SÉANCE

du mercredi 17 octobre 2007

9e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Droit communautaire du médicament

Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.

Discussion générale

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Ce projet de loi de ratification participe du processus d'intégration à notre droit de cinq directives du Parlement et du Conseil européen, dont le législateur a pu examiner le contenu lors des débats en vue de l'adoption de la loi du 22 février 2007.

Hormis l'article premier, de ratification, un article 2 vient compléter l'article 38 du code des douanes, qui rétablit certaines prérogatives des agents des douanes concernant les produits biologiques et les produits sanguins. Quant à l'article 3, il rectifie une erreur matérielle.

A ce texte, le Gouvernement propose d'ajouter trois amendements. L'un autorisant à nouveau l'État, en raison d'un dépassement des délais d'habilitation, à légiférer par ordonnance ; l'autre visant à mettre en cohérence les missions de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) en matière de recherche ; le dernier, enfin, corrigeant une ambigüité dans le domaine des insecticides et acaricides à usage médical.

L'adoption de ce texte permettra à notre pays d'honorer ses obligations européennes et de ne pas prendre de retard dans la transposition des directives.

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Pour la deuxième fois en moins d'un an, je rapporte devant vous un projet de loi relatif aux produits de santé. En janvier, les débats sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament nous avaient donné l'occasion de constater le poids croissant de la législation européenne dans ce secteur.

De la première directive en 1965 à la création de l'Agence européenne du médicament au milieu des années quatre-vingt-dix, on mesure l'évolution des compétences communautaires. La découverte de nouvelles thérapies, de nouveaux produits de santé et les exigences nouvelles liées à la sécurité sanitaire ont, à partir des années 2000, imposé le besoin de réglementations mieux adaptées, qui s'est traduit par l'adoption de la grande directive du 31 mars 2004 relative au code communautaire des médicaments humains, que nous avons transposée en février, et de cinq autres directives portant sur la qualité et la sécurité du sang humain, des produits cosmétiques, des tissus et cellules humains, des médicaments traditionnels à base de plantes et des médicaments vétérinaires, autant de textes qui appellent à leur tour des mesures de transposition à défaut desquelles de nouvelles procédures contentieuses pourraient être engagées à l'encontre de notre pays. Le Gouvernement, lors des débats de l'hiver, nous avait donc demandé l'autorisation d'opérer la transposition par voie d'ordonnances, solution la mieux adaptée à une fin de législature. Le périmètre de l'habilitation couvrait en outre d'autres mesures visant à adapter aux règles européennes certaines dispositions du code de la santé publique relatives aux autorisations d'importation des médicaments à usage humain, des insecticides et acaricides destinés à l'homme et des aliments diététiques à portée médicale ; à harmoniser certaines dispositions pénales applicables aux produits vétérinaires, aux produits sanitaires destinés à l'homme et aux produits cosmétiques contrôlés par l'AFSSAPS ; à permettre aux agents de la répression des fraudes de recourir à l'AFSSAPS lors de leurs enquêtes sur les produits de santé ; à intégrer, enfin, au droit français de nouvelles règles de classification des substances et préparations dangereuses.

Ces mesures, essentiellement techniques, contribuent à l'harmonisation du droit français avec la législation européenne. En janvier dernier certains avaient contesté le bien-fondé d'une transposition par voie d'ordonnance de la directive relative aux produits sanguins. Or, j'observe que les nouvelles dispositions qu'il est proposé d'insérer dans le code de la santé publique clarifient le rôle des acteurs et renforcent les sanctions en cas de non-respect de la réglementation applicable aux produits sanguins. Elles me semblent de nature à apaiser les craintes.

L'ordonnance soumise à notre ratification reste légèrement en deçà du périmètre de l'habilitation, puisque les dispositions relatives à l'harmonisation des sanctions pénales ne figurent pas dans ce texte, la nécessaire concertation entre les différents acteurs du secteur de la santé et du monde judiciaire n'ayant pu s'achever dans les délais impartis. Afin de mener cette démarche à son terme, le Gouvernement sollicite une nouvelle habilitation, pour une durée de quatre mois. L'intervention du ministre de la santé, pour préciser ses intentions, a permis de lever les réserves formulées par la commission, lors de l'examen de la première demande, quant à l'opportunité de recourir aux ordonnances en matière de sanctions administratives et pénales.

La commission vous recommande d'adopter ce projet de loi avec les amendements qu'elle a acceptés.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Ce texte s'inscrit dans le processus d'harmonisation européenne entamé en 1965 avec la publication de la première directive communautaire dans le domaine du médicament. La nécessité d'harmoniser la réglementation des États membres a progressivement conduit les institutions européennes à définir un ensemble de règles ayant pour objectif principal la sauvegarde de la santé publique. C'est dans cet esprit qu'au printemps 2004, le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain a été modifié en profondeur par une série de directives, en particulier celle du 31 mars 2004, transposée par la loi du 26 février 2007. Le principe directeur de ce texte était l'amélioration de l'accès à des soins de qualité.

L'article 39 de cette loi a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances des dispositions de transposition, nécessaires pour éviter à notre pays une condamnation. Cette précaution a permis à la France de passer du 17e rang en 2005 au 10e rang en 2007 pour le respect des délais de transposition.

Au-delà de la variété des domaines concernés, les cinq directives dont il s'agit ont pour objectif commun le renforcement de la sécurité sanitaire.

D'accord avec cet objectif, le groupe UMP, dans sa majorité, votera ce texte, mais souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'extension très large, proche du droit anglo-saxon, qui est ici donnée à la notion de médicament. Elle permet d'inclure toute activité d'importation ou d'exportation à des fins thérapeutiques de tissus, de dérivés ou de cellules, quel que soit leur niveau de préparation. La définition du médicament intègre donc désormais les thérapies géniques, parmi lesquelles les thérapies fondées sur des expérimentations sur cellules souches embryonnaires.

Le glissement sémantique peut paraître imperceptible, il n'en est pas moins lourd de conséquences : ne risque-t-on pas d'entrer en contradiction avec les principes de non-brevetabilité et de non-patrimonialité du corps humain ? J'y reviendrai à l'article premier.

M. François Autain. - Le contenu de ce texte appelle peu de remarques : l'habilitation a heureusement été « décontaminée » puisque les programmes d'observance en ont été retirés ; davantage de moyens publics auraient été les bienvenus, pour renforcer les contrôles après les autorisations de mise sur le marché. La toxicité des pesticides est enfin prise en considération, c'est une bonne chose. J'espère que cette nouvelle donne incitera le Gouvernement à prendre en compte le problème de la présence de substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques entrant dans la composition des excipients adjuvants de certains médicaments, en particulier le Dibutyle phtalate et le Formaldehyde.

Le contexte, en revanche, me paraît receler une contradiction : les textes communautaires nous incitent à porter plus d'attention aux problèmes sanitaires et à cesser de raisonner en termes seulement économiques ; cependant, on le verra dans le PLFSS, la tendance à regarder les questions de santé avec le seul prisme économique se renforce, le médicament devient une variable d'ajustement pour limiter le déficit chronique de l'assurance maladie. On ne rationalise pas notre politique de santé en laissant entier le problème de l'iatrogénie. De même, la mise en place de franchises sur les boîtes est contradictoire avec politique du générique. Sous réserve du sort de certains amendements, nous voterons ce texte qui s'inscrit dans la droite ligne de ce que nous avons accepté en janvier.

M. Jean-Pierre Michel. - Je félicite notre ancienne collègue pour sa participation au Gouvernement, tout en regrettant que Mme la ministre de la santé n'ait pas daigné venir elle-même nous présenter ce texte !

M. Jean-Pierre Michel. - Sur le plan des principes, nous sommes opposés à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances en matière de bioéthique. Cependant, nous prenons acte des garanties apportées, tout comme du renforcement des sanctions pénales en matière de transport de produits humains. Nous nous félicitons de ce que les programmes d'observance aient été retirés en temps utile de l'habilitation.

En revanche, je m'inquiète de la vente de médicaments sur internet : certains peuvent être très dangereux à certaines doses et ils sont vendus sans aucun contrôle. Les actions possibles sont limitées, mais nous devrions au moins y réfléchir.

Nous souhaiterions également que le Premier ministre relance, avant la fin de l'année, le conseil stratégique des industries de santé : c'est le cadre idoine pour infléchir la recherche et le développement des industries pharmaceutiques.

En l'état, nous voterons ce texte mais je précise que nous émettrons un vote différent si l'amendement n°1 est retenu. (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Merci à M. le rapporteur et à la commission pour leur excellent travail sur ce sujet très technique. Je veux rassurer Mme Hermange : la directive 2004-23 relative à l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains, ne porte pas atteinte aux décisions des États membres relatives à l'utilisation des cellules embryonnaires, pas plus que les mesures concernant l'importation ou l'exportation de tels tissus et cellules.

S'agissant des programmes d'observance, le Gouvernement sera très attentif aux propositions que le Sénat lui fera. Je confirme encore à M. Autain que ce texte ne porte pas sur la rationalisation des dépenses médicales : ce sera l'un des objets du PLFSS.

Je partage avec M. Michel son souci sinon d'encadrer, du moins de mieux surveiller la vente de médicaments sur internet : nous pourrons y travailler avec votre commission. Quant au conseil stratégique sur l'industrie pharmaceutique, il se réunira au premier semestre 2008.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

L'ordonnance n°2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament est ratifiée.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - A titre personnel, je m'inquiète de voir la notion de médicament être à ce point élargie. Dans son septième considérant, la directive vise les cellules souches, y compris embryonnaires, le dixième considérant évoque les risques de transmission de maladie contagieuse via les tissus et le douzième considérant mentionne les risques spécifiques fondés sur la connaissance scientifique de ces cellules. Ne s'approche-t-on pas d'une brevetabilité du corps humain ? Certes, la directive européenne ne porte pas atteinte aux décisions des États membres concernant l'utilisation des cellules souches, y compris germinatives et embryonnaires. Certes, la loi bioéthique pose le principe d'une interdiction de la recherche sur les cellules embryonnaires. Mais la loi prévoit également une dérogation à ce principe, quand la recherche est susceptible de permettre un progrès thérapeutique majeur qui ne serait pas atteint par une méthode alternative d'efficacité comparable.

Cela signifie : amélioration du service médical rendu et, à terme, production de médicaments. Cette directive va contre le principe selon lequel ni le corps humain, ni aucun de ses produits ne peuvent faire l'objet de transaction commerciale. Je ne voterai pas cet article premier. (M Lardeux applaudit)

L'article premier est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié présenté par le Gouvernement.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de 4 mois à compter de la date de publication de la présente loi, d'une part, les dispositions nécessaires à la transposition de la directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains et, d'autre part, les mesures requises pour harmoniser et compléter les dispositions pénales relatives aux produits mentionnés aux articles L. 5141-1 et L. 5311-1 du code de la santé publique, pour instaurer, en tant que de besoin, des sanctions administratives dans les domaines qui n'en disposent pas et pour harmoniser leur mise en oeuvre avec les sanctions pénales.

Le projet de loi portant ratification de ces ordonnances est déposé devant le parlement au plus tard le dernier jour du deuxième mois suivant la publication de ces ordonnances.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - Cet amendement demande au Parlement d'accorder au Gouvernement une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnances pour une durée de quatre mois, afin de lui permettre de conduire à leur terme deux projets très avancés d'ordonnances, engagés sur la base de l'habilitation accordée par l'article 39 de la loi du 26 février 2007.

M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Avis favorable.

M. Jean-Pierre Michel. - Nous ne pourrons pas voter cet amendement et, s'il était adopté, nous ne voterions pas ce projet de loi. Cet amendement autorise de légiférer par ordonnances en des domaines sensibles qui relèvent de la bioéthique et qui devraient être débattus par le Parlement. La gratuité des dons n'existe pas dans plusieurs pays européens et, dans l'environnement capitaliste qui est le nôtre, les enjeux commerciaux risquent de l'emporter sur les enjeux éthiques, ce qui ouvrirait la porte à toutes les dérives. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gilbert Barbier, rapporteur. Il y a effectivement là une ambiguïté, mais le considérant n°12 dispose clairement que la directive ne « devra pas porter atteinte aux décisions des États membres » quant à l'utilisation des cellules humaines. On ne peut rouvrir, à l'occasion de ce texte, le débat sur la loi bioéthique, qu'il est prévu de revoir à terme. La directive permettant à la France de mener sa politique particulière sur les cellules souches embryonnaires, la commission a voté cet amendement qui ne vise qu'à instaurer un délai supplémentaire. Et sur les poursuites pénales, le ministre de l'époque avait pris un engagement clair que, je le pense, le ministre actuel ne peut que respecter.

M. François Autain. - Je regrette moi aussi que ces questions ne soient pas débattues au Parlement et qu'on légifère par ordonnances. C'était déjà vrai en février mais cela n'a pas empêché le groupe CRC de voter le texte parce qu'il comportait nombre d'aspects positifs. Nous ferons de même pour celui-ci qui en est le prolongement. Mais, bien entendu, nous ne voterons pas cet amendement.

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public. (Protestations ironiques sur les bancs socialistes)

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 291
Nombre de suffrages exprimés 291
Majorité absolue des suffrages exprimés 146
Pour l'adoption 163
Contre 128

Le Sénat a adopté.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - La ministre avait d'autres attitudes lorsqu'elle siégeait sur nos bancs.... Reste que le public qui suit nos débats mérite d'être éclairé sur le fait que ce sont les absents qui ont décidé... Si le Gouvernement a demandé un scrutin public, c'est que, parmi les présents, nous étions en majorité à vouloir voter contre cet amendement. (M. Jean-Pierre Michel applaudit)

Articles 2 et 3

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié présenté par le Gouvernement.

Après l'article 3, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article L. 5311-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« 1° Les médicaments, y compris les insecticides, acaricides et antiparasitaires à usage humain, les préparations magistrales, hospitalières et officinales, les substances stupéfiantes, psychotropes ou autres substances vénéneuses utilisées en médecine, les huiles essentielles et plantes médicinales, les matières premières à usage pharmaceutique. »

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Cet amendement a pour objet de corriger une ambiguïté introduite par l'article 27, chapitre V de l'ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.

L'amendement n°2 rectifié, accepté par la commission, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié présenté par le Gouvernement.

Après l'article 3, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code de la Santé publique est ainsi modifié :

1° Après le 17° de l'article L. 5311-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'agence participe à l'application des lois et règlements relatifs aux recherches biomédicales et prend, dans les cas prévus par des dispositions particulières, des décisions relatives aux recherches biomédicales. »

2° L'article L. 1123-12 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa,  les mots : « pour les recherches portant sur les produits mentionnés à l'article L. 5311-1, et le ministre chargé de la santé dans les autres cas. » sont supprimés ;

b) Dans le second alinéa, les mots : « pour cette recherche » sont supprimés ;

3° Dans la seconde phrase du septième alinéa de l'article L. 1121-3, les mots : « par arrêté du ministre chargé de la santé et » et les mots : « pour les produits mentionnés à l'article L. 5311-1 » sont supprimés.

II. - Les dispositions du I entrent en vigueur au 1er avril 2008. À cet effet, le ministre chargé de la santé se prononce au titre des articles L. 1123-8 et L. 1123-9 du code de la santé publique sur les demandes d'autorisation déposées jusqu'au 31 mars 2008 inclus concernant les recherches biomédicales autres que celles portant sur des produits mentionnés à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Il vous est proposé de transférer à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) le rôle d'autorité compétente en matière de recherches biomédicales, exercé aujourd'hui par le ministre chargé de la santé.

M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Avis favorable.

M. Jean-Pierre Michel. - Un tel transfert ne va pas de soi. Il mérite qu'on y réfléchisse. Mon groupe s'abstiendra donc sur cet amendement présenté il y a une heure.

M. François Autain. - Certes, le Gouvernement est coutumier des amendements de dernière minute. Est-ce pour nous empêcher de réfléchir ? Est-ce parce qu'il est mal organisé ? Je l'ignore, mais je le déplore d'autant plus que nous abordons ici le recoupement des compétences entre les diverses agences.

La commission des finances a récemment publié un rapport soulignant la nécessité d'une simplification.

M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Ces inquiétudes m'étonnent, car il s'agit de processus biomédicaux jusqu'ici autorisés par la direction générale de la santé, dont deux ou trois agents traitent chaque année quelques 600 demandes d'expérimentation portant, par exemple, sur l'association de médicaments dans le traitement de certaines affections.

Le transfert de cette compétence à l'AFSSAPS clarifie la situation, puisque cette agence dispose déjà d'une commission d'AMM pour les médicaments mais ne gère pas les associations complexes de molécules. Comme rapporteur de la sécurité sanitaire, je suis très favorable à ce que l'AFSSAPS puisse mieux cibler les autorisations préalables.

L'amendement n°3 rectifié est adopté ; l'article additionnel est inséré.

Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié présenté par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 4211-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 4211-2. - Les officines de pharmacie et les pharmacies à usage intérieur sont tenues de collecter gratuitement les médicaments à usage humain non utilisés apportés par les particuliers qui les détiennent.

« Les médicaments ainsi collectés sont détruits dans des conditions sécurisées ou mis à la disposition d'organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire, agréés par les autorités administratives après avis du conseil central compétent de l'ordre national des pharmaciens.

« La récupération des médicaments non utilisés en vue de leur redistribution ne peut être effectuée que par des organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire ayant obtenu l'agrément mentionné au deuxième alinéa.

« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article et notamment :

« - les conditions de la collecte des médicaments non utilisés mentionnée au premier alinéa ;

« - les conditions de la destruction des médicaments mentionnée au deuxième alinéa, et notamment les conditions de financement de cette destruction ;

« - les conditions de l'agrément des organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire mentionné au deuxième alinéa et de la mise à la disposition de ces organismes des médicaments non utilisés. »

II. - Au plus tard dans un délai de trente mois après la date d'entrée en vigueur de la présente loi, l'article L. 4211-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Toute distribution et toute mise à disposition des médicaments non utilisés sont interdites. Ces médicaments sont détruits dans des conditions sécurisées. » ;

2° Les troisième et septième alinéas sont supprimés.

III. - Le titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Centres et équipes mobiles de soins aux personnes en situation de précarité ou d'exclusion gérés par des organismes à but non lucratif

« Art. L. 6325-1 - Les centres et structures disposant d'équipes mobiles de soins aux personnes en situation de précarité ou d'exclusion gérés par des organismes à but non lucratif peuvent délivrer, à titre gratuit, les médicaments nécessaires à leurs soins, dans des conditions définies par décret. »

M. Jean-Pierre Michel. - Vous vous souvenez de nos débats sur la loi du 28 février 2007, qui interdit l'utilisation à des fins humanitaires de médicaments non employés.

Le ministre avait proposé qu'un délai de 18 mois s'écoule avant l'entrée en vigueur de cette interdiction. Un groupe de travail a donc été créé en juin au ministère de la santé, associant des fonctionnaires, des représentants de l'industrie du médicament ainsi que des pharmaciens. À ce jour, aucune disposition pratique n'a été prise. Le maintien du délai initial mettrait donc de nombreuses associations en grande difficulté.

J'indique sans plus tarder que je suis favorable au sous-amendement que M. le rapporteur va proposer.

Mme la présidente. - Sous-amendement n°5 à l'amendement n°4 rectifié de M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, présenté par M. Barbier au nom de la commission.

Dans le premier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n°4 rect., remplacer les mots :

trente mois

par les mots :

dix-huit mois

M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Nous avons longuement débattu de ce problème délicat.

Le délai de 18 mois que nous avons adopté en février arrive à échéance en août 2008 : c'est trop court. Cependant, les 30 mois proposés par notre collègue repousseraient à 2010 l'entrée en vigueur de cette interdiction.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est favorable à l'amendement sous-amendé.

M. François Autain. - Sans reprendre notre débat de février, je rappelle que notre groupe avait demandé la disparition immédiate du dispositif de recyclage Cyclamed.

Un rapport de l'IGAS a préconisé sa suppression. L'Ordre national des pharmaciens, ainsi que l'Académie nationale de pharmacie, sont opposés à la pérennisation du système.

M. Daniel Raoul. - Pour des raisons diverses !

M. François Autain. - On a beaucoup parlé des organisations qui allaient subir les effets des suppressions, nettement moins des malades !

Or, le dispositif en vigueur est inopérant et dangereux. Ainsi, l'audit réalisé par l'OMS en Albanie il y a deux ans a montré qu'il a fallu détruire la moitié des médicaments reçus lorsque les réfugiés kosovars ont afflué ; quelques 4 000 comprimés, 1 200 flacons perfusion et 16 000 tubes de pommade étaient périmés avant leur arrivée ; 2 millions de comprimés et 85 000 flacons pour injection allaient être périmés avant la fin de l'année ; la moitié des listes de colisage était incompréhensible pour les professionnels de santé locaux. Pour éviter les catastrophes environnementales, les médicaments non utilisés doivent être détruits par un procédé spécifique. À ce titre, l'OMS estime que la Croatie devra débourser quatre à huit millions de dollars. Au final, les pays donateurs, dont la France, ce sont défaussés sur les Croates du coût de destruction.

Dans ces conditions, pourquoi prolonger ce système, six mois après le vote de la loi ?

J'ajoute que ce dispositif concerne des pays en difficulté, mais aussi certaines personnes vivant sur notre sol, ce qui est indigne d'un pays comme le nôtre, même si le Gouvernement ne dote pas l'aide médicale de l'État (AME) autant qu'il le devrait.

Pourquoi maintenir une telle pratique ? Nous voterons contre l'amendement.

M. Daniel Raoul. - Mon point de vue est différent, car il s'appuie sur 30 ans de jumelage entre ma ville et Bamako. Quand Pharmaciens solidaires récupère non des médicaments périmés mais des produits non utilisés, les Maliens s'en trouvent bien.

Certes, des intérêts puissants sont contrariés...

M. François Autain. - Je reprends des rapports !

M. Daniel Raoul. - Ne confondons pas les intérêts des uns et ceux de l'industrie pharmaceutique ! Laissons les ONG faire leur travail ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et sur quelques bancs à droite)

M. André Lardeux. - Les agissements de quelques margoulins ne doivent pas empêcher de travailler ceux qui font bien leur travail. Je connais, dans mon département, des associations qui envoient toujours les bons médicaments aux bons endroits.

J'ajoute que le recyclage a pour mérite d'inciter les consommateurs à déposer leurs médicaments dans les pharmacies ; s'il disparaît, on retrouvera les produits dans les poubelles, puis dans les décharges spécialisées ou les incinérateurs. A mes yeux, le remède serait pire que le mal. Je m'abstiendrai.

Le sous-amendement n°5 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°4 rectifié, sous-amendé ; l'article additionnel est inséré.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Michel. - Nous nous abstiendrons malgré l'adoption d'un de nos amendements, car nous demeurons hostiles à l'amendement n°1 sur lequel, de crainte d'être battu, le Gouvernement a cru bon de demander un scrutin public. Nous sommes aussi très réservés sur l'amendement n°3.

M. André Lardeux. - Je m'abstiendrai en raison de l'adoption de l'amendement n°1 ; on ne peut s'engager dans une telle voie sans précaution.

M. François Autain. - Malgré l'adoption de certains amendements, nous voterons un texte qui est dans la continuité de celui de février dernier.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Cette transposition n'est pas plus anodine que les autres. Je m'abstiendrai pour les raisons exposées lors de l'examen de l'amendement n°1.

L'ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.