Audition de M. Jean-Claude Groshens, Président du Conseil supérieur des bibliothèques et de M. Dominique Arot, Secrétaire général.

Lundi 6 avril 1998


M. Jean-Claude Groshens a, dans un premier temps, expliqué que le Conseil supérieur des bibliothèques (CSB) avait été créé dans des conditions particulières, à savoir la nécessité de mettre en place un organisme à vocation générale destiné à clarifier une situation particulière liée à la Bibliothèque nationale de France.

La vocation du CSB est extrêmement générale, il est avec l'Inspection générale des bibliothèques, le seul organisme à avoir une vue générale sur l'ensemble des bibliothèques françaises. Il note que de ces deux organismes, l'un n'a pas de statut (l'Inspection générale) et l'autre n'a pas de budget (le CSB).

M. Jean-Claude Groshens a ensuite noté que le CSB s'intéressait à la politique documentaire au sens large. Il a ainsi consacré une partie de ses travaux à la contribution des bibliothèques à l'entrée dans la société de l'information, abordant les thèmes, notamment, de la formation des usagers, de leur accès à l'information et de la validation de l'information.

M. Jean-Claude Groshens a rappelé que les bibliothèques étaient les institutions culturelles les plus décentralisées et qu'elles relevaient de statuts d'une extrême diversité. A l'intérieur d'une même structure, elles peuvent être très diversifiées. Les bibliothèques universitaires sont ainsi plus ou moins éclatées selon les universités entre les composantes de l'établissement selon l'attention que leur portent les présidents d'université.

Les bibliothèques dont le caractère de service interuniversitaire était affirmé, ne suscitaient guère l'intérêt des présidents d'université. Ces derniers ont récemment pris conscience de ce que les bibliothèques universitaires constituaient un élément fondamental de la politique propre à chaque université, et notamment de sa politique scientifique.

M. Jean-Claude Groshens a expliqué que ce regain d'intérêt pour les bibliothèques universitaires avait été fortement encouragé par l'administration centrale de l'Education nationale, les crédits consacrés aux bibliothèques, qu'ils soient fléchés ou proprement universitaires, ayant crû de manière conséquente.

Il a également souligné l'enjeu que constituent les bibliothèques dans les négociations existant entre les présidents d'université et leurs composantes.

M. Jean-Claude Groshens a également noté que parallèlement les corps de bibliothécaires avaient eux-mêmes parfaitement compris l'évolution de leur métier en termes d'accès à la documentation et de formation aux supports électroniques.

Enfin, il a conclu sa présentation générale en indiquant que la politique en faveur des bibliothèques universitaires avait été volontariste et s'était traduite par des résultats substantiels, même si les bibliothèques universitaires parisiennes se trouvent dans une situation de "carence absolue" accentuée par le fait que le nombre d'étudiants en région parisienne, contrairement à la tendance nationale, ne paraît pas diminuer.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité connaître les méthodes de travail du CSB.

M. Jean-Claude Groshens a rappelé que le CSB tenait trois sessions dans l'année. En 1997, la première a été consacrée à un état des lieux, la deuxième à des questions d'ordre institutionnel , la troisième prenant la forme d'un débat animé par M. Jacques Lesourne fut l'entrée de la société de l'information et la place que les bibliothèques avaient à y tenir.

M. Jean-Claude Groshens a ensuite abordé la question des personnels des bibliothèques.

Il a relevé que le métier de bibliothécaire avait radicalement changé dans les universités comme dans les autres bibliothèques, le contenu des tâches s'étant diversifié puisque, outre les tâches purement techniques, la formation à la documentation mais aussi le choix des collections relèvent de leurs compétences.

Il a cependant regretté que, dans le même temps, les bibliothécaires aient été appelés à consacrer une part croissante de leur temps à des activités de gestion, ce qui contribue à banaliser leurs fonctions, à tel point qu'ils sont parfois remplacés par des attachés qui n'ont pas reçu de formation idoine. Il a ainsi conclu à la nécessité de réaffirmer la spécificité des bibliothécaires, afin d'assurer leur légitimité de professionnels.

M. Jean-Philippe Lachenaud a demandé si un projet de loi relatif aux bibliothèques était en préparation.

M. Jean-Claude Groshens a rappelé qu'il s'agissait d'une question récurrente mais posant de très nombreux problèmes, en termes de financement notamment, qui échappent à la compétence du CSB. Celui-ci n'a pour l'instant été saisi d'aucune demande d'avis émanant de l'une ou l'autre des administrations concernées.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité savoir si la centralisation de la politique documentaire était souhaitable.

M. Jean-Claude Groshens a expliqué que, selon lui, la création de réseaux d'information, internes comme externes à l'université, constituait la seule voie permettant de répondre à la question. Encore faut-il une cohérence méthodologique entre les uns et les autres.

M. Dominique Arot a relevé la forte augmentation du coût de la documentation, en raison, d'une part, de la hausse importante du prix des abonnements et, d'autre part, du coût de l'information électronique, plus élevé que celui des livres à cause du problème des contrats de licence.

Il a rappelé que les budgets des bibliothèques universitaires françaises ne soutenaient pas les comparaisons internationales, malgré une augmentation substantielle des moyens. Ainsi, entre la France et l'Allemagne, le rapport est de un à trois. Aux Etats-Unis, le budget de l'université de Yale consacré aux acquisitions est de 60 millions de francs par an, celui de Harvard étant de 104 millions : il s'élève à 350 millions de francs par an pour l'ensemble des universités françaises.

M. Dominique Arot a rappelé que l’informatisation des bibliothèques universitaires reposerait désormais sur le système universitaire de documentation (SU), actuellement en cours de réalisation.

L'ancien système, que SU doit remplacer, comportait trois applications informatiques nationales : Pancatalogue, Téléthèses (répertoire des thèses) et CCN-PS (publications en série).

Le prestataire retenu, après procédure d'appel d'offres, pour mettre en oeuvre SU est une société néerlandaise : PICA. La création de l'Agence bibliographique de l'enseignement supérieur (ABES) doit permettre la réalisation technique de SU.

M. Jean-Philippe Lachenaud a alors rappelé que les CD-Rom et l'accès à Internet constitueront les principaux outils d'informatisation de la documentation des bibliothèques universitaires.

M. Dominique Arot a ajouté que les réseaux Intranet propres à chaque université se développaient, mais qu'une telle politique ne pouvait porter ses fruits qu'en formant les étudiants à la recherche documentaire informatisée. Il a cité l'exemple de l'université Lille III qui a mis en place un projet de formation de 2.000 étudiants.

A ce propos, M. Jean-Claude Groshens a souligné l'insuffisante analyse méthodologique présidant à la conception et à la formation des métiers de la documentation.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité connaître l'avis du CSB sur les bibliothèques de premier cycle, rappelant que le débat opposait deux conceptions, celle d'une bibliothèque universitaire simplifiée ou celle d'une bibliothèque abordant la formation à la recherche dès l'entrée à l'université.

M. Dominique Arot a reconnu que ce débat recoupait en fait les clivages disciplinaires, puis a estimé que les bibliothèques de premier cycle n'étaient pas souhaitables, ne donnant de toute façon guère de satisfaction.

M. Jean-Claude Groshens a, quant à lui, affirmé que la "primarisation" des bibliothèques était une erreur et constituait une facilité à laquelle il ne fallait pas céder.

M. Jean-Philippe Lachenaud a voulu savoir si les emplois des différentes catégories de personnels des bibliothèques inscrits au budget 1997 avaient tous été réellement pourvus ou si un écart était apparu entre la prévision budgétaire et la réalité des recrutements.

M. Dominique Arot a affirmé que, selon les informations qu'il détenait, tous les emplois budgétaires avaient été pourvus. Il a ajouté que 350 créations d'emplois avaient été prévues dans le budget pour 1998, la majorité d'entre elles devant toutefois intervenir à la rentrée universitaire 1998.

Il a également rappelé qu'un concours de bibliothécaire-adjoint devait être organisé cette année.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est interrogé sur la structure des emplois.

M. Dominique Arot a tenu à relativiser l'affirmation selon laquelle la structure des emplois de bibliothèques était inadaptée, rappelant que la forte évolution du métier de bibliothécaire nécessitait désormais des compétences relativement pointues, en informatique notamment.

Il a toutefois estimé que le cadre statutaire était très rigide, ce qui ne facilitait guère la résolution de problèmes comme la surqualification qui affecte surtout les personnels de catégorie B.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est interrogé sur la nécessité, pour les universités, de contribuer de manière plus importante au budget des bibliothèques universitaires.

M. Jean-Claude Groshens a noté que cette question devait normalement entrer dans le cadre de la politique de contractualisation entre l'Etat et les universités.

C'est par ce biais que la puissance publique peut conserver le moyen d'orienter les crédits universitaires vers les bibliothèques.