Tunnel de Tende

M. le Président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - J'ai l'honneur de vous soumettre le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord franco-italien relatif au tunnel de Tende. Long de 3,2 kilomètres, cet ouvrage routier relie la route nationale RN 204 côté français à la route nationale SS 20 côté italien. Construit entre 1873 et 1882, ce tunnel monotube, avec une voie dans chaque sens, ne répond plus aux normes de sécurité alors que le trafic atteint des records.

Le 26 novembre 1993, lors du sommet franco-italien de Rome, la France et l'Italie ont décidé de reconstruire ce tunnel, pour assurer la continuité de la liaison régionale des vallées de la Roya et de la Vermenagna. A cet effet, une commission intergouvernementale (CIG) a été instituée. Réunie le 17 octobre 2003, la CIG a constitué un groupe de travail binational.

Après avoir choisi une des options techniques, la France et l'Italie ont signé deux accords. Le premier, finalisé à Lucques le 24 novembre 2006, traite les dispositions ne nécessitant pas d'autorisation parlementaire préalable. Le second, signé à Paris le 12 mars 2007, concerne la gestion unifiée et la réalisation du nouveau tunnel. Il précise en particulier les conditions d'exercice de la maîtrise d'ouvrage unique dévolue à l'Italie pour les deux pays. Détaillant par ailleurs les engagements financiers des deux pays, cet accord entre dans le champ de l'article 53 de la Constitution.

L'accord transitoire signé à Lucques précise le rôle de la CIG ; il conforte l'existence du Comité de sécurité et lui donne un mandat clair. L'accord de Paris se substituera au premier, afin que le tunnel ne relève que d'un seul texte. Cet accord accompagnera la réalisation du nouveau tunnel jusqu'à sa mise en service.

Les 141,2 millions d'euros en valeur 2002, nécessaires à la réalisation de l'ouvrage, seront financés à 58,35 % par l'Italie et à 41,65 % par la France, répartis par tiers entre l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et le département des Alpes-Maritimes. Le tunnel relie l'Italie et la France pour 58,6 % du trafic, mais il permet une liaison franco-française par l'Italie entre Menton et Modane et italo-italienne par la France entre Cuneo et Vintimille. Les coûts d'entretien et d'exploitation sont répartis suivant la même clé, qui pourra être ajustée tous les cinq ans pour les charges d'exploitation.

L'objectif principal de l'opération est d'améliorer la sécurité des usagers, non d'accroître la capacité de l'ouvrage. Un cadre de gestion complet, avec un niveau exigeant de sécurité, est donc défini. Les conditions de gestion de l'infrastructure seront significativement améliorées. La CIG est une autorité administrative et la gestion unifiée sera confiée à un gestionnaire, désigné par l'Italie. Les compétences en matière de sécurité d'exploitation et de circulation relèvent, côté français, du préfet des Alpes-Maritimes et du directeur général des routes. L'itinéraire français est en cours de décentralisation, le conseil général des Alpes-Maritimes, qui doit se substituer à l'Etat le 1er janvier 2008, est déjà associé à toute décision.

Telles sont les principales dispositions de l'accord. (Applaudissements à droite.)

M. Charles Pasqua, en remplacement de M. Jacques Peyrat, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Notre collègue Jacques Peyrat, qui regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui, m'a demandé d'exposer en son nom la position adoptée par la commission des affaires étrangères.

Elle a bien sûr chaleureusement approuvé ce texte qui parachève plusieurs années de négociations et devrait mettre un terme à la très longue attente des usagers du tunnel et des populations concernées.

Le rapport écrit comporte toutes précisions utiles sur ce tunnel, entièrement italien lors de sa construction, mais devenu franco-italien avec le rattachement de Tende à la France, en 1947. Cet ouvrage d'art ne répond plus aux exigences minimales de sécurité. Il a donc fallu instaurer une circulation alternée pour les poids lourds et les véhicules larges, alors que cet axe routier est loin d'être secondaire : outre le passage côtier par Menton et Vintimille, le tunnel de Tende vient immédiatement après les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus en termes de trafic routier entre la France et l'Italie.

L'infrastructure nouvelle devrait être adaptée aux besoins, puisque le tunnel actuel sera réaménagé et doublé d'un deuxième tube. Le choix d'une gestion unifiée devrait également améliorer l'exploitation et l'entretien de l'ouvrage.

Enfin, le partage du financement -fixé après de longues années de négociations qui ont dû parfois ressembler à des discussions de marchands de tapis (Sourires.)- met 58,35 % des dépenses à la charge de l'Italie et 41,65 % à celle de la France, ce qui est assez équitable.

Espérant qu'une ratification rapide permettra d'engager dans les meilleurs délais les procédures d'appel d'offres et les travaux, la commission vous demande d'adopter le projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. José Balarello. - En 1977, alors jeune vice-président du conseil général des Alpes-Maritimes et maire de Tende, j'ai écrit dans Les dossiers de l'archéologie un long article sur l'histoire du canton de Tende-La-Brigue, consacrant une part de mes recherches à la route du col de Tende.

Une autre étape de la vie de ce col nous est proposée aujourd'hui avec l'approbation de l'accord franco-italien signé à Paris le 12 mars 2007 après un premier accord signé à Lucques le 24 novembre 2006 par MM Jacques Chirac et Romano Prodi. Ainsi, le trafic routier empruntera deux tubes unidirectionnels à une voie, puisqu'un nouveau tunnel sera creusé à trente mètres de l'existant.

Cet accord prévoit également que la conférence intergouvernementale des Alpes du Sud devient l'autorité administrative unique chargée de superviser la conception technique du tunnel.

Nous écrivons une nouvelle page de l'histoire plusieurs fois millénaire du col de Tende. Dès avant l'époque romaine, des sentiers parcourus par les troupeaux en transhumance reliaient la Ligurie maritime aux alpages de la haute Roya. Au moyen âge, cette « oute du sel » sera une préoccupation des comtes de Provence puis, à partir de 1388, des comtes et ducs de Savoie, le comté de Nice étant passé de la Provence à la Savoie. Cette voie est le passage obligé entre le port de Nice, où débarquent les bateaux en provenance des salines provençales et languedociennes, et les éleveurs piémontais qui en consomment des tonnes pour l'alimentation humaine et animale, les salaisons et le traitement des peaux. Une campagne de travaux lancée par Charles Emmanuel 1er en 1592, libère les passages difficiles entre le col de Tende et le col de Brouis. En 1614, 1624 et 1672 ont eu lieu des tentatives de percement d'un tunnel sous le col de Tende. Au XVIIIème siècle, la circulation se développe entre Nice et Turin, devenue la capitale du Royaume de Piémont-Sardaigne : le gouvernement savoyard ordonne l'aménagement d'une route carrossable ainsi que le percement du tunnel du Col de Tende. Ces travaux commencés en 1784 sont rapidement interrompus. Ainsi, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, le trafic sur cette voie ne sera que muletier. Un mémoire de 1780 indique que chaque année, plus de 30 000 mulets transportaient 5.535 tonnes de sel.

Ce n'est qu'après de nombreuses études et pétitions, après l'unité italienne, qu'est lancé le percement du tunnel routier sous le col de Tende, finalement livré en 1882 à la circulation des diligences tirées par des chevaux. C'est dans ce tunnel bidirectionnel que nous circulons aujourd'hui, alors qu'il ne correspond plus à nos modes de transports ni au trafic contemporain : 3.700 véhicules par jour en moyenne, le double en période estivale. Ce tunnel ne répond pas aux exigences de sécurité minimales prévues par la directive européenne du 29 avril 2004, malgré les restrictions de circulation et les travaux intervenus depuis 2006, pour un montant de 19,8 millions du côté français.

C'est pourquoi je me réjouis de cet accord, qui est le fruit d'un travail de coopération mené dès 1993 avec nos amis italiens. Je salue le rôle déterminant de M Costa, président de la Province de Cuneo, ainsi que de M Estrosi, président du conseil général des Alpes-Maritimes. Cependant, je ne souhaite pas que le tunnel de Tende devienne un axe privilégié pour la circulation des poids lourds : la vallée de la Roya est un axe hautement touristique, avec, entre 2 000 et 3 000 mètres d'altitude, le site archéologique de la Vallée des Merveilles, classé Monument Historique et dont la procédure de classement au Patrimoine Mondial de l'Unesco est en cours. Le transport de marchandises par fer est envisageable via le tunnel ferroviaire percé en 1889, à 260 mètres au dessous du tunnel routier et où deux trains peuvent se croiser. Cependant 23 trains par jour seulement l'empruntent du fait que 42 kilomètres de voie ne sont plus électrifiés du côté français, suite à des destructions de l'armée allemande en 1944. Je ne cesse d'alerter les ministres des transports, depuis des années, sans désespérer de voir un jour mes demandes aboutir : il en va des relations entre le Piémont et la Côte d'Azur. Nos amis italiens se félicitent de la rapidité et de l'efficacité avec laquelle la France conduit la ratification de cet accord, signé le 13 mars 2007. Du côté italien, il manque encore un dernier accord du ministère de l'économie et il est important, madame la secrétaire d'État, que vous interveniez auprès de votre homologue italien, M. d'Alema, pour lancer les travaux dès le 1er semestre 2008.