Filiation

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation.

Discussion générale

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - La filiation donne à la personne une identité propre, elle l'inscrit dans une lignée et dans une histoire familiales. Le droit qui la régit est essentiel ; il est bon que Gouvernement et Parlement travaillent en étroite concertation sur ce sujet sensible et délicat. La loi du 9 décembre 2004 a autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnance en définissant précisément les principes qui devaient le guider. C'est cette ordonnance qu'au nom du Gouvernement, je soumets aujourd'hui à votre ratification.

Votre rapporteur a mené un remarquable travail d'expertise. Les modifications qu'il propose enrichissent et clarifient le texte du Gouvernement et contribuent à établir un équilibre entre nos principes fondamentaux et la nécessaire adaptation de la législation.

En ratifiant cette ordonnance, vous affirmez la nécessité de poser des règles simples, précises et harmonisées de rattachement de l'enfant à ses père et mère dans le cadre des principes posés par la loi d'habilitation.

L'ordonnance, qui s'inscrit dans la continuité des grandes réformes engagées depuis trente ans, clôt le mouvement engagé durant les années 1970 vers l'égalité de tous les enfants. La moitié des enfants naissent aujourd'hui hors mariage et il était nécessaire de supprimer la distinction entre filiations naturelle et légitime qui n'avait plus de portée. La réforme simplifie l'établissement de la filiation pour les mères non mariées. La naissance de l'enfant répondant aujourd'hui à un choix et à un désir profond, il n'était plus nécessaire de demander à la mère une reconnaissance explicite. La simple indication du nom de la mère dans l'acte de naissance établira désormais la filiation.

La constatation de la possession d'état, qui traduit la réalité du lien de filiation, est clarifiée ; la constatation d'état prénatale permettra la transmission du nom du père décédé pendant la grossesse ; la délivrance de l'acte de notoriété est enfermée dans le délai de cinq ans.

L'ordonnance unifie les délais de contestation de la paternité. Si le père s'est impliqué dans l'éducation de l'enfant pendant cinq ans, la filiation ne pourra être attaquée ; dans le cas contraire, le délai de contestation sera de dix ans. Jusqu'à maintenant, les délais pour les actions en établissement de la filiation étaient différents pour les pères et pour les mères : deux ans pour les premiers et trente pour les mères. Désormais, le délai sera de dix ans pour toutes les actions, à compter de la majorité de l'enfant.

La réforme marque bien une étape dans l'évolution récente de la législation familiale. Elle contribue à l'édification d'un droit moderne, adapté aux évolutions de notre société comme à ses valeurs. (Applaudissements à droite)

M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois.  - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir, en rendant hommage à la commission des lois, rendu hommage à son président qui, à l'époque, avait exprimé ses réserves devant une procédure inédite en la matière.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - En effet.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - Le Gouvernement mettait alors en avant le caractère très technique des mesures envisagées mais l'ordonnance a soulevé des questions sur lesquelles nous sommes heureux de revenir en présentant des amendements.

Une réforme de la filiation était nécessaire. On adressait trois griefs à l'ancien régime. En premier lieu, la distinction entre filiations naturelle et légitime n'avait plus lieu d'être : que 40 % des enfants naissent hors mariage l'avait rendue désuète ; elle était d'ailleurs sans objet depuis que la loi du 3 janvier 1972 avait consacré l'égalité des filiations. En second lieu, le texte ancien était source d'inégalités ; en troisième lieu, il entretenait une insécurité juridique. Le régime de la présomption de maternité variait en effet selon que la mère était mariée ou non. En vertu du principe mater semper certa est, lorsque la femme était mariée, la simple mention de son nom dans l'acte de naissance suffisait à établir la filiation mais la femme non mariée devait reconnaître l'enfant, ce que certaines omettaient, d'où des conflits. De même, l'enfant n'avait pas les mêmes droits d'agir en justice selon qu'il était naturel ou légitime.

L'ordonnance consacre des règles générales comme le principe de l'égalité entre enfants et prévoit, en cas d'inceste, de ne reconnaître la filiation qu'à l'égard du père ou de la mère. La présomption d'état, tant qu'elle n'a pas été constatée par un acte de notoriété ou par un jugement, est insuffisante pour établir le lien de filiation. Enfin, si l'ordonnance consacre le principe de la liberté de la preuve dans toutes les actions judiciaires, elle apporte au principe pater is est quem nuptiae demonstrant des aménagements qui appellent des amendements.

Très technique, le premier de nos amendements précise les conditions de changement de nom des enfants nés avant le 1er janvier 2005 et encore mineurs au moment de la ratification de l'ordonnance.

Le deuxième autorise le père dont la présomption de paternité a été écartée à reconnaître l'enfant. Le texte de l'ordonnance a en effet quelque chose d'étrange, d'inadmissible.

Aujourd'hui, les trois quarts des enfants naissent dans une maternité où l'officier d'état civil vient faire signer une déclaration de maternité à la mère. Si celle-ci, même mariée, ne déclare pas le nom du père, votre texte, dans son état actuel, prive ce dernier de la présomption de paternité et l'oblige à engager une action devant le tribunal de grande instance ! La femme peut non seulement décider si elle veut avoir des enfants ou non, mais aussi si son mari sera ou non présumé père ! Cela nous semble abusif. Nous proposons que l'époux puisse faire rétablir la présomption de paternité par une reconnaissance de paternité auprès d'un officier d'état civil. Trois voies seront donc ouvertes au père : la possession d'état attestée par un acte notarié, la reconnaissance de paternité et l'action devant un TGI.

La simple non-déclaration de la mère prive le père du droit de donner son nom de famille à l'enfant. Pour faire reconnaître ce droit, il doit saisir la Chancellerie, qui prend un décret « dans l'intérêt de l'enfant ». Nous considérons, quant à nous, que l'intérêt de l'enfant est que le père puisse lui donner son nom.

Le troisième amendement, fondamental, fixe les règles de résolution des conflits pour respecter le principe pater is est. Votre texte, prétendument technique, introduit un principe choquant, celui de la chronologie : un quidam se prétendant l'amant d'une femme mariée enceinte peut faire une déclaration de reconnaissance prénatale, qui, en vertu de ce principe, l'emporte sur celle de l'époux ! La commission des lois, dans sa sagesse, propose que, dans ce cas de figure, l'officier d'état civil maintienne le nom du mari lors de la déclaration de naissance et saisisse le procureur de la République de l'existence d'une reconnaissance préalable. Nous restaurons le principe pater is est tant qu'une décision de justice n'est pas intervenue. Votre ordonnance remettait en cause le principe même du droit du mariage, qui repose sur le présupposé de fidélité. Il est normal de donner la priorité à la reconnaissance de paternité du mari.

J'en viens au sous-amendement du groupe CRC. Jusqu'ici, seule la recherche en paternité était possible en cas d'accouchement sous X. Nous avons permis la recherche en maternité pour nous mettre en conformité avec la réglementation européenne, qui interdit pareille discrimination, mais en maintenant le principe de l'accouchement sous X : la femme doit être protégée dans son secret. Nous ouvrons la possibilité d'une action, mais en sachant que cette démarche se heurtera à de grandes difficultés.

Votre ordonnance, loin d'être purement technique, monsieur le secrétaire d'État, abordait des questions de fond. Je suis heureux que la Haute assemblée puisse en débattre. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Richard Yung.  - Le choix de procéder par voie d'ordonnance sur un sujet aussi fondamental que le droit de la filiation est pour le moins curieux. Un débat dans le pays et au Parlement eût été préférable, il fallait le rappeler. Mais cette ordonnance a déjà été ratifiée par le Parlement lors de l'adoption du projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, mais l'article procédant à cette ratification a été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - Heureusement !

M. Richard Yung.  - Cela nous donne la possibilité d'en débattre aujourd'hui. Il faut incontestablement faire bouger le droit de la famille pour qu'il suive l'évolution de la société. Rien n'a autant changé au cours des cinquante dernières années que la famille. J'ai grandi dans un petit village de Touraine : il y a cinquante ans, un enfant né hors mariage était montré du doigt, sa mère était ostracisée, on en parlait à voix basse. L'opprobre social était source de bien des souffrances. Les choses ont évolué, d'abord lentement puis de plus en plus vite, avec l'IVG, le Pacs, la conception pour autrui -encore interdite en France, les tests ADN. Mais dans une société qui vit dans la crainte du lendemain, de plus en plus individualiste, orientée vers le résultat et le profit, la famille demeure plus que jamais une valeur centrale. Il faut trouver l'équilibre entre ces exigences.

Selon Le Parisien, il n'y a jamais eu autant de naissances en France -820 000 en 2007- mais, pour la première fois, plus de la moitié sont des enfants nés hors mariage, ceux que l'on appelait naguère les enfants du péché.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - Toujours !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Du moins ceux qui croient au péché ! (Sourires)

M. Richard Yung.  - En 1965, les enfants nés hors mariage n'étaient que 6 % !

Le droit de la filiation est inintelligible pour les non-juristes. Je n'en veux pour preuve que les règles de contestation de la filiation exposées dans le rapport... Ce droit reposait jusqu'ici sur la distinction entre la filiation légitime, liée au mariage, et la filiation naturelle, avec des règles d'établissement et de contestation différentes. La préférence donnée par le code civil de 1804 à la famille fondée sur le mariage s'était traduite par une hiérarchie entre les enfants. L'enfant naturel simple, c'est-à-dire né de parents tous deux célibataires, avait des droits inférieurs à ceux de l'enfant légitime, né de parents mariés, tandis qu'était interdit l'établissement de la filiation des enfants adultérins ou incestueux.

Cette hiérarchie a été progressivement gommée depuis la loi du 3 janvier 1972, qui a marqué une première étape vers l'égalité des filiations et permis l'établissement de la filiation adultérine. La loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins a mis fin à toute différence de traitement et la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a donné à tous les enfants dont la filiation est légalement établie les mêmes droits et devoirs envers leurs parents.

La différence de traitement selon le statut marital de la femme pour l'établissement non contentieux de la filiation maternelle s'était révélée contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, et les conditions d'établissement de la possession d'état n'étaient pas suffisamment encadrées.

Le dispositif prévu par l'ordonnance est conforme aux objectifs que nous nous étions fixés. Le principe d'égalité entre enfants est rappelé. Par ailleurs, l'établissement du double lien de filiation en cas d'inceste absolu est interdit. Est-ce une bonne chose ? D'une certaine façon, cette interdiction ne pose qu'un voile hypocrite sur la réalité. Ainsi, le mariage de deux jumeaux britanniques, élevés séparément et qui ne connaissaient pas leur lien de parenté, a été frappé de nullité. Ce cas est très particulier, mais une réflexion mérite d'être menée sur ce point.

S'agissant des preuves et de la présomption, l'ordonnance a recherché une plus grande sécurité juridique et n'a pas changé les règles relatives à l'assistance médicale et à la procréation. Un amendement viendra heureusement lever les difficultés qui demeurent quant à la dévolution du nom de famille.

L'ordonnance a unifié les conditions d'établissement de la filiation maternelle, maintenu la présomption de paternité du mari et consacré la pratique des reconnaissances préalables. Je me réjouis qu'ait été retenue la possession d'état, plus strictement encadrée. S'agissant du régime des actions en justice, un équilibre a été trouvé entre les composantes biologique et affective qui fondent le lien de filiation. Il aurait été regrettable de verser dans le tout biologique et de nier les droits de la personne qui a élevé l'enfant -d'où l'importance de la possession d'état.

Le rapport s'achève sur des questions qui pourraient nourrir la réflexion sur la filiation, et qui concernent notamment l'accouchement sous X et la maternité pour autrui - celle-ci est interdite en France mais possible à l'étranger par le biais d'officines aux méthodes discutables. J'ai déjà évoqué l'inceste absolu. Enfin, la reconnaissance prénatale est une bonne chose lorsqu'elle est effectuée par le conjoint qui vit avec la mère, mais il s'agit parfois d'un acte nuisible, qu'il faudrait prévenir par un encadrement adéquat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Un amendement concerne ce problème.

M. Richard Yung.  - Sur le fond, le groupe socialiste approuve cette réforme, tout en regrettant le recours à une ordonnance.

Mme Catherine Troendle.  - Dans son rapport, Henri de Richemont nous rappelle que le droit de la filiation se caractérisait, avant l'ordonnance du 4 juillet 2005, par une complexité qui le rendait inintelligible. La distinction entre filiation légitime et filiation naturelle n'avait plus lieu d'être, les modes d'établissement non contentieux de la filiation étaient source d'insécurité juridique et les règles d'action en justice s'étaient multipliées. L'ordonnance prise sur le fondement de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit a rendu le code civil plus cohérent.

En 2004, le Sénat s'est ému du choix du Gouvernement de réformer par ordonnance le droit de la filiation et le code civil, et a accordé l'habilitation nécessaire après avoir obtenu des éclaircissements. Le texte entré en vigueur le 1er juillet 2006 n'est pas revenu sur les évolutions essentielles du droit de la filiation. Ainsi, l'ordonnance tire les conséquences de l'égalité entre les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance, établie par la loi du 3 juillet 1972, qui a permis l'établissement de la filiation adultérine à l'égard du parent marié. Les lois de 2001 et de 2002 ont supprimé les distinctions entre les enfants naturels et les enfants légitimes s'agissant des droits successoraux, des règles de dévolution du nom de la famille et de l'autorité parentale. Pour autant, la présomption de paternité du mari n'est pas remise en cause ni étendue au profit du père non marié, qui doit toujours reconnaître son enfant pour établir le lien de filiation. L'ordonnance unifie également les conditions d'établissement de la filiation maternelle, établie par la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant, qu'elle soit mariée ou non, et sans démarche de reconnaissance -auparavant obligatoire pour la mère non mariée. La possession d'état, réalité affective et sociale révélant la filiation, est mieux définie.

L'ordonnance simplifie le régime des actions judiciaires relatives à la filiation et fixe à dix ans, au lieu de trente, la prescription de droit commun. Il est possible de faire établir en justice la maternité ou la paternité durant les dix ans suivant la naissance, l'action étant rouverte à l'enfant pendant les dix ans suivant sa majorité. Cette modification permet de sécuriser le lien de filiation. L'ancien dispositif de contestation d'un lien de filiation légalement établi, jugé trop complexe, a été remplacé par un régime commun et simple, auquel s'applique également un délai de dix ans au lieu de trente.

Les trois amendements adoptés par la commission des lois démontrent l'intérêt que porte notre assemblée à des sujets aussi essentiels pour la famille et qui touchent aux fondements de notre société. Le groupe UMP se félicite notamment de la proposition du rapporteur de fixer une règle de résolution des conflits de filiation respectueuse de la présomption pater is est qui évite que la présomption de paternité du mari ne puisse jouer parce qu'un autre homme aurait fait une reconnaissance paternelle prénatale.

Convaincu de la qualité de l'ordonnance du 4 juillet 2005, le groupe UMP votera ce projet de loi enrichi par les pertinentes propositions de notre rapporteur. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'ordonnance du 4 juillet 2005 a permis de simplifier le droit de la filiation et d'actualiser une législation devenue archaïque -bien que j'émette des réserves quant au recours à une ordonnance. La conquête par les femmes de l'égalité des droits a bouleversé le fondement de la filiation, qui reposait sur la présomption de paternité et la domination du mari.

M. Henri de Raincourt, rapporteur.  - Domination est un terme excessif !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Je ne le crois pas, monsieur de Richemont. (Sourires)

Par ailleurs, la fragilisation de la relation conjugale a eu des conséquences sur la paternité, le nombre de divorces étant passé de 30 000 au milieu des années 1960 à plus de 125 000 en 2003. Certaines notions relatives à la filiation, telle la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle, sont devenues totalement obsolètes. Cette distinction, héritée du code Napoléon de 1804, était largement critiquable. Comme le soulignait notre collègue Bernard Saugey dans son rapport du 9 décembre 2004 sur la simplification du droit : « L'expression de filiation naturelle est en elle-même contestable, cette filiation n'étant ni plus ni moins naturelle que la filiation des enfants nés du mariage, les uns comme les autres pouvant être nés de procréation médicalement assistée. De plus, l'opposer à celle de filiation légitime tendrait à accréditer l'idée que seul le second type de filiation est conforme aux lois. »

Du reste, cette distinction était devenue totalement désuète au regard de l'évolution de la société. D'après le dernier recensement de l'Insee, plus de la moitié des enfants naissent désormais hors mariage, contre 6 % en 1965, et les enfants sont désirés par les deux parents : 92 % ont été reconnus par le père en 1994, contre 76 % en 1965.

Nous approuvons que l'on élargisse une initiative en faveur de l'égalité entre hommes et femmes que nous avions défendue au Sénat en autorisant les enfants nés avant le 1er janvier 2005 à changer de nom de famille.

En revanche, l'amendement déposé à l'article premier par la commission trouble notre quiétude. Accorder aux enfants nés sous X la possibilité de mener une recherche de maternité risque de constituer une atteinte au droit au secret, légalement reconnu. Voter un tel amendement dans la précipitation sous couvert d'harmonisation avec la législation européenne empêcherait la tenue d'un débat de fond sur ce sujet sensible, qui pourrait être conduit au sein du groupe de travail regroupant les membres de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, chargé de réfléchir sur les problèmes éthiques et juridiques.

Je serais au regret de ne pas voter ce texte, qui met fin à une conception archaïque de la filiation et de la famille, si le sous-amendement que je présente à l'amendement de la commission n'était pas adopté.

La discussion générale est close.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Cette discussion nourrie a montré l'importance de la réforme proposée, laquelle traduit la volonté du Gouvernement de proposer un droit de la famille rénové et conforme aux attentes de nos concitoyens. Mes remerciements vont, en premier lieu, au rapporteur, pour les améliorations qu'il a apportées au texte, et au président de la commission, M. Hyest, qui, dans ce domaine comme dans d'autres, fait figure d'initiateur.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question du nom de l'enfant lorsque la présomption de paternité, écartée lors de la naissance, a été rétablie à l'égard du mari de la mère par la constatation de la possession d'état. Vous avez souligné l'intérêt qu'il y aurait pour cet enfant de porter le nom du mari. Dans de telles situations, la procédure administrative de changement de nom, qui relève de la compétence du garde des sceaux, répond à votre préoccupation. Si je ne peux vous répondre à la place de Mme Dati, retenue à l'Assemblée nationale par l'examen du projet de loi constitutionnelle permettant la ratification du traité simplifié européen, je puis vous affirmer que la Chancellerie étudie avec bienveillance les demandes de changement de nom dans l'intérêt des enfants mineurs.

Monsieur Yung, vos observations sociologiques ont démontré la nécessité de la réforme. Quant à la question complexe et taboue de la filiation incestueuse que vous avez soulevée, elle dépasse largement le cadre d'un texte autorisant la ratification d'une simple ordonnance.

Madame Troendle, je vous remercie de votre intervention qui a permis de faire le point sur les apports de l'ordonnance, fruit -vous l'avez souligné- d'une étroite coopération entre votre Haute assemblée et le Gouvernement.

Madame Mathon-Poinat, après avoir souligné les progrès que permet l'ordonnance, vous vous êtes interrogée sur l'accouchement sous X. Je répondrai plus précisément à vos questions lors de l'examen des articles mais sachez que je ne peux donner un avis favorable à votre sous-amendement.

Discussion des articles

Article premier

L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est ratifiée.

Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. de Richemont au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

I. L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est ratifiée, à l'exception du 5° du II de son article 20 qui est abrogé.

II. Le code civil est ainsi modifié :

1° A la fin du deuxième alinéa de l'article 62, la référence : « 341-1 » est remplacée par la référence : « 326 » ;

2° L'article 311-23 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, les mots : « à la date de la déclaration de naissance » sont supprimés ;

b) Dans la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « et » est remplacé par le mot : « puis » ;

3° L'article 313 est ainsi rédigé :

« Art. 313. - La présomption de paternité est écartée lorsque l'acte de naissance de l'enfant ne désigne pas le mari en qualité de père. Elle est encore écartée, en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, lorsque l'enfant est né plus de trois cents jours après la date soit de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce ou des mesures provisoires prises en application de l'article 250-2, soit de l'ordonnance de non-conciliation, et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande ou la réconciliation. » ;

4° L'article 314 est ainsi rédigé :

« Art. 314. - Si elle a été écartée en application de l'article 313, la présomption de paternité se trouve rétablie de plein droit si l'enfant a la possession d'état à l'égard du mari et s'il n'a pas une filiation paternelle déjà établie à l'égard d'un tiers. » ;

5° L'article 315 est ainsi modifié :

a) Les mots : « aux articles 313 et 314 » sont remplacés par les mots : « à l'article 313 » ;

b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le mari a également la possibilité de reconnaître l'enfant dans les conditions prévues aux articles 316 et 320. » ;

6° L'avant-dernier alinéa de l'article 317 est complété in fine par les mots : « ou à compter du décès du parent prétendu » ;

7° A la fin du premier alinéa de l'article 325, les mots : « sous réserve de l'application de l'article 326 » sont supprimés ;

8° L'article 330 est ainsi rédigé :

« Art. 330. - La possession d'état peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu. »

9° L'article 333 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est complétée in fine par les mots : « ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté » ;

b) Dans le second alinéa, après le mot : « Nul », sont insérés les mots : « , à l'exception du ministère public, » ;

10° A l'article 335, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix » ;

11° Après l'article 336, il est inséré un article 336-1 ainsi rédigé :

« Art. 336-1. - Lorsqu'il détient une reconnaissance paternelle prénatale dont les énonciations relatives à son auteur sont contredites par les informations concernant le père que lui communique le déclarant, l'officier de l'état civil compétent en application de l'article 55 établit l'acte de naissance au vu des informations communiquées par le déclarant. Il en avise sans délai le procureur de la République qui élève le conflit de paternité sur le fondement de l'article 336. »

12° Dans le deuxième alinéa de l'article 342, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « dix » ;

13° A la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article 390, les mots : « qui n'a ni père ni mère » sont remplacés par les mots : « dont la filiation n'est pas légalement établie » ;

14° L'article 908-2 est abrogé.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - Il s'agit d'autoriser les enfants nés avant le 1er janvier 2005 à changer de nom ; d'accorder au père, dont le nom n'a pas été porté sur le certificat de naissance, la possibilité de faire reconnaître sa paternité, de retenir les indications relatives au père portées sur l'acte de naissance, lorsqu'elles sont contradictoires avec celles contenues dans une reconnaissance paternelle prénatale, et enfin de prévoir le règlement du conflit de filiation au tribunal de grande instance, saisi par le procureur de la République, lui-même saisi par l'officier d'état civil.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°4 à l'amendement n° 1 de M. de Richemont, au nom de la commission, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Supprimer le 7° du II de l'amendement n° 1.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous devons respecter un équilibre entre le droit légitime de connaître sa filiation et le droit au secret. La suppression de la fin de non-recevoir opposée aux demandes de recherche en maternité des enfants nés sous X pourrait remettre en question l'accouchement sous X, qui fait d'ailleurs l'objet d'attaques régulières. Une réflexion sur ce point pourrait être utilement menée par le groupe de travail conjoint de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, chargé de réfléchir aux implications éthiques du prélèvement post-mortem et de la maternité pour autrui. Au reste, je regrette que la délégation aux droits des femmes n'ait pas été consultée, mais j'espère que sa présidente me suivra.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je rappelle que le groupe de travail travaillera sur un thème précis, celui de la maternité pour autrui. S'il traite de tous les sujets, nous n'aboutirons à rien.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - Madame Mathon-Poinat, je tiens à vous rassurer. En tant qu'ancien rapporteur du projet de loi de Mme Royal sur l'accouchement sous X, je n'ai nullement l'intention de revenir, d'une manière ou d'une autre, sur un dispositif que nous avions clairement défendu. La question est aujourd'hui, dans un monde qui déteste les discriminations, de répondre aux demandes légitimes des enfants nés sous X, lesquels avaient jusqu'alors le droit de faire une recherche en paternité, mais pas en maternité. Le droit au secret de la mère restera protégé et son nom ne pourra être en aucun cas divulgué si, après consultation, elle souhaite maintenir le secret. Nous voulons simplement, pour des raisons humanitaires, permettre à des enfants nés sous X d'engager une recherche. Pour toutes ces raisons, la commission, si elle avait été consultée, n'aurait certainement pas donné un avis favorable à votre sous-amendement.

Il y a aussi, comme me le souffle le président Hyest, la convention européenne, bien que cet élément ne me paraisse pas, à moi, fondamental...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Tout de même.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - Il faut sans doute nous mettre en conformité par rapport aux conventions européennes...

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Oui.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - ...mais l'élément humain reste pour moi l'essentiel.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est favorable à l'amendement n°1, bienvenu, notamment en ce qu'il supprime une disposition controversée de la loi de 1993 et introduit une innovation importante concernant le règlement des conflits de filiation.

Retrait du sous-amendement n°4, au bénéfice des explications du rapporteur, que je confirme : l'amendement ne remet nullement en cause l'accouchement sous X.

M. Richard Yung.  - L'important, c'est l'intérêt de l'enfant. Celui-ci se trouve parfois dans une grande détresse et il ressent l'exigence profonde de rechercher ses origines. Le lui interdire revient à le plonger dans le désespoir. C'est pourquoi je trouve la proposition du rapporteur excellente : je ne pourrai suivre les auteurs du sous-amendement.

M. Philippe Nogrix.  - Le rapporteur a su trouver les mots pour expliquer simplement des choses très complexes. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, pareilles situations de détresse. Pour ma part, j'ai également siégé de nombreuses années au comité de l'accès aux origines personnelles... Je me réjouis des dispositions proposées. Elles ne remettent nullement en cause l'accouchement sous X ! Pourquoi ne pas demander à la mère si elle ne veut pas lever l'anonymat ? La repentance, le recul peuvent modifier sa position. Mme Mathon-Poinat devrait retirer son amendement !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Loin de nous l'idée de négliger l'intérêt de l'enfant. Mais comment imaginer que la recherche, dans les modalités que vous prévoyez, ne remettra pas en cause l'anonymat ? Je maintiens le sous-amendement, essentiellement pour ne pas avoir à voter contre l'amendement, qui contient par ailleurs de très bonnes choses.

Le sous-amendement n°4 n'est pas adopté.

M. Philippe Nogrix.  - Mme Mathon-Poinat craint une discrimination : mais c'est aujourd'hui que celle-ci existe. L'amendement n°4 est excellent et nous le voterons avec reconnaissance pour la commission des lois, qui a bien travaillé.

L'amendement n°1 est adopté et devient l''article premier.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. de Richemont au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

I. - Dans le dernier alinéa (2°) de l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, les mots : « du nom de l'enfant naturel et aux » sont remplacés par le mot : « des ».

II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Dans le 2° de l'article L. 313-3, les mots : « qu'ils soient légitimes, naturels, reconnus ou non, adoptifs, » sont remplacés par les mots : « que la filiation, y compris adoptive, soit légalement établie, qu'ils soient » ;

2° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 434-10, les mots : « légitimes, les enfants naturels dont la filiation est légalement établie et les enfants adoptés » sont remplacés par les mots : « dont la filiation, y compris adoptive, est légalement établie ».

III. - Dans le sixième alinéa de l'article 19 et l'avant-dernier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, le sixième alinéa de l'article 21 et l'avant-dernier alinéa de l'article 22 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française, le sixième alinéa de l'article 19 et le dernier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, le sixième alinéa de l'article 21 et l'avant-dernier alinéa de l'article 22 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie, les mots : « légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie » sont remplacés par les mots : « ayant une filiation légalement établie selon les dispositions du titre VII du livre Ier du code civil ».

IV. - Dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte, les mots : « légitime, naturelle ou adoptive » sont supprimés.

V. - Sont abrogés :

1° L'article 311-18 du code civil ;

2° La loi du 10 décembre 1850 ayant pour objet de faciliter le mariage des indigents, la légitimation de leurs enfants naturels et le retrait de ces enfants déposés dans les hospices ;

3° La loi du 22 juillet 1922 supprimant dans les actes de naissance des enfants naturels les mentions relatives au père ou à la mère, lorsque ceux-ci sont inconnus ou non dénommés.

VI. - Le treizième alinéa de l'article 1er de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est supprimé.

M. Henri de Richemont, rapporteur.  - Amendement de précision et de coordination.

L'amendement n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient l'article 2.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. de Richemont au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Henri de Richemont, rapporteur. - Nous supprimons une disposition transitoire qui n'a plus lieu d'être du fait de l'examen tardif du projet de loi de ratification...

L'amendement n°3 est adopté et l'article 3 est supprimé.

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 16 janvier 2008, à 15 heures.

La séance est levée à 17 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 16 janvier 2008

Séance publique

A QUINZE HEURES

Discussion du projet de loi (n° 297, 2006-2007) relatif aux opérations spatiales.

Rapport (n° 161, 2007-2008) de M. Henri Revol, fait au nom de la commission des affaires économiques.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif aux opérations spatiales (n° 297, 2006-2007) ;

- de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à permettre aux travailleurs frontaliers de bénéficier de la défiscalisation des heures supplémentaires ;

- un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur le compte rendu de l'audition publique du 15 novembre 2007 « Radiothérapie : efficacité du traitement et maîtrise des risques », établi par M. Claude Birraux, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- de M. Pierre Hérisson un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction (n° 136, 2007-2008).