de nomination de M. Bertrand Munch aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts.

Voici le résultat du scrutin :

- nombre de votants : 32

- pour : 3

- contre : 26

blancs : 3

La commission donne un avis défavorable à la nomination de M. Bertrand Munch aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts.

La réunion est close à 11 h 10.