Logement (Urgence - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.

Discussion des articles (Suite)

Article 2

I. - Le chapitre III du titre II du livre IV du code de la construction et de l'habitation est complété par un article L. 423-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 423-14. - Les organismes d'habitations à loyer modéré sont soumis à un prélèvement sur leurs ressources financières lorsqu'au cours des deux derniers exercices comptables, leurs investissements annuels moyens, sont restés inférieurs à une fraction de leur potentiel financier annuel moyen, calculé sur la même période. Cette fraction ne peut être supérieure à la moitié du potentiel annuel moyen des deux derniers exercices. Le prélèvement des ressources est calculé, selon un taux progressif, sur le potentiel financier annuel moyen des deux derniers exercices sans pouvoir excéder le tiers de celui-ci. Il est recouvré selon les procédures, sûretés, garanties et sanctions applicables en matière de taxes sur le chiffre d'affaires.

« Il n'y a pas de prélèvement si le produit de celui-ci est inférieur à 10 000 € ou si, à la date du prélèvement, l'organisme bénéficie des mesures de prévention ou de redressement de la Caisse de garantie du logement locatif social mentionnées à l'article L. 452-1.

« Les organismes soumis à ce prélèvement versent avant le 30 juin de chaque année le montant des sommes dont ils sont redevables à la Caisse de garantie du logement locatif social.

« Les organismes qui ne communiquent pas les informations nécessaires à l'application des présentes dispositions acquittent une pénalité de 300 € par logement locatif dont ils sont propriétaires ; ce montant est doublé en cas de récidive. »

II. - Après le premier alinéa de l'article L. 452-1 du même code, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Elle gère un fonds constitué des prélèvements prévus à l'article L. 423-14 et destiné à aider les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte à financer des opérations de construction et d'amélioration de leur parc de logements locatifs sociaux, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

III. - L'article L. 452-3 du même code est complété d'un g ainsi rédigé :

« g) Du produit des pénalités recouvrées en application des articles L. 423-14 et L. 445-1. »

IV.  - Le premier alinéa de l'article L. 481-1-1 du même code est ainsi complété :

« Elles sont soumises au prélèvement prévu à l'article L. 423-14. » 

V. - Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article et définit, notamment, les investissements annuels moyens mentionnés à l'article L. 423-14 du code de la construction et de l'habitation.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Avec ce texte, les locataires de HLM, qui habitent dans des immeubles où les ascenseurs sont régulièrement en panne et dont la façade aurait grand besoin d'être ravalée, découvriront que certains bailleurs disposent d'une importante trésorerie, constituée par les loyers et les charges locatives. Le Gouvernement, par souci de l'intérêt général, se ferait fort de ramener à la raison ces financiers avisés dès lors qu'ils n'utilisent pas leurs ressources pour entretenir et développer leur patrimoine. Mais quels sont les organismes visés par ce dispositif ? Ceux qui sont engagés dans une procédure de redressement de leurs comptes en sont logiquement exclus. Restent les organismes dont l'activité de construction est réduite depuis plusieurs années en raison du recul des aides publiques -ce serait un comble !- et ceux qui, situés dans des zones où la demande en logements sociaux est moins tendue en raison d'un faible dynamisme démographique -je ne vise pas, bien sûr, l'Ile-de-France-, peuvent satisfaire les besoins.

Par ailleurs, le nombre de logements sociaux disponibles a diminué en raison du déconventionnement de certains logements et de la vente d'appartements HLM à leurs occupants. Ainsi, dans le Var et les Alpes-Maritimes, départements où l'on connaît une forte spéculation immobilière et foncière, on a vendu des HLM bien que la population n'ait pas les moyens de fréquenter les enseignes de luxe de la Côte-d'Azur.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter l'adoption d'un tel article bien qu'il soit présenté sous les atours séduisants de la solidarité.

Mme la présidente.  - Amendement n°168, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC et rattaché.

Supprimer cet article.

Mme Odette Terrade.  - On lit dans le rapport de M. Braye : « l'élan résultant de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale depuis 2004 a nécessairement conduit à augmenter, en moyenne, les investissements des bailleurs en faveur de la construction de logements sociaux. Dans ces conditions, il n'apparaît pas illégitime d'utiliser les ressources disponibles de ceux des bailleurs qui n'ont pas suffisamment investi pour aider les organismes qui se sont lancés dans des politiques ambitieuses de développement de leur parc. ». Voilà qui a le mérite d'être clair : il s'agit de sanctionner les organismes qui n'ont pu réaliser les investissements programmés en raison de la diminution des aides publiques directes. Faute de moyens, 22 000 logements inscrits au budget n'ont pu être mis en chantier. Les quelques dizaines de millions que l'on attend de ce dispositif à l'article 2 ne permettront pas de compenser la réduction, au détour d'un collectif budgétaire à l'automne dernier, de 315 millions de la mission « Ville et logement », dont 228 pour la rénovation urbaine. Le compte n'y sera pas ! Par ailleurs, nous ne disposons d'aucun élément précis permettant de nous prononcer. Comment seront calculées les pénalités ? Quel taux leur sera appliqué ? Quelle sera la taille des organismes visés ? Il y a tout lieu de penser que ce ne seront pas les plus importants. Manque de précisions sur les conditions de prélèvement, absence de garanties sur l'affectation de ces pénalités, cela fait beaucoup pour un seul article, sans compter que vous y avez ajouté une pincée de rétroactivité... C'est donc un impôt nouveau qui va être collecté par la Caisse de garantie du logement locatif social -la CGLS-, sans frais majeurs d'émission de rôles et de perception, pour servir ensuite à garantir les prêts de la caisse auprès de certains organismes, notamment ceux placés en situation de redressement.

Mme Christine Boutin, ministre, du logement et de la ville.  - Oh la la !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Parce que ce dispositif a pour véritable objectif de débudgétiser la politique du logement et, demain, de faire des économies, nous proposons sa suppression.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°245, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Bariza Khiari.  - Nous préconisons aussi de supprimer ce dispositif que le Gouvernement présente à tort comme un système de mutualisation entre les organismes sociaux. Contrairement à ce que l'on entend, il n'y a pas de structures dodues et dormantes.

Il n'y a pas de cagnotte des organismes HLM, comme voudraient le faire croire certains journaux orientés... Certes, leur trésorerie est parfois importante, mais elle ne peut être fléchée directement vers l'investissement : sur les 10,5 milliards, chiffre avancé par un journal qui ne recule pas devant les fausses informations pour aider le Gouvernement, 4,4 milliards servent à la construction, la modernisation et la mise aux normes, le reste comprend les dépôts de garantie, les réserves pour travaux, le remboursement des emprunts !

L'article premier permet à l'État d'imposer ses vues en matière d'investissement. Pourquoi siphonner les réserves de certains organismes en ces temps de raréfaction des liquidités ? Appliqué à l'aveugle, ce dispositif stigmatisant risque de priver les organismes de leur capacité future d'investissement !

Pour améliorer la lisibilité de la trésorerie des HLM, pourquoi ne pas adopter plutôt la proposition novatrice de M. Revet concernant les dépôts de garantie ?