Outre-mer

M. le président.  - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Outre-mer ».

Intervention des rapporteurs

M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Mon intervention portera sur les crédits de la mission en général et le programme « Emploi outre-mer » ; M. Doligé, l'autre rapporteur spécial, se chargeant du programme « Conditions de vie outre-mer » et des articles rattachés 64 et 65.

La mission, avec 1,97 milliards en autorisations d'engagement pour 2009, représente moins de 15 % de l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer.

Elle ne donne donc qu'une vision parcellaire de l'effort de l'État en direction de l'outre-mer, qui s'élève au total à 13,3 milliards, auxquels il convient d'ajouter 3,3 milliards de dépenses fiscales, en hausse de 17 % par rapport à 2008. Au regard de cette augmentation incontrôlée, le projet de loi de finances réforme le régime des exonérations de cotisations patronales et plafonne les réductions d'impôt sur le revenu résultant des opérations de défiscalisation en outre-mer, tandis que le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (Lodeom) recentre sur le logement social la défiscalisation des investissements en matière de logement.

Au sein du secrétariat d'État, une délégation générale à l'outre-mer a remplacé les deux directions préexistantes afin de réorienter le secrétariat d'État vers des missions de coordination, d'expertise et d'évaluation, comme le souhaitait votre commission. Nous serons attentifs aux effets de cette réorganisation. Il faudrait notamment que le secrétariat d'État dispose d'informations plus complètes et plus fiables sur l'efficacité des nombreux dispositifs spécifiques en faveur de l'outre-mer.

Le budget de la mission « Outre-mer » augmente de 19 % en autorisations d'engagement et de 16 % en crédits de paiement. Les crédits du programme « Emploi outre-mer » augmentent de près de 20 %, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, afin de compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer. En 2008, seuls 867 millions étaient prévus pour la compensation alors que le coût des exonérations était estimé à plus de 1,15 milliard. La hausse de 16,6 % de ces crédits mettra fin aux sous-budgétisations récurrentes.

Enfin, je salue l'augmentation des crédits en faveur de l'insertion des jeunes éloignés de l'emploi, à travers le projet initiative jeune « Création d'entreprise » et la formation individualisée en mobilité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » augmentent de 17 % en autorisations d'engagement et de 10 % en crédits de paiement. En matière de logement, le montant des autorisations d'engagement a fortement augmenté, prenant acte des besoins des collectivités d'outre-mer, mais l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement passe de 36 millions en 2008 à 49 millions en 2009. Cette hausse inquiétante risque de générer des factures impayées et l'accumulation d'une dette auprès des bailleurs sociaux.

La hausse de 13 % des crédits consacrés au financement des opérations contractualisées entre l'État et les collectivités d'outre-mer est très satisfaisante et met fin à la sous-budgétisation récurrente en la matière.

Ce programme met en oeuvre le fonds de continuité territoriale et le passeport mobilité formation, prévus par la Lodeom, afin de mettre fin aux dérives de l'ancien passeport mobilité, dont le coût a triplé entre 2003 et 2008.

Je regrette que l'évolution des dotations spécifiques aux collectivités d'outre-mer manque de clarté. Peu d'informations nous sont fournies, par exemple, sur la dotation globale de développement économique de la Polynésie française, qui représente 151 millions, tandis que d'autres sont manifestement insuffisantes, comme la dotation de premier numérotage de Mayotte, de 150 000 euros.

L'article 64 proroge jusqu'en 2011 deux dotations spécifiques à Mayotte : la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l'état civil, de 300 000 euros par an, et la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires, qui sera abondée à hauteur de 4,5 millions en 2009. Où en est-on de l'instauration d'un état civil ?

L'article 65 réforme le dispositif spécifique d'exonérations de cotisations patronales outre-mer, qui prévoit actuellement une exonération totale pour l'ensemble des salariés, jusqu'à une limite qui varie entre 1,3 et 1,5 Smic selon le degré d'exposition à la concurrence. L'exonération n'étant pas dégressive, les entreprises sont exonérées même pour les salariés les mieux payés. L'article 65 harmonise les plafonds à 1,4 Smic et rend l'exonération dégressive jusqu'à 3,8 Smic afin de concentrer les aides sur les bas salaires. L'exonération sera plus importante pour certains secteurs prioritaires. Enfin, le droit à exonération est conditionné au paiement effectif des cotisations et à l'absence de travail illégal, ce qui avait été supprimé par la loi Girardin de 2003. Au total, c'est une réforme efficace et équilibrée, qui permettra de réaliser une économie de 138 millions sur une année, consacrés au financement des dispositifs prévus par la Lodeom.

La commission des finances vous proposera toutefois un amendement prévoyant que cette réforme n'entrera en vigueur qu'une fois la Lodeom promulguée. Elle vous proposera donc d'adopter les articles 64 et 65, ainsi modifiés, ainsi que des crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Georges Patient, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Je vous prie d'excuser M. Lise qui a dû rentrer en Martinique à la suite d'un décès dans sa famille.

Le projet de budget pour l'outre-mer anticipe un certain nombre de mesures prévues par la Lodeom. Il croît à périmètre constant de 9,2 % en crédits de paiement, mais cette augmentation servira, pour l'essentiel, à combler les dettes de l'État auprès des organismes de sécurité sociale et ne financera en aucun cas des dépenses nouvelles.

La présentation des crédits de la mission « Outre-mer » est encore perfectible. Notre commission avait recommandé au Gouvernement d'établir deux documents, l'un récapitulant l'ensemble des crédits destinés aux collectivités d'outre-mer provenant de chaque ministère et des fonds d'intervention européens, l'autre présentant les crédits par collectivité destinataire. A ce jour, nous n'avons rien reçu...

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - Le voici ! (M. le ministre brandit un document)

M. Georges Patient, rapporteur pour avis.  - Les collectivités d'outre-mer sont une chance pour la France. Outre la diversité culturelle et la biodiversité, elles lui offrent une présence sur quatre océans et des opportunités d'échanges, notamment économiques, avec de nombreuses régions. Elles doivent toutefois relever d'importants défis.

Les économies ultramarines sont fragilisées par les contraintes d'éloignement, le dynamisme démographique, les pressions migratoires et, surtout, le différentiel de coût du travail avec les pays voisins. Le taux de chômage est plus de deux fois plus élevé qu'en métropole ; dans les seuls DOM, il est de 26 % !

Face à une telle situation, qui risque de s'aggraver sous l'effet de la crise, le dispositif d'exonération de cotisations patronales, instauré en 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer et amélioré par la loi Girardin en 2003, permet de restaurer la compétitivité du travail. La réforme envisagée par l'article 65 risque non seulement d'alourdir les charges pour nos entreprises mais aussi de créer une trappe à bas salaires en incitant au recrutement de salariés rémunérés à 1,4 Smic, ce qui n'est pas de nature à favoriser les emplois qualifiés pourtant indispensables dans de nombreux secteurs.

Les dépenses fiscales permettent de compenser nos handicaps de compétitivité. Or le Gouvernement s'est engagé dans une vaste réforme des niches fiscales. Même si leur actualisation peut sembler nécessaire, la réforme de la défiscalisation outre-mer prévue par l'article 43 du projet de loi de finances touche trop brutalement à nos territoires. Le plafonnement risque d'y rendre beaucoup moins attractifs les investissements. La défiscalisation outre-mer n'est pas un avantage indu mais un outil indispensable à l'investissement, au développement et à l'emploi dans des territoires structurellement sous-capitalisés.

S'agissant des crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer, la priorité reste au logement, du fait de l'insuffisance de l'offre dans le logement social, de l'habitat insalubre, de la prolifération de l'habitat spontané, des risques sismiques et climatiques et de la cherté du foncier. Or, les moyens sont, cette année encore, trop insuffisants. Je regrette, en particulier, la diminution de 40 % de l'effort en faveur de l'accession à la propriété. Je constate également que persiste l'épineux problème de la dette de l'État envers les entreprises du BTP qui oeuvrent dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. Cette année encore, le budget fait apparaître un écart de près de 50 millions entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement consacrés au logement.

Les crédits destinés à la coopération régionale sont encore modestes au regard de ce qui pourrait être entrepris.

J'en viens à la création du Fonds exceptionnel d'investissement, destiné à soutenir le développement des infrastructures et des équipements indispensables pour assurer la croissance de nos territoires. Compte tenu des objectifs envisagés, les 16 millions inscrits sont nettement insuffisants.

Les besoins en matière d'emploi et de logement sont encore considérables. L'État ne doit donc pas relâcher son effort en faveur des populations ultramarines. Or les réformes programmées en matière de défiscalisation ou d'exonération de charges sociales constituent de réels sujets de préoccupations. C'est pourquoi le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques n'a pas émis d'avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » ; la commission, en revanche, s'est prononcée en faveur de leur adoption. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Cette mission démontre que l'engagement financier de l'État en faveur de l'outre-mer est d'autant plus appréciable qu'il intervient dans un contexte budgétaire contraint. Les crédits affectés à cette mission ne représentent cependant qu'une part modeste des 13,2 milliards consacrés par l'État à l'outre-mer, sans compter la dépense fiscale évaluée pour l'année prochaine à 3,3 milliards, en augmentation de 17,4 %.

Cet effort financier intervient alors qu'un nouvel élan doit être donné au développement des territoires ultramarins. Malgré la croissance réelle de leurs économies, la situation reste d'autant plus fragile que la crise mondiale se confirme. Il convient donc de renforcer les outils juridiques et budgétaires pour que l'outre-mer puisse rattraper la métropole en matière d'emploi. Il faut également relancer la politique du logement outre-mer, tant les besoins sont nombreux et insatisfaits malgré tous les dispositifs mis en place.

Vous avez déclaré récemment, monsieur le ministre, vouloir mettre à disposition des collectivités d'outre-mer, pour un euro symbolique, des terrains appartenant à l'État pour la construction de logements sociaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il est enfin nécessaire d'améliorer la santé publique car la situation y est très spécifique et bien moins prise en charge par la collectivité publique. La commission des affaires sociale présentera d'ailleurs trois amendements destinés à limiter l'accès au tabac outre-mer.

Les crédits proposés répondent de façon relativement satisfaisante à ces défis et ils devraient permettre le financement d'un certain nombre de mesures figurant dans le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer que nous examinerons en début d'année. La compensation aux organismes sociaux des exonérations de charges sociales patronales devrait s'améliorer. Au cours de 2009, celles-ci devraient obéir à deux régimes juridiques successifs : d'abord celui prévu par la loi de programme de 2003 puis celui recentré sur les exonérations de charges prévues à l'article 65 de ce projet de loi de finances, qui devrait entrer en vigueur le 1er avril.

Les crédits destinés à l'insertion et à la qualification professionnelle, qui financent notamment le service militaire adapté, augmentent. Ce dispositif est exemplaire car il réussit à qualifier des jeunes sans diplôme et à en insérer 80 % d'entre eux dans la vie professionnelle. Pourquoi ne pas l'étendre à davantage de volontaires ?

Ce projet de loi de finances prévoit également une augmentation sensible de la dotation de la ligne budgétaire unique. Pourtant, l'objectif de la loi Dalo de construire 37 500 logements sociaux d'ici fin 2009 a été reporté à 2012. Je regrette, à cet égard, l'écart entre le montant des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement, soit 49 millions. Si cet état de fait devait perdurer lors des prochaines lois de finances, nous risquerions d'en revenir à la situation comptable dégradée de 2006.

Enfin, je déplore que la fusion des actions « Sanitaire et sociale » et « Culture, jeunesse et sport » du programme « Conditions de vie outre-mer » se traduise par une baisse de 2,2 millions des mesures sanitaires et sociales, tant cette question est essentielle.

La particularité de la mission « Outre-mer » est qu'elle s'accompagne d'un article rattaché qui modifie le régime d'exonérations de charges sociales patronales qui s'applique dans les quatre Dom et à Saint-Pierre-et-Miquelon depuis 2003. Cet article reprend le dispositif figurant dans le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer afin de concentrer le dispositif actuel d'exonérations sur les salaires pour lesquels leur impact sera le plus fort. Cette réforme va incontestablement dans le sens d'une meilleure efficacité de la dépense publique. Pour autant, la commission des affaires sociales a adopté deux amendements destinés à renforcer son effet positif sur l'emploi.

Si la qualité de ce budget doit être saluée, ces mesures m'inspirent trois interrogations : la première porte sur la réforme du dispositif de mobilité, notamment celle de l'Agence nationale pour la promotion et l'insertion des travailleurs d'outre-mer. La seconde a trait à la revalorisation des paramètres du financement du logement social outre-mer. La dernière, enfin, tient à la formation des personnels médicaux outre-mer. La Réunion est véritablement sous médicalisée : nous avons un étudiant en médecine pour 24 800 habitants contre un pour 8 700 en métropole. Sans doute certains de ces points feront-ils l'objet de dispositions de la future loi pour le développement économique de l'outre-mer ou la loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Mais ils dépendent également de cette loi de finances. C'est pourquoi je souhaiterais connaître les orientations du Gouvernement, à court et moyen termes.

Ces questions ne font pas obstacle à l'avis favorable de la commission des affaires sociales pour l'adoption des crédits 2009 de la mission « Outre-mer », ainsi que de l'article 65 rattaché, sous réserve de l'adoption des amendements que je vous présenterai tout à l'heure. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Le développement de l'outre-mer est non seulement un devoir de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes ultramarins mais également un investissement utile à la France toute entière.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Tout à fait !

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.  - N'oublions pas que 95 % de la surface maritime de notre pays est due à l'outre-mer, ce qui nous place au deuxième rang mondial des puissances maritimes et nous permet d'être présents dans les instances internationales couvrant l'Atlantique, l'océan Indien et le Pacifique, sans compter l'océan Antarctique et d'autres mers du globe.

En dépit d'une conjoncture difficile, l'augmentation de 3,4 % des crédits de la mission doit donc être saluée. Avec 16,5 milliards, les crédits globaux, tous ministères confondus, sont loin d'être négligeables. Toutefois, la mission « Outre-mer » proprement dite se limite à 14 % du financement prévu pour l'outre-mer. De plus, comme les années précédentes, le périmètre de cette mission a été modifié, ce qui rend les analyses et les comparaisons plus difficiles. Il serait temps d'arrêter une bonne fois pour toutes le cadre de cette mission budgétaire, soit en la recentrant clairement et définitivement sur la seule coordination des politiques ultramarines, soit en se tournant, ainsi que le permet la Lolf, vers une mission interministérielle. Certes, les documents de politique transversale sont de mieux en mieux faits mais au pays de Descartes, un minimum de logique et de cohérence s'impose, d'autant plus que de nouvelles modifications du périmètre de cette mission sont annoncées pour l'avenir.

L'effort de l'État pour l'outre-mer s'amplifie donc. On peut s'en féliciter. Encore faut-il veiller à ce qu'il permette de développer les économies ultramarines et le niveau social des territoires concernés. Il est donc essentiel de mesurer régulièrement les effets de chacun des instruments retenus. Cet effort doit également se fonder sur la sincérité des marchés et des coûts de distribution, faute de quoi il perdrait en efficacité pour une charge financière plus élevée, génératrice d'effets d'aubaine.

Aussi nous ne pouvons qu'approuver vos déclarations devant la commission, monsieur le ministre : selon vous, les maîtres mots de votre action seront : «  transparence et concurrence ». Outre-mer, la plupart des prix sont anormalement élevés et ne se justifient ni par le surcoût du transport ni par l'étroitesse du marché. II est donc essentiel de favoriser la vérité des prix pour répondre à l'attente des populations ultramarines et favoriser le développement économique et social de ces territoires. II en est de même pour la continuité territoriale : les tarifs doivent être compétitifs et le nombre de sièges passagers suffisant.

Votre commission a procédé à un tour d'horizon des différents territoires d'outre-mer. Elle regrette ainsi que l'immigration clandestine, malgré les mesures prises, reste aussi préoccupante, notamment en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Mayotte. Elle regrette également la dégradation persistante de la situation carcérale avec des taux de surpopulation que l'on n'ose indiquer : 251 % à Saint-Denis de la Réunion et 285 % à la prison Nuutania à Tahiti. La visite de ces établissements est une épreuve mais elle permet de comprendre que seuls le dévouement et le pragmatisme du personnel de la pénitentiaire sont à même d'éviter le pire. Quant aux nouvelles constructions, elles sont souvent dépassées, comme en Martinique, par l'augmentation du nombre de détenus. Votre commission ne cache pas non plus ses préoccupations quant aux conditions auxquelles doit faire face la justice dans les différents territoires, avec parfois un manque crucial de moyens.

La jeunesse mérite toute notre attention et l'outil « enseignement » est fondamental. L'État ne ménage pas son engagement mais la démographie galopante, éventuellement liée à une immigration massive, a raison des efforts d'équipement et de fonctionnement. Tel est le cas, par exemple, à Mayotte où le nombre élevé d'enfants scolarisés est sans commune mesure avec la population de la collectivité.

Votre commission souhaite donc que les financements soient adaptés aux réalités du terrain.

La question du désenclavement de Saint-Pierre-et-Miquelon est liée à un développement de la coopération avec le Canada, ainsi que le préconise notre collègue Detcheverry. Il serait temps que des mesures concrètes d'envergure voient enfin le jour.

Les deux nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy prennent leur essor et votre commission se félicite que leurs statuts soient désormais applicables presque en totalité. Elle se félicite également de la poursuite des transferts de compétences en Nouvelle-Calédonie dans le respect des accords de Nouméa mais aussi des positions exprimées par les membres du comité des signataires : sur des sujets aussi sensibles, seul le consensus est gage de succès.

La question des compétences et des moyens des communes de Polynésie est toujours ouverte et mérite des avancées prochaines pour que la réforme statutaire de ce territoire prenne tout son sens.

Votre commission se réjouit de l'inauguration de la piste aérienne de Futuna, qu'elle réclamait sans relâche depuis de longues années afin de permettre un désenclavement de cette île qui est la plus éloignée de la métropole. Elle s'inquiète, cependant, de la baisse démographique qui touche la collectivité de Wallis-et-Futuna, qui est passée en cinq ans de 15 000 à 13 500 habitants. Il y a plus de Wallisiens en Nouvelle-Calédonie qu'à Wallis-et-Futuna !

Enfin, un dernier mot, alors que se termine bientôt l'année polaire internationale, pour me réjouir que Clipperton entre dans la Constitution aux côtés des Terres australes et antarctiques françaises. Tous les territoires de la République sont consacrés par notre loi fondamentale.

Sous ces réserves et observations, votre commission des lois vous invite à approuver ces crédits. (Applaudissements à droite et au centre)

Interventions des orateurs

M. Adrien Giraud.  - La discussion du projet de loi de finances est toujours un moment essentiel du travail législatif, qui engage des choix capitaux pour l'avenir de notre pays. C'est aussi un temps de réflexion et de bilan, qui nous invite tous à réfléchir sur les décisions passées. Pour nous, parlementaires de l'outre-mer français, il s'agit d'un événement fondamental même si le budget du secrétariat d'État ne représente qu'une fraction du total des crédits publics destinés à l'outre-mer français. Le débat budgétaire demeure l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la situation financière de nos collectivités et sur leurs priorités.

La départementalisation de Mayotte a cessé d'être un voeu pieux, un appel sans réponse. Après cinquante années, les Mahorais voient enfin consacrée leur volonté de rester français, c'est-à-dire de pouvoir revendiquer pleinement leur attachement aux institutions et aux valeurs fondamentales de notre République ainsi que leur détermination à être reconnus à part entière dans le droit européen.

On nous dit que la départementalisation n'est pas la panacée. Nous le savons mieux que personne mais nous savons aussi que c'est, avec toutes les adaptations requises, la meilleure réponse aux multiples problèmes qui freinent nos progrès. Il ne s'agit pas seulement d'obtenir la départementalisation de Mayotte mais de la réussir en termes d'étapes à franchir, de concours à obtenir, mais aussi d'obstacles à surmonter par nos propres efforts.

La revendication mahoraise, cette longue marche qui remonte aux premiers temps de la Ve République, n'a jamais été aussi proche de son aboutissement. Les Mahorais souhaitent connaître la question qui leur sera posée lors de la consultation prévue en mars 2009. Cette question devra être simple et claire ; ce pourrait être : « Voulez-vous que la collectivité départementale de Mayotte devienne un département d'outre-mer ? »

La départementalisation de Mayotte est une revendication qui date d'un demi-siècle et dont il faut rappeler la portée, qui ne se réduit pas à un simple changement de dénomination. Mayotte devra tout d'abord entrer, progressivement mais pleinement, dans le droit commun. Cela impliquera donc d'y étendre les six domaines où s'applique encore le principe de spécialité législative, même si nous demeurons acquis au principe d'une départementalisation adaptée ce qui, dans notre esprit, ne signifie nullement départementalisation au rabais.

Surtout, il faudra donner à Mayotte les moyens de son développement. Trop longtemps, nous nous sommes heurtés à une curieuse logique qui exigeait que nous ayons rattrapé les autres départements d'outre-mer pour devenir département, alors même que les moyens de ce rattrapage résultent justement du statut départemental. Mayotte devra recevoir une dotation spéciale d'équipement pour combler, au moins partiellement, ses importants retards : c'est seulement par une véritable politique d'investissement que Mayotte progressera sur la voie du développement.

A cet égard, je dois vous signaler qu'une part importante des crédits d'État, prévus dans le cadre du contrat de projet 2008-2014 n'ont toujours pas été délégués. C'est ainsi que sur les 24 millions de crédits publics d'État destinés à la politique du logement, il n'y en a eu que 15 de délégués. De tels retards pèsent lourdement sur les finances de notre collectivité départementale. Nous avons été contraints d'ouvrir un lycée en préfabriqué, alors même que les besoins en constructions scolaires sont connus depuis longtemps ! Comment mener une vraie politique de rattrapage quand les retards dans les paiements de l'État nous contraignent à ouvrir, dans l'urgence, des structures éphémères ?

Si la Guyane a reçu 388 millions d'euros de subventions européennes entre 2000 et 2006, Mayotte, dont le poids démographique est comparable, n'a reçu que 15 millions entre 2004 et 2008, soit 25 fois moins ! Une telle inégalité de traitement confine à l'injustice. Alors que Mayotte présente tous les traits caractéristiques des « régions ultrapériphériques » de l'Union, elle est classée parmi les « pays et territoires d'outre-mer. A ce titre, elle ne reçoit que les fonds européens d'aide au développement, comme les territoires indépendants associés à l'Europe. Il est urgent que nous ayons accès aux fonds structurels, ce qui sera possible avec la départementalisation. Cette décision dépend exclusivement de l'État français ; il ne tient qu'au Gouvernement de faire cesser ce fâcheux paradoxe, qui voit l'Europe aider moins ceux qui ont le plus besoin.

La départementalisation renvoie également aux problèmes de sécurité, résultant d'une immigration étrangère encore trop mal maîtrisée. J'ai déjà maintes fois abordé cette question, liée à l'arrivée massive et parfois dramatique d'immigrés, d'origine comorienne pour la plupart. L'État doit se saisir de ce problème avec la plus grande fermeté. Les patrouilles de la police aux frontières ont déjà été renforcées et un radar supplémentaire a été installé. C'est bien, mais ne nous leurrons pas : tant que la France n'aura pas pris une position ferme vis-à-vis des autorités comoriennes, dans le cadre d'un dialogue d'État à État, et affirmé que le choix des Mahorais ne peut être remis en cause, rien de ce que nous ferons ne pourra suffire.

J'en suis sûr : 2009 devra être, pour les Mahorais, l'année de l'ancrage définitif et volontaire au sein de la République française, celle d'une politique de développement économique et social ambitieuse, celle de la paix retrouvée dans notre environnement régional.

Recevant à l'Élysée les élus d'outre-mer, le Président de la République a affirmé qu'il respecterait la parole donnée à Mayotte. Un tel engagement est pour nous essentiel et, au nom de la population mahoraise, je lui en exprime notre profonde gratitude. C'est dans cette perspective, et en signe de confiance, que je voterai ce budget. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Gélita Hoarau.  - La Réunion est l'un des départements qui connaît la plus forte croissance démographique. Dans une vingtaine d'années, elle atteindra le million d'habitants. Elle est donc au carrefour des chemins.

Si rien ne change, ses difficultés s'aggraveront. Je parle du chômage qui repart à la hausse pour atteindre à nouveau 30 %, des 65 000 Rmistes, des 30 000 demandeurs de logements sociaux, des 120 000 illettrés, des 300 000 personnes relevant de la CMU et, plus généralement, des 52 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté.

Il faut s'orienter vers des solutions innovantes, en rupture avec celles qui ont prévalu jusqu'à présent et qui ont inspiré tous les plans gouvernementaux avec les résultats que l'on connaît. C'est dans cet esprit que la majorité régionale de la Réunion a élaboré un plan de développement, en concertation avec les partenaires sociaux et les autres collectivités locales.

Ce plan propose des solutions aux problèmes de la Réunion, le chômage, les déplacements, le logement, la protection de l'environnement et de la biodiversité, tout en tenant compte du changement climatique, de la crise énergétique, de la mondialisation des échanges et de l'évolution technologique.

C'est ainsi qu'un programme de grands travaux a été élaboré pour une période allant jusqu'en 2014, portant sur plus de 3 milliards : route des Tamarins, tram-train, nouveau tracé de la route du littoral. Ce programme a fait l'objet d'un accord de principe et de financement en 2007 à Matignon. Ces grands travaux maintiendront en activité des milliers de travailleurs dans le bâtiment et régleront le problème des déplacements à la Réunion et, avec le tram-train, dans le respect de l'environnement.

Le plan régional de développement durable vise aussi l'autonomie énergétique du département en 2025. De ce point de vue, sous l'impulsion de la région, la Réunion se distingue par ses initiatives. Cet objectif, en plus d'offrir une alternative énergétique non polluante et renouvelable aux énergies fossiles, est aussi un gisement d'emplois.

Toutefois, la fin du chantier de la route des Tamarins et l'attente du début des autres grands chantiers font craindre une période de récession. De plus, l'arrêt ou le report de certains travaux ainsi que les interrogations quant au nouveau dispositif de défiscalisation nourrissent les plus vives inquiétudes. Des milliers de travailleurs craignent pour leur emploi, pendant que des dizaines d'entreprises s'inquiètent pour leur survie.

C'est pour ces raisons qu'en octobre dernier, des centaines de patrons ont, pour la première fois, manifesté à la Réunion devant la préfecture pour exprimer leur désarroi. Depuis, la réforme de la défiscalisation a été votée. Ce vote n'a pas pleinement rassuré les chefs d'entreprise qui attendent plus de garanties de la future loi programme.

Pour tenter de maintenir le secteur du BTP à un niveau d'activité plus acceptable, le conseil régional, le conseil général, l'association des maires et les représentants de la Réunion économique se sont réunis en « Comité de suivi » afin d'inventorier les travaux en étude, faire sortir les projets, définir les priorités et accompagner autant que possible leur réalisation. Des engagements ont été pris par tous les partenaires, ce qui devrait éviter toute diminution importante d'activité dans ce secteur. Le préfet de la Réunion a pris une initiative identique en y associant les banquiers. Pour le logement, qui n'est pas moins pourvoyeur d'emplois, l'engagement de l'État, qui en a la compétence, est décisif.

La crise financière et économique exacerbe tous ces problèmes. Il est primordial de maintenir le cap sur les objectifs du plan régional qui porte également sur la recherche et l'innovation dans les domaines aussi variés que l'agriculture, la pêche et la forêt, la santé, les télécommunications, etc. Cette crise fait ressortir plus que jamais l'impérieuse nécessité d'apporter une réponse à ceux qui sont le plus dans l'attente, c'est-à-dire les chômeurs et les demandeurs de logements sociaux.

Pour les premiers, l'entrée en vigueur du RSA doit être l'occasion de satisfaire les besoins de la Réunion, principalement dans les domaines de l'environnement et des services à la personne, et de créer ainsi des dizaines de milliers d'emplois.

La Réunion dispose encore d'une biodiversité unique au monde et l'Union européenne a souligné l'urgence de préserver ce patrimoine gravement menacé. Sa sauvegarde nécessite la création de milliers d'emplois, notamment dans le Parc national de la Réunion et dans le Parc marin. II en est de même pour la collecte, le tri systématique et la valorisation des déchets. Nous proposons de créer dans ce domaine un véritable service public qui mobiliserait des milliers de jeunes qui pourraient prétendre au RSA.

Nous proposons ensuite la création d'un autre service public pour l'aide à la personne. A la Réunion, les offres d'accueil pour les personnes âgées, handicapées ou la petite enfance sont dramatiquement insuffisantes et les besoins en emplois se chiffrent par milliers. Seul un service public permettrait de satisfaire les demandes et de ne laisser personne sur le bord du chemin.

La réalisation de ces deux grands services publics, qui créeraient de manière pérenne plusieurs dizaines de milliers d'emplois, suppose des actions de formation adéquate, une gestion transparente et paritaire de ces services, afin d'éviter ce que le préfet de la Réunion a appelé « les emplois-magouilles ». C'est cela, la rupture avec les pratiques jusqu'ici en vigueur.

Elle nécessite également la mobilisation de tous les outils financiers existants : ceux du RMI, des emplois aidés, des emplois verts, les crédits supplémentaires prévus au RSA, etc. A ces crédits peuvent s'ajouter, pour le service d'aide à la personne, une contribution de la caisse d'allocations familiales, de la caisse de sécurité sociale et, éventuellement, des bénéficiaires de ce service en fonction de leur capacité financière.

La création de ces deux grands services publics est une expérience qui mérite d'être menée à la Réunion, en vertu du droit constitutionnel à l'expérimentation. Elle répond à des besoins urgents de notre population et elle peut atteindre l'objectif que se fixe le Gouvernement : une perspective d'insertion avec un revenu décent pour le plus grand nombre. On peut trouver les moyens de la réaliser, sans un effort financier exorbitant de l'État, même s'il doit être raisonnablement sollicité, puisqu'il s'agirait surtout d'un redéploiement des fonds déjà existants.

L'état d'urgence dans lequel se trouve l'emploi à la Réunion ne nous permet pas d'attendre 2011, comme le prévoit l'article 15 de la loi sur le RSA. Expérimentons dès maintenant cette création de ces deux services publics. Accepteriez-vous que nous introduisions cette demande lors de la discussion sur la loi programme outre-mer ? Il n'y a pas d'autres solutions si l'on veut éviter la catastrophe.

Sur le logement social, monsieur le secrétaire d'État, votre budget ne peut faire face aux besoins des Réunionnais. Il comportera 258 millions en autorisations d'engagement et 209 en crédits de paiement. Ces chiffres, supérieurs à ceux de 2008, sont inférieurs au montant moyen de la période 2005-2007, qui est de 270 millions. En outre les promoteurs sociaux éprouvent des difficultés à utiliser ces crédits. L'augmentation des coûts de production et les nouvelles exigences réglementaires créent un écart de l'ordre de 30 % entre les paramètres financiers de la ligne budgétaire unique et les coûts réels de production. Avec un même budget, on finance de moins en moins de logements. Nous sommes aujourd'hui à une moyenne de 2 800 logements par an, y compris le locatif social et très social, contre 5 000 auparavant. Vous êtes en train de réévaluer ces paramètres financiers : vos propositions sont, certes, des améliorations mais elles ne répondent pas suffisamment aux attentes de la profession.

L'État a signé avec les 24 communes des contrats d'objectifs fonciers qui fixent des perspectives de construction de logements sociaux. Ce projet de budget 2009 est présenté dans le cadre d'une programmation triennale 2009-2011. Nous ne voyons pas, dans les chiffres annoncés, les moyens de répondre aux ambitions fixées par ces contrats d'objectifs.

Monsieur le secrétaire d'État, votre budget sera voté avant celui de la loi programme. C'est en quelque sorte un budget sous embargo, puisque la plupart des dispositions qu'il doit financer, c'est-à-dire le fonds exceptionnel d'investissement, les aides à la mobilité, la continuité territoriale, le nouveau système d'exonérations de charges, le nouveau dispositif de défiscalisation, etc., seront applicables après le vote de la loi programme. Autrement dit, elles entreront en vigueur avec trois, voire six mois de retard. Cette discussion sur le projet de loi de finances pour 2009 ne donne, au mieux, qu'un avant-goût du futur débat auquel nous ajouterons, notamment, les préoccupations de nos producteurs vis-à-vis de l'entrée en vigueur des accords de partenariat économique l'année prochaine et celles des agriculteurs à propos de la fin des accords sucriers européens en 2014. Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre face à ces nouvelles menaces ? (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - A partir de 2009, le contenu de la mission « Outre-mer » traduit un changement de la politique gouvernementale dans nos régions. La programmation des dépenses publiques est désormais pluriannuelle grâce à la réorganisation de l'administration chargée de l'outre-mer et elle vise le développement des secteurs les plus dynamiques et l'affirmation économique dans l'environnent régional. La nouvelle délégation se voit confier un rôle de conception et de coordination de l'action de l'État envers les collectivités territoriales de l'outre-mer. L'objectif est de faire du secrétariat d'État une administration non de gestion mais d'expertise et d'évaluation.

Dans l'actuel contexte budgétaire, l'effort financier de l'État en faveur de l'outre-mer est significatif. L'emploi outre-mer est un problème permanent et, depuis des années, le budget s'efforce de lutter contre les handicaps structurels de nos régions. Cette année encore, je note l'effort fait au programme « Emploi outre-mer » avec, d'une part, l'abaissement du coût du travail par des exonérations de charges sociales et, d'autre part, l'instauration et la pérennisation de dispositifs encourageant la formation professionnelle. L'exonération de charges sociales favorisera la production de biens et de services et elle créera des emplois. L'action « Soutien aux entreprises » voit sa dotation augmenter de 21 %, ce qui résulte notamment d'une aide publique nouvelle aux entreprises au titre de l'aide au fret.

Le programme « Emploi outre-mer », avec une hausse des crédits du soutien aux entreprises, doit faciliter la création d'emplois et l'accès au monde du travail, dans des régions ultramarines marquées par un taux de chômage toujours plus élevé qu'en métropole : 22 % pour la Guadeloupe, où il touche surtout les jeunes et résulte de l'aménagement inéquitable du territoire, s'agissant de Basse-Terre. Le chômage frappe tous les jeunes, tant ceux qui ont reçu une formation que ceux qui sont en échec scolaire. Tous rentrent, hélas, dans le cycle de l'assistanat qui prédomine dans la région de Basse-Terre, totalement appauvrie.

Ces jeunes se marginalisent car ils s'estiment de plus en plus exclus de toute possibilité de travail et ils ne trouvent refuge que dans la rue, avec son cortège de dérives.

Malgré les efforts, la petite délinquance reste très présente et l'on voit des jeunes désoeuvrés qui déambulent en groupes, fouillent les poubelles devant les supermarchés pour récupérer de la nourriture. Que sont devenus les objectifs de la départementalisation ? Dans ma ville de Basse-Terre, on voit ces jeunes au mode de vie différent, qui refusent de s'insérer. J'espère que les effets positifs de l'action « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » se feront rapidement sentir. Je crois à l'efficacité du service militaire adapté (SMA), qui reste un moyen indispensable de resocialisation.

Le manque de développement de la région de Basse-Terre explique le chômage qui y règne et l'exode d'une partie de la population vers le centre urbain Pointe-à-Pitre, les Abymes, Gosier, Baie-Mahault, qui bénéficie d'importants financements de l'État -au détriment d'autres territoires. Y sont concentrées les infrastructures, le port, l'aéroport, une importante zone économique. Quid de la Guadeloupe profonde et des zones rurales, qui sont en voie de dévitalisation ? Ma ville de Basse-Terre voit disparaître des pans entiers de son économie avec la perte des administrations ; la douane s'en va, La Poste réduit ses activités, l'offre judiciaire se restreint. S'il est indispensable que Saint-Martin et Saint-Barthélemy disposent d'une administration judiciaire, la compétence administrative du tribunal administratif aurait pu être préservée.

Aucun projet structurant ne s'appuie en outre sur la vitalité du port de Basse-Terre, qu'on laisse complètement à l'abandon. J'en viens à me demander s'il est bien nécessaire de tant batailler pour que Basse-Terre soit membre du port autonome de la Guadeloupe ; le dossier est pendant depuis 1995... Dans le cadre du nouveau contrat de plan, l'État doit jouer un rôle d'arbitre pour impulser une autre politique au bénéfice de Basse-Terre autour de l'emblématique Fort Delgrès. Pointe-à-Pitre capitale économique, Basse-Terre capitale administrative et culturelle, voilà qui rééquilibrerait le territoire en tenant compte de la réalité géographique et historique de la Guadeloupe.

J'en viens au programme « Conditions de vie outre-mer ». Je note qu'un effort important est fait pour le logement, particulièrement pour le logement social ; il doit être soutenu car les besoins sont considérables. Mais l'aspect financier des choses n'est pas tout. Il faut veiller au respect de l'architecture traditionnelle car notre modèle antillais disparaît ! J'ose le dire : moins de logements sociaux, mais mieux ! Nous en avons assez de ces blocs sans âme où la vie devient insupportable parce que les jeunes ne peuvent s'amuser que dans les cages d'escalier, parce que les aménagements extérieurs sont médiocres, parce que les espaces de convivialité n'existent plus, parce que les espaces verts sont réduits au strict minimum ! Veut-on continuer à défigurer les paysages de la Guadeloupe ?

La construction de logements sociaux doit en outre prendre en compte la gestion des problèmes liés à la pénurie en eau potable et en assainissement. Il est inadmissible que la Guadeloupe, autrefois dite « l'île aux belles eaux », connaisse de telles difficultés ! Certes la collectivité régionale aurait pu apporter son soutien financier aux investissements nécessaires, mais elle ne le fait qu'en fonction, disons, de certaines connotations... La région de Basse-Terre, la plus pluvieuse, est complètement oubliée.

Si le Gouvernement a mis en place des dispositifs utiles pour résorber les « dents creuses », je m'inquiète de la situation des vieilles maisons coloniales qui perdent peu à peu leur charme parce que leurs propriétaires âgés n'ont plus les moyens de les entretenir.

La création du fonds exceptionnel d'investissement prévu par le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer est une excellente idée ; ce fonds permettra à l'État de veiller à l'équité du développement entre les territoires. Je me félicite qu'il soit doté dès la première année de 40 millions en autorisations d'engagement et de 16 millions en crédits de paiement.

Les modifications apportées au passeport mobilité ont créé quelques secousses ; elles répondent à plus de justice et mettent fin à la politique démagogique de certaines collectivités.

Le dossier de la défiscalisation a donné lieu à nombre d'interventions peu compréhensibles et plutôt contradictoires de la part de ceux qui prétendent défendre les défavorisés. Le Gouvernement a défini une politique plus démocratique et plus territorialisée ; on s'était en effet aperçu que les plus malins cumulaient les défiscalisations au point de ne plus payer l'impôt. Et on voyait des gens venus d'ailleurs, qui ne savaient même pas où était la Guadeloupe, construire chez nous au détriment de nos enfants et petits-enfants qui ne trouvaient plus de terrain. Le Gouvernement a fait preuve de courage.

Il a la volonté de permettre à l'outre-mer de se moderniser par l'excellence et la performance, de permettre aux élus de prendre leurs responsabilités pour faire face aux grands défis de notre société et donner à nos territoires leur place dans leurs espaces régionaux respectifs. Je voterai les crédits de la mission. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Marsin.  - Le vote des crédits de cette mission est chaque année l'occasion de rappeler que l'outre-mer n'est pas un boulet pour la France mais un atout précieux grâce à sa diversité culturelle, son potentiel de ressources naturelles, son environnement et les opportunités qu'il offre au plan géostratégique.

Monsieur le ministre, vous avez su, dès votre prise de fonction, reprendre les dossiers importants, y compris celui des mesures d'urgence qu'impose une crise dont les effets peuvent être encore plus dévastateurs outre-mer qu'en métropole.

A périmètre constant, les autorisations d'engagement sont en hausse de 19,2 %, à 1,97 milliard, et les crédits de paiement de 16 %, à 1,88 milliard. L'effort est appréciable, sachant qu'il ne retrace pas entièrement l'effort global de l'État en faveur de l'outre-mer, qui s'établit à 13,4 milliards d'euros en 2009 -en petite augmentation de 1 %. Si l'on prend toutefois en compte les 3,3 milliards d'exonérations fiscales par rapport aux 2,8 de 2008, la hausse globale est de 6 %, ce qui est significatif.

Je prends acte de votre volonté de rationaliser les politiques publiques. On ne peut que souhaiter que la révision générale des politiques publiques, qui a déjà conduit à la mise en place de la délégation générale, ne compromette pas l'efficacité de l'action de l'État.

J'en viens au contenu de la mission. Les ajustements de périmètre, pour judicieux qu'ils soient, rendent difficile l'appréciation de l'évolution des crédits. Nous espérons que ce périmètre finira par se stabiliser. Le programme « Emploi outre-mer », qui représente 63,4 % de l'ensemble progresse de 19,42 % en crédits de paiement et de 20,26 % en autorisations d'engagement. Je m'en félicite. Les crédits de l'action « Soutien aux entreprises » augmentent de plus de 21,1 % ; il faut noter l'abondement opportun d'une ligne de crédit de soutien au fret.

En matière d'exonérations de charges sociales, quelques interrogations subsistent. Je regrette que le vote de l'article 65 intervienne avant l'examen du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer et je vous soumettrai deux amendements, l'un pour conditionner l'application de l'article à l'entrée en vigueur de la future loi, l'autre pour prendre en compte l'existence de zones franches urbaines outre-mer.

Je m'inquiète des butoirs et des paliers retenus pour les exonérations de charges sociales : l'emploi qualifié risque d'en souffrir, alors que nous voulons promouvoir les secteurs à forte valeur ajoutée, comme les nouvelles technologies, l'environnement,...

Les petits entrepreneurs ultramarins, jusqu'alors, bénéficiaient de la défiscalisation dite « en interne », pour autofinancer leurs investissements et assurer leur trésorerie en refinançant leurs créances sur l'État. Cette disposition est-elle remise en cause ? Les crédits de l'insertion et la qualification professionnelle augmentent de près de 9 %, essentiellement pour financer le SMA, un véritable succès ! Mais les aides à la qualification ou à la formation me semblent bien en deçà des énormes besoins. Y aura-t-il un délai de mise en oeuvre du RSA outre-mer ? Monsieur le ministre, rassurez-nous, laissez les départements se préparer !

Le programme « Conditions de vie outre-mer », près de 40 % des crédits de la mission, connaît une hausse substantielle. Je m'en réjouis. Les crédits du logement progressent légèrement mais les dotations ne suffiront pas à éponger entièrement la dette de l'État envers les bailleurs sociaux, alors que ceux-ci ont à envisager d'importants programmes de construction -dont nous espérons beaucoup pour l'activité économique et pour l'emploi. J'ajoute que les paramètres retenus pour le financement du logement social, figés depuis longtemps, ne sont plus en phase avec la réalité des coûts de production.

La création du fonds exceptionnel d'investissement est une excellente chose : il y a tant à faire en matière d'équipements publics ! Mais les 16 millions d'euros paraissent bien modestes en regard des énormes besoins. Les demandes afflueront. Peut-on espérer un abondement en cours d'année ? Enfin, les crédits de la continuité territoriale baissent légèrement. Nous sommes pourtant très attachés à ce principe fondamental. Le passeport mobilité et les actions du « Projet initiative jeunes » sont essentiels pour les étudiants et les jeunes en parcours d'insertion. Et quid des tarifs aériens low cost ? Le quasi-monopole d'Air France va-t-il prendre fin ? Si les négociations échouaient, ne serait-il pas judicieux d'envisager des « tarifs résidents », comme en Corse ?

Dans le dossier de la pollution des sols par le chlordécone, le Gouvernement a promis la transparence -je songe aux risques pour l'agriculture et la santé- et un soutien pour rétablir l'image de la Martinique, de la Guadeloupe. Où en est-on ?

Faire de l'outre-mer un pôle d'excellence et de croissance économique, c'est une mission difficile, mais pas impossible. Je vous y encouragerai en votant votre premier budget, qui s'inscrit dans une programmation pluriannuelle plutôt rassurante. Mais j'attends avec impatience vos réponses ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gaston Flosse.  - J'ai été très intéressé par la présentation d'un budget pour l'outre-mer en forte augmentation. J'apprécie le message ainsi adressé aux Français ultramarins : dans la conjoncture économique et financière difficile, le gouvernement de la République veut leur montrer qu'ils sont une véritable priorité. L'effort en leur faveur augmente de plus de 9 % ! J'ai eu envie d'applaudir vigoureusement -et j'aurais dû le faire immédiatement, avant de réfléchir, avant de lire le texte. Parce qu'après, plus question de battre des mains : ce sont les dents qui grincent sourdement d'amertume et d'impuissante colère ! Ce budget n'est qu'une opération de communication visant à masquer le recul des engagements de l'État. Ceux qui ont lu, comme moi, le compte rendu des débats à l'Assemblée nationale savent que les députés n'ont pas été dupes des artifices de présentation. Les sénateurs ne seront pas plus naïfs. Notre rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, malgré sa grande mansuétude, avoue qu'il« ne peut passer sous silence le fait que la progression affichée ne correspond pas à la réalité », parce que les crédits servent à combler les dettes de l'État ! L'augmentation affichée de 9 % n'a aucune signification.

En Polynésie française, les pensions des retraités constituent un soutien très important à l'économie. La réduction drastique de cette ressource est une perte considérable, qu'une hausse de 9 % ne compensera bien sûr pas. L'argent sera-t-il réinvesti chez nous ? Pas du tout ! L'Assemblée nationale, sous la pression de Bercy, a déjà transféré 10 millions d'euros ainsi économisés vers une autre ligne. Je le répète, la présentation du budget n'est pas sincère, la hausse des crédits est artificielle.

Les dépenses pour l'outre-mer incluent les pertes de recettes liées à la défiscalisation. Mais le niveau de ces dernières est calculé sur la base de 2008, sans prendre en compte les restrictions qui seront adoptées la semaine prochaine et qui seront en vigueur en 2009 ! C'est nous tromper que prévoir une forte progression des sommes défiscalisées au moment même où l'avantage est plafonné...

Une part importante des dépenses affichées est constituée par le paiement de dettes de l'État, notamment aux organismes de sécurité sociale. Ce sont des dépenses déjà affichées dans les budgets précédents et qui n'ont pas été honorées : on nous les sert aujourd'hui comme une preuve de l'effort de l'État à notre endroit !

Ces constats seuls suffiraient à justifier ma décision de voter contre ce budget. Mais je dois évoquer aussi des problèmes spécifiques à la Polynésie française : elle est touchée comme les autres par le plafonnement de la défiscalisation et plus que les autres par la suppression de l'indemnité temporaire de retraite (ITR). A quoi s'ajoute le désengagement de l'État. La Polynésie française n'a jamais bénéficié du RMI ni des bourses scolaires. Elle a construit son propre système de protection sociale. Pendant quinze ans, l'État a participé à l'équilibre de notre régime de solidarité envers les personnes sans ressources : cette aide est désormais supprimée. L'État devait nous aider à achever la construction d'un hôpital indispensable : cette aide nous est désormais refusée. Le ministère de la défense ne se faisait pas prier pour s'installer chez nous pendant les essais nucléaires : il nous considère aujourd'hui comme dépourvus d'intérêt pour la défense nationale. Les effectifs militaires sont réduits et nombre de civils polynésiens perdent leur emploi. Le commandement supérieur des forces armées du Pacifique est transféré à Nouméa ; la Polynésie n'est plus un enjeu stratégique.

Et indéfiniment, on repousse la reconstruction de la prison qui détient pourtant le triste record de France de la surpopulation carcérale. Dans les archipels les plus éloignés, les Australes et les Marquises, les gendarmeries, celle de Raivavae, celle de Rimatara ou d'autres, sont fermées alors que la délinquance est en nette progression et que, dans ces îles éloignées, les plantations de pakalolo, c'est-à-dire de cannabis, gagnent de la surface ? Allez-vous fermer ces brigades ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - Non !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - La décision n'est pas encore prise !

M. Gaston Flosse.  - Partout, l'on constate le désengagement de l'État, les faits sont là. (On le nie au banc du Gouvernement)

Soyons juste : il est un domaine où l'État se montre plus présent, celui des conseils, des remontrances, des leçons... (Exclamations aux bancs de la commission et du Gouvernement) On nous impose un observatoire des prix qui relève des compétences du pays, on nous dit ce que nous devons faire, pour qui nous devons voter (même mouvement) ; le tout au nom de la stabilité. Le plus triste, c'est que la Polynésie française, plus que les autres collectivités d'outre-mer, aurait les moyens de résister à ces ingérences. Malheureusement, son président actuel est totalement soumis à l'État central. En tant que sénateur, je ne peux m'opposer à cette politique, mais je dois la vérité aux Polynésiens. Inutile de gémir sur notre sort, nous devons apprendre à nous débrouiller seuls, nous devons mobiliser toutes nos énergies pour que la Polynésie française devienne véritablement autonome, nous devons prendre nos responsabilités. La France a-t-elle conscience de ce qu'elle nous doit ? A-t-elle conscience de tout ce que nous lui avons apporté ? Grâce à nous, elle est plus grande, plus indépendante et plus belle. Faut-il croire que la France ne veut plus de nous tels que nous sommes ? Il est vrai que l'outre-mer est passé de mode à Paris. (M. Yves Jégo, secrétaire d'État, s'exclame) On nous exhorte à devenir des bons métropolitains sans quoi nous sortirons de la République. Mais nous ne voulons pas renoncer à notre langue, à notre culture...

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Personne ne nous le demande !

M. Gaston Flosse.  - Les déclarations apaisantes du Gouvernement et du ministre de l'outre-mer, que j'ai bien notées, ne peuvent nous rassurer devant l'étendue du désengagement de l'État.

Peut-être nous trompons nous. Ce serait tant mieux car les Polynésiens, pour la plupart d'entre eux, même s'ils sont, hélas, moins nombreux, restent très attachés à la France. Toute ma vie, je me suis battu pour arrimer la Polynésie à la France. Aujourd'hui, je doute non du désir des Polynésiens mais de celui de la France. Si la France ne veut plus de nous, qu'on nous le dise clairement. Même si le pire n'est jamais certain, mieux vaut se poser la question. Les Polynésiens doivent-ils se préparer à assumer seuls leur destin de peuple ? Le pacte qui nous lie à la France a toujours été librement consenti et voulu. Nous ne nous résignerons jamais à l'indifférence et à l'oubli (marques d'agacement à gauche) car ce n'est pas l'idée que nous avons de la France. Je mesure la gravité de la question que je pose devant vous et les Polynésiens. Je sais qu'elle me vaudra des mesures de rétorsion, mais je l'assume car j'aime la Polynésie française comme j'aime la France !

Parce que ce budget confirme mes craintes, je voterai sans hésitation contre !

M. Bernard Frimat.  - Après M. Patient, je veux excuser l'absence de M. Lise, contraint de nous quitter précipitamment mardi dernier en raison d'un décès dans sa proche famille. Il m'a fait l'honneur de me confier la charge non de le remplacer, car cela est impossible, mais de vous faire part de ses observations sur le budget de l'outre-mer.

Depuis quelques années, le périmètre du budget « Outre-mer » varie au gré d'incessants transferts de crédits pour mieux afficher des taux de progression enviables, signe de la priorité que la France accorderait à ses territoires ultra-marins. En réalité, à périmètre constant, ce budget augmente de 9,2 %, voire de seulement 0,3 % si l'on exclut l'abondement du programme « Emploi outre-mer » destiné à une plus juste compensation par l'État des exonérations de cotisations patronales. Que ce budget ne soit pas en hausse n'a rien de regrettable. En revanche, pourquoi chercher à répandre dans l'opinion publique l'idée que le budget de l'outre-mer bénéficierait d'une hausse de ses moyens de 16 % dans un contexte budgétaire particulièrement contraint ? De surcroît, le budget de la mission « Outre-mer » représente à peine 14 % de l'effort global de l'État en faveur de l'outre-mer ; effort global qui augmente de 2 %, soit une hausse comparable à celle du budget de l'État.

En outre, on peut s'inquiéter de ce que ce budget restreint soit présenté comme le support financier essentiel du projet de loi sur le développement économique de l'outre-mer, hors mesures fiscales. Cela confirmerait les craintes des élus ultra-marins, d'autant que l'augmentation des dépenses fiscales -on prévoit une hausse de 500 millions dans ce budget pour 2009- dépendra de la réforme du dispositif de défiscalisation, adoptée par l'Assemblée nationale. Malgré son juste objectif, on peut craindre que la réforme n'amoindrisse l'attractivité d'un dispositif dont l'utilité est reconnue.

Toutefois, il faut tenir compte des engagements triennaux d'augmenter les crédits de cette mission de 11,5 % d'ici 2011. Malheureusement, ces engagements, qui sont pris au conditionnel, ne permettront pas de faire face à la crise qui affectera durement en 2009 les économies de l'outre-mer qui, malgré le dynamisme de leurs acteurs, restent structurellement fragiles. Ainsi, le département de Martinique, présidé par M. Lise, n'a pas fini de panser les plaies du cyclone Dean et du séisme de novembre 2007 que l'on enregistre un fléchissement de l'activité dans les secteurs du BTP, du tourisme et de l'hôtellerie, un recul de l'investissement et une baisse des importations de biens d'équipement depuis le début de l'année. Résultat : d'octobre 2007 à octobre 2008, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 3,5 % alors qu'il était en baisse depuis 2000. Encore faut-il tenir compte de la situation des collectivités territoriales de la Martinique, qui, comme toutes celles de l'outre-mer, sont particulièrement pénalisés par des transferts de compétences mal compensés, des modalités de calcul des dotations inadaptées, sans compter que l'État n'honore pas ses dettes pour des montants insupportables. Ces collectivités, face à une demande sociale croissante, n'auront d'autre choix que de réduire leurs dépenses d'investissement et d'équipement, pourtant nécessaires au développement de l'île. Pour parer à cette inévitable dégradation, M. Lise observe qu'il aurait fallu redonner aux collectivités ultra-marines leurs moyens d'intervention, mais ce budget ne comporte nulle trace de ces indispensables mesures de soutien. Il était également essentiel de relancer la politique des emplois aidés, mais les crédits qui y sont consacrés dans la mission « Travail et emploi » diminuent de 74 % en autorisations d'engagement et de 38 % en crédits de paiement. Enfin, il aurait fallu soutenir l'activité des entreprises du BTP oeuvrant dans le secteur de l'amélioration de l'habitat et de la construction de logements sociaux, ce qui supposait que l'État apure sa dette envers les organismes de sécurité sociale sans utiliser les crédits destinés à cette action.

On peut également vivement regretter que le débat à venir sur la loi pour le développement économique de l'outre-mer soit réduit à un exercice formel, puisque tout se joue dans ce projet de loi de finances. Encore une fois, Bercy n'a pas pris la mesure des enjeux, les attentes des populations d'outre-mer seront déçues et les économies réalisées aujourd'hui paraîtront dérisoires au regard des conséquences d'une telle politique ! (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 22 h 5.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Je tiens d'abord à remercier chaleureusement le Président de la République qui, à l'heure où la France, l'Europe et le monde traversent une grave crise financière et économique, a su présider avec intelligence et pertinence aux destinées de l'Europe. Il a remis tout le monde à sa place : les experts, qui se sont trompés et nous ont trompés -Mme Merkel le reconnaît elle-même d'après Le Figaro de ce matin- mais aussi les banquiers spéculateurs à qui il a enjoint de faire leur métier, c'est-à-dire d'investir dans l'économie réelle et non pas virtuelle. Espérons que le pouvoir démocratique retrouvera en avril le rôle qui est le sien, à savoir de créer les conditions d'une mondialisation loyale et d'une économie de marché régulée.

C'est dans ce contexte que nous sommes appelés à nous prononcer sur la mission « Outre-mer ».

Depuis que j'ai été élu député en 1986, j'ai eu l'occasion d'assister à de nombreuses discussions budgétaires. Voici ce que j'ai constaté : selon que l'on appartient à la majorité ou à l'opposition, on vote pour ou contre des budgets à peu près équivalents.

La France de droite, du centre ou de gauche n'a pas à rougir de son oeuvre outre-mer, ni les habitants des territoires ultramarins de l'utilisation des crédits provenant de la solidarité nationale et européenne. Certes, il y a encore 30 % d'échec scolaire, une jeunesse désabusée, une carence de logements. Mais comparons avec les autres îles et pays des Caraïbes, de l'Océan indien et d'ailleurs, en proie au désespoir ! L'appartenance à l'ensemble national et européen est un facteur de progrès dans les domaines de la santé, de l'éducation, du logement et de l'équipement. (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Christian Cointat.  - Très bien !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Merci la France et merci l'Europe !

Merci aussi à M. le ministre, qui a bien travaillé dans un contexte difficile. Peut-être ne devrais-je pas le dire : il pourrait s'endormir sur ses lauriers... (Sourires) Les réformes envisagées s'articulent autour de trois axes : le présent budget, le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (Lodeom) et un projet stratégique de croissance qui nous paraît satisfaisant, même si nous l'amenderons.

Il faut changer le regard de la France sur l'outre-mer, et le regard de l'outre-mer sur la France. La période de rattrapage entamée en 1946 est presque terminée. Un long chemin a été accompli. A présent, il nous faut tirer parti de nos atouts endogènes et des capacités scientifiques et technologiques de la France et de l'Europe pour franchir une nouvelle étape sur la voie de la croissance.

Je veux dire au Gouvernement : banco ! Oui, nous sommes prêts à adhérer à votre projet stratégique de croissance, si c'est un jeu gagnant-gagnant. Mais je veux dire aussi à la représentation nationale : prenez conscience de ce que représente l'outre-mer pour la France et pour l'Europe ! L'avenir passe par la maîtrise de la mer, la conquête spatiale, l'exploitation et la préservation des forêts, les énergies renouvelables. Dans tous ces domaines, l'outre-mer offre à l'Europe des atouts extraordinaires. La mer constitue un espace stratégique indispensable et offre des ressources précieuses à notre industrie ; la seule station de lancement de fusées spatiales de l'Union européenne est en Guyane.

Si j'avais un conseil à formuler sur le projet stratégique, ce serait de lui donner une dimension européenne. De l'audace ! Dans le domaine de la santé par exemple, qu'est-ce qui empêche l'Europe de créer un CHU tripolaire, comme le disaient MM. Hyest et Gélard. Qu'est-ce qui empêche l'Europe de créer une université basée dans l'Océan indien, à la Réunion, à l'île Maurice, à Madagascar, aux Comores ? Un tel établissement serait la vitrine des capacités scientifiques de l'Europe et de la France. Sa création serait un acte de solidarité avec les pays qui nous entourent, et un moyen de créer une recherche puissante dans la région.

La Russie produit des lanceurs de satellites moins chers que les nôtres. Pourquoi l'Europe et la Guyane ne collaboreraient-elles pas pour créer, autour de Kourou, une zone d'activité économique dédiée à la conquête spatiale, en usant d'incitations fiscales et de moyens suffisants ?

Nous ne quémandons pas, nous ne tendons pas la main : nous avons les manches retroussées. Nous voulons prendre notre place dans la compétition internationale grâce à notre expérience, à notre travail, à notre culture, à nos savoirs et à notre savoir-faire. Ne soyons pas frileux, lorsque nous avons la chance d'appartenir à une communauté aussi puissante que l'Europe ! L'outre-mer doit en finir avec un modèle de développement fermé sur lui-même et entrer enfin dans la compétition mondiale par la grande porte des exportations.

Je vous ai déjà interrogé, monsieur le ministre, sur la taxe de 1,1 % destinée au financement du RSA. Je vous suggérerai à présent de prendre, dans le cadre du futur plan de relance, une mesure qui soutiendrait l'économie agricole de la Guadeloupe et de la Réunion : l'énergie électrique produite à partir de la biomasse de la canne doit être valorisée à son juste prix. Le dossier a déjà été transmis à M. Borloo, et je compte sur votre soutien. D'une pierre vous ferez ainsi trois coups : vous aiderez au développement des énergies renouvelables à la Réunion et à la Guadeloupe, vous sauverez la canne et vous permettrez à ces territoires de traverser sans trop de mal une période de crise, tout en leur ouvrant des perspectives heureuses.

L'outre-mer est une partie intégrante de la République.

Nous avons des atouts à la disposition de la communauté nationale et européenne. N'ayez pas peur en pensant aux dépenses : les investissements préparent l'avenir de l'outre-mer, de la France et de l'Europe. (Applaudissements chaleureux à droite et au centre)

M. Serge Larcher.  - J'ai déjà eu l'occasion de dire qu'il était impossible de mesurer les conséquences de la crise. J'éviterai donc les comptes d'apothicaire : si vous les torturez assez, les chiffres, comme les gens, finissent par dire n'importe quoi. (Sourires) Je serai donc constructif, mais sans taire les insuffisances d'un budget qui anticipe une Lodeom maintes fois repoussée. Ses crédits sont en sensible augmentation : 1,8 milliard contre 1,62 en crédits de paiement, fort bien, mais seulement 11,4 % de l'effort global en faveur de l'outre-mer estimé à 16,5 milliards avec la dépense fiscale. Cette évolution résulte essentiellement de transferts liés aux contrats entre l'État et les collectivités territoriales et du début d'une tentative d'apurement de la dette envers les organismes de sécurité sociale mais la dotation, apparemment significative, reste insuffisante par rapport aux besoins réels de compensation et l'endettement se creusera de 76 millions.

Le soutien aux entreprises par le fret vise à abaisser le coût des matières premières ; cependant, cette aide se substitue à un dispositif plus avantageux, la TVA non perçue et récupérable. Saluons le fonds exceptionnel d'investissement et regrettons l'insuffisance notoire de ses crédits : 16 millions en crédits de paiement et 40 millions en autorisations d'engagement. Les besoins sont massifs... Avouerai-je mon scepticisme sur son financement ? D'après les documents budgétaires, il proviendrait d'un redéploiement de l'économie dégagée par la réforme de l'ITR. Or, lors du vote de la mission « Enseignement scolaire » à l'Assemblée nationale, un amendement, accepté par le Gouvernement, a réaffecté 10 millions aux dépenses pédagogiques et, le 30 novembre, vous annonciez sur l'antenne de RFO un prélèvement de 10 millions pour la Guyane : 10 millions plus 10 millions, voilà 20 millions pour 16 millions disponibles. (M. le secrétaire d'État marque son désaccord) Cela ne se peut et j'attends avec impatience vos explications.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Vous en avez besoin : vous mélangez les torchons et les serviettes !

M. Serge Larcher.  - Je ne vous ai rien dit quand ne m'écoutiez pas mais je vous prie de respecter les élus du peuple français ! (Applaudissements à gauche)

Je vous répète mon inquiétude grandissante car j'entends la grogne des élus qui voient, au fil des ans, se réduire leur marge budgétaire, se tarir les compensations et les financements. Le recul de l'activité économique dû à la crise n'annonce rien de bon.

Le logement se trouve dans une situation très délicate, pour ne pas dire plus, surtout après le passage du cyclone Dean et le séisme. Les crédits progressent de manière significative cette année, 19 % en crédits de paiement pour le logement locatif mais cette augmentation, autorisée par la Lodeom, sera malgré tout insuffisante pour couvrir les dettes envers les bailleurs sociaux. La fuite en avant résultant de l'écart entre crédits de paiement et autorisations d'engagement se poursuivra. Il n'y aura donc pas d'impulsion nouvelle en faveur du logement social. Les modalités de financement retenues sont déconcertantes puisque la Lodeom n'a toujours pas été débattue. L'effort se réalisera au détriment du secteur locatif libre. En revanche, je constate avec satisfaction que vous avez repris ma proposition d'un GIP Indivision pour résoudre le lancinant problème qui gêne la construction en milieu diffus comme la rénovation en centre-bourg.

Nos agriculteurs subissent de plein fouet le plan chlordécone qui fixe un maximum de résidus à 20 microgrammes par kilo de produit végétal. Cette décision prise en application du principe de précaution prive 450 petits maraîchers de revenus depuis le mois de juillet. Des solutions avaient pourtant été prévues pour les petits agriculteurs antillais. Ils n'ont pas de perspective d'avenir : faites appliquer les plans et compenser leur préjudice.

L'hôpital du Carbet est au bord de l'asphyxie : il manque quatre pneumologues sur cinq depuis plus de trois ans.

Je souhaite enfin rappeler la nécessité de renforcer la coopération avec nos voisins de la Caraïbe : il faut rétablir de bonnes relations en matière de justice, de pêche et de protection des milieux marins. (Applaudissements à gauche)

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.  - Disons-le d'emblée, l'effort de l'État envers l'outre-mer est globalement soutenu malgré les contraintes qui pèsent sur les fiances publiques, la crise internationale et le ralentissement de l'activité économique. L'ensemble des dotations de l'État à l'outre-mer passe de 15 milliards à 16,5 milliards et les crédits de la mission « Outre-mer », qui représentent 15 % de l'ensemble, atteignent 1,97 milliard, soit une augmentation de 9,3 % en crédits de paiement. Le programme « Emploi outre-mer », avec 1,191 milliard, mobilise 60 % des crédits de paiement et constitue le premier poste de dépenses de la mission. Le programme « Conditions de vie outre-mer » augmente pour atteindre 680 millions en crédits de paiement. Ce projet de budget s'inscrit dans une programmation pluriannuelle 2009-2011.

Mayotte participe à l'effort national et la tendance générale à la baisse ou, au mieux, à la stagnation, inquiète fortement les Mahorais, à quelques mois d'un choix important pour leur avenir institutionnel.

L'agriculture et l'aquaculture appellent une relance des exportations. Il faut également réconforter les agriculteurs victimes de la tempête Fame pour laquelle une première tranche d'indemnisation vient d'être débloquée. Les préoccupations majeures restent la mise en place d'une retraite agricole et l'extension des prêts à taux bonifiés

Les transferts de crédits aux collectivités territoriales sont en hausse, à 68,9 millions, dont 63,2 de prélèvements sur recettes. Ces sommes serviront-elles à éponger la dette de l'État envers la collectivité départementale de Mayotte, notamment au titre des arriérés du contrat de plan État-Mayotte et de la convention de développement ?

Les crédits de l'écologie, de l'aménagement et du développement durable chutent de 50 %, alors que le Grenelle prônait une nouvelle donne énergétique pour Mayotte, et le plan d'aménagement et de développement durable n'est toujours pas validé.

La dotation de rattrapage et de premier équipement des communes passe de 9,2 à 8,8 millions, alors que les besoins augmentent. En l'absence de fiscalité locale et du bénéfice de l'octroi de mer, il faut compenser le manque à gagner des communes en abondant le fonds intercommunal de péréquation.

La dotation de premier numérotage des voiries communales passe de 450 à 150 000 euros et la dotation exceptionnelle pour la réforme de l'état civil stagne à 300 000 euros par an. Ces baisses ne sont pas justifiées, d'autant que ces dotations financent des outils préalables à la mise en place d'une fiscalité de droit commun. Quels crédits sont prévus pour la formation et le travail des agents communaux chargés de recenser les 50 000 personnes qui n'ont pas déposé de dossier d'état civil ou ne possèdent pas de documents d'identité ?

Les crédits de l'enseignement scolaire -50 % du budget de Mayotte- stagnent autour de 384 millions. L'évolution démographique et l'immigration clandestine justifient pourtant la solidarité de l'État envers nos communes, qui n'ont pas de ressources fiscales propres, pour financer le plan de rattrapage des constructions scolaires.

Finalement, le budget de Mayotte passe de 655 à 635 millions. Le revenu moyen par habitant passe de 3 517 à 3 405 euros, loin derrière Saint-Pierre-et-Miquelon ou Wallis-et-Futuna. Les grands chantiers sont soit en phase d'achèvement, soit en phase d'étude, et la Lodeom ne sera adoptée que début 2009 : l'année 2009 sera donc une année blanche, propice aux agitations de toute nature. Le taux de croissance, de 10 % au premier semestre 2008, risque de baisser ; l'emploi, de se dégrader ; le Smic, de connaître une évolution plus modérée ; le plan de rattrapage des minima sociaux, d'être compromis, d'autant que l'extension des allocations pour personnes âgées et pour adultes handicapés n'est pas à l'ordre du jour.

Les instituteurs de Mayotte réclament toujours le paiement rétroactif de la dotation spéciale des instituteurs et le rétablissement de l'indexation des salaires à 2,15 %, sachant que l'inflation est de 5,5 % contre 1,7% en métropole.

Sous le bénéfice de ces observations, et de vos réponses, je voterai le budget de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements à droite et au centre)

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Jacques Gillot.  - La crise financière et économique n'épargnera pas l'Outre-mer. Je me suis déjà exprimé sur ses conséquences sur l'investissement des collectivités. Sachant les difficultés que rencontrera le conseil général pour financer l'APA et le RMI, comptez-vous réviser les bases du calcul des dotations affectées dans la perspective de l'entrée en vigueur du RSA ? Par ailleurs, la création des collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin risque de se traduire par une réduction des dotations du département. Madame la ministre, pouvez-vous préciser votre réponse sur ce point ? Seules les charges compensées par l'État doivent être transférées. Confirmez-vous que des corrections interviendront, maintenant que la Commission d'évaluation des charges a rendu son avis ?

Au-delà de la transformation du secrétariat à l'outre-mer en une administration de coordination et non plus de gestion, vous nous présentez un budget dont l'augmentation doit être relativisée. En dépit d'une hausse affichée de 3 % des crédits, vous poursuivez le démantèlement des emplois aidés, dont le financement diminue de 52 millions. Au lieu de renforcer la compétitivité en abaissant le coût du travail, la réforme des exonérations de cotisations patronales créera une trappe à bas salaires tout en augmentant les charges des entreprises ! Afin de permettre à ces dernières de s'y préparer, je souhaite que les mesures Girardin, plus avantageuses, s'appliquent jusqu'à la fin 2009. J'y reviendrai lors de l'examen de l'article 65, dont l'opportunité est contestable...

Ce projet de budget anticipe certes sur les dispositions de la Lodeom, mais surtout sur les économies que vous prévoyez de réaliser, au mépris de la stabilité du cadre de l'action économique apportée par la loi Girardin. Ces économies sont-elles opportunes, à un moment où nos collectivités seront fragilisées ?

Ainsi, la politique du logement nous propose de puiser dans les crédits destinés aux actions nouvelles pour régler le stock de dette. La ligne budgétaire unique augmente de 9 millions, mais c'est en partie grâce aux reports de crédits. En Guadeloupe, à peine 10 % des crédits ont pu être consommés par les bailleurs sociaux, confrontés à une crise de trésorerie due aux délais de paiement insupportables, aux dettes de l'État et aux critères de financement de la LBU. Cette année encore, l'écart entre crédits de paiement et autorisations d'engagement se creuse, passant de 36 à 49 millions, au risque de générer des factures impayées qui viendront augmenter la dette de l'État. En métropole, on inscrit des crédits de paiement supérieurs de 315 millions aux autorisations d'engagement pour résorber la dette ; outre-mer, les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets... Face à l'immensité de nos besoins, ce projet de budget annonce le remplacement du financement public du logement social par un système de défiscalisation sans garantie de stabilité et de pérennité de la ressource.

Pourquoi avoir choisi une défiscalisation sur le logement social pour répondre à la crise outre-mer alors qu'ailleurs, ce sont le plan Borloo et la loi Boutin qui ont été retenus ? J'ai vraiment du mal à croire à une politique volontariste pour résorber la crise du logement social outre-mer. Les crédits prévus devraient permettre la construction de 4 500 logements dans tout l'outre-mer, alors que la Guadeloupe compte, à elle seule, plus de 20 000 demandes non satisfaites !

Quant au plafonnement de l'aide à l'investissement prévu à l'article 43, il se traduit déjà, en Guadeloupe, par d'importants reports d'investissements. Je partage, bien sûr, votre souci d'une plus grande justice fiscale, mais vous mettez en péril un dispositif de soutien qui concourait au développement de nos territoires.

Il est encore temps de réviser les plafonds de l'avantage fiscal, si vous ne voulez pas tarir une source de capital vitale pour les petites entreprises d'outre-mer. Enfin, vous avez opportunément créé un fonds d'investissement pour rattraper le retard des DOM en équipements structurants, que les élus de la Guadeloupe avaient d'ailleurs réclamé. Cependant, doté de 16 millions pour tout l'outre-mer, ce fonds n'aura pas l'effet de levier escompté. Pour la seule Guadeloupe, il manque ainsi 300 millions pour mettre à niveau les équipements de traitement de déchets ménagers. Au surplus, cet effet de levier sera encore diminué car vous allez ponctionner 10 millions de ce fonds pour répondre à la crise des prix pétroliers en Guyane, en contrepartie d'une baisse de 10 % de la taxe relative au Fonds d'investissement routier et du transport perçue par les collectivités.

Tout comme mes collègues de Martinique et de Guyane, je désapprouve cette politique aventureuse qui remettrait en cause l'autonomie financière de nos collectivités en leur demandant de renoncer à une recette dynamique pour une recette ponctuelle et incertaine. Nous demandons donc solennellement à l'État de faire toute la lumière sur les conditions de fixation des prix du carburant dans les Antilles et en Guyane et de garantir un même pouvoir d'achat pour tous les citoyens ultramarins.

Pour toutes ces raisons, je ne puis voter les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Laufoaulu.  - Merci, tout d'abord, aux rapporteurs pour leur excellent travail qui nous apporte un éclairage précieux. Permettez-moi d'adresser des remerciements particuliers à notre collègue Christian Cointat, qui consacre chaque année un chapitre bien renseigné à Wallis-et-Futuna, territoire qu'il connaît bien.

Depuis votre nomination, vous avez, monsieur le ministre, visité l'ensemble de l'outre-mer et vous avez pu appréhender la diversité de nos collectivités. Il y a à peine trois semaines, vous êtes venu à Wallis et à Futuna, où votre visite a été appréciée. Les ministres de l'outre-mer ne peuvent réellement comprendre l'étendue de nos difficultés, et parfois les cris d'alarme que nous lançons, qu'une fois qu'ils ont été confrontés à la dure réalité de notre quotidien : un hôpital qui ressemble à un dispensaire de brousse, un lycée construit en dépit du bon sens, l'internet haut débit qui n'existe qu'en rêve... Nous sommes à des années lumière de la qualité d'équipement de la métropole. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez mesuré notre désarroi et nos problèmes : nos îles se vident de leurs habitants les plus jeunes faute de filières de formation adéquates et de débouchés professionnels. Quel avenir pour nous si le renouvellement des générations n'est pas assuré ?

Permettez-moi de remercier le Gouvernement pour l'effort en faveur de l'outre-mer : un budget en hausse, dans la situation économique actuelle, mérite d'être salué. Hélas, je note une nette diminution des crédits par habitant consacrés à Wallis-et-Futuna, qui passent de 8 500 euros en 2008 à 6 241 euros l'année prochaine. Pour le territoire le moins avancé de l'outre-mer, cette baisse est malvenue, et la population s'interroge sur la pérennité de l'engagement de l'État. Pouvez-vous la rassurer ?

J'en viens à la répartition de certaines sommes dans plusieurs territoires. Ainsi, il est envisagé de consacrer plus de 6 millions aux programmes « Cadres » en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Vous savez que, durant les deux dernières années, Wallis-et-Futuna a été complètement oubliée dans l'attribution des financements nécessaires pour un fonctionnement normal de ce programme. Or, même s'il est perfectible, ce dispositif a porté ses fruits et nous souhaitons son maintien, vital pour le territoire. Comment veiller, monsieur le ministre, à ce que les sommes utiles à la pérennisation de ce programme nous soient effectivement versées ? Vous avez évoqué une modification du dispositif actuel, mais comme cela n'apparaît pas dans les documents budgétaires, je vous serais reconnaissant de me confirmer le processus que vous souhaitez mettre en place pour faire redémarrer le programme « 40 cadres » dans de bonnes conditions.

D'une manière générale, nous aimerions pouvoir connaître, pour chaque action des programmes 138 et 123, pour laquelle Wallis-et-Futuna est concernée, les montants destinés à notre territoire. Si nous voulons offrir un avenir à notre jeunesse et éviter notre dépeuplement, il faut évidemment créer les conditions de développement économique et d'emplois sur le territoire.

Je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier pour les efforts de l'État en faveur du désenclavement de Futuna. Ainsi, lors de votre visite, vous avez inauguré la nouvelle piste de Vele et lancé l'utilisation du deuxième Twin-Otter qui assure la liaison entre nos deux îles et qui a été loué par l'État pour cinq ans. Ce deuxième avion, que nous souhaitions depuis longtemps tant notre vieux Twin tombait en panne fréquemment, induit des frais de fonctionnement supplémentaires. L'État les prendra-t-il à sa charge pour les cinq ans à venir ?

J'en viens à la desserte extérieure du territoire : le monopole exercé par Air Calédonie International (ACI) permet à cette compagnie de pratiquer des tarifs que vous avez qualifiés de scandaleux.

M. Christian Cointat.  - C'est exact !

M. Robert Laufoaulu.  - C'est un frein évident au désenclavement du territoire, et donc à son développement. Or, Air Caraïbes, Corsair, Air France, ont passé des conventions avec l'État sur la question de la continuité territoriale. Pourquoi ne pas faire de même avec ACI ? Vous avez aussi évoqué une concurrence aérienne : nous y adhérons avec d'autant plus d'enthousiasme que les perspectives de drainer une partie du flux touristique des îles Fidji, qui sont à peine à 600 kilomètres, sont réelles. Si le Twin-Otter était remplacé par un appareil plus gros, de type ATR 42, ce que permet la nouvelle piste de Vele, nous pourrions établir des liaisons Wallis-Futuna-Fidji. Le désenclavement du territoire est la condition de son développement touristique et commercial.

Le transport maritime est également très onéreux et j'espère que nous repartirons sur les bases du rapport qui avait été rédigé sur le sujet il y a une dizaine d'années. Le coût du transport maritime est-il une des raisons de la cherté de la vie à Wallis-et-Futuna ? J'espère que nous le saurons bientôt, si l'enquête prévue est menée. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ? Les DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon vont bénéficier de l'aide au fret. Ne pourrait-on envisager d'étendre cette mesure intelligente à Wallis-et-Futuna ?

Le développement et la création d'emplois passent aussi par la formation, clé de l'insertion professionnelle. A cet égard, je me réjouis, monsieur le ministre, du passage de 3 000 à 4 000 personnes formées dans le cadre du service militaire adapté, et tout particulièrement de votre volonté d'en implanter une unité à Wallis-et-Futuna, que j'attendais depuis des années. Les chefs coutumiers de Futuna ont d'ailleurs déjà donné leur accord. Savez-vous quelles formations pourraient y être délivrées ?

Le développement passe aussi par l'arrivée du haut débit à Wallis-et-Futuna, et j'espère que le dossier du câble sous-marin avance. Notre archipel bénéficiera-t-il du premier bouquet TNT mis en place outre-mer courant 2010 ?

Chaque année, je vous interroge sur l'aide technique à la réalisation des infrastructures par la collectivité. Vous vous êtes rendu compte, monsieur le ministre, des grandes difficultés que rencontrent nos services techniques pour le wharf de Léava à Futuna. Vous avez proposé l'an passé une mission pour examiner cette question, comme cela fut fait à Mayotte. Le préfet aurait décliné cette offre, ce que je regrette. Ne pourrait-on pas la relancer ? Le besoin est tel que la Commission européenne met à la disposition de la collectivité une assistance technique pour les projets financés par le Fonds européen de développement. Or l'État met à notre disposition des sommes bien plus élevées, d'où la nécessité d'une aide technique importante.

Bien entendu, je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Georges Patient.  - A l'heure où je vous parle, 20 centimes d'euros paralysent la Guyane, bloquée maintenant depuis dix jours par tous ses habitants et même vos compagnons de l'UMP, monsieur le secrétaire d'État, font partie du front commun. Contrairement à vos allégations, il ne s'agit pas d'un mouvement de contestation manipulé par la gauche ou par les opposants au Gouvernement. Les consommateurs de Guyane veulent que le prix du carburant, le plus cher de France, baisse encore. Hier, il se montait à 1,77 euro par litre, contre une moyenne de 0,98 euro dans les stations-service hexagonales. Or vous demandez aux collectivités de Guyane, toutes asphyxiées financièrement, de prendre cette réduction à leur charge en réduisant le montant de la taxe sur les carburants. En échange, vous leur proposez 10 millions que vous prélèveriez sur le Fonds exceptionnel d'investissement.

Je salue l'apparition de ce fonds mais je m'interroge sur son utilisation. Comment allez-vous compenser la perte de recettes de fonctionnement des collectivités de Guyane par un fonds réservé au financement d'investissements ? Que prévoyez-vous pour compenser leurs pertes de recettes qui interviendront après les trois mois de votre mission vérité des prix ? Comment parviendrez-vous à affecter dès cette année 10 millions de ce fonds à la seule Guyane, quand ce fonds n'est pas encore créé, qu'il ne disposera que de 16 millions de crédits de paiement en 2009 et qu'il s'adresse à toutes les collectivités ultramarines ? Pouvez-vous nous assurer que la procédure d'attribution des concours financiers à l'intérieur de ce fonds sera transparente et que toutes les communes de Guyane pourront en bénéficier ? Ne risque-t-on pas de se retrouver dans le même cas de figure que pour les prêts de restructuration annoncés pour toute les communes de Guyane et dont seulement quatre en bénéficient pour l'heure ? Enfin, êtes-vous prêt à signer une convention avec un organisme financier qui pourrait, avec la garantie de percevoir cette somme, faire des avances à taux zéro aux différentes structures percevant le produit de la taxe sur le carburant ? A ces questions précises, je veux, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, des réponses précises.

L'heure n'est plus aux déclarations d'intention ni aux belles promesses. Vous refusez de prendre la mesure de ce mouvement de grande ampleur qui est la manifestation d'un malaise grandissant au sein de la population guyanaise et qu'à maintes reprises nous avons, nous les élus, porté à votre connaissance. Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas daigné recevoir les quatre parlementaires et les présidents des deux collectivités venus en octobre dans votre ministère pour discuter de ce problème du carburant. Si vous nous aviez entendus à l'époque, très certainement ce conflit aurait été évité. De même, vous avez au tout dernier moment renoncé à vous rendre en Guyane à l'occasion de la Conférence des régions ultrapériphériques en novembre.

Il faut néanmoins vous rendre à l'évidence : la Guyane traverse une crise profonde. Elle est à la limite de l'explosion. Aussi arrêtez de la voir uniquement au travers du prisme de la base spatiale de Kourou ou de la considérer comme un joyau de biodiversité. La Guyane, c'est aussi et surtout une terre de plus en plus sinistrée qui cumule tous les mauvais records, en termes de chômage, d'insécurité, de délinquance, d'immigration clandestine, d'accidents de la route, de sida... « Une terre où l'on continue à lancer des fusées sur fond de bidonvilles »pour reprendre la phrase de François Mitterrand. Dans ce département français où le taux de pauvreté est le plus élevé des DOM, un Guyanais sur quatre vit sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage, supérieur à 24 %, touche majoritairement les jeunes qui représentent plus de la moitié de la population. Leur désarroi est grand. Il s'exprime d'ailleurs actuellement à travers cette crise.

Je pourrai parler des problèmes liés à la santé, au logement social, à l'éducation, à l'orpaillage clandestin, à l'énergie, à l'insécurité, mais ce sur quoi je voudrais insister, c'est qu'en dépit de ce tableau de la situation guyanaise, nous maintenons notre exigence de dignité. Nous ne quémandons pas, nous demandons que nous soit restitué ce qui nous est dû, comme par exemple les 17 millions de dotation superficiaire qui échappent à nos communes en raison d'un plafonnement qui ne frappent qu'elles. Nous réclamons aussi les 27 millions d'octroi de mer dont elles sont privées, autre fait unique dans les DOM. Ce sont donc 44 millions que nos communes perdent annuellement Rétrocédez-nous cette somme et non seulement nos finances locales seront ajustées mais aussi, très rapidement, nous saurons enclencher un véritable développement endogène.

Ce n'est pas le cas car dans votre budget, je ne trouve pas de réponse à ces demandes incessantes. Bien au contraire, le document de politique transversale qui établit la réalité de l'effort budgétaire en crédits d'intervention des différents ministères se traduit pour la Guyane, comme par hasard, par une diminution de 9 000 euros. Aussi, confirmez-nous que les 10 millions annoncés sur les ondes figurent bien dans le Fonds exceptionnel d'investissement.

En l'état, je ne peux que voter contre votre budget. (Applaudissements à gauche)

Des circonstances exceptionnelles m'obligent à vous lire ce jour l'intervention du sénateur Jean-Etienne Antoinette, retenu en Guyane par une crise sociale d'une haute gravité :

« Oui, en Guyane, département de la République française, la paupérisation a conduit les citoyens dans la rue. Tous les points stratégiques de circulation sont soumis à leur contrôle, certes de manière pacifique, mais avec une détermination qui demande à être entendue au plus haut niveau de l'État. Le coût du carburant, le plus cher du monde à la pompe, en a été le facteur déclenchant. Mais au-delà, la Guyane, enclavée et isolée des circuits commerciaux, subit bien plus que les séquelles de son passé de colonie sous-équipée et sous-développée.

« Ce sont les termes des échanges commerciaux qui se retrouvent aujourd'hui sur le banc des accusés, avec des monopoles démesurés, et des prix sur les denrées de base que ne supportent plus les revenus des ménages tant ils sont élevés, jusqu'à deux ou trois fois les prix nationaux. Ce sont aussi les transferts de compétences non accompagnés des moyens appropriés, ou le reliquat de moyens même conventionnés, qui n'est transféré en partie qu'après des délais intolérables, au même titre d'ailleurs que les transferts réglementaires constituant l'essentiel des recettes des collectivités. Et justement, ces recettes sont structurellement déficitaires, non seulement en raison des surcoûts dus à l'enclavement de la Guyane mais aussi parce que son potentiel fiscal propre est soit non optimisé dans les secteurs spatial et environnemental soit faible pour les petites communes, tandis que celles de plus de 10 000 habitants reçoivent des dotations de fonctionnement inférieures à celles de la métropole.

« Alors, puisqu'à situation exceptionnelle il convient d'apporter des réponses exceptionnelles, je me suis permis d'utiliser la tribune de la Haute assemblée, afin de faire entendre la voix de la Guyane mais aussi de demander qu'une mission parlementaire puisse donner un avis autorisé et envisager des issues pérennes à un problème de fond car la crise déclenchée par le prix du carburant n'est que le symptôme de fractures sociales de plus en plus insoutenables pour la population de ce département. Fractures que le budget 2009 ne réduira pas, bien au contraire !

« Le Gouvernement se félicite d'une augmentation de 12 % du budget de la mission « Outre-mer », 9 % si on parle en crédits de paiement -la présentant comme la preuve de son intérêt tout particulier pour nos territoires, dans une période de rigueur budgétaire nationale. Vu ainsi, les ultramarins pourraient apparaître comme les enfants chéris et privilégiés de la Nation, alors qu'ils ne demandent qu'une place juste et équitable au sein de la République. Or, loin de préfigurer la politique volontariste de développement économique ultramarin, que la future Lodeom devrait traduire, ce budget 2009 est essentiellement un budget de régularisation comptable pour les arriérés d'impayés de l'État envers les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux. Cela doit être dit.

D'autre part, si j'examine les deux programmes de la mission à l'aune des deux priorités du budget national -le bien-être social et l'efficacité économique-, je reste véritablement inquiet pour l'évolution prochaine de nos territoires dans un contexte de récession mondiale. En effet, si le programme 123 « Conditions de vie en outre-mer » a pour finalité le bien-être social, alors ni les crédits pour le logement, simple mise à jour comptable, ni le provisionnement pour l'aménagement du territoire, relevant d'obligations contractuelles pluriannuelles, ni le désengagement amorcé de l'État sur le financement de la continuité territoriale, déjà compromis, entre autres, par le prix du carburant, ni la baisse de plus de 6 %des crédits de l'action sanitaire et sociale, pourtant fusionnée avec la culture et le sport, ne sont à la mesure des enjeux sociaux auxquels nous devons faire face. Et je ne parle pas des conséquences sur l'outre-mer des décisions budgétaires de droit commun à l'échelle nationale, comme la diminution des crédits de la politique de la ville ou de ceux consacrés à l'intégration des migrants, ou encore la suppression -non pardon, il faut dire transfert- des 3 000 postes d'enseignants spécialisés des Rased. En Guyane, ces équipes précieuses sont en sous-effectif chronique et ne peuvent déjà pas accueillir tous les enfants qui leur sont signalés : enfants ne parlant pas le français, enfants scolarisés tardivement sur le territoire, enfants de familles acculturées ou en détresse sociale et économique, enfants sans parents connus des autorités, pour ne citer que ces situations et pas les pires, là où l'éducation devrait être une priorité fondamentale...

« Et quant à l'efficacité économique... Si le budget 2009 du programme 138 en était un exemple, alors les réformes proposées en matière de fiscalité et d'exonérations se seraient appuyées sur les principes élémentaires de pertinence, d'opportunité, de cohérence, d'efficacité et de transparence. Or, le Gouvernement veut plafonner des avantages fiscaux destinés à booster l'investissement productif dans l'outre-mer français, en plein début de récession économique. Où est la pertinence ? Le Gouvernement nous demande de croire a priori dans l'adéquation entre l'article 65 rattaché du budget 2009 et la future Lodeom, dont on n'est même pas en mesure de nous dire précisément et avec certitude quand elle sera réellement examinée, mais dont on sait déjà que cet examen fera débat ! Où est la cohérence ? Le Gouvernement a reconnu lui-même les effets positifs de la défiscalisation et des exonérations sur les économies et sur l'emploi en outre-mer toutes ces dernières années. Cependant, face aux demandes pressantes d'évaluation de ses inquiétantes réformes, il nous demande d'avoir la foi dans ses certitudes autoproclamées ! Où est le gage d'efficacité ? On pourrait soupçonner un désir secret du Gouvernement de contenir le développement des territoires ultramarins tout en faisant semblant de les perfuser, une volonté d'éviter tout à la fois les désastres sociaux menaçant pour la sécurité nationale et la réelle autonomie économique de ces territoires, qu'il doit, en réalité, redouter, mais à laquelle il se fait un malin plaisir d'exhorter les élus, au nom des vertus du développement endogène.

« Est-il permis d'attendre du Gouvernement un peu plus de respect pour nos territoires, nos populations et nos élus ? Pour toutes ces raisons, je vote contre ce budget. » (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Lequel des deux applaudissez-vous ? (Sourires)

M. Michel Magras.  - Je ne résiste pas au plaisir de vous dire l'immense bonheur que je ressens à m'exprimer pour la première fois à cette tribune au nom de la collectivité de Saint-Barthélemy dont j'ai l'honneur d'être le premier sénateur. (Applaudissements à droite et au centre) Je suis heureux de voir s'exprimer ici cette France d'outre-mer qui apporte à notre Nation sa richesse et sa diversité. Monsieur Virapoullé, j'ai apprécié votre vision de l'outre-mer et je ne crois pas exagérer en affirmant que l'outre-mer est l'avenir de la France. (Mêmes mouvements)

La question de la circonscription législative de Saint-Barthélemy a été l'objet d'une actualité brûlante et je tiens à redire toute ma confiance en la parole donnée par le Gouvernement en dépit des assauts répétés pour modifier ce qui reste une disposition acquise dans la loi organique. Votre soutien, madame la ministre, monsieur le ministre, témoigne de la prise en compte de la situation particulière de la collectivité.

En effet, les choix de développement économique de la collectivité ont permis à Saint-Barthélemy d'atteindre un équilibre avec notamment un taux de chômage qui s'établit à seulement 3,3 %. Bien sûr, nous en sommes fiers, mais cela ne doit pas être interprété comme la marque d'une désolidarisation du reste de l'outre-mer, ni davantage d'une incompréhension de ses problèmes.

L'examen du projet de loi de finances est pour moi un exercice particulier, la collectivité de Saint-Barthélemy ne percevant aucune dotation au titre de l'enveloppe normée ; son autonomie budgétaire est en quelque sorte le corollaire de son autonomie statutaire. Nous n'attendons pas de l'État un concours financier mais la validation des projets d'actes qui lui sont soumis.

Ce projet de budget donne une visibilité sur trois ans, tient compte des besoins spécifiques de chacune des collectivités d'outre-mer et est en parfaite cohérence avec la future loi de développement. Je souhaite que les entreprises de Saint-Barthélemy continuent de bénéficier du dispositif d'exonérations créé par la loi de 2003 et modifié par l'article 65 -il n'est pas pour rien dans le niveau du taux de chômage de ma collectivité. Je déposerai un amendement en ce sens. Si l'article 65 était adopté en l'état, elles en seraient exclues et subiraient une distorsion de concurrence par rapport à leurs voisines.

Il serait d'autre part opportun que la mission d'inspection chargée de se pencher sur le prix des carburants se rende aussi à Saint-Barthélemy ; l'augmentation des prix est difficile à supporter pour certains professionnels comme les pêcheurs. Notre collectivité, n'en déplaise à Bruxelles, doit à nouveau pouvoir s'approvisionner sur le marché libre.

Je ne m'étendrai pas sur le dispositif de défiscalisation, dont j'aurais préféré qu'il ne s'appliquât pas à Saint-Barthélemy. Ce n'est pas le choix qu'a fait le Gouvernement ; quelles modalités a-t-il retenues pour la consultation de la collectivité sur les décisions portant agrément des opérations d'investissement ouvrant droit à déduction fiscale ?

Il n'est pas un article de presse qui, évoquant la défiscalisation, n'épingle Saint-Barthélemy et ne l'érige en paradis fiscal. Une telle assimilation est abusive, impropre, dénotant une méconnaissance totale de notre statut, de notre politique, qui visent au contraire à freiner l'attractivité fiscale de l'île. En aucun cas nous ne souhaitons attirer des investissements d'opportunité fiscale. La faible pression fiscale de l'île est le résultat d'une gestion rigoureuse. L'appellation de paradis fiscal est un cliché ; la loi organique statutaire et bientôt la convention fiscale qui liera la collectivité à l'État prévoient la transmission des informations afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale. Pas plus le secret bancaire que le secret commercial n'a cours à Saint-Barthélemy. Je regrette que les membres du Gouvernement interpellés sur le sujet se contentent d'esquiver d'une phrase ; ce n'est pas Saint-Barthélemy qu'ils doivent défendre mais la France, la République qui n'a pas accepté de faire d'un de ses territoires un paradis fiscal.

Un mot enfin de la réforme du dispositif de continuité territoriale ; une attention particulière devra être portée aux étudiants de Saint-Barthélemy qui, à partir du secondaire, doivent quitter l'île pour être scolarisés en Guadeloupe, à Saint-Martin ou en métropole, avec les contraintes financières que l'on imagine pour les familles. La collectivité ne souhaite pas la délégation de la gestion du futur fonds de continuité territoriale mais que sa mise en place tienne compte en priorité de cette situation particulière.

En dépit de la situation particulière de Saint-Barthélemy, je me sens solidaire de l'avenir de l'outre-mer. C'est sans réserve que je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - Je salue le travail des rapporteurs et, au-delà de nos différences d'appréciation, la qualité des interventions des orateurs. Tous ont fait preuve d'un grand sens des responsabilités et montré leur profond attachement, qui est aussi le nôtre, pour leurs collectivités.

Le Gouvernement veut donner un nouvel élan à l'outre-mer, valoriser les atouts spécifiques à chacun des territoires, leur permettre de mieux affronter les défis d'aujourd'hui et de demain, faire en sorte que chacun de leurs habitants aient un rôle à jouer pour les autres et pour la France. Telle est l'ambition de ce budget.

La protection des personnes et des biens outre-mer est une de mes priorités personnelles ; le développement économique est une des priorités du Gouvernement. Hier engagements de campagne de M. Sarkozy, ils entrent dans les faits. Alors que le budget de l'État évolue dans des limites extrêmement strictes, les moyens de la mission « Outre-mer » connaissent une augmentation très significative ; je remercie ceux qui l'ont souligné. Élaborer une nouvelle stratégie pour l'outre-mer nécessite une analyse objective des situations car ce n'est pas en rêvant qu'on fera avancer les choses. Personne ne nie les difficultés auxquelles l'outre-mer est confronté, l'éloignement, l'insularité parfois, la taille limitée du marché domestique, la proximité de pays dont les normes sociales et juridiques sont moins élevées, sans oublier les trafics, la violence ou le risque de catastrophe naturelle. Je ne dis pas que rien n'a été fait avant nous ; certains résultats sont là, mais le taux de chômage y demeure plus élevé qu'en métropole, notamment celui des jeunes, en effet, madame Michaux-Chevry ; le logement social y est insuffisant, en quantité comme en qualité, les prix à la consommation y sont trop élevés. Il faut en tirer les conséquences, les rapporteurs spéciaux l'ont dit avec justesse.

Mais les collectivités d'outre-mer, vous avez raison, monsieur Marsin, ont aussi de vrais atouts dans la compétition mondiale. Si elles s'inscrivent dans une dynamique, si la sécurité y est mieux assurée, elles peuvent devenir exemplaires, les modèles d'un développement durable respectueux des identités qu'a évoquées M. Virapoullé. Et nous voulons y parvenir avec les élus et les acteurs économiques, dans le souci de l'intérêt général, dans le dialogue, en recherchant le consensus. C'est ce qui a été fait en Guyane pour le prix du carburant ; M. Jégo a dialogué avec les pétroliers et une baisse de 30 centimes a pu être obtenue. J'ai lancé parallèlement une mission d'inspection sur la formation des prix du carburant outre-mer, qui fera prochainement des propositions pour plus de transparence.

Le dialogue, nous l'avons aussi mené en préparant le projet de loi de développement. Ce sont les collectivités et les professionnels qui ont défini eux-mêmes les secteurs stratégiques prioritaires. Reconnaissez que la méthode est nouvelle ! La nouvelle stratégie doit être réaliste et équilibrée. L'État, qui renforce ses concours financiers, a le devoir de remettre à plat certaines situations.

Les crédits de la mission augmentent de 16 %, à 1,8 milliard d'euros.

Les crédits du logement -car il y a un vrai problème, de nombre et de qualité- augmentent de 9 %. En matière de sécurité également, l'effort est sensible, car j'ai conscience des difficultés liées à la violence, à l'immigration illégale, aux accidents de la route, à l'éloignement des secours. Les premières commandes d'hélicoptères pour la gendarmerie et la sécurité civile sont passées, pour équiper en particulier la Guyane et la Polynésie. Le centre d'alerte aux tsunamis sera créé. Les GIR seront à même de lutter contre les trafics de l'économie souterraine. Nous sommes loin de la caricature faite par M. Flosse !

Les concours de l'État progressent de 200 millions d'euros. Mais il convenait aussi de remettre à plat des situations qui handicapent les économies locales. L'ITR a été instaurée il y a un demi-siècle, à une époque où les communications étaient moins développées ; le système a peu à peu donné lieu à des excès et des attitudes opportunistes. Le Gouvernement l'a donc réformé dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Les incitations fiscales, les allégements de charges n'ont pas toujours produit le bénéfice attendu. Monsieur Gillot, vous soutenez aujourd'hui un dispositif que vous n'avez pas voté...

M. Jacques Gillot.  - Et pour cause : je n'étais pas là !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Les détournements constatés sont contraires aux intérêts des économies ultramarines. La responsabilité politique, c'est aussi savoir reconnaître que des situations ont changé, que des politiques n'ont pas donné les résultats attendus et rechercher en conséquence de meilleures solutions. Le plafonnement des aides fiscales était nécessaire, et l'outre-mer doit participer à l'effort en ce domaine ; mais nous avons aussi le devoir de lui apporter les financements dont il a besoin.

Les exonérations de charges patronales ont été recentrées sur les bas salaires et les salaires intermédiaires car c'est dans cette catégorie qu'elles démontrent une réelle efficacité. Mais, j'en ai pris l'engagement, la réforme s'appliquera seulement après la promulgation de la loi sur le développement économique de l'outre-mer.

Le Gouvernement privilégie l'écoute. J'ai même rouvert la concertation sur la loi de programme en juin dernier, constatant que des incompréhensions demeuraient. M. Jégo a parcouru des centaines de milliers de kilomètres pour aller à la rencontre de chacun. Nous avons adapté la réforme des ITR ; elle se déploiera sur vingt ans. Nous avons tenu compte de vos réflexions pour fixer finalement à 40.000 euros après rétrocession, ou 6 % du revenu net, le plafonnement des avantages fiscaux. Les économies ultramarines ont besoin d'un flux d'investissement : nous avons modifié les modalités de l'appel à l'épargne afin d'élargir le nombre des investisseurs potentiels.

La parole donnée doit être tenue, telle est bien mon intention et je confirmerai à MM. Gillot et Laufoaulu, par écrit s'ils le souhaitent, l'envoi d'une mission que le préfet nous a simplement demandé de décaler -elle se déroulera au cours du prochain semestre.

Notre ambition est que les économies d'outre-mer aient les moyens de leur propre développement. Je crois en ces territoires et leur population, en leurs talents, leur volonté d'agir, leur refus de la fatalité, leur fierté d'appartenir à l'outre-mer en même temps qu'à la France. Je crois en leurs atouts. Et les acquis de la présence sur l'ensemble de la planète sont incontestables. L'outre-mer est une chance pour la France, pour l'Europe. Telle est ma conviction. A nous tous d'agir, ensemble, pour l'outre-mer : ainsi nous agissons pour la France. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - Neuf mois de travail au sein du Gouvernement, vingt-deux déplacements, 400 000 kilomètres parcourus en avion : j'ai acquis la certitude que l'outre-mer est une chance exceptionnelle pour notre pays, dans une époque de mondialisation et de défis économiques et écologiques. Cette diversité géographique et culturelle est l'histoire de la France et son honneur. Il nous revient de l'inscrire dans notre avenir.

J'adresserai une réponse écrite à chacun des orateurs : qu'ils soient donc assurés qu'aucune de leur question ne restera sans réponse, même si je ne peux ici entrer dans tous les détails.

Je comprends que l'opposition s'oppose et cherche à démontrer que le verre est aux trois-quarts vide... Mais il est plein ! Sur l'ensemble du budget de l'État, les crédits de l'outre-mer progressent de 15 à 16,7 milliards d'euros : l'on n'avait pas vu pareille hausse depuis de longues années. Simple rattrapage technique ? Bien sûr que non. Nous apportons à l'outre-mer les moyens de répondre aux divers défis économiques et sociaux.

J'en viens à la « dette » de l'État : celle que vous relevez à l'égard de la sécurité sociale est une bonne nouvelle ! Plus les entreprises embauchent, plus la compensation des exonérations due par l'État s'élève. Et tant mieux si nous avions sous-estimé l'effet positif de cette politique.

M. Charles Revet.  - Excellente politique.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Quant à la dette relative au logement social, elle n'existe pas : il n'y a pas de factures non réglées dans les préfectures d'outre-mer sur des programmes de logements sociaux. C'est même le contraire : en Martinique, en Guadeloupe, des millions d'euros de crédits n'ont pas été consommés. Quant au chiffre cité pour Mayotte, il ne correspond nullement à la réalité, ce ne sont pas 43 millions mais 11 qui doivent être prochainement payés. J'invite les parlementaires qui le souhaitent à venir au ministère rencontrer les responsables des dossiers concernés et vérifier par eux-mêmes !

Je ne puis laisser dire que nous ne donnons pas à l'outre-mer les moyens de construire des logements sociaux. La LBU passe de 190 à 253 millions d'euros, garantis sur trois ans comme l'ont demandé les opérateurs. Le projet de loi de développement économique comportera deux autres mesures nouvelles traduites ici. Je suis au demeurant surpris que nos amis de gauche rejettent un outil fiscal supplémentaire au service de la construction de logements sociaux. Pour la première fois, nous allons chercher des financements également auprès des particuliers et des entreprises : nous en attendons un complément de 170 millions d'euros.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé, en particulier dans les secteurs concernés par les restructurations, à mettre à disposition des maires des terrains au moyen d'une simple convention, ce qui représente un apport non négligeable compte tenu de la cherté du foncier. Quant aux paramètres, ils devaient effectivement être revus en raison du renchérissement du coût de la construction, en outre-mer comme en métropole. Ce sera chose faite avec la parution d'un décret dans quelques jours.

Nous avons le devoir de construire les 50 000 logements sociaux qui manquent en outre-mer. Prenons la Martinique, 400 logements sociaux seulement y ont été construits l'an passé pour une population de 400 000 habitants, non en raison d'une insuffisance de moyens, monsieur Larcher, car des crédits n'ont pas été consommés, mais par manque d'opérateurs et, dans certains cas, de volonté politique. Enfin, des crédits supplémentaires pour le logement social sont prévus dans le projet de loi pour le développement économique pour l'outre-mer. J'aurais préféré, comme nombre d'orateurs, discuter ce texte avant la loi de finances mais son examen a été repoussé en raison d'un calendrier parlementaire...

M. Charles Revet.  - ...pour le moins chargé !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - ...bousculé par la crise financière. Je me réjouis que les membres de la Haute assemblée, en particulier ceux venant de l'opposition, déclarent attendre avec impatience ce débat. Il semble qu'ils aient enfin compris l'intérêt de ce projet de loi, qu'ils tenaient auparavant pour mauvais. Pour ma part, je forme le voeu que le débat parlementaire, qui commencera au Sénat, soit l'occasion de le rendre plus opérationnel.

S'agissant de la défiscalisation, qui a fait l'objet de nombreux commentaires, j'ajoute aux propos de Mme Alliot-Marie que je suis surpris que les sénateurs de l'opposition refusent son plafonnement. Empêcher ainsi les 1 200 foyers les plus riches de notre pays d'échapper à l'impôt n'est ni une honte ni une atteinte à un quelconque ordre moral... D'ailleurs, les mêmes nous reprochaient il y a quelques mois de faire des cadeaux aux riches ! Soyons fiers de moraliser ce dispositif tout en lui conservant son caractère opérationnel. Si nous avions voulu le « tuer », comme cela a été dit, pourquoi aurions-nous porté ses crédits de 500 à 800 millions ? Avec gravité, je veux dire que ces campagnes de dénigrement (M. Bernard Frimat proteste), qui relèvent du jeu politique, donnent l'image d'un outre-mer en panne se refusant à la réforme quand ses chefs d'entreprise et les acteurs locaux font montre d'un grand dynamisme, comme je l'ai constaté durant mes déplacements. Attention, donc, de ne pas ternir l'image de l'outre-mer auprès de nos concitoyens qui en ont souvent une représentation caricaturale.

J'en viens à la compensation des exonérations de cotisations patronales, pour laquelle 1 milliard est prévu dans ce budget. Le manque à gagner de 150 millions sera largement rattrapé par des aides fiscales, dont le montant sera supérieur à 300 millions, prévues dans le projet de loi Lodeom. Il est notamment prévu que les entreprises, installées dans ces nouvelles zones franches, bénéficient d'une exonération comprise entre 50 et 80 % sur l'impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et le foncier non bâti et de 80 % pour tous dans les départements les plus en difficulté. Il ne s'agit donc pas de baisser les crédits mais de réorganiser le dispositif. Comment pourrait-il en être autrement dans un monde en constante évolution ? Ce dispositif, parce qu'il a été voté il y a huit ans, serait figé à jamais ? Non, il doit être adapté pour répondre aux nouveaux enjeux économiques.

Concernant les problèmes de desserte et la politique de continuité territoriale, les moyens qui y sont consacrés dans ce budget sont globalisés, nous travaillons à faire avancer ce dossier.

Concernant Mayotte, monsieur Giraud, je ne partage pas votre analyse. L'État ne réduit pas son effort financier et nous venons de signer un contrat de développement pour 550 millions, dont environ 350 millions à la charge de l'État. Le lycée en préfabriqué, auquel vous avez fait allusion, n'a pas été construit par manque de moyens mais parce que le terrain ne pouvait supporter une construction en dur. Pour ne pas pénaliser les élèves, nous avons préféré recourir à des préfabriqués, au reste, de grande qualité, modernes et climatisés. Mayotte a l'ambition de s'engager dans la voie de la départementalisation. Si les Mahorais, par leur vote en mars prochain, confirment cette volonté unanime des élus, Mayotte deviendra le 101e département français dans le cadre d'une feuille de route progressive et adaptée. Nous devrons répondre aux attentes des Mahorais et les Mahorais s'engager à transformer leurs habitudes en matière d'impôts locaux, d'état civil, de cadastre et la justice religieuse devra laisser la place à la justice de la République. Ce cheminement vers la départementalisation prendra vingt à trente ans -ne mentons pas aux Mahorais !-, ce qui n'empêchera pas que des décisions soient prises dès l'an prochain.

La Guyane connaît une situation préoccupante. Depuis neuf jours, elle est bloquée par un mouvement mené par les transporteurs et les consommateurs pour obtenir une diminution du prix de l'essence de 50 centimes. Le Gouvernement, afin de répondre à cette revendication, a envoyé une mission qui, dès la semaine prochaine, sera chargée de remettre à plat le système de formation du prix de l'essence. C'est le plus élevé non du monde mais de France : avec un prix de 1,77 euros le litre, on peut comprendre la colère des Guyanais. Outre des raisons géographiques, le coût de l'essence y est renchéri de 30 % depuis que le syndicat des concessionnaires automobiles y a obtenu une essence aux normes européennes. De plus, outre-mer, les taxes sur le carburant ne sont pas prélevées par l'État mais par les départements qui en ont fixé librement le taux, compris entre 30 et 50 %.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - C'est excessif !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - A court terme, que peut-on faire ? Comme vous, monsieur Patient, je ne veux ni discours ni annonces, mais du concret. D'abord, obtenir des pétroliers une baisse du prix à la pompe, ce qui n'était pas si simple puisque les élus n'y sont pas parvenus. (M. Georges Patient s'exclame) Le Gouvernement a négocié avec les pétroliers une diminution de 30 centimes le litre, et ce dès lundi matin.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Comment réduire de 20 centimes le prix à la pompe pour satisfaire la revendication portée par les élus d'une baisse de 50 centimes ? Restent les taxes...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Il faut les diminuer !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - C'est le seul moyen de faire lever immédiatement les barrages. Mais la diminution de ces taxes, m'a-t-on dit, placera les élus en difficulté pour boucler leur budget. En tant qu'élu, je comprends cette préoccupation. Nous avons décidé d'affecter 10 millions du fonds exceptionnel d'investissement pour l'outre-mer à ces collectivités, alors que la perte de recettes due à la baisse de 20 centimes représente 7 à 8 millions.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Donc, un bonus !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - J'entends dire que ce fonds exceptionnel n'existerait pas... Son existence sera pourtant entérinée par l'adoption des crédits de cette mission et de son programme 123. Je veux dire solennellement que les factures présentées au secrétariat d'État à l'outre-mer seront honorées dès janvier prochain et l'enveloppe de 10 millions répartie selon les modalités proposées par les collectivités bénéficiaires.

J'en ai pris l'engagement solennel, et j'ai d'ailleurs envoyé trois lettres au président de la région pour lui expliquer les modalités de cette mesure.

Si vous voulez répondre aux attentes des Guyanais, prenez vos responsabilités ! L'État a pris les siennes. Mais peut-être votre position est-elle déterminée par des arrière-pensées politiciennes... (Protestations sur les bancs socialistes) Dans la presse guyanaise de ce matin, les élus UMP exprimaient le sentiment que le Gouvernement avait fait un effort et que c'était désormais à la région de prendre ses responsabilités. (Marques d'approbation sur les bancs UMP) Je suis disponible autant que vous le voudrez pour répondre à vos questions et vous confirmer de nouveau nos intentions. Cela fait neuf jours que les enfants sont privés d'école, que les commerces sont fermés et de nombreux chefs d'entreprise craignent à présent la faillite. Il faut savoir terminer un conflit, et en sortir par le haut, c'est-à-dire en satisfaisant tout le monde sans grever nos budgets.

Monsieur Cointat, nous allons inaugurer prochainement une nouvelle prison à la Réunion. Par ailleurs, nous sommes évidemment très soucieux de l'amélioration de l'enseignement à Mayotte.

Madame Michaux-Chevry, nous sommes très attentifs au secteur de Basse-Terre : j'ai demandé au nouveau préfet qui prendra ses fonctions lundi prochain d'en faire une cible prioritaire de son action. Basse-Terre pourra devenir un pôle culturel dans votre région.

M. Marsin m'a interrogé sur le chlordécone. Un plan national de 32 millions d'euros a été mis en place, dont l'application est confiée au directeur général de la santé. Nous veillerons à ce que la population soit informée, et nous aiderons les agriculteurs à se reconvertir.

Je ne répondrai pas aux propos excessifs de M. Flosse. Je dirai simplement que l'État ne se désengage nullement de Polynésie ; la réorganisation de la gendarmerie n'entraîne aucune baisse d'effectifs.

En ce qui concerne les collectivités locales, monsieur Frimat, nous sommes conscients qu'un certain nombre de choses doivent être remises à plat en Martinique. Nous travaillons en collaboration avec Claude Lise. J'indique que le conseil régional de Martinique boucle chaque année son budget avec un excédent de 16 millions d'euros (M. Jean-Paul Virapoullé le conteste) qui pourraient utilement être investis dans l'économie du département.

Monsieur Virapoullé, votre enthousiasme en faveur de l'outre-mer n'a d'égal que le mien ! J'ai suggéré à Valérie Pécresse, comme vous le demandiez, de réfléchir à la création d'une université de médecine francophone dans l'Océan Indien. (On s'en félicite à droite) Je me rendrai prochainement à la Réunion avec le directeur d'EDF pour les énergies renouvelables et nous ferons en sorte que la bagasse soit payée à un juste prix. (M. Jean-Paul Virapoullé s'en réjouit)

En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, j'ai annoncé hier, lors de la réunion des premiers états généraux du service militaire adapté, que je souhaitais une implantation de ce service à Futuna. Pour ce qui est de la TNT, notre objectif est d'offrir dès 2010 dix chaînes de télévision diffusées en même temps dans tout l'outre-mer.

Monsieur Magras, j'ai été heureux d'entendre pour la première fois dans cet hémicycle un représentant de Saint-Barthélemy. Le Gouvernement considère que toutes les collectivités d'outre-mer doivent être représentées dans les deux chambres du Parlement : une collectivité ne peut être représentée dans une assemblée et pas dans l'autre. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Larcher, président du Sénat.  - Très bien !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - La distance géographique ne donne pas moins de droits mais davantage pour ce qui est de la représentation.

J'apporterai par écrit des réponses plus détaillées à vos questions. Ce budget favorisera un développement exceptionnel de l'outre-mer. Il répond aux attentes des habitants en matière de logement et d'aide sociale. En Guyane, il pourrait débloquer la situation, si chacun consent à jouer son rôle et si l'on renonce aux oppositions factices entre la droite et la gauche, le Gouvernement et la population.

Beaucoup de travail nous attend mais nous sommes enthousiastes et motivés. A nous de montrer que l'outre-mer est une chance pour la France, et la France une chance pour l'outre-mer. (Applaudissements au centre, à droite, ainsi qu'au banc des commissions)

M. le président.  - Monsieur Loueckhote, vous avez cédé votre temps de parole tout à l'heure. Vous pouvez intervenir maintenant, si vous le souhaitez.

M. Simon Loueckhote.  - Je vous remercie de déroger à la règle. Je voulais faire remarquer une chose : depuis seize ans que je siège au Sénat, c'est la première fois que je vois autant de sénateurs assister à la discussion de la mission « Outre-mer ». Je m'en réjouis ! (On s'en félicite également au centre et à droite) Je remercie tout particulièrement le Président Larcher : c'est la première fois que je vois un Président du Sénat assister à ce débat, à une heure aussi tardive ! (On applaudit à droite)

Examen des crédits

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 64 est adopté.

Article 65

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Je souhaite clarifier la position des entreprises d'outre-mer sur ce sujet. Sur le fond, après de longues discussions, nous sommes tombés d'accord. Mais sur le timing, nous ne sommes pas d'accord. La Lodeom, comprenant ce nouveau barème d'exonérations de charges sociales, aurait dû être discutée au mois d'octobre. Aujourd'hui, on nous demande de mettre la charrue avant les boeufs, en votant l'article 65 du projet de loi de finances avant la loi Lodeom.

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, Mme la ministre de l'intérieur et vous-même, monsieur le ministre, avez assuré que cet article entrerait en application au moment de la publication de la Lodeom. Acceptez-vous de transcrire dans la loi cet engagement ? Cela apaiserait les inquiétudes et clarifierait le débat. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Gillot.  - Monsieur le ministre, si vous ne voulez pas débattre, dites-le ! Quant à nous, nous sommes parfois en désaccord avec le Gouvernement mais nous sommes ouverts à la discussion. Nous ne sommes pas conservateurs ! Mais le projet de Lodeom ne nous satisfait pas. Dire, comme vous le faites, que nous attendons maintenant cette loi avec impatience alors que nous n'en voulions pas, c'est manquer de respect aux parlementaires que nous sommes.

Nous vous avons posé une question simple. Un fonds de 16 millions d'euros a été mis en place pour l'outre-mer, et nous nous en réjouissons. Mais vous comptez prélever sur cette somme 10 millions d'euros pour la Guyane. Il ne reste que 6 millions pour les équipements structurants. Le fonds a-t-il changé de destination ? Dans le cas contraire, comment comptez-vous l'abonder ? Voilà notre question : elle est simple. Nous sommes prêts à avancer ensemble, dans l'intérêt de la population.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Je ne comprends pas votre réaction. Je n'ai pas pu apporter de réponse détaillée à chacune de vos questions : je vous répondrai plus longuement par écrit. Rien dans ce que j'ai dit ne manque au respect dû aux parlementaires.

Mais je me réjouis de voir qu'après avoir critiqué la Lodeom, et organisé contre elle des manifestations, vous vous plaigniez qu'elle n'arrive pas assez vite !

Je me réjouis qu'elle soit attendue. Le fonds qui vient d'être voté comporte 40 millions en autorisations d'engagement et 16 millions en crédits de paiement ; sur les 40 millions d'autorisations d'engagement, 10 millions iront à la Guyane tandis que nous paierons les factures qui arriveront sur les 16 millions de crédits de paiement. Ces crédits sont suffisants pour répondre aux attentes de la Guyane et aux autres demandes et si le fonds était très sollicité, nous l'abonderions, c'est aussi simple que cela. Quand j'ai dit que l'on mélangeait les torchons et les serviettes, c'était pour dire que l'important était que le fonds fût alimenté. Il est à la disposition des territoires et j'attends les dossiers, à commencer par ceux de la Guyane. Si c'est un succès, je m'en réjouirai, car mon métier de ministre consiste à faire avancer les dossiers et je suis preneur de projets porteurs de développement économique. Ne commençons pas à dire que le fonds est épuisé alors que nous le créons.

M. Jacques Gillot.  - Si nous discutons maintenant de cet article, la discussion sera-t-elle close lorsque nous aborderons la Lodeom ? Il y a là un problème de cohérence formelle, et c'est pourquoi la commission des finances propose de reporter la mise en oeuvre de cet article après le vote de la Lodeom. Il s'agira alors de définir une stratégie globale et l'on ne peut examiner aujourd'hui une mesure séparément. La Lodeom est déposée depuis le 8 juillet sur le bureau du Sénat et sa mise en discussion a été retardée ; vous nous dites que c'est en raison de la crise, j'en prends acte.

Sur le fond, mieux vaut que la loi Girardin s'applique jusqu'à fin 2009 car les économies que vous voulez réaliser aujourd'hui peuvent coûter bien cher demain. Évitons les incohérences, ne créons pas de trappes à bas salaires et prenons le temps d'ajuster le dispositif.

M. Serge Larcher.  - Cet article 65 anticipe sur la Lodeom et tout le problème vient de ce qu'il définit le champ d'application de l'exonération sociale patronale et en unifie le plafond. Après une expérimentation avec la loi Perben, ce dispositif avait été développé par la loi de 2000 afin de soutenir la compétitivité des entreprises et, même s'il y a eu des effets d'aubaine, il a été incitatif car l'emploi salarié a progressé de 13 % outre-mer. Les entreprises d'outre-mer sont exonérées de cotisations pour la fraction du salaire inférieure à 1,3 Smic, mais à 1,4 Smic pour les secteurs des industries renouvelables, de la communication, de la pêche et de l'agriculture, 1,7 Smic pour celles du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration. Le nouveau dispositif unifie l'exonération à 1,4 Smic (1,5 pour les secteurs prioritaires) mais supprime l'exonération à 100 %. Les entreprises bénéficiant des taux les plus élevés entreront dans le champ des futures zones franches globales d'activité, ce qui aboutira à alourdir le coût du travail dans les secteurs qui sont au coeur d'une économie moderne et les entreprises du tourisme subiront une augmentation de 12 % de leurs charges. Selon le Gouvernement, environ 40 % des exonérations concernent des salaires inférieurs à 1,6 Smic. Cette réforme est motivée par la recherche d'économies : l'État pourrait dégager 138 millions.

L'article 65 anticipe sur la Lodeom et Mme Alliot-Marie a pris l'engagement à l'Assemblée nationale de ne pas l'appliquer avant la promulgation de cette loi. La commission des finances a de même repoussé son application à la publication de la future loi. Il aurait été normal de ne pas préjuger de celle-ci.

Le projet de Lodeom est très loin d'avoir l'assentiment des élus et des socioprofessionnels. La concertation doit se poursuivre. Je demanderai la suppression de l'article.

M. le président.  - Amendement n°II-164, présenté par M. Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Serge Larcher.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-50 rectifié, présenté par MM. Magras, Virapoullé, Mme Michaux-Chevry et M. Fleming.

I. - Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, après les mots :

à la Réunion

insérer les mots :

, à Saint-Barthélemy

II. -  Dans le premier alinéa du c) du 3° du II du même texte, après les mots :

de la Réunion

insérer les mots :

, de Saint-Barthélemy

III. - Dans le dernier alinéa du 3° du II du même texte, après les mots :

ces départements

insérer les mots :

, à Saint-Barthélemy

IV. - Dans le 4° du II du même texte, après les mots :

de la Réunion

insérer les mots :

, de Saint-Barthélemy

M. Michel Magras.  - Lorsque la loi Girardin a été votée, Saint-Barthélemy était une commune de la Guadeloupe et le fait qu'elle ait bénéficié de cette loi n'a pas été sans conséquence puisque nous connaissons quasiment le plein emploi. Or ma collectivité a été oubliée dans la Lodeom. Ne pas y figurer lui coûterait 300 à 400 emplois sur une population de 8 000 personnes, soit l'équivalent de 3 millions d'emplois pour une population de 60 millions. Chaque entreprise qui embauche devrait payer 400 à 500 euros de plus pour un salaire de 2 000 euros. La Lodeom s'appliquant à Saint-Martin, une entreprise de transport aérien qui y serait basée pourrait proposer des prix plus que compétitifs, de même qu'une entreprise de cette île pourrait venir soumissionner à des conditions proches de la distorsion de concurrence. Mon amendement y remédie tout en répondant au souci du secrétaire d'État. La nouvelle approche ne doit pas coûter plus cher à l'État car nous vivons actuellement sous le bénéfice de la loi Girardin.

M. le président.  - Amendement n°II-163, présenté par M. Marsin.

I. - Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, après les mots :

à la Réunion et à Saint-Martin,

insérer les mots :

sauf dispositions plus favorables applicables au titre de la loi n°96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville,

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'application des dispositions législatives plus favorables prévues par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 précitée sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Daniel Marsin.  - Le dispositif de l'article 65 se superposera à celui des zones franches urbaines, comme celle créée dans ma commune des Abymes, et qui n'est pas remis en cause. C'est pourquoi mon amendement prévoit l'application du dispositif le plus favorable.

M. le président.  - Amendement n°II-97 rectifié bis, présenté par M. Fleming, Mme Bout, M. Virapoullé, Mme Michaux-Chevry et MM. Jean-Paul Fournier et Magras.

I. - Dans le 4° du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :

ou de Saint-Martin

par les mots

, de Saint-Martin ou de Saint-Barthélemy

II. - Compléter le même 4° par un alinéa ainsi rédigé :

« Seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés dans l'un de ces départements ou à Saint-Martin.

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour la sécurité sociale de l'extension du nouveau régime d'exonérations de cotisations patronales en faveur de l'outre-mer est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Les sociétés basées à Saint-Martin et assurant le transport entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy doivent bénéficier des exonérations prévues à l'article 65. C'est un geste d'équité et d'efficacité, qui ne coûtera pas cher. Le Gouvernement poussera-t-il la générosité jusqu'à lever le gage ?

M. le président.  - Amendement n°II-96 rectifié bis, présenté par M. Fleming, Mme Michaux-Chevry, M. Virapoullé, Mme Bout et MM. Magras et Jean-paul Fournier.

I. - Dans le premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :

ou à la Réunion

par les mots :

, à la Réunion ou à Saint-Martin

II. - Dans le 2° du IV du même texte, après les mots :

à l'article 199 undecies B du code général des impôts

insérer les mots :

, ou de même nature dans les cas des entreprises domiciliées à Saint-Martin,

III. - Dans le b) du 4° du IV du même texte, remplacer les mots :

et en Guadeloupe

par les mots :

en Guadeloupe et à Saint-Martin

IV. -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour la sécurité sociale de l'extension à Saint-Martin du nouveau régime d'exonérations de cotisations patronales en faveur de l'outre-mer est compensée à due concurrence par la création de droits additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Cet amendement des élus UMP d'outre-mer, coordonnés par Mme Michaux-Chevry, étend à Saint-Martin les exonérations prévues pour les autres départements. Cette île en pleine expansion souhaite en effet mettre en oeuvre un politique en faveur des énergies renouvelables et de la protection de l'environnement, principal atout touristique. Nous comptons sur la compréhension du Gouvernement.

M. le président.  - Amendement n°II-106, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

I. - Remplacer les 4° et 5° du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale par dix alinéas ainsi rédigés :

 « 4° À l'exception des entreprises situées en Guyane, dans les îles des Saintes, à Marie-Galante, et à la Désirade :

« a) Soit exercer leur activité principale dans l'un des secteurs suivants :

 « - Tourisme ;

« - Agro-nutrition ;

« - Environnement ;

« - Énergies renouvelables ;

« b) Soit avoir réalisé l'une des opérations suivantes :

« - Avoir signé avec un organisme public de recherche ou une université une convention, agréée par l'autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d'un projet de développement portant sur la Guadeloupe, la Martinique ou la Réunion si les dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de l'exercice écoulé ;

« - Avoir réalisé des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane défini aux articles 130 à 136 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire si le chiffre d'affaires provenant de ces opérations représente au moins un tiers du chiffre d'affaires de l'exploitation au titre de l'exercice écoulé.

« Les conditions prévues aux 1° et 2° s'apprécient à la clôture de chaque exercice. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - La perte de recettes pour l'État et les organismes de sécurité sociale résultant de l'élargissement des secteurs d'activité bénéficiant de l'exonération prévue au premier alinéa du IV de l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement clarifie le dispositif du régime d'exonération renforcé et élargit les secteurs concernés en instituant quatre catégories qui bénéficieront indifféremment à la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et Saint-Martin : tourisme, agro-nutrition, environnement et énergies renouvelables.

M. le président.  - Amendement n°II-107, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

Remplacer le 7° du II de cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

7° Le V est ainsi rédigé :

« V. - Le bénéfice de l'exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l'entreprise ou le chef d'entreprise, de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d'oeuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail.

« Lorsqu'un organisme chargé du recouvrement est avisé, par la transmission du procès-verbal établi par un des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1 du code du travail, de la commission d'une des infractions mentionnées à l'alinéa précédent, il suspend la mise en oeuvre des exonérations prévues par le présent article jusqu'au terme de la procédure judiciaire. » ;

8° Après le V, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« V bis. - Le bénéfice de l'exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l'employeur, d'être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement. La condition de paiement est considérée comme remplie dès lors que l'employeur a, d'une part, souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations restant dues et, d'autre part, acquitte les cotisations en cours à leur date normale d'exigibilité. »

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement aligne le dispositif applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon sur le nouveau dispositif, en conditionnant les exonérations de charges au respect par les employeurs de leurs obligations à l'égard des organismes de recouvrement, et en reprenant le nouveau dispositif sanctionnant une fraude fiscale ou certaines infractions en matière de droit du travail.

M. Charles Revet.  - Bien.

M. le président.  - Sous-amendement n°II-184 à l'amendement n° II-107 de Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement n° II-107 :

« V. - Le bénéfice de l'exonération prévue au présent article, ainsi que de tous autres allègements et exonérations de cotisations patronales prévus par le présent code, est subordonné au fait, pour l'entreprise ou le chef d'entreprise, de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d'oeuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Nous reprenons pour Saint-Pierre-et-Miquelon la même rédaction exactement que pour les autres départements.

M. le président.  - Amendement n°II-8, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances.

A la fin de la première phrase du III de cet article, remplacer les mots :

du 1er avril 2009

par les mots :

du mois suivant celui au cours duquel a lieu la publication de la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont le projet a été déposé au Sénat le 28 juillet 2008

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Nous reportons l'entrée en vigueur de ce dispositif au mois qui suit la publication de la Lodeom, comme Mme Alliot-Marie s'y était engagée à l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement n°II-55 rectifié, présenté par M. Marsin.

A la fin de la première phrase du III de cet article, remplacer les mots :

à compter du 1er avril 2009

par les mots :

à compter du premier jour du mois suivant l'entrée en vigueur de la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont le projet a été déposé sur le Bureau du Sénat le 28 juillet 2008.

M. Daniel Marsin.  - Même préoccupation, avec une nuance : la date de publication n'est pas la même que la date d'entrée en vigueur.

M. le président.  - Amendement n°II-94, présenté par M. Virapoullé.

I. - A la fin de la première phrase du III de cet article, remplacer les mots :

du 1er avril 2009

par les mots :

du 1er juillet 2009 sous réserve de la publication de la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont le projet a été déposé au Sénat le 28 juillet 2008

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du report de l'entrée en vigueur du présent article aux salaires dus à compter du 1er juillet 2009 est compensée à due concurrence pour la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Il est défendu.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Défavorable à l'amendement de suppression, qui ne profiterait pas aux départements d'outre-mer.

Le premier amendement de M. Magras, qui rectifie un oubli et rééquilibre les choses entre Saint-Barthélemy et Saint-Martin, recevra peut-être un avis favorable du Gouvernement.

Le nouveau dispositif de l'article 65 sera plus favorable que celui des ZFU : je suggère de retirer l'amendement n°II-163. Qu'en pense le Gouvernement ?

L'amendement n°II-97 rectifié bis sera satisfait par l'adoption de l'amendement n°II-50 rectifié.

L'amendement n°II-96 rectifié bis devrait être satisfait dans le cadre de la Lodeom : quel est l'avis du Gouvernement ?

S'agissant de l'amendement n°II-106, les secteurs prioritaires doivent être définis en concertation avec les départements concernés. Par ailleurs, l'extension du régime préférentiel d'exonérations risquerait de s'accompagner d'une extension parallèle des secteurs éligibles aux zones franches globales d'activité. Qu'en pense le Gouvernement ?

Favorable à l'amendement n°II-107, qui étend deux dispositifs de contrôle à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'au sous-amendement n°II-184, qui apporte une précision rédactionnelle.

L'amendement n°II-55 rectifié sera satisfait par l'amendement n°II-8 de la commission. Nous suivrons l'avis du Gouvernement. Idem pour l'amendement n°II-94.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Défavorable à l'amendement de suppression n°II-164 : si nous incluons cette mesure dans le projet de loi de finances, c'est que les entreprises ont besoin de savoir dès maintenant le taux de charges qui sera applicable l'année prochaine. On ne peut appliquer de nouvelles charges en milieu d'année !

C'est au nom de cette réalité que nous avons introduit cet article dans la loi de finances.

Je tiens à revenir sur quelques points : toutes les entreprises d'outre-mer ne paieront plus aucune charge sociale sur tous les salaires jusqu'à 1,4 Smic, ce qui est le salaire moyen en outre-mer. Entre 1,4 et 3,8 Smic, les charges seront rétablies de façon progressive. En métropole, certaines entreprises sont exonérées de charges jusqu'à 1,6 Smic mais, au-delà, elles ne bénéficient plus d'exonérations. Nous allons bien au-delà pour l'outre-mer. En outre, les secteurs prioritaires comme le tourisme, l'environnement ou l'agro-nutrition ne supporteront plus aucune charge jusqu'à 1,6 Smic et leur pente de rétablissement ira jusqu'à 4,5 Smic, soit environ 5 000 euros par mois. Nous vous proposons un dispositif très raisonnable qui permettra au secteur économique de trouver des réponses à la hauteur de ses attentes. Le Gouvernement s'engage sur la date d'application de cette mesure et il va créer un groupe de suivi avec la Fédération des entreprises d'outre-mer qui se réunira toutes les six semaines et qui examinera tous les dossiers. J'étais à l'assemblée générale de cette fédération et un chef d'entreprise m'a dit qu'avec ce système il serait obligé de payer 40 000 euros de charges supplémentaires. Certes, mais à l'avenir, il ne payera plus que 20 % des 70 000 euros de taxe professionnelle qu'il acquitte aujourd'hui. Au bout du compte, ce chef d'entreprise y gagnera. Dans la loi de finances pour 2010, le Gouvernement réajustera ce dispositif s'il apparaissait qu'un secteur rencontrait des difficultés. Si nous avons inscrit ces mesures avant la Lodeom, c'est pour des raisons de prévision comptable, afin que les entreprises ne se sentent pas piégées dans cette affaire. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n°II-164.

Je suis heureux de donner satisfaction au sénateur Magras pour son premier amendement alors qu'il est le premier parlementaire de Saint-Barthélemy. Avis d'autant plus favorable sur l'amendement n°II-50 rectifié (applaudissements à droite) qu'une erreur rédactionnelle nous a fait oublier Saint-Barthélemy.

Je veux rassurer M. Marsin : compte tenu des modifications des zones franches urbaines, les zones franches globales d'activité seront plus favorables. C'est donc bien le meilleur système qui s'appliquera. Votre amendement n°II-163 est donc satisfait.

L'amendement n°II-97 rectifié bis sera satisfait si l'amendement n°II-50 rectifié est adopté.

Je souhaite le retrait de l'amendement n°II-96 rectifié bis car il trouvera mieux sa place dans la Lodeom. Même demande sur l'amendement n°II-106 car les secteurs prioritaires sont définis dans chaque territoire par une expression des collectivités et des forces vives. Cela m'ennuierait de fixer ce soir, pour la Martinique et la Guadeloupe, des secteurs prioritaires alors qu'on n'a pas entendu les forces vives du territoire. En revanche, cet amendement pourra être examiné lors de l'examen de la loi d'orientation.

Avis défavorable sur l'amendement n°II-107 au profit du sous-amendement qui le satisfait.

Je voudrais bien accepter l'amendement n°II-8 sur la date d'application des charges, mais il y a un risque d'inconstitutionnalité. Je ne veux pas prendre ce risque. Je redis solennellement que le Gouvernement n'appliquera pas les mesures de calcul des charges avant que la loi ne soit promulguée. Je souhaite que nous l'examinions avant février : je demande donc le retrait de cet amendement.

Même demande sur les amendements nosII-55 rectifié et II-94.

L'amendement n°II-164 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-50 rectifié est adopté.

M. Charles Revet.  - A l'unanimité ! (Applaudissements à droite)

L'amendement II-163 est retiré.

L'amendement n°II-97 rectifié bis devient sans objet.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - M. le ministre ayant pris l'engagement de donner satisfaction à notre collègue Fleming dans la Lodeom, je retire l'amendement.

L'amendement n°II-96 rectifié bis est retiré.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Les déclarations de M. le ministre sont un peu contradictoires car il a souhaité rattacher cet article 65 à la mission « Outre-mer » et maintenant, il veut reporter la discussion à l'examen de la Lodeom. J'accepte pourtant de retirer mon amendement.

L'amendement n°II-106 est retiré.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Je suis favorable au sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement n°II-184 est adopté.

L'amendement n°II-107, sous-amendé, est adopté.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - M. le ministre n'a peut-être pas remarqué que j'étais le premier sénateur du Loiret et qu'à ce titre, il aurait pu accepter mon amendement. (Sourires) Je vais néanmoins le retirer.

L'amendement n°II-8 est retiré.

M. Daniel Marsin.  - Compte tenu des assurances données par M. le ministre, je retire mon amendement.

L'amendement n°II-55 rectifié est retiré.

L'amendement n°II-94 est retiré.

L'article 65, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-108, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après l'article 568, il est créé un article 569 ainsi rédigé :

« Art. 569.- Par dérogation à l'article 568, dans les départements d'outre-mer, seuls peuvent vendre du tabac au détail les personnes ayant la qualité de commerçants, titulaires d'une licence accordée au nom du département par le président du conseil général.

« Cette licence ne peut être accordée pour la vente au détail du tabac dans un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 200 mètres carrés ou dans un magasin de vente en gros ouvert aux particuliers.

« La délivrance de cette licence est soumise au versement, au profit du département d'outre-mer concerné, d'une redevance annuelle dont le montant est fixé par délibération du conseil général.

« Les conditions d'application du présent article, notamment le nombre de licences susceptibles d'être créées dans chaque département, ainsi que les modalités de cessation d'activité, au plus tard le 1er janvier 2011, des points de vente dépourvus de licence, sont définies par décret. »

2° Dans l'article 574, la référence : « 568 » est remplacée par la référence : « 570 ».

II. - Après l'article L. 3511-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 3511-2-2.- Le représentant de l'État dans le département détermine, par arrêté, les distances auxquelles les débits de tabac, en France métropolitaine, et les commerces pourvus d'une licence de vente au détail du tabac, dans les départements d'outre-mer, ne peuvent être établis autour des édifices et établissements suivants :

« 1° Établissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse ;

« 2° Stades, piscines, terrains de sport publics ou privés.

« Ces distances sont calculées selon les règles mentionnées aux dixième et onzième alinéas de l'article L. 3335-1.

« L'existence des débits de tabac régulièrement installés ne peut être remise en cause pour des motifs tirés du présent article. »

Mme Anne-Marie Payet.  - En métropole, la vente au détail du tabac est assurée dans le cadre d'un monopole défini à l'article 568 du code général des impôts. Lors de la départementalisation de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, le législateur n'a pas souhaité appliquer, à titre provisoire, ce régime de monopole à ces territoires.

Il en résulte que les ventes de tabac s'y effectuent librement par tout commerçant, sans agrément quelconque de l'administration. L'accès au tabac est donc, dans les départements d'outre-mer, particulièrement aisé, alors qu'il est très réglementé en métropole.

Dans la rue principale de mon village, qui fait quelques centaines de mètres, il existe sept points de vente et la plupart ne sont pas des débits « secs », comme dit le rapport de Bercy, car ils vendent aussi de l'alcool.

Le Gouvernement s'est engagé l'an dernier à expertiser les modalités d'extension du monopole d'État à l'outre-mer. Le rapport est enfin disponible depuis quelques jours et mes amendements tiennent compte de ses conclusions. L'extension du monopole n'est pas envisageable, selon ce rapport, compte tenu des spécificités des économies locales. J'ai donc accepté d'atténuer la portée de mon amendement : je ne propose plus l'extension pure et simple du monopole mais un encadrement plus strict de la vente au détail du tabac.

Votre commission vous demande de réserver la vente au détail du tabac aux seules personnes qui bénéficieront d'une licence délivrée, contre redevance, par les conseils généraux des départements d'outre-mer. Elle prévoit également l'extinction pure et simple, au plus tard le 1er janvier 2011, des points de vente dépourvus d'une telle licence. Ces licences ne pourront toutefois être délivrées dans des zones d'exclusion fixées par arrêté préfectoral, aux abords des établissements d'enseignement et des équipements sportifs, c'est-à-dire les lieux de rassemblement des jeunes. Ces zones d'exclusion s'appliqueront également en métropole, sans remettre en cause l'implantation existante des débits de tabacs.

Il est rassurant de se dire que le tabagisme des jeunes est moins important dans les DOM qu'en métropole mais vous connaissez le surnom de la Réunion, monsieur le ministre : c'est « l'île intense » et c'est également l'île aux paradoxes. Nous avons une faible proportion de fumeurs, mais la plupart d'entre eux sont des fumeurs excessifs. Près de 600 décès par an sont liés au tabac, soit six fois plus de morts que sur les routes. Le taux de mortalité due au tabac chez les femmes a augmenté de 13 % en quelques années.

Nous ne pouvons rester insensibles à cette situation. Les représentants de la Direction générale des douanes ont été dans les DOM étudier la question et la concertation a été la plus large possible.

M. le président.  - Sous-amendement n°II-197 à l'amendement n° II-108 de Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, présenté par le Gouvernement.

I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 1° du I de l'amendement n° II-108 pour l'article 569 du code général des impôts, après les mots :

mètres carrés

insérer les mots :

, à l'exclusion des surfaces réservées à la distribution de carburants,

II. - Supprimer le II du même amendement.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Ce sous-amendement propose de ne pas prendre en compte dans le calcul de la surface de vente les espaces réservés à la distribution des carburants lorsqu'ils existent. Il permet aux stations-service possédant moins de 200 mètres carrés de vente en magasin de solliciter une licence de vente de tabac indépendamment de leur surface extérieure réservée à la distribution de carburants. Il supprime l'instauration d'une distance minimum entre les débits de tabac et les édifices et établissements mentionnés à l'article L.3511-2-1 du code de la santé publique. Cette mesure supposerait une concertation étroite entre le Gouvernement, la confédération nationale des buralistes de France et les organismes représentatifs de la profession dans les Dom, qui n'a pas encore eu lieu. Ce sous-amendement donne en grande partie satisfaction à Mme Payet, tout en évitant certaines difficultés de son amendement.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Avis favorable à cet amendement qui ne crée pas de charges pour l'État et qui est dans l'intérêt de la santé publique. Sur le sous-amendement, que nous n'avons pas eu le temps d'examiner, nous nous en remettons à la légendaire sagesse du Sénat.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Sur les dossiers délicats, il faut avancer pas à pas. Ce sous-amendement supprime deux points forts de mon amendement auxquels j'étais très attachée. Je voudrais qu'on s'engage à y réfléchir. A force de se réfugier derrière des considérations économiques, on en arrive à commettre des erreurs monumentales comme celle de la chlorodecone. Souvenez-vous des déclarations du professeur Belpomme. Les considérations économiques doivent-elles faire oublier les impératifs de santé publique ? Je ne le crois pas. Je représenterai plus tard l'intégralité de mon amendement d'origine.

Le sous-amendement n°II-197 est adopté.

L'amendement n°II-108, sous-amendé, est adopté et devient article additionnel.

M. le président  - Amendement n°II-109, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les troisième et quatrième alinéas du 1 de l'article 268 du code des douanes, le pourcentage : « 100 % » est remplacé par le pourcentage : « 110 % 

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Dans les départements d'outre-mer, les conseils généraux fixent l'assiette du droit de consommation qui s'applique au tabac vendu sur leur territoire. Ils ont ainsi la possibilité de moduler cette assiette en fixant un pourcentage supérieur à 66 % et au plus égal à 100 %  soit du prix de vente au détail des produits du tabac qui font l'objet d'une homologation en France continentale, soit de la moyenne pondérée pour les produits non homologués en France continentale. Cet amendement propose de donner aux conseils généraux d'outre-mer une marge de manoeuvre supplémentaire en fixant le seuil maximal à 110 %. Ainsi, les conseils généraux qui le souhaitent pourront, dans une optique de santé publique, renchérir le prix du tabac sur leur territoire afin d'en réduire l'accès, notamment aux plus jeunes. C'est une préconisation du rapport précité.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Même avis, cela permettra d'augmenter ce prélèvement. Si les représentants de la Guyane étaient encore là, je leur dirais que cela permettra à la collectivité départementale de Guyane d'augmenter ses prélèvements et de trouver des recettes ; la santé des Guyanais n'en sera que meilleure.

L'amendement n°II-109 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°II-110, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les 1° et 2° de l'article 302 F bis du code général des impôts sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les voyageurs en provenance ou à destination d'un département d'outre-mer, l'exonération ne s'applique que dans la limite de quarante cigarettes, vingt cigarillos, dix cigares et cinquante grammes de tabac à fumer ; »

Mme Anne-Marie Payet.  - Cet amendement transpose aux départements d'outre-mer -qui sont en dehors du territoire fiscal communautaire en ce qui concerne les droits d'accises- les dispositions de l'article 8 de la directive du 20 décembre 2007 qui abaisse les contingents de produits du tabac bénéficiant d'une franchise de TVA et de droits d'accises. Pour des raisons de santé publique outre-mer, il importe de fixer les contingents applicables au minimum autorisé par la directive, soit : 40 cigarettes, 20 cigarillos, 10 cigares et 50 grammes de tabac à fumer.

Je salue cette initiative européenne, adoptée un 20 décembre, jour de fête à La Réunion et où l'on commémore la fin de l'esclavage. Adopter cet amendement, c'est lutter contre un esclavage moderne plus difficile à combattre que celui qu'a aboli Victor Schoelcher. En plus, la perte fiscale actuelle est de plus de 6 millions par an...

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Avis favorable mais quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. D'abord parce qu'une directive européenne est en cours de transposition et qu'il convient d'attendre. Ensuite parce qu'il n'y a eu aucune étude d'impact. La perte fiscale est modeste et les duty free attirent les touristes.

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - Je ne comprends pas bien. Quand je viens de Saint-Martin, par exemple, on va compter combien j'ai de cigarettes dans ma valise ? Alors que nous sommes à un quart d'heure de vol de La Barbade ou de Trinidad ! On subit déjà des contrôles de sécurité, on aura en plus des contrôles de cigarettes ! Cela portera tort au tourisme, surtout que Saint-Domingue et Cuba n'observeront pas les mêmes règles.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - J'ai milité contre le tabagisme et j'ai voté le doublement de la taxe sur le tabac. Mais il faut de la mesure en toute chose. En outre, les DOM étant entourés de zones à duty free, ce serait complètement inefficace contre le tabagisme. Enfin se posent des problèmes de conditionnement : les cigares se vendent par boîtes de 25 ! Il faut être raisonnable et attendre la transposition pour harmoniser cela sur tout le territoire. Je voterai contre cet amendement.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.  - Ce n'est pas dans l'avion qu'on comptera les cigarettes, c'est le commerçant qui ne pourra pas en vendre davantage que le contingent. Quant à la directive, elle date du 20 décembre 2007 et elle est applicable depuis hier.

L'amendement n°II-110 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°II-124, présenté par Mme Michaux-Chevry.

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le deuxième alinéa de l'article 49 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer est ainsi rédigé :

« Les ressources disponibles du fonds régional pour le développement et l'emploi sont affectées, chaque année, à une part communale et à une part intercommunale. »

II - Le cinquième alinéa (2°) du même article est ainsi rédigé :

« La part intercommunale est constituée de 20 % des ressources annuelles du fonds régional pour le développement et l'emploi. Cette ressource est affectée à la section d'investissement des budgets des syndicats mixtes ou d'établissements publics nécessaires au développement, notamment en matière de traitement des déchets. Cette ressource est répartie entre les différents établissements concernés au prorata de la population des communes membres. »

III. - 1. Les pertes de recettes résultant pour les régions du transfert de l'affectation du solde du produit de l'octroi de mer sont compensées à due concurrence par la création d'une dotation additionnelle à la dotation globale de fonctionnement.

2. Les pertes de recettes résultant pour l'État de la création d'une dotation additionnelle à la dotation globale de fonctionnement sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - Le fonds régional pour le développement et l'emploi, créé en 1992, est affecté aux régions qui reversent les sommes collectées aux communes ayant des projets de développement. Après qu'on eût constaté une sous-consommation de ces crédits, la loi du 2 juillet 2004 a défini un nouveau mode de répartition, soit une part communale pour 80 % et une part régionale pour 20 %. Mon amendement propose que les communautés de communes bénéficient de ces 20 %.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Il paraît plus sage de laisser aux régions la liberté de financer les projets de développement qu'elles souhaitent. Avis défavorable.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Il faut certes faire en sorte que chacun puisse s'y retrouver et que le jeu politique ne prive pas certaines collectivités de recettes.

M. Charles Revet.  - Ça existe pourtant !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre. Mais une concertation s'impose avant de modifier la répartition du fonds. Je m'engage à la lancer. Je souhaite le retrait.

L'amendement n°II-124 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-161, présenté par Mme Michaux-Chevry.

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - A la première phrase du premier alinéa du D de l'article L. 4434-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : « dépasse 50 000 habitants » sont remplacés par les mots « dépasse 30 000 habitants ».

II. - La perte de recettes résultant pour l'État de l'abaissement du nombre d'habitant pour bénéficier du fonds routier est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - Je souhaite que les EPCI et les communes qui organisent les transports bénéficient des fonds routiers. Ce sont les habitants qui paient la taxe à la région et c'est elle qui en répartit le produit ; mais cette répartition est tout sauf équitable.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - La masse disponible restant inchangée, l'aide sera diluée si on multiplie les collectivités bénéficiaires. En l'absence d'expertise préalable, la commission des finances est réservée, sinon défavorable.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État.  - Je souhaite le retrait. Le Gouvernement envisage, dans le cadre de la future loi de développement, de faciliter la mise en place d'une autorité unique d'organisation des transports dans certains territoires. Nous pourrons reprendre le débat à cette occasion.

Le Gouvernement s'associe à l'angoisse des familles de Saint-Pierre-et-Miquelon, où quatre Saint-Pierrais ont disparu à la suite du chavirage de leur bateau. Les recherches sont en cours ; nous espérons tous qu'elles aboutiront.

M. le président.  - Le Sénat partage, comme vous, l'inquiétude des familles.

L'amendement n°II-161 est retiré.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 3 décembre 2008, à 10 h 30.

La séance est levée à 1 h 20.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 3 décembre 2008

Séance publique

A DIX HEURES TRENTE, A QUINZE HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n°98, 2008-2009)

Rapport (n°99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation

Examen des missions :

- Enseignement scolaire

MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux (rapport n°99, annexe n°13)

M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome V)

- Aide publique au développement (+ articles 59 quinquies et 59 sexies)

Compte spécial : accords monétaires internationaux

Compte spécial : prêts à des états étrangers

M. Michel Charasse, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°4)

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial (Compte spécial : accords monétaires internationaux, rapport n°99, annexe n°4)

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome II)

MM. Christian Cambon et André Vantomme, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n°102, tome III)

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 59 A à 59 D, 59, 59 bis, 59 ter et 59 quater)

Compte spécial : développement agricole et rural

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°3)

MM. Gérard César, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor et François Fortassin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n°101, tome I)

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Jean-Paul Fournier, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Gérard Cornu, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Sylvie Desmarescaux, M. Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Jean Faure, Alain Fouché, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Michel Houel, Mme Lucienne Malovry, MM. Alain Milon, Robert Navarro, Louis Pinton, Hugues Portelli et François Zocchetto une proposition de loi visant à rendre permanent le principe de parité au sein du tableau des adjoints au maire des communes de 3 500 habitants et plus ;

- M. Alex Türk et Mme Sylvie Desmarescaux une proposition de loi relative à l'inscription d'une initiation à l'utilisation du défibrillateur cardiaque entièrement automatique dans le déroulement de la Journée d'appel de préparation à la défense.