Audition de M. Michel GARNIER, Directeur de la programmation et du développement au ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie

Mercredi 24 juin 1998


M. Michel Garnier a, en premier lieu, présenté le contexte de l'élaboration du plan Université 2000.

Il a rappelé que ce plan avait été conçu dans un contexte de forte croissance des effectifs étudiants, deux millions d'étudiants étant prévus pour l'an 2000.

M. Michel Garnier a dès lors expliqué que le plan Université 2000 avait poursuivi trois objectifs. Le premier a consisté à satisfaire les besoins pédagogiques, tout en essayant de réduire l'attractivité exercée par les universités parisiennes sur les étudiants. Le deuxième objectif visait à assurer le maillage du territoire dans la perspective d'un accès démocratique aux études, aux premiers cycles notamment. Le dernier objectif, enfin, tendait à encourager la constitution de pôles européens, les universités devant, d'une part, irriguer leur environnement grâce à leurs savoirs et, d'autre part, adapter leurs formations aux besoins de l'économie, des PME-PMI notamment.

M. Michel Garnier a, ensuite, dressé un bilan rapide du plan Université 2000, à l'actif duquel il est possible de porter : la création de huit universités nouvelles, dont quatre en Ile-de-France, qui ont permis d'enrayer la croissance des effectifs des universités du centre de la capitale, mais non de les réduire ; la constitution de sept pôles européens ; la création de 24 instituts universitaires de technologie (IUT) représentant 196 départements disciplinaires. Ces réalisations représentent 3,8 millions de mètres carrés à la fin du contrat de plan, soit des crédits à hauteur de 40,1 milliards de francs, pris en charge à près de 50 % par les collectivités territoriales.

M. Michel Garnier a estimé que ce bilan était positif mais incomplet face à l'ampleur des besoins : les locaux pédagogiques ont été privilégiés au détriment de la recherche, les restructurations et les rénovations ont laissé la place aux constructions nouvelles, et la vie étudiante a été négligée, notamment les résidences, les restaurants et les bibliothèques universitaires.

Il a ajouté que le cas de Paris n'avait guère était traité par le plan Université 2000, puis a énuméré les problèmes spécifiques aux universités parisiennes.

Le premier concerne leurs énormes besoins en matière de sécurité, le plan de sécurité de François Bayrou ayant été doté de 5,1 milliards de francs, dont 2 milliards à la charge de l'Etat et autant financé sur les fonds propres des universités. Le problème de l'amiante, notamment, est considérable puisque, sur 490.000 mètres carrés contaminés, en France, 320.000 se trouvent à Jussieu, les plus grosses opérations de désamiantage devant être réalisées à la tour de Censier, à la Maison des sciences de l'homme, à l'hôpital Necker, à la tour universitaire du centre hospitalo-universitaire Saint-Antoine, à la bibliothèque universitaire de Nanterre ou encore à la faculté de droit de Saint-Maur.

Ensuite, les établissements universitaires parisiens doivent faire l'objet d'un profond remembrement, la forte croissance des effectifs s'étant traduite par des acquisitions immobilières ou des locations opérées dans le plus grand désordre, de telle sorte que les huit universités parisiennes sont aujourd'hui implantées dans 164 sites différents.

Enfin, les universités parisiennes, notamment celles enseignant les sciences de l'homme et de la société, souffrent d'un important déficit de surface estimé à environ 150.000 mètres carrés de locaux pédagogiques -soit 10 % de la superficie actuelle- et 30.000 mètres carrés de locaux de recherche, auxquels il convient d'ajouter des locaux destinés à la vie étudiante, notamment des bibliothèques universitaires. Sachant que 10 % des surfaces utiles seront probablement perdus au cours des opérations de remise aux normes, environ 300.000 mètres carrés de locaux universitaires devraient être construits à Paris en tenant compte des remembrements de locaux.

M. Michel Garnier a ensuite présenté le contexte de réalisation du plan Université du troisième millénaire (U3m). Ce contexte, a-t-il précisé, est marqué par la légère diminution des effectifs étudiants observée depuis deux ans. En outre, le développement de la formation continue permettra une utilisation plus rationnelle des locaux universitaires, en matière de périodes d'ouverture notamment.

M. Michel Garnier a ainsi insisté sur les objectifs qualitatifs du plan U3m.

Il s'agit d'abord de remédier au mauvais état des universités parisiennes, mais également de certaines universités de province, le projet n'étant pas exclusivement parisien contrairement aux allégations de la presse. Les présidents d'université devront notamment assurer la maintenance préventive de leurs locaux. Cette action bénéficie actuellement de 650 millions de francs pour un total de 14 millions de mètres carrés en France, soit un peu plus de 45 francs au mètre carré, alors que 100 francs au mètre carré serait une norme permettant de faire face aux besoins. Cette politique d'entretien du patrimoine sera intégrée aux prochains contrats d'établissement.

U3m devra également permettre aux universités parisiennes de combler leur déficit en locaux, mais également de remodeler ces derniers, l'objectif étant de ramener le nombre de sites universitaires de 164 actuellement à une soixantaine d'implantations.

Les équipements et services destinés aux étudiants, notamment l'aménagement des locaux, constitueront également l'une des priorités du programme U3m.

Enfin, il s'agira d'intégrer des locaux de recherche dans les universités nouvelles existantes.

M. Michel Garnier a expliqué que les universités n'étaient pas des outils d'aménagement du territoire mais qu'il fallait plutôt considérer leur aspect territorial ; ainsi, la construction d'universités nouvelles sera abandonnée et laissera la place à l'organisation de la coopération universitaire régionale, par l'institution de groupements d'intérêt public (GIP) ou "universitaire" (GIU) mais aussi par le recours plus systématique aux nouvelles technologies.

M. Michel Garnier a ensuite abordé le cadrage financier du plan U3m en précisant toutefois que les arbitrages n'étaient pas rendus.

Il a rappelé que, dans les contrats de plan Etat-régions actuels, l'Etat prenait à sa charge (hors équipements) un milliard et demi de francs chaque année, l'objectif pour les prochains contrats étant de porter cette charge à 12,5 milliards de francs sur cinq ans. Cet effort supplémentaire nécessitera probablement la participation des collectivités territoriales qui pourront cependant partager les maîtrises d'ouvrage.

Le plan U3m sera intégré au XIIème plan comme Université 2000 l'avait été dans le XIème plan. Ainsi, le XIIème plan, qui devrait couvrir une période de sept ans pourrait consacrer 40 milliards de francs aux locaux universitaires, destinés essentiellement aux restructurations et mise aux normes de sécurité, à des constructions nouvelles et opérations de remembrement, et à la vie étudiante.

M. Michel Garnier a rappelé que la loi Pasqua de 1995, relative à l'aménagement et au développement du territoire, était en cours de réforme. Elle devrait notamment permettre l'élaboration d'un schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur. Dans un premier temps, l'Etat et les collectivités territoriales définiront, chacun de leur côté, leur politique, puis un croisement des grandes lignes nationales et régionales interviendra en octobre ou novembre 1998, les arbitrages devant être rendus à la fin du mois de novembre : c'est à partir de ces arbitrages que les préfets de régions entameront les négociations devant aboutir aux nouveaux contrats de plan Etat-régions.

M. Michel Garnier a expliqué que les bibliothèques universitaires entreraient dans le volet du plan consacré à la vie étudiante, pour des crédits estimés à 2,9 milliards de francs et destinés, d'une part, à la construction de 300.000 mètres carrés et, d'autre part, au câblage des bâtiments de bibliothèques devant leur permettre de mener une politique documentaire s'appuyant sur les nouvelles technologies.

Il a ajouté que, s'agissant des bibliothèques universitaires, le problème du copyright était actuellement crucial. En effet, tous les documents et ouvrages tombés dans le domaine public pouvaient être numérisés sans problème ; de même, les livres les plus récents faisaient l'objet d'une numérisation quasi systématique. En revanche, le problème surgissait pour les ouvrages anciens non encore tombés dans le domaine public.

M. Jean-Philippe Lachenaud a voulu savoir si le plan U3m résultait, dans ses grandes lignes actuelles, d'une remontée des besoins, et s'est enquis de l'existence d'un programmateur et d'une étude préalable des opérations à mener.

M. Michel Garnier a expliqué que deux milliards de francs avaient déjà été programmés pour la réalisation d'études, d'une part, et pour les premières constructions, d'autre part, qui interviendront dès 2000, les sites de Jussieu et Tolbiac constituant des priorités : 20.000 mètres carrés devraient être construits à Tolbiac en préalable à un désamiantage complet de Jussieu, les locaux ensuite libérés sur ce site devant servir à des opérations de remembrement des implantations universitaires.

Il a ajouté que les universités avaient exprimé des besoins en locaux de bibliothèques universitaires estimés à environ 9 milliards de francs, mais il a jugé que les restructurations étaient parfois plus utiles que la construction de locaux neufs. Il a toutefois tenu à préciser que les crédits individualisés pour les bibliothèques universitaires devraient couvrir à hauteur des deux tiers les besoins de la province. En outre, les besoins du bassin parisien, plutôt que ceux de l'Ile-de-France stricto sensu, seraient pris en considération. Mais un raisonnement en termes de coopération régionale devra absolument être privilégié.