Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Aide publique au développement

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », du compte spécial « Accords monétaires internationaux » et du compte spécial « Prêts à des États étrangers ».

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M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Pour la deuxième année consécutive, je vous présente le programme de mon ministère au sein de la mission « Aide publique au développement » ; pour la deuxième année consécutive, la commission des finances -habilement éclairée par l'expertise de M. Charasse, son rapporteur spécial depuis 1992- m'a fait l'honneur de les adopter sans modification. Pourtant, ce débat comporte des innovations, puisque MM. Duvernois, Cambon et Vantomme présentent pour la première fois l'avis de la commission des affaires culturelles et celui de la commission des affaires étrangères.

Je commencerai par évoquer notre politique de développement solidaire.

La nomenclature budgétaire montre que nous sommes passés du codéveloppement au développement solidaire, l'évolution sémantique exprimant une évolution politique. En effet, le codéveloppement consiste à soutenir les initiatives d'immigrants en faveur de leur pays d'origine, alors que le développement solidaire ajoute l'organisation des flux migratoires et l'action au service du développement des pays sources. Inscrit dans l'action de l'Union européenne, le développement solidaire couvre tous les aspects de la politique migratoire, en poursuivant deux objectifs : la maîtrise des flux migratoires et la réduction de la pauvreté dans les pays d'origine.

Des résultats ont déjà été obtenus en 2008, grâce à une dizaine de collaborateurs au sein de cette administration d'état-major : nous soutenons 120 projets dans 23 pays ; nous avons conclu sept accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. D'autres discussions en cours doivent déboucher bientôt sur de nouveaux accords.

L'année prochaine, nous poursuivrons ces orientations, qui devraient coûter 97,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 74,5 millions en crédits de paiement pendant la période 2009-2011. Toute comparaison entre les années 2008 et 2009 est délicate, car les autorisations d'engagement actuelles seront reprises l'année prochaine en exécution.

A l'attention de M. Charasse, que je sais particulièrement intéressé par cette question, je précise que nous avons atteint en 2008 un niveau remarquable d'exécution budgétaire, à concurrence de 80 % des autorisations d'engagement.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Il faudrait communiquer le « tuyau » à l'Europe, pour qu'elle en fasse autant !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Servons de référence : ce sera une première étape.

Ce résultat a été obtenu grâce à la mobilisation d'un service qui n'existe seulement que depuis le 1er janvier.

J'ai lu avec attention les rapports de vos commissions. Je remercie M. Duvernois, qui a souligné le lien essentiel entre la maîtrise du français et l'intégration. La promotion de notre langue est une composante majeure de notre action. Depuis le 1er décembre, les formations et tests linguistiques du futur contrat d'accueil et d'intégration sont organisés dans les pays d'origine. Leur existence est approuvée par 80 % des Français sondés à ce sujet.

La richesse et l'exhaustivité du rapport de M. Charasse font honneur à sa réputation d'expert en aide publique au développement. Vous avez mis en exergue, monsieur le sénateur, le caractère novateur du programme 301 et la cohérence de notre politique avec le cadre communautaire. En effet, le pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté les 15 et 16 octobre à l'unanimité des États membres, se fixe pour objectif une Europe ouverte, agissant en concertation avec les pays d'origine. Vous avez également rappelé l'organisation à Paris de la seconde conférence franco-africaine sur la migration et le développement. Réunissant 80 délégations, elle a arrêté, à l'unanimité, un programme de travail triennal comportant 106 mesures concrètes destinées aux pays d'origine ou de transit. A juste titre, vous avez souligné la polyvalence du personnel de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (Anaem). Elle sera encore amplifiée dans l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), qui lui succédera le 1er janvier. Cette structure, placée sous la tutelle de mon ministère, disposera de relais à l'étranger, où elle accentuera notre politique d'immigration professionnelle et soutiendra des micro-projets. Concrètement, un peu plus de 350 projets sont soutenus, pour 2,5 millions d'euros en autorisation d'engagement, soit environ 7 100 euros en moyenne. Au Mali ou en République démocratique du Congo, c'est un véritable capital de départ !

J'en viens aux produits d'épargne codéveloppement. Leur montée en puissance, qui dépend largement des banques, reste lente. Des accords ont été signés par Bercy, notamment en 2007 avec les caisses d'épargne et en 2008 avec l'Union tunisienne de banque. Mais il est indispensable d'amplifier ce mouvement, de lancer des initiatives et de stimuler encore. Vous connaissez la situation des banques...

Les transferts de fonds opérés par les migrants représentent 8 milliards d'euros pour la France, soit l'équivalent de notre aide au développement. Il s'agit donc d'un phénomène majeur, que nous étudions de concert avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, pour mieux appréhender notamment ses conséquences pour les pays d'origine. Sur la base de ces travaux, la France a créé un fonds fiduciaire chargé de mieux soutenir les micro-financements, de développer l'assurance et d'utiliser les nouvelles technologies au service des transferts. MM. Cambon et Vantomme ont rappelé que nous voulions doter ce fonds de 9 millions d'euros en trois ans. Aujourd'hui, 6 millions sont déjà engagés dans le cadre d'un accord avec la Banque africaine de développement, signé la semaine dernière à l'occasion de la Conférence euro-africaine sur la migration et le développement. Je précise que les livres et comptes d'épargne développement, produits de moyen terme, n'occasionneront aucune dépense fiscale l'année prochaine.

Faut-il fusionner les deux premiers indicateurs et en créer un nouveau, relatif à l'épargne développement ? Je ne vois pas d'inconvénient à la fusion suggérée, que nous préparerons pour 2010. Pour ce qui est de l'indicateur dédié à l'épargne développement, nous devons encore voir ce qu'elle deviendra, mais je crois à son avenir.

J'en viens à l'articulation entre le développement solidaire et le cadre partenarial.

J'ai proposé, dans le cadre du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qu'à l'occasion de la révision des documents-cadres de partenariat la dimension migratoire soit mieux prise en compte.

J'y insiste : pour la première fois la France se donne les moyens d'une véritable politique de développement solidaire. La nouvelle politique d'immigration de la France, que j'ai été chargé de mettre en oeuvre, tient compte de l'enjeu fondamental qu'est le développement économique des pays source d'immigration. Ne nous y trompons pas : le défi de la maîtrise des flux migratoires est immense. Pour le mener à bien, il n'y a qu'une seule méthode : le dialogue, la concertation et le partage. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances.  - L'aide publique au développement baisse sensiblement en part du RNB depuis deux ans, et les perspectives pour 2009 demeurent incertaines. Malheureusement, la France ne fait pas exception à cette tendance internationale, avec une aide de 0,38 % du RNB en 2007 et 0,37 % prévus en 2008, soit 7,3 milliards d'euros, hors taxes sur les billets d'avion.

Comme chaque année, on annonce une forte augmentation de l'aide au développement pour l'année suivante -près de 2,3 milliards d'euros de plus pour la France en 2009- mais je doute que nous y arrivions, car les aléas pesant sur les annulations de dettes sont élevés. Même si la réalité est plus complexe, les pays pauvres ont le sentiment de faire les frais de la crise économique et financière, quand les nations développées sont si promptes à recapitaliser leurs banques et à garantir le crédit interbancaire.

Certes, le Président de la République a assuré samedi dernier à Doha que l'Union européenne respecterait sa promesse de consacrer 0,7 % de son RNB à l'aide en 2015. Mais nous devrons fournir un effort énorme à partir de 2010 pour tenir le rythme, alors que la programmation triennale jusqu'en 2011 ne prévoit que la stabilité de l'aide en euros constants, du moins sur le plan budgétaire. Nous savons d'ores et déjà que les « objectifs du millénaire » ne pourront malheureusement pas être atteints partout, en dépit de réels progrès accomplis dans plusieurs domaines : réduction de la mortalité infantile, traitement des pandémies, éducation primaire.

Les chiffres sont importants, mais ils ne peuvent résumer à eux seuls la finalité de l'aide. Dans une période de fortes tensions budgétaires, il n'y a plus vraiment de domaine sanctuarisé. L'essentiel est donc d'assurer avant tout la lisibilité et l'efficacité de notre aide, et de mobiliser de nombreux acteurs sur des projets précis aux effets mesurables.

De ce point de vue, la récente évaluation conduite sous l'égide de l'OCDE a montré que notre système était encore trop complexe et compartimenté. Des réformes structurantes ont cependant été entamées : redéfinition de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), recentrage de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), pilotage plus pointu et vigilant des opérateurs, fusion des Services de coopération et d'action culturelle (Scac) et des instituts culturels, mobilisation de nouvelles ressources et de nouveaux acteurs. L'État ne peut tout faire lui-même ; il doit aussi, par sa force d'entraînement et son rôle prescripteur, accroître l'effet de levier de ses concours.

Cette recherche d'efficacité est conforme aux principes de la déclaration de Paris de mars 2005, et se traduit dans les nouveaux objectifs et indicateurs du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui sont pertinents et restituent beaucoup mieux les dimensions de l'aide. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, la stratégie et les moyens de votre initiative « Cap 8 », qui a l'ambition de renouveler notre coopération avec l'Afrique ?

Simplification et lisibilité de la stratégie de l'État, recours à des opérateurs, renforcement de l'Agence française de développement (AFD) comme opérateur privilégié sur tous les secteurs relevant des « objectifs du millénaire », différenciation de l'aide en prenant également en compte nos intérêts politiques, économiques et migratoires... Tout cela est légitime si les opérateurs n'agissent pas en électrons libres, s'ils ne reproduisent pas à leur tour gaspillages et doublons, et si leurs initiatives et projets sont parfaitement cohérents avec les priorités de l'action extérieure de l'État. La contractualisation des objectifs et des moyens est donc un préalable nécessaire.

Pouvez-vous nous décrire, monsieur le ministre, les contours et les modalités de création du futur opérateur sur la mobilité, qui regroupera notamment Egide et France coopération internationale (FCI) ?

La RGPP doit également aboutir à un meilleur suivi de nos contributions aux organismes et fonds multilatéraux, qui peuvent être appréhendés comme de quasi-opérateurs. Nous prévoyons, Christian Cambon et moi-même, d'effectuer un contrôle conjoint sur ce thème dans les prochains mois.

Cela est d'autant plus nécessaire que le canal multilatéral, mystérieux et invisible pour les populations, exerce une contrainte croissante sur notre budget d'aide publique au développement, au détriment de l'aide-projet bilatérale, visible, dont les crédits de paiement diminueraient de près de 22 % en 2009. Je regrette fortement cette inflexion car cette aide est sans doute la plus perceptible pour les populations, et je vous proposerai à cet égard un amendement permettant d'augmenter significativement les subventions-projets à l'AFD.

L'emprise de l'aide multilatérale est également illustrée par le Fonds européen de développement (FED), dont la dotation budgétaire en 2009 est probablement sous-budgétisée comme en 2008. Les décaissements du fonds progressent indéniablement. Mais quiconque se rend sur le terrain constate que les progrès sont plus lents que la croissance des effectifs des délégations ; on peut d'ailleurs être choqué par le luxe dans lequel celles-ci sont parfois installées, alors que nos propres services vivent chichement. Les procédures restent complexes malgré la déconcentration, et les décaissements privilégient les dotations multilatérales et l'aide budgétaire plutôt que l'aide-projet. Cela n'a pas empêché d'adopter un dixième FED de 22,7 milliards d'euros, soit près de 80 % de plus que le précédent ! Doit-on s'attendre à ce que les versements de ce fonds se poursuivent jusqu'en 2020 ? Je me le demande.

La lourdeur et l'inertie de ce « paquebot », qui mobilise le quart des crédits budgétaires, sont inquiétantes, et je souhaite connaître l'état d'avancement des négociations avec nos partenaires européens sur sa budgétisation. Je relève cependant que l'Europe est capable d'agir rapidement dans certaines circonstances, comme l'illustre le récent accord sur le financement de la Facilité alimentaire, pour un milliard d'euros supplémentaire sur trois ans.

Il reste que nos débats et considérations budgétaires sur la mission « Aide publique au développement » ne concernent que le tiers de notre effort global d'aide prévu en 2009. Je ne reviens pas sur les raisons de cette inévitable discordance entre crédits de la mission, crédits budgétaires et montant notifié à l'OCDE. Je persiste néanmoins à regretter la débudgétisation intégrale des contrats de désendettement-développement, ainsi que la quasi-contraction de dépenses et de recettes que constitue le « recyclage » du résultat de l'AFD. Je vous présenterai un amendement qui a pour but de mettre fin à cette pratique contraire à la Lolf et régulièrement dénoncée par la Cour des comptes.

Je déplore également l'opacité, que je finis par croire délibérée, de la comptabilisation de l'écolage et de l'aide aux réfugiés au titre de l'aide publique au développement. Le document de politique transversale, détaillé et éclairant sur bien des points, est quasiment muet sur ce sujet et les ministères ne se donnent même plus la peine de répondre à nos questions. Le syndrome de la « boîte noire » n'a pas disparu. Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer l'information du Parlement en la matière ? Je m'interroge aussi sur les perspectives de renégociation des critères de notification à l'OCDE, afin d'inclure certaines dépenses et d'en exclure d'autres.

Je terminerai par quelques observations sur la politique de développement solidaire, encore modeste en termes de crédits mais qui n'en a pas moins de grandes ambitions. Le rôle de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem) et les cofinancements de projets prennent progressivement de l'ampleur, en particulier dans des pays-pilotes tels que le Sénégal ou le Mali. Il importe donc que ces dispositifs soient intégrés dans les documents-cadres de partenariat et bien coordonnés avec les ambassades au niveau local.

Il me semble aussi que le plafond de 7 000 euros pour l'aide au projet individuel financée par l'Anaem est insuffisant pour amorcer la création d'entreprises dans les pays partenaires. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait en fait d'une moyenne, mais c'est encore trop peu. Il conviendrait de porter le montant de cette aide à 15 000 ou 20 000 euros, tout en l'assortissant de conditions strictes quant au sérieux et à la viabilité du projet présenté.

Enfin les deux instruments de mobilisation de l'épargne des migrants, le compte épargne codéveloppement et le livret d'épargne codéveloppement, démarrent très lentement. Seules deux conventions ont été signées, et la Banque postale ne distribue pas ces produits alors qu'elle devrait le faire au premier chef. Il y a pour l'heure très peu de souscripteurs, et il faudra donc s'interroger sur l'opportunité du maintien de ces dispositifs s'ils ne parviennent pas réellement à décoller.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose de voter les crédits de cette mission, sous réserve de deux amendements que je vous présenterai tout à l'heure. C'est mon collègue Edmond Hervé qui vous présentera la partie du rapport consacrée aux comptes spéciaux. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux » ont leur importance, bien qu'il s'agisse de deux missions hors budget général. Le premier comporte 2,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,147 milliards de crédits de paiement. Le programme 851 prévoit un montant de prêts de 1,8 milliard d'euros et concerne 24 pays. Vous nous proposerez, madame la ministre, un amendement visant à augmenter de 350 millions d'euros les autorisations d'engagement du programme afin de permettre l'instruction de nouveaux projets. (Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État, le confirme)

En ce qui concerne le financement de projets dont la réalisation fait appel à des biens et services français, et qui soutiennent donc l'expansion internationale des entreprises françaises, pourriez-vous nous éclairer sur les activités et les territoires concernés ?

Le programme 852 est dédié aux allégements et annulations de dette. II réunit à la fois l'aide aux pays pauvres très endettés, lancée en 1996, et l'annulation de la dette multilatérale, décidée en 2005. L'impact budgétaire de ces annulations est limité, puisqu'elles représentent moins de 7 % de l'aide publique au développement. Les prévisions restent aléatoires : j'en veux pour preuve le report récurrent des annulations au profit de la République du Congo et de la Côte-d'Ivoire. II est également difficile d'obtenir des données fiables et cohérentes sur les annulations de créance décidées par la Coface : je l'ai souvent fait remarquer dans d'autres enceintes.

Dans un souci de soutien, les membres du Club de Paris seraient bien inspirés d'adapter les conditions de remboursement à la situation des débiteurs.

Le deuxième compte, qui intéresse la zone franc, n'est pas plus doté en 2009 qu'en 2008. Concernant les accords monétaires internationaux, il décrit une forme originale de coopération. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur les perspectives économiques de l'Union monétaire ouest-africaine, de l'Union monétaire d'Afrique centrale et de l'Union des Comores ?

Je vous propose, au nom de la commission des finances, d'adopter ces deux comptes. (Applaudissements)

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Les crédits consacrés à la francophonie sont en partie inscrits au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». La francophonie occupe en effet une place à part dans notre politique extérieure, ainsi qu'en témoigne sa consécration lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008 à la suite d'un amendement du président Legendre dont j'étais cosignataire.

Autre motif de satisfaction, notre commission a été enfin entendue sur la rationalisation administrative de la politique francophone. La future direction générale des affaires politiques et multilatérales devrait comporter une direction consacrée à l'organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs. Je me réjouis que la francophonie gagne ainsi en visibilité administrative comme vous vous y étiez engagé devant la commission des affaires culturelles, et je vous félicite de vos efforts en ce sens.

Les crédits à la francophonie inscrits au programme 209 sont en très légère hausse, 68 millions d'euros allant à l'Organisation internationale de la francophonie. Toutefois, je m'inquiète de la tendance à la baisse des crédits consacrés à la promotion du français par la direction générale de la coopération internationale et du développement : moins 37 % sur le programme 209 et moins 35 % sur le programme 185. Bien que conscient des contraintes qui pèsent lourdement sur notre budget, je regrette cette baisse sensible, qui fragilise notre action linguistique extérieure, d'autant plus qu'en seconde délibération, l'Assemblée nationale a encore minoré l'« Aide publique au développement ».

La politique francophone n'a pas à se fondre dans l'organisation internationale de la francophonie qui va vers ce que Dominique Wolton appelle « une ONU bis sans moyens ». La France doit user d'outils bilatéraux qu'elle contrôle et par lesquels elle obtient un meilleur retour sur investissement. Passons d'une politique francophone de contribution à une politique d'initiative ! Il serait absurde que des associations très prometteuses fassent les frais des restrictions budgétaires et il en est de même pour Planète jeunes ou Planète enfants, deux initiatives très appréciés des jeunes francophones. Comment se réapproprier la francophonie si elle se cantonne aux enceintes internationales ? Il faut au contraire montrer aux Français qu'ils ont leur part de responsabilité : votre projet de portail francophone va donc dans le bon sens.

Les collectivités territoriales nouent des coopérations décentralisées et les territoires ultramarins entretiennent des liens étroits avec les pays qui les entourent. Pourquoi ne pas en faire une fenêtre de la politique francophone en vous appuyant plus fortement sur le levier de la coopération décentralisée ?

Sur le plan économique, la francophonie a des valeurs propres à faire valoir quand le système financier d'inspiration anglo-américaine traverse une crise profonde : saisissez cette occasion de mettre en avant les principes d'une économie mondialisée de développement solidaire et durable dans le respect de la diversité culturelle, consacrée à la convention Unesco de 2005.

Bien que cela concerne la mission « Médias », je veux rappeler que l'audiovisuel extérieur français continue de faire l'objet de nombreuses interrogations et qu'il faudra clarifier les rapports entre son pilotage stratégique et sa tutelle administrative et financière.

En dépit des réserves sur l'insuffisance des crédits consacrés à la promotion du français, la commission a donné un avis favorable à cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - L'effort français en faveur du développement représente le tiers de la mission. L'engagement de parvenir à 0,7 % de la richesse nationale d'ici 2015 nous fixe une feuille de route mais suscite des interrogations : où en sommes-nous en 2009 ? Nous n'en avons pas une idée très nette et quand les documents budgétaires disent 0,47 % vous préférez vous engager sur 0,41 %. Il est vrai que certaines annulations de dettes prévues pour 2009 l'avaient été pour 2007 et 2008. Retracer notre effort est une tâche nécessaire mais complexe et cette complexité même conduit à remettre en doute la réalité de notre effort, en commençant par les annulations de dettes. Il est vrai que l'OCDE, dont les normes comptables ne sont pas toujours précises, nous reproche, de même que les ONG, une comptabilisation extensive des frais d'accueil des étudiants comme des réfugiés, ainsi que de la recherche pour le développement. Tout cela ne peut qu'être constaté a posteriori et, faute de résulter d'un véritable choix, donne un aspect artificiel à l'aide au développement.

Troisième bailleur mondial, notre pays consent un effort important mais composite et dispersé. Tout l'enjeu de la réforme annoncée est de reprendre l'initiative et de définir une stratégie claire qui nous assure un rayonnement à la hauteur de nos ambitions. Il est nécessaire et légitime que cet effort soit orienté vers les plus déshérités. Il faut en effet prendre garde à ne pas les abandonner au profit des pays émergents, car une subvention et un prêt accordé à des conditions voisines du marché sont deux choses bien différentes.

Conflits, crises financière et alimentaire bouleversant chaque année nos priorités, je plaide pour un système souple, appuyé sur une réflexion stratégique solidement charpentée. La création du véritable état-major qu'est la Direction générale de la mondialisation vise à renforcer la cohérence globale de notre action extérieure. La réforme engagée en 1988 accomplit ainsi un transfert qui avait privé de crédits la centrale comme les services extérieurs. Les services de coopération et d'action culturelle fusionneront avec les opérateurs culturels, le directeur local de l'Agence française de développement devenant conseiller de l'ambassadeur.

Cette réforme logique et souhaitable ne sera viable que si la nouvelle direction générale change véritablement de nature avec un volume de crédits disponibles raisonnable.

M. Cambon va rappeler que la commission des affaires étrangères recommande l'adoption des crédits de la mission.

Permettez-moi cependant d'exprimer, comme co-rapporteur, quelques observations. La France est tenue par ses engagements, notamment européens, qui doivent se traduire par une augmentation régulière de son aide au développement, de 0,51 % du PIB à l'horizon 2010, à 0,7 % en 2014. Or, les documents de politique transversale ne retiennent qu'un taux de 0,41 % en 2010, inférieur à ces engagements. La Commission nous reproche de surcroît des méthodes comptables peu orthodoxes en matière d'allègement de dette, qui majorent notre effort de 2 milliards, et un gonflement des frais d'écolage et des frais d'accueil des étrangers sur le territoire français.

Votre souci, enfin, monsieur le ministre, de sacrifier pour une bonne part les subventions pour développer, via l'AFD, une politique de prêts, pourrait entraîner une réorientation de notre aide vers les pays émergents au détriment des pays de l'Afrique subsaharienne. Pour toutes ces raisons, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de cette mission.

M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Dans un contexte budgétaire difficile, les crédits de l'aide publique au développement sont globalement préservés. Cette enveloppe stable est cependant marquée par une forte augmentation de nos contributions multilatérales. Le programme 110, structurellement consacré aux crédits multilatéraux, supporte la contribution de la France aux guichets de développement des institutions de Bretton Woods ainsi qu'à toute une série de banques régionales et de fonds multilatéraux, témoignant de la multiplicité des structures d'intervention régionales ou sectorielles.

Le programme 209 supporte l'aide héritée de l'ancien ministère de la coopération, soit les projets bilatéraux et la coopération culturelle. Il a cependant quelque peu changé de nature sous l'effet de la progression, de 7 % des programmes multilatéraux qu'il supporte, pour une enveloppe en très légère diminution. Ces contributions représentent désormais 62 % des crédits du programme et même plus de 67 % si l'on excepte les dépenses de personnel. Elles sont marquées par le fort dynamisme de notre contribution au Fonds européen de développement, en augmentation de 11 %, et qui représente 40 % des crédits du programme. Si nos engagements sont clos pour le neuvième FED, plus de 2 milliards de contribution restent à appeler.

Si la commission des affaires économiques soutien notre engagement européen, elle estime que les performances du FED ne justifient pas une telle contribution et souhaiterait son intégration au budget communautaire.

La contribution de la France au Fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s'établit à 300 millions, en augmentation de 70 %. La réussite de ce fonds, qui a réussi à mobiliser des ressources financières confortables, à hauteur de 11,8 milliards de dollars, a cet effet paradoxal que 5 milliards n'ont pu être décaissés, faute de projets. Votre commission entend s'employer, en 2009, à rechercher les moyens de mener une action plus efficace contre ces pandémies.

L'augmentation de nos contributions multilatérales a un effet d'éviction certain sur notre effort bilatéral. Le programme 209 a ainsi vu ses crédits bilatéraux passer de 670 millions à 592 millions, alors même que son périmètre d'intervention s'est élargi à Canal France international, au groupement d'intérêt public Esther, tandis qu'il doit réserver une plus large place à CultureFrance, aux ONG et à la politique du genre. Ainsi, les projets de gouvernance et de lutte contre la pauvreté diminuent de 13 %.

La contraction des subventions risque de toucher les pays les plus pauvres qui ne sont pas éligibles à l'intervention sur prêts, et d'entraîner mécaniquement un glissement de notre aide vers les pays à revenu intermédiaire ou émergents. Elle prive également la France de la capacité de mobiliser des financements internationaux, notamment européens, via des cofinancements. Notre poids dans les enceintes multilatérales est lié à la crédibilité de notre propre effort bilatéral. Nous souhaitons qu'il retrouve des marges de manoeuvre pour mener une coopération qui doit s'appuyer sur une large palette d'instruments.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

M. François Fortassin.  - L'aide publique au développement constitue un élément clé de notre action diplomatique. Elle est connue du grand public depuis les années 1960, avec la création du ministère de la coopération. Il s'agissait de faire preuve, comme la France a toujours su le faire, de générosité envers les populations les plus démunies de la planète et, pour certains, faire oublier les affres du colonialisme.

Cette volonté de coopération, monsieur Charasse l'a rappelé, a été, et très récemment encore, réaffirmée par le Président de la République. Mais on constate un décalage entre les objectifs déclarés et les résultats. Certains problèmes sont récurrents : les annulations de crédits brouillent la sincérité budgétaire ; trop de crédits ne sont pas engagés en raison de retards importants dans les programmes ; le nombre des ONG, qui font certes un travail remarquable, provoque une certaine « perte en ligne » : on en compte 4 500 rien qu'à Paris !

Et que dire de certaines formes nouvelles du langage diplomatique, qui tient aux populations les plus pauvres le langage prétentieux du « millénaire du développement », du « manque de sélectivité », de la « conditionnalité aux performances », de « l'indicateur d'impact », de « l'efficience exogène », avec son pendant naturel, « l'efficience endogène », (Mme Nathalie Goulet apprécie) sans parler de l'« aide au Cap 8 » dont a parlé M. Charasse et sur laquelle les sénateurs de base que nous sommes attendent des explications...

Notre politique d'aide au développement résulte donc de la combinaison difficile de la pluralité des missions dévolues à divers ministères et de celle du ministère de la coopération, fondée en son temps sur le rayonnement de la France. On peut regretter qu'alors des lignes directrices n'aient pas été affirmées. Elles ne le sont pas plus aujourd'hui.

L'essentiel de l'aide doit aller au terrain, où sont les besoins. L'aide multilatérale, si elle est utile sur des questions comme la lutte contre le sida, reste d'une grande opacité, mal contrôlée et dispendieuse. Face à des populations dans la plus grande misère, ne serait-ce pas manquer de dignité que de s'accommoder de ces travers ?

L'action bilatérale est de loin préférable : elle est plus visible, plus facile à contrôler et assure mieux le rayonnement de notre pays. Nous devons mener un effort très attentif de renforcement de la démocratie dans certains pays. Quand la démocratie se renforce, le développement suit.

L'action remarquable des collectivités locales en matière de coopération décentralisée mériterait d'être mieux connue, ce qui éviterait les doublons. Permettez-moi de mettre ici en exergue l'action emblématique menée au Laos, pour la sauvegarde du patrimoine, à l'initiative de MM. Faure et Dauge, dont je salue l'engagement.

Il est bien regrettable que cette initiative ne soit pas davantage valorisée, car elle est exemplaire !

Il est certainement bienvenu d'envoyer des équipements médicaux en Afrique ou ailleurs lorsque les médecins français s'en séparent. Encore faut-il s'assurer qu'on ne les envoie pas là où il n'y a pas d'électricité !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Sans jeu de mot, c'est assez courant ! (Sourires)

M. François Fortassin.  - Pour aider des populations démunies, une ONG n'a pas trouvé mieux que d'envoyer dans une région du Pérou où l'on parle espagnol et quechua, une jeune française anglophone et spécialiste du tourisme, qui ne parlait ni l'espagnol, ni le quechua, pour six mois !

Enfin, l'Agence française du développement doit être plus visible. La France est perçue comme un exemple de générosité: nous ne devons pas faillir à notre réputation ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et au centre)

M. Robert del Picchia.  - Je félicite M. Hortefeux pour son budget, nous y sommes très sensibles depuis l'étranger, de même que pour les mesures relatives à la langue française, facteur d'intégration par excellence. Le pacte européen sur l'immigration et l'asile encourage les États membres à la signature de conventions qui ressemblent fort à celles que la France a signées sur le plan bilatéral : c'est un motif de satisfaction supplémentaire.

L'an passé, j'avais attiré l'attention sur le cas de nos compatriotes retraités d'Afrique, qui ne perçoivent plus leur retraite des caisses africaines de sécurité sociale ; j'avais déposé un amendement visant à créer un programme pour apurer la dette du Congo, où 500 retraités ne touchent plus leur retraite depuis quinze ans ! J'avais reçu le soutien du secrétaire d'État, tout comme de M. Charasse...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - C'est exact !

M. Robert del Picchia.  - ... pour demander qu'il n'y ait pas de nouvel engagement de la France envers le Congo tant que cette affaire serait en suspens. Le surlendemain, M. Bowao, le ministre congolais de la coopération, me présentait un échéancier de paiement des arriérés de pension des dix dernières années. Je suis heureux de vous annoncer que notre démarche a abouti, et que l'État congolais a pris les mesures nécessaires au règlement du problème. Je remercie le président M. Sassou-Nguesso, son ministre M. Bowao, ainsi que notre ambassadeur à Brazzaville.

Un problème subsiste cependant : le rapatriement des pensions est taxé à 20 % par le Congo ! Ce niveau de prélèvement pour un virement international est inacceptable. Monsieur le ministre, je compte sur votre soutien pour que le prélèvement soit fixé à un niveau plus honnête et je voterai votre budget ! (Applaudissements à droite)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Je ne serai pas aussi optimiste avec ce budget : il traite l'aide publique au développement comme une bonne action à laquelle nous nous plierions comme des boy-scouts, alors que c'est l'un des piliers de notre action internationale, avec la diplomatie et la défense.

Les chiffres de l'aide publique au développement mentent : la moitié de notre aide est factice, l'aide bilatérale qui stagne depuis 2001 à 1,7 milliard, baisse de 12 % l'an prochain. De surcroît, le décret du 28 novembre 2008 annule 27 millions en autorisations d'engagement et plus de 34 millions en crédits de paiement : Monsieur le ministre, quels seront les secteurs frappés par cette annulation ?

La France, acteur de premier rang des conférences internationales sur le développement, se prétend le troisième bailleur mondial d'aide publique au développement, avec plus de 9,5 milliards en 2009. Mais cette somme comptabilise des dépenses sans relation avec le développement. Certes, notre pays ne fait que se conformer aux règles définies au sein de l'OCDE, mais il y a un abîme entre l'aide virtuelle et l'aide réelle ! Nous déclarons pour plus d'un milliard les frais d'accueil des étudiants étrangers ou des réfugiés, sans rapport avec l'aide publique au développement. Ou encore, 2,4 milliards en 2009, d'annulations de dettes, dont certaines sont commerciales, par exemple avec l'Irak ou le Nigéria. Nous ne craignons pas de déclarer les mêmes annulations de dettes plusieurs années de suite : celle de la Côte-d'Ivoire, par exemple, à trois reprises.

Les crédits véritablement disponibles pour l'aide publique au développement ne représentent plus que 6,3 milliards, auxquels s'ajoutent les prêts de l'Agence française du développement, qui passent de 469 millions à 927 millions.

Nous avons choisi de financer massivement des structures européennes et onusiennes d'aide : nos financements multilatéraux représentent les deux tiers de la mission. Or, faute d'une forte présence directe sur le terrain, en coopération bilatérale, nous n'avons plus les hommes ni les instruments qui pourraient orienter et évaluer les actions de ces grandes structures. Ce choix du multilatéral peut être tactique : nous mettrions l'aide à l'abri des réductions budgétaires puisque l'aide multilatérale est contrainte par nos engagements internationaux, tandis que l'aide bilatérale ne l'est pas. Le paysage de l'action multilatérale s'est singulièrement compliqué ces dernières années, au gré de la création de fonds pour répondre aux nouveaux problèmes qui surgissent. Le plus souvent, ces fonds ne sont pas eux-mêmes opérateurs des crédits dont ils disposent et nous assistons à des situations absurdes où le bailleur recherche désespérément des projets à financer et des acteurs pour les mettre en oeuvre, alors que des pans entiers des besoins sociaux et économiques sont orphelins de l'aide.

La crise alimentaire est venue nous rappeler combien le développement rural et l'agriculture, priorités traditionnelles de notre coopération bilatérale, avaient été délaissés par les grandes organisations, qui ont au contraire aggravé la dépendance alimentaire des pays pauvres. La France sacrifie aux fonds multilatéraux les instruments de son aide bilatérale, qui lui permettraient d'y peser. Résultat, elle peine à faire valoir ses points de vue. A force de tout embrouiller, structures comme objectifs, la France apparaît velléitaire, incompréhensible et sans moyens.

L'action du ministère, qui prétend acheter l'enfermement des migrants à leurs gouvernements, défigure la notion de coopération. Dans son discours du Cap, le Président de la République a évoqué la hausse des engagements financiers bilatéraux pour l'Afrique subsaharienne : autant dire que les prêts vont se substituer aux dons ! Or pour réaliser un projet, il faut qu'une part de don amorce la dynamique du prêt. Les prêts sont avant tout consentis aux pays émergents -la Chine en est le dixième bénéficiaire en 2007- et servent à soutenir les affaires des amis, Bouygues ou Bolloré, en endettant les pays trop pauvres !

La France est de plus en plus pingre, plus avare de son argent que du sang de ses soldats en Afghanistan, pour reprendre la formule de Serge Mikhaïlof... (Mouvements à droite) Nous voulons un budget généreux et sincère d'aide au développement, non ce faux-semblant, que nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Robert Hue.  - L'autosatisfaction du Gouvernement est indécente, alors que les aides aux pays les plus pauvres ne cessent de diminuer, ou sont employées à des fins tout autres que l'éradication de la pauvreté. Alors que 76 % des Français, malgré la crise, souhaitent que l'aide soit maintenue, voire augmentée, que M. Joyandet déclare qu'il faut « sauver les banques mais aussi les pauvres », et que le Gouvernement se veut ambitieux, la réalité est cruelle ! Les pays de l'OCDE ont réduit leur aide pour la deuxième année consécutive, ce qui rend peu crédible l'objectif du G8 d'augmenter de 50 milliards l'aide aux pays les plus pauvres.

L'objectif de 0,7 %, reporté de 2012 à 2015, ne sera sans doute pas atteint. De 0,49 % en 2006, notre aide est passée à 0,37 % en 2007, 0,38 % en 2008, et plafonnera à 0,40 % en 2009. Cette hausse en trompe-l'oeil intègre des allégements de dettes, aléatoires et imprécis, et les prêts, accordés en priorité aux pays émergents au détriment des moins avancés, pénalisés par les conditions peu avantageuses offertes par l'AFD -dont les crédits diminuent. A l'instar de Coordination Sud ou Oxfam, les ONG dénoncent la baisse de l'aide publique. Ce sont 49 millions de subventions qui sont supprimés pour l'Afrique de l'ouest, 19 millions pour l'Afrique centrale. Pas moins de 55 projets sont abandonnés : lesquels seront maintenus, et comment ?

Les objectifs du millénaire sont devenus secondaires, sauf pour les pays à enjeu politique. Les Africains pourront bien attendre, et notamment les réfugiés de RDC ! L'aide publique au développement est tronçonnée selon les priorités politiques du Président de la République, au lieu d'être dictée par la nécessité. Le Président Sarkozy avait pourtant fait de la lutte contre la pauvreté en Afrique son cheval de bataille. Mais les 2,5 milliards promis lors de son voyage en Afrique du Sud sont destinés au secteur privé ! Quid de la santé, de l'éducation ? Qui va contrôler l'utilisation de ces fonds ? Le « nouvel ordre mondial » voulu par le Président de la République devrait être guidé par l'exigence d'humanité et de justice sociale, non par des priorités politiques et des intérêts privés ! Les pays les plus riches sont favorisés dans les négociations commerciales : j'en veux pour preuve les accords ACP, pour le moins déloyaux.

L'action du ministère de l'immigration, devenu depuis ministère du développement solidaire, entretient la confusion entre migration et développement. Voulons-nous que les personnes concernées puissent vivre dans leur pays avec leurs propres ressources, ou préférons-nous puiser chez eux la main-d'oeuvre qui nous intéresse à coups d'accords de « gestion concertée » ? Les transferts financiers sont bien plus importants pour les villageois africains que l'aide elle-même ! On s'entend pour s'accaparer leurs élites et, en retour, les inonder de biens manufacturés ou organiser le retour de ceux dont on ne veut pas ! Tout ceci est inhumain et indigne.

La visibilité et l'efficacité de notre politique envers les pays les plus pauvres sont en question. Quelles sont les réelles intentions de la France par rapport aux objectifs du millénaire ? Le Parlement doit être informé et, le cas échéant, valider un calendrier précis. Pour l'heure, il n'est pas question pour le groupe CRC-SDG d'adopter un tel budget.

M. Georges Patient.  - Je me fais aujourd'hui le porte-parole de M. Antoinette, retenu en Guyane par une grave crise sociale, déclenchée par le prix du carburant à la pompe, le plus cher au monde. La Guyane est victime de son enclavement, de monopoles démesurés, avec des denrées de base deux à trois fois plus chères qu'en métropole...

Le nouveau sénateur que je suis s'interroge sur la présentation de ce budget. Au-delà de la baisse alarmante des crédits, comment détermine-t-on les axes de l'aide : éducation, santé, démocratie ? Comment l'aide publique au développement s'intègre-t-elle dans les circuits commerciaux internationaux ? Comment rendre lisible la multiplicité des dispositifs ?

En vérité, c'est le contenu même des notions d'aide et de développement qui me rend perplexe, la mise en oeuvre de cette politique, sa géographie et ses finalités. Je m'étonne par exemple que l'on intègre dans cette mission des actions relevant du rayonnement culturel de la France à l'étranger...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Et du rayonnement nucléaire parfois !

M. Georges Patient.  - En quoi la défense de la francophonie relève-t-elle de la stratégie d'aide au développement ?

Dans la nomenclature de l'aide publique au développement, l'intervention d'urgence purement humanitaire voisine avec des actions visant à promouvoir l'expertise française dans le domaine du développement durable et de la gouvernance économique et financière, ou les priorités stratégiques françaises au sein des banques et des fonds multilatéraux.

Il est vrai aussi que l'aide publique au développement se décline en dons et en prêts, multilatéraux et bilatéraux, et la communauté internationale a connu des évolutions et des revirements de doctrine ces dernières décennies. Nous regrettons que nos abondements de fonds multilatéraux fassent d'autant diminuer la part de notre aide bilatérale. Mais puisque l'aide est, en principe, conçue pour le développement des pays qui en ont besoin plutôt que pour le rayonnement des pays donateurs, il faudrait concevoir des solidarités internationales au service des territoires les plus nécessiteux et des dispositifs pour contrôler l'usage et l'efficacité de cette aide. Plutôt que de défendre la francophonie, la France ne devrait-elle pas se battre davantage pour renforcer sa position dans les instances décisionnelles multilatérales ?

La simple décence voudrait que l'on n'endette pas un pays de façon insoutenable et que l'on n'impose pas des conditions drastiques à des États dont la population meurt de faim. Il convient de rechercher les meilleurs effets de levier pour les pays qui ont besoin de subventions.

Enfin, notre aide publique au développement est répartie sur tous les continents, mais les deux tiers se concentrent sur l'Afrique, du fait de l'histoire mais aussi des problèmes rencontrés par ce continent. Mais faut-il qu'une histoire et une langue commune soient les conditions de ces partenariats bilatéraux ? Ne serait-il pas préférable de tenir compte des intérêts mutuels nouveaux, dans « un monde qui bouge » ? Curieusement, l'outre-mer français, est comptabilisée dans l'aide aux pays en développement. Pourquoi ces territoires français excentrés ne tisseraient-ils pas des liens commerciaux, culturels, scientifiques, économiques avec leurs voisins ? Cette sorte de codéveloppement sud-sud favoriserait les échanges commerciaux et réduirait les coûts de transport des denrées et de matières premières. Ainsi, en Guyane, l'essence coûte 1,47 euro par litre, après une baisse de 30 centimes, contre 0,77 euro au Surinam voisin.

Quelle sera la complémentarité entre la ligne « Insertion économique et coopération régionale » de la mission « Outre-mer » et le programme « Développement solidaire et migrations » de la mission « Aide publique au développement » ? L'Union européenne devrait conclure l'année prochaine des accords de partenariat économique dans les espaces Caraïbes et Océan indien, si d'autres urgences ne viennent pas bousculer ce calendrier.

Je n'ai donc guère que des interrogations face à cette mission alors que l'aide publique au développement est essentielle pour l'équilibre mondial. Il est inconcevable que les pays développés ne tiennent pas leurs engagements vis-à-vis de ceux du sud, surtout quand la crise est mondiale. Et il est inquiétant de savoir que les crédits que nous adoptons peuvent faire l'objet de décrets d'annulation. Mais c'est peut-être parce que l'heure est grave que nous devons nous interroger sur le sens et la finalité de notre politique d'aide au développement. Peut-être qu'après avoir retrouvé les valeurs fondamentales de la véritable solidarité, nous débattrons moins des montants de ces crédits.

En l'état, je voterai contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Dauge.  - Je ne reviendrai pas sur les chiffres : les orateurs précédents les ont très bien présentés. Je m'interrogerai plutôt sur les questions de stratégie, de lisibilité et d'efficacité. Dans une situation économique contrainte, nous ne devons pas nous tromper de politique.

Nous étions il y a quelques jours à Nankin, avec une délégation importante, pour participer à la conférence des Nations unies sur l'habitat. Nous avons eu la confirmation que l'Afrique, mais aussi l'Amérique latine, l'Inde et la Chine connaissaient une explosion urbaine porteuse de progrès mais aussi de pauvreté extrême. La France doit donc saisir cette opportunité pour faire des propositions claires sur la question du développement urbain. Nous devrons moduler nos propositions en fonction des pays en développement, car il n'y a pas une, mais de nombreuses réponses à apporter selon les situations locales.

Il faut aussi nous interroger sur la question de l'agriculture vivrière. Les villes consomment de l'espace agricole et contribuent à réduire l'approvisionnement alimentaire des populations urbaines.

Que faire pour être plus efficace ? Votre ministère a mis en place il y a plus d'un an un groupe de travail sur la question urbaine. Nous disposons désormais de documents clairs et simples qui démontrent qu'un projet, c'est avant tout un maître d'ouvrage et un maître d'oeuvre.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Surtout pour l'eau, l'assainissement et les ordures !

M. Yves Dauge.  - Bien que nous soyons dans une situation financière contrainte, nous serons plus efficaces si nous nous organisons mieux.

Il convient de faire le lien avec la coopération décentralisée, car nos communes sont bien placées pour mettre en place ces projets. Le ministère compte une délégation de coopération décentralisée qui est très appréciée des collectivités : avec un euro, ils en produisent quatre.

J'espère que vous nous direz, monsieur le ministre, que la France va mettre en place ces partenariats urbains : tous les acteurs sont d'ailleurs prêts à travailler ensemble. Notre position serait alors cohérente et appréciée dans le monde. Nos moyens doivent être redéployés au service de cette stratégie, ce qui implique plus de réflexion avant le passage à l'acte. Si des investissements intellectuels précèdent la mise en oeuvre concrète des projets, on gagnera en efficacité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Permettez-moi, tout d'abord, de rendre hommage à la qualité de vos travaux et de vos interventions.

La conférence de Doha est parvenue à un consensus et elle a réaffirmé que, d'ici 2015, 0,7 % du PNB des pays développés devrait être consacré à l'aide. La présence du Président le la République, président de l'Union européenne, a été saluée.

Derrière les États-Unis et l'Allemagne, nous sommes le troisième bailleur de fonds bilatéral mondial. Notre aide, qui était en-dessous de 0,4 % du PNB en 2007, devrait repasser au-dessus de cette barre en 2009. Les crédits de paiement sont bien en augmentation pour les trois années à venir, avec une augmentation de 2,4 % pour l'année prochaine.

Au niveau européen, la présidence française s'est battue pour qu'une enveloppe additionnelle d'un milliard soit consacrée à la relance de l'agriculture.

En ce qui concerne l'aide multilatérale, nous sommes avec 300 millions le deuxième contributeur du Fonds mondial sida, tuberculose et paludisme. Grâce à la taxe sur les billets d'avion, nous sommes le premier contributeur d'Unitaid : deux enfants sur trois soignés du sida dans le monde le sont grâce à l'intervention de la France.

Notre aide bilatérale n'est certes pas parfaite mais nous nous sommes battus pour préserver les ressources nous permettant de financer un certain nombre de projets, notamment en Afrique subsaharienne. En accord avec M. le Premier ministre, nous avons obtenu une rallonge de 92,5 millions.

Tous les projets en Afrique subsaharienne concernant notamment la santé et l'éducation pourront être financés.

Les mesures prises dans le cadre de Cap 8, monsieur Charasse, répondent à la stratégie globale définie par le Président de la République, notamment dans son discours du Cap : réorienter l'aide publique ou y ajouter des actions plus spécifiques pour soutenir la croissance économique. C'est le meilleur moyen de faire reculer la pauvreté. Tous les pays devenus émergents ont su s'accrocher à la croissance mondiale. Le nombre de volontaires internationaux a triplé, un milliard d'euros va aller à des projets de développement économique ; nous voulons aussi améliorer la situation des femmes qui sont au coeur du développement, notamment en Afrique. Le deuxième pilier, c'est le rayonnement et l'influence de la France au travers de l'action culturelle et spécialement de l'audiovisuel extérieur. Je confirme que les trois opérateurs actuels vont fusionner pour plus de visibilité et d'efficacité ; nous ne savons pas encore quel sera le statut juridique de la nouvelle entité.

Je m'engage à répondre par écrit aux questions des orateurs que j'aurais oubliées. Il est vrai, monsieur Duvernois, s'agissant de la francophonie, que certains chiffres peuvent inquiéter, la baisse de 9 % du programme 209 et de 13 % du programme 195. Mais la subvention à l'Aefe passe de 287 à 415 millions, l'effort, politique, est important. Il ne s'agit pas de faire du portail francophone un autre Google, cela coûterait trop cher, mais un outil de modernité ; 300 000 euros y seront investis pour valoriser les contenus du sud -si possible francophones. Nous nous appuierons de plus en plus sur notre audiovisuel extérieur, instrument essentiel de notre influence, qui doit être plus présent sur le media global. (M. Robert del Picchia approuve) La délégation à la coopération décentralisée encourage par ailleurs toutes les actions en faveur de la francophonie au travers des appels à projets.

Le désengagement progressif de l'État des revues Planètes est compensé par une diversification des partenariats, et un adossement à un groupe africain ; l'échéancier prévisionnel de 2010 n'est pas remis en cause.

Je ne suis pas certain, monsieur Vantomme, c'est vrai, que le taux d'APD atteigne 0,47 % en 2009 ; si toutes les annulations de dettes n'ont pas lieu, nous serons plus proche de 0,41 ou de 0,42. Nous sommes tout à fait dans les normes de l'OCDE.

M. del Picchia a constaté, comme M. Charasse, que le multilatéral était en hausse ; dans un budget contraint, cela met le bilatéral, le plus lisible et le plus efficace, en difficulté. Nous retrouverons des marges de manoeuvre à partir de 2011 avec la baisse de notre participation au FED. Je regarderai pourquoi les décaissements du fonds sida ne sont pas aussi rapides que ce que nous souhaitons. Je me réjouis d'ailleurs que vos commissions s'intéressent à ce qui se passe dans les fonds multilatéraux ; nous tiendrons compte de vos commentaires.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Il serait utile que la France sensibilisât ces instances aux exigences des missions de contrôle, pour nous prémunir contre un mauvais accueil et une rétention d'information.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Je m'y attacherai.

Il serait formidable, monsieur Fortassin, qu'arrivent sur le terrain 8 euros de l'APD sur 10. L'efficacité de notre aide est un souci constant : je vous renvoie au consensus d'Accra. Il faut faire mieux connaître les projets lancés par la France, chacun d'entre vous peut y contribuer. L'Agence française de développement soutient activement le projet de sauvegarde du patrimoine de Luang Prabang, au Laos, évoqué par M. Fortassin.

M. del Picchia est revenu sur le transfert des pensions des ressortissants français, j'interviendrai comme il me l'a demandé ; j'ai moi-même évoqué cette question avec le chef d'État africain concerné.

Mme Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur certaines annulations de crédits ; elles concernent des crédits de personnel mal calibrés ou des reliquats de réserves de précaution non consommés et n'affectent pas les aides projets. Nous respectons tous nos engagements multilatéraux. S'agissant des annulations de dettes, c'est bien sûr la loi de règlement de l'année qui fait foi : aucune annulation ne peut être comptabilisée deux fois. La complexité, c'est vrai, est un problème pour le multilatéralisme ; on aura remarqué toutefois que dans le cadre de la nouvelle initiative pour le développement de l'agriculture, la mutualisation a été préférée à la création d'un fonds dédié.

Nous ne faisons pas d'autosatisfaction, monsieur Hue, mais la France n'a pas à rougir de ce qu'elle fait en matière d'APD. Elle reste le troisième pourvoyeur de fonds, avec 10 milliards de dollars, derrière les États-Unis, qui en dépensent 22 ou 23, et l'Allemagne. Notre effort est soutenu, même si les 0,7 % seront difficiles à atteindre en 2015. Le G20, à l'initiative de la France, n'a pas traité que de la remise en ordre des institutions financières internationales, il a été aussi question de développement ; l'article 14 du document final a donné satisfaction aux pays les plus pauvres. Le Président de la République s'est engagé à tout faire pour qu'au deuxième sommet ces pays soient représentés, notamment par l'Union africaine.

J'ai déjà répondu aux questions soulevées par M. Patient. Le développement urbain, monsieur Dauge, est une de nos grandes priorités, il est présent dans tous les dossiers d'aménagement technique.

L'aide publique au développement est une bonne chose, mais ce n'est qu'un moyen d'atteindre les objectifs du millénaire : c'est la croissance qui, en créant des richesses, fera reculer la pauvreté ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - L'heure tardive et l'extrême qualité des débats permettent de limiter mon intervention au multilatéralisme et à la situation économique et financière.

Sur le premier point, je me réjouis du prochain contrôle conjoint annoncé par M. Charasse, car nous avons engagé avec Mme Lagarde une réflexion stratégique sur nos attentes envers la Banque mondiale. Les principaux thèmes envisagés sont l'équilibre entre bilatéralisme et multilatéralisme, l'effet de levier et l'échelle des priorités. Nous privilégions l'Afrique et l'environnement, notamment la gestion de l'eau.

Il serait intéressant de vérifier que la France reste en deuxième position par le nombre des agents travaillant à la Banque mondiale.

Je ne doute pas que d'autres mécanismes internationaux -comme le FED- bénéficieront de votre vigilance qui stimulera la réflexion du Gouvernement. Les services de Bercy seront ouverts à tout travail en commun avec vous.

La visibilité des choix et des actions conduites est extrêmement importante.

J'en viens à la gestion des crises.

Conformément à un engagement du Président de la République, nous sommes intervenus depuis le début de l'année pour combattre la crise alimentaire, qui est atténuée depuis quelques semaines. Tous les instruments disponibles ont été mobilisés, de l'aide financière stricto sensu aux prêts fléchés. Dans le même esprit, un milliard d'euros a été consacré à l'agriculture africaine, après un certain désintérêt des institutions internationales envers les cultures vivrières.

La situation économique et financière est source de difficultés spécifiques pour les pays en développement : au retrait des capitaux s'ajoute le ralentissement des transferts effectués par les travailleurs expatriés, eux-mêmes en difficulté dans les pays développés. Certains pays émergents ou en transition ont fait appel au FMI.

J'ai présidé il y a quelques semaines le conseil des ministres de la zone franc, dont la croissance économique pourrait avoisiner 3 % en 2008.

Le premier risque subi par les pays en développement concerne l'accès au crédit, encore pire qu'au Nord. L'initiative de soutien à la croissance en Afrique, lancée par le discours prononcé cette année au Cap par le Président de la République est donc particulièrement bienvenue. De même, il est intéressant que l'Agence française de développement (AFD) accorde plus de prêts.

Le deuxième risque concerne la contraction des exportations vers les pays développés, les pays émergents ou les autres pays en développement. Nous recherchons un effet contracyclique. Ainsi, l'AFD a créé un prêt ad hoc, accordé dans les limites de ce qu'autorise la maîtrise de l'endettement, notamment en Afrique subsaharienne.

Le FMI utilise la « facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance », afin de contenir les prix des produits énergétiques ou alimentaires payés par les consommateurs. A la demande de la France, il a réformé la « facilité de protection contre les chocs exogènes », pour la rendre plus réactive. La crise n'attend pas.

Nous sommes heureux que la Banque mondiale ait attribué 200 millions de dollars à la « facilité d'urgence » qu'elle vient de créer avec une remarquable célérité. Nous sommes favorables à ce que le Club de Paris institue un instrument similaire, mais vous savez qu'il faut obtenir un consensus.

Le Gouvernement présentera un amendement destiné à étoffer le compte spécial « Prêt à des États étrangers », afin de relancer, dans les pays émergents, des grands projets réalisés par des entreprises françaises. (Applaudissements à droite et au centre.)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-3, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - La commission veut virer 12 millions d'euros du programme 110 vers le programme 209.

Plusieurs orateurs ont rappelé que l'aide bilatérale, financée par le programme 109 subirait l'année prochaine une baisse de 49 % pour les autorisations d'engagement et de 22 % pour les crédits de paiement.

Les subventions à l'AFD au titre des dons-projets seraient limitées à 177 millions d'euros, auxquels s'ajouteraient comme cette année 31 millions de prélèvement sur le dividende, soit 208 millions au total, contre 226 en 2008.

La commission n'a toujours pas reçu d'explications quant à la rémunération versée par le budget de l'État à l'AFD, dont les crédits excèdent de 12 millions les besoins de l'Agence.

Dans le contexte actuel, marqué notamment par la protestation de nombreuses associations ou d'États, reverser 12 millions rétablirait quasiment le statu quo ante, ce qui serait cohérent avec les annonces politiques, notamment celle faite la semaine dernière par le Président de la République.

La commission tient à ne pas dégrader dans le monde l'image de notre pays pour quelques millions d'euros, même si le niveau de 2008 ne sera pas tout à fait atteint.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-191 à l'amendement n° II-3 de M. Charasse, au nom de la commission des finances, présenté par le Gouvernement.

Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement des programmes : « aide économique et financière au développement » et « solidarité à l'égard des pays en développement », remplacer (quatre fois) le montant :

12 000 000

par le montant :

8 000 000

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement accepte de renforcer le financement de l'aide aux projets, mais nous divergeons sur les chiffres.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - La commission n'a pas été saisie du sous-amendement du Gouvernement. Mais ce n'est pas la première fois que nous nous interrogeons sur le mode de calcul de la rémunération de l'AFD. Ce n'est pas la première fois non plus que le Gouvernement refuse de répondre à nos questions.

L'amendement de la commission des finances a surpris, et les bureaux du ministère, pris à leur propre piège, tentent sordidement de récupérer 4 millions pour ne pas perdre la face. Je ne sais ce qu'aurait décidé la commission des finances de ce sous-amendement, mais porter les subventions à l'AFD de 208 à 22 millions d'euros, c'est mieux que de les porter de 208 à 21 millions pour flatter l'ego de quelques fonctionnaires!

Je remercie toutefois M. le ministre et ses collaborateurs, tout particulièrement celui qui m'a enfin révélé tout à l'heure dans les couloirs le mode de calcul du Gouvernement... J'attendais cela depuis des années ! (Rires)

Le Gouvernement veut réduire de 4 millions d'euros les subventions prévues par notre amendement, tout en prétendant qu'il augmente malgré tout l'aide au développement... Des contorsions pareilles, après un certain âge, provoquent des problèmes de vertèbres !

A mon avis, le calcul sur lequel est fondé le sous-amendement est erroné. Cependant, je me réjouis que le Gouvernement soit enfin décidé à faire avancer les choses, et nous ait fait part de son mode de calcul.

Il s'agit ici de l'aide française aux pays pauvres, du drapeau de la France ! Il est navrant de voir que sur un tel sujet, on mégote sur 4 millions.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Puisque nous nous disons tout, y compris ce qui se dit dans les couloirs, je voulais faire la part des choses avant de vous donner une réponse la plus sincère possible. Force est de constater que nos modes de calculs divergent. Mais notre intention n'est pas de « mégoter », pour reprendre votre terme... (Rires) Mme Idrac et moi-même sommes prêts à nous en remettre sur cette question à la sagesse du Sénat. (« Très bien ! »à droite)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Je ne souhaite pas me chamailler avec le Gouvernement, encore moins avec M. Joyandet, dont j'ai longtemps été le voisin dans cette maison et avec qui j'ai toujours entretenu d'excellents rapports.

Il ne s'agit pas ici d'une querelle politicienne, mais d'une divergence sur nos méthodes de calcul. Si elle portait sur 40 ou 50 millions d'euros, je rendrais les armes ! Mais il s'agit ici de montants homéopathiques.

Je remercie le Gouvernement d'avoir émis un avis de sagesse, toujours apprécié dans notre assemblée. La CMP pourra toujours rectifier le tir, au cas où nous nous soyons trompés.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, retirez-vous votre sous-amendement ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Formellement, j'aurais préféré ne pas le faire, mais puisque le sous-amendement doit être mis aux voix avant l'amendement, je le retire.

Le sous-amendement n°II-191 est retiré.

L'amendement n°II-3 est adopté.

Les crédits, modifiés, de la mission « Aide publique au développement » sont adoptés.

Les crédits de la mission « Compte spécial-Accords monétaires internationaux » sont adoptés.

Article 37 (État D)

Mme la présidente.  - Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Compte spécial-Prêts à des États étrangers » figurant à l'article 37 (État D)

Amendement n°II-185, présenté par le Gouvernement.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Le programme 851 « Prêts à des États étrangers, de la Réserve Pays Émergents » permet d'accorder aux pays en développement des prêts pour la réalisation de grands projets d'infrastructures par des entreprises françaises. Parmi les infrastructures ainsi financées au cours des dernières années, je citerai le métro de Hanoï et des véhicules anti-incendie en Chine, le métro du Caire, des chemins de fer au Vietnam, des données cadastrales au Sri-Lanka, le radar de Tbilissi, qui avait été détruit par l'armée russe l'été dernier, le TGV du Maroc, la qualité de l'air à Oulan-Bator...

La crise financière a provoqué une raréfaction des financements de marché. Les pays acheteurs demandent donc aux entreprises d'apporter des financements. Il nous a paru opportun d'abonder ce fonds pour continuer à soutenir en 2009 ces grands contrats qui représentent environ 10 % des exportations françaises.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas pu examiner cet amendement, mais j'ai déjà fait part de mon accord personnel dans mon intervention initiale : il s'agit en effet de favoriser à la fois l'expansion de nos entreprises et la coopération avec les pays en développement. Je pense que la commission des finances aurait formulé un avis favorable à cet amendement : je parle sous l'aimable contrôle de son président. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, acquiesce)

L'amendement n°II-185 est adopté.

Les crédits, modifiés, de la mission « Compte spécial-Prêts à des États étrangers » sont adoptés.

Article additionnel avant l'article 59 quinquies

Mme la présidente.  - Amendement n°II-23, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

  Avant l'article 59 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La totalité du résultat net bénéficiaire de l'Agence française de développement au titre d'un exercice est versée aux recettes non fiscales du budget général de l'État au plus tard le 31 décembre de l'année de sa constatation.

II. - Les dispositions du I s'appliquent au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Depuis de nombreuses années, la Cour des comptes nous demande de corriger une irrégularité récurrente qui concerne les résultats de l'AFD.

Les recettes de l'AFD devraient en effet être versées aux recettes du budget général, quitte à les redéployer en crédits affectés à l'aide au développement. Or on a pris l'habitude de prélever directement sur le budget de l'AFD les crédits nécessaires au financement des aides-projets. Cela porte un nom : c'est une contraction recettes-dépenses ! La commission des finances, soucieuse d'une application rigoureuse de la Lolf, vous propose d'en finir avec cette procédure.

Si Mmes et MM. les ministres le veulent bien, je dirai tout de suite un mot des sous-amendements. Le Gouvernement souhaite apporter à notre amendement deux modifications. Il souhaite d'abord que les dispositions prévues ne s'appliquent qu'à partir de 2009, au lieu de 2008. J'avais moi-même eu des doutes, et je suis plutôt favorable à ce changement.

Le Gouvernement propose ensuite que l'AFD verse au budget de l'État, non pas son revenu intégral, mais un dividende. Je n'y suis nullement opposé : mon amendement, tel qu'il est rédigé, ferait de l'AFD une exception parmi les établissements publics et les entreprises nationales. C'est pourquoi, parlant toujours sous le contrôle de M. Arthuis, je pense que la commission des finances aurait émis un avis favorable au sous-amendement.

Vous voyez que je ne suis pas toujours désagréable ! (Rires)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Je n'ai pas dit cela !

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-206 à l'amendement n°II-23 de M. Charasse, au nom de la commission des finances, présenté par le Gouvernement.

I. - Au deuxième alinéa de l'amendement n° II-23, remplacer les mots :

résultat net bénéficiaire

par le mot :

dividende

II. - Au dernier alinéa du même amendement, remplacer le millésime :

2008

par le millésime :

2009

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - J'ai quatre bonnes raisons pour remercier M. Charasse : il nous aide, avec le président Arthuis, à aller dans le sens de la rigueur budgétaire ; il fait mon travail en présentant le sous-amendement du Gouvernement ; il accepte le versement des dividendes ainsi que le report à l'année prochaine. C'était nécessaire car pour bâtir notre budget, nous avions employé 100 millions aux bonifications de prêts et 104 millions aux contrats de désendettement et de développement : ces sommes nous auraient fait défaut.

Le sous-amendement n°II-206 est adopté.

L'amendement n°II-23, sous-amendé est adopté et devient un article additionnel.

Les articles 59 quinquies et 59 sexies sont adoptés.

La séance est suspendue à 20 h 15.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 22 h 15.