Projets de loi sur les flux migratoires : France-Bénin, France-Congo, France-Sénégal, France-Tunisie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de quatre projets de loi autorisant l'accord de quatre accords internationaux avec le Bénin, le Congo, le Sénégal et la République tunisienne sur la gestion des flux migratoires.

La Conférence des Présidents a décidé que ces quatre projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Ces quatre accords démontrent que la volonté du Président de la République d'instaurer un partenariat global pour maîtriser les flux migratoires intéresse nos partenaires, tant en Afrique qu'en Europe. D'ailleurs, le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté à l'unanimité le 16 octobre, a consacré le principe du partenariat avec les pays d'origine.

Ces accords comportent trois volets indissociables : organiser la migration légale et faciliter la circulation des personnes, renforcer la coopération en matière de lutte contre l'immigration clandestine, contribuer enfin au développement des pays d'origine grâce à la mobilisation des ressources des migrants vers des projets de développement.

Au-delà du socle commun, chaque accord prévoit des clauses particulières propres à la coopération bilatérale et aux besoins des gouvernements partenaires.

La France et les pays signataires s'engagent à faciliter la circulation des ressortissants des deux pays concourant à la vitalité des relations bilatérales dans tous les domaines. Cela passe par la délivrance de visas de court séjour à entrées multiples d'une validité pouvant aller jusqu'à cinq ans.

Ces accords favorisent également le séjour temporaire en France d'étudiants étrangers afin qu'ils acquièrent une première expérience professionnelle en vue de leur retour dans leur pays d'origine. Ces étudiants étrangers bénéficient de dispositions spécifiques plus favorables que le droit commun prévu dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Nous ferons en sorte que la migration contribue à l'enrichissement du pays d'origine, grâce aux transferts de fonds mais aussi grâce à la formation professionnelle.

Enfin, s'inscrivant dans la nouvelle approche de l'immigration choisie et concertée, ces accords encouragent la délivrance de la carte « compétences et talents » aux ressortissants qui vont participer de façon significative au développement économique de la France et de leur pays. Un contingent est prévu, afin de limiter l'exode des élites ; et la carte ne pourra être renouvelée qu'une fois. Cet objectif de migration concertée et contrôlée se double d'une coopération renforcée contre l'immigration irrégulière. La France s'engage en matière d'expertise technique policière, lutte contre la fraude documentaire, aide dans l'élaboration d'un état civil fiable. Notre pays et chaque signataire s'engagent à réadmettre leurs ressortissants en situation irrégulière, par exemple en facilitant la délivrance des laissez-passer consulaires. L'aide au retour sera proposée aux étrangers concernés.

Les accords visent enfin à contribuer au développement des pays partenaires grâce à la recherche de synergies entre migration et développement. Je pense au compte épargne co-développement ou au livret d'épargne pour le co-développement. Le concept de développement solidaire, apparu dans l'accord avec la Tunisie, figurera désormais dans tous les nouveaux accords. Il renvoie aux actions de coopération et aux projets financés par le ministère de l'immigration, par exemple en vue du maintien sur place des populations. Cette action est menée en cohérence avec l'aide publique au développement. Le ministère de l'immigration dispose à cette fin d'un programme budgétaire spécifique, qui s'ajoute aux programmes du ministère de l'économie et du secrétariat d'État à la coopération.

Telles sont les principales dispositions des accords soumis à votre approbation. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - La question des migrations est une question centrale de notre relation avec les pays du sud. Avec certains de nos partenaires, elle occupe le tout premier plan de la relation bilatérale. Elle est complexe : sociale, économique, politique, touchant aussi à ce qu'a de personnel, voire d'intime, cette aspiration et cette nécessité du départ. C'est pourquoi les migrations ne se gèrent pas seulement aux frontières, mais également en amont, sur le territoire des pays d'origine ; c'est pourquoi notre politique migratoire doit rejoindre, sur certains points, notre politique de développement.

Le co-développement, devenu développement solidaire, se situe au point de rencontre de ces deux politiques. L'équilibre, fragile, reste à définir. Les présents accords en sont un aspect. Ils constituent une forme de contractualisation de la relation bilatérale en matière de migrations. Ce dialogue est indispensable tant la différence d'appréciation est grande entre un pays destinataire et les pays d'origine : les transferts financiers assurés par les migrants sont supérieurs à l'aide publique au développement et représentent le plus souvent une des premières sources de revenus du pays d'origine. La négociation de ce type d'accords revêt donc une force symbolique et les citoyens du pays partenaire y sont très attentifs.

Les accords sont les premiers à comporter un véritable enjeu sur les questions migratoires. C'est que les ressortissants sénégalais ou tunisiens sont nombreux en France.

La France s'engage à accorder plus de visas de circulation -ce qui correspond à une demande très forte- et à mieux accueillir les étudiants et les travailleurs migrants. Dans une forme de contrepartie, les États signataires s'engagent à lutter contre l'immigration clandestine et à réadmettre leurs ressortissants entrés illégalement sur le territoire français. La partie développement est plus spécifique à chaque accord. Pour le Congo, elle reste largement à définir. En revanche, pour le Sénégal, le Bénin ou la Tunisie, elle témoigne d'une réflexion de qualité sur les secteurs d'intervention à privilégier et les instruments appropriés. Avec un volet développement plus structuré, ces accords tendent vers un ensemble plus équilibré que l'accord avec le Gabon, dont la partie développement relevait plutôt du témoignage...

Notre commission formule cependant certaines interrogations et inquiétudes concernant la mise en oeuvre. La migration professionnelle, volet qui suscite beaucoup d'attentes, reste encore très limitée depuis les pays concernés. Les objectifs sont modestes, les réalisations plus encore. L'immigration professionnelle ne doit pas nécessairement être une immigration qualifiée : cela paraît plus conforme aux besoins de nos partenaires comme aux nôtres. Mais en ces temps de crise économique et de raréfaction des emplois, pourrons-nous tenir nos engagements ? En outre, ces textes ajoutent, dans un ensemble déjà touffu, des facteurs de complexité supplémentaires. Cette politique de développement solidaire, dont nous admettons qu'elle est difficile à élaborer, tâtonne. Seules 36 cartes « compétences et talents » ont été délivrées à des Tunisiens. Les talents sont-ils si rares dans ce pays ? N'est-ce pas plutôt notre dispositif qui est trop lourd ? Comment consulats et préfectures vont-ils se repérer dans ce maquis de délais, de conditions d'âge et de secteurs spécifiques, qui viendront se superposer à la sédimentation de dispositifs et de critères introduits par les récentes et nombreuses lois relatives à l'immigration ? Que deviennent les clauses applicables aux ressortissants de la zone de solidarité prioritaire, cette notion étant complètement revue dans la réforme de la coopération ? La politique migratoire hésite encore entre attractivité et contrôle des flux.

Notre dernière interrogation porte sur le volet développement. Les crédits de l'aide bilatérale au développement chutent. Un pays qui traite mal ses propres étudiants pourra-t-il garantir un accueil correct et un logement décent aux jeunes Sénégalais ? Les accords identifient les projets dont le financement relève du ministère de l'immigration ; mais le ministère des affaires étrangères sera également mis à contribution. Aura-t-il les moyens de cette intervention complémentaire, indispensable ?

L'équilibre prévu nous semble bien fragile. Si les volets migration professionnelle et développement ne sont pas mis en oeuvre dans de bonnes conditions, ne subsisteront que les aspects les plus restrictifs, notamment la réadmission. C'est pourquoi votre commission des affaires étrangères envisage d'assurer un suivi de l'application des accords. Sous le bénéfice de ces observations, elle recommande l'adoption de ces quatre projets de loi, tous ratifiés par les pays signataires, à l'exception de l'accord avec le Bénin. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Charles Pasqua applaudit aussi)

M. Richard Yung.  - Ces accords sont un élément phare de l'immigration choisie voulue par le Président de la République. Ils ont fait l'objet d'une forte médiatisation. En France, ils ont été instrumentalisés, en raison de la grande sensibilité sur cette question ; en Afrique, ils sont perçus comme une voie d'avenir. Je souligne que l'accord avec le Sénégal a été conclu en 2006, quand M. Sarkozy était ministre de l'intérieur. La signature des accords a été très médiatisée... Mais leur préparation a plutôt été entourée d'opacité. Les représentants de la société civile n'y ont pas été associés.

Concernant l'immigration légale, la valeur ajoutée de ces conventions est toute relative, car de nombreuses dispositions figuraient déjà dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'agit toujours de restreindre la venue des travailleurs ; seul le séjour des personnes qualifiées est facilité.

Les quatre accords comportent des facilités pour l'attribution de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». Les candidats à l'immigration devront présenter une promesse d'embauche dans l'un des secteurs professionnels énumérés : il y en a 105 pour le Sénégal, 15 pour le Congo, 16 pour le Bénin et 78 pour la Tunisie. A l'exception du Sénégal, ces listes sont trop restrictives et ne concernent que des emplois qualifiés. On peut craindre que la crise économique ne restreigne l'attribution de ces titres de séjour.

Par ailleurs, une partie de l'immigration professionnelle concerne actuellement des emplois non qualifiés, guère occupés par les Français. Il n'y a pas de raison pour la refuser.

Certaines dispositions tendent à faciliter l'accueil et le séjour des étudiants, ce dont nous nous réjouissons, vu le retard de la France en ce domaine. Sont notamment concernés les étudiants souhaitant acquérir une première expérience professionnelle dans notre pays, mais avec des conditions très restrictives : ils doivent être titulaires d'un diplôme de niveau mastère, exercer un emploi en lien avec leur formation et gagner au moins une fois et demie le Smic mensuel. L'accord avec le Congo dispose que l'autorisation provisoire délivrée aux étudiants cherchant un emploi ne sera pas renouvelable.

Tous ces accords tendent à faciliter l'attribution de visas de circulation. A priori, ces dispositions sont bienvenues, puisqu'elles facilitent les nécessaires allers et retours entre la France et les pays d'origine, dont une demande ancienne est donc satisfaite. Cependant, je regrette que seules des personnes qualifiées soient concernées. Aujourd'hui, ces visas sont essentiellement délivrés à des entrepreneurs, rarement à des artistes ou des chercheurs, car les consulats semblent bien timides en pareil cas.

Les cartes de séjour portant la mention « compétences et talents » seront délivrées dans la limite de quotas annuels : 1 000 pour le Sénégal, 150 pour le Congo, autant pour le Bénin et 1 500 pour la Tunisie. Rien n'oblige à atteindre ces quotas, la politique appliquée pouvant être très restrictive.

Ces accords comportent un volet destiné à combattre l'immigration irrégulière, qui porte préjudice à chacun des pays et à l'idée même de migration. La réadmission par les États de leurs ressortissants est légitime, sous réserve de la réticence de certains pays, comme la Tunisie, à délivrer des laissez-passer consulaires. En effet, nous nous heurtons à deux obstacles : la délivrance ou non de laissez-passer par le pays de destination ; votre volonté de « faire du chiffre », avec 26 000 expulsions en 2008 et autant en 2009, alors qu'un tiers seulement des personnes retenues sont finalement expulsées, notamment faute de laissez-passer.

Les accords signés avec le Congo et le Bénin les obligent à accueillir les ressortissants des États tiers expulsés mais ayant séjourné sur leur territoire. Cette clause de réadmission a fait échouer les négociations avec le Mali. Elle est d'ailleurs choquante, puisqu'elle impose une charge excessive aux États de transit -le Mali ne pourrait créer d'unités méharistes chargées de surveiller ses frontières- tout en plaçant les personnes expulsées dans une situation pour le moins difficile, après leur arrivée dans un pays qui n'est pas le leur.

J'en viens au développement solidaire.

Le codéveloppement consiste à aider une personne de retour dans son pays à y créer une activité. Le glissement sémantique n'est jamais neutre. Je crains que le nouveau concept ne soit un cheval de Troie exonérant le ministère des affaires étrangères de ses responsabilités pour faire financer la lutte contre l'immigration par l'aide au développement. Nous ne le voulons pas !

Le financement d'actions sanitaires est envisagé avec le Bénin et le Congo, le développement solidaire étant mentionné dans l'accord avec la Tunisie, alors que celui signé avec le Gabon inclut le codéveloppement. J'observe qu'en dehors du secteur pétrolier, fort peu de Gabonais émigrent en France.

Le ministère de l'immigration dispose de 29 millions d'euros pour financer le codéveloppement solidaire. J'espère que ces sommes ne seront pas prélevées sur l'aide au développement.

Après ces remarques, le groupe socialiste refuse fort logiquement d'autoriser la ratification des quatre accords. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Pasqua.  - Dommage !

Mme Éliane Assassi.  - Le Gouvernement voudrait faire croire que ces accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires ont été signés dans l'intérêt des pays concernés. Or, ils s'inscrivent dans la politique d'immigration choisie prônée par la France et l'Europe, conformément au Pacte européen sur l'immigration et l'asile. Cette politique instrumentalise l'aide au développement et la migration légale pour renforcer la lutte contre l'immigration illégale.

Cette vision a été confirmée le 25 novembre, lors de la conférence interministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, qui a débouché sur un programme de coopération triennal encadrant la migration légale, contrecarrant l'immigration illégale et organisant le développement solidaire.

Vous faites signer par certains pays africains des accords vous permettant d'exercer un chantage sur l'aide au développement. En contrepartie, ils doivent jouer les gendarmes pour le compte de l'Europe...

M. Jean-Louis Carrère.  - Avec l'UMP, il n'y aura bientôt plus de gendarmes !

Mme Éliane Assassi.  - ...en contrôlant les flux depuis les pays de départ ou de transit. Ils doivent aussi faciliter les réadmissions des personnes expulsées.

A l'évidence, ces accords sont inéquitables : la France a tout à y gagner, alors que les pays d'émigration, poings et pieds liés, deviennent les sous-traitants de la gestion des flux migratoires. Cette situation résulte du déséquilibre entre signataires : d'un côté, des pays encore fragiles, de l'autre, une France intégrée à un ensemble organisé de pays développés.

J'en viens aux principales critiques à l'égard de ces accords.

On prétend que les ressortissants des pays signataires pourront migrer légalement. Oui, mais de façon limitée en nombre et dans le temps : il s'agit avant tout d'une migration temporaire, accompagnée d'une incitation au retour des compétences dans le pays d'origine. En outre, ces possibilités concernent essentiellement des personnes très qualifiées ou qui intéressent la France, comme les hommes d'affaires ou les sportifs de haut niveau. Seront également concernés les titulaires de la carte « talents et compétences », qui existe déjà dans le Ceseda. Cette fuite des cerveaux est contraire aux intérêts des pays de départ, qui manquent de personnel qualifié. A l'inverse, l'immigration de main-d'oeuvre peu qualifiée est quasiment oubliée, malgré les besoins qui existent en France. On voit bien le tri que le gouvernement français veut opérer.

L'aide au développement ne doit pas servir à faire pression sur les migrants, encore moins constituer une monnaie d'échange dans la négociation d'accords de gestion concertée des flux migratoires. En effet, les Nations-Unies ont souligné que le développement était un droit, ce qui exclut toute condition.

La lutte contre l'immigration illégale comporte la réadmission des personnes en situation irrégulière, une meilleure surveillance des frontières, le démantèlement des réseaux de passeurs et la lutte contre la fraude documentaire. Cette coopération ne doit pas être comptabilisée au titre de l'aide au développement.

Il ne s'agit plus d'empêcher les migrants de pénétrer en Europe mais de les empêcher de quitter leur pays d'origine. Ce contrôle des flux migratoires en amont est moins cher et moins aléatoire qu'une expulsion du territoire français qui n'est pas toujours effective. Cela fait autant de sans-papiers potentiels en moins !

Les clauses de réadmission contenues dans ces accords sont très importantes pour la France car on ne peut renvoyer les personnes en situation irrégulière placées en centre de rétention sans la coopération des pays concernés. Il faut un laissez-passer pour organiser le renvoi des personnes qu'on souhaite expulser. Certains pays sont peu coopératifs, et pour cause : les migrants envoient dans leur pays d'origine des sommes bien supérieures à celles prévues par le budget de l'aide publique au développement.

Ces accords vont donc formaliser une obligation de réadmission. Sauf pour le Sénégal et la Tunisie, plus concernés par la migration de transit, les accords prévoient un engagement à réadmettre également les migrants des pays tiers qui, pour venir en France, seraient passés par leur territoire. Ces dispositions intéressent le ministère de l'immigration, qui se fixe des objectifs chiffrés d'expulsion. Pour atteindre celui de 30 000 qui a été fixé pour 2009, la France propose aussi un dispositif d'aide au retour volontaire.

Le renforcement du volet sécuritaire contraint les migrants à emprunter des itinéraires de plus en plus longs, de plus en plus coûteux et de plus en plus dangereux. On retrouve cette logique répressive avec la directive européenne qui généralise l'enfermement des étrangers jusqu'à dix-huit mois. Ceux qui migrent ne le font pas par goût des voyages mais par obligation, pour tenter une vie meilleure ailleurs, fût-ce au péril de leur vie. Regardez tous ceux qui embarquent sur des radeaux de fortune et dérivent ensuite des jours et des nuits, faites le compte des noyades en Méditerranée. Ils savent que c'est dangereux et pourtant, ils sont toujours aussi nombreux à tenter leur chance vers l'Eldorado européen.

Vouloir que les flux migratoires s'adaptent aux capacités d'accueil, c'est méconnaître la réalité des migrations dans le monde et leurs causes multiples ; c'est dénier à ces hommes et à ces femmes la liberté de circulation dans le monde. En tout état de cause, avec la crise actuelle, la France et l'Europe ne pourront pas accueillir les migrants de travail. L'immigration illégale ne pourra donc que perdurer.

L'aide au développement évoquée dans ces accords aura du mal à se concrétiser, à voir la baisse continuelle des autorisations d'engagement pour les actions bilatérales de développement solidaire. Cela ne facilitera pas la réinstallation des migrants chez eux.

Si les possibilités de circulation ne sont pas au rendez-vous, si l'aide au développement est absente, que restera-t-il de ces accords ? Uniquement le volet de lutte contre l'immigration illégale avec le renforcement de la coopération policière dans l'intérêt d'une France et d'une Europe qui veulent être à n'importe quel prix des forteresses imprenables. A la lumière de ces observations, vous comprendrez que nous ne puissions approuver de tels accords. Et je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir été aussi attentif à mes propos. (Applaudissements à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il y a quelques mois, j'interpellais M. Hortefeux sur votre politique dite d'immigration choisie. Il me répondit : « La nouvelle politique d'immigration française est parfaitement comprise, partagée, approuvée et encouragée par les pays qui sont des terres d'émigration ». Cet enthousiasme me semble devoir être quelque peu atténué.

La raison d'être de ces accords n'est pas de favoriser l'immigration économique mais de la réduire à néant, tout comme l'immigration familiale. Il suffit de voir le sort réservé à la carte « compétences et talents » pour s'en rendre compte. L'accord signé le 25 octobre 2007 avec la république du Congo prévoyait de délivrer 150 cartes « compétences et talents » ; un an après, pas une carte ! Pour 2008, vous aviez évoqué un objectif global de 2 000 cartes. Où en est-on aujourd'hui ? Pour les ressortissants des États signataires des accords que nous discutons, voici les chiffres : une carte à un Sénégalais, trois à des Béninois et 36 à des Tunisiens. Au total : 326 cartes. Est-ce ainsi que vous appréhendez les « compétences et talents » de ces pays : en ne leur laissant aucune place ? Ces immigrés ne vous intéressent pas.

A quoi alors servent ces accords ? La réponse se trouve dans les clauses relatives à la réadmission : la France souhaite imposer aux États signataires de reprendre sur leur territoire leurs ressortissants en situation irrégulière. En fait de limiter l'immigration familiale au profit de l'immigration professionnelle, on veut proscrire les étrangers de notre territoire.

Vous ne pouvez pas nier que cette question de la réadmission a compliqué la négociation de ces accords. La délivrance des laissez-passer consulaires est très faible et ne cesse de baisser. Pour le Congo, sur 112 demandes formulées par la France en 2007, seuls 23 laissez-passer ont été octroyés. Alors qu'en 2005, le Sénégal répondait positivement à 55 % des demandes de réadmission, ce taux est passé à 37 %. Comment dire que votre politique est comprise si les États signataires de ces accords refusent de plus en plus de reconnaître leurs ressortissants ? D'où la nécessité de ces accords, notamment avec le Sénégal : l'avenant signé en février 2008 constitue un bijou d'ingéniosité qui n'est rien d'autre qu'un tour de vis.

En lieu et place d'une reconnaissance explicite de la part de l'État supposé d'origine, vous instaurez une présomption de nationalité, plus propre à accroître le taux d'attribution des laissez-passer. Sur la base d'un simple procès-verbal de déclarations de l'étranger, il pourra y avoir éloignement. L'ironie du sort est que vous-mêmes considérez que certains de ces États ont un état civil défaillant ou frauduleux. Vous vous contentez de n'importe quel document quand il s'agit de renvoyer certains étrangers mais vous exigez un test ADN quand il s'agit d'une demande de regroupement familial !

Les juristes ont emprunté à la fable de La Fontaine un mot pour de tels accords déséquilibrés où une partie prend sans donner ; ils les disent léonins. Les accords que vous nous présentez sont de ce type : ils imposent des sujétions importantes aux États à seule fin de satisfaire la France dans sa frénésie de reconduites à la frontière. Tout cela, au mépris de l'aide publique au développement et de toute politique active en matière de développement solidaire !

Loin de mettre en oeuvre le droit existant, ils créent de nouvelles règles plus restrictives, variables d'un État à l'autre, afin de l'obliger à collaborer à une politique qui exclut plus qu'elle ne protège, qui refoule plus qu'elle n'accueille.

Pour toutes ces raisons, les Verts ne voteront pas la ratification de ces accords. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Je note que votre rapporteur s'est félicitée de l'accroissement du nombre de visas de circulation.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ne cherchez pas à nous opposer !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Vous m'avez interrogé sur le Conseil de modernisation des politiques publiques. Une réflexion est en cours ; il est encore trop tôt pour dire ce que seront les traductions pays par pays.

Nous respecterons les engagements pris. Enfin, s'agissant de la politique de développement, vous savez tout notre attachement à la zone prioritaire.

Monsieur Yung, ces accords ne concernent pas les seuls métiers qualifiés ; il suffit de consulter les accords avec le Sénégal et la Tunisie pour s'en convaincre. Nous aimerions, comme vous l'avez souhaité, distribuer davantage de visas de circulation dont le taux de délivrance, au demeurant, a déjà progressé, notamment au Sénégal où il est passé de 15 à 22 % entre 2004 et novembre dernier.

Madame Assassi, nous ne pratiquons pas le chantage... Les chefs d'État africains, après s'en être inquiétés, ont accepté cette nouvelle politique dans laquelle ils trouvent une contrepartie intéressante si bien que certains ont même sollicité la signature d'un accord ; je vous fais grâce du florilège de citations élogieuses qui en témoigne. Le ministère de l'immigration, avec une équipe restreinte de dix personnes, a mené à terme 120 projets avec 23 pays de départ. Il a également conclu des accords de gestion avec sept pays : le Cap-Vert, le Sénégal, le Gabon, le Congo, le Bénin, la Tunisie et l'île Maurice ; d'autres sont en préparation.

Madame Boumediene-Thiery, vous déplorez les résultats peu satisfaisants de ces accords, mais encore faut-il que le Parlement les ratifie pour qu'ils produisent leurs effets...

Enfin, en tant que secrétaire d'État à la coopération, je tiens, à l'occasion de la discussion de ces accords qui sont traditionnellement présentés par le ministre des affaires étrangères, à vous rassurer : notre aide au développement n'est pas conditionnée à la signature d'un accord de gestion ; de même, madame Tasca, notre zone prioritaire reste prioritaire. Cela étant dit, politique de gestion des flux migratoires et politique de développement sont complémentaires, un effort accru d'aide au développement entraînant à terme une diminution des flux migratoires, et l'on ne peut aborder l'une sans se référer à l'autre. De fait, les candidats à l'émigration ne prennent jamais la décision de quitter leur pays par plaisir...

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Bref, je travaille en étroite coopération avec M. Hortefeux...

M. Charles Pasqua.  - Très bien !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - ..., comme le montre notre récente intervention conjointe devant vos commissions, pour présenter nos politiques, qui ne sont pas opposées, mais complémentaires, et reflètent l'approche cohérente du Président de la République et du Gouvernement. (Applaudissements à droite)

Discussion de l'article unique de l'accord France-Bénin

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP. (Exclamations sarcastiques à gauche)

L'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 187
Contre 139

L'article unique est adopté

Discussion de l'article unique de l'accord France-Sénégal

L'article unique est adopté

Discussion de l'article unique de l'accord France-Congo

L'article unique est adopté

Discussion de l'article unique de l'accord cadre France-Tunisie

L'article unique est adopté