Audition de M. Bernard SAINT-GIRONS, Premier vice-président de la Conférence des présidents d'université, et de M. Bernard RAOULT, troisième vice-président

Mercredi 6 mai 1998


M. Bernard Saint-Girons a tout d'abord rappelé que les bibliothèques universitaires constituaient un élément indissociable du service public de l'enseignement supérieur, de par leur participation à son action de formation et de recherche.

Il a estimé que depuis le rapport Miquel en 1989, le contexte avait beaucoup évolué, la dimension documentaire ayant constitué un élément majeur des interventions en direction des étudiants comme des chercheurs. Il a ajouté que cette dimension nouvelle avait considérablement contribué à faire prendre conscience aux présidents d'université de l'importance des bibliothèques, et que la mutualisation des moyens documentaires constituait désormais l'enjeu du développement interuniversitaire.

M. Bernard Saint-Girons a expliqué que la fonction documentaire était affectée par la dimension et l'apport des nouvelles technologies, la mise en réseau étant un investissement lourd et constituant une lutte permanente contre l'obsolescence.

Il a rappelé que la documentation avait été traitée de manière contractuelle, les ressources affectées aux bibliothèques universitaires l'étant dans le cadre du contrat d'université.

M. Bernard Saint-Girons a insisté sur le rôle fondamental qu'a joué M. Bernard Dizambourg qui, lorsqu'il était directeur de l'information scientifique, des technologies nouvelles et des bibliothèques au ministère, a été l'un des artisans du rattrapage et de la modernisation des bibliothèques universitaires. La création de 350 emplois de personnels des bibliothèques dans le budget pour 1998 est la manifestation de cette politique qui a permis de reconnaître le retard des bibliothèques universitaires ainsi que la fonction de la ressource documentaire.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité obtenir des informations relatives au programme Université pour le troisième millénaire (U3m) et à l'évaluation de son coût.

M. Bernard Saint-Girons a expliqué que M. Garnier, directeur de la programmation et du développement au ministère, avait présenté les grandes lignes du programme U3m devant la Conférence des présidents d'université (CPU). Ce programme comporte deux grandes priorités : d'une part, l'accent sera mis sur la rénovation des bâtiments universitaires en région Ile-de-France et, d'autre part, la dimension documentaire sera favorisée, les bibliothèques devant faire l'objet d'une mise à niveau en termes de superficie comme de modernisation.

M. Bernard Saint-Girons a estimé que la fonction documentaire à l'université devait relever trois défis :

- celui de la suffisance des capacités d'accueil ;

- celui de l'articulation des modalités de fonctionnement traditionnelles et des nouvelles technologies, ces dernières suscitant une curiosité pour le document plus grande qu'autrefois ;

- celui du temps d'ouverture.

A cet égard, M. Bernard Saint-Girons a noté que le taux de fréquentation des bibliothèques universitaires dépendait aussi des volumes horaires, et que ce taux augmentait si les établissements organisaient un tutorat documentaire. Il a ajouté que le tutorat donnait ses meilleurs résultats lorsqu'il était appliqué dans les bibliothèques.

Il a également insisté sur le fait qu'une formation documentaire précoce était la meilleure manière de sensibiliser les étudiants à la bonne utilisation des bibliothèques universitaires, les conservateurs devant être étroitement associés à cette pédagogie documentaire afin que la maîtrise des techniques soit apportée autant par les professionnels des bibliothèques que par les enseignants-chercheurs.

M. Bernard Raoult a, quant à lui, constaté que le déficit en locaux était flagrant, relevant que la quantité de documents en Ile-de-France était considérable -puisqu'elle est estimée à 50 % de la richesse documentaire nationale- alors que le nombre de places dans les bibliothèques universitaires était dérisoire, la superficie par étudiant étant comprise entre 0,1 et 0,3 mètre carré pour une moyenne européenne de 2 à 3 mètres carrés par étudiant.

Il a ajouté que l'effort de construction, qu'il s'exprime de manière quantitative ou qualitative, avait été substantiel, alors même qu'une bibliothèque universitaire comporte des exigences architecturales particulières du fait des fonctions et des missions qui sont les siennes.

M. Bernard Raoult a également estimé que l'apparition des nouvelles technologies nécessitait une réflexion sur l'évolution du contenu des emplois dans les bibliothèques, et donc sur la réforme de la formation qui leur est dispensée. Il a noté que les personnels des bibliothèques et les enseignants-chercheurs avaient compris l'intérêt d'un travail en commun, l'amélioration du fonctionnement des bibliothèques universitaires passant par le dialogue entre ces deux catégories de personnels.

M. Bernard Saint-Girons a relevé que l'apparition d'une nouvelle catégorie d'enseignants -les professeurs certifiés en documentation- présentait un double intérêt : d'une part, elle favorise l'établissement d'une passerelle entre la fonction pédagogique et la fonction documentaire et, d'autre part, elle accrédite la thèse selon laquelle les techniques de documentation s'apprennent et peuvent être utilisées de manière rationnelle.

M. Bernard Raoult a ajouté que ces professeurs certifiés avaient acquis leur statut bien davantage par la pratique sur le terrain que par des textes réglementaires.

M. Jean-Philipe Lachenaud a souhaité connaître la position de la CPU sur la question de la numérisation.

M. Bernard Raoult a estimé que le problème posé par la numérisation était celui de son degré de développement, la numérisation permettant une multiplication à l'infini de l'information alors même que la pléthore d'information constitue un handicap à sa bonne analyse. C'est pourquoi la tendance actuelle consiste à ne numériser que les catalogues et les documents résumés.

M. Bernard Saint-Girons a, quant à lui, noté que la bibliothèque avait également une dimension patrimoniale, une de ses missions étant de conserver les documents et informations qui peuvent apporter une aide à la connaissance mais qui ne peuvent être numérisés. La bibliothèque universitaire n'a pas seulement une fonction utilitaire et technologique, elle est également un lieu de mémoire et de culture.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité connaître la position des présidents d'université sur les relations que les universités entretiennent avec l'administration centrale.

M. Bernard Saint-Girons a expliqué que la programmation devait être poursuivie et qu'elle devait également bénéficier à la fonction documentaire des universités. Il a ajouté que le principe budgétaire d'annualité ne favoriserait guère une telle programmation, et a estimé que la communauté universitaire était de plus en plus consciente de la nécessaire évaluation des moyens mis en oeuvre.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est dit favorable à la poursuite de l'effort de programmation, jugeant toutefois indispensable de la faire suivre d'une étape d'évaluation.

M. Bernard Raoult a estimé que la programmation n'avait de sens que si elle était accompagnée d'un projet, la mise en réseau des bibliothèques constituant un projet prioritaire dont l'impulsion devrait être nationale. Il a ajouté que, dans le cadre d'un tel projet, l'entretien du matériel, dont l'obsolescence est rapide, constituait un véritable défi.

M. Bernard Saint-Girons a complété ces propos en estimant que, quelle que soit l'évolution des effectifs étudiants, les dépenses de documentation ne sont pas appelées à évoluer à la baisse dans un avenir proche, en raison de la logique actuelle, qui est une logique de rattrapage et non d'entretien d'un existant satisfaisant, et du coût suscité par les nouvelles technologies.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité connaître les méthodes de travail de la CPU.

M. Bernard Saint-Girons a expliqué que la CPU comportait trois niveaux de réunions. La conférence plénière se réunit chaque mois. La commission permanente réunit dix-sept présidents d'université répartis en six commissions : c'est à ce niveau qu'ont lieu la plupart des débats. Le bureau anime la conférence plénière et la commission permanente, et pilote une équipe de chargés de mission ; il dirige également l'Agence de modernisation.

M. Jean-Philippe Lachenaud a rappelé l'existence des deux thèses contradictoires qui existaient quant aux relations que les présidents d'université entretiennent avec les responsables d'unité, la première mettant l'accent sur la centralisation et le caractère global de la politique de l'établissement et qui engendre des tensions du fait de velléités autonomistes, la seconde favorisant la décentralisation.

M. Bernard Saint-Girons a fait état d'un "paysage contrasté", constatant que l'état des relations entre les présidents d'université et les directeurs de composantes ne pouvait être apprécié sur le seul domaine des bibliothèques mais devait l'être de manière générale. Il a estimé qu'un équilibre était à trouver entre la bibliothèque centrale et les bibliothèques de proximité.

M. Bernard Raoult a ajouté que, pour une bibliothèque, la bonne échelle était celle de l'établissement ou de l'inter-établissement mais non celle des UFR, cela n'étant pas incompatible avec l'existence de services de proximité, dont la collaboration avec la bibliothèque centrale devait être encouragée.