Mercredi 18 octobre 2023

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 09 heures.

Audition de M. Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab), et Mme Laure Verdeau, directrice de l'Agence bio

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin Mme Laure Verdeau, qui est directrice de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, plus connue sous le nom d'Agence bio, ainsi que M. Philippe Camburet, qui est président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab), pour évoquer la situation et les enjeux de l'agriculture biologique. Nos deux invités ont un positionnement différent : l'Agence bio est un groupement d'intérêt public, dont le ministère de l'agriculture et les chambres d'agriculture sont membres, chargé de promouvoir l'agriculture biologique et d'en expliquer les principes aux consommateurs. La Fnab est, quant à elle, un syndicat de producteurs avec un regard, si vous me le permettez, un peu plus « militant ».

En cette période d'inflation à deux chiffres des prix alimentaires, et dans la perspective de la prochaine loi d'orientation et d'avenir agricoles, il me paraît important d'entendre les acteurs de cette filière, importante pour notre agriculture et notre souveraineté alimentaire : 20 % des agriculteurs en France, en moyenne plus jeunes, sont engagés dans l'agriculture biologique. Comme nous aimons à le rappeler au sein de cette commission, l'agriculture française est une agriculture plurielle, et c'est bien ce qui fait sa force. L'agriculture biologique attire encore aujourd'hui de nombreux candidats à l'installation, désireux de concilier une nécessaire productivité, seule à même de générer du revenu et d'approvisionner notre marché, et un respect de standards environnementaux supérieurs à ceux, déjà élevés, de l'agriculture conventionnelle.

Cependant, depuis de nombreux mois maintenant, on observe un assez net repli de la consommation de produits issus de l'agriculture biologique. Ce repli est accrédité par le « panorama 2022 » de l'Agence bio, qui fait état d'une part du bio dans le panier des français de 6 % en 2022, contre 6,4 % en 2021, soit près de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires en moins pour l'agriculture biologique. Le recul est particulièrement marqué sur les segments des viandes, traiteur-produits de la mer-surgelés et fruits et légumes, alors que les prix du bio, certes bien plus élevés (de plus de 100 % pour certaines céréales, 70 % pour les fruits et légumes, 30 % pour la viande et 20 à 30 % pour le lait), ont en moyenne augmenté moins vite que le reste des prix alimentaires en cette période d'inflation.

La filière bio étant très dépendante de la consommation à domicile, cette baisse nous interroge forcément sur la dynamique de la filière : simple mauvaise passe conjoncturelle ou symptôme d'une politique de montée en gamme incantatoire, peu réfléchie et mal accompagnée ? En témoigne la multiplication des fermetures d'enseignes spécialisées, près de 200 entre 2021 et 2022, et la tendance se poursuit en 2023. À noter que dans ce contexte morose, la vente directe tire nettement son épingle du jeu, ce qui confirme l'appétence grandissante des consommateurs pour les circuits courts.

Cette crise de l'aval se ressent forcément à l'amont, avec un solde des conversions certes toujours positif, mais en forte baisse en 2022 par rapport à 2021. Nous n'assistons pas à un phénomène massif de « déconversions », mais d'ores et déjà à une baisse des conversions, parfois freinées par les coopératives et les transformateurs. Songeons que le groupe Lactalis avait fait état, pour l'année 2021, d'un taux de déclassement du lait bio de 40 %, et que, depuis 2021, près d'un million de poules bio ont été « déconverties ». Et la crise s'étendrait maintenant aux céréales...

Dans ce contexte dressé à grands traits, quels leviers identifiez-vous pour inverser cette tendance baissière ? Je crois savoir que l'Agence bio place beaucoup d'espoir dans une relance par la demande, par exemple via la hausse des achats de produits bio en restauration collective, conformément aux dispositions de la loi Egalim. Or, les cantines scolaires font, elles aussi, face à une flambée de leurs coûts, ce qui rend l'équation particulièrement délicate. Nous sommes bien placés au Sénat, chambre des territoires, pour le savoir. A contrario, a-t-on assez creusé la piste d'une politique de l'offre, consistant à structurer la filière par le développement notamment des industries de transformation, point faible du bio souligné dans le rapport de la Cour des comptes de 2022 ?

Par ailleurs, selon l'Agence bio, 73 % des pertes du bio en valeur vont vers d'autres offres labellisées, notamment vers la certification haute valeur environnementale (HVE), qui a un coût pour nos finances publiques mais, semble-t-il, pas d'effets observés sur l'environnement, ou encore des allégations du type « zéro résidu de pesticides ». Cela semble accréditer l'idée qu'une « concurrence des labels » se fait bel et bien au détriment des plus sérieux d'entre eux, comme l'avaient avancé dès 2022, M. Fabien Gay ici présent et deux anciens collègues de notre commission, Mmes Françoise Férat et Florence Blatrix Contat, dans leur rapport « Information du consommateur : privilégier la qualité à la profusion ». Comment, concrètement, remédier à cette situation ?

Je vous cède sans plus tarder la parole, et je suis certaine que mes collègues sénateurs auront eux aussi de nombreuses questions à vous poser.

Mme Laure Verdeau, directrice de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique. - Je vous remercie. Je me permettrai d'évoquer à nouveau les données chiffrées, afin de donner un peu de couleur à la situation actuelle. Nous sommes effectivement dans une situation inédite. Un marché se pilote habituellement par l'offre et la demande. Il y a encore deux ans, nous avions tellement de demandes de produits bio que nous ne nous occupions pas de développer l'offre dans les champs. Nous avons un objectif national de 18 % de surfaces en bio, ce qui est problématique si personne n'en consomme. Or c'est le scénario que nous vivons depuis deux années puisque nous mangeons désormais 6 % de bio, contre 6,5 %. Cela nous place au même niveau que les États-Unis.

Afin de résoudre les problèmes du secteur bio, il suffirait de doubler notre consommation en bio, de 6 % à 12 %. La taille du marché s'établirait à 30 milliards d'euros au lieu de 12 milliards d'euros. Nous avons également besoin d'attirer les nouvelles générations puisque 100 000 départs à la retraite doivent être anticipés. Nous allons connaître une « saignée démographique » si nous ne nous ne les remplaçons pas. Or, nous savons que les fils et les filles d'agriculteurs ne suffiront pas. Il va falloir recruter des talents à l'extérieur, tels que les « NIMA », les non issus du milieu agricole. Ceux-ci ont très envie de cultiver du bio.

Doubler la consommation de bio de 6 % à 12 % ne constitue pas un objectif fantaisiste, au regard de nos voisins européens, que ce soient les Danois, les Autrichiens, les Suédois ou les Suisses. Leur consommation s'élève à entre 10 % et 13 %. Les Allemands sont à 9 %. A priori, la France pourrait accueillir plus de bio, non seulement dans le panier des Français mais aussi dans l'ensemble des débouchés potentiels, qui sont au nombre de trois. Il existe certes la consommation à domicile qui est insuffisante et sur laquelle repose le marché bio à hauteur de 92 % des débouchés. 8 % du bio est consommé à l'extérieur du foyer, c'est à dire dans les cantines et en restauration commerciale. Or force est de constater que l'objectif de 20 % de bio dans les cantines fixé par la loi Egalim n'est pas atteint. Quant à la restauration commerciale, ne pas exploiter ce segment constitue une perte d'opportunités commerciales significatives. La France compte 170 000 restaurants qui n'achètent que 1 % de leurs denrées alimentaires en bio.

On peut donc imaginer demain renforcer la consommation de bio parce qu'un marché se modèle. On accuse l'inflation comme principal frein à la consommation de bio mais rappelons que celle-ci est quatre fois moins élevée pour les produits bio que pour l'ensemble des produits. Par ailleurs, on ne pourra pas réaliser la transition alimentaire en réalisant un « copier-coller » de nos listes de courses habituelles. La valeur de notre panier a augmenté de 15 %, c'est le moment de repenser notre modèle alimentaire.

Nous avons 68 millions de concitoyens, dont 10 millions sont certes en situation de précarité alimentaire. Il est d'ailleurs indispensable que le bio fasse partie de l'aide alimentaire. Mais nous avons également 58 millions de consommateurs-citoyens qui sont en situation de faire des arbitrages, dont un tiers pour qui l'inflation est quasi indolore. Or ces consommateurs n'arbitrent plus en faveur du bio : ils sont le plus souvent convaincus par des allégations marketing, qui ne constituent pas des labels ; ils vont sans doute préférer acheter du cochon dit « bien élevé » plutôt que du cochon bio.

C'est pourquoi nous devons redonner envie de consommer du bio afin de réorienter les arbitrages en sa faveur. Il s'agit en effet de la seule consommation individuelle dont il est prouvé par la recherche, par les Agences de l'eau, par l'Office français de la biodiversité, qu'elle rapporte à la collectivité. Chaque centime investi sur ce label d'État en faveur de la transition agroécologique rapporte à la collectivité. Chaque fois que vous consommez du bio, vous contribuez à faire baisser la facture de dépollution de l'eau ou à augmenter la biodiversité de 30 %. Il est donc regrettable que la consommation des Français se disperse et il est nécessaire de remodeler la demande. La consommation de café en capsule, de salades en sachet et d'eau en bouteille n'a, elle, pas été affectée par l'inflation...

Nous observons que les Français ignorent ce qu'est un produit bio. Il existe un déficit de communication sur le bio qui jusqu'à présent, était le « grand muet ». Trois éléments font cruellement défaut pour que nos concitoyens deviennent des consommateurs éclairés. Le premier est la connaissance, par ces derniers, de ce qu'est le bio : un label garanti par dix organismes agréés par l'État, indépendants, assurant une production sans pesticides de synthèse et oeuvrant au bien-être animal.

Le deuxième élément est la connaissance par nos concitoyens des bienfaits du bio pour le climat, les sols, les abeilles, et également pour le bonheur des agriculteurs. Sur ce dernier aspect, nous avons publié un baromètre du moral des agriculteurs bio ; on y constate que cultiver bio contribue nettement à leur bonheur, car ils se sentent engagés dans une agriculture citoyenne. Ils espèrent donc que la collectivité s'engage pour eux, à hauteur de leur engagement pour la collectivité, par le biais de l'agriculture bio.

Le troisième élément est de renseigner nos concitoyens sur la manière de consommer du bio, quel que soit son pouvoir d'achat. Des campagnes sont nécessaires pour expliquer de façon concrète comment ajouter plus de produits bio dans son assiette, à budget inchangé. C'est possible. Le bio est accessible à tous, moyennant une transition alimentaire. Si demain on gaspille beaucoup moins, si on cuisine beaucoup plus, si on achète des produits saisonniers, en direct, et si on varie les protéines végétales et animales, la part du bio augmentera mécaniquement. Une étude de Mme Boizot-Szantai et de MM. Hamza et Soler de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a par ailleurs prouvé en 2017 qu'à pouvoir d'achat égal, l'éducation est clé. L'étude a porté sur des familles qui consomment beaucoup de bio, et d'autres non. Elle met en exergue une réduction de près de 15 points de la différence initiale de prix liée à l'effet bio, l'écart final dans leur budget alimentaire respectif étant ramené à moins de 12 % grâce à un changement quantitatif et qualitatif, en parallèle, dans la composition de leur panier alimentaire.

Nous disposons des moyens pour remodeler la demande des consommateurs afin de développer le bio, par une communication immédiate et à long terme. On observe que les Français apprécient d'avoir un agriculteur bio comme voisin. Pour autant, quand ils franchissent la porte du supermarché, ils ne vont pas forcément acheter du bio. Il existe un décalage entre les déclarations et les actions des consommateurs. C'est pourquoi, il est nécessaire d'informer par des campagnes massives, pragmatiques, à des heures de grande écoute, idéalement tous les soirs à 20 heures, en répétant par exemple que les produits bio « offrent des sensations pures » ou qu'ils sont « nos amis pour la vie ».

À long terme, il convient de s'adresser aux enfants scolarisés en grande section de maternelle et qui quitteront le domicile parental en 2035. Cette génération doit être éduquée dès maintenant pour ne pas être à la merci des chaines de restauration rapide car un citoyen informé devient un consommateur averti.

Je souhaiterais également attirer votre attention sur les Projets alimentaires territoriaux (PAT). Ces derniers ont bénéficié de 80 millions d'euros de financements publics sans qu'il n'y soit jamais fait mention du bio pour certains d'entre eux. L'avenir du bio pourrait être dynamisé par une mention plus systématique de cette démarche dans les PAT, qui contribuent à l'éducation à l'alimentation et à la lutte contre la précarité alimentaire.

Je conclurai sur le fait que nous avons deux objectifs nationaux : 18 % de bio dans les champs et 20 % de bio dans l'assiette de la restauration collective, mais que le véritable indicateur est celui de notre taux de consommation bio, qui devrait s'établir à 12 %, comme au Danemark.

M. Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d'agriculture biologique. - Je souhaiterais compléter votre présentation par quelques faits. Nombre d'agricultrices et agriculteurs de la culture bio se demandent s'ils ont effectué le bon choix, il y a deux ans, cinq ans, voire quarante ans pour les plus anciens d'entre eux, qui vont bientôt partir en retraite. Ils se demandent si leur ferme qui a été convertie en bio il y a 40 ans poursuivra en agriculture biologique, en raison du décrochage de la consommation. Ce désarroi provient également du fait que les objectifs politiques très ambitieux qui ont été fixés, en particulier de 18 % des surfaces en agriculture biologique en 2027, n'ont pas toujours donné lieu à un soutien spécifique. Alors qu'en 2017 la croissance du marché du bio était à plusieurs chiffres, suscitant l'envie des autres secteurs, on a laissé l'oiseau s'envoler sans finalement s'assurer de la pérennité et de la solidité de cette croissance. On a considéré que c'était le marché qui allait piloter le développement du bio. C'est ce choix qui est à l'origine aujourd'hui du désarroi dans les fermes.

C'est pourquoi nous faisons le constat, comme n'importe quelle autre filière agricole ou filière économique, d'un besoin de structuration. Pour ne prendre que l'exemple des filières agricoles, elles ont toutes connu, dans leur histoire, des aléas de consommation, que ce soit pour le vin, le porc, le lait, etc. Elles ont toutes expérimenté ce genre de décrochage de la consommation par rapport à l'offre. Nous avons nous aussi besoin d'un regard prospectif pour anticiper les évolutions de marché. Quand le décrochage et le déclassement des produits bio deviennent trop importants, la régulation s'impose. Personne n'imaginerait laisser les productrices et les producteurs d'une autre filière amortir un tel choc avec leur propre trésorerie, en absorbant 30 à 40 % de perte de revenus.

Un autre constat que nous faisons est celui des limites des outils de régulation du marché aujourd'hui disponibles, soit pour la réduction volontaire de la production soit pour de l'aide au stockage et à la transformation, en raison d'effets de seuil ou de complexités techniques. Nous avons travaillé avec les parlementaires et le ministère sur la création de nouveaux outils ainsi que sur la modification des outils existants, afin de nous prémunir à l'avenir des aléas pesant sur la demande. En dépit de certaines annonces récentes plutôt encourageantes, nous aurons en effet besoin de soutenir l'offre, car l'inertie de la demande est structurelle et risque de s'installer à long terme. Ce soutien à l'offre doit faire en sorte que les agriculteurs bio ne se découragent pas et éviter tout signal contre-productif concernant le renouvellement des générations. Ces enjeux doivent être coordonnés de manière transversale et la solution est certainement plurielle.

M. le ministre de l'agriculture tient à cet objectif de 18 % à la fin de la programmation de la Politique agricole commune (PAC). C'est une position qui mérite évidemment d'être saluée. Cependant, nous nous interrogeons sur les moyens mis en oeuvre pour respecter cet objectif car 2023 risque malheureusement d'être l'année du recul de l'agriculture bio en France. Préparons-nous à ce constat avant un retour en 2024 à des horizons plus rassurants pour l'ensemble des transitions engagées, que ce soit celle de la biodiversité ou du carbone. Celles-ci ne pourront faire l'économie de l'agriculture biologique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mme la directrice, vous vouliez ajouter quelques mots. Nous passerons ensuite aux questions.

Mme Laure Verdeau. - La France est actuellement « championne d'Europe » des surfaces bio avec 2,8 millions d'hectares, devant l'Espagne, qui a perdu sa première place. Or nous risquons de voir ces 10 % de surfaces allouées au bio diminuer cette année. Au moment où je vous parle, ce recul n'apparaît pas dans les chiffres mais risque d'être observé en fin d'année. Nos 60 000 fermes bio constituent un patrimoine national, et toute réduction de leur nombre représente un appauvrissement de ce patrimoine agricole.

En outre, nous n'avons pas abordé la question de la souveraineté alimentaire, alors que le bio constitue un outil de cette souveraineté. Nous produisons actuellement 70 % du bio que nous consommons en France. En soustrayant de ce chiffre les produits tropicaux qui ne sont pas cultivés sous nos latitudes, tels que les bananes ou les amandes, la proportion de bio produit en France s'établit à 82 % de notre consommation bio. Le bio est donc un excellent élève en matière de souveraineté alimentaire, d'autant plus qu'il ne contribue pas à notre déficit en engrais azotés synthétiques, puisque le recours à ces derniers est interdit dans son cahier des charges.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci à tous les deux. Je vais céder la parole à l'ensemble de nos collègues. Pour la bonne organisation des débats et compte tenu de l'agenda qui nous est imposé, je demande à Mme la directrice, à M. le président ainsi qu'aux dix-huit commissaires inscrits d'être synthétiques dans leurs réponses. Nous allons débuter par les questions des trois rapporteurs pour avis de la mission budgétaire « Agriculture », MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et Jean-Claude Tissot.

M. Laurent Duplomb. - Mme la Présidente, voici maintenant quelques décennies que l'agriculture biologique prospère en partie sur une fausse promesse, est qu'elle est trop politisée, voire trop idéologique. Cette illusion qui s'est maintenant répandue à d'autres secteurs économiques, c'est celle d'une production immaculée, d'un travail de l'homme ne laissant aucune trace sur son environnement. Les Français ne savent pas, pour une bonne partie d'entre eux, que l'agriculture biologique autorise, elle aussi, l'usage de pesticides.

Or, il semble que vous ne vous soyez pas démenés pour dissiper ce malentendu d'une production agricole soi-disant sans pesticides et sans engrais. Pourtant, vous connaissez les cahiers des charges et savez qu'en réalité, tout est affaire, malheureusement ou heureusement, de bénéfices-risques. Vous êtes même bien placés pour savoir que l'agriculture fait parfois face à ce que l'on appelle des impasses techniques. J'en veux pour preuve l'usage du cuivre comme fongicide pour contrer le mildiou et la tavelure, certes utilisé par tout le monde mais d'autant plus en agriculture biologique que d'autres substances lui sont interdites, avec des effets délétères sur la vie des sols. Une expertise scientifique collective menée par l'Inrae en 2018 a esquissé quelques pistes pour ne plus l'utiliser mais laisse autant de questions que de réponses. J'aurai donc deux questions. Premièrement pouvez-vous nous dire où vous en êtes, cinq ans après ce rapport, dans la recherche d'alternatives ou dans la réduction des usages de cuivre ?

Deuxièmement, vous qui vous montrez si prompt à dénoncer le moindre écart dans les allégations des labels concurrents, qu'attendez-vous pour rappeler à l'ordre ceux qui, en véhiculant une fausse image de l'agriculture biologique, finissent par jeter le discrédit sur l'agriculture française dans son intégralité ?

M. Franck Menonville. - L'agriculture biologique n'est-elle pas pénalisée par le fait qu'elle a été organisée politiquement, via la fixation d'objectifs politiques de production et de consommation, et qu'elle n'a pas été suffisamment connectée au marché et à la demande du consommateur ? De ce fait, comment assurer l'appariement de ces objectifs politiques à la réalité des marchés ainsi qu'à la demande des consommateurs ?

M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie nos invités de leurs exposés liminaires qui illustrent les nombreux intérêts de l'agriculture bio et son développement. Pour ma part, j'aurais quelques questions complémentaires sur les différentes aides que vous avez évoquées. Je souhaiterais savoir quel est votre regard sur la pertinence de ces aides, s'agissant de leur volume ou de leur ciblage. Les critères retenus sont-ils pertinents ? L'aide annoncée en mai dernier par le M. le ministre de l'agriculture, d'un montant de 60 millions d'euros, constitue une première étape mais elle me paraît insuffisante pour atteindre l'objectif des 18 % de surfaces agricoles utiles en bio d'ici 2027.

Enfin, je souhaiterais aborder la question de la concurrence intra-européenne et extra-européenne sur les produits issus de l'agriculture bio. Que pouvez-vous nous dire sur la concurrence à laquelle fait face l'agriculture bio française, notamment celle des produits espagnols ? Une des réponses ne réside-t-elle pas dans le renforcement du lien entre agriculture bio et localisme, afin de répondre à cette concurrence tant en matière de prix que d'impact environnemental ?

Ma dernière question portera sur le lien indispensable avec les collectivités territoriales et les établissements scolaires. On le sait, le pourcentage de produits issus de l'agriculture bio dans les cantines reste bien inférieur aux objectifs, avec seulement 6 % de produits bio dans les cantines en 2022. Comment expliquez-vous ce développement difficile ? Est-il seulement lié à la structuration des filières ?

Mme Laure Verdeau. - Je vous remercie. Monsieur le sénateur Duplomb, notre site internet a pour objectif d'informer de manière objective et éclairée. Vous y trouverez une infographie répondant à vos questions. Nous n'avons aucun intérêt à propager de fausses informations ou des bruits, d'autant plus que nous sommes sous la tutelle du ministère de l'agriculture. Dans cette infographie que nous avons largement diffusée, nous montrons qu'il y a actuellement 455 substances chimiques autorisées en Europe en agriculture. Le bio en utilise 47, dont le cuivre. Nous y expliquons la différence entre la chimie naturelle et la chimie synthétique.

Pour revenir sur le cuivre, je regrette qu'il ne monopolise le débat alors qu'il ne représente qu'un petit pixel de la grande photo du bio. L'agriculture bio n'utilise pas plus de cuivre que l'agriculture conventionnelle, puisqu'elle en utilise quatre kilos par an par hectare. Par ailleurs, aucun captage d'eau n'a jamais été fermé pour cause d'une pollution en cuivre alors que cent l'ont été pour cause de pollution agricole. Rappelons également que le cuivre est vendu en complémentent alimentaire dans les pharmacies. Il est regrettable de se focaliser sur ce point tandis que l'amélioration des modalités de l'agriculture bio se poursuit, ce qui est dans son ADN. Effectivement, tout est fait pour se passer de cuivre. J'encourage le financement de la recherche en ce domaine afin de dépasser cette impasse technique.

Vous avez parlé de fausses promesses du bio. Puisqu'il est désormais devenu un produit de masse, et a cessé d'être un produit d'initié, nous avons besoin d'un budget de communication et d'information du citoyen au quotidien, afin que chacun sache ce qu'il en est.

Concernant les objectifs, il convient de renforcer la demande de bio. Dans tout fonctionnement de marché, tout développement de l'offre s'accompagne de celui de la demande. Jusqu'ici la question ne s'était pas posée. Prenons l'exemple de la voiture électrique. La décision de la promouvoir s'est inscrite dans la durée. Elle a été suivie d'une information au public, du versement d'une aide de 7 000 € par foyer pour l'achat d'une voiture électrique. Un marché doit donc se penser à l'échelle de tous les maillons de la chaîne de valeur, ce qui m'amène à répondre à votre question sur la structuration des filières.

L'Agence bio dispose, depuis 15 ans et le Grenelle de l'environnement, de la gestion du fonds Avenir bio. Vous êtes cordialement invités au 15 ans de ce fonds, le 7 décembre prochain à Paris. Nous allons célébrer les entrepreneurs du bio qui ont construit les filières bio notamment dans les années 1990-2000, lorsque les outils manquaient alors que la demande de bio commençait à se développer. Le fonds Avenir bio a financé 300 entrepreneurs du bio afin de créer des infrastructures, sur le modèle de France Relance. Ces entrepreneurs ont dû démontrer la faisabilité de leur projet ainsi que l'existence de débouchés.

C'est pourquoi nous nous réjouissons que le fonds Avenir bio ait été renforcé pour atteindre 18 millions d'euros pour l'année qui vient. Il constitue, en outre, un outil de souveraineté alimentaire. Rappelons que nous faisions face à des situations aberrantes, où pour répondre, par exemple à la demande de muesli bio, l'avoine était transportée à l'étranger pour son floconnage avant son retour en France pour sa consommation. Bio et production locale ne s'opposent pas. Le segment de la vente directe des fermes bio a augmenté de 4 % en 2022. Sur les 60 000 fermes bio existant actuellement, 26 000 d'entre elles vendent en direct. C'est un outil de reterritorialisation des filières alimentaires. Les Français plébiscitent le bio en direct. Si ces fermes devaient cesser leur exploitation, nous perdrions une opportunité de reterritorialiser nos filières alimentaires.

M. Philippe Camburet. - Sur la question du cuivre et plus largement celle des intrants controversés en bio, personne ne prétend en bio « laver plus blanc que blanc ». Notre démarche procède de l'anticipation et de l'amélioration des techniques au fur et à mesure. Nous diffusons des alertes. C'est le cas du cuivre ainsi que d'autres produits. Nous avons été réactifs au sein de notre fédération sur cette question. Nous disposons d'un budget de l'ordre de quelques centaines de milliers d'euros afin de financer des programmes pluriannuels pour accompagner les agriculteurs dans la recherche d'alternatives. Ces dernières progressent et progresseront d'autant plus rapidement si l'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab) dispose de moyens suffisants. En conséquence, s'agissant des intrants controversés en bio, notre démarche consiste à être le plus possible en adéquation avec les enjeux des transitions, que ce soit l'eau ou la biodiversité mais aussi la santé humaine.

Concernant le « faux bio », comme tout secteur économique en forte croissance, des personnes opportunistes ou ne prônant pas la vision la plus progressiste et humaniste de l'agriculture, peuvent investir le segment du bio. Tous les agriculteurs ont pour préoccupation de vivre de leur métier, ce qui peut amener à des divergences de conception de ce métier. Je ne souhaite faire un procès d'intention à qui que ce soit. J'espère seulement que nous allons tous dans le même sens afin que les critiques cessent le plus rapidement possible,

S'agissant des objectifs, force est de constater qu'on aurait dû mieux accompagner le développement de la filière, avec notamment des outils de régulation, ce qui nous permettrait de mieux appréhender la période actuelle. Nous sommes en train de préparer la prochaine version du programme Ambition bio qui sera présentée en début d'année prochaine. Elle est en cours d'élaboration au sein du ministère de l'agriculture. Aucun acteur de l'ensemble des familles professionnelles qui concourent notamment à sa rédaction, dans les différents groupes de travail de ce programme, ne remet en question l'objectif de 18 % de surfaces en bio. Personne, ni les syndicats, ni les interprofessions, ne le remet en cause. Nous souhaitons que cette nouvelle version soit encore plus adaptée aux nouveaux enjeux et aux nouveaux risques, en les conciliant avec les contraintes de la vie économique.

En ce qui concerne la pertinence des aides, l'agriculture biologique, comme toutes les agricultures, est soumise à la PAC qui a été fixée il y a maintenant un an, pour cinq années. Cette dernière a opté pour une vision exhaustive de l'évolution des pratiques des agriculteurs, en leur offrant un accès à des éco-régimes qui démontrent aujourd'hui que le système est victime de son succès. L'enveloppe des éco-régimes est déjà utilisée, ce qui pénalise l'agriculture biologique pour les cinq années à venir.

S'agissant des fonds d'urgence qui ont été débloqués, avec la rigidité et la complexité que nous connaissons, nous sommes loin des 60 millions d'euros qui avaient été prévus. Des dossiers à hauteur de 100 millions d'euros ont déjà été déposés. Comment combler ce manque ? Ce « fonds Ukraine » ne sera certainement pas la seule solution. En tout état de cause, nous devons répondre à ces agricultrices et agriculteurs qui se sont engagés en bio. L'enjeu est le risque d'une « déconversion » de plus en plus forte.

En ce qui concerne le bio et le localisme, ils se sont affrontés pendant les épisodes de confinements et déconfinements successifs. Les Français et Françaises ont été perturbés par ce nouvel ordre économique qui s'installait lors des courses du quotidien. Notre intérêt aujourd'hui est que bio et localisme se rencontrent à nouveau. C'est évidemment la solution idéale, sachant qu'aujourd'hui la plupart des produits bio sont généralement produits et consommés localement. Toute politique d'accompagnement de l'offre doit être élaborée dans cette perspective afin de répondre à l'ensemble des demandes, dans l'intérêt du citoyen et de la citoyenne.

M. Alain Cadec. -Face à l'inflation qui réduit le pouvoir d'achat des Français, ces derniers hésitent entre leur envie de consommer mieux pour manger mieux et le critère du prix. On observe toutefois que le prix demeure le premier critère dans leur parcours d'achat, ce qui les conduit à délaisser de plus en plus l'alimentation bio. En conséquence, les ventes de produits bio sont en recul notamment dans la grande distribution et les magasins spécialisés. Les chiffres annoncés en juin 2023 par l'Agence bio pour l'année 2022, confirment les grandes tendances amorcées en 2021. Les achats de produits alimentaires bio sont en baisse de 4,6 % et la part du bio dans le panier des Français s'établit à 6 % contre 6,4 % en 2021.

Les produits aux mentions alternatives comme HVE, Agri confiance ou Zéro résidu de pesticides sont-ils vos concurrents directs ? Vous pénalisent-ils plus que l'inflation ou que l'attrait récent pour les produits locaux ? Si tel est le cas, avez-vous prévu une nouvelle stratégie afin de regagner l'intérêt de ces consommateurs qui vont peut être aujourd'hui de plus en plus vers des produits plus accessibles, en termes de prix ?

Mme Laure Verdeau. - Je vous remercie pour votre question. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, contrairement à ce que l'on aurait pu imaginer, il n'y a pas eu d'effondrement de la consommation pour certains produits tels que les capsules de café ou l'eau en bouteille. Vous soulignez effectivement la nécessité d'arbitrer entre la fin du mois et la fin du monde. C'est pourquoi une des solutions est la communication. Nous avons mené plusieurs études avec Kantar et Nielsen : le seul consentement à payer plus cher un produit réside aujourd'hui dans le soutien à la production locale ou française. Le seul élément qui permette de faire consentir à surpayer un produit, c'est le « bleu blanc rouge ».

C'est pourquoi nous avons mené l'an dernier une première campagne avec l'ensemble des interprofessions qui s'appelait « Pour nous et pour la planète, #BioRéflexe ». Cette dernière a eu un impact certain, de l'ordre de 5 % de ventes supplémentaires pour le bio. Lors de la journée européenne du bio du 23 septembre dernier, l'Agence bio a lancé la deuxième édition de la campagne d'information #BioRéflexe qui met en lumière le lien entre le bio et le local. Elle est diffusée actuellement sur les ondes de Radio France. Les interprofessions nous ont à nouveau suivis. Des régions comme l'Occitanie, la Bretagne ainsi que les Pays de la Loire et des métropoles, nous ont rejoints cette année. Pour cette deuxième édition, le slogan est devenu « Pour nous, pour la planète, pour nos producteurs locaux #BioRéflexe ». Nous voulions éviter cette opposition entre bio et local. On a en effet beaucoup entendu dans les médias des affirmations telles que : « Je ne mange pas bio, je mange local ». Cela n'a pas de sens. Il est temps de démontrer qu'en France, contrairement à d'autres pays, on peut à la fois produire bio et manger bio. La filière bio devrait être notre fierté. Nos voisins espagnols et italiens qui sont d'importants producteurs de bio n'en consomment pas mais l'exportent. Nos voisins allemands ne produisent pas de bio et en importent pour leur consommation. Nous pouvons, nous, à la fois produire et consommer. C'est pourquoi nous demandons à être soutenus. Chaque denier public qui nous est confié, nous le faisons fructifier pour qu'il contribue à augmenter le marché bio pour tout le monde.

M. Philippe Camburet. - La question de l'accessibilité aux produits bio se pose évidemment. Elle s'est posée bien avant cette crise. Certains engagements de candidats à l'élection présidentielle ont évoqué l'accès de tous aux produits bio, notamment via des initiatives comme le panier alimentation durable ou d'autres initiatives qui permettaient de rompre avec le clivage en vertu duquel un produit bio est réservé à une élite. Les initiatives favorisant l'accès au bio doivent être encouragées. J'en veux pour preuve la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (Snanc) qui va reprendre en partie cet objectif de d'accessibilité.

En ce qui concerne les mentions alternatives, le constat doit être fait à l'aune des 75 % à 95 % d'achats alimentaires effectués dans les grandes surfaces. La grande distribution a eu naturellement à répondre à la question de l'alimentation durable, respectueuse de la planète et de la santé. Dans le cadre de ses approvisionnements, elle a ainsi cherché la façon de valoriser des démarches, tantôt agronomique, tantôt citoyenne. Elle a donc emprunté cette démarche de distinction et de différenciation par l'allégation environnementale. Cela a donné naissance à plusieurs initiatives qui sont intervenues parallèlement à ce qui est fait en bio depuis 40 ans. En conséquence, comme n'importe quelle filière économique, les consommateurs ont besoin de plus d'informations pour faire le tri entre les allégations qui ne peuvent les satisfaire et celles qui s'appuient sur des cahiers des charges ayant fait leurs preuves. C'est pourquoi ils doivent être éclairés afin de faire le bon choix.

M. Guislain Cambier. - Je viens d'un territoire dans le Nord, l'Avesnois, qui comprend la plus grande surface agricole utile bio des Hauts-de-France. J'y suis donc particulièrement sensible. J'observe que nombre d'agriculteurs, éleveurs ou producteurs, semblent perdus dans le contexte actuel. Ma première question est pour Mme la directrice. Nous avons évoqué la loi Egalim qui fixe un certain nombre d'objectifs plus ou moins ambitieux. Or force est de constater que les décideurs locaux sont soit peu informés, soit qu'ils ne disposent pas des moyens pour les mettre en oeuvre, en particulier dans leur cantine scolaire. Existe-t-il un suivi et un contrôle de la mise en oeuvre de cette loi ?

Quant à M. le président que je remercie également pour son exposé, je vais prendre l'exemple de la filière lait bio, celui-ci étant actuellement vendu à un prix inférieur au lait conventionnel. Certains pointent par ailleurs les marges de la grande distribution en ce domaine. Existe-t-il un plan d'orientation, de soutien, ou de structuration de la filière lait bio, de façon à éviter le déclassement de ce produit ?

Mme Laure Verdeau. - S'agissant du suivi et du contrôle de la réalisation des objectifs de la loi Egalim, un outil a été mis en place par la direction générale de l'alimentation (DGAL), intitulé ma-cantine.agriculture.gouv.fr. C'est un outil déclaratif, pour lequel il n'y a donc pas de contrôle pour l'instant. Près de 10 % des 80 000 cantines françaises s'y sont enregistrées et déclarent ce qu'elles font, sans avoir toutefois à aborder la question du bio. En outre, nous utilisons les enquêtes pour estimer la part de bio effectivement achetée. Nous espérons que « Ma cantine » permettra de dynamiser le recours au bio par les cantines et que des contrôles seront mis en oeuvre. Nous avons quelques sujets de satisfaction. Certaines cantines parviennent à utiliser 50 % à 70 % de bio avec le même budget. Il est donc important de faire savoir qu'il est possible de réaliser un repas avec du bio à un coût modéré. Cela ne dépend pas que de l'aliment mais également du fonctionnement de la cantine. Certaines d'entre elles ont réévalué leur politique énergétique et ont investi dans des fours programmables afin de diminuer leur consommation d'énergie. Il existe un grand nombre d'outils qui vont bien au-delà de lui-même et qui dépassent le clivage bio/non-bio.

M. Philippe Camburet. - M. le sénateur Cambier, je tiens tout d'abord à souligner les efforts et avancées réalisés dans votre territoire, en termes de développement du bio, dans un contexte difficile pour effectuer la transition des pratiques agricoles.

En réponse à votre question sur la filière laitière, c'est l'exemple parfait qui démontrerait l'efficacité d'un dispositif agissant sur deux, trois, quatre leviers de régulation de l'écart entre l'offre et la demande. Malheureusement, le déclassement atteint des niveaux insupportables, jamais atteints pour la plupart des filières. Des outils de régulation permettraient d'éviter que ce ne soient les opérateurs économiques qui supportent cette crise.

S'agissant de la question de la marge, nous ne l'avons pas spécifiquement abordée aujourd'hui mais tout l'enjeu est là. Comment lutter contre le discrédit lié à l'image de produits surpayés qui enrichissent tantôt le transformateur, tantôt le distributeur et peut-être finalement le producteur. Qui dit la vérité ? Il existe un Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) qui n'évalue toutefois que deux produits bio. Tant que nous n'aurons pas instauré un juge des prix dans les filières bio, le discrédit perdurera. C'est valable pour l'ensemble des produits laitiers.

M. Daniel Salmon. - Un grand nombre d'informations ont déjà été fournies sur les causes structurelles de la crise du bio. Il y a la question du prix et l'on revient toujours sur le coût du bio. Ma première question concerne donc le pouvoir d'achat. J'aimerais que vous nous disiez quel est le vrai prix du bio et du conventionnel ? Prend-t-on en compte l'ensemble des externalités, positives et négatives ? Je crains que ce ne soit pas le cas.

Ma deuxième question porte sur les outils de régulation. Y aurait-il deux poids deux mesures entre la filière bio et celles conventionnelles ?

Enfin pouvez-vous nous éclairer sur l'intérêt du bio pour la biodiversité, pour la lutte contre le réchauffement climatique, etc. ?

M. Philippe Camburet. - S'agissant du vrai prix du bio, les questions relatives à qui produit, où, comment et finalement à quel prix, sont essentielles pour l'appropriation de notre alimentation. Nous vivons pour la très grande majorité une période de suffisance alimentaire, nous éloignant par moment des enjeux fondamentaux. Une grande partie de notre alimentation est subventionnée. Qui en a conscience aujourd'hui ? Quels sont ceux ou celles qui savent aujourd'hui que, dans l'achat d'une baguette de pain ou d'un kilo de n'importe quel autre produit, il existe une fraction d'argent public ? Personne ne le sait. Nous nous sommes donc éloignés de toutes les externalités qui pèsent sur l'agriculture, tels que le prix de la dépollution de l'eau. C'est pourquoi nous devons communiquer et informer nos concitoyens. Encore faut-il qu'ils aient une appétence pour s'informer sur ce qu'ils consomment.

Concernant les outils de régulation, force est de constater qu'ils sont, malheureusement, le plus souvent calibrés pour les productions majeures ou massives dans le pays, entrainant certains effets de seuil sur les volumes ou des effets très restrictifs sur des filières bien précises. Ces outils peuvent donc s'avérer surdimensionnés et mal adaptés par rapport à nos besoins aujourd'hui, ce qui me conduit à penser que nous devons en inventer de nouveaux.

Mme Laure Verdeau. - Nous interrogeons chaque année depuis vingt ans plus de 4 000 Français représentatifs sur leur rapport au bio, ce qui nous permet de dire que la crise du bio est en partie conjoncturelle, en raison de l'inflation, mais qu'elle est surtout structurelle. En effet, jusqu'ici le bio a conquis des consommateurs qui étaient autodidactes et qui se renseignaient à son sujet. Or, la filière ne pourra se développer que si chacun est informé de ses bienfaits. Je vous l'ai dit, à pouvoir d'achat égal, l'éducation est clé. Actuellement, les Français qui nous disent « Moi, je ne mange pas Bio » déclarent également que c'est parce qu'ils ne savent pas ce qu'il y a derrière le label bio, parce qu'ils s'en méfient, ou pensent que c'est du marketing, alors que c'est un diplôme d'État.

Concernant la concurrence des autres labels, l'Agence bio dispose d'un budget de communication de 500 000 euros alors que celui des autres enseignes ou des marques se chiffre en centaines de millions d'euros. Nous ne nous battons pas à armes égales. Le bio doit avoir les moyens de communiquer à des heures de grande écoute et appartenir à toutes les tables. On parle beaucoup de consommation à domicile, mais la restauration collective reste la clé ainsi que la restauration commerciale.

M. Serge Mérillou. - Je suis élu sénateur et conseiller départemental, dans un département dans lequel le conseil a fait le choix politique d'initier au niveau de la restauration scolaire collective le « 100 % bio, 100 % local et 100 % fait maison », ce qui a donné une autre dimension au métier de cuisinier. Ce dernier ne se résume plus à ouvrir des boîtes. Cela a redonné un sens à leur métier.

Nous avons vu à l'échelle nationale que les objectifs de la loi Egalim pour 2022 sur la part de bio dans la restauration scolaire ne sont pas atteints. Dans un contexte économique dans lequel la consommation de bio à domicile n'est pas accessible à tous les ménages, la restauration collective constitue un moyen de découvrir ces produits, pour les ménages comme pour les enfants.

Ma question est la suivante : comment peut-on accroître la part du bio dans la restauration collective ? Quels freins identifiez-vous ? Je formulerai également un voeu, celui que l'on cesse d'opposer le bio aux autres signes officiels de la qualité et de l'origine (Siqo). Il existe de la place pour tout le monde. Avec un pourcentage de bio malheureusement faible, à hauteur de 6 %, il faut bien que l'on cohabite. Je déplore cet affrontement permanent alors qu'on a besoin de tous les agriculteurs.

M. Philippe Camburet. - Merci M. le Sénateur, pour cet exemple. Cette collectivité a choisi d'aller plus loin. J'imagine que cela n'a pas emporté l'adhésion de tous. Cela démontre que c'est possible si un choix politique est fait. Toute collectivité ne parviendra peut être pas au niveau que vous vous avez cité, mais elle peut contribuer à faire évoluer la situation, en tout état de cause, un peu plus vite qu'une loi. C'est un exemple de plus qui met en lumière la possibilité également d'améliorer la découverte des produits bio par des actions qui sont menées à destination des familles qui en sont les plus éloignées.

Les défis de l'alimentation positive dans les familles sont très répandus dans tous les départements où nous travaillons avec les collectivités, dans le cadre de l'accompagnement social pour la découverte des produits bio. Ces actions doivent être également menées dans les cuisines collectives. En effet, des personnes qui ouvrent des boîtes ou réchauffent les plats dans les cuisines collectives, le font probablement à leur domicile. L'enjeu est d'encourager la réappropriation des produits bruts et des produits locaux. Ces actions, aujourd'hui insuffisantes en nombre, sont nécessaires afin qu'au-delà du budget, la volonté de nos concitoyens de consommer du bio, soient au rendez-vous afin d'augmenter la part du bio dans la consommation.

Par ailleurs, on observe malheureusement une forte inertie de la réglementation des achats publics qui certes évolue, mais à un rythme ne permettant pas à chaque acheteur dans son établissement de recourir plus facilement aux produits locaux, que ce soit sous signe de qualité ou pas.

Enfin il est possible de prendre exemple sur certaines régions, sans établir de classement discriminant. Une aide à l'achat de dix à vingt centimes sur le prix d'un repas pour atteindre les objectifs de la loi Egalim serait la bienvenue. Mais ce sont des initiatives qui malheureusement ne sont pas possibles pour tout le monde.

Mme Laure Verdeau. - S'agissant des freins à la consommation du bio, il en existe deux que je constate au quotidien parce que nous rencontrons en permanence des chefs. Le premier réside dans l'aptitude et la volonté de cuisiner. Il apparait qu'on ne trouve aucune occurrence des mots bio, transition agroécologique, anti-gaspillage dans le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) cuisine. Si on souhaite avoir plus de bio dans les menus, il convient de ne pas gaspiller et de bien cuisiner. On ne peut plus acheter des pestos déjà cuisinés, cela coûte trop cher. Afin de lever ce frein, il serait souhaitable que le CAP cuisine intègre le bio tout au long de la formation car il constitue un formidable outil pour connecter nos chefs à nos agriculteurs. Une réforme des référentiels devrait avoir lieu prochainement. Il convient de saisir cette opportunité.

Le second frein réside dans le conditionnement des produits bio, leur adéquation à la demande. On a pu observer que certains agriculteurs produisant des pots de yaourts bio de 250 grammes ne parvenaient pas à les vendre aux cantines demandant des conditionnements plus importants.

Les Projets alimentaires territoriaux (PAT) peuvent jouer un rôle primordial dans cette adéquation de l'offre à la demande. Les chargés de mission responsable de l'élaboration d'un PAT se rendent régulièrement sur le terrain afin, par exemple, de visiter des abattoirs, de s'entretenir avec les éleveurs ou les responsables de la cantine scolaire, afin de connecter la demande à l'offre. Ils dialoguent avec tous pour établir des synergies afin que la cantine n'achète pas des filets déjà levés. Éviter tout surcoût au quotidien requiert, en effet, de revoir le fonctionnement de la cantine.

M. Yannick Jadot. - Il faut cesser de penser que l'économie agricole de notre pays et en Europe est une économie libérale de marché. Notre pays octroie 12 à 13 milliards d'euros par an de soutiens directs à l'agriculture, que ce soit via la PAC ou l'argent public français. C'est donc une économie organisée et c'est une bonne chose que ce soit le cas. Une fois ce constat fait, on peut s'interroger sur l'emploi de cet argent. Nous avons évoqué les externalités. J'ai deux questions pour nos intervenants.

S'agissant du bio, comment expliquez-vous que le tirage classique pour une campagne de promotion en soutien aux filières agricoles soit de l'ordre de 30 millions d'euros alors que sur le bio c'est de l'ordre de 5 millions d'euros ?

Concernant votre propos les labels, disposez-vous d'une évaluation ? Ces labels ne sont pas spontanés, ils ont été construits politiquement. Du côté de la FNAB, avez-vous une évaluation de la diversion de la bio vers le HVE, par exemple en termes de soutien ?

M. Philippe Camburet. - S'agissant de l'information des citoyens, les annonces qui ont été faites aujourd'hui de 5 millions d'euros supplémentaires pendant trois ans concernent des moyens qui viennent de la planification écologique. Généralement, quand on chiffre en dizaines de millions d'euros les opérations de communication, cela signifie que les interprofessions se sont mobilisées pour avoir un résultat à hauteur de leurs attentes. Aujourd'hui, toutes les agricultrices et les agriculteurs financent ces interprofessions par l'intermédiaire de contributions qui sont collectées à la source. Ces contributions vont abonder un budget qui est tantôt orienté vers la recherche, tantôt vers la communication ou d'autres objectifs. Quelles qu'elles soient, ces orientations budgétaires sont décidées au sein d'une interprofession qui est aujourd'hui, et depuis longtemps, majoritairement tournée vers une agriculture assez éloignée du bio.

Même si les choses changent positivement, et de manière diverse selon les filières, un travail important doit être effectué en ce domaine. M. le ministre semblait s'inquiéter de la réticence qui existe dans les interprofessions à aller un peu plus loin dans le financement des campagnes de communication sur le bio. Et encore faut-il maintenant que ces annonces se concrétisent et qu'enfin on parvienne à franchir ce seuil, cette masse critique de financement pour la communication. Certes, nous avons obtenu un impact de 5 % par la campagne #BioRéflexe, organisée avec grand talent, avec finalement 1,5 millions d'euros à 2 millions d'euros. Imaginez ce que l'on pourrait obtenir, si on avait multiplié par deux, trois, quatre, cinq ou dix, ce montant. Je ne serais pas là ce matin devant vous, pour vous alerter sur les difficultés de la filière bio. Il est nécessaire aujourd'hui de recentrer l'ensemble des moyens qui sont mis en oeuvre par tous les productrices et les producteurs, sous forme de ces contributions. Il existe un statut des interprofessions. Faut-il une interprofession bio ? La question se pose peut-être. S'il faut la construire, donnons-nous les moyens de le faire dans un cadre juridique qui permet d'avoir une interprofession digne de ce nom, avec des budgets adéquats. Je suis prêt à en discuter. Ce sujet est crucial pour notre développement.

Mme Laure Verdeau. - J'aimerais ajouter un mot sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) qui nous éduque à la transition énergétique, qui nous apprend à éteindre les lumières ou à trier nos déchets. Les budgets de communication de l'Ademe à destination du grand public sont de l'ordre de 30 millions d'euros. Cela fournit une indication du montant nécessaire pour éduquer à la transition. En effet, l'enjeu est d'encourager aux changements d'usage. Affirmer que « Manger bio rend beau » ne suffira pas. Cela peut ponctuellement relancer la demande et peut être faire en sorte que l'on conserve intact notre patrimoine de 60 000 fermes bio. En revanche, sur le long terme, nous faisons face à un enjeu d'éducation. La consommation bio représente un éco-geste dont il faut fournir le mode d'emploi parce que chacun peut « manger bien, quel que soit son pouvoir d'achat », en mobilisant son énergie. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut plus réinvestir dans notre alimentation.

Mme Amel Gacquerre. - Je vais revenir rapidement sur l'objectif non atteint des 20 % de bio dans les restaurants collectifs. Ces derniers mettent en avant le prix des matières premières. Toutefois, il existe aujourd'hui d'autres freins beaucoup plus complexes, tels que le manque de structuration des filières locales qui ne peuvent répondre aux besoins. Je pointe de ce fait les inégalités territoriales qui s'imposent aux cantines et aux citoyens. Quelles pistes concrètes proposez-vous pour y pallier ? Cette inégalité territoriale est-elle intégrée dans l'objectif fixé des 18 % des surfaces bio en 2027 ?

L'autre sujet concerne l'accompagnement des collectivités territoriales pour atteindre cet objectif. Existe-t-il et, si oui, est-il est suffisant ?

M. Philippe Camburet. - La diversité territoriale existe et s'ajoute à la diversité des productions et des profils des fermes. La seule structuration des politiques territoriales en matière d'alimentation passe par les PAT, mis en oeuvre dans un cadre de co-construction sur le terrain et de mobilisation des différents acteurs, afin d'identifier les adéquations entre l'offre et la demande. La FNAB travaille depuis plusieurs années avec des spécialistes sur cette question d'adéquation et de mise en relation entre producteurs et acheteurs. Cela a conduit en 2010 à la création de plateformes logistiques de mise en relation, le Réseau Manger Bio, dans à peu près dans toutes les régions. Ce réseau effectue ce travail de lien. Il n'est pas obligatoire, et est porté par des productrices et des producteurs.

On a besoin d'une nouvelle version de ces PAT qui intègre la dimension Egalim afin que l'on ne se contente pas d'installer quelques partenariats avec des producteurs locaux. Ne pas aller au-delà constituerait un échec de la relocalisation et de la transition alimentaire. Le PAT est un outil qui a le mérite d'exister et sur lequel on doit pouvoir compter demain.

Mme Laure Verdeau. - On observe, en effet, une rupture de l'égalité des citoyens vis à vis du bio. Il existe des zones blanches et des zones très bio. Les PAT constituent un formidable outil pour favoriser l'accès au bio. L'Agence bio est également en relation avec des homologues régionales qui sont les Interbio qui n'existent que dans sept régions sur treize. Ces dernières effectuent un travail de mise en relation des demandes, tant en amont qu'en aval. C'est peut-être une piste de réflexion à approfondir.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Merci madame la présidente. En ce qui concerne le financement du bio, on a un sentiment d'improvisation qui est assez contradictoire avec les objectifs très ambitieux affichés par le gouvernement : 10 millions d'euros annoncés au salon de l'agriculture, puis 60 millions d'euros d'aide d'urgence versés en septembre, et à nouveau 10 millions d'euros pour la communication, dans le prochain budget.

Dans le même temps, les aides à la conversion du premier pilier de la PAC sont sous-consommées en raison de la crise actuelle. Les éco-régimes du second pilier dont on vient d'apprendre qu'ils s'établiront à 92 euros par hectare en 2024, au lieu d'un montant annoncé de 110 euros, ne valorisent pas assez l'agriculture biologique par rapport à d'autres voies plus faciles d'accès, telles que la certification HVE. Vous plaidez donc pour un transfert du second pilier vers le premier pilier mais comme vient de le rappeler le ministère de l'agriculture, il est impossible de modifier le Plan stratégique national (PSN) de la France, avant 2026. Dans ces conditions, quelle architecture un peu plus durable de financement public pourrait-on imaginer ?

M. Philippe Camburet. - Un montant probablement de 150 millions d'euros, peut-être plus, a longtemps été évoqué par nos interlocuteurs au ministère, en précisant qu'il fallait attendre la confirmation des chiffres, peut-être la fin de la PAC, pour établir ce qui restera vraiment à consommer.

J'espère qu'aujourd'hui le sujet sera traité afin d'éviter ces problèmes résultant d'une part du manque de moyens de filières qui sont en construction, et d'autre part d'une politique très volontariste qui a beaucoup investi sur la conversion, parfois sans modération. Comment faire ? Des impossibilités techniques sont avancées par le ministère ainsi que la rigidité de PAC. Quand bien même nous aurions des fenêtres de faisabilité, c'est toujours à un, deux, voire trois ans pour la mise en oeuvre. Ces réponses ne sont pas satisfaisantes pour mes collègues.

Quelles solutions mettre en oeuvre ? Celle du crédit d'impôt, qui vient d'être réévalué, n'est pas d'ordre structurel. Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) sont aujourd'hui largement décriées en raison de l'insuffisance des moyens qui leurs sont alloués. J'ai demandé depuis plusieurs mois au ministère la mise en place d'une instance de concertation et de décision sur les moyens alloués à l'agriculture biologique. En effet, l'Europe, l'État, les régions, les agences de l'eau et d'autres échelles de collectivités sont concernés par les objectifs de développement du bio sur leur territoire. Or, les rencontres ont toujours lieu en bilatéral et jamais au niveau national. Une telle instance de concertation nous aurait permis d'anticiper l'impasse actuelle. J'appelle de mes voeux sa création pour anticiper et peut-être préparer des révisions du Plan stratégique national (PSN), qui aura un véritable effet positif sur l'agriculture biologique.

M. Rémi Cardon. - Nous savons que nous devons avoir une offre biologique qui gagne des terres et du terrain dans nos assiettes. Toutefois, il semble difficile, au-delà des fonds d'urgence et du fonds Avenir bio, porté à 18 millions d'euros en 2024, de déterminer si l'on va atteindre l'objectif de 18 %, voire aller plus loin et s'approcher plutôt des 25 %. Au-delà des solutions que vous venez de définir et des différents leviers, disposez-vous d'un chiffrage réel de cet aspect, à quelques mois de la loi d'orientation et d'avenir agricoles ?

M. Philippe Camburet. - Tout va dépendre du contenu du programme Ambition bio. Malheureusement, celui-ci n'est pas adossé à un quelconque mode de financement, ou à un quelconque schéma d'organisation des financements qui ferait foi par rapport au socle de financement des aides. Ce programme devrait comprendre un dispositif précis, ambitieux, axé tant sur l'installation que sur la promotion, sur la production et sur la recherche d'alternatives. Toutefois, le succès du programme dépendra de la prise de conscience par le ministère de l'enjeu et de son investissement. Je déplore aujourd'hui devoir compter sur les doigts d'une main les personnes du ministère de l'agriculture investies au quotidien sur l'agriculture biologique. En l'absence d'un investissement humain plus significatif et d'un changement d'échelle dans la préoccupation du ministère sur l'agriculture biologique, les initiatives sur la structuration des filières risquent de manquer de coordination tant sur le plan politique que sur le plan économique.

M. Daniel Gremillet. - Mme la présidente, en tant que président du groupe de suivi de la loi Egalim, avec ma collègue Anne-Catherine Loisier, je m'interroge sur le réalisme de l'objectif des 20 % de production bio dans la restauration collective. En effet, le rapport remis par le gouvernement au mois d'avril montre la pertinence du travail du groupe de suivi sénatorial sur cette loi. La question est de savoir comment donner envie de bio et comment accroître sa part dans la restauration collective. Mais compte tenu des questions posées par mes collègues Serge Mérillou et Amel Gacquerre, et des réponses de Mme Laure Verdeau, que nous avions eu le plaisir d'auditionner cet été, je retire ma question.

Mme Laure Verdeau. - Puis-je élargir la question et évoquer ce que font nos voisins européens ? Il s'est tenu un congrès européen de l'agriculture biologique, en Andalousie, en Espagne, le mois dernier. Les Suédois ont déclaré que leur objectif d'achats publics, tout alimentaire confondu, était de 60 % de bio ; ils ont atteint 35 %. Les Italiens ont un objectif de 50 % d'achats publics alimentaires en bio, ils en sont à 20 %. Ces exemples européens peuvent être inspirants. On a beaucoup parlé des Danois qui mangent 12 % de bio à la maison, mais on a des voisins qui ont mis en oeuvre des politiques beaucoup plus ambitieuses à la cantine, en levant les différents freins. Tout est affaire d'humain. À partir du moment où vous avez des chargés de mission qui vont sur le terrain et qui connectent les différentes chaînes de l'alimentaire, vous obtenez une cohérence qui permet d'atteindre les objectifs que la nation s'est fixés.

M. Fabien Gay. - J'aurai quelques questions rapides. Je me suis beaucoup intéressé au Fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead), et plus globalement à l'aide alimentaire aux plus démunis, dont le nombre est en train d'augmenter considérablement. Tous les publics doivent avoir accès au bio et au meilleur. Cela ne doit pas être réservé à une élite. Je considère qu'on n'en fait pas assez sur l'aide aux plus démunis, d'une part, et qu'on ne fait rien pour leur donner accès au bio, d'autre part. Quelle réflexion menez-vous en ce domaine ? C'est évidemment complexe.

Ma deuxième question porte sur les labels. Il y en a beaucoup trop. Le consommateur ou la consommatrice ne comprend pas ces tous les labels. Qu'en pensez-vous ?

Quant à ma dernière question, je rappellerai tout d'abord qu'avec mon groupe politique, nous sommes de farouches opposants aux traités de libre-échange. Or, tout ce qui est bio n'est pas systématiquement bon pour l'environnement. Lorsque que je vois au supermarché des kiwis et des avocats bio, venant de l'autre bout de la planète, je pense alors que le bio est issu du local et de la production saisonnière. On ne peut donc, à mon sens, pas qualifier de bio un produit qui a fait quatre fois le tour de la planète. C'est un véritable problème. Ces produits ne peuvent pas être placés sur un même plan que les produits locaux et de saison.

Mme Laure Verdeau. - Le cahier des charges du bio comprend 300 pages de mode d'emploi agronomique. Il indique les modalités de la production, non le lieu. Il n'y a pas de code postal. Je comprends tout à fait votre point de vue, mais rappelons que les importations en bio ne sont que de l'ordre de 28 %. Et si on soustrait les produits exotiques, qui ne sont de toute façon pas cultivés dans notre pays, ce taux est même inférieur.

S'agissant de l'accès au bio pour toutes les populations, nous sommes entièrement d'accord. Nous avons par ailleurs fêté la Journée européenne du bio, cette année, dans l'immeuble de l'Armée du salut ; le groupe de restauration sociale et d'inclusion Refugee Food y recourt à une vingtaine de pour cent de produits bio. Cela nous tenait à coeur de montrer qu'effectivement même les populations en situation de précarité ont droit au bio.

Quant aux produits bio qui voyagent, l'Ademe rappelle que l'empreinte environnementale d'un aliment est constituée à hauteur de 80 % par son mode de production, et de 20 %, par son transport. En conséquence, son impact environnemental ne réside pas dans le réservoir du camion qui le transporte.

M. Bernard Buis. - Rapidement, j'aimerais vous confier un témoignage de la Drôme. Nous servons 1 750 000 repas par an dans les cantines du département avec, l'année scolaire passée, 47 % de produits bio. Le montant du repas facturé aux familles est de 3,45 €. Nous enregistrons moins de 1 % d'impayés.

J'aurais par ailleurs une question sur la compatibilité de l'agriculture biologique et des OGM. Notre société pourrait-elle bénéficier d'une agriculture associant ces deux procédés, pour n'en tirer que des avantages ?

M. Philippe Camburet. - Le cadre réglementaire est peut-être à l'aube d'une complète révolution dans la mesure où ce qui a été raccompagné gentiment à la porte risque de rentrer violemment par la fenêtre. Ce que nous demandons, en tant que producteurs bio, c'est la possibilité d'une traçabilité, et une probité absolue sur cette question. Ce qui est en jeu, c'est le risque d'un nouveau discrédit porté sur l'agriculture biologique : peut-être dans une prochaine émission télévisée les agriculteurs bio devront-ils prouver que leur culture est indemne de toute contamination, ou que les produits génétiquement modifiés cultivés par nos voisins ne sont pas venus modifier génétiquement leurs productions. Cet enjeu est crucial pour nous. Nous avons absolument besoin d'une réglementation qui garantisse une traçabilité ainsi que le respect de notre cahier des charges. Je pourrais prendre le cas de la contamination au prosulfocarbe, un produit qui est extrêmement volatile et qui fait courir un danger à toutes les productions, qu'elles soient bio ou non. Les contaminations représentent aujourd'hui le vrai sujet du discrédit de l'agriculture biologique et de l'alimentation demain. En conséquence, soyons vigilants pour qu'en matière de génétique, on ne laisse pas la porte ouverte également au discrédit de l'alimentation.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je présente mes excuses à MM. Philippe Grosvalet et Jean-Marc Boyer, parce que vous étiez inscrits hors limite. Nous devons examiner le rapport de notre collègue, Anne-Catherine Loisier. Mme Antoinette Guhl, vous avez la parole, pour la dernière question.

Mme Antoinette Guhl. - Merci madame la présidente. Je voudrais remercier nos deux invités pour ce qui vient d'être dit, mais également pour le travail qu'ils réalisent quotidiennement, nous faisant bénéficier d'une agriculture biologique diverse et de qualité. J'aimerais aborder trois points.

Le premier est d'ordre conjoncturel. En période d'inflation alimentaire forte, affectant notamment les produits bio, quel est le rôle de la grande distribution ? En lisant la note de conjoncture publiée régulièrement par l'Agence bio, je constate que c'est toujours le même procédé qui est à l'oeuvre : nous assistons à une baisse de volume importante, que ce soit sur le lait de vache bio, la viande bovine, ovine, porcine, ou encore sur les oeufs, accompagnée d'une augmentation de la valeur pour les producteurs et d'une augmentation du prix de vente qui est nettement supérieure à l'addition des deux précédents. C'est-à-dire qu'en réalité, il y a des marges beaucoup plus importantes réalisées par la grande distribution, en pleine inflation, sur les produits bio. Cette attaque est réelle et pose la question de la régulation des marges en particulier pour les produits bio dans la grande distribution.

Mon deuxième point porte sur le fonds Avenir bio. Le montant de 18 millions d'euros ne semble pas suffisant au regard de la gestion de l'innovation et de la construction des nouvelles filières bio. Il ne semble pas à la hauteur de l'enjeu environnemental. Je rappelle que cela fait quatre mois que nous expérimentons les températures les plus chaudes jamais enregistrées.

Mon troisième point concerne les plus défavorisés. La sécurité sociale alimentaire peut être une solution. Vous savez que les écologistes soutiennent fortement cette innovation.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame, Monsieur, une réponse très synthétique, s'il vous plait.

M. Philippe Camburet. - S'agissant de l'inflation qui affecte tous les paniers bio, je crains malheureusement que l'heure ne soit pas à l'incrimination d'un mode de distribution ou d'un autre. Des démarches de commerce équitable viennent certifier des partenariats, des contrats au long cours sécurisent les différents maillons de la filière bio, et cela coexiste avec la liberté de principe, pour chaque maillon, de faire ce qui lui semble bon. Ce qui importe c'est la transparence. C'est pourquoi je reviens sur la question de l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM), qui me semble être la solution. Si des acteurs dépassent la ligne rouge, que cela soit porté au moins à la connaissance des consommateurs.

En ce qui concerne la sécurité sociale alimentaire, cela renvoie à la question du vrai coût de l'alimentation et à celle de la part subventionnée de l'alimentation. Peut-on imaginer qu'il existe une part de revenu garantie systématiquement pour l'alimentation, en pleine période de transition alimentaire ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci au nom de l'ensemble de nos collègues de la commission, M. le président, Mme la directrice. Nous savions que ces débats allaient être passionnés. Ils l'ont été et ont été tout aussi passionnants. Nous aurons certainement d'autres occasions d'évoquer la question de l'agriculture de façon générale et de l'agriculture biologique en particulier.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 40.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous passons à l'examen du rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Madame la présidente, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui, pour la quatrième fois en cinq ans, un texte relatif aux négociations commerciales entre industriels et distributeurs et, déjà, le Gouvernement évoque une réforme de plus grande ampleur pour l'année prochaine ! Ce n'est plus de l'inflation législative, c'est une instabilité juridique permanente à laquelle nous soumettons les entreprises. Or, nous sommes censés vivre dans un ordre juridique fondé sur le triptyque « clarté, stabilité et prévisibilité », que le Conseil Constitutionnel et les acteurs économiques appellent régulièrement de leurs voeux.

Le texte que nous étudions a fait l'objet de nombreuses annonces, souvent contradictoires de la part de l'exécutif. Revente à perte des carburants, moratoire sur l'encadrement des promotions de produits d'hygiène, voire limitation des marges de la grande distribution : les annonces et les rétropédalages se sont succédé.

Aujourd'hui, loin d'opérer une refonte ambitieuse du cadre des négociations commerciales en s'attaquant aux vrais problèmes identifiés de longue date par notre commission, ce texte se borne à avancer de six semaines la date limite de clôture de ces négociations, au nom de la lutte contre l'inflation et du soutien au pouvoir d'achat des Français. Il s'agit de mesures purement dérogatoires, n'ayant vocation à être appliquées qu'un an, pour le prochain cycle de négociations.

Comment ne pas partager l'ambition de desserrer l'étau de l'inflation dans lequel se trouvent nos concitoyens ? Il est vrai que nous sommes dans une situation inédite : alors que l'inflation n'avait dépassé les 2 % qu'à quatre reprises depuis quinze ans, elle a atteint 6 % en février dernier et oscille depuis entre 4 % et 5 %.

Le Gouvernement ne sait donc pas comment s'attaquer à l'inflation et à la baisse du pouvoir d'achat des Français. Nous voici face à un texte modeste, qui, de l'aveu même du Gouvernement, n'agit que de manière très indirecte sur le pouvoir d'achat des Français, en reportant une fois de plus sur nos industriels, pour beaucoup des PME, la responsabilité de baisses de prix qui tardent à arriver.

Au terme des auditions que j'ai menées, avec la participation de mes collègues Antoinette Guhl et Daniel Gremillet, se dégage, une fois n'est pas coutume, un consensus entre industriels et distributeurs quant aux effets modestes, voire, pour les plus pessimistes, contre-productifs, de l'avancement des dates de négociations commerciales sur l'inflation.

Je partage leurs réserves.

Pour justifier sa mesure, le Gouvernement se fonde sur une baisse récente du cours des matières premières. Ce constat doit être nuancé.

Si, de manière globale, le prix des matières premières agricoles tend à décroître, toutes ne connaissent pas cette baisse, à l'instar du prix du lait, de l'huile d'olive, du sucre ou du cacao, qui constituent l'essentiel de la matière première de nombreux produits du quotidien des Français.

Du côté des matières premières industrielles, on observe également de nombreuses baisses, mais, là aussi, le constat est à nuancer, puisque les prix de l'énergie sont de nouveau en augmentation depuis le mois d'août, tandis que les salaires sont aussi en hausse, portés par l'augmentation bien légitime du Smic de près de 10 % depuis début 2022.

À cela devrait s'ajouter un effet de rattrapage sur les matières premières, agricoles comme industrielles : lors des derniers cycles de négociations, toutes les hausses de coûts agricoles et industriels n'avaient pas été répercutées dans les tarifs octroyés aux fournisseurs. Le Gouvernement semble en avoir conscience, puisque l'exposé des motifs du projet de loi initial mentionne que les baisses de prix pourraient être minorées par « la dynamique des coûts salariaux et par de probables comportements de reconstitution des marges des distributeurs ».

Enfin, il faut garder en tête que nous sommes désormais dans un contexte d'inflation structurelle et exogène, où la forte volatilité des cours des intrants est alimentée par des crises internationales.

Au-delà des incertitudes pesant sur les effets de ce texte, je m'interroge : est-il tenable, et souhaitable, de modifier le calendrier des négociations commerciales à chaque variation du cours des matières premières ?

Nous le savons, l'instabilité législative est source de complexités et d'insécurité pour nos entreprises : dans le cas présent, il leur a fallu se préparer dans l'urgence à l'envoi de leurs conditions générales de vente de manière anticipée, sans certitude sur le calendrier exact qui sera finalement retenu par le législateur. Je pense notamment à nos coopératives agricoles, entreprises du temps long, qui ne peuvent se soumettre à des logiques de court terme basées sur la fluctuation de marchés mondiaux ne reflétant pas la structuration de leurs coûts.

Plus largement, le contexte inflationniste actuel, caractérisé par la volatilité des cours, met notre système de négociations, unique en Europe, face à ses limites. Certes, nous disposons d'instruments censés lutter contre l'obsolescence des prix négociés : ce sont les clauses de révision et de renégociation automatiques du prix, dont le Sénat avait d'ailleurs étendu le champ lors de l'examen de la loi Egalim 3 en mars dernier. Malheureusement, ces clauses sont insuffisamment appliquées : c'est pour cela qu'à l'été 2022, puis à l'été 2023, lorsque le cours des matières premières a connu une forte hausse, puis une forte baisse, les industriels et les distributeurs ont été invités par le Gouvernement à revenir à la table des négociations. C'est aussi en partie pour cela que nous examinons aujourd'hui ce texte.

Toutes ces réserves auraient pu justifier un rejet. Toutefois, dans notre procédure parlementaire, un rejet donne carte blanche à l'Assemblée nationale pour reprendre son texte. C'est pourquoi, dans le souci de protéger les entreprises de notre territoire - très petites entreprises (TPE), PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) - contraintes de mener des négociations dans l'urgence dans un contexte de rapport de force qui ne leur est pas favorable si le texte reste en l'état, je vous propose plutôt de l'amender.

Le projet de loi initial prévoyait en effet d'avancer la date butoir des négociations commerciales au 15 janvier, seulement pour les entreprises de plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cela revenait à laisser nos PME négocier après les grands groupes. Or, chaque année, les plus petites entreprises négocient de manière anticipée, souvent avant le 31 décembre, sur la base de chartes négociées avec la grande distribution. Ces négociations anticipées leur garantissent un accès au « linéaire », c'est-à-dire un bon référencement, en évitant de « se partager les miettes » des grands groupes qui emplissent les rayons de multiples références.

Les députés ont partiellement rectifié cette erreur en créant une première salve de négociations se terminant le 31 décembre pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros, et une seconde jusqu'au 15 janvier pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros.

J'ai souhaité conserver le principe d'une différenciation des périodes de négociation, gage de protection pour nos PME. Toutefois, il est indispensable de modifier les dates figurant dans le texte actuel : la date butoir du 31 décembre 2023 constitue un véritable goulot d'étranglement. Elle est intenable pour les distributeurs, sommés de conclure plus de 4 000 contrats à faible échéance : cela nuit à la qualité même des négociations. Elle pourrait également être lourde de conséquences pour les PME et ETI qui encourent des amendes jusqu'à un million d'euros en cas de non-respect de la date limite de clôture des négociations.

En résumé, je vous propose un certain nombre d'améliorations.

Tout d'abord, afin d'éviter un phénomène d'engorgement, très préjudiciable aux PME que nous entendons justement protéger, je vous propose un amendement remplaçant les dates du 31 décembre et du 15 janvier par, respectivement, celles du 15 janvier et du 31 janvier. Cela permettra à nos nombreuses PME et ETI de négocier avec la grande distribution dans des délais plus courts, mais plus réalistes, qui n'obèrent pas la qualité de ces négociations. Je sais que certains d'entre vous, et c'est d'ailleurs aussi l'avis du Gouvernement, souhaiteraient un système de chartes, à l'image de ce qui fonctionne actuellement, mais uniquement pour les PME jusqu'à 50 millions de chiffre d'affaires. Selon la Fédération des entrepreneurs de France (FEEF), seuls 24 % de leurs adhérents clôturent leurs négociations au 31 décembre sur la base de ces chartes chaque année. Autrement dit, ce système de chartes laisse de côté de nombreuses PME et ETI de nos territoires. Dans le contexte actuel de tension, le projet de loi tend à sécuriser cette phase de négociation en inscrivant cette différenciation de dates dans la loi.

Outre les dates, le seuil de chiffre d'affaires introduit à l'Assemblée nationale crée également une incertitude pour nos PME. Je vous propose donc de préciser ce seuil afin que seul soit pris en compte le chiffre d'affaires consolidé, lorsqu'il existe. Cette précision vise à éviter que de grandes multinationales réalisant en France un chiffre d'affaires inférieur à 350 millions d'euros ne se glissent parmi nos PME et ETI lors de la phase anticipée de négociations.

Par ailleurs, ce projet de loi entend lutter contre l'inflation des produits de grande consommation « dans la grande distribution ». Or, en l'état, il s'applique à une multitude de magasins spécialisés proposant des produits de grande consommation, comme les parfumeries ou les salons de coiffure, ce qui n'est pas la vocation du texte. Je vous propose donc de recentrer l'avancement des négociations commerciales sur les grandes surfaces, tout en y réintroduisant les officines de pharmacie, retirées à tort du texte par l'Assemblée nationale, car elles sont effectivement en situation de concurrence directe avec la grande distribution pour des produits comme les pansements, les cosmétiques, les produits d'hygiène, etc. En effet, les enseignes disposent aujourd'hui de larges rayons « parapharmacies ».

Enfin, je vous propose un amendement visant à redonner la main aux préfets dans le cadre des négociations du bouclier qualité-prix dans nos territoires ultramarins. Un amendement de l'Assemblée nationale appliquait l'avancement de la date butoir au bouclier qualité-prix, alors que la date limite de conclusion de ce bouclier est fixée par un décret. Cela relève donc du domaine réglementaire. La négociation de ce bouclier suit par ailleurs un processus spécifique, qui passe par une saisine de l'observatoire des prix et des revenus territorialement compétent, puis par un dialogue entre préfet, distributeurs et fournisseurs. Je pense qu'il serait risqué de transposer le dispositif que nous examinons actuellement pour le territoire hexagonal à nos territoires ultramarins sans prendre en compte leurs spécificités et sans laisser le temps aux acteurs locaux de mener les consultations nécessaires. En revanche, le Gouvernement doit modifier le décret fixant la date butoir ou prendre attache avec les préfets afin qu'ils mettent tout en oeuvre pour que ces négociations soient menées rapidement, de sorte que les baisses de tarifs, s'il y en a, se traduisent rapidement dans les prix en rayon dans l'outre-mer comme dans l'hexagone.

En guise de conclusion, je souhaite vous rappeler un principe simple : comme le disait le président du Sénat lors de l'ouverture de la session ordinaire, « méfions-nous des lois de pulsion ». Pour moi, ce projet de loi entre dans cette catégorie, mais il fait aussi courir des risques aux entreprises de nos territoires, ce qui justifie que notre commission s'en saisisse pleinement. Ce texte ne répond aucunement aux véritables enjeux, qui demeurent et même grandissent en matière de négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

Les centrales d'achat basées à l'étranger, de plus en plus nombreuses, permettent aux distributeurs de s'affranchir du cadre des lois Egalim, protecteur pour l'amont agricole, et d'adopter des pratiques abusives à l'égard de fournisseurs français. Or, nous l'avons rappelé lors de l'examen de la loi Egalim 3 en mars dernier : tout contrat visant des produits commercialisés sur le sol français doit se voir appliquer le cadre français des négociations commerciales et les sanctions qu'il prévoit.

Par ailleurs, les marges des industriels comme des distributeurs doivent faire l'objet d'une évaluation. À ce sujet, les attaques et les invectives sont nombreuses. D'un côté, les industriels sont critiqués pour avoir reconstitué leurs marges après dix années de déflation. De l'autre, les distributeurs sont accusés d'avoir augmenté leurs marges sur les produits de marque nationale pour compenser les baisses de prix sur les produits de « marque de distributeur » (MDD). Sur tous ces points, l'opacité règne encore et exige un engagement plus ferme de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour nous éclairer sur la formation des prix.

À cet égard, l'article 2 de ce projet de loi, introduit par amendement additionnel des députés, commande un rapport au Gouvernement sur l'effet de l'avancement des négociations commerciales sur les prix et les marges dans la grande distribution, ainsi que sur le partage de la valeur. Je vous propose de conserver cette demande de rapport, qui nous permet de rappeler au Gouvernement que le Parlement n'a toujours pas reçu le rapport sur les effets du seuil de revente à perte + 10 %, qui devait être remis le 1er octobre dernier.

Ce sont des pratiques sur lesquelles nous devons faire la lumière avant de mener une éventuelle refonte plus structurelle de l'organisation des négociations commerciales, que le Gouvernement semble appeler de ses voeux. Notre comité de suivi Egalim, présidé par Daniel Gremillet, est déjà largement engagé dans ce travail. Nous sommes une exception en Europe et nous n'avons toujours pas trouvé la bonne recette pour aboutir à des négociations apaisées malgré un cadre certes protecteur, mais aussi rigide et complexe.

Ce projet de loi n'apporte pas de solutions et n'apportera vraisemblablement pas ou peu d'améliorations dans la lutte contre l'inflation. Toutefois, j'ose espérer qu'avec les modifications que nous lui apporterons, nous éviterons qu'il ne fasse échec à la protection de nos PME, qui sont les emplois et l'attractivité de nos territoires.

M. Jean-Claude Tissot. - Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ce texte devrait être présenté comme une loi Egalim 4, afin d'insister sur les échecs répétés du Gouvernement en la matière.

Nous pensons qu'il s'agit d'une rustine législative qui n'a aucune ambition de réformer en profondeur les négociations commerciales. La principale mesure est l'avancement des dates butoirs, ce qui n'aura aucun effet. Dans le contexte inflationniste que nous connaissons, il risque même de renforcer la pression sur les prix agricoles au détriment de nos agriculteurs.

En revanche, nous sommes favorables aux amendements de Mme la rapporteure sur la différenciation et le décalage des dates en fonction du chiffre d'affaires, ainsi que sur la prise en compte du chiffre d'affaires consolidé dans ce cadre.

Enfin, nous estimons également que l'application de ce texte au bouclier qualité-prix dans les outre-mer serait un bien mauvais message envoyé à nos compatriotes ultramarins.

M. Franck Menonville. - Nous partageons l'essentiel du rapport de Mme la rapporteure. Ce texte nous paraît inutile tant ses effets semblent aléatoires. Nous craignons même qu'il ne soit défavorable à nos TPE, PME et ETI.

En tout état de cause, il a peu de chances d'avoir un quelconque effet sur l'inflation, surtout dans le contexte géopolitique actuel. En fait, il ne semble avoir été fait que pour servir la communication personnelle du ministre de l'économie.

L'instabilité juridique permanente perturbe fortement les acteurs économiques. Elle est même contre-productive.

Mme Antoinette Guhl. - Nous avons le sentiment d'une dissonance entre le titre du projet de loi et son contenu. Le titre ne peut que nous satisfaire : « projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation ». En effet, les Français ne peuvent plus se nourrir, se chauffer, partir en vacances. En revanche, le contenu du texte ne peut que susciter une immense déception. On aurait pu s'attendre à la mise en place d'un encadrement des marges, d'une taxation des superprofits, d'une sécurité sociale alimentaire. Au lieu de cela, on nous propose juste une modification de dates qui n'aura qu'un effet nul, voire négatif.

Le seul point intéressant à nos yeux réside dans la différenciation entre petites et grandes entreprises. Le fait de négocier avant les multinationales permettra aux TPE, PME et ETI d'accéder plus facilement au linéaire.

Nous ne sommes pas non plus contre le raccourcissement du temps de négociation. C'est autant de temps de gagné pour les petits patrons, qui ont bien d'autres choses à faire au quotidien pour faire tourner leur entreprise.

Enfin, nous sommes évidemment favorables à la prise en compte du chiffre d'affaires consolidé, même si nous savons bien que les grandes entreprises arrivent toujours à filouter.

Mme Marianne Margaté. - Nous attendions beaucoup de ce texte, qui accouche finalement d'une souris. C'est dommage vu le contexte actuel, dans lequel la précarité alimentaire est une angoisse permanente pour nos concitoyens. L'aspect dérisoire de ce projet de loi pourrait même apparaître comme une insulte qui leur est faite...

Quid de la transparence des marges, de la déréglementation ? Que fait l'État ? Il est dans le laissez-faire.

Nous soutiendrons les amendements de Mme la rapporteure.

M. Laurent Duplomb. - Ce projet de loi est l'oeuvre d'un ministre de l'économie qui communique pour rattraper son retard sur le ministre de l'intérieur.

Si ce texte est voté, il y aura non pas de la déflation, mais bel et bien une poursuite du phénomène inflationniste. Il faut savoir que les entreprises n'ont pu récupérer que 67 % des hausses de charges qu'elles ont eu à subir au cours des deux dernières années. Comment croire qu'elles vont travailler à perte pour faire plaisir au ministre de l'économie ?

Ensuite, j'y vois des injonctions contradictoires : d'un côté, on noie les entreprises avec des normes, des formulaires, des règles, et, de l'autre, on leur demande de négocier plus vite. À cet égard, je propose de fixer la date butoir au 31 janvier pour tout le monde.

À mon sens, la différenciation est une fausse bonne idée. Les distributeurs s'efforceront d'être durs dans leurs premières négociations avec les PME pour garder des marges de manoeuvre pour leurs négociations, plus difficiles, avec les grands groupes comme Coca-Cola ou Nestlé. On aboutira au résultat inverse de celui qui est recherché. Madame la rapporteure, j'accepterai de retirer mon amendement si nous décidons de laisser le choix de la date à nos PME.

M. Daniel Gremillet. - Ce texte est vraiment un piège, mais nous sommes obligés de l'adopter, tout en le modifiant, pour ne pas laisser toute l'initiative à l'Assemblée nationale.

Le mois de décembre représente 30 % du chiffre d'affaires annuel dans certains secteurs : les chefs d'entreprise auront autre chose à faire que d'aller négocier pendant cette période.

Aujourd'hui, j'ai l'impression de ne pas pouvoir faire correctement mon travail de législateur au service de nos concitoyens et de nos producteurs.

Le Gouvernement nous éloigne du sujet principal : l'assiette des Français est de moins en moins remplie avec des produits français et de plus en plus avec des produits importés. Il faut aussi savoir que ce texte ne concerne que 50 % de ce qui entre dans la composition de nos assiettes : il ne concerne que les produits de marques nationales et non les produits de marques de distributeur (MDD) ! Depuis la première loi Egalim, nous n'avons cessé de renforcer les MDD au détriment des marques issues de nos territoires.

Comme l'a dit un orateur précédent, on a l'impression d'un Egalim 4, et le ministre nous annonce déjà pour les prochains mois un Egalim 5, un Egalim 6... mais j'avais prédit tout cela lors de l'examen de la loi Egalim 1 !

Je rejoins Laurent Duplomb sur la différenciation. Jusqu'alors il n'y en avait pas et tout se passait bien. Je ne suis pas sûr que cette mesure soit protectrice.

Enfin, les nouveaux prix s'appliqueront au 1er février, contre le 1er mars auparavant. Cela complique la vie des entreprises.

M. Alain Chatillon. - Le problème de l'agroalimentaire est l'énergie, dont le coût a été multiplié par huit ou neuf en deux ans.

De grandes entreprises internationales qui ne paient pas d'impôts en France proposent des MDD aux distributeurs. C'est autant de chiffre d'affaires que les TPE, PME et ETI ne font pas. Il faut faire en sorte qu'elles le récupèrent.

M. Olivier Rietmann. - Ce texte est la manifestation du bon vouloir du ministre de l'économie, qui lance depuis des mois des idées qui ne fonctionnent pas, comme la revente à perte.

Je suis convaincu que ce projet de loi va entraîner une hausse des prix. D'ailleurs, où est l'étude d'impact ?

Les entreprises ne recherchent rien d'autre qu'un cadre juridique stable et ce type d'initiative les perturbe.

J'étais hier avec des industriels de la viande qui m'ont expliqué que les coûts du porc baissaient, par exemple, mais que les distributeurs allaient faire en sorte de reconstituer leurs marges, même en vendant un peu moins cher. Les perdants seront les consommateurs et les producteurs.

Les industriels tiennent quand même à la différenciation, même s'ils ne sont pas emballés par ce projet de loi.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Le bouclier qualité-prix fonctionne très bien à La Réunion depuis 2012. Nous connaissons un phénomène préoccupant de vie chère, même si l'inflation est moins forte. Le bouclier est maintenu à 348 euros depuis trois ans. Nous ne voulons pas que ce changement de date vienne fragiliser un dispositif qui fonctionne.

L'observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) d'outre-mer pointe surtout un manque de transparence sur les prix et les marges.

Enfin, n'oublions pas que l'inflation ne touche pas que l'alimentation.

M. Vincent Louault. - En découvrant ce texte, à peine deux semaines après mon arrivée au Sénat, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un bizutage. Le ministre de l'économie ferait mieux de s'occuper du prix de l'énergie. Je ne manquerai pas de le lui faire savoir en séance publique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente- Effectivement, ce projet de loi n'est ni fait ni à faire. Il illustre bien la politique erratique du Gouvernement en matière de soutien au pouvoir d'achat.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Le Sénat dans son ensemble doit dénoncer cette initiative inopportune du Gouvernement.

Rappelons que le bouclier qualité-prix est du domaine réglementaire et doit le rester.

Nous partageons ce sentiment d'être pris au piège, mais il faut que le Sénat mette sa patte sur ce texte pour essayer de limiter les dégâts.

En ce qui concerne la différenciation, plusieurs hypothèses sont sur la table, comme l'a dit Laurent Duplomb. Néanmoins, le choix que vous appelez de vos voeux, c'est-à-dire une date facultative, serait à mon sens un nouvel outil de pression des distributeurs sur les petites entreprises. Faisons confiance à la créativité de tous les acteurs de la chaîne pour contourner les dispositifs. Je pense que le rapport sollicité dans le texte nous permettra de faire un bilan assez rapidement, ce texte ne devant s'appliquer que pendant un an. C'est une forme d'expérimentation.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Mon amendement COM-5 vise à modifier le champ d'application du texte en le restreignant à la grande distribution et aux pharmacies.

L'amendement COM-5 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Mon amendement COM-8 a pour objet de fixer les dates butoirs de négociation au 15 janvier pour les PME et ETI et au 31 janvier pour les grandes entreprises.

Les amendements identiques COM-2 et COM-3 visent à fixer une date unique de clôture des négociations commerciales au 31 janvier 2024.

M. Franck Menonville. - Je retire l'amendement COM-2.

M. Laurent Duplomb. - Ce que je voudrais, c'est qu'on laisse le choix aux entreprises, sachant qu'il y a une incertitude sur les résultats de cette mesure. Je retire mon amendement COM-3, mais je vous demande de bien y réfléchir d'ici à l'examen du texte en séance publique.

Les amendements COM-2 et COM-3 sont retirés.

L'amendement COM-8 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Mon amendement COM-7 a pour objet d'apporter une précision sur le seuil de chiffre d'affaires, qui doit s'entendre comme le chiffre d'affaires consolidé lorsque celui-ci existe. S'il est adopté, l'amendement COM-1 sera satisfait.

M. Franck Menonville. - Je le retire.

L'amendement COM-1 est retiré.

L'amendement COM-7 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - L'amendement COM-4 tend à renforcer les sanctions applicables en cas de non-respect de la date butoir des négociations commerciales. J'y suis favorable.

M. Laurent Duplomb. - Je vise les centrales d'achat internationales.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2 (nouveau)

L'article 2 est adopté sans modification.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, pour ce qui concerne les amendements de séance publique, en application des articles 45 de la Constitution et 44 bis du règlement du Sénat, sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives à l'encadrement temporel des négociations commerciales annuelles entre fournisseurs de produits de grande consommation et distributeurs pour le cycle de négociations 2023-2024, au champ des entreprises concernées par ce calendrier dérogatoire, à l'articulation de ces dispositions dérogatoires avec les conventions en cours et avec les dispositions du code de commerce régissant les relations commerciales, aux sanctions applicables à ce cycle de négociations en cas de non-respect des règles régissant le calendrier de la négociation commerciale et aux juridictions compétentes pour l'application de ces dispositions.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1er

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

Mme LOISIER, rapporteure

5

Modification du champ d'application du texte en le restreignant à la grande distribution et aux pharmacies.

Adopté

Mme LOISIER, rapporteure

8

Fixation des dates butoirs de négociation au 15 janvier pour les PME et ETI et au 31 janvier pour les grandes entreprises.

Adopté

M. MENONVILLE

2

Fixation d'une date unique de clôture des négociations commerciales au 31 janvier 2024.

Retiré

M. DUPLOMB

3

Fixation d'une date unique de clôture des négociations commerciales au 31 janvier 2024.

Retiré

Mme LOISIER, rapporteure

7

Précision du seuil de chiffre d'affaires déterminant les dates de négociations afin de prendre en compte le chiffre d'affaires consolidé lorsqu'il existe.

Adopté

M. MENONVILLE

1

Prise en compte du chiffre d'affaires consolidé ou combiné pour la détermination du seuil des entreprises négociant de manière anticipée.

Satisfait ou sans objet

Mme LOISIER, rapporteure

6

Exclusion du bouclier qualité-prix en outre-mer du dispositif d'avancement de la date butoir des négociations commerciales.

Adopté

M. DUPLOMB

4

Renforcement des sanctions applicables en cas de non-respect de la date butoir des négociations commerciales.

Adopté

La réunion est close à 11 h 50.