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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Attribution de fréquences de réseaux mobiles (Déclaration du Gouvernement)

Hommage à une délégation polonaise

CMP (Candidatures)

Rappel au Règlement

Rappel au Règlement

Exécution des décisions de justice (Suite)

Discussion des articles

Article additionnel

Article premier

Article 2

Article 4

Article 12

Article 23

Article 31

Article 32

Vote sur l'ensemble

CMP (Nominations)

Suppression des conditions de nationalité pour certaines professions

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Article 3

Article 4

Article 5

Articles additionnels

Vote sur l'ensemble

Hommage aux soldats tombés dans une embuscade en Afghanistan

Conférence des Présidents

Etudes de santé

Discussion générale

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article premier

Article additionnel

Article 2

Articles additionnels

Vote sur l'ensemble




SÉANCE

du mercredi 11 février 2009

67e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 10 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Attribution de fréquences de réseaux mobiles (Déclaration du Gouvernement)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'attribution de fréquences de réseaux mobiles, conformément à l'article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.  - Je suis très heureux de concrétiser un engagement que j'ai pris ici même lors de l'examen de la loi du 3 janvier 2008. Ce débat traduira également les engagements formulés le 12 janvier dernier par le Premier ministre lors de la réunion interministérielle sur l'économie numérique.

Les technologies de l'information et de la communication ont représenté ces dix dernières années la moitié du différentiel de croissance observé entre les États-Unis et l'Europe. Elles comptent aussi pour 40 % des gains de productivité de notre économie. Il faut attendre des innovations dans ce secteur un impact déterminant pour l'ensemble de l'industrie. Celles-ci trouvent des applications dans des secteurs aussi importants que l'automobile, l'aéronautique, la télémédecine ou la formation.

Dans cette période de crise économique sans précédent, vous connaissez la volonté du Gouvernement. Nous devons certes nous mobiliser pour faire face à l'urgence financière et économique par le plan de relance, mais aussi poursuivre les réformes pour préparer la France au monde « d'après-crise ». La crise est dure, violente, mais elle prendra fin un jour. Et, ce jour-là, nous devrons être prêts à rebondir plus vite que les autres. Il faut dès aujourd'hui investir dans des relais de croissance stratégique, dont les technologies de l'information et de la communication font naturellement partie. D'où la politique très ambitieuse menée par le Gouvernement dans ce domaine, notamment pour le développement de la concurrence.

Cela répond à mon sens à plusieurs enjeux, dont le premier est industriel et économique. La concurrence est saine pour stimuler le marché. Selon les analystes, elle assurerait une croissance de 7 % du marché global des télécommunications. Les investissements générés par l'arrivée d'un éventuel nouvel entrant sur le marché du mobile seront importants pour l'économie et l'emploi, du fait de la construction d'un nouveau réseau, de la recherche de nouveaux services et de la distribution des offres correspondantes. Il ne sera pas dans l'intérêt des opérateurs historiques de réduire la voilure de leurs investissements, notamment pour la couverture du territoire -sujet qui vous est cher à juste titre. Nous veillerons à ce que les engagements pris dans ce domaine soient tenus : l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) devra les contrôler. Vous avez renforcé ses pouvoirs de sanction, et nous n'hésiterons pas à les mettre en oeuvre.

Le deuxième enjeu porte sur le pouvoir d'achat des consommateurs. D'après les simulations réalisées par nos services, l'ouverture du marché des mobiles à un nouvel acteur devrait entraîner à terme une baisse de 7 % des prix pour les consommateurs. Ces simulations tiennent compte de l'observation de ce qui s'est produit dans certains pays européens lors du passage de trois à quatre opérateurs. Cela représente 1,2 milliard d'euros par an de pouvoir d'achat « rendu » aux Français, sur un marché qui s'élèvera à environ 21 milliards de chiffre d'affaires en 2015.

Le troisième enjeu concerne l'innovation. L'entrée de nouveaux acteurs va bousculer les opérateurs historiques et intensifier la course technologique en faveur de nouveaux produits et services. Nous parlons de la prochaine génération de services : aujourd'hui, le triple play concilie dans une même offre la télévision, l'internet et le téléphone. Demain, grâce à l'offre quadruple play, il sera possible de consulter de n'importe quel terminal, chez soi ou au bureau, l'ensemble de ses documents et données personnelles. C'est un nouvel âge de la convergence qui s'ouvre. Or, si nos opérateurs nationaux sont bien placés dans cette course technologique, ils ne sont pas pour autant en avance sur leurs concurrents européens. Une stimulation saine du marché serait bienvenue pour mettre toutes les chances de notre côté et répondre à l'ambition fixée à la fois par l'Europe avec la stratégie de Lisbonne et par le Président de la République : faire de la France, d'ici 2012, un pays leader dans ce domaine.

Pour comprendre les orientations du Gouvernement sur ce dossier complexe, il faut savoir d'où nous venons. En 2000 et 2001, dans le contexte de l'emballement financier et économique créé par la « bulle internet », l'État avait fixé un prix de 5 milliards d'euros pour les licences 3G, alors la première étape vers le portable haut débit. Seuls deux opérateurs avaient répondu à cette offre, qui avec le recul paraît vertigineuse. Un troisième, Bouygues, avait renoncé. Deux éléments ont alors joué : le dégonflement de la bulle internet et la volonté du Gouvernement de l'époque d'éviter un duopole qui aurait tué toute concurrence. Il a donc été décidé de baisser le prix de la licence. L'État fixa une redevance fixe à 619 millions et une redevance variable de 1 % du chiffre d'affaires.

La situation actuelle n'est pas très éloignée : l'appel à candidatures que l'État a lancé en 2007 pour l'attribution de nouvelles fréquences n'a pas trouvé preneur. Il faut donc, comme par le passé, revoir notre offre pour permettre à de nouveaux concurrents de se positionner tout en garantissant une égalité de traitement de l'ensemble des opérateurs. Dans le même temps, il faut aussi veiller à soutenir la croissance du secteur et la couverture du territoire, et à valoriser convenablement ces nouvelles fréquences. Cela représente beaucoup d'argent pour les finances publiques. Nous avons donc demandé à l'Arcep de mener une consultation publique, réalisée au cours de l'été 2008.

Comme l'a annoncé le Premier ministre le 12 janvier dernier, nous pensons qu'il est souhaitable de diviser le « paquet » de fréquences supplémentaires en trois lots : un lot de 2 x 5 MHz réservé à un nouvel entrant, à un tarif non discriminatoire par rapport aux offres précédentes ; l'accès à la bande de 900 MHz, essentielle pour les enjeux de couverture du territoire ; deux autres lots de 2 x 5 Mhz chacun, pour lesquels tous les opérateurs y compris les historiques pourront postuler. Comment le nouvel opérateur sera-t-il choisi, sur quels critères ? Ce ne sera pas un critère de prix, puisque nous proposons que celui-ci soit fixé en amont selon une règle simple, dans un souci d'équité avec les opérateurs existants : le prix correspondrait au tiers du prix accordé précédemment, 619 millions, soit environ 206 millions, pour un tiers des fréquences attribuées. Différents raisonnements pourraient justifier de demander plus, ou moins.

Nous proposons la solution qui, de l'avis de nombreux experts apparaît comme la plus juste et la plus sûre juridiquement. Du reste nous avons sollicité l'avis du Conseil d'État.

Si le critère financier est écarté, quels autres critères feront la différence ? Nous procéderons à une « procédure de soumission comparative », ce qu'on pourrait appeler en termes plus parlants un « concours de beauté ». Il s'agit de voir quels postulants présentent les meilleures garanties et proposent les meilleurs engagements, notamment en matière : d'ampleur et de rapidité des déploiements ; de cohérence et de crédibilité du projet ; de capacité à stimuler la concurrence au bénéfice du consommateur ; d'environnement ; de qualité de service.

Dans un souci d'équité il paraît souhaitable que les critères retenus en 2009 soient similaires à ceux qui avaient permis d'attribuer les premières licences en 2001 et 2002. Il convient notamment de faire en sorte que le nouvel entrant déploie un réseau sur l'ensemble du territoire, afin de favoriser la concurrence, même dans les campagnes. Ainsi, pour le lot réservé, le Gouvernement s'oriente vers la reprise des mêmes obligations minimales de couverture que celles proposées dans les précédents appels à candidatures. La diminution de la quantité de fréquences sur laquelle porte l'appel à candidatures pour la bande 2,1 GHz n'a pas d'impact sur la capacité du nouvel entrant à déployer sur l'ensemble du territoire : c'est en effet à partir de la bande de 900 MHz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses. Il y aura accès afin de bénéficier de conditions aussi avantageuses que les opérateurs existants pour la couverture du territoire.

Ainsi, dans cet appel à candidatures pour un nouvel entrant, nous ferons jouer la concurrence non pas sur le prix, mais sur la capacité à répondre à des engagements. Le but est de tenter d'obtenir des engagements allant au-delà des obligations minimales, notamment en termes de couverture du territoire. L'entrée de nouveaux acteurs sur le marché doit absolument être compatible avec un objectif ambitieux de couverture du territoire. Nous ne souhaitons pas de quatrième opérateur au rabais.

Pour faciliter la couverture en téléphonie mobile de quatrième génération, la loi de modernisation de l'économie a prévu d'imposer la mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses. L'Arcep, chargée de définir les conditions de cette mutualisation, devrait prochainement rendre ses conclusions sur ce sujet. Partager les investissements à quatre et non plus à trois permettra aussi de couvrir plus loin. Le partage des fréquences disponibles a un autre avantage, celui de permettre, grâce aux deux lots de fréquences restants, de répondre à la demande des opérateurs qui souhaitent des fréquences supplémentaires.

Le prix offert par les opérateurs pour ces deux lots de fréquences ouverts à tous, pourrait être un critère déterminant. La loi de modernisation de l'économie a permis de mettre aux enchères certaines fréquences. Ce pourrait être le meilleur moyen pour l'État de vendre au meilleur prix. Nous nous orientons donc vers une mise aux enchères ou une procédure de soumission comparative permettant d'évaluer, au-delà du critère prix, les engagements des opérateurs existants de nature à favoriser le dynamisme du marché français. Par exemple, les opérateurs pourraient être incités à s'engager à assouplir les conditions d'accueil des MVNO sur leur réseau si un critère de stimulation de la concurrence était retenu.

Pour la couverture du territoire, il n'y a pas matière à demander aux opérateurs historiques d'aller plus loin que les engagements de couverture 3G très ambitieux -parfois au-delà de 99 % de couverture de la population- qui ont déjà été pris. En revanche, il faudra s'assurer que ces engagements ont été respectés, ce qui n'est pas encore pleinement le cas aujourd'hui. Le Gouvernement y veillera. C'est notamment pour cela, qu'ensemble, nous avions renforcé, dans la loi de modernisation de l'économie, les pouvoirs de sanctions de l'Arcep dans ce domaine.

Je souhaite que l'attribution de ces nouvelles fréquences soit décidée après celle du premier lot de fréquences, réservé à de nouveaux acteurs. Cela permettrait au lauréat du premier lot de se positionner sur les autres. Ce serait pour lui la possibilité d'acquérir des fréquences supplémentaires, et pour l'État, celle d'obtenir un meilleur prix.

Il est important d'attribuer rapidement ces fréquences 3G, car cela s'inscrit dans le cadre d'une politique beaucoup plus large en faveur de l'économie numérique et qui passera par l'attribution, dans les années à venir, de nouvelles bandes pour l'internet mobile à haut débit. Il s'agit d'une part de la bande de 2,6 GHz -qui devrait être libérée par les militaires à partir de 2010- et qui offre de grandes capacités, permettant ainsi une bonne couverture des zones denses. Il s'agit d'autre part des fréquences de la bande 790-862 MHz -qui seront libérées, dans le cadre du dividende numérique, avec l'extinction de la télévision analogique d'ici au 1er décembre 2011 -et qui ont d'excellentes propriétés pour la couverture du territoire. Une attribution conjointe de ces fréquences traitera simultanément les problèmes des zones denses et des zones rurales et, ainsi, réduira le risque de fracture numérique pour le très haut débit mobile.

Nous attendons vos propositions et, à l'issue de ce débat, le Gouvernement lancera la procédure d'attribution de la quatrième licence. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Avant de passer la parole à Mme la Secrétaire d'État chargée de l'économie numérique, je ne résiste pas au plaisir de saluer la présence dans les tribunes des adjoints au maire de la ville de Marseille. Autant de sénateurs en réserve ! (Applaudissements)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.  - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs les Marseillais, le débat d'aujourd'hui nous permet d'exposer la vision stratégique de notre pays en matière de fréquences, mais aussi en matière d'économie numérique. Mon collègue Luc Chatel vous a présenté la politique du Gouvernement sur les fréquences à 2,1 GHz et 2,6 GHz, ainsi que sur la sous-bande de fréquences 790-862 MHz qui seront affectées à l'internet mobile à très haut débit. Pour les fréquences à 2,1 GHz, nous souhaitons voir émerger un nouvel opérateur mobile, au profit des Français et de la couverture des territoires.

Je souhaite exposer brièvement quelques-uns des enjeux de l'économie numérique qui sont au coeur des projets territoriaux : le dividende numérique, le passage à la télévision tout numérique, la télévision mobile personnelle et les nouveaux services audiovisuels et, plus globalement, l'aménagement numérique des territoires.

La France connaît une opportunité historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ». Le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences, et dégagera ce qui est communément appelé « le dividende numérique ». Ces fréquences basses permettent de diviser considérablement le coût de déploiement des réseaux mobiles en zones peu denses, ce qui est essentiel pour la couverture des territoires. Ce dividende numérique est une occasion unique pour notre pays et pour l'Europe, comme l'a été le GSM, de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique. Il contribuera à l'aménagement du territoire en développant l'internet à très haut débit, grâce à l'affectation de la sous-bande 790-862 MHz. La procédure d'attribution de ces fréquences sera lancée d'ici à la fin de l'année 2009, selon plusieurs critères : valorisation du patrimoine immatériel de l'État, couverture du territoire et concurrence. Le dividende numérique permettra le développement des nouveaux services de télévision : télévision haute définition, télévision mobile personnelle, radio numérique. Il contribuera surtout à la croissance économique grâce aux nouvelles infrastructures qui seront déployées avec ces fréquences.

Quelles sont les étapes suivantes ? Nous menons des travaux avec nos partenaires européens pour que l'Europe tout entière bénéficie de ce dividende. Le Royaume-Uni vient de prendre une décision identique à celle du gouvernement français et l'Allemagne devrait le faire dans les prochaines semaines. Nous espérons convaincre nos autres partenaires afin que le dividende numérique devienne une réalité européenne.

En ce qui concerne le passage à la télévision tout numérique, le dividende numérique ne sera perçu que si nous réussissons le déploiement sur l'ensemble du territoire national des dix-huit chaînes de télévision gratuite en qualité numérique, et l'arrêt de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011.C'est l'une de mes priorités. La TNT offre en premier lieu davantage de choix pour le téléspectateur, plus d'information, plus de culture, plus de loisirs. En deuxième lieu, c'est aussi plus de qualité. La TNT, enfin, c'est la simplicité de n'avoir pas à changer de téléviseur. Ses réseaux vont couvrir 95 % de la population, les 5 % de foyers restants pourront s'équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les dix-huit chaînes nationales de la TNT. Une offre de TNT gratuite par satellite est déjà en place, une deuxième offre devrait émerger dans les prochains mois afin de donner plus de choix aux Français.

Mais pour réussir le passage au tout numérique, il faut s'assurer que l'ensemble des foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. C'est là le défi le plus ambitieux. Trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89 %, seuls 60 % des foyers sont aujourd'hui équipés d'au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 30 % seulement ont équipé l'ensemble de leurs postes. Il faut donc, dès maintenant, accélérer le rythme d'équipement des foyers.

C'est l'objectif du dispositif national d'accompagnement du public présenté le 6 novembre et qui sera mis en place avant le 31 mai 2009. L'accompagnement des publics sensibles, personnes âgées et handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l'État. De leur côté, les ménages à faibles revenus seront eux aussi aidés pour l'acquisition et l'installation du matériel de réception. L'opération pilote de Coulommiers, la semaine dernière, livre ses premiers enseignements. La mobilisation des élus et des associations est la clé de la réussite et les conditions de l'assistance financière doivent être simplifiées. Un effort accru d'information est nécessaire, notamment pour expliquer les quelques problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des neuf autres communes environnantes.

Un second site pilote sera mis en oeuvre à Kaysersberg à partir du 14 avril et jusqu'au 27 mai 2009, puis ce sera le tour du Nord-Cotentin en juin, de l'Alsace et de la Basse-Normandie à la fin de l'année. La Lorraine, la région Champagne-Ardennes, puis la Franche-Comté, la Bretagne et la région Pays-de-Loire suivront en 2010. Je réunis demain le Comité stratégique pour le numérique afin de finaliser rapidement le dispositif national d'accompagnement du public vers la télévision numérique et de publier l'ensemble du calendrier de l'opération avant la fin du mois de mai 2009.

Le dividende numérique permet en outre d'offrir de nouveaux services audiovisuels aux usagers, dont la télévision mobile personnelle (TMP). Le Japon et la Corée, mais aussi l'Italie, l'Autriche et la Suisse ont pris de l'avance. Il n'y a pas de raison que la France reste à l'écart de cette évolution majeure des modes de consommation télévisuelle. Reste que la définition du modèle économique de la TMP est complexe. Je vais lancer, en association avec le CSA, une mission de médiation afin d'examiner la possibilité de commencer les travaux d'investissement sur un réseau pilote autour d'un noyau dur d'intervenants, principaux opérateurs de télécommunications et chaînes de télévision.

J'en viens enfin à l'aménagement numérique des territoires. Dans ce domaine, l'implication budgétaire de l'État est constante. Depuis 2002, les investissements sur les réseaux d'initiative publique sont estimés à 2,5 milliards d'euros, dont près de 50 % pris en charge par les investisseurs privés et 34 % par les collectivités territoriales. L'État, au travers des contrats de plan, et l'Europe, au travers des fonds européens, en ont assumé 16 %.

Sur la période 2007-2013, 300 millions d'euros seront consacrés par l'État à l'aménagement numérique des territoires avec comme priorités l'accès au haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et le soutien aux collectivités. L'internet haut débit est devenu une commodité essentielle au même titre que l'eau ou l'électricité. Près de 2 % de la population, répartis sur une fraction significative du territoire, ne sont aujourd'hui pas desservis par les différents réseaux d'accès à l'internet haut débit fixe : un à deux millions de Français sont ainsi exclus de la société de l'information. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé le 12 janvier afin d'identifier des opérateurs universels du haut débit fixe susceptibles d'offrir à tous un accès à l'internet haut débit à un tarif inférieur à 35 euros par mois, matériel compris. Ils seront labellisés. Plusieurs opérateurs se sont déjà porté candidats.

En outre, dans le cadre de la loi LME, un réseau rural mobile de troisième génération, mutualisant les équipements, permettra d'assurer à tous les Français d'ici 2012 un accès au haut débit mobile. Des expérimentations seront lancées dans les prochaines semaines.

Les collectivités locales ont contribué à l'émergence de plus de 100 réseaux d'initiative publique et investi plusieurs centaines de millions d'euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues. Une circulaire va bientôt permettre la mise en place des instances de coordination État-collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. L'État accordera dans ce cadre une aide financière. Deux décrets vont prochainement accélérer l'aménagement numérique des territoires : l'un porte sur le droit à la connaissance des réseaux instauré par la LME, l'autre autorisera une meilleure connaissance de la couverture des services. Permettre enfin aux collectivités territoriales d'investir de façon minoritaire dans les sociétés qui déploient les réseaux facilitera leur intervention dans le très haut débit. Une étude a été lancée avec la Caisse des dépôts et consignations sur la place de l'investissement public dans le très haut débit. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre Hérisson, représentant de la commission des affaires économiques.  - Je me réjouis, au nom de la commission des affaires économiques, de la tenue de ce débat. Le sujet mérite en effet, pour technique qu'il soit, d'être discuté au Parlement et spécialement au Sénat -chambre dédiée à la prospective.

Le spectre hertzien revêt une importance stratégique essentielle, surtout au regard de l'exigence toujours plus grande de nos concitoyens pour la mobilité. L'homme contemporain vit de plus en plus connecté à des réseaux variés et s'attend à pouvoir l'être à tout moment et où qu'il se trouve. Or seule la transmission par radiofréquences peut satisfaire cette attente. C'est dire l'enjeu que représentent l'attribution des fréquences et la nécessité pour le Parlement de débattre de l'affectation du domaine public hertzien, ressource rare et vecteur de croissance pour notre économie.

Le Premier ministre en a pris acte le 12 janvier en inscrivant le numérique dans la logique de relance de l'économie française, et donné le coup d'envoi à la procédure d'attribution de fréquences destinées au très haut débit mobile : la bande 2,6 GHz, destinée au déploiement de capacités en zones denses, et la bande 800 MHz, aujourd'hui utilisée par la radiodiffusion télévisuelle, que ses qualités de propagation destinent, dès l'extinction de l'analogique, à compléter la précédente pour la couverture du territoire en haut débit mobile. Conformément aux préconisations de la Commission du dividende numérique présidée par M. Retailleau, l'arrêté du 22 décembre 2008 attribue cette bande 800 MHz à l'Arcep à compter du 1er décembre 2011.

Dans ce schéma, il n'était plus possible de laisser en jachère les fréquences restant à attribuer à l'UMTS dans la bande 2,1 GHz. Sans compter que les opérateurs mobiles existants ont besoin de visibilité : si un nouvel entrant était autorisé dans la bande 2,1 GHz, leur cahier des charges leur imposerait de lui restituer des fréquences dans la bande 900. Enfin, ce qui ne peut être négligé, l'attribution des fréquences disponibles viendrait alimenter le fonds de réserve pour les retraites jusqu'à 619 millions, si l'on considère les annonces faites par le Gouvernement le 5 février relatives au prix de la licence. Le surplus de recettes fiscales sera cependant diminué de la baisse de recettes d'impôts sur les sociétés liée à la moindre rentabilité probable des opérateurs mobiles ...

L'attribution de la bande 2,1 GHz a connu une histoire mouvementée. Le premier appel à candidatures de 2000 proposait quatre licences, mais deux seulement furent attribuées en 2001 au prix fort de 4,95 milliards d'euros. Après l'éclatement de la bulle financière, le prix de ces licences a été divisé par huit ; au terme d'un nouvel appel à candidatures, une troisième licence est accordée fin 2002 à Bouygues Télécom pour 619 millions d'euros, prix rétroactivement appliqué à Orange et SFR. Un troisième appel à candidatures est lancé en 2007, mais celle d'Iliad, qui exigeait un étalement du paiement de la redevance, est rejetée en octobre 2007. Le Gouvernement ayant souhaité, par la loi Châtel, reprendre la main pour fixer les redevances UMTS, le Parlement a demandé en contrepartie la tenue d'un débat préalable au Parlement. C'est ce débat que nous tenons aujourd'hui.

C'est donc un quatrième appel à candidatures que le Gouvernement demande à l'Arcep de lancer, dans une forme qui laisse espérer qu'il ne restera pas infructueux : trois lots de 5 MHz chacun sont proposés, ce qui correspond à la largeur d'un canal UMTS, l'un étant réservé à un nouvel entrant et les deux autres mettant en concurrence nouveaux entrants et opérateurs existants. Ce schéma semble sage, qui doit dynamiser le marché. Il n'est cependant pas aisé de mesurer le degré de concurrence sur celui-ci ; l'amende infligée par le Conseil de la concurrence aux trois opérateurs en place pour la période 2000-2002 a pu légitimement nourrir des soupçons d'oligopole. Les investissements à consentir pour acquérir une licence et déployer un réseau sont en effet considérables ; si les opérateurs mobiles virtuels n'ont pu animer la concurrence, leur part de marché ne dépassant pas 5 %, c'est en raison des conditions que les opérateurs de réseau leur consentent, conditions que le Conseil de la concurrence a parfaitement analysées dans son avis de juillet 2008. Outre que ces opérateurs virtuels sont pour la plupart prisonniers de leur opérateur-hôte, leur croissance externe est bridée par la préemption de leur base de clients par ce dernier...

L'apparition d'un quatrième opérateur de réseau pourrait changer la donne, même s'il n'existe pas de corrélation évidente entre le nombre d'opérateurs et le niveau des prix : ceux-ci sont très élevés en Allemagne, qui compte quatre opérateurs UMTS, mais très bas en Finlande, qui en compte trois... L'exemple espagnol, où le quatrième opérateur peine à exister, appelle aussi à la prudence. En France, le marché mobile étant déjà relativement mûr, l'effort des opérateurs en place est la fidélisation du client. Un nouvel entrant devrait nécessairement déployer une stratégie ambitieuse en termes de prix ou d'innovations. Un nouvel entrant qui proposerait par exemple déjà des accès internet fixes pourrait s'appuyer sur le transport quasi gratuit de la voix sur IP pour étendre son réseau de téléphonie mobile. Des offres attractives et illimitées en quadruple play pourraient ainsi se développer.

Mais cette évolution ne doit pas être obtenue à n'importe quel prix. Il est essentiel que l'attribution d'une licence à un nouvel entrant se fasse de manière équitable pour ne pas déstabiliser l'industrie du mobile. Proposer le lot à un prix proportionnellement équivalent à celui acquitté par les trois premiers opérateurs semble raisonnable. Certains s'interrogent cependant sur la rigueur et la valeur juridique de la méthode retenue. Les uns estiment que le lot réservé devait être survalorisé.

Pour d'autres, le lot ne représentant que le tiers de la bande occupée par les trois opérateurs historiques, il est normal que le nouvel entrant paie moins cher au MHz. A-t-on trouvé un compromis équitable en fixant le prix à 206 millions ? La question devait être posée.

Assurer l'équité, c'est également exiger que le nouvel entrant contribue à la réduction de la fracture numérique de la même manière que les opérateurs existants. Le déploiement de la norme 3G a pris du retard, l'Arcep doit obtenir des opérateurs existants qu'ils respectent leurs obligations, notamment en utilisant la bande 900 MHz initialement dédiée au GSM. La couverture du territoire, en particulier des zones rurales, est un objectif essentiel, M. Sido y reviendra dans quelques instants.

Le programme est ambitieux, sans être irréaliste. Pour faciliter le déploiement d'un quatrième réseau, le nouvel entrant sera autorisé à exploiter la bande 900 MHz afin de déployer à moindre coût son réseau. A titre temporaire, il bénéficiera également de l'itinérance sur l'un des réseaux GSM existants. Enfin, point crucial, dès qu'il couvrira 25 % de la population, il aura accès aux sites 2G réutilisés en 3G. Cette mutualisation des installations, outre qu'elle permettra de diviser par quatre le coût de l'extension de la norme 3G prévue dans la loi de modernisation de l'économie, paraît le meilleur moyen de répondre aux inquiétudes croissantes devant les risques sanitaires que comporte l'exposition aux ondes électromagnétiques. (M. Michel Teston acquiesce) Madame le ministre, sur ce dernier point, pouvez-vous rassurer la population...

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Pierre Hérisson, représentant de la commission.  - ... ainsi que confirmer aux opérateurs votre volonté de développer les réseaux numériques ? Lancer un Grenelle des antennes, comme vous l'avez suggéré à l'Assemblée nationale, serait l'occasion de traiter au fond cette question lancinante, qui a pris un tour nouveau avec le récent arrêt de la cour d'appel de Versailles. Le Gouvernement doit se positionner pour ne pas laisser au juge toute latitude dans l'interprétation du principe de précaution.

Enfin, assurer l'équité, c'est aussi impliquer le nouvel entrant dans la nécessaire dynamisation de la concurrence du marché de la téléphonie mobile. L'octroi d'une quatrième licence, a souligné le Conseil de la concurrence dans son avis de juillet dernier, peut créer une dynamique positive à condition « qu'elle s'accompagne d'un déverrouillage des conditions techniques, tarifaires et contractuelles faites aux MVNO ». A cet égard, le Gouvernement entend-il assortir l'attribution des trois nouveaux lots d'obligations claires à l'égard des opérateurs virtuels ? Ceux-ci pourraient concurrencer les opérateurs de réseaux grâce à des contrats plus courts et moins exclusifs.

Pour conclure, la commission des affaires économiques soutient la décision du Gouvernement d'attribuer, sans plus tarder, les fréquences restées disponibles. L'opération doit être menée avec prudence et équité, favoriser la concurrence et l'investissement, bénéficier au consommateur d'aujourd'hui et de demain, quel que soit l'endroit où il se situe sur le territoire. Car c'est bien de mobilité dont nous parlons ! (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

M. Raymond Vall.  - Couverture des zones blanches mobiles, généralisation de la TNT, accès haut débit pour tous sont des chantiers prioritaires du plan numérique. Je salue la volonté de placer la France au premier rang des grandes nations numériques. Pour autant, je déplore que ce débat parlementaire soit tronqué. Outre que le calendrier de l'appel à candidatures est bouclé et la redevance fixée, les conditions d'attribution des fréquences, si l'on en croit la présentation de l'opération aux médias, favorisent un candidat autrefois évincé, Free, qui a déjà annoncé une réduction de la facture de chaque foyer de 1 000 euros par an. Considérant cette baisse des prix, qui augmentera le pouvoir d'achat à condition d'être pérenne, je peux comprendre un appel à candidature taillé sur mesure.

L'opération constitue un moyen de valoriser le patrimoine immatériel de l'État, ce qui n'est pas anodin en ces temps difficiles. Puisque le Parlement s'est dessaisi avec la loi Chatel du 3 janvier 2008 du pouvoir de fixer le montant de la licence, il doit veiller à ce que le nouvel entrant soit soumis aux mêmes règles que ses concurrents.

Tout d'abord, le quatrième opérateur acquittera une licence de 206 millions, ce qui paraît dérisoire par rapport à la somme de 619 millions qu'ont dû déboursée chacun des opérateurs historiques. Il aurait fallu préserver un droit d'entrée plus juste, le nouvel entrant bénéficiant des investissements réalisés par les opérateurs en place pour couvrir 99 % du territoire et déployer la 3G.

Ensuite, prenons garde de ne pas fragiliser les emplois des opérateurs existants, écueil souligné par de nombreux analystes et le rapport de la direction du Trésor. Si le nouvel entrant détient 10 % des parts du marché, ils annoncent une perte de 25 % de leurs revenus, ce qui entraînerait des suppressions d'emplois et une détérioration du service rendu qui se révèle parfois insuffisant. A preuve, le manque de réactivité de certains opérateurs après le passage de la tempête Klaus dans le sud-ouest de la France... (Mme Odette Terrade acquiesce) Cette perte devra donc être compensée.

Enfin, la qualité du service public dont on peut craindre une dégradation puisque, pour la couverture ADSL, seul l'opérateur historique remplit ses obligations dans de nombreux départements, et la préservation des opérateurs de réseaux virtuels, dont M. Hérisson a rappelé toute l'importance pour la baisse des prix. L'absence de clauses d'exclusivité et de droits de priorité dans l'appel à candidatures permettra de préserver ces petits opérateurs.

Pour conclure, permettez-moi d'insister sur les objectifs de couverture du territoire. Il est crucial que le candidat s'engage à couvrir 80 % du territoire dans la première phase, et non les 25 % annoncés, ce qui limiterait l'engagement à couvrir Paris et Lyon ! La couverture des zones rurales doit être le premier critère d'attribution. N'oublions pas l'enjeu premier : réduire la fracture numérique ! Aussi, sans être hostile à ce plan, j'engage le Gouvernement à préserver la qualité de service, l'emploi, l'aménagement équilibré de notre territoire dans les meilleurs délais. II est temps que la politique du Gouvernement prenne en compte les besoins réels des territoires ruraux ! (Applaudissements au centre)

M. Bruno Retailleau.  - Depuis quelques mois, la Chine compte plus d'internautes et l'Inde plus de téléphones mobiles que les États-Unis. C'est dire que la révolution numérique est, au bon sens du terme, systémique. Elle doit, plus que les deux révolutions industrielles qui l'ont précédée, redessiner la carte de la prospérité mondiale. Sur ce nouveau front, la France a, comme L'Europe, des atouts -pénétration du haut débit, prix du triple play- mais aussi des retards -sur le très haut débit, par rapport au continent asiatique, sur l'investissement, deux fois plus faible qu'aux États-Unis, deux à quatre fois plus faible qu'en Europe du nord.

Votre objectif est de créer l'environnement numérique le plus avancé possible, pour placer notre pays dans le peloton de tête des grandes nations et relever une nouvelle ambition de croissance. La politique du spectre est, à ce titre, capitale et je me réjouis de ce débat, même s'il ne doit pas se conclure par un vote : les fréquences sont un bien public et un potentiel économique et social important ; les allouer, c'est affecter une ressource rare. Aussi la gestion du spectre par l'État ne saurait rester patrimoniale et ne viser que la maximisation d'un profit immédiat. Elle engage des décisions stratégiques pour préparer l'avenir.

Les choix que vous proposez sont intéressants. Ils doivent relever trois défis. Premier défi, celui des technologies, qui devront répondre à une double exigence : plus de débit, plus de mobilité. Les nouveaux usages, en simultanéité, sont de plus en plus gourmands en bande passante. Ericsson estime qu'entre 2007 et 2012, le trafic sera multiplié par sept en Europe occidentale. Le très haut débit constitue une réponse. Il faut des tuyaux de taille à répondre à l'explosion des usages. La société de l'information est aussi une société de la mobilité. On n'y navigue pas avec un fil à la patte. Le très haut débit mobile fait partie, au même titre que le filaire, des grandes infrastructures de demain. Il y a donc du sens à aider les opérateurs du fixe à converger vers le mobile : 5 mégahertz représentent un début ; il faudra passer à la vitesse supérieure pour assurer l'avenir. 2012, c'est demain. Se pose donc dès à présent la question du dividende numérique. Il faudra, pour le mobile, des tuyaux à 100 en crête et à 15 au moins en débit moyen, si l'on veut un réseau d'emblée dimensionné pour les vingt ans à venir.

Le deuxième défi est économique. Quel éco-système mettre en place pour optimiser les surplus économiques et sociaux ? A trois, à trois et demi, à quatre ? L'essentiel, en tout état de cause, est de prendre aujourd'hui les décisions qui partout en Europe ont déjà été prises. Je sais que le passage au tout numérique est un très grand chantier et j'espère, madame la ministre, que vous aurez les coudées franches pour le piloter. La France n'est pas en avance. Affecter les fréquences en or dès 2009 est un bon choix dans la perspective du LTE : les industriels ont besoin de visibilité pour anticiper et reproduire le succès du GMS, fruit, faut-il le rappeler, d'une harmonisation européenne.

Pour l'heure, sur la 3G, attribuer une quatrième licence a un sens pour autant que l'on ne privilégie pas un modèle « low cost », un comportement de « passager clandestin » : le gain pour le consommateur ne doit pas se faire au détriment de l'investissement, qui conditionne l'avenir ; pour autant, aussi, que l'on s'attache au respect scrupuleux, par l'opérateur, de ses obligations. Il me semble que votre solution est la mieux bordée du point de vue juridique. M. Hérisson a raison de souligner que ce n'est pas le nombre des opérateurs sur le marché qui garantit la baisse des tarifs (M. Alain Gournac approuve), ainsi que nous l'enseigne l'exemple allemand, mais bien le déverrouillage du marché. Il faut que les petits puissent réussir. La moyenne européenne, pour les MVNO, est à 18 %... chez nous moins de 5 %. Mais l'ouverture ne suffit pas. Le Conseil de la concurrence estime, dans ses conclusions, que l'Arcep devra réunir l'ensemble des opérateurs pour refonder un modèle de développement pour les MVNO. La quatrième licence peut donc aider à débrouiller le marché, mais en partie seulement.

Troisième défi, la couverture du territoire.

M. Alain Gournac.  - Les zones d'ombre !

M. Bruno Retailleau.  - La France est le pays européen dont la densité démographique est la plus faible. L'indicateur pertinent est celui de la ruralité : 31 % chez nous, contre 20 % en Allemagne, 10 % en Italie et 4 % au Royaume-Uni... Cette spécificité française est facteur de fragilité : le phénomène est sensible à chaque déploiement de nouveau réseau.

Mes chers collègues, songez qu'en ce début de XXIe siècle, il est des terroirs où l'on ne peut capter que cinq stations de radios contre plus de cinquante à Paris.

L'aménagement du territoire ne saurait être une variable d'ajustement : il ne doit pas pâtir de cette quatrième licence.

M. le président.  - Il est temps de conclure.

M. Bruno Retailleau.  - Le critère de la couverture doit rester central. 80 % en huit ans ? C'est beaucoup trop lent à mon sens. D'autant que la troisième échéance, pour SFR et Orange, est pour bientôt. Il ne faut pas que l'Arcep transige sur ce point.

Je conclurai par trois remarques. Il est bon d'associer des fréquences hautes, à gros débit dans les zones denses et à bas débit, fiable, dans les zones peu denses. Le Conseil économique et social relève qu'en 2020, pas plus de 40 % des Français ne seront reliés à la fibre optique. Preuve que le haut débit doit être multimodal, fixe et mobile. La mutualisation est capitale. Il n'est pas question que les abonnés autres qu'à l'un des deux opérateurs du dividende ne puissent pas se connecter hors des grandes villes. La spécificité de la régulation française a tenu à la mise en concurrence par les infrastructures. Pensons aux budgets des collectivités locales, qui sans cela seraient encore davantage sollicités.

Dernière question (« Ah ! » sur plusieurs bancs), la prévisibilité. La France sait faire preuve de beaucoup d'imagination pour fabriquer de nouvelles taxes et sa jurisprudence se révèle parfois en contradiction avec les analyses scientifiques. Il faudra aller plus loin qu'un Grenelle des antennes. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a voté il y a quelques jours un amendement visant à faire prévaloir le principe d'une exposition la plus faible possible aux ondes radioélectriques. Le Gouvernement doit se montrer très ferme et inverser la charge de la preuve pour le déploiement des réseaux. Autant de décisions essentielles pour la France de demain. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Teston.  - Notre débat est conforme à l'article 22 de la loi du 3 janvier 2008. A la demande du Gouvernement, l'Arcep va lancer un appel d'offres pour une quatrième licence UMTS en trois lots de 5 mégahertz chacun, dont l'un serait réservé à un nouvel entrant ; l'Arcep lancera également une consultation sur l'attribution des bandes libérées par la télévision analogique et par les militaires à partir de 2010. Nous débattons cependant dans un contexte très particulier puisque nous avons appris dans la presse le prix du ticket d'entrée le 5 février, avant le débat à l'Assemblée nationale. Ce procédé n'est guère respectueux de la lettre et de l'esprit de la loi. Les parlementaires ont-ils été victimes de la course de vitesse entre deux ministres voulant marquer leur territoire ?

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Michel Teston.  - Y a-t-il place sur le marché pour un nouvel opérateur dans un contexte de profonde crise et quelles seront les répercussions pour les trois autres opérateurs ? La téléphonie mobile compte 58 millions d'utilisateurs et le nombre d'appels passés sur un portable a dépassé pour la première fois en 2008 celui des appels passés depuis un fixe. Comme il n'y a que trois opérateurs en France, le Gouvernement tient qu'il y a place pour un quatrième et en escompte une croissance du marché de l'ordre de 7 %. L'analyse de la situation en Europe conduit au constat de la place marginale du quatrième opérateur qui tient par exemple 2,5 % du marché en Espagne et qui connaît de grandes difficultés pour se maintenir : il est donc conduit à vendre à l'un des trois autres opérateurs, comme il l'a fait aux Pays-Bas et comme il cherche à le faire en Allemagne ou en Grande-Bretagne. En outre, il est vraisemblable que le marché de la téléphonie mobile subisse les conséquences de la crise -on évoque une contraction de 6 %.

Le Gouvernement veut améliorer le sort des LVMO. Je discerne mal en quoi l'arrivée d'un quatrième opérateur répond à cette question. Un nouvel opérateur est-il opportun maintenant ? A moins que cela n'ait un lien avec la taxe de 0,9 % sur le chiffre d'affaires des opérateurs pour financer les chaînes publiques ? Le Gouvernement voudrait inciter les trois opérateurs actuels à ne pas augmenter leurs tarifs... L'arrivée d'un nouvel opérateur fera-t-elle d'ailleurs baisser les prix ? Le Gouvernement, qui n'arrive pas à tenir ses engagements en matière de pouvoir d'achat, attend une baisse des prix de 7 %. Les associations attendent de connaître les modalités de l'appel à concurrence : si les tarifs baissent sans déstabiliser le marché, elles estiment que ce sera bénéficiaire. En réalité, le prix moyen à la minute de mobile constaté en France est inférieur à ce qu'il est dans des pays qui possèdent quatre opérateurs : l'augmentation de la concurrence ne garantit pas une baisse des prix. En revanche, le nouvel opérateur ne sera-t-il pas tenté par les solutions low costs ? Il ne disposera dans un premier temps que de 5 mégahertz. Il est donc possible que ces tarifs ne soient compétitifs que là où il possède un réseau et qu'il attende de bénéficier de la clause d'itinérance.

Les cahiers des charges annexés aux licences actuelles précisent des obligations en matière d'aménagement du territoire et chaque opérateur investit un milliard l'an pour améliorer son réseau. Précisément, la clause d'itinérance permet d'utiliser le réseau des concurrents dès que l'on atteint 25 % de la population -il suffit pour cela de couvrir l'Ile-de-France et les cinq autres plus grandes agglomérations. L'article 119 de la loi « Modernisation de l'économie » prévoit encore que l'autorité de régulation déterminera les conditions de partage du réseau de troisième génération. Le nouvel opérateur peut donc se contenter de profiter des infrastructures des autres opérateurs sans investir, d'où un risque de ralentissement des investissements et un moindre effort de réduction de la fracture numérique. Il convient que les exigences en matière d'aménagement du territoire soient les mêmes que pour les trois autres opérateurs.

La procédure offre-t-elle toutes les garanties d'un strict respect des règles de la concurrence ? Le nouvel opérateur obtiendra un droit d'accès pour 206 millions à comparer aux 619 millions payées par les trois autres pour un lot de 15 mégahertz : il en obtiendra dix pour le prix de cinq. Comment ses concurrents réagiront-ils à ces conditions favorables et ne risquent-ils pas de considérer la procédure d'attribution comme une aide d'État déguisée ?

Et s'il n'y avait qu'un seul candidat, attribuerait-on la licence ou lancerait-on un nouvel appel à candidature ? Si on en croit les rumeurs, le seul candidat pourrait être l'opérateur qui, refusant de débourser 619 millions pour 15 mégahertz, avait demandé au juge des référés de mettre fin à la procédure.

L'actualité immédiate m'amène à poser encore une question. Confirmant un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, la cour d'appel de Versailles vient d'ordonner le démontage d'une antenne de téléphonie mobile en invoquant l'incertitude quant à son impact sur la santé. Or le nouvel opérateur devra installer des antennes. A l'Assemblée nationale, madame la ministre, vous avez évoqué un « Grenelle des antennes ». Pourquoi pas ? S'il est justifié d'appliquer le principe de précaution, il faudra aussi revenir sur la question.

Nous serons très attentifs aux modalités de l'attribution : concours de beauté ou enchères ? Il sera essentiel que l'État retire au moins 619 millions des trois lots.

Un recensement opéré avec l'Association des départements de France montre que 364 communes sont situées en zone blanche et de très nombreuses autres en zone grise : l'objectif doit-il être d'attribuer une quatrième licence ou d'obtenir une couverture complète par les trois opérateurs existants ? Il y a encore du travail à réaliser... (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Maurey.  - Je me réjouis de ce débat car le paysage numérique connaît une évolution permanente, qu'elle soit technologique ou politique et administrative. La stratégie France numérique 2012 a enfin reconnu le haut débit comme une commodité essentielle, au même titre que l'eau ou l'électricité. Nous souhaitons vivement que chaque Français puisse en bénéficier au 1er janvier 2010. Le 12 janvier, le Premier ministre a présenté une stratégie d'ensemble pour les réseaux de téléphonie mobile.

Il était temps, car le retard dans l'affectation de ses fréquences nuit à notre compétitivité.

L'arrivée d'un quatrième opérateur, annoncée par le Premier ministre, favorisera la concurrence : les tarifs de détail devraient baisser de 7 %, et, loin d'être concurrencés, les MVNO devraient voir leurs parts de marché augmenter, à condition que soient levés certains obstacles réglementaires. Une concurrence accrue favorisera l'innovation, l'émergence de nouveaux services, de nouvelles offres, et améliorera le taux de pénétration du mobile. Enfin, les investissements attendus du quatrième opérateur sont évalués à 1,5 milliard.

L'Arcep veillera à l'équité entre les opérateurs. La licence ne doit pas être bradée, d'autant que la concurrence accrue affectera les résultats des opérateurs et, partant, les recettes de l'État. Le quatrième opérateur devra être soumis aux mêmes obligations de couverture que ses concurrents. Il faudra mutualiser les infrastructures, tout en évitant que le nouvel arrivé se contente de profiter de l'itinérance offerte par ses concurrents, au risque que ce « comportement de coucou » décourage les investissements.

L'implantation de pylônes est de plus en plus difficile. La récente décision de la cour d'appel de Versailles a de quoi inquiéter les opérateurs, les élus et les utilisateurs.

M. Daniel Raoul.  - Eh oui !

M. Hervé Maurey.  - Comment concilier le principe de précaution et l'arrivée d'un quatrième opérateur développant son propre réseau sans multiplier les pylônes ? C'est la quadrature du cercle ! Il faut, plus que jamais, préserver la capacité des opérateurs français sur les marchés internationaux. L'Arcep devra rester vigilante, même si le nombre de postulants est limité, quitte à ne pas attribuer la licence si les critères ne sont pas remplis. Elle doit assurer les conditions de la concurrence sans fragiliser les opérateurs existants : la quadrature du cercle, encore ! Nous attendons les réponses du Gouvernement.

En dépit des assurances, je crains que la concurrence renforcée nuise à la couverture numérique du territoire. Nombre de communes n'ont toujours aucune couverture en téléphonie mobile et en haut débit. C'est le cas dans mon département, qui, hélas, a refusé de signer la convention avec l'État et les opérateurs. Il est inacceptable de parler de très haut débit quand certains territoires n'ont même pas le haut débit ! Les territoires sans couverture numérique sont voués à mourir.

La taxe de 0,9 % sur les opérateurs de télécommunications équivaut à 380 000 raccordements à la fibre optique de moins. L'amendement, cosigné par MM. Retailleau, Hérisson et moi-même, permettant de déduire de l'assiette de cette taxe les investissements en faveur du numérique, a malheureusement été limité par un sous-amendement. Il faudra y revenir. Les objectifs en matière de couverture ne sont pas tenus : l'Arcep devra prendre des sanctions que je souhaite exemplaires. (M. Daniel Dubois applaudit)

Le nouvel entrant couvrira en priorité les zones rentables. Les collectivités locales risquent d'être à nouveau sollicitées pour la couverture de la TNT : elles ne peuvent faire plus. A l'État de jouer son rôle. Je m'étonne d'entendre M. Chatel déclarer il n'y a pas matière à demander aux opérateurs d'aller plus loin !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - 99 % !

M. Hervé Maurey.  - Il faut au contraire exiger d'eux une couverture à 100 %, comme pour le téléphone fixe. Comment sinon atteindre l'objectif du haut débit fixe et mobile pour tous en 2012 ?

La couverture du territoire devrait bénéficier de la crise. Selon Mme Kosciusko-Morizet, « les investissements dans l'économie numérique sont des plus productifs car ils accroissent la compétitivité de l'ensemble des autres secteurs de l'économie. En outre, les emplois de l'économie numérique sont peu délocalisables ». Or le numérique est le grand absent du plan de relance, contrairement au plan américain. Dans son discours du 2 février, le Premier ministre n'a cité qu'une mesure ponctuelle ; le Président de la République ne l'a pas évoquée du tout. Notre assemblée, qui est celle des territoires, attend tout particulièrement des mesures fortes en faveur du développement numérique des territoires, et par là même, de l'économie tout entière. (Applaudissements à droite)

Mme Odette Terrade.  - C'est par un amendement de dernière minute que, le 14 décembre 2007, le Gouvernement avait précisé les modalités d'attribution des fréquences UMTS, et prévu que le produit des droits d'entrée et des redevances serait affecté au Fonds de réserve des retraites. Trois opérateurs -Orange, SFR et Bouygues- ont acquitté 619 millions pour une fréquence, et acquittent une redevance de 1 % de leur chiffre d'affaires.

Les articles 114 et 119 de la loi de modernisation de l'économie prévoient que la quatrième licence soit mise aux enchères, sous la responsabilité de l'Arcep, et permettent un partage de la fréquence et, partant, du prix d'entrée.

Si le prix proposé au principal candidat, Iliad, propriétaire notamment de Free, était trop faible, on s'exposait en effet à un recours des trois opérateurs historiques devant la Commission européenne. D'où le choix de conditions spécifiques d'attribution et du partage de la quatrième fréquence en trois, ce qui justifie que Free ne s'acquitte pas du même droit d'entrée que les autres ! Bref, on adapte le texte aux intérêts des groupes susceptibles d'en tirer parti.

Le quotidien Les Echos titrait d'ailleurs le 12 janvier dernier : « Le quatrième opérateur mobile : le résultat d'un intense lobbying ».

Pourquoi le groupe Free ne peut-il s'acquitter de la même contribution que les autres ? C'est peut-être qu'il a consacré l'ensemble de ses moyens au cours des dernières années à racheter les uns après les autres les opérateurs présents sur le marché, comme Alice, Infonie et Liberty Surf, au lieu d'améliorer sa médiocre qualité de service. Iliad s'était aussi positionné sur le marché du renseignement téléphonique en réservant l'un des numéros mis en vente, avant de se retirer moins de six mois après l'attribution du service par l'Autorité de régulation !

La loi a été mise au service du développement d'un groupe dont l'image s'est détériorée et qui privilégie le rendement sur toute autre considération, au détriment notamment de la couverture extensive du territoire. Voilà une drôle de manière de faire de la loi l'expression de l'intérêt général ! Il est à craindre que les quelques dizaines d'emplois créés par Iliad ne suffisent pas à compenser les centaines de destructions d'emplois dans la filière.

L'octroi d'une quatrième licence tombe à pic pour les finances publiques en cette période de crise financière. Rappelons que les droits d'entrée et les redevances des opérateurs alimentent le Fonds de réserve des retraites, et que la loi sur l'audiovisuel prévoit de taxer le chiffre d'affaires des opérateurs de communications électroniques. Le Fonds de réserve des retraites, ayant placé l'essentiel de ses ressources sur le marché des actions, a beaucoup souffert de la crise financière : la valeur des actions qu'il détient a chuté de 20 % en 2008, ce qui laisse douter de sa capacité d'intervention en 2020, date où il est censé remédier au déséquilibre démographique du « papy boom »... Ce mauvais usage des deniers publics est une nouvelle raison de s'opposer aux choix du Gouvernement.

Treize ans après la loi Fillon-Larcher sur les télécommunications, malgré la concurrence, les zones blanches subsistent pour l'accès à internet et la couverture des réseaux de téléphonie mobile demeure médiocre. Permettez-moi de le dire à tous les partisans du libéralisme sans rivage ni entraves : il faudra un jour s'interroger sur cette logique européenne qui conduit à l'approfondissement continu de la fracture numérique. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Sido.  - On peut se demander si le marché français de la téléphonie mobile a besoin de davantage de concurrence : les opérateurs actuels ont répondu à la forte croissance du marché en assurant un bon niveau de service et un prix qui se situe dans la moyenne européenne. Cependant, le taux de pénétration du téléphone mobile en France est encore inférieur à la moyenne européenne et l'évolution des prix est moins favorable au consommateur que sur certains marchés étrangers. Les trois opérateurs actuels constituent une sorte d'oligopole, condamné en 2007 pour entente. Les innovations existent, mais les opérateurs se copient les uns les autres, si bien que l'offre reste presque identique.

Ce marché a donc besoin d'une concurrence renforcée pour servir les intérêts des consommateurs. (M. Jean Desessard se montre dubitatif) Faut-il accorder une plus grande part du marché aux MVNO ou créer un quatrième réseau ? La part de marché des MVNO reste marginale -5 % contre 25 % en Allemagne et 15 % au Royaume-Uni- alors qu'ils étaient considérés il y a peu comme un moyen de renforcer la concurrence. Leurs offres restent concentrées sur les cartes prépayées et les forfaits de faible durée. Le Conseil de la concurrence relevait en juillet dernier que les contrats qui les lient aux opérateurs de réseaux sont extrêmement contraignants : les tarifs négociés permettent aux opérateurs de contrôler la pression concurrentielle ; les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau, sont contraints de transmettre des informations commerciales essentielles, et ont dû consentir à des clauses d'exclusivité souvent très longues, ce qui les empêche de renégocier leurs contrats en faisant jouer la concurrence. Le Conseil soulignait que l'arrivée de nouveaux opérateurs pourrait profiter aux MVNO : nous y sommes presque.

Le Premier ministre a donc décidé d'attribuer une quatrième licence. Mais l'apparition d'un nouvel opérateur n'implique pas nécessairement un renforcement de la concurrence : Bouygues, entré sur le marché un an et demi après les deux premiers opérateurs, a été condamné quelques années plus tard pour entente avec ces derniers. Sans doute le cahier des charges du nouvel opérateur apportera-t-il des garanties à ce sujet.

Celui-ci aura-t-il les moyens financiers et pratiques de déployer un nouveau réseau ? Cette opération coûte entre 1,5 et 2 milliards d'euros, et nous ne savons pas si l'arrêt de la cour d'appel de Versailles fera jurisprudence. Les antennes présentent-elles ou non un risque pour la santé ? Il faut trancher ce point rapidement et je me réjouis, madame la ministre, que vous ayez décidé de lancer un « Grenelle des antennes ».

L'octroi d'une quatrième licence doit absolument s'accompagner d'une meilleure couverture du milieu rural. Pourtant les phases 2 et 3 de la loi sur l'itinérance, dont j'ai été l'initiateur, ne sont toujours pas achevées. Certes, le renforcement de la concurrence devrait faire baisser les prix ; mais dans certaines campagnes, les habitants n'en sont pas à comparer lequel des trois opérateurs est le moins cher, mais à se féliciter que l'un des trois soit présent ! Le débat ne doit pas porter seulement sur le prix du service, alors que celui-ci n'est pas encore assuré sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Desessard.  - L'attribution de nouvelles fréquences de téléphonie mobile pose un grave problème de santé publique. En effet, elle entraînera nécessairement l'implantation de nouvelles antennes-relais et l'augmentation des rayonnements électromagnétiques qui présentent des risques indéniables pour la santé.

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas prouvé !

M. Jean Desessard.  - Le développement récent de la technologie mobile, avec l'apparition de la 3G, a conduit les opérateurs à augmenter considérablement la puissance de leurs antennes, soumettant les populations riveraines à des rayonnements de plus en plus nocifs.

De nouvelles preuves scientifiques sont venues récemment étayer la thèse de la nocivité des ondes électromagnétiques pour la santé, monsieur Sido. Le rapport Bio-Initiative, publié en août 2007 par un groupe de scientifiques européens indépendants des pressions des opérateurs et des constructeurs conclut que les normes actuelles ne protègent nullement la population : elles ne prennent en compte que les effets thermiques des ondes et laissent de côté les effets non thermiques encore mal connus. Or des cancérologues, parmi lesquels le professeur Belpomme, ont constaté depuis dix ans une multiplication des cancers des glandes salivaires, qui ne sont pas protégées par la boîte crânienne lors de l'utilisation du téléphone portable. Ce dernier peut également entraîner l'accumulation de molécules toxiques dans le cerveau, par l'ouverture de la barrière hémato-encéphalique, provoquant des tumeurs du cerveau et peut-être le développement précoce de maladies neuro-dégénératives comme la maladie d'Alzheimer. (M. Bruno Sido se montre dubitatif) On constate également une hausse suspecte des cas de leucémie chez les enfants, et des risques pour les foetus ont été mis en évidence.

Qui devons-nous croire ? Les opérateurs de téléphonie mobile et les industriels, qui s'obstinent à nier que les ondes électromagnétiques représentent un risque sanitaire, ou les scientifiques et les médecins qui apportent, jour après jour, de nouvelles preuves de ces risques et demandent l'application du principe de précaution ? Nous ne pouvons rester les bras croisés face à une possible catastrophe sanitaire.

Le récent arrêt de la cour d'appel de Versailles ordonnant le démontage d'une antenne-relais de Bouygues Telecom nous impose de prendre nos responsabilités. Depuis, de nombreux concitoyens contactent des associations comme Robin des Toits, Priartem, Ecologie sans frontière, Agir pour l'environnement, et ont l'intention d'engager des procès contre les opérateurs. De nombreuses villes ont déjà fixé des seuils d'exposition maximum. A Valence, le maire a créé des zones d'exclusion dans un rayon de 100 mètres autour des écoles. A Paris, une charte fixe un plafond à 2 volts par mètre en moyenne sur 24 heures, mais il y a des dépassements dans la journée.

L'insécurité juridique est désormais trop grande, tant pour les élus locaux que pour les opérateurs. Actuellement, nous nous contentons de suivre la recommandation de la Commission européenne dont les seuils, compris entre 41 volts et 61 volts par mètre, sont trop élevés par rapport à ceux appliqués par nos voisins européens : 4 volts par mètre en Suisse, 0,6 volt en Toscane, à Salzbourg ou à Valence, en Espagne. Ce sont souvent les plus modestes de nos concitoyens qui se voient imposer des antennes à proximité de leurs habitations. Ne parvenant plus à convaincre les syndicats de copropriété, les opérateurs de téléphonie mobile se tournent aujourd'hui vers les organismes HLM. Aux inégalités sociales viennent donc se superposer des inégalités environnementales. A la question de la puissance des rayonnements s'ajoute celle de l'accumulation des antennes.

Madame et monsieur les ministres, il est urgent de mettre en place une politique nationale fondée sur le principe de précaution. Une autorité nouvelle, indépendante, devrait recevoir les plaintes de nos concitoyens et sanctionner les opérateurs lorsque les règles ne seront pas respectées. Elle effectuerait des mesures et ordonnerait le respect des normes, par le démontage des antennes ou par la modification des installations litigieuses. Elle pourrait également mener des études épidémiologiques afin d'identifier les zones de surexposition. Il faudra aussi revoir les procédures d'installation et recourir à un processus de décision démocratique, avec une autorisation préalable du maire sur le modèle du permis de construire, et une étude d'impact sanitaire et environnementale. Les scandales sanitaires passés, comme ceux de l'amiante ou des éthers de glycol, nous rappellent que l'on ne peut négliger la santé à long terme et que le principe de précaution, inscrit dans la Constitution, doit s'appliquer.

Je salue votre idée, madame la ministre, d'un Grenelle des antennes associant non seulement les opérateurs et les autorités sanitaires, mais aussi les élus locaux et les associations. Si l'idée de base en était que l'internet est aussi fondamental pour l'espèce que l'eau, comme vous l'avez dit tout à l'heure, cela poserait un problème car cette affirmation est très exagérée. Nous devons étudier l'impact et la nocivité des ondes électromagnétiques en respectant le principe de précaution : en multipliant les antennes, nous multiplions les risques, et ces effets sont cumulatifs dans le temps. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Fouché.  - Nous sommes bien entendus tous attentifs aux risques liés aux technologies nouvelles.

Ce débat sur la quatrième licence mobile est également celui de la fin de la fracture numérique. En 2012, l'ensemble du territoire doit être couvert par le haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique terrestre. Grâce à un quatrième opérateur, les zones blanches seront-elles mieux couvertes ? La couverture totale du territoire relève-t-elle d'une mission de service universel ?

Le Gouvernement nous a utilement éclairés sur l'avancement du plan numérique 2012, en zones rurales notamment, ainsi que sur ses projets pour la couverture des zones blanches de la téléphonie mobile, et le développement des réseaux en fibre optique et de la télévision mobile personnelle. Une question se pose cependant : le passage au tout numérique sera-t-il bien effectif le 30 novembre 2011, malgré la crise mondiale ? Dans nos territoires les plus reculés, il s'agira d'un bouleversement. Mais si la TNT et la téléphonie mobile n'arrivent pas à l'heure dite, la fracture numérique n'aura jamais été aussi criante. Madame la ministre, les départements sont également inquiets : seront-ils sollicités pour le financement de la TNT ?

La volonté de mettre fin à la désertification et de créer une dynamique au profit des espaces ruraux est récente : elle date du Ciadt de juillet 2001 et des orientations présentées par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre. Le grand départ en a été donné en juillet 2003 avec la signature d'une convention entre l'Autorité de régulation des télécommunications, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, les trois opérateurs mobiles et le Gouvernement. Plusieurs lois ont suivi, afin de donner des chances nouvelles à ces territoires. Il s'agissait de permettre aux habitants de nos campagnes de bénéficier du même niveau de services, de la même ouverture au monde, que les habitants des villes. Pour s'implanter sur un territoire, s'y développer ou simplement y rester, ils doivent avoir accès aux techniques nouvelles. La complémentarité entre le monde rural et le milieu urbain a sans cesse été prêchée, mais n'a pas été appliquée aussi souvent. Les disparités s'atténuent, mais un grand fossé subsiste entre les moyens des communautés de communes et ceux des communautés d'agglomération. L'essor des technologies de l'information et de la communication est essentiel pour l'attractivité et le développement des territoires ruraux. Nous ne pouvons nous permettre d'entretenir un quelconque retard d'application.

Pour la téléphonie mobile, les opérateurs ne se sont pas bousculés pour installer des pylônes dans la France profonde alors qu'il était bien plus rentable de le faire dans les villes. Madame le ministre, vos prédécesseurs avaient envisagé de couvrir la totalité des communes à la fin de 2007, puis ont reporté l'échéance. Nous sommes donc face à trois opérateurs prospères, d'un côté, et des citoyens subissant une inégalité injustifiée, de l'autre. J'appelle donc de mes voeux un engagement ferme du Gouvernement. Si nécessaire, l'État doit imposer aux opérateurs, qui en ont les moyens, la charge de cette couverture afin que la question soit réglée en 2012.

La quatrième licence de téléphonie mobile 3G ne peut que réjouir le consommateur, surtout dans les zones rurales non encore couvertes. Il est toutefois regrettable que ce projet soit mal accueilli par les trois opérateurs, qui évoquent déjà des suppressions d'emplois. Les abonnements de mobiles ont tellement progressé que la place existe pour un quatrième opérateur. La concurrence devrait stimuler le marché, qui n'est pas seulement à partager, mais aussi à conquérir. Cette décision va dans la bonne direction. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - La parole est au ministre -nous devrons suspendre à 13 heures.

M. Jean Desessard.  - Qu'il passe au haut débit ou qu'il mette de l'huile ! (Sourires)

M. le président.  - Monsieur le ministre aura le droit, comme chacun d'entre vous, à un litre d'huile d'olive de la commune de Charleval, dont le conseil municipal est ici ! (On apprécie)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Je m'en réjouis d'avance !

Je souhaite d'abord rappeler quelques chiffres. Les réseaux mobiles de deuxième génération couvrent aujourd'hui 99 % de la population française. La difficulté réside certes dans le 1 % restant, je le sais en tant qu'élu local rural, et dans l'intégration des communes associées au mode de calcul pour les zones blanches, comme l'a rappelé Bruno Sido.

Un plan de couverture des zones blanches de la téléphonie mobile, auquel sont associés les opérateurs, l'Arcep, les associations de collectivités et l'État permettra d'achever la couverture de tous les centres-bourgs d'ici 2011. Le taux de couverture des réseaux 3G est aujourd'hui de 70 % et les opérateurs ont pris des engagements ambitieux allant jusqu'à plus de 99 % de la population. Une vérification de la fiabilité des cartes de couverture est en outre menée par I'Arcep, ce qui atteste d'une prise en compte sérieuse de ce problème de couverture. La loi de modernisation de l'économie permet à l'Autorité de prendre des sanctions en cas de retard et de non-respect des engagements.

Les opérateurs qui l'ont souhaité ont été autorisés à réutiliser leurs fréquences 2G, dont les propriétés physiques les rendent plus intéressantes pour la couverture du territoire, pour faire de la 3G.

Le nouvel opérateur bénéficiera pour une période de six ans d'une prestation d'itinérance sur les réseaux 2G des autres opérateurs dès lors que son réseau couvrira plus de 25 % de la population, ce qui lui permettra d'offrir à ses clients un service complet dès l'ouverture commerciale du réseau.

Si nous débattons aujourd'hui d'un quatrième opérateur, c'est que la concurrence n'a pas bien fonctionné et qu'elle n'a pas permis aux MVNO d'y trouver leur place. C'est pourquoi parmi les critères d'attribution des deux lots non réservés à un nouvel entrant, nous mettrons, outre le critère financier, celui de l'amélioration des conditions d'accueil des MVNO.

Ferions-nous un appel d'offre sur mesure pour un nouvel entrant ? Non, en réalité, plusieurs opérateurs se sont montrés intéressés par une quatrième licence : le groupe Bolloré, Altitude Télécom ou le groupe Inquam. Nous ne sommes pas à l'abri d'une surprise...

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État.  - Comme nombre d'entre vous l'ont souligné, la couverture des zones rurales en haut débit mobile est essentielle. Je lancerai dès les prochaines semaines des expérimentations en matière de mutualisation des réseaux. Il faut aussi penser à achever le plus rapidement possible la couverture du territoire en téléphonie mobile de deuxième génération. II reste 364 communes à couvrir : 80 % d'entre elles seront couvertes d'ici fin 2010 et la totalité en 2011.

Cependant, ces statistiques présentent deux insuffisances. D'abord, les communes sont considérées comme couvertes dès lors que le centre-bourg dispose de couverture mobile, ce qui ne satisfait pas une majorité de leur population. En outre un accord est intervenu entre l'État, l'Arcep et les opérateurs en 2007 pour les axes de transport « prioritaires » mais cette définition semble quelque peu restrictive : les autoroutes, les axes routiers principaux -un axe par liaison- reliant au sein de chaque département la préfecture aux sous-préfectures, et les tronçons de routes sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins 5 000 véhicules par jour. Je lancerai rapidement une réflexion pour améliorer la couverture des communes situées en zones blanches et celle des axes de transport prioritaires.

Sur l'harmonisation des fréquences du dividende numérique, nous avançons : la Finlande, la Suisse, le Royaume-Uni se sont alignés sur notre proposition. L'Allemagne y réfléchit et devrait prochainement prendre une décision positive. L'Irlande, la Norvège et les Pays-Bas ont eux aussi lancé des études. Reste à convaincre l'Espagne. Nous y travaillons.

L'effet des ondes électromagnétiques sur la santé est un problème complexe qui suscite des inquiétudes, parfois contradictoires puisque ce sont souvent les mêmes qui s'en plaignent et qui réclament la couverture de leur territoire et l'accès à de plus en plus de services. Les élus locaux ne sont pas bien armés pour répondre à ces inquiétudes. Elles en viennent à gagner les opérateurs eux-mêmes qui s'interrogent désormais sur la possibilité de respecter leurs engagements.

C'est donc le bon moment pour réunir tout le monde autour d'une table, dans l'esprit du Grenelle. Cela n'a jamais été fait. Avec la ministre de la santé, nous réunirons le 19 mars opérateurs de téléphonie, radiodiffuseurs, associations d'élus et de consommateurs, scientifiques. Nous pourrons procéder à des comparaisons internationales et nous interroger sur la très grande disparité des normes selon les pays. Une autre piste sera d'encourager la mutualisation des équipements.

M. Desessard a proposé de créer une nouvelle Autorité. Mais il en existe déjà : l'Agence nationale des fréquences et la Fondation santé et radiofréquences.

Bien entendu, les parlementaires seront conviés à cette table ronde. (Applaudissements à droite et au centre).

M. le président.  - Le débat est clos.

Acte est donné de cette déclaration du Gouvernement.

La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 15 h 5.

Hommage à une délégation polonaise

M. le président.  - (Mmes et MM.  les sénateurs se lèvent et applaudissent) J'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation polonaise comprenant notamment le vice-ministre de l'économie, le vice-maréchal du Sénat de Pologne et le président du groupe sénatorial d'amitié Pologne-France. Cette délégation est reçue par notre Haute assemblée à l'invitation du groupe d'amitié France-Pologne présidé par M. Yann Gaillard, en association avec le groupe d'études sur l'énergie, présidé par M. Ladislas Poniatowski.

L'objet de cette visite est d'étudier le système nucléaire civil français, le gouvernement polonais ayant annoncé récemment son intention de construire une ou deux centrales nucléaires. Je forme le voeu que cette visite contribue, s'il était besoin, aux relations anciennes d'amitié qui lient nos deux pays, engagés dans un destin commun, au sein de l'Union européenne. (Applaudissements)

CMP (Candidatures)

M. le président.  - La commission des affaires économiques a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

Rappel au Règlement

M. Daniel Raoul.  - Rappel au Règlement ! Hier soir, lors du rappel au Règlement formulé par M. Frimat, engagement avait été pris que cette liste soit affichée seulement après la Conférence des Présidents de cet après-midi. Ce matin, n'ayant pas encore lu le compte rendu analytique de la séance de la nuit, j'ai accepté la composition affichée. Mais c'est, je le précise, à la condition qu'une telle répartition des sièges ne se reproduise plus. Nous demandons l'application de la stricte proportionnalité, soit quatre sièges pour la majorité et trois pour l'opposition. Le siège en jeu est celui du groupe CRC-SPG.

Encore une fois, j'ai donné mon accord sous réserve qu'un engagement soit pris pour le futur. C'est la dernière fois que nous siégeons à une CMP dans une telle composition. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement qui reprend une observation faite lors de la dernière Conférence des Présidents par M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, approuvée par Mme Catherine Tasca.

La composition politique de la CMP repose sur un équilibre 5-2 entre majorité et opposition : cette répartition qui date de 1981 n'a jamais varié malgré l'évolution du rapport des forces politiques au Sénat. Comme M. le président du Sénat me l'a confirmé, contact a été pris avec le président de l'Assemblée nationale pour engager une réflexion sur cette question. Il nous faut attendre le résultat de la concertation, étant entendu que les présidents des groupes et les présidents des commissions devront être associés à la recherche d'une solution qui tienne compte des effectifs des groupes dans les deux assemblées. (Murmures à gauche) La réunion de la Conférence des Présidents sera, si votre groupe le souhaite, l'occasion de revenir sur cette question.

M. Daniel Raoul.  - Quel rapport y a-t-il entre la composition décidée par l'Assemblée nationale pour ses représentants à la CMP et celle décidée par le Sénat pour les siens ? Il faut résoudre cette affaire, qui sera, sinon, un casus belli dans la suite de l'élaboration de notre futur Règlement.

M. le président.  - Je suis pour la paix... Mais je vous rappelle qu'en 1981, un accord avait été conclu entre les présidents des deux assemblées ! M. le président du Sénat sera à même de répondre dans le détail à vos questions tout à l'heure en Conférence des Présidents.

Rappel au Règlement

Mme Odette Terrade.  - Il s'agit de l'organisation de nos travaux. J'aurais dû comme l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques auditionner cet après-midi M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Son absence est parfaitement compréhensible, puisque, depuis plusieurs semaines, et sans susciter de réaction du Président de la République, pourtant si prompt à donner son avis sur toute question dans ce pays, la population guadeloupéenne, avec ses organisations syndicales et ses élus, manifeste avec détermination son refus d'une situation sociale et économique devenue insupportable. Son mode d'ordre est « Lyannag kont profitasion », « ensemble contre l'exploitation outrancière ». Que M. Jégo ait cru bon de s'éclipser dimanche soir dernier de Guadeloupe pour venir rendre compte à Paris, laissant en plan ses interlocuteurs locaux, qu'il soit revenu ensuite porteur de l'indifférence gouvernementale, cela ne change rien à l'affaire. II est de la responsabilité du Gouvernement de prendre en compte les fortes aspirations de la population antillaise et guyanaise -car le mouvement gagne la Martinique et la Guyane- autrement qu'en renvoyant dos à dos les partenaires sociaux.

La représentation nationale s'honorerait d'engager au plus tôt un véritable débat sur les changements profonds à adopter dans les politiques publiques, si l'on peut encore les qualifier ainsi... La défiscalisation à outrance a montré ses limites ; elle ne profite manifestement pas aux sociétés locales. La France, par l'intervention du Parlement, gagnerait à traiter enfin de manière juste et équitable les départements et territoires d'outre-mer, en valorisant leurs atouts et en les aidant à résoudre leurs difficultés. Nous sommes solidaires du puissant mouvement social en cours dans la Caraïbe, mouvement qui mérite bien autre chose que le coupable silence de l'État. (Applaudissements à gauche)

Exécution des décisions de justice (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour réservé appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille. La discussion générale a été close le 20 janvier dernier, lors de la dernière séance réservée.

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme N. Goulet.

Avant le chapitre 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la première phrase de l'article 88 du code de procédure pénale, après les mots : « par ordonnance, », sont insérés les mots : « dans un délai de 30 jours, ».

II. - Après la première phrase de l'article 88 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le non-respect de ce délai entraînera la caducité de la plainte. ».

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement n'a pas toute sa place dans ce texte mais je tenais à attirer votre attention sur les délais lors des dépôts de plainte : le doyen des juges d'instruction n'est en effet pas tenu par un quelconque délai pour fixer une consignation.

Ainsi, une plainte déposée en avril 2007 ne verra une ordonnance de consignation qu'en juillet 2007, une consignation payée le 1er aout, un juge d'instruction désigné le 1er octobre. Que de temps perdu pour un dossier très médiatisé !

Je propose donc que le doyen des juges d'instruction dispose d'un délai de 30 jours maximum pour fixer la consignation qui va permettre d'engager la procédure.

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois.  - Il serait intéressant de fixer un délai maximum pour verser la consignation dans le cadre de la constitution de la partie civile. Cela permettrait de protéger à la fois les personnes éventuellement ciblées par la plainte et de renforcer les droits de la partie civile. Il n'y a en effet rien de pire que d'attendre le bon vouloir du juge pour verser la consignation et entamer l'examen du dossier. Ce sujet mérite donc d'être étudié avec beaucoup d'attention, mais il n'a pas sa place dans cette proposition de loi. Pourquoi ne pas déposer cet amendement lorsque nous examinerons en mars la proposition de loi de l'Assemblée nationale sur la simplification du droit ? Je demande donc le retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Cet amendement n'a aucun lien avec le texte que nous examinons. Pour autant, je rejoins votre rapporteur. Pendant vingt ans, on a réformé par ajustements successifs le code de procédure pénale sans remettre à plat, une bonne fois pour toute, l'ensemble de la procédure pénale. Nous avons enfin la chance de pouvoir refondre le code pénal et le code de procédure pénale : la commission, présidée par l'avocat général Léger, va rendre un pré-rapport sur la réforme de l'instruction fin février et le rapport définitif sur la réforme du code de procédure pénale et du code pénal début juin, ce qui nous permettra de débattre de tous ces sujets. Cet amendement aurait toute sa place lors de la réforme du code de procédure pénale. Retrait.

Mme Nathalie Goulet.  - Je vous fais remarquer que la réforme de la procédure de diffamation a, elle aussi, un lien ténu avec ce texte. Cela dit, je retire mon amendement.

L'amendement n°1 est retiré.

Article premier

Après l'article L. 141-4 du code de la consommation, il est inséré un article L. 141-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 141-5. - Lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l'intégralité du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement prévu à l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. »

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié ter, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi.

I. Rédiger comme suit cet article :

Le premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve de l'alinéa suivant, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

« Un décret en Conseil d'État fixe les cas et conditions dans lesquels les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement sont mis partiellement à la charge des créanciers. Dans ces cas, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du débiteur, mettre à sa charge tout ou partie de ces droits proportionnels lors du prononcé de la condamnation. »

II. En conséquence, dans l'intitulé du chapitre Ier, supprimer les mots :

en droit de la consommation

M. Jacques Mézard.  - Dans le cadre de l'exécution des décisions de justice, est-il normal que celui qui a gagné soit condamné à assumer en partie les frais de recouvrement ? Cette proposition de loi va dans le bon sens puisqu'elle vise le droit de la consommation : les frais d'huissiers seront désormais à la charge du débiteur dans certains cas. Nous souhaiterions que cette disposition soit étendue à tous les litiges.

Il ne s'agit nullement de remettre en cause ou de réduire le montant des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement des huissiers mais de permettre au magistrat de mettre partiellement ou totalement à la charge du débiteur ces frais. Aujourd'hui, tout créancier qui obtient satisfaction doit payer la quasi-totalité des droits de recouvrement, ce qui n'est pas juste si la partie perdante se révèle être plus solvable que le créancier, comme des établissements bancaires, des sociétés commerciales ou de téléphonie. Il arrive même fréquemment que les créanciers aient des moyens financiers inférieurs à ceux des débiteurs.

Les dispositions en vigueur imposent au juge de statuer sur les dépens, en s'appuyant sur l'article 700 du code de procédure civile ou même sur l'article 475-1 du code de procédure pénale relatif aux frais et honoraires non inclus dans les dépens. Je ne puis penser que les huissiers manifestent une quelconque défiance à l'égard des magistrats, lesquels avec sagesse peuvent mesurer quels sont les créanciers et les débiteurs qui devront assumer la charge de ces droits. Il ne s'agit donc pas ici de réduire les droits de recouvrement mais de laisser à l'appréciation du magistrat le soin de fixer celui qui devra acquitter ces frais. A l'origine, la loi du 8 mars 2001 est revenue sur le décret du 12 décembre 1996 qui avait été annulé par le Conseil d'État à la demande de certains avocats. La situation actuelle n'est pas conforme à l'intention initiale du législateur, ce qui est d'ailleurs fort bien rappelé dans le rapport de M. Zocchetto. En outre, M. Hyest avait posé une question écrite sur le même sujet.

M. le président.  - Sous-amendement n°32 à l'amendement n°24 rectifié ter de M. Mézard, présenté par Mme N. Goulet.

Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'amendement n° 24 rect ter.

Mme Nathalie Goulet.  - Il convient de limiter l'application de cet article au droit de la consommation. Il est tout à fait aventureux de modifier le droit actuel alors qu'une partie des revenus des huissiers est composé des droits proportionnels. Il ne s'agit nullement de marquer une quelconque défiance à l'égard des magistrats, mais de laisser la part proportionnelle qui revient aux huissiers pour service rendu payée par les créanciers. L'exécution du paiement par les débiteurs rendrait le recouvrement encore plus difficile.

En outre, je n'ai pas fait la même lecture que M. Mézard de la question posée par M. Hyest le 1er mars 2007.

Je souhaite donc en revenir à la rédaction de la commission.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cette proposition de loi permet au juge de mettre à la charge du débiteur tout ou partie des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement, lorsqu'il s'agit du droit de la consommation. Notre collègue Mézard propose d'étendre cette mesure à tous les contentieux civils. Votre commission a estimé que cette idée était intéressante et elle y a donc été favorable. Une fois voté par la commission, cet amendement a provoqué un certain nombre de réactions et nous nous sommes interrogés sur ses conséquences : le débiteur en situation difficile serait encore plus pénalisé. Néanmoins, nous sommes restés favorables à cet amendement.

C'est pourquoi le sous-amendement n°32 me surprend puisqu'il rigidifie le dispositif. A titre personnel, puisqu'il n'a pas été examiné par la commission, j'y suis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avec ce sous-amendement, nous en reviendrions à la situation actuelle : le créancier devrait verser la totalité des frais pour récupérer sa créance. Or, cette proposition de loi permet aux magistrats d'apprécier la solvabilité des débiteurs.

L'article premier vise à mettre à la charge du professionnel condamné dans le cadre du code de la consommation l'intégralité du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement.

Cet amendement vise à élargir cette disposition à l'ensemble des contentieux civils en permettant au juge d'apprécier, en fonction de la situation personnelle du débiteur, s'il est équitable que le créancier participe ou non au règlement des droits de recouvrement.

On peut comprendre que la charge ne doive pas peser sur le créancier mais le juge dispose forcément d'éléments sur lui alors qu'il en manque généralement sur le débiteur.

Ne chargeons pas encore plus la dette du débiteur, surtout en cette période de crise ! Défavorable donc à l'amendement et au sous-amendement.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je m'exprime à titre personnel car je n'ai pu assister à la réunion de la commission au cours de laquelle cet amendement a été adopté ; j'étais retenu par le groupe de travail sur la réforme du Règlement.

Je comprends bien cet amendement dans les litiges de consommation, où ce sont des sociétés importantes qui peuvent être condamnées. Mais j'ai longtemps présidé un office HLM et j'ai vu que les débiteurs sont souvent en très grande difficulté financière. Il serait évidemment d'une logique imperturbable de leur demander de payer mais quel sens cela aurait-il ? Quelle connaissance le juge peut-il avoir de chaque situation particulière ?

Personnellement, je ne suis pas prêt à aller jusque-là.

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai commencé par ne pas comprendre l'objection du rapporteur, puis je me suis rendu compte que mon sous-amendement était mal rédigé : je voulais viser seulement les conflits de consommation.

Le sous-amendement n°32 est retiré.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - M. Mézard souhaite que les juridictions civiles puissent mettre à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais de l'exécution forcée de leur décision. L'adoption d'un tel amendement serait très préjudiciable au débiteur qui, condamné à l'instance, devra supporter la totalité des droits proportionnels aujourd'hui partagée entre les parties. Si cela peut s'admettre dans le cas d'un professionnel dont la situation économique est correcte, il n'en est pas de même des personnes physiques qui ont du mal à payer leurs dettes. Dans une période de crise économique et financière, la situation des débiteurs mérite une attention particulière. Transposer aux particuliers l'intégralité des droits de recouvrement pourrait les placer dans l'impossibilité de payer, ce qui priverait l'huissier de sa rémunération.

Les droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement ne sont pas une sanction à la charge de la partie qui a perdu le procès. Il s'agit d'un émolument lié au service d'un recouvrement efficace. En bouleverser la nature mettrait en péril l'équilibre social des procédures civiles d'exécution.

Le groupe UMP votera donc contre l'amendement Mézard.

M. Laurent Béteille.  - Ma proposition de loi limitait cette disposition au droit de la consommation, où le créancier a généralement moins de moyens que le débiteur. Même dans un litige entre deux particuliers, il peut y avoir déséquilibre financier au détriment du débiteur.

Je proposais que les émoluments de l'huissier soient partagés entre le créancier et le débiteur, sachant que le juge pouvait tout mettre à la charge du débiteur. L'amendement propose un dispositif inverse, qui nous ramène à l'article 32 de la loi de 1991. Ce n'est pas très raisonnable dans les circonstances actuelles. Quand vous payez un avocat, votre créance n'est pas encore établie, elle ne le sera qu'après le jugement...

M. Jean Louis Masson.  - Ce n'est quand même pas au créancier de payer au prétexte que le débiteur ne le pourrait pas !

M. Jacques Mézard.  - Ce n'est pas tant le débiteur que l'on veut protéger dans cette affaire que les huissiers, qui tiennent à être payés. Ils savent bien qu'il est plus facile de faire payer le créancier sur l'argent qui lui rentre que le débiteur désargenté.

Le juge ne connaît pas la situation du débiteur ? Allons donc ! Mon expérience de 35 ans m'a appris que le juge peut savoir beaucoup de choses, et déjà si le débiteur bénéficie ou non de l'aide juridictionnelle. Comment doit faire le juge pour prendre une décision sans connaître la situation du débiteur ?

Sans doute nos débats n'auraient-ils pas été les mêmes si nous avions étudié les articles juste après la discussion générale : certaines interventions n'auraient peut-être pas été réalisées cet après-midi... Mais je ne veux pas passer pour celui qui veut à toute force aggraver la situation des débiteurs ! D'ailleurs, ceux qui n'ont pas les moyens ne feront pas l'objet de recouvrement.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°24 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 310
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages exprimés 155
Pour l'adoption 133
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier est adopté.

Article 2

La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire. »

M. Jean Louis Masson.  - Cet article, qui renforce la portée des actes d'huissiers, peut répondre à l'objectif de simplification de la vie juridique et administrative. Je reste cependant perplexe sur sa portée en matière pénale. Voir un huissier débarquer chez soi est toujours déstabilisant : il ne me paraît pas opportun d'interdire toute observation a posteriori à une personne qui peut fort bien, sur le moment, avoir perdu ses moyens.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Je n'ai aucun compte à régler avec les huissiers...

M. Bernard Piras.  - Ça va venir...

M. Jacques Mézard.  - ... qui ne m'ont jamais saisi, dans tous les sens du terme. L'amendement que je vous propose est simplement protecteur. L'article 2 prévoit que, sauf en matière pénale, les constats d'huissier font foi jusqu'à preuve du contraire, que l'huissier ait été commis par voie de justice ou par un simple particulier : c'est là que le bât blesse, car on ne peut exclure le risque de déséquilibre entre les parties. Imaginez le cas où ce particulier serait une compagnie d'assurance... Tout procès-verbal de constat sert à fortifier une future action en justice. Le citoyen ordinaire peut avoir les plus grandes difficultés à faire tomber par une preuve contraire la preuve établie par quelqu'un qui, sans avoir nécessairement raison, aura peut-être simplement eu les moyens d'être mieux conseillé.

J'ajoute qu'au cours de ma carrière, j'ai souvent vu deux constats dressés par deux huissiers d'une même étude pour deux parties adverses. Qui arbitrera entre ces deux actes faisant foi ? Le juge, nous dit la commission... J'observe qu'il y a des cas où il ne faut surtout pas qu'il arbitre, d'autres où c'est le contraire...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet article a retenu toute l'attention de la commission. Il fallait en effet tenir compte de la fragilité des personnes qui se trouvent confrontée, chez eux, à un huissier. C'est pourquoi nous avons décidé -et M. Béteille n'y a pas vu d'objection majeure- de supprimer sa dernière phrase, qui interdit toute observation a posteriori. Vous proposez ici de remettre en cause tout l'article : la commission y est défavorable. Il est logique qu'un constat dressé par un officier ministériel ait une plus grande force probante. Les magistrats reconnaissent qu'ils font systématiquement crédit aux constats d'huissiers. Je rappelle cependant qu'ils ne valent que jusqu'à preuve du contraire et que les dispositions prévues par cet article ne s'appliquent pas, monsieur Masson, en matière pénale.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ils n'ont valeur en effet, en ce domaine, que de simple renseignement. Reste qu'en pratique, les constats d'huissier ont force probante, jusqu'à preuve du contraire : il ne s'agit que de reconnaître en droit ce qui existe en fait. Défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je voterai cet amendement essentiel. Le saut qualitatif est immense entre la situation actuelle et ces dispositions nouvelles, qui donnent force probante au constat. Qu'est-ce, par exemple, qu'un constat d'adultère, comme il s'en fait tous les jours ? L'huissier débarque au petit matin, réveille tout le monde et fait des constatations. Vous connaissez tous ces constats : deux brosses à dents dans la salle de bains, matelas incurvé... (Exclamations scandalisées sur plusieurs bancs) L'huissier demande ensuite aux présents ce qu'ils en pensent : bien entendu, ils n'en pensent rien. Ces constatations font foi jusqu'à la preuve contraire : où est-elle ?

M. Charles Gautier.  - Dans le placard ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Michel.  - Une remarque, pour finir. J'observe que nous avons passé plus d'une demi-heure sur le sous-amendement et l'amendement précédents. Qui, au moment de la Conférence des Présidents, l'eût imaginé ? Travaux pratiques pour nos débats à venir sur le « crédit-temps »... (On apprécie à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Ce qui donne force probante au constat, ce n'est pas la qualité d'huissier. Je n'ai rien contre cette profession.

Je ne suis pas rancunière... (Sourires) La force probante du constat tient à ce qu'il est contradictoire et qu'il ne s'agit pas simplement d'une pièce supplémentaire payée par une partie comme un employeur paierait un médecin pour faire contrôler les arrêts maladie. Je soutiens donc l'amendement.

L'amendement n°25 rectifié bis est adopté ; l'article 2 est supprimé.

L'article 3 est adopté.

Article 4

I. - L'article 39 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est ainsi rédigé :

« Art. 39. - Sous réserve des dispositions de l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, les administrations de l'État, des régions, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les régions, les départements et les communes, les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative doivent communiquer à l'huissier de justice chargé de l'exécution, porteur d'un titre exécutoire, les renseignements qu'ils détiennent permettant de déterminer l'adresse du débiteur, l'identité et l'adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles, à l'exclusion de tout autre renseignement, sans pouvoir opposer le secret professionnel.

« Les établissements habilités par la loi à tenir des comptes de dépôt doivent indiquer à l'huissier de justice chargé de l'exécution, porteur d'un titre exécutoire, si un ou plusieurs comptes, comptes joints ou fusionnés sont ouverts au nom du débiteur ainsi que le ou les lieux où sont tenus le ou les comptes, à l'exclusion de tout autre renseignement, sans que ces établissements puissent opposer le secret professionnel. »

II. - L'article 7 de la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973 relative au paiement direct de la pension alimentaire et l'article 40 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée sont abrogés.

III. - Le troisième alinéa de l'article 51 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée est supprimé.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Simon Sutour.  - Les articles 39 à 41 autorisent les huissiers de justice porteurs d'un titre exécutoire et d'un relevé sincère de recherches infructueuses à solliciter le procureur de la République pour qu'il interroge les administrations et organes publics sur l'adresse du débiteur et l'intitulé des comptes ouverts à son nom, ce qui est cohérent avec l'article 11 de cette loi. Avec la proposition, l'huissier porteur d'un titre exécutoire pourrait s'adresser directement aux tiers. Comme nous craignons des abus, nous voulons maintenir le filtre du procureur de la République.

M. le président.  - Amendement identique n°28, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'ai dit dans la discussion générale mon désaccord avec cet article. Le filtre du procureur de la République assure le respect de la vie privée et n'a connu jusqu'à aujourd'hui qu'une exception pour le recouvrement des pensions alimentaires.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'objet du texte est d'améliorer l'exécution des décisions de justice, conformément aux recommandations de la Cour européenne des droits de l'homme. Mme Borvo Cohen-Seat a pris l'exemple des pensions alimentaires, qui ne posent aucun problème. En fait, le procureur de la République ne regarde pas les demandes des huissiers, c'est le greffier qui se contente d'y apposer une griffe. Il est légitime de supprimer un filtre fictif et qui n'est prévu que pour certains renseignements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'objet du texte est d'améliorer l'exécution des décisions de justice. Le système qu'il propose a prouvé son efficacité pour les pensions alimentaires. Pour les autres affaires, l'huissier est obligé de saisir le procureur de la République qui donne suite quasi systématiquement. Allégeons les tâches des magistrats et pensons à l'impunité des débiteurs de créanciers modestes agissant pour recouvrer des loyers impayés ou une facture. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je rejoins le rapporteur et la ministre sur la nécessité de faire exécuter les décisions de justice. On a pris l'exemple des pensions alimentaires non versées à des femmes abandonnées mais il s'agit ici de tout le reste et j'aurais aimé savoir si les associations d'élus, et notamment l'AMF et l'Association des maires ruraux, ont été consultées. Les réactions que nous avons entendues, tant en commission que dans les couloirs, ont en effet été totalement hostiles à cette mesure parce que ce sont les maires qui seront exposés aux réactions, parfois violentes, des intéressés. Alors qu'ils peuvent aujourd'hui exciper d'une demande d'un tribunal, même si elle émane du greffier, comment expliqueront-ils qu'ils ont répondu à un huissier ?

C'est un pas supplémentaire vers la privatisation de la justice !

M. Laurent Béteille.  - Permettez au président d'une association de maires de rappeler que le maire agit alors pour appliquer une décision de justice ! Encore une fois, le système marche très bien dans certains domaines : pourquoi ne marcherait-il pas ailleurs ?

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Il s'agit en effet, non de satisfaire au bon plaisir d'un huissier, mais de faire exécuter une décision de justice rendue au nom du peuple français. Ne déformons pas les intentions du texte.

Les amendements identiques n°s2 et 28 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

Les articles 5 à 11 sont successivement adoptés.

Article 12

Le deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les huissiers de justice peuvent également accomplir les mesures conservatoires après l'ouverture d'une succession, dans les conditions prévues par le code de procédure civile. »

M. Jean-Pierre Michel.  - J'aimerais rappeler que les officiers de justice que sont les huissiers de justice peuvent être en même temps agents d'assurance. Des notaires, eux, exercent aussi des activités purement libérales, d'où des conflits d'intérêt pour ces huissiers qui assurent une maison dans laquelle ils viennent instrumenter. Il faut remettre un peu de clarté et de discipline dans ces professions.

L'article 12 est adopté, ainsi que les articles 13 à 22.

Article 23

Le code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 348-3, les mots : « devant le greffier en chef du tribunal d'instance du domicile ou de la résidence de la personne qui consent, ou » sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa de l'article 345 est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce consentement est donné selon les formes prévues au premier alinéa de l'article 348-3. Il peut être rétracté à tout moment jusqu'au prononcé de l'adoption. » ;

3° A l'article 361, après les mots : « des articles 343 à 344 », sont insérés les mots : « du dernier alinéa de l'article 345 ».

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Faisant écho à la recommandation n°37 de la commission Guinchard, l'article 23 décharge les greffiers de la procédure de consentement à l'adoption. Sans doute ces derniers se bornaient-ils à vérifier le consentement certain des personnes sans porter aucune appréciation sur le fond ; sans doute aussi l'acte notarié ne coûtera-t-il que 25,55 euros. Cette déjudiciarisation n'est cependant pas anodine : sur le plan des principes, l'accès au service public de la justice est égal, libre et gratuit ; que la procédure devienne payante est contraire à l'idée qu'on peut se faire de la justice.

Enfin, rien ne garantit que le tarif n'augmente pas à l'avenir.

Cessons de penser que la modernisation du droit implique le transfert des procédures des tribunaux vers les cabinets de notaires !

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi.

Supprimer le 1° de cet article.

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement a le même objet que le précédent : nous nous opposons à la déjudiciarisation des procédures. Je doute d'ailleurs que les notaires réclament ce surplus d'activité : ils prennent déjà beaucoup de retard dans l'enregistrement des actes qui leur sont confiés, notamment ceux qui concernent les collectivités territoriales.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La commission avait deux cas à examiner. En ce qui concerne le recueil du consentement à la procréation médicalement assistée, elle n'a pas voulu en conférer au notaire la compétence exclusive, contrairement à ce qui était prévu dans le texte initial, car de nombreux couples souhaitent aller devant le juge. D'ailleurs les conséquences de ce consentement sont irréversibles.

En revanche, la commission a estimé souhaitable de confier au notaire, et non plus aux greffiers en chef des tribunaux d'instance, la charge de recueillir le consentement à l'adoption. La solennité de la procédure était déjà moindre, puisque le greffier n'est pas un magistrat, et son coût est modique : 25,55 euros. La plupart des couples vont d'ailleurs directement chez le notaire. Ce consentement est réversible, puisque le père et la mère ont deux mois pour se rétracter, et que dorénavant le consentement personnel de l'adopté de plus de 13 ans sera requis et pourra être rétracté jusqu'au prononcé de l'adoption.

Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Aujourd'hui le recueil du consentement à l'adoption est une compétence partagée entre le greffe du tribunal d'instance, les services de l'assistance sociale pour l'enfance et les notaires. La proposition de loi tend à décharger les tribunaux de cette tâche ; en revanche, pour les enfants confiés à l'aide sociale, cette dernière continuera à recueillir les consentements. Ce dispositif nous paraît raisonnable : le greffier n'est pas un magistrat, et le notaire est compétent pour authentifier le consentement.

Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je voterai ces amendements : M. Mézard a justement dénoncé la déjudiciarisation des procédures, que j'appellerai plutôt une privatisation du service public de la justice.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Les notaires sont des officiers publics !

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'amendement n°26 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 23 est adopté, ainsi que les articles 24 à 26.

L'amendement n°27 rectifié bis, portant article additionnel après l'article 26, est retiré.

Les articles 27 à 30 sont adoptés.

Article 31

I. - Après le titre XVI du livre troisième du code civil, il est inséré un titre XVII ainsi rédigé :

« Titre XVII

« De la convention de procédure participative

« Art. 2062. - La convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend.

« Cette convention est conclue pour une durée déterminée.

« Art. 2063. - La convention de procédure participative est, à peine de nullité, contenue dans un écrit qui précise :

« 1°) son terme ;

« 2°) l'objet du différend ;

« 3°) les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend et les modalités de leur échange.

« Art. 2064. - Toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition ; en conséquence, les questions relatives à l'état et à la capacité des personnes ne peuvent faire l'objet d'une telle convention.

« Art. 2065. - Tant qu'elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour voir trancher le litige. Toutefois, l'inexécution de la convention par l'une des parties autorise la partie qui s'en prévaut à saisir le juge pour qu'il statue sur le litige.

« En cas d'urgence, la convention ne fait pas obstacle à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties.

« Art. 2066. - Les parties qui, au terme de la procédure participative, parviennent à un accord réglant en tout ou partie leur différend peuvent soumettre cet accord à l'homologation du juge.

« Lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées du préalable de conciliation ou de médiation le cas échéant prévu.

« Art. 2067. - La procédure participative est régie par les dispositions du code de procédure civile. »

II. - L'article 2238 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative. » ;

2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. »

III. - L'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil. »

IV. - La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée :

1° Le deuxième alinéa de l'article 10 est ainsi rédigé :

« Elle peut être accordée pour tout ou partie de l'instance ainsi qu'en de vue de parvenir, avant l'introduction de l'instance, à une transaction ou à un accord conclu dans le cadre d'une procédure participative. » ;

2° L'article 39 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de rétribution des auxiliaires de justice prévues par les alinéas précédents en matière de transaction s'appliquent également en cas de procédure participative, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. ».

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Simon Sutour.  - La commission a ajouté à la proposition de loi la création d'une procédure participative de négociation assistée par avocat. Actuellement les parties qui souhaitent régler un litige à l'amiable disposent de la conciliation et de la médiation. En cas d'échec, la procédure judiciaire est conduite comme s'il n'y avait eu aucun échange préalable.

La commission sur la répartition des contentieux a proposé l'instauration d'une procédure participative, « en raison du rôle actif des parties à la résolution de leur différend, prenant la forme d'une convention par laquelle les parties à un différend s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à sa résolution négociée ». Nous ne sommes pas hostiles par principe à cette réforme, mais nous en contestons la méthode : la nouvelle procédure aurait dû être introduite par le biais d'un projet ou d'une proposition de loi spécifique, afin que nous puissions entendre les parties concernées et réfléchir aux modifications souhaitables.

M. le président.  - Amendement identique n°30, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La création d'une procédure participative de négociation assistée par avocat pose des problèmes de fond et de méthode. La commission Guinchard a suggéré d'introduire en droit français une procédure participative inspirée du droit collaboratif nord-américain ; cette proposition s'inscrivait dans un ensemble cohérent auquel porte atteinte le morcellement du rapport.

Cette disposition, qui n'était pas prévue dans le texte initial de la proposition de loi, a été introduite à la dernière minute lors d'une réunion en commission. On a élaboré à la hâte un dispositif qui ne reprend même pas les suggestions du rapport Guinchard : il n'est pas prévu que l'accord constatant le règlement consensuel du litige puisse être homologué par le juge compétent dans le cadre d'une procédure gracieuse et ainsi doté de la force exécutoire ; en cas d'accord partiel, les parties ne pourront saisir le juge en se contentant de remettre au greffe ce document afin d'homologuer les points d'accord et de faire statuer sur les seuls points restant en désaccord. Enfin le champ social est exclu de cette procédure, qui interdit le recours à la médiation et à la conciliation, et au cours de laquelle les parties devront être représentées par des avocats, ce qui exclut les défenseurs syndicaux.

Cette procédure pose problème par sa nature même : elle sera coûteuse en raison des frais de conseil des avocats. La commission Guinchard soulignait que les parties qui n'aboutiraient pas à une solution négociée n'auraient plus les moyens financiers de se lancer dans une procédure judiciaire. C'est là une des nombreuses critiques que l'on peut adresser à l'encontre de la procédure anglo-saxonne qui ne permet pas aux parties adverses d'exercer leurs droits de justiciables à armes égales.

Il n'est pas sérieux d'introduire une procédure qui bouleverse le règlement amiable des conflits dans de telles conditions. Nous demandons donc la suppression de cet article, afin de nous donner le temps de la réflexion.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet article est le fruit de longues réflexions menées tant par la commission des lois que par les professionnels du droit et la commission Guinchard : nul ne peut dire qu'il est pris au dépourvu. Il s'agit d'un texte consensuel, qui comporte de nombreux garde-fous : la procédure participative sera évidemment facultative, les litiges portant sur l'état et la capacité des personnes en sont exclus, les parties pourront faire homologuer leur accord par un juge, et si elles ne parviennent pas à un accord ou seulement à un accord partiel, la procédure judiciaire sera tout de même allégée puisque l'échange des pièces et des arguments aura déjà eu lieu.

Si vous voulez interdire aux parlementaires de faire des réformes par le biais de propositions de lois ou de travaux en commission, dites-le ! La navette permettra d'améliorer ce texte si nécessaire, encore qu'il ne me semble pas qu'il y ait grand-chose à y ajouter : il résulte d'une mûre réflexion.

Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cette procédure permet d'apaiser les tensions dans certains conflits. Elle est moderne et efficace : mieux expliquées, les décisions sont aussi mieux acceptées. La présence des avocats garantit en outre l'encadrement nécessaire. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Contrairement à ce que vous avancez, monsieur le rapporteur, je serai le dernier à penser que des parlementaires ne peuvent, par une proposition de loi, présenter un texte important. Je l'ai moi-même fait dans une autre enceinte et vos amis me l'ont reproché !

Le texte présenté en commission des lois posait certains problèmes, dont l'inclusion du droit des personnes dans le cadre de la procédure participative. Or il s'agit d'un droit public : comment procéder, sans juge, pour un désaveu ou une recherche de paternité ? Heureusement, le rapporteur a exclu ce domaine du dispositif.

Ensuite, je ne comprends pas pourquoi cette procédure conviendrait aux petits litiges. Pour ces cas, il est déjà possible de recourir à la médiation ou à la conciliation, rendues possibles par la loi-cadre présentée par M. Méhaignerie, et qui ne nécessitent ni tribunal ni avocat.

Enfin, qui pourra rétribuer les avocats chargés de ces dossiers ? Certainement les milieux d'affaires, déjà assistés de professionnels rémunérés par les sociétés. Ainsi, de gros contentieux échapperont à la justice civile. Nous allons vers la privatisation totale de cette dernière, préconisée par les auteurs du rapport Guinchard comme par ceux qui soutiennent ce texte. Nous nous y opposons énergiquement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quelle curieuse conception de la justice !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Monsieur Michel, vous êtes très habile, mais je ne pense pas que nos collègues se laisseront abuser par vos propos... Toutefois, il est important de préciser que la procédure participative ne s'appliquera pas en matière pénale, mais seulement pour le droit civil.

M. Jean-Pierre Michel.  - Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !

M. François Zocchetto.  - Certes, le texte a été modifié en commission, mais plutôt pour le compléter. Il n'a jamais été question d'inclure les affaires de filiation dans la procédure participative. Le texte d'origine prévoyait que celle-ci s'applique pour les droits dont la personne a la libre disposition. Nous avons ajouté qu'« en conséquence, les questions relatives à l'état et à la capacité des personnes ne peuvent faire l'objet d'une telle convention ». Il s'agit d'une précision, non d'une transformation de l'idée initiale.

M. Simon Sutour.  - La réponse du rapporteur indique que l'intervention de Jean-Pierre Michel a porté...

Sur la forme, nous sommes partis d'une proposition de loi comportant 26 articles pour arriver, après passage en commission, à plus de 50 articles ! Si certains d'entre eux sont consensuels, des dispositions importantes ont été ainsi introduites concernant la création d'une procédure participative et la fusion des professions d'avocat et de conseil en propriété intellectuelle. Je ne reprendrai pas le terme d'un de nos collègues en commission, qui parlait d'un travail bâclé, mais en tout cas ce n'est pas un travail législatif sérieux.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je ne partage pas cet avis. Le travail effectué en commission des lois, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest, est d'excellente qualité !

Le principal intérêt présenté par cette procédure réside dans la maîtrise du temps et du coût, même en cas d'échec. D'autre part, elle est efficace en ce qu'elle permet de réduire la durée du procès. Ce dernier est décentré pour débuter sous la responsabilité des parties et des avocats, avant la saisine du juge. Les auxiliaires de justice peuvent échanger tous les documents de travail en amont, ce qui réduit le nombre d'interventions en juridiction. C'est un avantage dont ne disposent pas les autres modes de règlement alternatif des conflits.

Ces dispositions constituent une occasion formidable pour une évolution profonde de la profession d'avocat, qui pourra jouer un rôle d'impulsion pour la recherche de solutions amiables. Cela serait tout à fait satisfaisant.

M. Jacques Mézard.  - Sur la forme, je ne suis pas trop favorable à la méthode.

Sur le fond je doute que cela concerne vraiment les petits litiges : cette procédure n'aura du succès que si l'aide juridictionnelle est supérieure à celle accordée dans le cadre d'un procès. Cela peut donc varier selon la taille du barreau.

D'autre part, la transaction et la négociation existent déjà, dans le code civil, aux articles 2040 et suivants. Depuis toujours, les avocats préparent des transactions afin d'aboutir à des solutions amiables. Quant aux petits litiges, ils peuvent être tranchés par le juge de proximité, dans le cadre du tribunal d'instance.

Mme Nathalie Goulet.  - Quand il en reste !

M. Jacques Mézard.  - L'audience de conciliation est particulièrement adaptée aux petits litiges, mais elle a été dévoyée faute de temps et de moyens en personnel.

La procédure participative est certes intéressante pour la profession d'avocat, que j'ai souvent représentée, mais elle aboutirait à transférer des dossiers importants du palais de justice à l'extérieur. Cela ne constituerait pas une avancée pour notre droit.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne répéterai pas ce que vient de dire excellemment notre collègue. Sans parler de la forme ni de la façon dont ce texte a « enflé », effectivement les procédures de règlement à l'amiable existent déjà. Ce texte nous propose un règlement privé des conflits tel qu'il se pratique aux États-Unis, notamment, quand des montants importants sont en jeu. Il peut convenir lorsque les deux parties sont de force égale, sinon le plus faible perdra. Qu'en serait-il si l'une disposait d'un gros cabinet d'avocats, et l'autre de l'aide juridictionnelle -d'autant que ces procédures peuvent durer ? Ces inégalités sont modérées devant les tribunaux, nous devons faire confiance aux juges pour cela.

On ne peut introduire, au détour d'une proposition de loi, un mode de règlement privé des conflits. Nous nous opposons à un tel abandon du service public et à la privatisation de la justice.

M. Jean-Pierre Michel.  - Cette procédure participative ne vise pas les justiciables concernés par l'aide juridictionnelle, elle portera sur les gros litiges d'affaires ou commerciaux et seuls ceux qui ont assez d'argent pour payer un avocat y auront recours. Mme la garde des sceaux envisage, nous dit-elle, une réforme globale de la procédure pénale. Très bien ! Mais la procédure civile mériterait, elle aussi, une révision globale. En réalité par petites touches vous voulez démanteler le service public de la justice. Vous voulez la privatiser, comme vous le faites de l'éducation nationale ou de l'hôpital ! (Protestations à droite) Je vois que cela vous gêne !

L'amendement n°3, identique au n°30, n'est pas adopté.

L'article 31 est adopté.

Article 32

Le I de l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifié :

1° A la première phrase du premier alinéa, les mots : « et de conseil juridique » sont remplacés par les mots : «, de conseil juridique et de conseil en propriété industrielle » ;

2° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les personnes inscrites sur la liste des conseils en propriété industrielle prévue à l'article L. 422-1 du code de la propriété intellectuelle, à la date d'entrée en vigueur de la loi n° ... du ..., sont inscrites, avec effet à la date d'inscription sur cette liste, au tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve leur lieu d'exercice professionnel ou leur siège social, avec la mention de spécialisation prévue en matière de propriété intellectuelle par les dispositions prises pour l'application du 10° de l'article 53. » ;

3° Au deuxième alinéa, les mots : « et de conseil juridique » sont remplacés par les mots : «, de conseil juridique et de conseil en propriété industrielle, » ;

4° Au quatrième alinéa, après les mots : « fonctions d'avocat », sont insérés les mots : «, du titre de mandataire agréé en brevet européen ou auprès de l'office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) ».

M. Richard Yung.  - L'article 31 et les suivants traitent de la disparition en rase campagne de la profession de conseil en propriété industrielle, par sa fusion-absorption avec celle d'avocat. Nous nous opposons à l'introduction de ce cavalier -et même de ce régiment de cavalerie !- dans cette proposition de loi. Pour des raisons de forme d'abord : le débat sur la profession d'avocat est loin d'être arrivé à son terme. On nous dit que les deux professions sont d'accord ? Mais le Medef, la CGPME, le Conseil supérieur de la propriété intellectuelle sont contre cette fusion ! Et la commission Darrois, dont fait partie le rapporteur, n'a pas encore déposé ses conclusions. Le Figaro nous apprend qu'elle est hostile à la fusion et prône l'interprofessionalité. Et les plus grands barreaux, ceux de Paris, de Lyon et, je crois, de Marseille y sont opposés !

Sur le fond, cette fusion serait-elle utile à notre politique de recherche et d'innovation ? Les deux métiers sont très différents ! Le conseil en brevets conseille le chef d'entreprise dans la mise au point de son invention et il l'aide à l'intégrer dans sa stratégie commerciale. Il peut le faire parce que c'est un technicien, un ingénieur. Mais l'avocat est un juriste, il ne s'occupe que des procédures et des règles. Nulle part ailleurs ces deux professions ne sont fusionnées. En Allemagne l'interprofessionalité ne connaît pas grand succès et seuls deux ou trois cabinets la pratiquent. Faire disparaître les conseils en propriété industrielle, c'est porter un mauvais coup aux PME dont on répète sans cesse qu'elles sont la clé de la croissance. Nous demandons la suppression des articles 31 et suivants.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Simon Sutour.  - Il résulte du décret du 25 novembre 1991 que la profession d'avocat -50 000 personnes- est incompatible avec celle de conseil en propriété industrielle -680 personnes. Les services d'un tel conseil incluent des consultations juridiques et la rédaction d'actes sous seing privé. On ne peut exercer que l'une ou l'autre des professions et un cabinet ne peut accueillir les deux, alors qu'elles oeuvrent, l'une et l'autre, dans les mêmes domaines. Bien que le métier des conseillers en propriété industrielle soit devenu juridique, il leur est interdit de plaider.

Si nous ne sommes a priori pas opposés à cette fusion, nous souhaitons qu'elle se fasse dans le cadre d'un projet de loi ou d'une proposition de loi afin d'en permettre un examen approfondi. Ces conditions n'étant pas remplies, nous demandons la suppression de cet article et des suivants. La discussion ayant été interrompue il y a trois semaines nous avons été entre-temps assaillis de courriers des uns et des autres, montrant que le consensus est loin d'être acquis.

M. le président.  - Amendement identique n°31, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La commission Darrois n'a pas encore rendu son rapport, des organisations professionnelles ne sont pas d'accord, non plus que les barreaux de Paris et de Lyon, les plus concernés par cette affaire. On est loin du consensus. Le rapporteur, membre de la commission Darrois, aurait pu attendre ses résultats. Quelque chose ne va pas dans les pratiques de la commission...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le sujet n'est pas nouveau, ces dispositions législatives étaient prévues depuis longtemps et le Gouvernement était même tenté de recourir aux ordonnances après avoir consulté toutes les parties.

M. Simon Sutour.  - Cela aurait été mieux que de nous faire perdre notre temps !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Non, je préfère en discuter en séance.

Je préfère cela à une ordonnance que l'on nous présenterait pour ratification. Cette fusion est demandée par les deux professions. Le Conseil national des barreaux s'est exprimé clairement en sa faveur, la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle également -et depuis longtemps. Il ne subsiste en France que 600 conseils en propriété industrielle et, alors que le nombre de brevets et de marques déposés en Grande-Bretagne ou en Allemagne augmente, chez nous, la propriété industrielle est en voie de disparition ! Il y a urgence.

Je comprends bien qu'un ou deux ou quelques cabinets seront contraints de se réorganiser. Ils ont multiplié les interventions, j'ai moi aussi reçu de volumineux courriers, émanant d'une association d'avocats mais non signés -je ne sais toujours pas de quel cabinet ils proviennent.

Nous tenons à inscrire de façon détaillée ces dispositions dans la loi -la navette sera l'occasion de modifications si nécessaire. Les entreprises pourront toujours être représentées par leurs propres salariés ; les avocats et anciens conseils en propriété industrielle auront une mention de spécialisation et seront représentés comme tels au sein des barreaux.

Je fais partie de la commission Darrois mais je n'ai pas autorité pour parler en son nom. Mais je précise que les éventuelles modifications de la procédure d'instruction, qui ne sont pas sans incidence sur la profession d'avocat, encore moins sur l'aide juridictionnelle, ont conduit la commission Darrois à demander un mois supplémentaire pour parfaire ses réflexions. Elle sera cependant très favorable à la fusion -je ne vous livre pas un scoop !

C'est qu'il y a urgence. Et je suis très surpris de ces débats, car la mesure me paraissait consensuelle. Je ne sous-estime pas l'obligation d'adaptation dans laquelle seront placés quelques cabinets. Mais ce sont de très gros cabinets et les transformations en leur sein ne toucheront que quelques praticiens. Si cette mesure de fusion avait été prise par ordonnance, vous auriez été en droit de protester. Dans le cadre d'une proposition de loi, je ne le comprends pas. Défavorable.

M. Simon Sutour.  - On entend dans cet hémicycle des choses singulières ! La commission reconnaît que certains sujets importants auraient justifié des projets ou propositions de loi spécifiques. Mais vous nous dites qu'il faut opérer la fusion des deux professions dans ce texte parce que le Gouvernement allait le faire par ordonnance. C'est spécieux ! Le rapporteur, du reste, n'est pas très à l'aise quant à la manière dont nous travaillons ; il avoue que la rédaction n'est pas parfaite, que l'accord n'est pas général : mais ce n'est pas grave, parce que nous sommes en première lecture...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je partage totalement les propos de votre rapporteur. Défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - S'il existe un lieu pour le débat, c'est bien ici ! Je souligne que la mesure a été présentée une première fois sous forme d'ordonnance. Nous avions alors estimé que la concertation n'avait pas été suffisante...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est vrai.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - ... et nous voulions savoir ce que les professionnels en pensaient. Aujourd'hui, nous savons que certaines associations y sont hostiles et j'ai reçu des appels téléphoniques de personnes que j'apprécie beaucoup. Mais nous ne défendons pas tel ou tel cabinet, nous faisons la loi pour tous. C'est l'avenir des brevets qui se joue ici. S'opposer à la fusion, voilà sûrement le meilleur moyen d'aggraver la situation actuelle, peu brillante.

M. Richard Yung.  - L'industrie est contre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais non !

M. Simon Sutour.  - Mais si ! Les patrons et industriels le disent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quand vous écoutez le Medef, et plus encore l'Afep, je suis ravi !

M. Simon Sutour.  - Je n'ai pas parlé du Medef.

M. Richard Yung.  - Monsieur le président de la commission, c'est vous qui devriez défendre le Medef.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je défends l'intérêt général et l'initiative parlementaire ! Le rapporteur a reçu le soutien de la majorité de la commission et je ne vois pas au nom de quoi nous ne serions pas autorisés à légiférer sur cette question.

Dans ma vie déjà longue de parlementaire, j'ai eu l'occasion d'assister à la fusion des professions d'avocats et de conseils juridiques. Les problèmes étaient autrement sérieux et pourtant, le Parlement a contraint les uns et les autres à se moderniser. Au cas présent, les organisations représentatives approuvent la réforme et il faut contraindre les quelques récalcitrants à s'adapter, car la propriété industrielle en France est en péril.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Je suis Sénateur de Paris et les cabinets qui m'ont saisi sont beaucoup plus nombreux que « un ou deux » ! Le rapporteur écrit aussi que le rapprochement est approuvé « par une très large majorité » des membres de la profession. Il aurait dû être un peu plus précis. Paris compte 19 700 avocats, je m'intéresse donc au problème. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'indigne) C'est un peu plus que les 67 avocats de Laval, monsieur le rapporteur, ou les 118 avocats de Melun, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Comment pouvez-vous dire des choses pareilles ? C'est une honte ! Je représente l'ensemble de la Nation !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Quoi qu'il en soit, sur les 657 conseils en propriété industrielle, 52 % seulement ont approuvé la fusion, nous sommes loin d'une « très large majorité ». La réforme touche essentiellement Paris, Lyon et Marseille. Le Conseil de l'ordre à Paris, qui regroupe la moitié environ des avocats français, vous a saisi. Son président, qui est également vice-président du Conseil national des barreaux, vous a indiqué que le Conseil de Paris acceptait l'idée d'une grande profession du droit, comprenant, outre les avocats, les avoués, les notaires, les administrateurs judiciaires, voire les conseils en propriété industrielle. Il n'a jamais dit qu'il souhaitait une profession d'avocat-conseil en propriété industrielle ! La représentation nationale doit être correctement informée : je suis membre de la majorité et j'aurais aimé avoir ces éléments, j'ai dû les chercher par moi-même, ils ne se trouvent pas dans le rapport.

La commission Darrois n'a pas achevé ses travaux. Si j'étais M. Darrois, je donnerais ma démission ! Enfin, je veux attirer votre attention sur le fait que les avocats de Paris, du fait de leurs spécialisations, reçoivent de plein fouet la crise.

Cela va se traduire par des faillites de cabinets et des dégraissages extraordinaires. Et, en plus, vous voulez leur imposer cette fusion ! Je voterai donc cette proposition de loi mais pas cet article car il est trop tôt pour mettre cette réforme en oeuvre. Attendons les conclusions de la commission Darrois. (Mme Bariza Khiari applaudit)

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le Conseil national des barreaux s'est prononcé à une majorité de 75 % en faveur de cette réforme.

M. Simon Sutour.  - Nous voterons ces amendements, non pas que nous soyons opposés a priori à cette réforme, mais parce qu'on nous demande de mal travailler. La proposition de loi de notre collègue Béteille comprenait 26 articles. La commission en a ajouté 24 autres, dont la convention participative, ce qui n'est pas rien. Maintenant, on nous propose cette fusion en disant que la commission y a travaillé depuis de nombreuses années. Il n'empêche que la commission Darrois n'a pas rendu ses conclusions, alors qu'elle aurait pu le faire, car le Président de la République lui a demandé de se pencher sur d'autres sujets.

Notre collègue Pozzo di Borgo, qui n'est pas suspect...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Suspect de quoi ?

M. Simon Sutour.  - Suspect de rien, si ce n'est de faire son travail de parlementaire ! Or il nous a démontré qu'il n'y avait pas de consensus, comme M. le rapporteur a voulu nous le faire croire.

Nous demandons simplement de pouvoir faire correctement notre travail de parlementaires, en prenant le temps de bien réfléchir et de procéder à des auditions pour rédiger un texte sérieux.

Le Sénat gagnerait à accepter notre proposition, ce qui nous permettrait de travailler en toute sérénité. Notre rapporteur nous dit que ce n'est pas grave si le texte qu'il nous propose d'adopter n'est pas parfait, car la navette permettra de l'améliorer. Nous ne pouvons accepter cela.

M. Laurent Béteille.  - A plusieurs reprises, il a été rappelé, comme si c'était une tare, qu'on était passé de 26 à 50 articles. Je m'en réjouis car ces ajouts sont utiles. Certes, certains cabinets et certaines associations ont peur du changement, mais pour avoir reçu les représentants de ces deux professions, je puis vous affirmer qu'une forte majorité veut la fusion. C'est d'ailleurs le sens de l'histoire. Une telle évolution est d'ailleurs extrêmement importante si nous voulons défendre la place de notre droit en matière de propriété intellectuelle et industrielle par rapport aux droits et juridictions étrangers.

A la demande de la commission, les amendements identiques s4 et 31 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Le résultat du vote étant incertain, un pointage est nécessaire.

La séance, suspendue à 17 h 20, reprend à 17 h 45.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 309
Nombre de suffrages exprimés 307
Majorité absolue des suffrages exprimés 154
Pour l'adoption 153
Contre 154

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Simon Sutour.  - Vous avez eu chaud !

A la demande de la commission, l'article 32 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 199
Contre 141

Le Sénat a adopté. (Exclamations ironiques à gauche)

Les amendements de coordination n°s5 à 23 sont successivement retirés et les articles 33 à 50 successivement adoptés

Vote sur l'ensemble

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cette proposition de loi contribue à rénover le fonctionnement du service public de la justice. Elle facilite la procédure, améliore l'exécution des décisions de justice, renforce les moyens des juridictions et des auxiliaires de justice. A l'initiative du rapporteur, M. Zocchetto, que je félicite au nom du groupe UMP, le Sénat a adopté deux réformes ambitieuses, celle de la procédure participative de négociation assistée par un avocat, qui doit éviter que ne soient portés en justice bien des différends, et celle qui organise la fusion de la profession d'avocat et de celle de conseil en propriété intellectuelle, qui renforcera la compétitivité de notre industrie, dynamisera sa recherche et créera en son sein une véritable culture de la propriété intellectuelle.

Ce texte franchit une nouvelle étape vers une justice plus moderne et plus proche des justiciables. La commission des lois a démontré sa volonté et sa capacité à améliorer l'efficacité de notre justice. Le groupe UMP adoptera ses conclusions sur la proposition de loi de M. Béteille, dont je salue l'initiative. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

M. Simon Sutour.  - Au terme d'un long débat, le malaise subsiste. La proposition de loi de M. Béteille, en doublant de volume, a changé de nature, puisqu'y ont été introduites des dispositions relatives à la procédure de participation, et à la fusion de la profession d'avocat et de celle de conseil en propriété intellectuelle, qui auraient dû faire l'objet de textes distincts.

Le rapporteur nous dit que tout cela n'est pas grave, puisque ces dispositions sont consensuelles et que les adopter ici permet de gagner du temps. Il ajoute, argument suprême, que le Gouvernement aurait légiféré par ordonnance. Mais en quoi est-il préférable que le Parlement légifère, si c'est sans changer une virgule ? Il nous dit que la profession est acquise à ces dispositions, que la commission Darrois allait au reste proposer. Je relève qu'on légifère avant même qu'elle ne l'ait fait... Que le texte reste approximatif ne pose pas non plus de problème puisque la navette pourra le parfaire ? Voter dans ces conditions un texte d'initiative parlementaire ne donne guère à notre travail une image de sérieux. M. Pozzo di Borgo l'a longuement démontré, ce texte est loin d'être parfaitement ficelé. Nous n'avons pas tranché sur le fond des deux dispositions qui y ont été introduites. Nous aurions souhaité, pour notre part, que l'on retravaille ces articles. Nous voterons donc, à regret, contre cette proposition de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous avions dit d'emblée que nous voterions contre ce texte, pour des raisons de fond. La façon dont a été introduite la procédure participative ; le fait que l'on anticipe sur les conclusions de rapports non encore aboutis : autant de façons de faire préoccupantes, comme l'est la manière dont vous avez imposé, à l'arraché, la fusion des deux professions.

Que notre assemblée reste partagée est bien signe de malaise, que les raisons en soient de forme ou de fond. La majorité, c'est certes la moitié plus un, mais l'obtenir comme vous l'avez fait pose problème. Nous confirmons donc notre vote contre.

M. Richard Yung.  - Le débat et les votes ont montré que cette question de la fusion n'est pas si simple. C'est un mauvais coup pour les PME, auxquelles la profession de conseil en brevets est essentielle.

La mécanique mise en route va aboutir à la disparition de la partie ingénieur. Après cinq années d'études d'ingénieur, il faudrait aller deux ans à Strasbourg, puis suivre une spécialisation en droit de trois ou quatre ans, soit une dizaine d'années d'études. Mieux vaut devenir chirurgien orthopédiste ou radiologue. On n'aura finalement que des juristes et cela s'opèrera au détriment de l'innovation française, qui perdra des positions en Europe.

M. Laurent Béteille.  - Je remercie le Sénat, le rapporteur et le président de la commission des lois qui ont examiné et enrichi ma proposition de loi en validant sa démarche pour l'essentiel des articles. S'agissant de l'exécution des décisions de justice, je rappelle qu'elle fait partie d'un procès équitable, ainsi que l'a souligné la Cour européenne des droits de l'homme. Renforcer les procédures d'exécution améliore le dispositif.

Je regrette la méprise sur l'article 2, que le rapporteur avait fortement amélioré. Il était utile de préciser que les constats d'huissier font foi jusqu'à preuve du contraire et j'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir. Nous avons fait oeuvre utile.

M. Jacques Mézard.  - En fonction de l'évolution des débats, la majorité de mon groupe ne votera pas ce texte. Sans revenir sur ce que j'ai dit sur plusieurs articles, je soulignerai simplement que nous nous opposons à ce processus de déjudiciarisation. Nous n'avons pas de position tranchée sur la profession de conseil en propriété industrielle, mais nous aurions préféré que le débat se poursuive. Enfin, je n'ai pas reçu de réponse satisfaisante aux réserves que j'ai émises sur la procédure participative.

A la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 186
Contre 153

Le Sénat a adopté.

CMP (Nominations)

M. le président.  - La liste des candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion a été affichée. N'ayant reçu aucune opposition, je proclame membres titulaires, MM. Jean-Paul Emorine, Dominique Braye, Philippe Dallier, Mme Brigitte Bout, MM. Daniel Dubois, Daniel Raoul et Thierry Repentin ; suppléants, MM. Gérard Cornu, Philippe Darniche, François Fortassin, Pierre Hérisson, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre et Mme Odette Terrade.

Suppression des conditions de nationalité pour certaines professions

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées, présentée par Mme Bariza Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Discussion générale

Mme Bariza Khiari, auteur de la proposition de loi.  - La proposition de loi que je vous présente traite d'un problème souvent méconnu mais qui n'a rien d'anecdotique. Elle s'inscrit dans le droit fil de la loi du 3 janvier 2004 instituant la Haute autorité de lutte contre les discriminations, que le Sénat avait adoptée à l'unanimité. On a souvent connaissance de restrictions à l'emploi pour des conditions de diplôme ; on ignore souvent qu'il y en a touchant à la nationalité : il faut alors être Français pour travailler. On peut comprendre les premières restrictions, qui visent à protéger les citoyens en assurant qu'une profession ne soit exercée que par ceux qui ont suivi une formation conforme à celle exigée de nos étudiants. On est en revanche plus circonspect devant les secondes, dont la justification semble plus sujette à caution.

S'il semble légitime de réserver à des nationaux les emplois touchant la sécurité et les fonctions régaliennes, dans la pratique, un nombre bien supérieur de professions est concerné. Le texte vise donc à mettre un terme à une situation ubuesque : il ne s'agit nullement de porter atteinte à la condition de diplôme mais de limiter celle de nationalité aux cas où elle est justifiée, et ce, en légiférant avec le souci d'une meilleure intégration des populations étrangères qualifiées vivant sur notre territoire.

Le caractère daté de ces dispositions restrictives nous renvoie à des heures malheureuses de xénophobie et d'intolérance, auxquelles la République doit mettre un terme. Economiquement obsolètes et moralement condamnables, elles remontent pour la plupart à l'entre-deux-guerres et à la montée des tensions.

La proposition de loi s'inscrit ainsi dans la continuité de la lutte contre les discriminations et restaure la valeur du diplôme, fondement de notre système méritocratique, tout en simplifiant le droit et en facilitant les relations entre l'administration et les usagers, ce qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle.

La République ne récuse pas la différence puisque dans la Déclaration des droits de l'homme, elle affirme le droit de chacun à sortir du lot. Si chacun est différent, nous avons un fond commun, qui soutient le vivre-ensemble. C'est ce que notre régime tente de préserver au quotidien. Toute discrimination, parce qu'elle fait primer la différence, menace le vivre-ensemble en renvoyant chacun à sa singularité et en obérant l'intégration des étrangers, comme si la France leur fermait la porte, comme si elle ne voulait pas d'eux. Ils sont déjà marginalisés, faute de connaissances, d'amis, de familles, de réseaux et la loi leur imposerait une relégation supplémentaire ? La République vit à l'ombre de ses réseaux ; ils n'en ont pas ; doit-on les pénaliser davantage ?

Alors que la société devrait faciliter leur intégration, elle multiplie les obstacles pour l'empêcher.

Si la loi invite à distinguer discriminations et conditions de nationalité, celles-ci semblent légitimer celles-là et contribuent à leur perpétuation. En les supprimant, nous affirmerons solennellement notre attachement à lutte contre les discriminations et à la promotion de la diversité.

Cette proposition de loi tend également à défendre la valeur des diplômes. Notre République s'est fondée dès l'origine sur l'idée de méritocratie : les étudiants méritants, quelle que fût leur extraction, pouvaient obtenir de nos universités ou de nos grandes écoles un diplôme attestant de leur compétence et porteur de prestige social. Les restrictions d'accès à l'emploi du fait de la nationalité mettent en cause la valeur de ces titres, qui semble varier en fonction de leurs détenteurs.

Il existe pour certaines professions réglementées une procédure dérogatoire permettant aux étrangers d'y avoir accès. Mais l'autorisation est à la discrétion du ministre concerné. Cette procédure est humiliante, puisqu'elle soumet le titulaire d'un diplôme à l'appréciation arbitraire d'une personne étrangère à l'institution universitaire. D'ailleurs la plupart des décisions ministérielles sont favorables, ce qui montre l'absurdité de ces dispositions. Rendons au diplôme sa valeur d'attestation de l'aptitude à occuper emploi, valeur qu'il n'aurait jamais dû perdre !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Bariza Khiari, auteur de la proposition de loi  - La réglementation européenne nous oblige désormais à reconnaître l'équivalence des diplômes délivrés par les universités des pays membres de l'Union et à assurer à leurs ressortissants une pleine liberté d'exercice dans les professions auxquelles ces diplômes donnent accès. Cette réglementation est louable dans son principe, mais elle aggrave l'injustice dont souffrent les ressortissants des pays tiers : il est désormais plus facile d'exercer l'une de ces professions pour un citoyen européen titulaire d'un diplôme de son pays d'origine que pour un étranger non communautaire installé en France depuis des décennies et titulaire d'un diplôme français !

Il est également nécessaire de simplifier notre droit et de limiter la pesanteur administrative. De nombreux rapports ont mis en évidence la prolifération du droit dans notre pays, qui perd ainsi de sa force en intervenant là où ce n'est pas nécessaire et de sa stabilité en étant continuellement modifié. La présente proposition de loi tend à simplifier notre droit en supprimant la procédure dérogatoire que j'évoquais. Elle répond ainsi aux exigences d'amélioration de la lisibilité de la loi et des relations entre l'administration et les usagers.

Je remercie M. Charles Gautier pour son excellent rapport. Je vous présenterai quelques amendements visant à améliorer le texte adopté en commission tout en respectant sa philosophie d'ensemble : ils tendent à apporter des simplifications et à exclure du champ d'application de la loi certaines professions, comme la pharmacie, soumises à un numerus clausus très restrictif et auxquelles les étrangers extracommunautaires peuvent déjà accéder.

Ce texte marquera une avancée symbolique dans la lutte contre les discriminations et rétablira le diplôme dans son essence, celle d'un document qui confère des droits à une personne jugée digne d'exercer une fonction, sans considération d'ethnie, de religion, de convictions politiques ou de nationalité. La République s'honorera d'avoir renoué avec des valeurs qu'elle n'aurait jamais dû oublier. (Applaudissements à gauche, au centre et sur plusieurs bancs à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Charles Gautier, rapporteur de la commission des lois.  - Il existe de nombreuses professions dont l'accès est difficile ou impossible aux étrangers. L'exposé des motifs de la proposition de loi, citant plusieurs études, indique que « près de sept millions d'emplois (...) seraient interdits partiellement ou totalement aux étrangers, soit 30 % de l'ensemble des emplois ».

Deux types de restriction peuvent être distingués : la condition de diplôme et la condition de nationalité. Cette dernière a l'effet le plus direct. Dans la plupart des cas, les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen n'y sont pas soumis. La condition de nationalité est également assouplie pour certaines professions par une clause de réciprocité.

Quant à la condition de diplôme et de formation, depuis la directive européenne du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, la plupart des diplômes délivrés par les États européens pour l'exercice de professions comparables permettent de satisfaire à la condition de diplôme en France.

Les emplois fermés aux étrangers appartiennent avant tout au secteur public : les postes de titulaires dans les trois fonctions publiques, au nombre de cinq millions, sont interdits aux étrangers non communautaires. Il existe également une cinquantaine de professions du secteur privé faisant l'objet de restrictions explicites liées à la nationalité.

Or la pertinence de ces restrictions peut parfois être discutée : la plupart sont apparues à partir de la fin du XIXe siècle et surtout au cours de l'entre-deux-guerres, dans un contexte de crise économique et de tensions internationales. Elles demeurent très connotées.

Dans les faits, ces règles sont souvent contournées : des étrangers non communautaires exercent dans la fonction publique, par exemple des professeurs ou des médecins hospitaliers ; les statuts des professions libérales permettent généralement d'admettre au cas par cas des étrangers non communautaires au sein des ordres.

En outre, la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne a conduit à réduire la portée de la condition de nationalité dans la fonction publique, prévue à l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983. La plupart des professions réglementées se sont également ouvertes aux étrangers communautaires, et même certaines professions comportant l'exercice de prérogatives de puissance publique. L'influence du droit communautaire s'étend aux ressortissants extracommunautaires.

Cette proposition de loi vise d'abord à lutter contre les discriminations. Le taux de chômage élevé des étrangers est souvent mentionné pour illustrer les faiblesses de l'intégration ; l'impossibilité pour eux d'exercer des millions d'emplois y contribue sans doute.

En outre, ce texte devrait participer à la nécessaire simplification administrative en supprimant la condition de nationalité pour l'exercice de certaines professions réglementées.

J'ai rencontré des représentants de l'ensemble des professions concernées et cherché à vérifier, profession par profession, si des raisons valables pouvaient justifier le maintien d'une condition de nationalité. Votre commission a estimé qu'il convenait d'une manière générale d'appliquer le principe selon lequel, à diplôme égal, un étranger non communautaire doit pouvoir exercer ces professions dans les mêmes conditions que les ressortissants français ou communautaires.

Certains ont exprimé des réserves, déplorant notamment l'absence de condition de réciprocité ; mais cet argument n'est pas déterminant. Comme l'indique le rapport du groupe d'études sur les discriminations de mars 2000, « l'application du principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants de différents pays peut s'exonérer des relations ou des accords d'État à État ». En outre, il ne semble pas que toutes les professions concernées par la proposition de loi aient réellement cherché à conclure des accords de réciprocité.

L'argument selon lequel la réciprocité est une monnaie d'échange pour contraindre des États tiers à s'ouvrir ne va d'ailleurs pas de soi car, en abandonnant cette condition, on les prive d'un prétexte pour refuser l'ouverture aux professionnels français. Enfin, ce texte ne vise que la condition de nationalité. Il semble difficile de refuser l'égalité de traitement à un étranger titulaire du diplôme français uniquement parce que son État d'origine refuse de reconnaître le diplôme français. La condition de réciprocité ne se justifie que dans le cas de professions soumises à une concurrence internationale intense. Pour cette raison, la commission des lois a supprimé l'article 3 relatif aux avocats.

Une autre réserve a porté sur les professions soumises à un numerus clausus : professions médicales et vétérinaires. Certains craignent que celui-ci ne soit remis en cause, les ressortissants non communautaires titulaires d'un diplôme étranger les autorisant à exercer en France n'y étant pas soumis. Cela pourrait créer une forme de discrimination à rebours au préjudice des étudiants français. Cette observation n'est pas sans fondement, mais ne doit pas être exagérée. Le numerus clausus est d'ores et déjà largement battu en brèche : des Français étudient dans d'autres pays européens ; les ressortissants communautaires peuvent s'établir en France librement s'ils possèdent un diplôme les autorisant à exercer dans leurs pays. En outre, l'ouverture de ces professions ne signifie pas que tout étranger titulaire du diplôme exigé aurait un droit à exercer en France car la législation sur l'entrée, le séjour et le travail des étrangers en France s'applique de toute façon.

La commission a adopté les articles 2, 4, 5 et 6 de la proposition de loi, devenus respectivement les articles 1 à 5. Elle a supprimé l'article 3 ainsi que l'article 7, relatif aux conférenciers nationaux et guides interprètes, privé d'objet. Elle vous propose d'adopter ce texte dans la rédaction figurant à la fin du présent rapport. (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.  - Cette proposition de loi a le grand mérite de susciter une réflexion sur la pertinence des règles imposant d'être ressortissant communautaire pour accéder à certaines professions libérales.

L'exercice de ces professions est soumis à une condition de nationalité et à une exigence de qualification, auxquelles on peut ajouter, pour certaines d'entre elles, l'inscription à l'Ordre. En application de la directive du 7 septembre 2005, la plupart des diplômes délivrés par les États de l'Union européenne pour l'exercice de professions comparables permettent de satisfaire à la condition de qualification. L'exigence d'un diplôme français ou communautaire peut être atténuée dans certains cas par des procédures de vérification des connaissances acquises. Une commission ad hoc examine chaque demande. Conformément au droit européen, le critère de nationalité ne contraint pas l'accès des professions concernées aux ressortissants communautaires.

Cette proposition de loi, qui propose de supprimer la condition de nationalité pour cinq professions relevant du secteur médical ou paramédical et trois professions libérales, soulève la question de notre politique d'immigration professionnelle. Pour que la politique d'immigration de la Nation soit équilibrée, le Gouvernement a choisi de mettre en oeuvre une « immigration choisie », qui doit tenir compte de l'intérêt de la France comme de celui des pays d'origine et être en rapport étroit avec nos besoins et nos capacités d'accueil. Dans ce cadre, le Gouvernement estime que l'intégration des immigrés par le travail est le plus puissant vecteur d'insertion. Avec 24 % en moyenne en 2008, le taux de chômage des étrangers est trois fois supérieur à celui des Français. Il paraît donc légitime de réfléchir à la suppression des conditions de nationalité qui restreignent l'accès à certaines professions, en particulier lorsque les travailleurs concernés ont fait leurs études en France. Toutefois, si le principe ne suscite pas d'objections, il en va différemment des modalités de mise en oeuvre.

Tout d'abord, il faudrait procéder à une évaluation prospective préalable de nos besoins dans les secteurs d'activité concernés. Ainsi, le groupe « Prospective des métiers et des qualifications à l'horizon 2020 » du Conseil d'analyse stratégique, réuni le 16 janvier par Eric Besson, alors chargé de la prospective, apportera certainement une analyse approfondie de cette question, particulièrement nécessaire pour les professions soumises à numerus clausus. J'ai bien conscience de brider l'enthousiasme libéral des auteurs de cette proposition, mais nous risquons de déclencher un appel d'air d'étrangers venant faire des études en France uniquement pour s'y installer.

Nous devons également veiller aux intérêts des pays d'émigration, afin de ne pas organiser le « pillage des cerveaux » des pays en développement. Comme l'a écrit le Président de la République dans la lettre de mission adressée à Brice Hortefeux, alors ministre de l'immigration : « Une politique d'immigration choisie tient compte des intérêts des pays d'origine autant que des pays d'accueil. » Les titulaires de diplômes français doivent donc respecter, comme les autres ressortissants extracommunautaires, les règles en matière d'entrée et de séjour des étrangers. Pour faciliter l'accès aux professions libérales réglementées, nous devons inscrire cette démarche dans une politique d'immigration d'ensemble après évaluation de nos besoins de main-d'oeuvre, en concertation avec les pays d'émigration -notamment, pour les pays de la zone de solidarité prioritaire, dans le cadre de la gestion concertée des flux migratoires dont le ministre de l'immigration, Eric Besson, a la responsabilité.

Le Gouvernement approuve l'intention générale de cette proposition, pour laquelle les études d'impact manquent, une concertation approfondie devant être menée avec les organisations professionnelles et ordinales. Toutefois, ce texte ne modifie pas les règles applicables aux ressortissants extracommunautaires en matière d'entrée et de séjour sur le territoire ni les conditions de délivrance et de renouvellement des titres de séjour et des autorisations de travail, non plus que les exigences de qualification professionnelle, essentielles pour maintenir un haut niveau de compétence dans les professions concernées.

Dès lors, ayant rappelé la nécessité d'une étude d'impact plus approfondie sur le sujet, le Gouvernement, qui n'est pas hostile à cette initiative, s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi.  - Une remarque liminaire. A l'occasion de la journée d'initiative parlementaire, lorsqu'un texte est déposé par un membre de la majorité sénatoriale, le rapporteur nommé en commission est du même bord politique. Lorsque l'auteur de la proposition est socialiste, le rapporteur est également du groupe socialiste. Finalement, il n'y a que lorsqu'un membre du groupe CRC-SPG dépose une proposition de loi, que le rapporteur nommé est d'une autre sensibilité politique et, de préférence, issu de la majorité sénatoriale de droite. Je pense ici à ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin qui a déposé une proposition de loi tendant à abroger le service minimum d'accueil dans les écoles maternelles et primaires : pour ce texte, point de rapporteur CRC-SPG, point d'auditions, et au final point de discussion des articles. Il y a vraiment deux poids, deux mesures. Où est donc la prétendue revalorisation du rôle du Parlement et, surtout, où est le renforcement des droits de la minorité parlementaire ?

On nous propose de supprimer la condition de nationalité pour l'exercice de certaines professions libérales ou privées, réglementées : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, vétérinaire, architecte, géomètre expert, expert-comptable. Les avocats et les interprètes ont été retirés du texte et Mme Khiari a proposé dans un amendement d'en rester au droit en vigueur pour les pharmaciens.

L'objectif est louable. A diplôme égal, les étrangers non communautaires devraient pouvoir exercer dans les mêmes conditions que les ressortissants communautaires qui ont, eux, accès aux professions réglementées et à la fonction publique non régalienne. Près de sept millions d'emplois leur sont interdits et, au total, 30 % de l'ensemble des emplois sont partiellement ou totalement interdits aux étrangers. Cela concerne, dans le secteur privé, environ 50 professions plus ou moins fermées aux étrangers. Mais la plupart des emplois fermés -5,2 millions- se situent dans la fonction publique non régalienne -étatique, hospitalière et territoriale.

La condition de nationalité dans l'accès au travail n'est pas sans effet sur l'intégration des étrangers. Ces discriminations légales, en se propageant dans toute la société, finissent par entraîner des discriminations illégales. En instituant ces discriminations entre Français et étrangers, entre communautaires et non communautaires, voire entre communautaires eux-mêmes -je pense aux Bulgares et aux Roumains-, le droit entretient l'idée qu'il serait normal d'opérer des discriminations envers les étrangers, notamment extracommunautaires. La condition de nationalité explique que les étrangers restent cantonnés dans certains emplois et totalement absents de certains autres. Le Parti communiste revendique de longue date l'ouverture des emplois fermés aux étrangers non communautaires, dans le secteur privé et public. Il l'a rappelé en 2001 en cosignant une lettre ouverte en ce sens.

La décision d'interdire certaines professions aux étrangers a souvent été prise sous la pression des événements, à des moments troubles de notre passé, lors de guerres, de crises, ou de poussées xénophobes. Ces interdictions, également motivées par la volonté de protéger les nationaux d'une concurrence considérée comme déloyale, n'ont jamais été remises en cause sauf pour les ressortissants de l'Union européenne, sous la pression du droit communautaire. Le présent texte amorce donc une ouverture de certaines professions aux extracommunautaires munis de diplômes nationaux mais il faut veiller à ce que cela n'entraîne pas une fuite des talents de certains pays moins développés, à ce que cela ne renforce pas l'immigration « choisie » prônée par le Gouvernement et, enfin, à ce que cela ne débouche pas ultérieurement sur l'institution de quotas d'étrangers dans chaque profession, en fonction des besoins de l'économie française. Car la donne a changé, notamment depuis 2003, les différentes lois sur l'immigration ayant institué une immigration « choisie ». A cette vision purement économique de l'étranger, réduit à n'être qu'une main-d'oeuvre flexible et bon marché, il est temps d'opposer une approche plus respectueuse des droits et de l'égalité de traitement.

La fonction publique non régalienne n'est pas concernée par le présent texte. Nous proposons donc un amendement donnant aux étrangers non communautaires la possibilité de concourir aux emplois de l'une des trois fonctions publiques, comme peuvent le faire les étrangers communautaires depuis 1991. Quoiqu'il en soit, le groupe CRC votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - La non-discrimination entre travailleurs en raison de la nationalité, de la race, du sexe, de l'appartenance religieuse ou syndicale est un principe à valeur constitutionnelle. Le Préambule de la Constitution de 1946 l'affirme clairement en gravant dans le marbre le principe de non-discrimination entre individus ainsi que le droit de chacun à obtenir un emploi. En outre, nombre d'engagements internationaux pris par la France imposent un strict respect de ces principes. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme de 1950 ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 sous l'égide de l'ONU et en vigueur en France depuis 1981, obligent les États signataires à reconnaître les droits et libertés qu'ils consacrent à tout individu et ce sans discrimination entre nationaux et étrangers, européens ou non.

Dès lors, on peut s'interroger sur les fondements des restrictions législatives et réglementaires à nombre d'emplois publics ou privés. En 1999, le rapport intitulé « Les emplois du secteur privé fermés aux étrangers » a recensé les professions dont l'accès est limité par une condition de nationalité ou de diplôme ainsi que les motifs de ces restrictions. Près d'une cinquantaine de professions font l'objet de restrictions liées à la nationalité et près d'une trentaine requièrent un diplôme français. Au total plus d'un million d'emplois seraient concernés. II est donc grand temps que l'État s'engage contre les discriminations et pour l'ouverture du marché du travail. C'est ce que ce texte nous propose et la majorité de notre groupe le votera.

La commission des lois a été plus sensible aux observations des avocats qu'à celles des pharmaciens pour ne pas « désarmer unilatéralement » notre législation dans un contexte de concurrence internationale exacerbée ; nous ne sommes pas convaincus par cette argumentation qui pourrait être reprise par les architectes et d'autres. Une partie de l'honorable profession des avocats fut davantage désarmée par la réforme de la carte judiciaire et le pôle d'instruction...

Cette proposition de loi est un progrès incontestable non seulement à cause des grands principes que j'ai rappelés, mais aussi parce qu'il est utile d'attirer des professionnels compétents ; l'importation de matière grise ne creuse pas le déficit commercial, bien au contraire. Nous regrettons à juste titre l'exportation de nombre de nos chercheurs et nous pouvons comprendre l'inquiétude des pays en voie de développement dont les étudiants émigrent.

La question essentielle c'est la condition de diplôme et de formation, la reconnaissance de véritables qualifications professionnelles sans discrimination entre nationaux et étrangers, y compris extra-européens. Cette proposition de loi ne remet pas en cause les conditions de diplôme ni les procédures d'autorisation d'exercice. II convient d'éviter certains écueils comme, par exemple, le contournement des dispositions relatives au numerus clausus. Celui-ci est déjà battu en brèche par des Français effectuant leurs études dans d'autres pays de l'Union européenne et par les ressortissants communautaires pouvant s'installer librement en France avec un diplôme leur permettant d'exercer dans leur pays. Le problème est celui de l'adéquation de nos dispositifs de numerus clausus à l'évolution des professions concernées. S'il est bon de supprimer les conditions de nationalité, il l'est aussi de ne pas placer l'étudiant français en situation plus difficile que son collègue étranger ; même si les voyages forment la jeunesse, tous n'ont pas les moyens d'aller contourner le numerus clausus à l'étranger !

II faut aussi constater l'hypocrisie du système mis en place dans nos hôpitaux où plus de 6 000 professionnels travaillent avec un diplôme non européen, sous la responsabilité d'un médecin habilité à exercer la médecine en France. Le besoin a créé la dérogation, le pragmatisme rime souvent avec la géométrie juridique variable. Ainsi, la grande majorité des emplois interdits aux étrangers sont situés dans le secteur public, alors que celui-ci, contournant la règle, recrute en tant que contractuels, voire d'auxiliaires, des étrangers non communautaires. Il faut mettre fin à cette hypocrisie.

C'est pourquoi notre groupe, dans sa majorité, votera cette proposition de loi en espérant qu'elle ne sera qu'une étape vers des dispositions législatives posant une règle générale et limitant précisément les exceptions à l'exercice d'une profession privée ou publique.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - II aura fallu attendre l'année 2009, et l'initiative de notre collègue Bariza Khiari, pour mettre un terme à une injustice, héritée des plus sombres pages de notre histoire. Rien ne justifiait de telles restrictions, et pourtant, elles ont été maintenues jusqu'aujourd'hui...Je salue donc cette initiative dont j'espère qu'elle sera un pas supplémentaire vers la suppression totale de toutes les restrictions aux droits des étrangers, établis régulièrement en France. Je pense à la reconnaissance des droits liés à la résidence, et notamment au droit de vote et d'éligibilité aux élections locales et professionnelles.

Il reste bien des efforts à accomplir pour garantir ces droits et rendre effectif l'accès des non nationaux à ces professions ; car au-delà du droit, ce sont les mentalités qu'il faut plier à l'impératif de justice sociale et d'égalité. Je salue le travail de la Halde, qui non seulement aide concrètement les victimes de discriminations, à l'embauche ou dans l'exercice de leur profession, mais rend également le phénomène visible.

Cette proposition de loi n'effacera pas les mauvais réflexes, qui trouveront toujours à s'exprimer lors d'un entretien d'embauche. Quels que soient les diplômes et les compétences, le délit de faciès demeure et aucune loi ne pourra en venir à bout. J'espère que la Halde pourra amplifier l'effet de la loi et contribuer, avec ses maigres moyens, à accompagner le mouvement général d'éradication des discriminations dans le monde du travail.

Je déplore que toutes les professions ne jouent pas le jeu et que certaines -pharmaciens, médecins, avocats- revendiquent le droit d'exclure les étrangers. La loi aurait dû refuser d'entrer dans le jeu des corporatismes et supprimer sans demi-mesure toutes les barrières à l'emploi.

Un autre chantier nous attend, le droit des étudiants étrangers, qui ne relève pas de la présente proposition de loi. Les étudiants étrangers, une fois diplômés, n'auront pas, lorsqu'ils chercheront un emploi, un statut de salarié. La loi doit ménager une transition, un intérim entre les deux statuts, pour ces jeunes qui réussissent leurs études au prix de sacrifices majeurs. S'ils ne trouvent pas immédiatement un emploi correspondant à leurs qualifications, ils ne pourront pas rester sur le territoire français. Le libre accès aux professions réglementées serait alors un voeu pieux. Les préfectures devront donc faire preuve d'une bienveillance particulière.

La politique de l'immigration choisie a été mise en place par ce Gouvernement. Les étudiants étrangers ont souvent pu venir grâce à une bourse d'études. Or le pillage des ressources intellectuelles des pays d'origine trouvera à s'appliquer dans les professions visées par la proposition de loi. Il faudra donc inventer des mécanismes de compensation visant à solder la dette intellectuelle et humaine que nous aurons à l'égard de ces pays. Je songe aux coopérations bilatérales scientifiques, juridiques, culturelles. Pourquoi ne pas envisager des visas d'aller et retour permanent, afin que ces échanges ne connaissent aucune entrave ?

Mme Nathalie Goulet.  - Bien !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Dans le monde du travail, pour les étrangers, un plafond de verre demeure. Nous nous devons de le percer. La proposition de loi est une première étape, dont je remercie notre collègue. A présent, il faut aller encore plus loin.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 4111-1 est supprimé ;

2° Au premier alinéa du I bis de l'article L. 4111-2, après les mots : « titulaires d'un titre de formation obtenu dans l'un de ces États » sont insérés les mots : «, autre que ceux définis aux articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 mais permettant d'y exercer légalement la profession concernée, » ;

3° Au quatrième alinéa (2°) de l'article L. 4131-1, les mots : «, si l'intéressé est ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

4° Au cinquième alinéa du même article, les mots : « l'un de ces États » sont remplacés par les mots : « un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;

5° Au premier alinéa de l'article L. 4131-2, les mots : « français ou ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, et » sont supprimés ;

6° L'article L. 4131-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-5.- Par dérogation aux dispositions du 1° de l'article L. 4111-1, dans la région de Guyane et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, le représentant de l'État peut autoriser, par arrêté, un médecin titulaire d'un diplôme de médecine, quel que soit le pays dans lequel ce diplôme a été obtenu, à exercer dans la région ou dans la collectivité territoriale. » ;

7° Au quatrième alinéa (3°) de l'article L. 4141-3, les mots : « si l'intéressé est ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

8° Au cinquième alinéa du même article, les mots : « l'un de ces États » sont remplacés par les mots : « un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;

9° Au premier alinéa de l'article L. 4141-4, les mots : « français ou ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

10° Au troisième alinéa (2°) de l'article L. 4151-5, les mots : «, si l'intéressé est ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

11° Au quatrième alinéa du même article, les mots : « l'un de ces États » sont remplacés par les mots : « un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;

12° Au premier alinéa du I de l'article L. 4151-6, les mots : « français ou ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

13° Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 4221-1 est supprimé ;

14° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4221-10, les mots : « les personnes qui sont titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4221-2 à L. 4221-8, mais qui ne justifient pas de l'une des nationalités mentionnées à l'article L. 4221-1, ainsi que » sont supprimés.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 4111-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins, sages-femmes, et chirurgiens dentistes titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 ayant effectué la totalité du cursus en France et obtenu leur diplôme, certificat et titre en France peuvent exercer dans les mêmes conditions, suivant les mêmes règles et dispositions, que les praticiens dont les nationalités relèvent du 2° du présent article. »

Mme Bariza Khiari.  - La situation est préoccupante pour la santé publique en France : nous connaissons tous les pénuries de médecins, les subventions offertes par les communes pour attirer un praticien.

C'est donc une mesure de bon sens que d'ouvrir plus largement l'accès à la profession. Mais il faut traiter les problèmes séparément. Une procédure allégée pour l'installation des praticiens est envisagée, rendez-vous est pris lors de la discussion du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoire ». Quant aux pharmaciens, il existe des mesures de réciprocité, qui ne sont pas totalement satisfaisantes mais représentent un point d'équilibre. L'objet de la proposition de loi est d'ouvrir l'accès des professions aux étrangers titulaires du diplôme français. La rédaction est consensuelle. Restons-en là. Ne déstabilisons pas l'équilibre démographique actuel dans la profession médicale.

M. Charles Gautier, rapporteur.  - L'amendement n°2 sauvegarde la philosophie générale du texte. Un consensus a été trouvé, autour d'un principe d'équité. Ceux qui sont aujourd'hui en formation apprécieront d'avoir accès au travail à temps partiel à l'hôpital, comme leurs condisciples. Et les praticiens hospitaliers, qui nous parlent tous de cette disparité, y verront la principale avancée de la proposition. Avis très favorable.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - La Chambre nationale des chirurgiens-dentistes accepte cette mesure d'ouverture pour les étrangers qui ont effectué tout leur cursus en France et ont obtenu le diplôme français. La situation des pharmaciens est inchangée. Le Gouvernement est sensible au souci de traiter pareillement les ressortissants communautaires et les non-communautaires qui ont un diplôme français. Sagesse positive.

M. Gilbert Barbier.  - Je m'interroge sur les modalités d'exercice de la profession de médecin libéral. Les contrats hospitaliers ne sont pas satisfaisants, on peut parler d'exploitation de salariés par les directeurs d'hôpitaux. Mais le problème est tout différent pour ceux qui veulent apposer leur plaque et exercer en libéral. Je trouve que l'on passe bien rapidement sur le phénomène d'aspiration des compétences de pays en développement, lesquels manquent cruellement de médecins. Et que signifie de placer le praticien hospitalier étranger sous l'autorité d'un médecin titulaire ? Qui assumera la responsabilité ? Je m'abstiendrai !

Mme Nathalie Goulet.  - L'enfer est pavé de bonnes intentions et le diable se loge dans les détails, dit-on. L'auteur de l'amendement a bien fait de ramener les choses à leur juste proportion, sans faire de lien avec la démographie médicale. Nous savons tous que les médecins étrangers ne s'installent pas en zones rurales.

Certes, la rédaction de cet amendement n'est pas parfaite, mais je le voterai car il ne dénature pas l'esprit du texte et la navette permettra de l'améliorer.

M. Paul Blanc.  - Je partage les arguments de M. Barbier.

Tout d'abord, les étudiants étrangers bénéficient d'un numerus clausus particulier à l'intérieur du numerus clausus général. S'ils peuvent s'installer comme médecins en France, la règle commune doit s'appliquer : il faudra donc supprimer leur décompte particulier et les inclure dans le numerus clausus global.

En second lieu, il est bien évident que ces étudiants vont s'installer en ville : cela m'étonnerait beaucoup qu'ils veuillent s'établir en Lozère ou dans les zones de montagne.

Enfin, ce problème doit être examiné dans son ensemble : la plupart de nos hôpitaux fonctionnent certes grâce aux internes étrangers...

Mme Éliane Assassi.  - Alors, il faut les payer !

M. Paul Blanc.  - ... mais on ne peut régler cette question sans aborder celle de la démographie médicale. Il faut d'ailleurs déterminer avec précision quelles sont les zones sous-médicalisées. Nous avons d'ailleurs voté un certain nombre de mesures pour inciter les médecins à s'y installer.

Je voterai donc contre cet amendement et je m'abstiendrai sur l'ensemble du texte.

L'amendement n°2 est adopté et devient l'article premier.

Article 2

Le code rural est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa de l'article L. 241-1, les mots : « de nationalité française ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

2° Dans le cinquième alinéa du même article, les mots : « de nationalité française ou ressortissantes d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 241-2 est ainsi rédigé :

« Les personnes souhaitant exercer en France la profession de vétérinaire doivent être titulaires : ».

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Guené, Bizet et Dulait.

Rédiger comme suit cet article :

Le chapitre Ier du titre IV du livre II du code rural est ainsi modifié :

1° L'article L. 241-1 est ainsi modifié :

a) au début du cinquième alinéa, les mots : « Dans la limite d'un quota annuel fixé par décret en Conseil d'État » sont supprimés ;

b) le dernier alinéa est complété par les mots : « et doivent faire la preuve qu'elles possèdent les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession » ;

2° Après l'article L. 241-2, il est inséré un article L. 241-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-2-1. - I. - Pour l'application des articles L. 241-1 et L. 241-2, est assimilé aux ressortissants des États membres de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen :

« - tout ressortissant d'un État ou d'une entité infra-étatique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France ;

« - toute personne ayant la qualité de réfugié ou d'apatride reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

« II. - Les vétérinaires titulaires d'un titre de formation non mentionné à l'article L. 241-2 délivré par un État ou une entité mentionné au I et permettant l'exercice dans cet État ou cette entité, peuvent être autorisés à exercer leur profession en France, par le ministre chargé de l'agriculture, sans la vérification de connaissances mentionnée à l'article L. 241-1, si des arrangements de reconnaissance des qualifications professionnelles ont été conclus à cet effet et si leurs qualifications professionnelles sont reconnues comparables à celles requises en France pour l'exercice de la profession, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture.

« Le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires peut conclure de tels arrangements dans le cadre d'une coopération développée avec ses homologues étrangers. »

M. Jean Bizet.  - Il convient de permettre aux ressortissants étrangers d'exercer la profession vétérinaire en France dans la mesure où leur pays accorde les mêmes droits d'exercice aux ressortissants français. Ces ressortissants restent soumis aux conditions de reconnaissance des qualifications professionnelles prévues dans la loi.

L'exercice de la profession vétérinaire en France ne pourra se concrétiser que si la qualification professionnelle des ressortissants étrangers est reconnue comparable à celle requise en France par arrêté du ministre de l'agriculture. Le Conseil supérieur de l'ordre devra être associé à cette reconnaissance de qualification professionnelle.

Parallèlement, la transposition de la directive « services », qui doit être effectuée d'ici décembre, concerne les ressortissants communautaires. Ses articles 22 à 27 et l'article 37 encouragent une haute qualité des diplômes et des services. Notre pays ne doit en effet pas abaisser le niveau de qualification des prestations dispensées sur son territoire.

M. Charles Gautier, rapporteur.  - Cet amendement permet l'exercice de la profession vétérinaire aux ressortissants extracommunautaires, sous réserve de réciprocité. En second lieu, afin de maintenir une égalité de traitement entre les communautaires et les extracommunautaires, il prévoit que les professionnels devront faire preuve des connaissances linguistiques suffisantes à l'exercice de la profession. Ensuite il supprime le quota actuel. Enfin, il ouvre une nouvelle voie d'accès pour les vétérinaires titulaires d'un diplôme extracommunautaire qui pourront exercer après autorisation du ministre si un arrangement de reconnaissance des qualifications professionnelles a été préalablement conclu entre l'Ordre de ce pays et le nôtre.

Cet amendement va moins loin que le texte de la commission, même si, sur certains points, il propose des avancées intéressantes. Comme il marque une amélioration de la situation par rapport au droit existant, l'avis est favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - La profession de vétérinaire concourt à la préservation de la santé publique. La modification du droit applicable à cette profession doit donc respecter cet impératif et maintenir un haut niveau de qualification.

La suppression de la condition de nationalité n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact approfondie. C'est pourquoi je suis favorable à ce que la condition de réciprocité soit retenue. De plus, il est essentiel d'exiger des ressortissants extracommunautaires une maîtrise suffisante de notre langue.

Mme Nathalie Goulet.  - Pour les animaux ? (Sourires)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Non, pour les vétérinaires ! Les autres ajouts proposés me paraissent également utiles. L'avis est donc favorable.

M. Pierre Bordier.  - Il y a moins de deux mois, notre collègue Charles Guené a remis un rapport au Premier ministre sur la profession vétérinaire et son avenir. Ce rapport aborde tous les aspects de la profession. Dans ces conditions, est-il utile aujourd'hui de traiter un seul de ces aspects alors qu'il nous faudrait avoir une vision beaucoup plus large ?

Il a beaucoup été question de numerus clausus : en 2006, on a compté 744 nouveaux vétérinaires installés dont 310, soit 41 %, ont obtenu leur diplôme hors de France. Ces chiffres sont éloquents.

Je ne voterai donc pas cet amendement.

L'amendement n°1 rectifié est adopté et devient l'article 2.

M. le président.  - Mes chers collègues, je vais suspendre la séance. (On le conteste sur les bancs de la commission et du Gouvernement) Le premier texte devait durer une heure et il nous a fallu trois heures pour le voter. Je veux bien continuer avec celui-ci, mais que l'on ne vienne pas me reprocher une suspension tardive si la défense des amendements restants s'avère trop lente.

Article 3

La loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture est ainsi modifiée :

1° Dans le premier alinéa de l'article 10, les mots : « de nationalité française ou ressortissantes d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;

2° L'article 11 est ainsi rédigé :

« Art. 11. - Un décret précise les conditions dans lesquelles un architecte ressortissant d'un État n'appartenant pas à la Communauté européenne ou à l'Espace économique européen peut, sans être inscrit à un tableau régional, être autorisé à réaliser en France un projet déterminé. »

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au cinquième alinéa (3°) du même article, les mots : « ne bénéficie pas des diplômes, certificats et autres titres » sont remplacés par les mots : « est titulaire de diplômes, certificats et autres titres délivrés par un État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que ceux » ;

Mme Bariza Khiari.  - Sans revenir sur la suppression de la condition de nationalité, nous proposons de remédier à certaines difficultés techniques.

Il convient en effet de maintenir une procédure spécifique pour les personnes physiques titulaires d'un diplôme délivré dans l'Union européenne mais ne bénéficiant pas automatiquement de la reconnaissance des qualifications professionnelles telle que le prévoit la directive de 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Afin de bien transposer cette directive, il faut conserver une procédure distincte pour les diplômes communautaires susceptibles d'être reconnus. Cela n'empêche pas, et c'est d'ailleurs l'objet de l'amendement suivant, de prévoir une procédure distincte pour les personnes physiques titulaires d'un diplôme extracommunautaires non reconnu a priori.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au début du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 11 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

« Selon une procédure fixée par décret, les personnes physiques ressortissantes des États non membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'Espace économique européen sont inscrites, sur leur demande, à un tableau régional sous les mêmes conditions de diplôme, certificat, titre d'architecture ou de qualification, de jouissance des droits civils et de moralité que les Français, lorsqu'elles ne remplissent pas les conditions de diplômes, de qualification et d'expérience professionnelles visées à l'article 10.

Mme Bariza Khiari.  - Il est défendu.

M. Charles Gautier, rapporteur.  - Avis favorable. Les architectes sont la profession qui a été la plus demandeuse de cette réforme.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°3 est adopté.

L'amendement n°4 est adopté.

L'article 3, amendé, est adopté.

Article 4

La loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts est ainsi modifiée :

1°  Le quatrième alinéa (1°) de l'article 3 est supprimé ;

2° Au sixième alinéa (2°) du même article, les mots : « Pour les ressortissants de la Communauté européenne dont l'État membre d'origine ou de provenance n'est pas la France et pour les ressortissants d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « Pour les ressortissants étrangers dont l'État d'origine ou de provenance n'est pas la France » ;

3° Dans la deuxième et la troisième phrases du même alinéa, les mots : « l'État membre » et « les États membres » sont remplacés respectivement par les mots : « l'État » et « les États » ;

4° Au deuxième alinéa de l'article 4, les mots : « aux ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « aux ressortissants étrangers ».

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer le deuxième alinéa (1°) de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le quatrième alinéa (1°) de l'article 3 est ainsi rédigé :

« 1° Pour les personnes physiques n'étant pas de nationalité française, posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession en France ; » ;

Mme Bariza Khiari.  - L'ordonnance du 30 mai 2008 qui transpose la directive de 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles pose la même condition pour les ressortissants communautaires. Cet amendement maintient l'égalité de traitement entre communautaire et extracommunautaire sur ce point.

Accepté par la commission et le Gouvernement, l'amendement n°5 est adopté.

L'article 4, amendé, est adopté.

Article 5

L'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable est ainsi modifiée :

1° Le deuxième alinéa (1°) du II de l'article 3 est supprimé ;

2° Au premier alinéa de l'article 27, les mots : « soit du diplôme français d'expertise comptable, soit d'un diplôme jugé de même niveau » sont remplacés par les mots : « d'un diplôme jugé de même niveau que le diplôme français d'expertise comptable » ;

3° Au deuxième alinéa du même article, les mots : « après avis du conseil supérieur de l'ordre, par décision du ministre chargé de l'économie en accord avec le ministre des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « par décision du conseil supérieur de l'ordre ».

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 3° de cet article.

Mme Bariza Khiari.  - Cet amendement maintient la procédure existante pour autoriser à exercer les ressortissants extracommunautaires titulaires d'un diplôme non français.

Pour réduire les délais, la proposition de loi accordait au conseil de l'ordre un pouvoir de décision et non plus un simple avis. Mais cette simplification de la procédure se heurte à quelques obstacles. En l'état actuel du droit, ce n'est pas le Conseil supérieur de l'ordre qui apprécie la qualité du diplôme et le besoin éventuel d'un examen d'aptitude pour les ressortissants communautaires, c'est une commission consultative paritaire.

Instaurer une procédure différente pour les communautaires et les non communautaires serait contraire à l'objectif de la proposition de loi.

M. Charles Gautier, rapporteur.  - Favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°6 est adopté.

L'article 5, amendé, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de la première phrase du premier alinéa de l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l'Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France. »

Mme Éliane Assassi.  - Loin de remettre en cause le statut de la fonction publique, nous voulons ouvrir ses concours aux personnes qui ont été autorisées à résider sur notre sol et à y travailler. Il est uniquement question ici des missions non régaliennes de l'État. On éviterait ainsi les discriminations qui existent actuellement entre Européens et non Européens, dans l'accès aux concours de la fonction publique.

Si l'accès au statut de fonctionnaire est refusé aux étrangers, ceux-ci sont souvent recrutés pour les mêmes tâches comme auxiliaires ou contractuels, dans des emplois moins bien payés et plus précaires. Je pense aux étrangers recrutés comme maîtres auxiliaires de l'éducation nationale ou aux médecins étrangers qui comblent la pénurie de médecins français dans certains services des hôpitaux.

La commission m'a demandé ce matin de retirer cet amendement. Je consens à le faire pour une seule raison : parce que cette grande question mérite un débat d'une tout autre ampleur qu'un amendement. Les refus actuellement opposés sont purement idéologiques.

L'amendement n°7 est retiré ainsi que l'amendement n°8.

Vote sur l'ensemble

M. le président.  - Nous allons procéder au vote sur l'ensemble de ce texte.

Mme Nathalie Goulet.  - Il ne m'inspire qu'un regret : celui de ne pas y avoir pensé avant ! Je ne suis pas surprise que ce soit la marraine de l'opération « Talents des cités » qui nous ait proposé ce texte frappé au coin du bon sens.

Lors de la loi de modernisation de l'économie, nous avons eu un long débat, qui n'a hélas pas réglé la question, sur la facilitation des conditions d'entrée et de séjour des étrangers. Il faudra pourtant s'en préoccuper si nous voulons inciter un grand nombre d'étudiants à venir dans nos universités.

Mon groupe votera avec enthousiasme ce texte qui, par exception, aurait mérité d'être frappé de l'urgence, car il devrait entrer dans les faits dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur divers bancs)

Mme Bariza Khiari.  - L'insertion est à double sens : pour qu'un individu s'intègre facilement, une société doit lui en donner les moyens et non fermer ses portes. Aujourd'hui, nous tendons une main vers ceux que l'on a souvent rejetés. La République a le courage de ses idéaux en permettant à ceux qui sont exclus de redresser la tête au nom du mérite personnel.

Ce texte représente une avancée réelle vers une meilleure insertion des populations étrangères, conformément à nos valeurs et à nos principes. Le Sénat répond favorablement à la demande de tant d'associations, d'hommes et de femmes victimes d'un système injuste et scandaleux. En ces temps où les étrangers sont malmenés dans divers pays européens, où le thème de la préférence nationale refait surface, la France rappelle des textes fondateurs du vivre-ensemble, de cette Nation que Renan définissait comme le « plébiscite quotidien ».

Nous ne pouvions ignorer plus longtemps les appels à l'égalité de traitement venus de populations vivant sur notre sol et fréquentant nos écoles. Le traitement qui leur était fait encourageait les discriminations et marginalisait encore davantage les populations issues de l'immigration. Ces jeunes des cités, bien que Français, pensent souvent que les emplois publics leur sont interdits. Leurs représentations mentales sont malmenées par le traitement réservé aux étrangers dont ils se sentent proches. Aujourd'hui, la République passe aux actes et leur envoie un message clair : nous sommes prêts vous intégrer.

C'est pourquoi j'attache du prix à l'unanimité des groupes sur cette proposition de loi dont j'attends que, dans le cadre du partage de l'ordre du jour, elle suive son cours. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Gisèle Gautier.  - Il existe de nombreuses professions dont l'accès est difficile, voire impossible, aux étrangers. Près de sept millions d'emplois leur seraient interdits partiellement ou totalement, la plupart se trouvent dans la fonction publique mais aussi dans une cinquantaine de professions du secteur privé. La commission des lois a estimé qu'il convenait d'appliquer le principe selon lequel à diplôme égal, un étranger non communautaire doit pouvoir exercer certaines professions libérales ou privées dans les mêmes conditions que les ressortissants français ou communautaires.

Cette proposition de loi ne vise donc qu'à reconnaître à un étranger titulaire d'un diplôme français le droit d'exercer en France, au même titre qu'un Français. Elle ne modifie aucunement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, non plus que les conditions de diplôme et de qualification. La commission des lois a estimé nécessaire de maintenir une condition de réciprocité pour les avocats compte tenu de la forte concurrence internationale dans ce secteur.

Le groupe UMP votera ce texte.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

Les conclusions de la commission, modifiées, sont adoptées.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 h 55.

Hommage aux soldats tombés dans une embuscade en Afghanistan

M. le président.  - Nous avons appris avec douleur qu'un officier français et son interprète avaient été tués dans une embuscade en Afghanistan ; un sous-officier a été grièvement blessé. Le Sénat va observer une minute de silence pour leur rendre hommage. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence)

Conférence des Présidents

M. le président.  - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.

JEUDI 12 FÉVRIER 2009

Ordre du jour prioritaire :

A 9 heures 30 et à 15 heures :

- Suite du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;

A 22 heures :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 72-4 de la Constitution, sur la consultation des électeurs de Mayotte sur le changement de statut de cette collectivité.

MARDI 17 FÉVRIER 2009

A 10 heures :

- Dix-huit questions orales :

Ordre du jour prioritaire :

A 16 heures et le soir :

- Suite du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Sur la proposition de la Conférence des Présidents, le Sénat a décidé d'examiner à partir de 16 heures les articles 13, 13 bis et 13 ter du projet de loi organique.

MERCREDI 18 FÉVRIER 2009

Ordre du jour prioritaire :

A 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;

- Projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (Urgence déclarée).

JEUDI 19 FÉVRIER 2009

A 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ;

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions et sur les donations ;

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe syrienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale ;

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar amendant la convention du 4 décembre 1990 en vue d'éviter les doubles impositions et l'accord sous forme d'échange de lettres du 12 janvier 1993 ;

Pour les quatre projets de loi ci-dessus, la Conférence des Présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée.

- Suite de l'ordre du jour de la veille ;

A 15 heures et le soir :

- Questions d'actualité au Gouvernement

Ordre du jour prioritaire :

- Suite de l'ordre du jour du matin.

Je rappelle que le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du samedi 21 février 2009 au dimanche 1er mars 2009.

La semaine suivante est réservée par priorité au Gouvernement.

MARDI 3 MARS 2009

A 10 heures :

- Dix-huit questions orales ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 16 heures et le soir :

- Projet de loi pénitentiaire (examiné dans le texte de la commission).

MERCREDI 4 MARS 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi pénitentiaire.

JEUDI 5 MARS 2009

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi pénitentiaire ;

A 15 heures et le soir :

- Questions d'actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite de l'ordre du jour du matin.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Etudes de santé

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants.

Discussion générale

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - C'est avec un grand plaisir que je viens devant vous ce soir pour soutenir cette proposition de loi.

C'est un plaisir en vertu de l'amitié qui me lie à la fois au rapporteur Jean-Claude Etienne, éminent professeur, avec qui nous avons toujours travaillé en parfaite intelligence, et au président Jacques Legendre, dont les avis judicieux sur notre système d'enseignement éclairent toujours utilement l'action du Gouvernement et celle de son ministre de l'enseignement supérieur. Je les remercie sincèrement du travail qu'ils ont effectué pour faire avancer la cause des étudiants en santé, un sujet que votre rapporteur connaît bien puisqu'en 1997, déjà, il cosignait avec Jean-François Mattei et Jean-Marie Chabot un ouvrage plaidant pour la réforme de la première année des études de santé.

Je remercie également le président Nicolas About et le rapporteur pour avis Gérard Dériot, fort de l'expérience incontestable que lui confère sa profession de pharmacien, qui ont mis leurs compétences au service du bon avancement de cette réforme.

C'est un plaisir, aussi, de venir soutenir une initiative parlementaire commune au Sénat et à l'Assemblée nationale pour combattre résolument l'échec en première année d'études de santé, et de venir débattre avec tous d'un sujet qui me tient tant à coeur.

Chaque année, 57 000 jeunes s'engouffrent en première année de médecine et de pharmacie, avec très peu de chance de décrocher un concours... De fait, pour 80 % d'entre eux en médecine et 72,4 % en pharmacie, cette première année est synonyme d'échec et de vocation brisée. Pour la majorité d'entre eux cela signifie au mieux une nouvelle année de travail, de sacrifices et d'efforts qui aboutiront au même résultat, l'échec. Ainsi, un bon étudiant peut, à l'aube de sa vie professionnelle, perdre deux ans en première année de pharmacie et deux nouvelles années en première année de médecine, soit quatre ans d'études supérieures pour aboutir à un échec, sans équivalence et sans voie de réorientation. Ce gâchis de temps, d'énergie, d'espoirs et de rêves n'est plus acceptable.

Vous nous proposez d'agir, je réponds à votre appel. Vous savez ma détermination et ma volonté de faire de la licence une chance pour nos enfants : renforcer les socles de connaissances, ouvrir tous les cursus aux langues et au monde de l'entreprise pour faciliter les réorientations, l'insertion professionnelle et combattre l'échec.

Alors que toutes les composantes de l'université ont pris le chemin de la réforme de leur première année de licence et bénéficient, à ce titre, du plan « Réussir en licence », il serait incohérent de laisser de côté les formations de santé. C'est une chance à saisir et les présidents d'universités et directeurs d'UFR de santé ne s'y sont pas trompés puisqu'ils soutiennent tous votre initiative.

Ce plan vise à relever le défi d'amener 50 % d'une classe d'âge vers son chemin de réussite. On en est loin en études de santé. N'est-il pas temps de s'y acheminer ? Cela signifie entrer dans le système Licence-Master-Doctorat et le processus de Bologne et mettre fin à la sélection par défaut du concours unique pour organiser une première année d'études commune aux quatre professions de médecins, pharmaciens, dentistes et sages-femmes.

Tous ces professionnels de santé seront amenés à travailler ensemble et en coordination durant toute leur carrière. C'est bien le moment de le souligner, la veille du vote à l'Assemblée nationale de la réforme conduite par ma collègue Roselyne Bachelot, qui met en place les agences régionales de santé chargées de coordonner tous les acteurs de santé d'un même territoire. A l'évidence, cette coopération doit commencer dès la première année d'étude. Outre la richesse incontestable de l'ouverture à l'autre, des bénéfices en termes d'informations sur les carrières et métiers de santé, la collaboration de toutes les filières est le gage d'un meilleur fonctionnement de notre système de santé et d'une meilleure prise en charge des patients.

Une année commune sanctionnée par quatre concours distincts, cela permettra à chaque étudiant de construire son parcours de réussite en fonction de ses motivations et donc de sa vocation. C'est lui qui choisira la carrière qu'il souhaite embrasser.

Cela ne signifie pas pour autant la fin du numerus clausus ni de la sélection, nécessaire, comme dans toutes les filières d'exigence et d'excellence. Mais aujourd'hui, c'est un couperet sans appel pour de trop nombreux étudiants. Dans toutes les autres filières d'excellence, les étudiants échouant aux concours se voient reconnaître les crédits équivalents à leurs années de préparation. Des garanties du même ordre doivent être offertes aux étudiants de PCEM1 et de première année de pharmacie.

La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui crée une année commune aux quatre professions de santé concernées. Pour que cette année ne soit plus seulement orientée vers le concours mais aussi vers d'autres parcours de formation, une nouvelle maquette est élaborée par des équipes pédagogiques engagées depuis de longs mois dans cette réforme. Poser des bases solides en sciences fondamentales tout en ouvrant l'enseignement aux matières plus littéraires permettra à ceux qui se réorienteront de réussir dans d'autres cursus.

Ceux qui auront commencé leur formation dans une autre filière avant de découvrir leur vocation de professionnel de santé ne sont pas oubliés. Parce qu'on ne sait pas toujours à 18 ans ce que l'on voudra faire toute sa vie, et qu'il est extrêmement enrichissant pour un professionnel de santé d'avoir étoffé ses connaissances dans d'autres domaines, et notamment en sciences humaines et sociales. La diversification des profils est un atout de plus et un gage de meilleure prise en charge des patients, de nouvelles passerelles sont ouvertes, qui donneront leur chance aux vocations tardives mais aussi une deuxième chance à ceux qui auront échoué à 18 ans et voudraient renouer avec leur première vocation. C'est encore une façon de réduire la pression et la tension qui règnent actuellement en première année.

Réduire le taux d'échec et mieux orienter chacun de nos étudiants, tel est le double objectif que poursuit cette réforme

Associer les pharmaciens à cette année commune prend alors tout son sens. Comment concevoir que les pharmaciens, conseils auprès de la population, experts des médicaments et vigiles des médecins prescripteurs ne partagent avec eux les bases de l'enseignement initial, fondement d'une culture commune... Cela ne se fera pas en un jour, je le sais. Mais je sais aussi que les autorités représentatives des pharmaciens y tiennent vraiment. J'ai confiance dans leur engagement moderne, sincère et résolu.

Les autorités représentatives des quatre professions concernées se sont beaucoup engagées pour faire avancer cette réforme : Elles ont participé, dès octobre 2007, à la mission orchestrée par le professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, que j'avais moi-même chargé de réfléchir aux améliorations possibles à apporter à l'actuel PCEM1 ; elles ont participé, avec tous les partenaires concernés, à la concertation menée sur ses dix recommandations, pour définir les grands principes de la réforme et, avec la Direction générale de l'enseignement supérieur, à l'élaboration d'une véritable feuille de route de la réforme, dès le mois de juillet 2008, diffusée depuis lors à toutes les universités ; enfin, elles ont commencé à mettre en place, dans les universités, les outils et les équipes indispensables à la mise en oeuvre concrète de la réforme.

Votre vote, sur une réforme retardée depuis vingt ans, est très attendu. Toutes les conditions matérielles sont réunies pour que l'État accompagne les universités et les étudiants, pour le plus grand succès de la réforme. Vous avez voté en novembre dernier les moyens financiers du plan « Réussir en licence », élargis, pour la première fois depuis janvier 2009, aux UFR de santé. Cela représente jusqu'à 25 % d'augmentation de leurs moyens. Ces crédits seront utilisés en partie pour renforcer le tutorat car il nous semble que c'est le meilleur outil pour encourager les bons étudiants à persévérer et mener chacun vers la réussite.

J'entends associer tous les acteurs au travail de réflexion et de rédaction que nous menons actuellement sur les textes d'application. Les étudiants seront invités, comme les autres parties, à réfléchir avec nous aux modalités de mise en oeuvre de la réforme.

C'est leur intérêt qui guide mon action et a présidé à l'initiative des parlementaires Jean-Claude Etienne et Jacques Domergue. Au nom du Gouvernement, j'émets donc un avis très favorable sur ce texte qui rejoint et poursuit l'action politique que je mène depuis mon arrivée au ministère. (Applaudissements à droite, au centre et au banc des commissions)

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur de la commission des affaires culturelles.  - lls sont jeunes, ils ont 19 ou 20 ans. Ils veulent être pharmaciens, médecins, chirurgiens-dentistes ou sages-femmes. En juin 2008, ils étaient 57 000 à se présenter ; 44 509 ont été recalés. Pour que cet échec ne soit pas vécu comme une meurtrissure, nous devons accompagner ces étudiants fragilisés vers un rattrapage, grâce à un complément de formation. C'est à ce rendez-vous d'orientation que cette proposition de loi vous invite.

Pour n'avoir rien tenté ou presque dans ce domaine, l'accès des jeunes aux études de santé s'apparente à un vrai parcours du combattant, alors même que l'Europe a mis en place, à la suite des accords de Bologne, le principe d'une formation par unités d'enseignement semestrialisées, préfigurant le LMD.

Je veux vous dire combien j'ai eu à coeur de déposer ce texte alors que Jacques Domergue faisait de même à l'Assemblée nationale, qui a déjà pu, en vertu des aléas de l'ordre du jour, l'examiner.

Cette proposition de loi poursuit plusieurs objectifs.

En instaurant une première année commune aux études médicales, ontologiques, maïeutiques et pharmaceutiques -alors qu'il n'existait jusqu'à présent qu'une première année commune aux trois premières disciplines-, ce texte vise à la fois à élargir les possibilités d'orientation des étudiants à l'issue de la première année et à donner une culture commune aux différentes professions de santé : vous savez, madame la ministre, que j'y suis très attaché. Il serait d'ailleurs souhaitable, à l'avenir, de proposer des formations communes à ces diverses filières tout au long du cursus. Il était nécessaire d'adjoindre la pharmacie à la première année commune. En effet, le rôle des pharmaciens ne se confine pas à la délivrance des médicaments ou aux analyses médicales : ils font également partie des équipes soignantes et concourent à la gouvernance des thérapeutiques.

Vous avez insisté, madame la ministre, sur les nouvelles passerelles. Je me contenterai de revenir sur les passerelles « entrantes », au sujet desquelles certains membres de la commission ont souhaité obtenir des précisions. Les étudiants titulaires d'un master, du diplôme d'une école de commerce ou d'un institut d'études politiques pourront dorénavant rejoindre la filière des études de santé ; ceux qui auront validé la troisième année des études de médecine, d'odontologie, de sage-femme ou de pharmacie pourront changer de filière sans repasser le concours correspondant : c'est le « droit au remords ».

Certains ont fait part de leurs réticences, mais j'ai consulté les représentants des étudiants et des enseignants. J'ai également obtenu l'accord écrit de la conférence des présidents d'université : beaucoup sont prêts à mettre en oeuvre cette réforme le plus rapidement possible. La conférence des doyens des facultés de pharmacie m'a également apporté son soutien ; quant aux doyens des facultés de médecine et d'odontologie, ils m'ont même exprimé cet après-midi une certaine acrimonie à l'idée que je pourrais être tenté de satisfaire les exigences de la minorité qui doute ! J'ai enfin été conforté par le soutien de beaucoup d'entre vous sur tous les bancs de cette assemblée.

Je fais grand cas des interrogations qui se sont exprimées, et je sais que vous aurez à coeur d'y répondre, madame la ministre. Tout le monde doit prendre la mesure de cette réforme ambitieuse. Toutefois la commission a souhaité laisser aux universités le temps nécessaire pour mettre en place le nouveau cursus en reportant d'un an l'entrée en vigueur du texte : c'est le sens d'un de nos amendements.

Cette proposition de loi prend pour la première fois en compte la nécessité d'accompagner les étudiants en situation d'échec et d'en finir avec un immense gâchis individuel et collectif. En outre il était nécessaire de mettre en place un tronc culturel commun aux professionnels de santé, car leur étroite collaboration est indispensable pour améliorer la performance de soins. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - La commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis de cette proposition de loi qui, malgré sa brièveté, revêt une très grande importance. Il s'agit en effet de réformer le début du parcours des professionnels de santé, ce qui comporte un réel enjeu étant donné la démographie actuelle de ces professions et à la veille de l'examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ».

Comme l'a rappelé M. Etienne, ce texte vise avant tout à accroître les chances des étudiants qui s'engagent dans des études de santé : s'il est indispensable de maintenir une sélection dès le début des études médicales, il est inacceptable que celle-ci provoque un taux d'échec aussi élevé, sans équivalent à ce niveau d'étude dans le reste du système éducatif français. Les étudiants en situation d'échec, malgré de bons résultats parfois, doivent pouvoir se réorienter.

La mission confiée au professeur Jean-François Bach a permis de formuler des propositions concrètes. Notre commission souscrit entièrement aux quatre objectifs visés. Il s'agit d'abord de favoriser la réorientation rapide des étudiants ayant les plus grandes difficultés, afin de limiter le nombre des redoublements à l'issue de la première année. Ensuite, le rapprochement des quatre filières permettra de donner une culture commune à des personnes qui seront amenées à collaborer au cours de leur vie professionnelle, et d'élargir les possibilités offertes aux étudiants grâce à l'instauration de quatre concours distincts.

Le troisième objectif est d'améliorer la pédagogie en accompagnant le parcours de l'étudiant. Enfin, il s'agit d'offrir de nouvelles passerelles aux étudiants qui échouent aux concours -surtout aux « reçus-collés », qui ont eu la moyenne- et à ceux qui suivraient également d'autres cursus au début de leur parcours.

Ce texte crée le cadre législatif de la réforme que le Gouvernement et l'Assemblée nationale souhaitent voir mise en oeuvre dès la prochaine rentrée universitaire. Pour bien en mesurer les conséquences, j'ai procédé à l'audition de doyens de facultés de médecine et de pharmacie, et de représentants des étudiants. Comme mes collègues de la commission, qui ont fait de même dans leurs circonscriptions, j'en retiens trois conclusions. Tout d'abord, il existe un consensus sur le principe de la réforme : ainsi les étudiants en pharmacie, à l'origine sceptiques sur cette première année commune, en acceptent désormais le principe.

Le calendrier très volontariste du Gouvernement fait l'objet d'appréciations plus contrastées. Les présidents d'université, les recteurs et les doyens mènent une intense concertation avec les acteurs concernés afin d'appliquer l'organisation et les programmes nouveaux dès le mois de septembre, mais certaines universités auront plus de difficultés que d'autres à respecter ce délai. En tout état de cause, les textes d'application doivent être pris le plus rapidement possible car de nombreux points demeurent imprécis, notamment pour l'organisation des concours à la fin de la première année.

Enfin, la rapidité de mise en oeuvre de la réforme préoccupe tous les étudiants. Ils déplorent le manque d'information disponible pour les cursus actuels en première année ainsi que pour les lycéens, dont les parents s'inquiètent -vous aussi, madame la ministre, vous connaîtrez cela quand vos enfants grandiront... (Sourires)

Afin de rassurer les acteurs concernés et de nous éclairer, je souhaite obtenir votre engagement sur quatre points essentiels. En premier lieu, la sortie des textes d'application doit être la plus rapide possible et intervenir d'ici la mi-mars pour permettre l'inscription des lycéens. Les autorités universitaires en ont besoin pour leur communication, la réforme des procédures et l'information des étudiants. Le deuxième point concerne les étudiants actuellement en première année : malgré la réforme, il est nécessaire qu'ils puissent présenter deux fois le concours d'une même filière. Dans certains cas, un triplement de la première année serait donc autorisé. Cette demande, venue des étudiants, est tout à fait légitime pour une question d'équité. Le troisième point a trait à la future réorientation des étudiants à l'issue du premier semestre. Il semble que le ministère envisage une formule assez radicale : ne conserver après les premiers mois de formation que deux fois et demie à trois fois le nombre d'étudiants correspondant au numerus clausus. Les professeurs comme les étudiants jugent ce niveau trop restrictif. La concertation doit se poursuivre et les options de réorientation être bien réelles et effectives. Le quatrième point qui nous préoccupe concerne les moyens supplémentaires nécessaires. Vous nous avez déjà annoncé, madame la ministre, que les financements sont prévus.

La commission des affaires sociales a considéré que le délai prévu était un peu précipité et propose de reporter d'un an l'entrée en vigueur de cette réforme. Je remercie le président et le rapporteur de la commission des affaires culturelles de relayer cette demande. Il serait particulièrement dommageable que la mise en oeuvre ne soit pas à la hauteur des attentes exprimées tant par les enseignants que par les étudiants : notre pays doit continuer à disposer de professionnels de santé bien informés et bien formés.

Sous réserve de vos engagements, madame la ministre, et du report de l'application de la loi, la commission des affaires sociales votera cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Lagauche.  - Nous discutons d'une proposition de loi inaboutie dans le contexte le plus défavorable qui soit : inutile de donner à la communauté universitaire un nouveau sujet de mobilisation ! La « mastérisation » de la formation des futurs enseignants, contre-productive et précipitée, constitue un point dur de la mobilisation et on nous propose aujourd'hui de jeter dans le bain des mesures mal ficelées, mal préparées, non négociées et précipitées... Le calendrier de cette énième réforme est tout aussi irréaliste.

Il est impossible d'organiser dans de bonnes conditions, dès la rentrée de septembre 2009, la première année des études de santé selon le dispositif proposé. Ainsi, la mise en oeuvre du LMD n'est toujours pas effective pour les études odontologiques et pharmaceutiques. Le processus de Bologne fixe comme date butoir 2010 : cela semble plus réaliste. Le calendrier gouvernemental nous conduirait au sacrifice d'une promotion !

Les procédures d'inscription des lycéens s'achèvent dans quelques semaines et aucune information sur cette réforme n'est encore disponible. Quant aux actuels primants, leur stress ne peut qu'être accentué par l'incertitude quant à leurs possibilités de redoublement. Et par quel miracle les équipements immobiliers seraient-ils prêts à accueillir tous les étudiants en première année dès la rentrée ? Le report de l'application de cette réforme s'impose.

Cette réforme est non seulement précipitée, mais insuffisante car beaucoup de professions de santé ne feront pas partie de cette licence. Certaines ont été, sans motif sérieux, exclues d'office du rapport Bach. La question de l'intégration de filières de formation universitaire a été trop rapidement évacuée. La démocratisation de l'accès à certaines filières aurait dû être envisagée. Ainsi, la préparation à la première année de kiné ne demande pas le même investissement financier que le concours des instituts privés. L'occasion de généraliser la procédure de sélection pour tous les futurs kinésithérapeutes a donc été manquée.

De fortes craintes pèsent également sur les conditions d'études. Madame la ministre, vous avez affirmé à l'Assemblée nationale que les étudiants de pharmacie pourront avant tout « améliorer leurs chances de réussite ». Cette affirmation est-elle sérieuse ? Les étudiants de pharmacie vont échanger des travaux dirigés à une trentaine d'étudiants contre des amphis surchargés en visioconférence. Avec l'augmentation des effectifs, le risque est grand de voir remise en cause la proportion des travaux dirigés par rapport aux cours magistraux. Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) a demandé à votre ministère « d'apporter tous les moyens matériels, humains et financiers nécessaires pour garantir une qualité pédagogique au moins équivalente à celle observée aujourd'hui dans chacune des filières concernées ». Le financement de la licence santé ne doit pas se faire « en redistribuant les moyens initialement alloués aux autres filières universitaires dans le cadre du plan Réussir en licence ».

Comment la première année pourra-t-elle servir également à ceux qui ne deviendront ni médecin, ni dentiste, ni sage-femme ni pharmacien ? La réorientation à l'issue du premier semestre se fera-t-elle sur le mode du volontariat ? Quelles filières les étudiants pourront-ils intégrer au second semestre et comment ? Nous ne disposons d'aucune étude statistique sur le parcours des étudiants afin d'affiner le dispositif de réorientation, ni sur les résultats du premier semestre des étudiants primants et leur réussite au concours en tant que doublants. La boucle de rattrapage qui oblige à faire un cursus de licence complet pour pouvoir repasser le concours ne me semble pas être la solution la plus appropriée. Si votre objectif était de ne pas rallonger un cursus déjà lui-même très long, il est loin d'être atteint.

Madame la ministre, ne gâchez pas l'occasion de donner corps au consensus sur la réforme des études de santé ! Nous partageons le diagnostic ainsi que l'essentiel des objectifs du rapport Bach, mais nous ne partageons ni la méthode, ni les modalités de mise oeuvre. Cette proposition de loi conduit notre assemblée à donner un blanc-seing au Gouvernement, or il nous faut être associés à la préparation des décrets pour pouvoir nous prononcer en toute connaissance de cause. Nous demandons le report de son application. (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini.  - Ce texte propose une réforme attendue et positive. Dès 2002, Luc Ferry et Jean-François Mattei, respectivement ministres de l'enseignement supérieur et de la santé, indiquaient l'intérêt d'une année d'études commune aux professions de santé, suggérant qu'elle soit rapidement menée. En septembre 2002, a été instituée la Commission pédagogique nationale de la première année des études de santé, chargée de faire des propositions sur le sujet. Les propositions de cette commission Debouzie se rapprochent de celles du professeur Bach, reprises dans la présente proposition de loi.

Quatre principes sous-tendent la création d'une année commune aux études de médecine, d'odontologie, de maïeutique et de pharmacie. Le premier est l'instauration d'une indispensable culture commune entre professions de santé. Le professeur Berland, président de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, a souvent dénoncé leur cloisonnement dans lequel il voit un obstacle majeur à leur coopération.

Deuxième principe : cette année commune ne doit pas être une année blanche, de bachotage, mais doit être intégrée dans le cursus global de formation. Cela implique qu'elle prépare aux concours et assure une formation, partie prenante d'un cursus académique et professionnel. Ce doit être, selon le doyen Debouzie, une année « utile, constructive et apprenante ». C'est sur ce point que nombre d'étudiants demandent des garanties.

Le troisième principe, c'est l'absence de hiérarchisation des concours. L'actuel PCEM1 induit une hiérarchisation entre les professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme car l'existence d'un classement unique permet à un étudiant bien classé de choisir sa profession et contraint celui moins bien classé, à un choix par défaut, notamment lors de sa deuxième tentative au concours. La mise en place de quatre concours séparés devrait sans doute y remédier.

Le dernier principe, c'est la prévention de l'échec. La moitié des titulaires d'une mention « Bien » au baccalauréat échoue au concours de médecine et d'odontologie, alors qu'un tel taux d'échec n'est jamais observé dans les classes préparatoires des grandes écoles. En moyenne, environ 30 % d'une cohorte de PCEM1 intégrera PCEM2, en un, deux ou trois ans. Mais la moitié de cette cohorte quitte le PCEM1 sans aucun diplôme, sans aucune équivalence ou dispense. La proportion d'abandons après une première tentative est élevée. Environ la moitié des étudiants qui ne sont pas admis en seconde année de médecine ou de pharmacie retournent en Deug Sciences et Technologies. Environ 30 % se dirigent vers une profession paramédicale. L'avancée majeure de ce texte, c'est donc la prévention de l'échec par une réorientation des étudiants. Vous avez, madame la ministre, déclaré à la presse : « Il n'y aura pas de couperet mais il y aura l'ouverture dans les universités, de semestres de rebond ».

Mon groupe salue cette refonte de la première année d'études de santé mais nous demandons des garanties sur son organisation pédagogique. Il faut élaborer un nouveau programme commun aux études médicales des quatre professions en conservant le niveau actuel et les spécificités de chaque filière. A ce sujet, nous proposons un amendement d'appel relayant les inquiétudes des étudiants en pharmacie. Dans son rapport, le professeur Bach propose un programme identique pour le premier semestre et portant sur les matières fondamentales, les modules spécifiques étant introduits au second semestre. Surtout, il préconise que ce programme commun soit établi par les commissions pédagogiques nationales des trois filières et le Conseil de perfectionnement des sages-femmes. Quelle est votre position, madame la ministre, sur ce sujet ?

Nous demandons aussi des garanties sur l'organisation des quatre concours et la validation des connaissances. Ces concours seront-ils organisés par université ? Chaque étudiant sera-t-il libre de choisir le nombre de concours qu'il présentera ?

Nous demandons des garanties sur la mise en place de moyens et de supports éducatifs suffisants. L'accueil de tous les étudiants dans les locaux actuels est déjà problématique. Envisagez-vous le recours aux nouvelles technologies et supports numériques pour un enseignement à distance ?

Vous misez sur une meilleure orientation des futurs bacheliers, en les informant sur la difficulté et la longueur des études de santé. Il est question d'entretien préalable, de journée nationale d'information dans les lycées et d'opérations « portes ouvertes » dans les facultés. Qu'en sera-t-il ?

Nous demandons, enfin, des garanties sur les orientations possibles des étudiants en situation d'échec. Vers quelles filières seront-ils orientés ? Vous avez annoncé, sur le sujet, la réunion des doyens des universités et des facultés, au début de cette année. Qu'en est-il ressorti ?

Cette réforme nous semble une bonne idée mais son entrée en vigueur mérite plus de temps et ses modalités d'application, plus de garanties. (Applaudissements au centre)

M. François Autain.  - L'idée de rassembler dans une première année d'études commune les professions de santé n'est pas nouvelle, elle a été proposée par le professeur Debouzie dans un rapport élaboré à la demande de Jack Lang et de Bernard Kouchner, alors respectivement ministres de l'éducation nationale et de la santé, et remis en 2003 à leurs successeurs Luc Ferry et Jean-François Mattei. Que de temps perdu ! Il s'agissait alors des quatorze professions de santé existantes : le texte d'aujourd'hui est très en retrait par rapport à cette recommandation. Il est vrai qu'est intervenu entre temps le rapport Bach, beaucoup plus restrictif. C'est pourquoi la seule véritable nouveauté de ce texte est l'intégration de la pharmacie, puisque la maïeutique, dans de nombreuses universités françaises, bénéficie déjà d'une première année d'étude commune à la médecine et à l'odontologie.

Il est difficile de s'opposer à cette réforme, même si on regrette son manque d'ambition et le temps perdu. Un second rapport était-il indispensable ? Nous aurions sans doute encore attendu un moment sans l'heureuse initiative de notre éminent collègue le professeur Etienne, tant est grande l'indifférence du Gouvernement pour tout ce qui concerne les études des professions de santé. C'est à l'un de nos anciens collègues, le professeur Giraud, que nous devons la création d'une filière universitaire de médecine générale, le Gouvernement l'ayant oublié dans le cursus... Et souvenez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, que notre commission n'avait même pas été saisie pour avis ! (M. Gérard Dériot le confirme)

On peut comprendre que l'organisation de cette première année soit fixée par voie réglementaire. Mais on aurait aimé connaître, au moins dans ses grandes lignes, l'arrêté qui sera bientôt publié. Cela aurait permis de calmer certaines inquiétudes peut-être infondées.

Ce texte a minima ne suffira pas à réduire le taux d'échec, voisinant les 80 %, au concours de fin de première année. Les chances de remédier à ce gâchis humain auraient été plus grandes s'il avait suivi les recommandations du rapport Debouzie qui préconisait une première année d'études commune aux quatorze professions de santé. Il aurait été sage de l'ouvrir, au moins, aux masseurs-kinésithérapeutes -qui ont lancé une pétition en ce sens- et sans doute aussi aux infirmiers. On aurait eu ainsi plus de chances de développer une culture commune aux métiers de santé et un rapprochement de leurs pratiques.

A cet égard, je m'étonne que l'on n'ait pas profité de l'intégration de la maïeutique dans la première année des études de santé pour accorder enfin à cette discipline la reconnaissance universitaire qu'elle mérite. Nous avions déposé un amendement en ce sens, il a malheureusement été écarté par la commission des finances en vertu de l'article 40. Le Gouvernement pourrait prendre l'initiative.

Il serait temps, s'agissant d'une profession qui compte des éléments masculins de plus en plus nombreux, de songer à remplacer le terme « sage-femme » par une appellation qui prenne en compte cette mutation. Celle de maïeuticien, reconnue par l'Académie française, ferait parfaitement l'affaire et j'ai déposé un amendement en ce sens.

Autre inquiétude : les conditions dans lesquelles les étudiants peuvent être réorientés à l'issue du premier semestre de la première année. Rien ne permet d'affirmer qu'une réorientation précoce est préférable à un redoublement d'autant que, dans l'hypothèse d'une réussite au concours, le redoublement fait gagner un à deux ans par rapport à la réorientation précoce. Nous manquons d'études comparatives. De même, on ne peut prétendre que les étudiants ayant une moyenne de moins de 7 sur 20 à l'issue du premier semestre ou de la première année n'ont qu'une très faible chance de réussir au concours, même à l'issue d'un redoublement.

Ensuite, cette disposition est diversement interprétée. D'un côté, la circulaire du 1er août 2008 présente la mesure comme « obligatoire, tant à l'issue du premier semestre que de la première année ».De l'autre, le coauteur et rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale indique que cette réorientation précoce n'est qu' « une simple faculté ». Une disposition pouvant donner lieu à des interprétations aussi contradictoires doit être supprimée.

Permettez-moi ensuite de douter de la faisabilité de cette possibilité de réinscription en première année offerte aux étudiants exclus précocement du système. Cette mesure, considérée comme une seconde chance de réussite, est un miroir aux alouettes. Les étudiants réorientés au premier semestre étant les plus mauvais, leur chance de valider une première année de licence est minime. Il leur faudrait donc attendre deux ans et demi avant de se réinscrire en première année d'études de santé, avec une chance de réussite nettement moindre que les redoublants classiques. Je crains que cette deuxième chance ne se transforme en une impasse.

Cette réforme va augmenter le nombre d'étudiants en première année, aggravant ainsi le gigantisme ou la massification auxquels doivent faire face les doyens. Les universités doivent avoir le droit de fragmenter le numerus clausus entre plusieurs unités de formation et de recherche (UFR) afin que chacune d'entre elles organise un concours, comme c'est déjà le cas dans certaines universités. Les priver de cette possibilité serait les affaiblir face à des cours privés dynamiques et onéreux et pourrait, en pénalisant les étudiants les plus modestes, porter atteinte à l'égalité des chances.

Je regrette d'ailleurs qu'aucune enveloppe financière spécifique n'ait été affectée à la première année dans le cadre de la loi de finances. Mais il n'est peut-être pas trop tard pour rectifier le tir puisque le report d'un an de cette réforme pourrait vous permettre, madame la ministre, d'inscrire dans la loi de finance pour 2010 les crédits nécessaires.

Voilà les observations qu'appelle cette proposition de loi qu'on aurait aimée plus ambitieuse et moins discriminatoire. La position finale du groupe CRC-SPG dépendra du sort réservé à ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)

Mme Béatrice Descamps.  - Ce texte très attendu représente une étape importante dans la réforme des études de santé. Malgré la difficulté du concours, les étudiants sont toujours plus nombreux à s'inscrire. La probabilité de réussite est de 27 % seulement sur deux ans. Ce chiffre révèle un gâchis humain considérable. Le principe même d'un numerus clausus ne doit pas être remis en cause car, comme vous l'avez dit, madame le ministre, il est le prix de l'excellence. Chacun sait que les études médicales sont un choix risqué. Mais ce risque dissuade malheureusement beaucoup d'élèves qui n'oseront jamais s'engager dans cette voie. L'échec est difficile à supporter pour les jeunes qui sont bien souvent de bons élèves. De plus, lorsqu'ils redoublent et qu'ils sont à nouveau recalés, ils doivent repartir de zéro, car les possibilités de réorientation sont limitées. Quel gâchis et quelle perte de temps !

Je me réjouis que les propositions du rapport de M. Jean-François Bach soient aujourd'hui mises en oeuvre. La création d'une première année commune aux études médicales, odontologiques, de sages-femmes et pharmaceutiques en élargissant les débouchés offerts aux étudiants, va permettre de réduire le taux d'échec et le nombre de redoublements en première année.

En outre, la fin de première année sera sélective puisque l'entrée en première année ne l'est pas. Mais est-il utile d'attendre un an alors que les premiers mois révèlent déjà pour certains un retard important ? La réorientation en cours d'année est une disposition de bon sens, qui permettra à l'étudiant de gagner du temps. Alors que trop de jeunes redoublent pour se retrouver finalement sans diplôme au bout de deux ans, les étudiants pourront rejoindre une autre formation pour revenir ultérieurement tenter le concours d'entrée en médecine. Bien des situations d'échec pourront ainsi être évitées.

Enfin, les mesures permettant la diversification des profils des étudiants dans les études de santé sont intéressantes. Les connaissances scientifiques sont importantes, mais est-il normal que les étudiants aient tous le même profil ? Il y a pourtant parmi eux des talents et des vocations qui ne demandent qu'à se révéler. Je trouve donc intéressante l'idée de passerelles, pour des jeunes qui auraient découvert tardivement leur vocation. Vous souhaitez, madame le ministre, introduire de nouveaux programmes en première année, comme les sciences humaines et sociales, et l'anglais, ce qui ne peut qu'être bénéfique pour de futurs professionnels de la santé.

J'en viens aux craintes suscitées par cette réforme. Les étudiants qui connaîtront la première année de mise en application de la réforme s'inquiètent mais leur situation a été prise en compte et une certaine souplesse prévaudra : l'article 2 prévoit que la procédure de réorientation des étudiants à l'issue de la première année pourra être différée jusqu'à la rentrée universitaire 2011-2012.

Nous avons également reçu des courriers d'étudiants en pharmacie qui craignent de ne pas retrouver dans cette année commune leurs actuelles bonnes conditions d'étude, notamment les enseignements dirigés à effectifs restreints. Ce serait regrettable car les étudiants en pharmacie subissant également un taux d'échec important en première année, la réforme devrait leur être profitable. Pouvez-vous nous confirmer, madame le ministre, qu'ils ne seront pas perdus dans de grands amphithéâtres et qu'ils garderont en première année des enseignements spécifiques ?

De façon plus générale, cette réforme sera difficilement applicable dans certaines universités pour des raisons matérielles tenant à la configuration des locaux. Comment résoudre ces problèmes ?

Enfin, il est important de promouvoir l'exercice de la médecine générale. Vous travaillez en ce sens, madame le ministre, et nous avons adopté en février 2008 une proposition de loi du sénateur Francis Giraud tendant à créer de nouveaux corps d'enseignants pour cette discipline. Certaines régions manquent de médecins. La répartition du numerus clausus par faculté ne tient pas assez compte des besoins des territoires. Cette répartition est surtout établie en fonction du nombre de bacheliers reçus et des capacités de formation. Modulerez-vous ce numerus clausus en fonction d'autres critères ? Que ferez-vous pour que les étudiants se dirigent vers la médecine générale et s'établissent dans les régions qui manquent de praticiens ?

Je vous remercie pour vos réponses et je tiens à saluer votre détermination à mener une politique de réduction du taux d'échec à l'université, grâce au plan « Réussite en licence ». Je souhaite également remercier le rapporteur et le président de la commission pour la qualité de leurs travaux et de leurs analyses. Bien évidemment, le groupe UMP votera cette proposition de loi qui engage une réforme urgente. (Applaudissements à droite)

M. Gilbert Barbier.  - Une réforme des études médicales de plus ! Mais peut-être sera-t-elle la bonne ? Depuis longtemps, les études de santé focalisaient les critiques, nourrissant une abondante littérature comme en attestent les rapports Bach et Debouzie. Moins d'un étudiant sur cinq réussit à passer en deuxième année de médecine et un sur quatre en pharmacie, au terme d'une compétition aussi impitoyable qu'injuste : amphis bondés, élèves ayant la moyenne mais recalés en raison du numerus clausus. Pire, la plupart de ces étudiants peinent à se recycler, en dépit de leur bon niveau scolaire.

Pour pallier ces critiques, le texte, adopté le 16 décembre par l'Assemblée nationale crée une première année commune aux filières de médecine, sage-femme, odontologie et pharmacie. Il prévoit aussi une réorientation des étudiants les plus à la peine vers d'autres filières scientifiques, dès la fin du premier semestre ou au terme de la première année. Enfin, ce texte crée des « passerelles entrantes » pour des étudiants titulaires de certains masters ou diplômes afin de diversifier les profils.

Cette réforme traduit de bonnes intentions. La mutualisation des cours donnera une culture commune aux futurs médecins, aux sages-femmes, aux dentistes et aux pharmaciens. Mais, pourquoi avoir laissé de côté le reste des professions de santé ? Sans même parler des quatorze autres métiers, les kinés et les infirmières auraient mérité d'y figurer. S'agissant des kinés, beaucoup d'entre eux ont d'abord tenté les études médicales.

Le dispositif de réorientation des étudiants en difficulté devrait contribuer à diminuer le taux d'échec : un étudiant ayant obtenu, au bout d'un semestre, une moyenne inférieure à six, n'a pratiquement aucune chance de réussir le concours en fin d'année. Le réorienter immédiatement vers un autre cursus scientifique lui éviterait de perdre une année complète et lui donnerait un complément de formation utile pour retenter la première année des études de santé.

Sur quels critères les étudiants seront-ils jugés ? Va-t-on fixer une note minimale aux partiels en deçà de laquelle on estimera que l'étudiant ne peut réussir aux concours ou conservera-t-on un nombre d'étudiants en fonction du numerus clausus ? S'agira-t-il d'un simple conseil ou d'une obligation ? L'étudiant pourra-t-il s'inscrire dans un cursus qui ne soit pas scientifique ? Le texte prévoit en outre une procédure de réorientation en fin de première année, certainement pour les étudiants les moins bien classés aux concours. Ils devront valider une deuxième année de licence dans un autre cursus universitaire scientifique pour réintégrer la première année. Ce délai de rattrapage permet certes d'optimiser les chances de réussite aux concours mais il constitue un long détour et s'apparente à une sorte de pénitence : ce qui se faisait souvent en deux ans se fera en quatre !

Peut-être eût-il mieux valu organiser une sélection immédiate dès l'entrée en première année. Cette idée, politiquement peu correcte, pose la question de l'orientation des lycéens qui devrait être active, précoce et diversifiée, ces derniers ne mesurant pas toujours la difficulté des études.

Le dispositif de réorientation proposé suscite des inquiétudes chez les étudiants, notamment chez ceux actuellement inscrits en première année et qui, surtout en province, doivent souvent déménager pour poursuivre leurs études. Il faut donc leur apporter des précisions.

Les étudiants en pharmacie craignent que le contenu de l'enseignement en première année ne soit pas adapté à leur spécialité et perde en qualité. La réforme pose aussi des problèmes de logistique. Va-t-on adapter les locaux pour accueillir l'ensemble des étudiants, ou diviser les élèves sur deux sites dotés de systèmes de visioconférence ? Quels seront les moyens consacrés à cette réforme ?

Le texte est imprécis. Certes, il s'agit d'une proposition de loi et je vous interroge sur des questions d'ordre réglementaire. Mais il est bien difficile de se prononcer sans connaître les décrets d'application. Les échéances sont proches et ils sont certainement déjà rédigés... Je suis favorable à la réforme proposée. Néanmoins, son application dès la rentrée 2009 me paraît précipitée. Certaines facultés ne pourront être prêtes ; l'inquiétude qui en résulte parmi les étudiants pourrait se transformer en agitation. Le groupe RDSE présentera un amendement tendant à prévoir un report d'un an. Nous espérons vous convaincre ou, à défaut, avoir votre soutien sur l'amendement de repli que je défendrai.

Un mot enfin du numerus clausus : 7 300 places ont été ouvertes en médecine en 2008. Mais le Conseil de l'Ordre des médecins estime qu'il en faudrait 8 000 pour maintenir une couverture médicale satisfaisante du territoire en 2020. Quelles sont vos intentions à ce sujet, madame la ministre ? (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)

M. Philippe Darniche.  - La proposition de loi vise à réduire le taux d'échec en première année des études conduisant aux professions de santé. En 2008, 20 % des étudiants ont réussi leurs examens, ce qui signifie que plus de 44 000 ont échoué. Désormais ils pourront se réorienter vers d'autres filières ; des passerelles entrantes et sortantes sont créées -une souplesse que les Anglo-saxons maîtrisent depuis longtemps. La réforme est acceptée par la majorité des associations d'étudiants, après les réticences initiales. Mais je souhaite attirer votre attention sur la date de mise en oeuvre. Le délai est trop court d'ici la rentrée 2009 pour que toutes les décisions réglementaires soient prises, tous les ajustements opérés. L'organisation du concours de fin de première année n'est pas encore arrêtée. Les lycéens n'ont aucune information sur le nouveau cursus alors que les inscriptions en faculté seront closes dans un mois. Les étudiants actuels n'ont aucune visibilité à long terme. L'organisation matérielle, on me l'a confirmé à l'université de Nantes, pose problème. Bref, le report d'un an s'impose.

Je veux aussi vous interroger sur les étudiants actuellement en première année qui ne réussiront pas leur concours : le programme d'études sera renouvelé à 30 %, ce qui crée pour eux une situation discriminatoire. Il convient de corriger cette injustice en les autorisant à tripler leur année.

Enfin, le contenu des enseignements en pharmacie me préoccupe : la qualité risque de se dégrader. Que deviendront les 192 heures de travaux dirigés en petits groupes, le stage en officine ? S'ils disparaissent, ce sera un recul. A ce point du débat, je suis plutôt favorable au texte, mais j'espère obtenir des réponses à mes questions.

Mme Christiane Demontès.  - Une réforme de la première année des études de santé était nécessaire. Mettre un terme à un gâchis humain, donner plus de chances aux étudiants, revoir le contenu des enseignements afin de créer un socle de connaissances commun à tous les professionnels de santé -et pas uniquement fondé sur la culture scientifique- tout cela est pertinent. La réforme de la première année d'études doit faire partie intégrante d'un ensemble complexe qui repositionne la médecine dans une société changeante et confrontée à des défis sanitaires renouvelés.

Mais comment étudier cette proposition alors que l'Assemblée nationale débat en ce moment même du projet de loi « Hôpital, patient, santé, territoire » qui comporte un volet formation ? Le Gouvernement aurait dû procéder à une concertation sur les conclusions du rapport Bach qui a inspiré cette proposition. Vous vous y étiez engagée mais une fois encore, la précipitation l'a emporté.

Les deux articles renvoient à une multitude d'arrêtés ministériels : nous n'avons qu'une vision partielle, ce qui est fort dommageable. En 2008, seuls 20 % des étudiants ont pu, à l'issue de la première année, poursuivre des études de santé, les autres n'ayant guère de possibilités de réorientation. Situation inacceptable au regard des besoins en professionnels de santé.

En décembre dernier, madame la ministre, vous aviez annoncé votre intention de relever progressivement le numerus clausus pour répondre aux besoins locaux de santé. Mais votre collègue en charge de la santé ne tient pas le même discours...

Vous créez un tronc commun aux quatre sections. Si l'objectif est d'assurer un socle commun de connaissances autres que purement scientifiques, pourquoi n'avoir pas prévu des enseignements de philosophie, de psychologie, de sciences humaines ? Au premier semestre, ce sont les sciences dures qui dominent. Où est le changement, hormis la réorientation précoce ? Et pourquoi autoriser les étudiants, après deux années comptant pour la licence, à se présenter à nouveau ? On sait bien que l'échec est lié à une sélection sociale de plus en plus manifeste : les officines privées offrent un tutorat... à ceux qui en ont les moyens financiers.

Les facultés de sciences auront-elles la capacité d'intégrer des étudiants en cours d'année ? Organiseront-elles des parcours spécifiques ? Les étudiants recevront-ils une aide lorsqu'ils devront déménager ? Vous ne dites rien des aspects financiers. Vous prélèverez les dotations nécessaires sur les crédits du plan « Réussite en licence » : ils n'ont pas été votés pour cela ! Il serait plus sage de faire remonter les demandes des universités et dégager les sommes dans la prochaine loi de finances.

Notre ambition n'est pas, comme vous nous en accusez, de ne rien faire. Comme les doyens et les étudiants, nous sommes favorables à la réforme. Mais la précipitation nuit à la crédibilité. La concertation était indispensable. La proposition ne résout pas les difficultés actuelles. Les élèves de terminale sont pour certains déjà pré-inscrits en faculté de médecine mais ne savent rien de ce qui se prépare. Nous serons attentifs aux explications de la ministre et au sort qui sera réservé à nos amendements. Nous déciderons alors de notre vote sur l'ensemble. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Leleux.  - Chaque année, plus de 60 000 bacheliers s'engouffrent dans les facultés de médecine et de pharmacie dans l'espérance de recevoir une formation médicale universitaire. Ils ne seront que 13 % à être reçus au concours en fin de première année et 14 % au terme d'une année de redoublement Tous les autres, soit près de 75 %, découragés ou épuisés par ce parcours du combattant, doivent repartir à zéro dans leurs études supérieures, quand ils ne sont pas totalement découragés de le faire.

Cela crée de multiples effets pervers : concurrence exacerbée entre étudiants, hiérarchisation qualitative des filières consécutive aux choix de celles-ci en fonction du classement au concours commun, primat du scientifique dans les chances de succès, prolifération de coûteuses officines de bachotage, renoncement de certains bons étudiants à choisir une profession de santé. C'est pour mettre un terme à cette situation que cette proposition de loi nous est soumise.

Comme celle-ci donne une grande latitude au ministre de l'enseignement supérieur et au ministre de la santé dans la rédaction des décrets, il me semble utile que le débat parlementaire soulève quelques questions.

La création d'une année commune avec, en fin d'année, quatre concours différents, est de nature à ouvrir plus de débouchés aux étudiants, à créer une culture commune à des professions destinée à travailler ensemble. Elle permettra également de briser la hiérarchisation qualitative entre les professions, plus choisies par défaut en fonction d'une sélection liée aux classements au concours qu'à un véritable choix professionnel.

Toutefois, les numerus clausus devront être déterminés par les ministres non seulement en fonction de la capacité des sites universitaires à former, mais aussi en fonction des besoins territoriaux en matière d'offre de soins. S'agissant de la réorientation en cours et en fin de première année, l'important est de maintenir allumée, dans l'esprit de l'étudiant, la flamme de l'espérance d'un débouché.

A l'issue du premier semestre, il est possible d'identifier les étudiants qui ne conservent qu'une infime chance de franchir l'obstacle du concours en fin d'année. L'abandon des études médicales à ce stade serait-il obligatoire ou facultatif ? L'étudiant pourrait-il, en mars, rejoindre une filière en première année de licence, par exemple en sciences, pour ne pas perdre sa première année universitaire ? Selon quelles modalités ? Les universités sont-elles prêtes à organiser cette réorientation ?

Il est prévu d'interdire le redoublement à certains étudiants. A partir de quel multiplicateur du numerus clausus pensez-vous scinder le collège des recalés et celui des reçus-collés ? S'il est probable que les recalés devront reprendre leurs études supérieures dans une autre filière, est-il possible de proposer aux reçus-collés une équivalence dans une autre discipline universitaire ? Dans quelle mesure le reçu-collé qui échoue encore au terme de la deuxième année pourra-t-il bénéficier d'une équivalence dans une autre discipline ?

Les passerelles sont aussi de nature à enrichir le profil des professionnels de santé. L'accès aux professions de santé devrait être beaucoup plus ouvert aux étudiants sensibles aux sciences humaines. Il n'est pas besoin d'avoir un cerveau calibré pour résoudre, de tête, des équations différentielles de degré n pas plus que d'être un spécialiste du calcul matriciel pour faire un bon médecin à l'écoute de son patient.

Ma dernière question concerne l'intégration à venir des formations des professions paramédicales dans le moule LMD. Ne conviendrait-il pas de poursuivre les réflexions sur l'organisation de cursus complémentaires pour l'ensemble des professions de santé afin de forger de véritables solidarités dans le corps médical ?

Cette proposition de loi est un véritable progrès, dont le principe doit être adopté aujourd'hui. Cependant, compte tenu de l'inquiétude manifestée par certains étudiants, voire des lycéens en cours d'inscription, je soutiendrai les propositions de report d'un an de cette importante réforme, afin qu'elle puisse être appliquée dans les meilleures conditions. Le rapporteur nous a convaincus du bien-fondé de cette position, même si nous avons conscience qu'elle décevra tous ceux qui s'étaient beaucoup investis pour se préparer à une application de la réforme à la rentrée 2009 et qu'elle reporte les solutions avancées pour lutter contre le taux d'échec dramatique des étudiants concernés. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Les pharmaciens ont tout à gagner à cette réforme : ce qui fait la force de leur première année servira de modèle pour les autres filières.

Oui, j'ai associé les étudiants à la réflexion, -je les ai reçus encore cette semaine. Oui, il y aura un régime transitoire. Oui, je veillerai à ce que le triplement soit facilité.

Les coefficients multiplicateurs à la fin du premier semestre seront élevés la première année, pour être ensuite affinés. Ils devraient se situer entre quatre et cinq. Ils ne doivent pas être considérés comme des sanctions.

La date d'application ? Le mieux serait le plus tôt. Les trois quarts des présidents d'université se disent prêts. Mais ils ne sont que les trois quarts, nous sommes déjà en février et l'heure est tardive. Les délais sont courts, je comprends donc votre inquiétude et me soumettrai à votre sagesse. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je vous remercie vivement pour votre concision.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°4, présentée par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires culturelles la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants (n° 146, 2008-2009).

M. Yannick Bodin.  - Nous venons d'entendre quelques réponses mais demeurent encore bien des incertitudes.

Une réforme de la première année des études de santé est nécessaire : il n'est pas acceptable que le taux d'échec des étudiants dépasse les 80 %. Le professeur Bach a établi un diagnostic digne d'intérêt qui aurait mérité des échanges au sein de notre commission et avec le Gouvernement, d'autant que cette proposition de loi est censée s'en inspirer.

L'objectif qui doit être visé est l'amélioration de l'encadrement de l'étudiant afin d'éviter son échec ou de favoriser sa réorientation dans les meilleures conditions possibles. Cela suppose une meilleure préparation aux concours, une meilleure information des lycéens et des étudiants sur les études et les carrières médicales, qui donne des indications sur le numerus clausus par formation ainsi que sur les besoins des zones sous-médicalisées.

Ces données sont essentielles aux étudiants qui veulent appréhender leur futur métier. Le dispositif de réorientation aurait d'ailleurs eu toute sa place dans le plan « Réussir en licence » lancé en décembre 2007 ; mais la proposition de loi n'en fait pas mention.

Instituer une première année commune a le mérite d'éviter une sélection par défaut ; pourquoi cependant la limiter à quatre filières alors que, par exemple, 70 % des kinésithérapeutes sont recrutés par l'actuelle première année de médecine ? Il n'y a aucune justification à exclure les autres filières. Un travail plus approfondi permettrait d'apaiser les craintes des étudiants qui les ont choisies. Le texte ne dit rien non plus de la possibilité de passer plusieurs concours ; sans cette mention, comment justifier jusqu'à l'intitulé même du texte ?

Pour prévenir l'échec des étudiants, il faut organiser une réorientation pour les reçus-collés et ceux qui ont échoué à leurs examens ; cette réorientation pourrait avoir lieu soit dès le mois de janvier, soit à la fin de la première année. Pour les étudiants dont les résultats sont très insuffisants, la réorientation pourrait se faire vers une première année de licence de sciences. Les reçus-collés devraient pouvoir poursuive leurs études vers d'autres filières, leur première année étant validée. Sur ces sujets, le manque de précision de la proposition de loi est criant.

Enfin, le renforcement du tutorat : clef de voûte de la réforme des études de santé, il s'inscrirait parfaitement dans le plan « Licence », dont l'objectif est d'atteindre, à l'horizon 2012, 50 % d'une classe d'âge au niveau licence. Le texte est sur ce sujet très imprécis. Par qui ce tutorat sera-t-il assuré et sous quelle forme ? Des postes budgétaires seront-ils créés ? Combien d'heures y seront consacrées ? Veut-on laisser perdurer le système des officines privées, qui permettent aux seuls étudiants issus des milieux favorisés de préparer le concours en parallèle aux études à l'université ? Une nouvelle fois est posé le problème de l'égalité des chances à l'université. Je suis très attaché à la diversité sociale, comme en témoigne le rapport que j'ai présenté en septembre 2007 au nom de la commission des affaires culturelles unanime. (M. le président de la commission le confirme)

La réforme de la première année de médecine est nécessaire. Les propositions du rapport Bach ouvraient des pistes de réflexion. Nous avons accueilli avec espoir l'annonce d'un texte qui s'en inspirerait ; on s'aperçoit malheureusement à sa lecture qu'il ne propose rien de concret : c'est une coquille vide...

Une fois de plus, c'est la précipitation. Les doyens d'universités, qui appellent la réforme de leurs voeux, estiment qu'ils n'auront pas les moyens de s'organiser pour mettre en oeuvre la réforme à la rentrée prochaine. Le Gouvernement a transmis, le 1er août 2008, aux présidents d'universités concernées une circulaire les invitant à adapter leurs licences au schéma LMD dès la rentrée universitaire 2009-2010, afin « de favoriser une meilleure réorientation des étudiants des professions de santé au sein de ces professions et vers d'autres filières ». Mais, comme pour la réforme de la formation des maîtres, aucune indication ne leur a été fournie de sorte qu'un cadre commun soit respecté par tous. Ce qui explique pour une bonne part le mouvement actuel de protestation des étudiants. Nous vous avions pourtant prévenue lors du vote de la loi...

Le processus de Bologne impose aux États membres de se mettre en conformité avec le dispositif LMD avant 2010 ; prévoir l'application du texte à la rentrée 2010 semble donc plus réaliste et plus respectueux du travail qui doit être mené par les universités. Profitons de cette année supplémentaire pour organiser les concertations nécessaires. La précipitation est toujours cause d'échecs ultérieurs -voyez la réforme qui touche les enseignants-chercheurs ou celle du lycée que M. Darcos a dû abandonner au profit de missions confiées à MM. Descoings et Hirsch... Qui souhaiterait qu'étudiants et enseignants en médecine se joignent à une mobilisation qui enfle chaque jour davantage ? La sagesse commande de se donner du temps pour écouter.

Vous me direz sans doute, madame la ministre, que vous préciserez plus tard les contenus du texte. Mais la loi doit définir précisément le dispositif. Pour ce faire, il nous faut auditionner les présidents des universités des filières médicales, les étudiants, les professionnels... et le Gouvernement. Ce travail n'a été fait ni par la commission des affaires culturelles ni par celle des affaires sociales. Il est indispensable.

Trop de questions demeurant sans réponse, nous demandons le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Il est difficile de soutenir que ce texte n'a fait l'objet d'aucune concertation. Il fait suite en effet à trois rapports élaborés entre 2003 et 2008, dont celui du professeur Bach d'il y a un an. La circulaire du ministère de l'enseignement supérieur d'août 2008 a défini les principales orientations de la réforme. M. Etienne a procédé à toutes les auditions nécessaires et poursuivi ses travaux jusqu'à la semaine dernière ; il a d'ailleurs déposé en octobre 2008 sur le bureau du Sénat une proposition de loi identique à celle dont nous débattons : les sénateurs intéressés ont eu toute latitude pour approfondir la question. J'ajoute que le report que nous proposons laissera le temps à la concertation de se déployer.

Il est vrai cependant que la proposition de loi fixe un cadre très général et renvoie à des textes règlementaires le soin d'en définir les modalités d'application. Il est ainsi légitime que nous demandions des éclaircissements au Gouvernement et plus généralement que nous nous préoccupions davantage des textes d'application des textes que nous votons -ce qui devrait être plus facile dans la nouvelle organisation de nos travaux.

Enfin, notre débat en commission ce matin a montré que cette réforme n'est pas sans lien avec des problématiques plus générales ayant un impact sur l'organisation et le contenu des formations médicales et paramédicales. Nous pourrions opportunément organiser des auditions sur ces questions, qui pourraient être communes avec la commission des affaires sociales si elle le souhaite.

Cette demande de renvoi en commission ne me semble pas justifiée ; je demande au Sénat de la rejeter. (Applaudissements à droite)

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis. Il est exact que la loi pose des principes, je sais les deux assemblées soucieuses que la loi ne soit pas bavarde... Je m'engage à ce que les textes d'application reflètent nos débats.

La motion n°4 n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article premier

I. - L'article L. 631-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 631-1. - I. - La première année des études de santé est commune aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage-femme. Les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé déterminent par voie réglementaire :

« 1° L'organisation de cette première année des études de santé ;

« 2° Le nombre des étudiants admis dans chacune des filières à l'issue de la première année des études de santé ; ce nombre tient compte des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés ;

« 3° Les modalités d'admission des étudiants dans chacune des filières à l'issue de la première année ;

« 4° Les conditions dans lesquelles les étudiants peuvent être réorientés à l'issue du premier semestre de la première année des études de santé ou au terme de celle-ci ainsi que les modalités de leur réinscription ultérieure éventuelle dans cette année d'études.

« II. - 1. Des candidats, justifiant notamment de certains grades, titres ou diplômes, peuvent être admis en deuxième année ou en troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme.

« 2. Peuvent également être admis en deuxième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou en première année d'école de sage-femme des étudiants engagés dans les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme et souhaitant se réorienter dans une filière différente de leur filière d'origine ; cette possibilité de réorientation est ouverte aux étudiants ayant validé au moins deux années d'études dans la filière choisie à l'issue de la première année.

« Les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé arrêtent le nombre, les conditions et les modalités d'admission des étudiants mentionnés aux 1 et 2.

« III. - Le ministre chargé de la santé est associé à toutes les décisions concernant les enseignements médicaux, odontologiques et pharmaceutiques. »

II. - À la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « troisième ».

III. - Les arrêtés pris en application du présent article font l'objet d'une publication au Journal officiel.

Mme Maryvonne Blondin.  - Tout le monde l'a dit : au regard du taux d'échec en première année, une réforme est nécessaire. Outre que les modalités d'application du texte sont peu précises, l'article premier pose cependant un certain nombre de problèmes.

L'exclusion des futurs kinésithérapeutes risque d'être préjudiciable à la formation comme aux étudiants. Qui dit première année commune dit tronc commun et apprentissage d'une culture commune de la santé -nous en reparlerons lors de l'examen du projet « Hôpital, patient, santé, territoires ».

A l'heure actuelle, 68 % des étudiants kinésithérapeutes se présentent au concours commun via la première année de médecine. Les autres étudiants viennent de préparations privées, selon un principe de sélection par l'argent : 3 500 à 4 000 euros pour une année préparatoire non validante. La non-intégration de la kinésithérapie au tronc commun aboutira à la généralisation de ce système privé.

Les étudiants en pharmacie nous ont eux aussi fait part de leurs inquiétudes face à une réforme qui, si elle présente certains atouts, ne doit pas être conduite dans la précipitation, au risque de sacrifier les enseignements spécifiques. Leur première année fait aujourd'hui une large place aux travaux dirigés : 30 % en moyenne contre 10 % en première année de médecine. Les enseignants des facultés de pharmacie sont astreints à un minimum de 92 heures équivalent TD, ce qui n'est pas le cas des enseignants des facultés de médecine. Pourtant, le décret du 18 mars 1992 impose bien un minimum de 30 % de travaux dirigés, mais il n'est pas appliqué dans un nombre croissant d'universités, faute de moyens. L'année commune amplifierait le phénomène. Les classes de 30 à 40 élèves passeraient à 150 ou 200. Comment préserver, dans ces conditions, la qualité de l'enseignement ? Un recours accru aux téléconférences est inévitable, alors que nous savons tous que rien ne remplace un enseignement à dimension humaine.

Sans moyens financiers et humains, mal définis au regard du contenu de cet article, cette réforme risque d'accroître le gâchis qu'elle entend réduire.

M. Jean Milhau.  - Nous partageons le constat qui a conduit au dépôt de cette proposition de loi. Nous souscrivons au principe du regroupement dans un tronc commun laissant ouvert, en fin d'année, le choix de la spécialisation. Nous approuvons la possibilité de réorientations, que l'on pourrait peut-être ouvrir à d'autres disciplines que les seules scientifiques. Nous adhérons au principe des passerelles. Reste que la réussite de cette réforme tiendra, pour l'essentiel, aux modalités de sa mise en oeuvre. Or, nous ne savons rien des textes d'application et les inquiétudes qui se sont manifestées font apparaître que la concertation est insuffisante. Il faut l'approfondir, avec tous les acteurs, et par conséquent reporter d'une année l'entrée en vigueur de la réforme, conformément à la proposition de nos deux commissions. La majorité de notre groupe votera, sous cette réserve, cette proposition de loi.

Mme Samia Ghali.  - Que ce texte n'ouvre pas le débat sur la démocratisation des études justifierait à soi seul le renvoi en commission. La démocratisation de l'école et de l'enseignement supérieur est une réalité statistique. Le discours présidentiel prône la nécessaire ouverture des grandes écoles. Mais la vérité est que la démocratisation du supérieur concerne essentiellement les cycles courts et que les inégalités ont changé de forme : elles se traduisent dans la nature des cursus dans lesquels s'engagent les étudiants. Or, la filière la plus sélective, madame la ministre, reste, hélas ! la filière médicale. Le passage par des officines privées y est quasi obligatoire. Vous y trouvez tout ce dont vous avez besoin, à deux pas des facultés : enseignants qualifiés -agrégés compris-, préparations intensives, moyens, documentation choisie. De quoi faire rêver tous les étudiants ! Un seul désagrément, leur coût : il peut aller, pour une année préparatoire, jusqu'à 8 590 euros ! Vous imaginez bien que l'on y trouve pas les enfants d'ouvriers ou d'employés, réduits à se presser, à des horaires improbables, sur les bancs de la fac et de courir derrière les « polycops ». Pour ceux-là, les statistiques sont cruelles. Le mal est profond. Il faut certes revoir les cursus pour mettre fin à l'échec de 80 % des étudiants. Une première année commune, des passerelles, des équivalences ? Certainement. Mais il faut plus. Il faut des moyens. Il faut réfléchir au numerus clausus et au principe même du concours. La démocratisation de la médecine a échoué, elle est même en recul. Le concours est financiarisé, le parcours est privatisé. Il est urgent, madame la ministre, d'apporter une réponse et de prendre les mesures propres à rétablir l'égalité des chances. Mais aucune réforme ne pourra se faire sans concertation, à partir de principes clairs : c'est là ce qui manque à ce texte.

M. Claude Bérit-Débat.  - Cette proposition de loi nous donne l'occasion de relever le défi que pose la première année des études de santé. Il ne s'agit pas seulement de se conformer au processus de Bologne : la réforme est devenue indispensable. Les modalités de l'orientation et du concours -véritable couperet- sont mal adaptées au format LMD.

Mais les réponses ici apportées sont insuffisantes. Je regrette que certaines propositions du rapport Bach, comme celle qui concerne le tutorat, n'aient pas été retenues.

Ce n'est pas ainsi que nous romprons avec l'élitisme des carrières médicales !

Cette proposition de loi, qui ne se préoccupe pas de la mise en oeuvre pratique de la réforme et fait l'impasse sur la question des moyens, ne permettra pas de réduire le taux d'échec en première année. Prenons l'exemple de l'information des étudiants, qui constitue une arme redoutable en faveur de la reproduction sociale puisque les mieux informés sont ceux qui réussissent le mieux. Aucun système de diffusion de l'information auprès des aspirants étudiants n'a été prévu, alors que le rapport Bach avait envisagé de rendre obligatoire un entretien préalable entre l'étudiant potentiel et le corps universitaire.

L'harmonisation des différents cursus pose problème. Le nombre d'heures de travaux dirigés est actuellement plus élevé en pharmacie qu'en médecine ; qu'en sera-t-il dans le nouveau système ? Les cours magistraux, moins pédagogiques, provoquent un véritable écrémage -qui est peut-être l'objectif recherché- s'ils ne sont pas accompagnés de travaux dirigés.

Pour prévenir l'échec en première année, de nombreuses facultés ont mis en place un tutorat exercé par des étudiants avancés ou des chargés de TD, qui ont ainsi la possibilité de nouer un lien personnel avec les étudiants et de cerner leurs difficultés. Dans une discipline où le taux d'échec est abyssal -de l'ordre de 80 %- on aurait pu s'attendre à ce que la proposition de loi reprît cette idée simple et efficace ; il n'en est rien. Le tutorat aurait d'ailleurs permis de lutter contre la sélection par l'argent, puisque les officines privées occupent actuellement ce terrain.

Tout cela illustre le peu de cas que le Gouvernement fait de l'université. La réforme de l'enseignement supérieur n'aboutira pas si on n'y affecte pas les moyens humains et financiers nécessaires.

Des travaux dirigés regroupant 50, voire 70 étudiants ne peuvent remplir leur mission, c'est-à-dire à la fois d'apporter un soutien aux étudiants en difficulté et de permettre aux plus avancés d'approfondir leurs connaissances.

Quant aux cours magistraux, les amphithéâtres sont tellement bondés que l'on a parfois recours à la vidéoconférence : d'un point de vue pédagogique, il y a mieux !

Il faudrait envisager la première année des études de santé dans le cadre plus général du système universitaire français et européen. On va mettre en place en première année des modes de fonctionnement proches de ceux qui prévalent dans des disciplines non médicales ; il aurait été souhaitable de s'inspirer de leurs réussites et de leurs échecs.

Il ne suffit pas de permettre aux étudiants de s'inscrire, il faut leur donner les moyens de réussir : c'est ce que le texte actuel ne permet pas, mais ce sera l'objet de nos amendements.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :

et de sage femme

par les mots :

de sage-femme, d'infirmier et de kinésithérapeute

M. Serge Lagauche.  - Cet amendement tend à inclure dans la première année commune les études de kinésithérapeute et d'infirmier. Leur exclusion ne répond qu'à une logique de caste : alors que l'on inclut les pharmaciens qui n'exercent pas de tâches médicales, on exclut deux professions paramédicales.

Je rappelle que les infirmiers se voient déléguer des actes médicaux depuis le décret de 2004. Leurs compétences déléguées sont sans cesse accrues : depuis l'année dernière, ils peuvent pratiquer le rappel de vaccination antigrippale.

Près de 70 % des kinésithérapeutes passent le concours à la fin de la première année de médecine. De nombreux étudiants admis au concours et bien classés choisissent la kinésithérapie par vocation. Les soins dispensés par les kinésithérapeutes sont complémentaires des actes médicaux et demandent des connaissances médicales. Ajoutons que les futurs kinésithérapeutes sont le plus souvent contraints de financer des études très chères dans des établissements privés. Les cinq années d'études coûtent entre 25 000 et 38 000 euros, ce qui les rend inaccessibles à ceux qui n'appartiennent pas à des familles aisées. Ouvrir la première année aux futurs kinésithérapeutes serait donc un signe de démocratisation.

L'intégration des infirmiers et kinésithérapeutes favoriserait enfin l'interdisciplinarité qui constitue un atout supplémentaire pour ces professions.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC-SPG.

I - Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, remplacer le mot :

sage-femme

par le mot :

maïeutique

 

II - En conséquence procéder à la même substitution dans l'ensemble de la proposition de loi.

M. François Autain.  - Cet amendement vise à substituer au mot « sage-femme » le mot « maïeutique » dans le texte de la proposition de loi : appelons cette spécialité par son nom ! Celui-ci vient d'un mot grec qui signifie « art d'aider les femmes à accoucher » : il n'y a pas de terme plus juste.

En outre, il faut penser aux hommes qui exercent cette profession et s'habituer à parler de « maïeuticiens » : ce nom a été reconnu par l'Académie française.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Excellente référence !

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°8 : l'intégration des seuls pharmaciens pose déjà des problèmes d'organisation. Mais sur le fond, je partage votre préoccupation. Un jour viendra où les masseurs-kinésithérapeutes trouveront leur place dans le tronc commun des études de santé ; ils le réclament d'ailleurs. En revanche, les infirmiers ne sont pas demandeurs pour l'instant, et je n'ai pas l'habitude de donner à boire à celui qui n'a pas soif !

Avis également défavorable à l'amendement n°25 : j'ai moi-même employé tout à l'heure le mot « maïeutique », mais les sages-femmes souhaitent que l'on continue à les appeler ainsi.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Qu'en pensent les sages-hommes ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Mêmes avis. Certes, les futurs kinésithérapeutes poursuivent pour la plupart leurs études dans des écoles privées, mais les deux tiers d'entre eux passent leur première année en PCEM1, en vertu d'accords au cas par cas entre les écoles et les universités : cela leur revient moins cher que de s'inscrire dans une classe préparatoire privée. La réforme ne changera rien à ce système.

Les kinésithérapeutes n'ont pas vocation pour l'instant à être intégrés à la première année commune, car ils ne sont pas tous formés de la même façon. Mais c'est une mesure que nous n'excluons pas pour l'avenir.

Quant aux infirmiers, il n'est pas question pour l'instant de remplacer les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) par des cursus universitaires. Un rapport des trois inspections générales rendu récemment à Mme la ministre de la santé permettra d'envisager l'avenir de ces formations.

Les professions paramédicales sont pleinement associées à cette réforme, puisque des passerelles « entrantes » seront ouvertes pour permettre aux étudiants ayant accompli une première année d'études dans ces disciplines d'entrer en deuxième année d'études médicales, sous réserve de réciprocité. Il sera d'ailleurs toujours possible aux étudiants de première année d'études de santé de se réorienter vers des domaines paramédicaux.

Quant à l'amendement de M. Autain, vous comprendrez qu'il a suscité beaucoup d'interrogations au sein de mon ministère. Nous avons constaté que dans le mot composé « sage-femme », « femme » ne désigne pas la praticienne mais la patiente : une sage-femme est celle qui possède la science du corps féminin. (Marques d'étonnement)

On peut donc dire un ou une sage-femme. Ce terme, très populaire, est réclamé par la profession. Avis défavorable, mais je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'instruire ! (Sourires)

M. François Autain.  - Nous voulons rendre ce texte cohérent : on parle d'études de médecine, d'odontologie, de pharmacie, mais pas de sage-femme ! Le terme « maïeutique » serait plus approprié puisque l'on parle d'une science, non d'une personne.

M. Gilbert Barbier.  - Plutôt d'un art !

M. François Autain.  - Vous n'accédez aux demandes des sages-femmes que quand cela vous arrange !

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, insérer une phrase ainsi rédigée :

Les cours sont dispensés par un enseignant.

M. Claude Bérit-Débat.  - Face au manque de moyens de l'université, au manque de places dans les amphis, à la pénurie de professeurs, le recours à la vidéoconférence se développe.

Le refus de la généralisation de la vidéoconférence peut sembler un peu archaïque, mais nous souhaitons placer les étudiants dans les meilleures conditions d'apprentissage possibles. Un cours n'est pas seulement la transmission d'un savoir, c'est aussi un moment d'échanges entre les étudiants et leur professeur -surtout quand il s'agit de travaux dirigés. Or il est difficile d'interrompre ou d'interroger un écran... La première année est difficile : la vidéoconférence risque de la rendre encore plus sélective en compliquant les conditions de suivi des cours. La rationalisation des enseignements doit se faire au profit des étudiants.

Si les amphis sont bondés, on pourrait plutôt choisir d'augmenter le nombre d'enseignants. Au lieu de cela, aucun poste n'a été créé en 2008 et 450 seront supprimés cette année. Alors que les enseignants-chercheurs s'interrogent sur leur statut, les recrutements d'enseignants sont de moins en moins importants : cela ne pourrait-il constituer un élément de la réforme de l'enseignement supérieur ? Les enseignants, les étudiants, et pourquoi pas votre ministère, pourraient sans doute s'accorder aisément sur ce sujet.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Les formes d'enseignement dépendent de la thématique abordée et de l'importance du public concerné. Certaines thématiques, qui rassemblent un nombre important d'étudiants, imposent de faire appel à de nouvelles techniques. Une place demeure pour les enseignements en petit groupe, de type socratique, de compagnonnage.

Nous ne pouvons fermer la porte à tous les établissements qui mettent en place une démarche pédagogique innovante, telle l'université de Grenoble, qui a développé des méthodes de pointe. En outre, l'autonomie des universités porte également sur l'outil pédagogique. Avis défavorable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis. En outre, nous avons créé en 2008 2 250 supports de monitorat, soit 700 équivalents temps plein, pour assurer des encadrements supplémentaires dans le cadre du plan licence.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation par les mots :

, identique pour l'ensemble des établissements dispensant cette formation

M. Serge Lagauche.  - Nous souhaitons éviter que n'apparaissent trop de disparités de traitement entre universités. L'organisation de ce cursus par voie réglementaire risquerait d'aboutir à un enseignement à deux vitesses, où coexisteraient les bonnes facs et celles où personne ne souhaiterait plus étudier, faute de places aux concours et de bons débouchés à l'internat.

Les enseignements et les modalités du concours devraient être déterminés au niveau national. A défaut, les meilleures filières et formations ne seraient accessibles que dans certaines universités, réservées aux étudiants ayant préparé le concours dans le cadre d'officines privées.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par Mmes Férat, N. Goulet, Morin-Desailly, Payet et Dini et MM. Maurey, Détraigne, Dubois, Biwer, Amoudry et J.L. Dupont.

Compléter le 1° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, par les mots :

en garantissant en particulier la dispense d'enseignements dirigés à hauteur de 30 % du volume horaire global pour les études de pharmacie

Mme Muguette Dini.  - Les travaux dirigés en première année représentent une part importante de l'enseignement. Dans le cas contraire, la qualité de la formation pourrait en être affectée. Nous sommes conscients du fait que cette question relève plutôt du domaine réglementaire, mais nous souhaitions attirer l'attention de Mme la ministre sur ce sujet.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Cette disposition ne relève pas du domaine législatif. Défavorable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°24 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° L'information des lycéens et des étudiants sur les études et les métiers de la santé ;

M. Claude Domeizel.  - Le rapporteur a déclaré vouloir que les étudiants effectuent un vrai choix. Or, si l'on veut réduire le taux d'échec au concours, il faut d'abord éviter que trop d'étudiants s'y présentent sans renseignements suffisants. Cette information doit être accessible dès le lycée, se poursuivre en licence et ne pas se résumer à la consultation d'étudiants lors d'un salon ou d'une journée portes ouvertes dans une faculté. Elle doit être généralisée, accrue et améliorée.

Nous souhaitons inscrire cet objectif dans la loi au titre des mesures prises par voie réglementaire. Cet objectif répond aux préoccupations exprimées dans le rapport Bach.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Je comprends et partage cet objectif, mais ce texte me semble redondant avec le dispositif d'orientation active généralisé à la dernière rentrée et avec l'arrêté concernant les programmes. Au cours du premier semestre des études de santé, deux jours seront consacrés à la connaissance des formations et des métiers.

Retrait ou avis défavorable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis. En outre, cette disposition ne relève pas du domaine législatif.

L'amendement n°11 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les modalités de l'entretien de pré-orientation et de motivation avec l'étudiant avant l'inscription en première année d'études de santé et les personnes habilitées à effectuer cet entretien ;

Mme Bernadette Bourzai.  - Cet amendement vise également à prévenir l'échec aux concours menant aux professions de santé en inscrivant dans la loi l'une des propositions contenues dans le rapport Bach et dont le pouvoir réglementaire doit fixer les modalités d'application : l'étudiant pourrait s'entretenir avec le doyen de la faculté de médecine. Jean-François Bach considère que cette disposition, cumulée à une information dès le lycée, constituerait une « véritable orientation active ».

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet entretien est prévu en cas d'avis négatif d'une université sur le choix d'orientation d'un bachelier dans le cadre du dispositif de réorientation active. M. Bach nous a rejoints sur ce point.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Cela n'est pas d'ordre législatif, mais ce sera précisé : je m'y engage. De plus, j'ai déjà fortement encouragé les doyens à mettre en place ces entretiens préalables qui existent déjà dans certaines universités, comme Rouen. Retrait ou rejet.

L'amendement n°12 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les modalités d'un tutorat, assuré par des étudiants des années supérieures ou par des enseignants pour des enseignements dirigés ;

M. Jean-Luc Fichet.  - La relation entre les étudiants de première année et ceux des années supérieures est fondamentale. Des expériences de tutorat sont déjà conduites avec succès dans de nombreuses facultés. Les conclusions du rapport Bach préconisaient un encadrement des élèves de première année, s'appuyant sur un tutorat impliquant des étudiants d'années supérieures, des maîtres de conférences ou des professeurs d'université. Il convient de donner une base légale à cette proposition de nature à diminuer l'échec en première année d'études de santé. C'est aussi la seule solution démocratique face à la multiplication des officines privées qui offrent leurs services moyennant 2 000 euros par an, tandis que le tutorat peut être dispensé pour 5 à 20 euros annuels.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Le tutorat est utile, y compris pour le tuteur car il n'y a rien de tel que d'enseigner pour apprendre. Mais, la loi de 2007 sur les libertés et les responsabilités des universités prévoit déjà ce tutorat, lequel relève de la responsabilité des universités. Retrait ou rejet.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - L'amendement est satisfait par la loi de 2007.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le contenu des programmes est établi en concertation avec les commissions pédagogiques des études de santé et celles des universités de sciences ;

M. Yannick Bodin.  - Le problème de la sélection par les maths est ancien ; celle-ci, malgré ses détracteurs, a la vie dure et, actuellement, la première année des études de santé est entièrement consacrée à l'enseignement des sciences dures, ce qui fait de ces disciplines un outil de sélection aux concours. Or, les étudiants qui s'apprêtent à passer le concours, ne sont pas forcément enclins à se former aux sciences dures, mais davantage désireux de faire connaissance avec les disciplines de leurs futures professions. Est-il opportun de sélectionner de futurs médecins ou dentistes par les maths ? Ce n'est pas parce que l'on résout n'importe quelle équation sans difficulté que l'on sera doué pour procéder à des réductions de fracture ou pour accoucher des triplés, dans les meilleures conditions ! Et inversement...

Nous souhaitons donc que les programmes de première année fassent l'objet de davantage de mixité entre les disciplines purement scientifiques et l'enseignement des pathologies ou de la dispense de soins. Notre amendement incite les commissions pédagogiques des universités concernées à coopérer lors de la définition, par voie réglementaire, des programmes de première année des études de santé.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Je suis d'accord sur le fond, mais cette préoccupation n'est pas d'ordre législatif.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même objection. Et puis, vous avez été entendus par avance puisque le groupe de travail Couraud a travaillé, depuis juillet 2008, sur les programmes du L1 santé avec toutes les commissions pédagogiques concernées et les doyens des facultés des sciences.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter le 2° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 163-1 du code de l'éducation par deux phrases ainsi rédigées :

Toutefois, les universités peuvent répartir ce nombre entre plusieurs unités de formation et de recherche pour répondre à des besoins d'organisation et d'amélioration de la pédagogie. Un arrêté détermine les critères de répartition de ce nombre de façon à garantir l'égalité des chances des candidats.

M. François Autain.  - Il s'agit de laisser aux universités la possibilité d'adapter les modalités d'accueil des étudiants aux besoins d'amélioration de la pédagogie, face à un afflux massif d'étudiants souhaitant s'inscrire en première année d'études médicales. La rédaction actuelle du texte laisse supposer que le concours de fin de première année, ainsi que le nombre d'étudiants admis dans chacune des quatre filières sera fixé par université et non plus par faculté comme c'est le cas aujourd'hui. Cette liberté laissée aux universités permet d'atténuer l'effet des officines de cours privés et, donc, d'assurer une plus grande égalité des chances.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Il s'agit de conférer cette possibilité à des universités qui occupent plusieurs sites dans des quartiers sociologiquement différents. C'est notamment le cas de Lyon, Bordeaux et Toulouse. Avis favorable puisque vous avez accepté de rectifier votre amendement pour le rendre juridiquement acceptable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Avis favorable. D'abord, j'apprécie l'exposé des motifs puisqu'il s'agit de respecter le principe de l'autonomie des universités. Mais je suis aussi d'accord sur le fond. Actuellement, le président d'une université n'a pas la possibilité de répartir le nombre d'étudiants admis dans chacune des filières. Cette possibilité se justifierait pourtant pour les universités composées de plusieurs sites sociologiquement différents, à condition qu'un arrêté précise les critères de répartition.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Une lueur dans le brouillard !

L'amendement n°26 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans le 4° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :

à l'issue du premier semestre de la première année des études de santé ou au terme de celle-ci

par les mots :

au terme de la première année des études de santé

M. François Autain.  - Je crains de ne pas obtenir sur cet amendement le même succès que sur le précédent.

La réorientation précoce des étudiants, à l'issue du premier semestre de la première année, vers un autre cursus, n'est pas le moyen adéquat pour augmenter leurs chances de réussir les épreuves de fin de première année. Réorienter un étudiant, après trois mois, vers une filière qu'il n'a pas choisi, en estimant que cela va contribuer à son épanouissement ainsi qu'à sa réussite ultérieure, ce n'est pas crédible. Il n'existe aucune statistique sur les résultats de premier semestre d'un étudiant primant et sur sa possible réussite au concours en tant que doublant. Dès lors, envisager le redoublement comme une perte de chance ou comme « une année inutile », ne peut être statistiquement justifié ; cela relève simplement d'un jugement subjectif. La réorientation précoce des étudiants de niveau insuffisant vers les facultés de sciences, dans le but de valider une deuxième année de licence afin qu'ils puissent, s'ils le souhaitent, représenter les concours de la première année d'études de santé n'est pas un bon calcul. Les étudiants réorientés au premier semestre étant les plus mauvais, leur chance de valider une première année de licence est minime et le rattrapage raté leur prendra deux ans et demi, ce qui leur fait perdre encore plus de temps. Enfin, la limitation des possibilités de redoublement et de réorientation ne vise qu'à limiter le nombre d'étudiants inscrits en première année et à masquer l'absence de moyens financiers accordés à cette réforme, pour laquelle aucun financement spécifique n'est prévu.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le cinquième alinéa (4°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation, après les mots :

de la première année des études de santé

insérer les mots :

, lorsqu'ils en font la demande,

M. Serge Lagauche.  - Les étudiants mal classés ont peu de chances de réussir à un deuxième concours.

De l'avis des étudiants concernés, il faudrait réserver cette possibilité de réorientation aux derniers 15 % d'une promotion.

Pour la réorientation précoce à l'issue du premier semestre, elle aboutira à sortir du cursus de santé vers les universités des sciences des étudiants en grande difficulté dans les matières de sélection du premier semestre, à savoir les sciences. Ainsi, des étudiants en situation d'échec en sciences se trouveraient réorienter vers une faculté de sciences. Cette réorientation précoce ne devrait se faire que sur la base du volontariat. Nous ne faisons d'ailleurs que reprendre là les demandes de différentes associations.

Je m'interroge aussi sur la manière dont les universités accueillantes pourront absorber un flot d'étudiants en début de second semestre alors qu'elles auront logiquement fait le plein d'étudiants en L1 dès le premier semestre.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - L'amendement n°27 est contraire à la position adoptée la semaine dernière par la commission : avis défavorable. Même avis sur l'amendement n°15.

L'amendement n°27, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n°15, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :

« Les étudiants ayant obtenu la moyenne aux épreuves de première année et ayant échoué au concours d'entrée en deuxième année, sont admis à s'inscrire une deuxième fois en première année d'études de santé.

Mme Christiane Demontès.  - Nous tenons beaucoup à cet amendement qui permettrait à un étudiant « reçu-collé », c'est-à-dire celui ayant obtenu la moyenne aux épreuves mais étant classé au-delà du numerus clausus au concours, de redoubler, ce qui était possible jusqu'à présent, mais qui ne le sera plus si cette proposition de loi est adoptée sans modification.

Désormais, un étudiant ayant échoué au concours devra passer par la case L2 sciences, soit deux années de perdues, pour pouvoir retenter sa chance. De plus, la sélection par les sciences au concours sera un jeu d'enfant pour un étudiant doté d'un L2 sciences, mais rien n'indique que la poursuite de sa scolarité dans l'une des filières de santé soit aussi aisée.

Ce système alambiqué entraînera une perte de temps et n'est nullement un gage de lutte contre l'échec en première année.

Comme certains de nos collègues, nous souhaitons donc maintenir la possibilité de redoublement.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Vous avez raison d'évoquer ce problème, mais un texte règlementaire vous donnera satisfaction. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis. Un arrêté prévoira ces aménagements et je m'engage à ce que ces bons étudiants puissent valider leur première année de licence en sciences en même temps qu'ils pourront redoubler.

Mme Christiane Demontès.  - Nous sommes obligés de vous faire confiance car tout ne figurera pas dans cette loi. Nous maintenons quand même cet amendement extrêmement important pour nous car nous ne voulons pas faire un chèque en blanc au Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - C'est la Constitution qui détermine les domaines respectifs de la loi et du règlement.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 631-1 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :

« Les étudiants ayant obtenu la moyenne aux épreuves de première année et ayant échoué au concours d'entrée en deuxième année peuvent être admis en deuxième année de licence de sciences, à leur demande, selon des modalités fixées par voie réglementaire.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Les étudiants « reçus-collés », non admis au concours mais ayant obtenu la moyenne, devront voir leur première année d'études de santé validée afin d'intégrer la L2 en sciences. Cette possibilité permettrait d'atténuer l'échec brutal en fin de première année.

Dans une passerelle qui marcherait à l'envers, certains titulaires de diplômes n'ayant rien à voir avec les études médicales pourraient intégrer la deuxième ou la troisième année de médecine. La logique serait respectée s'il pouvait en aller de même pour les « reçus-collés ».

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Cette mesure figurera dans un texte règlementaire. Je propose aux auteurs de l'amendement de le retirer après avoir obtenu confirmation de Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis et même garantie.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous allons maintenir notre amendement car tout ce qui est du domaine règlementaire affaiblit cette proposition de loi.

Si tout est mis en oeuvre pour limiter le traumatisme de l'échec en fin de première année, il serait logique de voter cet amendement pour donner un signe fort aux étudiants qui veulent embrasser la carrière médicale.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas défendu.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 635-1 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les formations d'enseignement supérieur permettant l'exercice des professions d'auxiliaires médicaux, mentionnées au Livre III de la Quatrième partie du code de la santé publique, sont sanctionnées par les diplômes de licence, master ou doctorat. »

M. Serge Lagauche.  - Toutes les formations d'enseignement supérieur paramédicales doivent être intégrées au processus de Bologne, appliqué en France par le système LMD.

Les États membres sont tenus de mettre en place un espace européen de l'enseignement supérieur avant 2010, structuré autour de deux cycles : un premier cycle d'au moins trois ans et un second cycle court ou long, les deux ayant été retenus en France, avec la maîtrise et le doctorat.

Les professions paramédicales ont toutes vocation à entrer dans le système LMD. Les études menant aux professions d'infirmier, d'orthophoniste ou de kinésithérapeute durent trois ans et pourraient ainsi être sanctionnées par une licence.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Une concertation est engagée sous la responsabilité de Mme la ministre de la santé qui exerce la tutelle sur la plupart de ces formations. En outre, cette disposition n'est pas de nature législative. (Exclamations à gauche) Je suis désolé, mais il faut respecter la hiérarchie des normes !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je suis défavorable à cet amendement pour un autre motif : cette loi n'a pas vocation à traiter des autres professions médicales. Un travail est en cours sous la responsabilité de Mme Bachelot et il faut lui laisser le temps d'aboutir.

L'amendement n°18 est retiré.

Article 2

La présente loi entre en vigueur à compter de l'année universitaire 2009-2010.

La réorientation des étudiants à l'issue du premier semestre de la première année des études de santé ou au terme de celle-ci est mise en place au plus tard à compter de la rentrée universitaire 2011-2012.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Etienne, au nom de la commission des affaires culturelles.

A la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les années :

2009-2010

par les années :

2010-2011

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - A l'issue de ses consultations, votre rapporteur a proposé hier matin à la commission de reporter d'un an le délai d'application de cette loi et la majorité de la commission y a été favorable.

Nous tenons beaucoup à cette réforme essentielle pour lutter contre l'immense taux d'échec en fin de première année et nous attachons plus d'importance à l'adoption de ce principe qu'à sa date d'application. Le report d'un an permettra d'assurer le succès de cette réforme dans la sérénité. En outre, cette année supplémentaire permettra aux universités de parfaire leurs propositions et aux lycéens d'être mieux informés de cette réforme.

M. le président.  - Amendement identique n°1, présenté par M. Dériot, au nom de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis.  - Amendement identique pour les mêmes raisons. C'était la position initiale de la commission des affaires sociales, et la commission des affaires culturelles s'est alignée sur nous.

M. le président.  - Amendement identique n°3, présenté par M. Milhau et les membres du RDSE.

M. Jean Milhau.  - Cet amendement est défendu.

L'amendement n°7 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°19, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Serge Lagauche.  - Même position que la commission.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. About et les membres du groupe UC.

A la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

à compter de l'année universitaire 2009-2010

par les mots :

au plus tard à compter de l'année universitaire 2010-2011

Mme Muguette Dini.  - Il est en retrait par rapport aux précédents, donc sans grand intérêt.

M. le président.  - Amendement identique n°30, présenté par M. Barbier et les membres du RDSE.

A la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

à compter de l'année universitaire 2009-2010

par les mots :

au plus tard à compter de l'année universitaire 2010-2011

M. Gilbert Barbier.  - C'était un amendement de repli...

Les amendements n°s 2 et 30 sont retirés.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je suis convaincue que, pour le bien-être des étudiants, il faut tout faire pour mettre en oeuvre la réforme le plus rapidement possible ; les autorités universitaires et les équipes pédagogiques partagent mon sentiment. Nous travaillons depuis plus d'un an sur le terrain avec les acteurs concernés ; les circulaires ont été diffusées ; une enquête de la conférence des présidents d'universités a révélé que trois universités sur quatre seraient prêtes pour la rentrée 2009. Néanmoins, nous sommes en février, les lycéens sont en train de s'inscrire dans l'enseignement supérieur : je reconnais que la réforme n'est pas encore adoptée et que les délais imposés sont très courts. Je comprends vos inquiétudes et m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Très bien !

M. Claude Domeizel.  - A entendre Mme la ministre, tout est déjà décidé, les circulaires sont parties... C'est la même situation que pour l'audiovisuel ! Cela dit, je voterai les amendements, contre l'avis réel du Gouvernement.

Les amendements identiques n°s6 rectifé, 1, 3, 19 et 23 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer le second alinéa de cet article.

M. François Autain.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les années :

2011-2012

par les années :

2012-2013

M. Serge Lagauche.  - Les réorientations seront lourdes à gérer, il est bon de conserver un système de transition et de réformer dans la sérénité. Je demeure dubitatif sur l'efficacité de cette réforme mais réglons les problèmes les uns après les autres afin de nous donner plus de chances de réduire l'échec. Dans la logique du report que nous venons de décider, remettons à 2012-2013 l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la réorientation.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - L'amendement n°29 est contraire à l'objectif de réduction du taux d'échec. Je vous fais remarquer que les étudiants viennent de passer le contrôle des connaissances du premier semestre, mais ne connaissent toujours pas leurs notes... Il y a là une lacune à combler. Défavorable. Le n°20 en revanche est la suite logique du report à la rentrée 2010. L'expérimentation souhaitée pourra être menée. Favorable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Défavorable au n°29, favorable au n°20.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'amendement n°20 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 30 juin 2009, le Gouvernement dépose sur le bureau des deux assemblées, un rapport établissant les possibilités de mise en oeuvre d'aides aux étudiants, inscrits en licence d'études de santé, s'engageant à s'installer dans les zones déficitaires en professions de santé. Les conclusions de ce rapport font l'objet d'un débat au sein des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et sociales.

M. Serge Lagauche.  - La loi de 2005 sur le développement des territoires ruraux comprenait la création de bourses pour les internes en médecine qui s'engageraient à s'installer pendant cinq ans en zone déficitaire. A cela s'ajoutaient des exonérations fiscales. Depuis lors, on a suggéré de contraindre les étudiants à s'installer dans les zones déficitaires, on a évoqué l'idée de taxer les praticiens s'installant en zone déjà bien pourvue en professionnels de santé. Je penche pour des bourses significatives accordées par l'État aux étudiants en échange d'un engagement d'installation. Il serait bon d'avoir un débat éclairé par un rapport et débouchant si nécessaire sur un texte de loi.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Je serai intéressé par la réponse du Gouvernement. Sagesse.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Défavorable, ce n'est pas le sujet du présent texte. En outre, je ne voudrais pas empiéter sur les compétences de ma collègue ministre de la santé. Votre amendement trouverait mieux sa place dans le projet de loi sur l'hôpital.

M. Gérard Cornu.  - Je comprends la position du Gouvernement, mais cet amendement traite d'un véritable problème de société. Nous pourrions aussi envisager d'obliger les étudiants à effectuer leur internat dans des hôpitaux ruraux, afin qu'ils découvrent des territoires qu'ils ne connaissaient pas. Quoi qu'il en soit, je crois préférable d'en discuter plutôt à l'occasion du projet de loi de Mme Bachelot.

M. Serge Lagauche.  - Certes, mais vous avez, madame la ministre, aussi un rôle à jouer sur cette question : il doit être possible de faire découvrir aux étudiants l'intérêt de la médecine en zone rurale...

L'amendement n°21 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 30 juin 2009, le Gouvernement dépose sur le bureau des deux assemblées, un rapport établissant les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme de la première année commune aux études de santé. Les conclusions de ce rapport font l'objet d'un débat au sein des commissions parlementaires chargées des finances, des affaires culturelles et des affaires sociales.

M. Yannick Bodin.  - Il était sage de reporter l'entrée en vigueur de la réforme, d'autant que les financements sont insuffisants. Les crédits du plan « Réussir en licence » représentent, pour 2008-2012, 730 millions d'euros. Ils ne pourront couvrir aussi toute la réorganisation de la première année des études de santé.

M. Jean-Claude Etienne, rapporteur.  - Mieux vaut demander à Mme la ministre que le budget pour 2010 fasse clairement apparaître, au sein du plan « Réussir en licence », les crédits destinés au financement de la réforme de la première année des études de santé. Nous pourrons débattre alors des moyens.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Chaque L1, en sciences humaines, en droit, en économie-gestion, en sciences, aura sa part. Toutes les filières ont à mettre en place la nouvelle organisation. Le budget 2009 comprend, pour la première fois depuis bien longtemps, une réallocation des ressources en fonction du nombre des étudiants ; les universités pluridisciplinaires de santé ont été les grandes bénéficiaires de l'opération.

Quelques chiffres : 4 millions supplémentaires pour l'université d'Angers, 5 millions pour Lille II...

M. Jacques Legendre, président de la commission  - Excellente université !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - ... et 4 millions pour Montpellier I.

C'est colossal, d'autant que tous les emplois d'enseignants-chercheurs ont été redéployés vers ces universités.

Je m'engage donc à ce que les moyens soient là pour le L1 santé, comme pour les autres L1.

M. Yannick Bodin.  - Il faut que soit affiché un engagement financier défini et ciblé : c'est la raison d'être de notre amendement. Si cet engagement était gravé dans le marbre, nous dormirions plus sereinement cette nuit. (Sourires)

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

M. le président.  - Nous allons procéder au vote sur l'ensemble ; je ne saurais trop vous inciter à la concision.

M. Serge Lagauche.  - Dans le cadre de ce qu'a dit le président Legendre, nous sommes d'accord sur ce dispositif avec le report d'un an. La ministre a parlé de sagesse ; comme nous sommes sages, nous allons nous abstenir, non faute de vous faire confiance, madame la ministre, mais parce que nous n'avons pas de certitudes sur le rythme de ce qui va venir. Nous ne perdons pas espoir de tomber pleinement d'accord avec vous.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous restons sur notre faim parce qu'il y a trop de renvois au décret et parce qu'il aurait été plus sain de ne pas disjoindre ce débat de celui sur la réforme hospitalière. Ce sont pourtant les études médicales qui font les praticiens de demain !

Nous nous abstiendrons.

Mme Muguette Dini.  - Mme la ministre a en partie répondu à nos questions. Je dois faire confiance à sa parole, sans avoir la certitude qu'elle pourra faire tout ce qu'elle nous a dit. Si elle ne le pouvait, cette loi ne serait pas la bonne loi qu'elle paraît ce soir.

Je voterai cette loi et je vous fais confiance.

M. François Autain.  - Le groupe CRC-SPG s'abstiendra : nous restons sur notre faim, même si nous avons obtenu le report d'un an auquel nous tenions, car beaucoup de nos questions sont restées sans réponse, peut-être à cause de l'heure. Ce texte s'en remet beaucoup au règlement ; dans un tel cas, nous aimerions que le Gouvernement nous fasse connaître la teneur des textes d'application en présentant sa réforme ! Nous n'avons pas non plus obtenu satisfaction sur la réorientation précoce, ce que je regrette.

M. Philippe Darniche.  - Nous avons fait ce soir un grand pas en avant ; les réponses du Gouvernement me rassurent ; c'est sans hésitation ni regret que je voterai ce texte.

Mme Françoise Laborde.  - Le RDSE sera unanime à voter ce texte puisque nous avons obtenu satisfaction sur le report. Nous serons très vigilants sur les décrets d'application.

M. Gérard Cornu.  - Bien sûr, l'UMP votera ce texte. Nous n'avons pas peur du règlement puisque la ministre s'est engagée.

Je félicite notre brillant rapporteur. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - N'oubliez pas le rapporteur pour avis et le président de la commission ! (Sourires)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 12 février 2009, à 10 h 45.

La séance est levée à 1 h 45.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 12 février 2009

Séance publique

A 10 HEURES 45, ET A 15 HEURES

1. Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 183, 2008-2009).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 196, 2008-2009).

A 22 HEURES

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 72-4 de la Constitution, sur la consultation des électeurs de Mayotte sur le changement de statut de cette collectivité.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Bernard Saugey un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (n° 34, 2008-2009) ;

- M. Adrien Gouteyron un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar amendant la convention du 4 décembre 1990 en vue d'éviter les doubles impositions et l'accord sous forme d'échange de lettres du 12 janvier 1993 (n° 38, 2008-2009) ;

- M. Adrien Gouteyron un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions et sur les donations (ensemble un protocole) (n° 144, 2007-2008) ;

- M. Adrien Gouteyron un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe syrienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (n° 274, 2007-2008) ;

- M. Adrien Gouteyron un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale (n° 275, 2007-2008) ;

- M. Bernard Saugey, rapporteur de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (n° 34, 2008-2009), le texte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale ;

-  Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale au cours de la première partie de la 55ème session ordinaire -2008- de cette assemblée, adressé à M. le  Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement.