Audition de M. Claude Jolly, Sous-directeur des bibliothèques et de la documentation au ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Mardi 7 avril 1998


M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité connaître la direction du ministère qui exerçait la tutelle des bibliothèques universitaires.

M. Claude Jolly a expliqué que les bibliothèques relevaient de la direction des enseignements supérieurs, et cela dès avant la réforme de l'administration centrale réalisée en décembre 1997, mais il a ajouté que les changements de structures étaient très fréquents, trois étant intervenus sur une période de quatre années et quatre directeurs s'étant succédés.

Il a rappelé que la direction de l'information scientifique, des technologies nouvelles et des bibliothèques (DISTNB), qui exerçait précédemment la tutelle des bibliothèques universitaires avait accompli un travail substantiel grâce à des crédits budgétaires en hausse de 75 millions de francs en mesures nouvelles et à la création de 550 emplois, sur une période de deux ans.

M. Jean-Philippe Lachenaud a relevé que le double mouvement affectant l'université depuis plusieurs années -autonomisation et contractualisation- impliquait l'établissement de relations de confiance entre les présidents d'université et l'administration centrale.

M. Claude Jolly a noté que, à cet égard, l'évolution depuis dix ans avait été très positive : les présidents d'université ayant compris qu'un service commun de documentation (SCD) contribuait également à affirmer le pouvoir présidentiel, leur implication dans la prise en charge de la politique documentaire n'a cessé de s'accroître. Il a toutefois nuancé son propos en ce qui concerne les universités de Paris intra-muros, où les présidents sont moins attachés à promouvoir les bibliothèques universitaires, moins encore les bibliothèques inter-universitaires.

M. Claude Jolly a rappelé que la documentation à l'université était répartie de manière encore largement duale, 60 % de la documentation se trouvant dans les SCD et 40 % étant éparpillés dans les bibliothèques des différentes unités. A cet égard, il a mentionné que le comportement des présidents était variable, certains d'entre eux promouvant la rationalisation, d'autres estimant au contraire que les bibliothèques d'UFR présentaient des avantages en termes de proximité.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est interrogé sur la possibilité de combiner la procédure de la contractualisation et le fléchage des crédits.

M. Claude Jolly a expliqué que Mme Francine Demichel, directeur des enseignements supérieurs au ministère, était favorable au fléchage des crédits en faveur des bibliothèques universitaires, ajoutant que cette position était justifiée au regard du retard des bibliothèques. Il a, en effet, estimé que le fléchage des crédits présentait surtout un avantage protecteur, dont l'intérêt est essentiel en période de rattrapage et de modernisation accélérée suscitée par les nouvelles technologies, mais qui pouvait comporter des risques de rigidité une fois le rattrapage terminé.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité connaître l'état du programme Université du troisième millénaire (U3m) relatif aux investissements en locaux dans la région parisienne, et le type de relations que la sous-direction des bibliothèques entretenait avait la direction de la programmation et du développement (DPD).

M. Claude Jolly a expliqué que la sous-direction était chargée de dresser l'inventaire des besoins et de présenter un état des lieux à la DPD à la fin du mois d'avril. Il a ajouté que les besoins en investissements immobiliers des universités, qu'il s'agisse de constructions nouvelles mais surtout de rénovations,étaient de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards de francs, sept milliards étant consacrés aux bibliothèques sur l’ensemble de la France. Compte tenu de l'importance considérable de ces estimations, la DPD devra opérer des arbitrages qui sont attendus pour la fin du mois de juin.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est interrogé sur la pertinence de la méthodologie à laquelle ont recours les présidents d'université pour adapter leurs locaux à une politique documentaire cohérente.

M. Claude Jolly a noté que, après la fin du programme Université 2000, le ministère et la communauté universitaire avaient affiché leur volonté d'élaborer un projet global dont la priorité serait, cette fois-ci, axée sur les universités parisiennes, qui avaient été "oubliées" par Université 2000.

S'agissant des bibliothèques universitaires à Paris, M. Claude Jolly a évoqué leur situation paradoxale : la documentation universitaire y est en effet très développée mais les conditions de service aux usagers sont médiocres, alors que la situation en province est bien souvent inverse. Les locaux des bibliothèques parisiennes sont mal conçus et le manque de places est flagrant : la norme idéale serait de une place assise pour cinq étudiants inscrits mais, si la moyenne nationale est de une place pour quinze inscrits, ce ratio s'élève à une place pour trente quatre inscrits à Paris dans les BIU.

M. Claude Jolly a rappelé qu'il existait neuf bibliothèques inter-universitaires à Paris, mais que celles dont on parlait le plus souvent en termes de projets immobiliers, c'est-à-dire la BIU d'Art et d'Archéologie et celle de documentation internationale, étaient également celles qui comptaient le moins d'inscrits.

Il a ajouté que le programme U3m devrait prendre en considération le problème de Jussieu ainsi que celui de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de Tolbiac. A cet égard, il a considéré que le problème général de la sécurité dans les établissements d'enseignement supérieur allait probablement constituer la priorité du programme U3m, au risque toutefois de négliger les investissements en direction des bibliothèques universitaires.

M. Jean-Philippe Lachenaud a rappelé que la gestion des postes d'enseignants n'avait pas toujours été optimale, certains postes n'ayant pas été pourvus. Il a donc souhaité savoir ce qu'il en était pour les personnels des bibliothèques.

M. Claude Jolly a affirmé que les postes de bibliothécaires avaient tous été pourvus en 1996 et 1997 et qu'ils le seraient de la même manière en 1998, même si leur gestion était rendue difficile par l'existence de huit corps distincts pour seulement 5.000 agents.

Il a expliqué que le principal problème en matière d'effectifs concernait la structure des emplois, qui se présente en sablier, c'est-à-dire qu'il existe un déficit de personnels de catégorie B, même si le tiers des créations d'emplois en 1998 concernait la catégorie B. Il a ajouté que des conflits sociaux étant apparus au sein de la catégorie B, un deuxième corps de catégorie A, celui des bibliothécaires, avait été créé.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est interrogé sur le niveau des crédits consacrés aux acquisitions documentaires, et s'est demandé si l'inflation des coûts constatée signifiait la poursuite des efforts ou si elle devait être relativisée eu égard aux économies d'échelle que ne manquerait pas d'engendrer la mise en réseau.

M. Claude Jolly a expliqué que le coût des périodiques, notamment étrangers, augmentait plus vite que celui des ouvrages, même si la problématique variait en fonction des disciplines, les sciences et la médecine voyant leur coût croître de manière considérable.

Il a ajouté que les crédits d'acquisition étaient passés de 85 millions de francs en 1987 à 500 millions de francs en 1997, mais que cet effort n'avait pas empêché l'apparition, depuis dix-huit mois de "premiers signaux d'alerte" qui se manifestent, par exemple, par l'arrêt de certains abonnements.

Abordant le sujet des nouvelles technologies, M. Claude Jolly a fait observer que les supports se cumulaient plus qu'ils ne se substituaient les uns aux autres ; ainsi l'abonnement électronique vient souvent compléter l'abonnement classique à une revue. Il a également noté que, en matière de ressources électroniques, un dialogue s'était engagé avec les producteurs de données, mais que l'absence de points de référence, notamment en matière de tarification, ne contribuait guère à clarifier les négociations.

M. Jean-Philippe Lachenaud a voulu savoir si ces phénomènes étaient susceptibles d'engendrer une explosion des budgets.

M. Claude Jolly a affirmé que la tendance était effectivement à la hausse des crédits documentaires, cette augmentation étant favorisée par le développement des nouvelles technologies dans les bibliothèques universitaires. A cet égard, les deux derniers budgets, grâce à des mesures nouvelles à hauteur de 75 millions de francs sur deux années, ont permis de faire face à cette tendance.

Abordant la question des droits d'auteur, M. Jean-Philippe Lachenaud a jugé "peu pertinente" la conduite simultanée de négociations avec le ministère de la Culture et celui de l'Education nationale. Il a souhaité connaître l'état de la réflexion menée sur la manière d'honorer les droits d'auteur, le ministère ayant proposé le paiement par chaque étudiant d'un forfait. Il a rappelé que, si cette solution était conforme à la réglementation relative aux droits d'auteur, elle comportait également le risque d'entraîner une augmentation des droits d'inscription à l'université.

M. Claude Jolly a souligné que le problème des droits de copie se posait moins dans les bibliothèques que dans les services de reprographie des universités. Il a rappelé que beaucoup de bibliothèques concédaient leurs photocopieurs à des sociétés ad hoc qui doivent se mettre en conformité avec la loi : les bibliothèques universitaires ne se trouvent donc pas au centre du débat.

M. Claude Jolly a évoqué les trois voies qui pouvaient être explorées sur le thème des droits de copie. La première consiste à gagner du temps. La deuxième consiste à inclure les droits de copie dans les droits de numérisation, comme l'a proposé M. Alain Etchegoyen, conseiller du ministre, dans une interview. La troisième voie passe par l'établissement d'un dialogue entre la conférence des présidents d'université et le centre français de copie, le président de l'université de Limoges ayant été chargé de suivre ce dossier pour le compte de la CPU.

M. Claude Jolly a estimé qu'un forfait de dix francs pouvait constituer une bonne base de négociation. Il a cependant exprimé sa crainte d'entrer dans un cycle de négociations sans fin.