Financement de la sécurité sociale pour 2009 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Je demande, si le président de la commission en est d'accord, que soient examinés lundi les articles 51 à 69. (M. Nicolas About, président de la commission, acquiesce)

Il en est ainsi décidé.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°483, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).

Mme Annie David.  - Ce texte est déjà caduc avant même que nous l'ayons voté. Le Gouvernement a déjà annoncé que les indicateurs prévisionnels en seront actualisés à la mi-novembre. Peut-être ici même, par voie d'amendement ? Procédé bien peu respectueux du Parlement ! De fait, la dégradation prévisible du marché de l'emploi fait peser bien des incertitudes sur les recettes de la sécurité sociale. Alors que le projet que vous nous avez présenté l'an dernier reposait sur une hypothèse de croissance de la masse salariale de 4,5 %, laquelle n'a progressé in fine que de 4,2 %, qui serait aujourd'hui assez naïf pour estimer réaliste votre hypothèse de cette année, à 3,5 % ? Le président de l'Acoss lui-même estime périlleux de tabler sur plus de 3 %, tandis que le ministre du budget retient une hypothèse encore plus faible, à 2,75 %. L'écart est loin d'être négligeable, sachant que 0,5 point de moins représente une perte de recettes de 800 à 900 millions pour l'assurance maladie. Voilà qui donne la mesure de la désinvolture du Gouvernement. Le financement de la sécurité sociale mérite mieux qu'une gestion au fil de l'eau, à coup d'amendements !

Votre projet d'utiliser une partie de la source de financement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour compenser la nouvelle reprise de dette par la Cades témoigne d'une gestion bien nébuleuse. Qu'est-ce qui vous permet de penser que le FSV restera, sur la durée, excédentaire ? Ce n'est en tout cas pas l'avis d'André Gauron, conseiller-maître à la Cour des comptes, entendu par notre commission. Le basculement semble d'autant plus inéluctable que le FSV souffre d'un problème chronique de financement qui le rend débiteur de la Cnav pour plus de 5 milliards.

Sans doute est-ce le même principe de gestion à la petite semaine qui a poussé le Gouvernement à majorer la taxe sur le chiffre d'affaires des mutuelles de 2,5 % à 5,9 %. Le président de la Fédération nationale de la mutualité française s'est certes engagé à ne pas répercuter cette hausse sur les assurés, mais pour une année seulement. Qu'en sera-t-il si la mesure est pérennisée ? Près de 5 millions de nos concitoyens n'ont déjà plus les moyens de financer une couverture complémentaire. Combien seront-ils demain ?

La dégradation de l'environnement économique ne doit pas faire oublier le caractère structurel du déficit de la sécurité sociale, lié pour une large part à la dette de l'État à l'égard du régime général. Bien que 5 milliards aient été remboursés, elle s'élève encore à 3,5 milliards, dont l'absence pèse lourd sur la trésorerie de l'Acoss. Bercy prévoit-il, madame la ministre, d'intégrer le remboursement de cette dette au collectif de fin d'année ? La réponse ne me sera pas donnée par M. Woerth...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Il est retenu par des obligations européennes.

Mme Annie David.  - Bien des éléments nous manquent pour mener utilement le débat. Ainsi, nous attendons toujours le rapport sur l'utilisation de la ressource dégagée par les franchises, que vous vous étiez engagée l'an dernier, madame la ministre, à présenter au Parlement. Ces franchises, qui pèsent sur les malades, nous paraissaient hier injustes, elles nous semblent aujourd'hui malhonnêtes.

Le rapport relatif à la mesure des écarts tarifaires entre hôpitaux et cliniques, qui devait nous être présenté avant le 15 octobre, manque lui aussi. M. Vasselle ne rappelait-il pourtant pas, dès l'an dernier, que la montée en charge de la T2A exigeait la plus grande transparence quant à la convergence entre public et privé, déplorant le retard dans l'étude des écarts de coûts ?

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - Vous avez de bonnes lectures.

Mme Annie David.  - Quant à la pertinence de votre agenda, nous conservons, malgré vos explications d'hier, les plus grands doutes. Nous sommes ainsi appelés à voter un projet de loi de financement avant l'examen d'un texte destiné à réformer notre système de santé. Vous nous demandez, en somme, de voter les moyens de la réforme avant même qu'en soit déterminé le contenu ! Quid de la permanence des soins, de la rémunération forfaitaire des médecins, de l'accès aux soins, du scandale des dépassements tarifaires ?

Faut-il enfin rappeler que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de l'activité de recouvrement du régime général tout comme ceux de l'Acoss ?

En effet, la Cour conteste le rattachement à l'exercice 2007 de certains recouvrements qui relèvent de l'année 2008. Le respect de son plan comptable par la sécurité sociale aurait fait apparaître un déficit réel de 10,5 milliards d'euros, au lieu de 9,5 milliards.

Je regrette que les corrections demandées par la Cour des comptes n'aient pas été opérées, car les magistrats n'exigeaient que la sincérité des écritures.

De ce projet de loi de financement, je retiens l'ampleur de ce qu'il tait ou camoufle (on s'offusque à droite), je constate l'étendue de ce qu'il reporte à plus tard. Ce projet oublie les engagements d'éclairer les parlementaires afin qu'ils puissent débattre en toute connaissance de cause. L'interrogation sur la sincérité du Gouvernement se fait donc lancinante.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Il n'a jamais été aussi sincère, ni aussi près de la réalité.

Mme Annie David.  - Les conditions ne sont donc pas réunies pour examiner sérieusement ce texte.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - Nous avons tous compris que cette notion permettait à nos collègues de développer certains propos déjà tenus lors de la discussion générale. (Vives protestations gauche, où l'on estime que « ce n'est pas sérieux »)

Sur le fond, aucun argument avancé ne tient la route.

Le réalisme des prévisions pour 2008 ? Lorsqu'il a présenté le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2009-2012, le Gouvernement a présenté les nouveaux chiffres.

Mme Annie David.  - En plein débat parlementaire !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - La contribution supplémentaire des assurés sociaux ? La Mutualité s'est engagée à ne pas répercuter la sollicitation du Gouvernement sur le montant des cotisations.

Mme Annie David.  - Pendant un an !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - La réforme hospitalière ? Nous en débattrons tout à l'heure, puis dans le cadre du texte de loi « hôpital, santé, patients, territoire ». Vous pourrez alors formuler des propositions pour que l'hôpital participe, comme les soins de ville, à la maîtrise médicalisée des dépenses.

La commission n'estime donc pas opportun d'opposer la question préalable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Bien sûr, il y a lieu de débattre du PLFSS, car le texte n'est pas caduc.

Dans un contexte extrêmement mouvant, nous avons présenté jeudi de nouvelles hypothèses économiques. Ainsi, la masse salariale a été réduite de 0,25 point en 2008 et 0,75 en 2009. Les prévisions sont donc sincères, avec un déficit du régime général en hausse de 2 milliards d'euros en 2009.

La caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) reprendra les dettes du fonds de solidarité vieillesse. La dette de l'État sera intégrée dans son bilan et le collectif permettra de l'apurer pour plus d'un milliard d'euros.

Je regrette que vous n'ayez pas lu le rapport sur les franchises, distribué il y a trois semaines.

Le rapport sur les convergences tarifaires a fait l'objet de longues analyses de vos collègues socialistes à l'Assemblée nationale. Au demeurant, comment les députés auraient-ils pu en discuter s'il n'avait pas été publié ?

J'en viens à la certification comptable. La Cour des comptes a contesté non la réalité des recettes, mais leur rattachement à l'exercice 2007. Sur chacun des trois points ayant fait l'objet d'observations -toutes pertinentes- de la Cour, des solutions ont été appliquées en accord avec elle. Ainsi, la CSG sur les revenus de placements mobiliers permettra de mieux distinguer les intérêts versés au titre de l'année en cours et ceux imputables à l'année précédente. Par ailleurs, les exonérations de cotisations liées aux heures supplémentaires seront clairement compensées à l'euro près, ainsi que nous le préciserons dans le prochain collectif budgétaire. Enfin, les erreurs antérieures sur la répartition de créances entre branches ne se reproduiront plus.

Je propose donc de ne pas voter la question préalable.

La motion n°483 n'est pas adoptée.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°458, présentée par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).

Mme Raymonde Le Texier.  - Avec plus de 442 milliards d'euros, les dépenses de la sécurité sociale excèdent largement les 275 milliards inscrits au budget de l'État. C'est dire le rôle fondamental de la protection sociale pour la cohésion de notre société. En examinant le projet de loi de financement, nous analysons des chiffres, mais surtout un modèle social.

Hélas ! Les années passent, mais les PLFSS se ressemblent : hypothèses insincères, objectifs irréalistes, déficit récurrent, promesses fallacieuses et absence de toute stratégie de réforme.

En 2007, le déficit global du régime général atteint 9,5 milliards, en hausse de 8,7 % par rapport à 2006, après que les prévisions de déficit ont été considérablement revues : le chiffre initial de 8 milliards d'euros a été rectifié courant 2008 pour atteindre 11,7 milliards, avant d'être réduit à 9,5 dans le projet de loi de financement pour 2009, la réalité se situant à 10,5 milliards, d'après la Cour des comptes. Et cela fait des années que nous travaillons ainsi !

Ce gouvernement se dirige au pifomètre, qu'il agrémente de mauvaise foi.

Ainsi, notre rapporteur estime pudiquement que les hypothèses retenues sont « volontaristes », alors que l'objectif affiché d'un retour à l'équilibre du régime général en 2012 aurait « le mérite de tracer une trajectoire ». En d'autres langages que celui de cour, il n'est pas dupe de vos effets d'annonce. Vous aviez promis l'équilibre pour 2007, vous l'avez annoncé pour 2010, puis repoussé à 2011, enfin renvoyé à 2012, mais vous n'êtes toujours pas crédibles ! En remplaçant « volontaristes » par « déconnectées des réalités », on obtient une qualification plus exacte de vos hypothèses.

Alors que tous les experts prévoient que la récession commencera au premier trimestre 2009, alors que le FMI sonne le tocsin, le Gouvernement se refuse à regarder la réalité en face et fuit encore une fois ses responsabilités. Dommage, car la sécurité sociale mérite mieux que ce travail de Gribouille ; dommage, car la protection sociale est d'autant plus indispensable que les temps sont plus durs. Aujourd'hui, la crise du capitalisme financier se répercute sur l'économie réelle. Cette fois, les victimes n'auront que notre système de protection sociale pour tout patrimoine protecteur.

Alors que les inégalités ont explosé ces dernières années avec la multiplication des taxes, des forfaits et des franchises, notre pays a plus que jamais besoin de solidarité, de protection et de justice. On ne trouve nulle trace de ces impératifs parmi les objectifs censés avoir inspiré ce budget. C'était choquant, cela devient dangereux !

Pourtant, la crise actuelle aurait pu nous permettre de refonder notre système social, tout en restant fidèles aux idéaux qui ont présidé à sa construction par le Conseil national de la résistance. Ce que nos pères ont réalisé au sortir d'une des guerres les plus meurtrières du siècle, alors que le pays était en ruine et son économie dévastée, nous pourrions le refaire si le courage et l'ambition humaniste animaient ce gouvernement.

Une occasion a été manquée. Le renvoi en commission se fonde sur la qualité d'un travail, qui aurait pu être fécond si le Gouvernement méprisait moins le Parlement.

En effet, bien que nous ne partagions pas les mêmes idées, le dialogue conduit sur la dégradation des comptes de la sécurité sociale, au vu des rapports équilibrés présentés par nos cinq collègues, a fait émerger des pistes intéressantes de réformes structurelles. Ainsi, nous sommes nombreux à nous interroger sur l'efficacité des exonérations de cotisations, en réfléchissant à un usage plus ciblé de cet outil. De même, on devrait se retrouver pour faire en sorte que les crédits destinés à la sécurité sociale soient cohérents avec les prévisions de dépenses inscrites dans la loi de financement.

Au regard de la reconstitution rapide des dettes de l'État à l'égard du régime général, cette mesure s'impose. Il faut ensuite améliorer la justice fiscale et taxer dès le premier euro les parachutes dorés et autres rémunérations accessoires, ce qui mobiliserait sans doute au-delà des rangs de la gauche. Il faut aussi rechercher des sources de financement pérennes, travailler par exemple sur le forfait social. Le rapport de M. Leclerc, en mettant en avant la montée des inégalités entre générations et la répartition inéquitable de l'effort contributif, vous alerte enfin sur la nécessité de réformes structurelles. Il faut s'y attaquer sans attendre.

Si les commissions avaient plus de temps pour travailler, elles pourraient élaborer des plans de financement qui soient autre chose que des architectures comptables, socialement inefficaces et obsolètes avant même d'être votées. A force de déficit et de dettes accumulées, vous êtes en train d'étouffer le système. Réfléchir aux besoins des Français et au sens de votre action, voilà ce qui serait utile ; mais vous préférez aller droit dans le mur, et en klaxonnant pour que personne ne rate l'impact...

Cette année encore, l'approche comptable s'est révélée désastreuse. En vous focalisant sur le déficit, vous préparez la fin du système. Les finances sociales se sont encore dégradées. Le découvert de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale atteint 27,6 milliards fin 2008, tandis que la hausse des taux d'intérêt a gonflé les charges financières qui sont passées de 648 millions en 2007 à 930 millions d'euros cette année -le coût des frais financier est supérieur de 100 millions à ce que rapporteront les franchises médicales. Face à cette situation, votre réponse est sidérante : vous cachez la poussière des découverts sous le tapis de la dette. Et vous nommez « assainissement des comptes » le transfert à la Cades de 27 milliards de dettes supplémentaires ! Bel assainissement que celui qui laisse à nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants le soin de payer votre gabegie ! Si au moins l'opulence était assurée à court terme... Ce n'est pas le cas. Les déficits ne conduisent pas à améliorer la santé des Français ; c'est même le contraire : les inégalités se creusent entre les populations et entre les territoires. La différence d'espérance de vie entre régions peut atteindre dix ans, et l'espérance moyenne de vie d'un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d'un cadre -l'écart tend même à s'accroître. C'est dire ce que devient, avec vous, « le meilleur système de santé du monde »...

La collectivité consacre 160,7 milliards à la branche maladie, sans compter la part des mutuelles ; dans ce système, la solidarité repose quasi exclusivement sur les assurés et les malades à coups de déremboursements, forfaits et franchises. Cette année, faute de pouvoir encore alourdir les prélèvements, vous opérez une ponction d'un milliard sur les complémentaires -ce qui conduira inévitablement à une hausse des cotisations ou à une augmentation du reste à charge. Une fois encore, c'est l'assuré qui servira de variable d'ajustement.

M. Guy Fischer.  - Voilà !

Mme Raymonde Le Texier.  - Sans compter que ce prélèvement, qui ne restera pas exceptionnel, va accroître les inégalités : les primes d'adhésion aux mutuelles représentent 10 % du revenu des ménages les plus pauvres mais moins de 3 % de celui des plus aisés. Pour un taux d'effort trois fois plus élevé, les premiers verront leurs garanties réduites. La seule chose qui vous intéresse en réalité, c'est de communiquer. Souvenez-vous pourtant des mises en garde de M. Jégou hier au nom de la commission des finances.

Aux autres acteurs du système de santé, au monde médical, à l'industrie pharmaceutique, vous n'imposez aucun mécanisme contraignant, aucune sanction. Pourtant, les inégalités en matière de santé ont des causes identifiées, les déserts sanitaires, les dépassements systématiques d'honoraires, l'engorgement des hôpitaux. Il est temps de réfléchir à l'organisation du système de soins, à la liberté d'installation des médecins, à leurs modes de rémunération et d'exercice. Nous avions, l'an dernier, regretté l'absence de politique de prévention et de dépistage et plaidé pour le développement des maisons de santé. Nous réitérerons nos propositions pour améliorer la situation des Français, sans aucune vanité d'auteurs.

Nous proposerons en particulier de modifier les critères d'appréciation du service médical rendu des médicaments. A la suite de la comparaison avec des placebos, il faudrait procéder à des essais cliniques entre produits comparables afin d'éviter que des copies à peine différentes de spécialités existantes soient considérées comme innovantes et échappent ainsi à la concurrence des génériques.

Ce projet de loi de financement est muet sur toutes ces questions. Depuis des années, vous ignorez nos propositions. Laissez donc les parlementaires y travailler en commission dès cette année : à défaut d'être parfait, leur texte ne sera pas indigent.

La loi « hôpital, patients, santé et territoires » doit être discutée en janvier ; est-il raisonnable de débattre de l'hôpital dans le cadre de ce projet de loi de financement ? Nous avons pris acte, madame la ministre, que vous regrettiez vous aussi ce problème de calendrier.

Devant l'importance des sommes en jeu et l'accroissement des besoins de solidarité liés à la crise, il est plus que jamais nécessaire de rompre avec les demi-mesures et le corporatisme. Si la création d'une contribution de 2 % sur l'intéressement et la participation est une idée judicieuse, sa portée devient ridicule dès lors que stock-options et parachutes dorés en sont exemptés ; alors que les plus modestes subissent la crise de plein fouet, les plus riches échappent au devoir de solidarité.

Affronter la crise suppose de dégager des moyens nouveaux et de porter haut l'impératif de solidarité. Si vous n'y parvenez pas, laissez faire la commission, elle sera plus créative et plus audacieuse vous ne l'avez jamais été.

J'invite mes collègues de la majorité à nous suivre afin de faire entendre, à défaut des nôtres, les propositions lucides de nos cinq rapporteurs -mais sans doute le surmoi de ces derniers prendra-t-il le dessus au moment du vote... (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - Je remercie Mme Le Texier des compliments qu'elle a adressés à la commission. S'il est vrai que nous parvenons souvent à nous mettre d'accord sur des sujets techniques, il en va différemment lorsque les questions sont plus politiques, et c'est bien naturel.

La commission a beaucoup travaillé ces dernières semaines, elle a entendu cinq ministres, le Premier président de la Cour des comptes, les présidents et directeurs des caisses nationales. Est-il pertinent, dès lors, de lui renvoyer le texte ? S'agissant du procès en insincérité, reconnaissez, au-delà de l'appréciation que vous portez sur son volontarisme, que le Gouvernement a tenu compte de l'évolution des données macro-économiques et des observations récentes du FMI. Chacun peut, certes, convenir que les résultats de la stratégie de réforme définie en 2004 ne sont pas à la hauteur des espérances mais le Gouvernement a fait preuve de réalisme.

Quant à vos propos sur les risques encourus par les plus fragiles de nos concitoyens, je ne peux que rappeler que notre système de protection sociale est considéré comme un des meilleurs du monde. (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Il se dégrade !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - Sur l'Ondam enfin, je vous invite à la modestie ! Les objectifs présentés en leur temps par Mmes Aubry ou Guigou ont été dépassés, et de beaucoup !

Mme Christiane Demontès.  - En 2001, les finances de la sécurité sociale étaient équilibrées ! (Marques d'approbation à gauche)

M. Alain Vasselle rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - L'Ondam 2008 aura été respecté, l'Ondam 2009 le sera.

M. François Autain.  - Et les 120 milliards de dettes accumulés ?

M. Alain Vasselle rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - Au total, le renvoi en commission n'est pas justifié. (Applaudissements à droite)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Madame David, je tiens à votre disposition le rapport sur les ressources des franchises (Mme Bachelot fait remettre le rapport à Mme Annie David) et j'en ferai déposer une quarantaine d'exemplaires au Sénat auquel il appartient de les faire distribuer.

Quant au rapport sur la convergence des tarifs, il est sorti depuis plus d'un mois : si vous ne l'avez pas encore, ce n'est pas non plus de mon fait.

J'en viens à la motion. Le rapporteur a répondu sur les chiffres ; il n'y a eu aucune manipulation comptable. Je me suis moi-même expliqué sur le différend avec la Cour des comptes, sur l'Ondam, sur les transferts entre branches. Les prélèvements obligatoires ne sont pas augmentés, le projet présente des pistes de réformes structurelles et nous en présenterons encore d'autres dans la discussion.

Mettre fin aux exonérations Fillon ? Non, ce n'est vraiment pas le moment de pénaliser l'emploi.

Sur les stocks options, vous avez déjà voté l'an dernier une taxe de 10 % pour l'employeur et de 14 % pour l'employé. Quant aux parachutes dorés, ils sont soumis à cotisation au-delà d'un million et le rapporteur va proposer de les soumettre également à la CRDS et à la CSG. (M. Paul Blanc approuve)

Dès cette année, le régime général économisera plus d'un milliard de frais financiers. J'ai dit hier combien variait le taux de couverture des mutuelles. Ce reversement, qui correspond à la prise en charge supplémentaire des ALD par l'assurance maladie, est tout à fait normal. C'est un transfert pérenne et nous en discuterons le montant l'an prochain en fonction de la conjoncture mais je n'ai pas à prendre des engagements pour les années à venir.

Je suis défavorable à cette motion car nous avons discuté au fond de tous ces sujets et nous le ferons encore lors du débat sur l'hôpital. (Applaudissements à droite)

La motion n'est pas adoptée.

Discussion des articles

PREMIÈRE PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXERCICE 2007

Article premier

Au titre de l'exercice 2007, sont approuvés :

1° Le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

167,6

172,7

-5,0

Vieillesse

169,0

172,9

-3,9

Famille

55,1

54,9

0,2

Accidents du travail et maladies professionnelles

11,7

12,0

-0,4

Toutes branches (hors transferts entre branches)

398,3

407,4

-9,1

2° Le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

144,4

149,0

-4,6

Vieillesse

85,7

90,3

-4,6

Famille

54,6

54,5

0,2

Accidents du travail et maladies professionnelles

10,2

10,6

-0,5

Toutes branches (hors transferts entre branches)

290,0

299,5

-9,5

3° Le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Fonds de solidarité vieillesse

14,5

14,4

0,2

Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles

14,3

16,5

-2,2

4° Les dépenses constatées relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, s'élevant à 147,8 milliards d'euros ;

5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, s'élevant à 1,8 milliard d'euros ;

6° Le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, s'élevant à 2,6 milliards d'euros.

Mme Annie David.  - J'avais imaginé que « présenter un rapport » ne se limitait pas à fournir un document. Nous voterons contre cet article, constatant l'entêtement de votre gouvernement à reproduire sans cesse les mêmes erreurs. Chacun se souvient des promesses du plan Douste-Blazy et se rend compte aujourd'hui qu'il a été inopérant. Il en est de même de la loi de M. Fillon sur les retraites, qui n'a pas permis, loin s'en faut, de réduire le déficit de la branche vieillesse. La réponse efficace n'est pas l'allongement de la durée de cotisation, ni le pillage des quelques excédents des Assedic, excédents utiles au vu de la crise qui touche notre pays.

Il fut un temps, pas si lointain, où les comptes sociaux étaient à l'équilibre. Ils étaient même excédentaires. C'était de 1998 à 2001, période durant laquelle la gauche était aux responsabilités.

M. Paul Blanc.  - Et la croissance !

Mme Annie David.  - Depuis, la majorité présidentielle a multiplié les mauvais coups contre notre protection sociale. Les multiples cadeaux que votre majorité n'a cessé de distribuer aux plus riches ont tari les ressources de la sécurité sociale. Depuis 2007, les exonérations de cotisations se sont multipliées, sans être compensées. A tel point qu'elles ont ému de nombreux économistes, pas tous de gauche, ainsi que les juges de la Cour des comptes qui les dénoncent sans cesse depuis trois ans. Et ce sont nos concitoyens, toujours eux, qui payent de leurs poches les milliards que vous accordez sans contrepartie aux entreprises ou aux foyers les plus riches. En 2008, vous êtes même allés jusqu'à imposer aux malades des franchises médicales, n'hésitant pas à comparer ainsi l'assurance maladie à une assurance commerciale. C'est dire votre conception de l'accès aux soins et le sort que vous entendez lui réserver dans l'avenir. Je vous renvoie par exemple aux déclarations du Président de la République sur la prise en charge de la dépendance !

Ces franchises, impôts sur la maladie, sont intolérables, surtout au regard des milliards que votre gouvernement a été capable de dégager pour la finance et la spéculation. Il est grand temps d'entreprendre une réforme ambitieuse du financement de la protection sociale, faisant en sorte que l'ensemble des revenus du travail -même indirects- soit mis à contribution. II est inacceptable que les gains provenant de la spéculation et de l'oisiveté boursière soient moins mis à contribution que les salaires des travailleurs. Il faut revoir l'assiette des cotisations sociales, comme l'avait promis un certain Jacques Chirac, alors Président de la République, qui redécouvrait... la crise sociale. En 2007, vous nous proposiez d'adopter des tableaux d'équilibres qu'à l'époque déjà, nous dénoncions, considérant que les estimations très optimistes sur lesquelles ils reposaient les rendaient insincères. Cette question de la sincérité sera au coeur de nos débats puisque la Cour des comptes a refusé de certifier le bilan de l'Acoss et a contesté les chiffres de votre gouvernement en des termes très sévères, constatant « des irrégularités dans la comptabilisation de certaines opérations dont elle a demandé la correction sans obtenir satisfaction ». Selon les magistrats de la rue Cambon, le déficit pour 2007 ne serait pas de 9,5 mais de 10,5 milliards : un milliard de plus ; excusez du peu !

Nous n'acceptons pas votre politique ni ses conséquences néfastes pour les plus faibles de nos concitoyens. C'est pourquoi nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Bernard Cazeau.  - En 2007, le déficit du régime général a atteint 10,5 milliards ! Avec 4,6 milliards de déficit, l'assurance maladie continue de déraper. Le déficit de la Cnam a été certes réduit de 7,5 milliards d'euros en trois ans, mais il avait été promis en juillet 2004 qu'elle serait excédentaire cette année. On en est loin.

Le déficit de la branche vieillesse s'élève à 4,6 milliards en 2007 contre 1,9 en 2006. La progression du montant des prestations, prévisible, est due à la démographie mais, loin de juguler ce mouvement, la réforme Fillon est un obstacle majeur au retour à l'équilibre.

La branche famille est excédentaire pour la première fois depuis 2003. Toutefois, comme pour 2006, la Cour des comptes s'est déclarée en juin dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes de cette branche. La raison en est simple : les subterfuges comptables auxquels vous vous livrez pour obtenir ce chiffre positif.

La branche accidents du travail voit son déficit augmenter par rapport à 2006. Le dépassement de l'Ondam est dû aux soins de ville et la procédure d'alerte instituée par la loi Douste-Blazy a donné bien peu de résultats.

C'est pourtant Xavier Bertrand qui avait déclaré : « Notre plan est crédible parce qu'il s'attaque aux problèmes structurels »... Nous voterons contre cette première partie du projet de loi de financement.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'article premier, mis aux voix par assis et debout, est adopté.

Article 2

Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi décrivant les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation, à l'article premier, des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2007.

M. Guy Fischer.  - Nous saisissons cette occasion pour regarder dans le rétroviseur ce qui à été fait, ce qui ne l'a pas été, et mesurer les conséquences des politiques que vous avez menées. Je m'étonne que vous ne cherchiez pas à connaître les raisons de l'échec des plans Juppé et Douste-Blazy, qui devaient remettre à l'équilibre les comptes sociaux. Vous les avez soutenus et votés, messieurs About et Vasselle !

L'année 2008, marquée par les franchises médicales, s'est traduite par une nouvelle charge supplémentaire pour les assurés sociaux, car les mutuelles complémentaires, que vous ponctionnez encore d'un milliard, participent déjà à hauteur de 22 milliards. Les assurés sociaux contribuent de plus en plus lourdement chaque année, avec les franchises médicales, les honoraires démesurés de certains professionnels de santé, les déremboursements massifs dont votre gouvernement a le secret.

Ce regard en arrière nous informe beaucoup sur l'avenir. L'annexe A pèse comme une chape de plomb sur les générations futures : fort bien faite, elle montre que vos politiques inefficaces et inégalitaires accroissent la dette. Toutes les branches, à l'exception de la branche famille, sont en déficit car vous ne permettez pas un financement à la hauteur des besoins. Comme vous n'avez pas transféré pour 2007 les dettes à la Cades, l'Acoss a dû emprunter 28 milliards -je suis membre du conseil de surveillance avec M. Vasselle. La caisse centrale de la mutualité sociale agricole a dû emprunter 5 milliards à une filiale du Crédit agricole. Seul le Fonds de solidarité vieillesse n'a pas recouru à l'emprunt -parce que cela lui est impossible. Mais son très faible solde excédentaire ne lui permet guère de rembourser la dette qu'il a envers Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés au titre de la prise en charge des cotisations de chômage.

Ce seront donc bien, malgré vos discours et vos plans de rigueur successifs, les générations futures qui subiront les conséquences de choix dogmatiques marqués par la volonté d'inverser le financement de la sécurité sociale, en le faisant massivement supporter par les assurés sociaux eux-mêmes. Vous allez ainsi contre ce qui à été construit en 1945 à l'instigation du Conseil national de la Résistance. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article et contre l'ensemble de cette première partie.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'article 2, mis aux voix par assis et levé, est adopté, avec l'annexe A.