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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Audiovisuel (Décisions du Conseil constitutionnel)

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2 bis

Article 2 quinquies

Article 3

Articles additionnels

Article 4

Article 4 bis

Article 4 ter

Article 4 quater

Article 6

Article additionnel

Article 8

Article 9

Division additionnelle

Articles additionnels

Article 10

Rappel au Règlement

Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 10 bis

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Conférence des Présidents

Rappel au Règlement

Loi pénitentiaire (Urgence  -  Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 10 bis (Suite)

Hommage à une délégation luxembourgeoise

Loi pénitentiaire (Urgence  -  Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article additionnel

Article 11

Article 11 bis

Article additionnel

Article 11 ter

Article 11 quater

Article 12

Articles additionnels

Article 13

Division additionnelle

Articles additionnels




SÉANCE

du mercredi 4 mars 2009

73e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Audiovisuel (Décisions du Conseil constitutionnel)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 3 mars 2009, en application de l'article 61 de la Constitution, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Acte est donné de cette communication.

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'organismes extraparlementaires. Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission des affaires sociales à proposer deux candidats pour siéger au sein du Haut conseil de la famille. J'invite également la commission des lois à proposer un candidat pour siéger au sein du Conseil supérieur des archives.

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger d'une part au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et d'autre part au sein de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Alain Gournac et de Mme Anne-Marie Payet pour siéger respectivement en qualité de membre titulaire et de membre suppléant au sein du premier organisme extraparlementaire.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de Mme Nicole Bricq pour siéger au sein du second organisme.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi pénitentiaire.

Discussion des articles (Suite)

Article 2 bis

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté confiées à l'administration pénitentiaire.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans cet article, remplacer le mot :

contrôle

par les mots :

ou ses collaborateurs contrôlent

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La loi doit mentionner les collaborateurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, auxquels les articles 4 et 5 de la loi du 30 octobre 2007 font déjà référence.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois.  - La référence au Contrôleur général, voulue par la commission, inclut ceux qui l'assistent. Notre position sera différente s'agissant du Médiateur dont seuls les délégués ont compétence pour les prisons. Avis défavorable, car la précision est inutile.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Défavorable : c'est superfétatoire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous m'assurez que la référence au Contrôleur général concerne également ses collaborateurs ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Absolument.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

L'article 2 bis est adopté, ainsi que les articles 2 ter et 2 quater

Article 2 quinquies

Un décret détermine les conditions dans lesquelles un observatoire, chargé de collecter et d'analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive, établit un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la réinsertion.

M. le président.  - Amendement n°219, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'instauration d'un rapport sur le taux de récidive par établissement pour peines risque d'entraîner une compétition entre les établissements et de conduire à des transferts arbitraires de prisonniers, visant uniquement à améliorer la performance...

La lutte contre la récidive ne doit pas se limiter à une vision carcérale : elle dépend avant tout des aménagements de peine, des moyens consacrés à la réinsertion et à l'individualisation des parcours de peine. Si l'on multipliait les aménagements de peine et si l'on élaborait des projets de réinsertion le plus en amont possible, ces statistiques sur la récidive seraient inutiles !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'Observatoire national centralisera l'ensemble des statistiques relatives à l'activité pénale. L'étude du taux de récidive par établissement pour peines permet de mesurer l'impact des conditions de détention sur la récidive. J'ai visité la prison de Casabianda, sans mur ni mirador, où les détenus, essentiellement des délinquants sexuels interfamiliaux, travaillent, ou encore celle de Mozac. Intuitivement, je pense que le taux de récidive doit y être moindre qu'à la prison de Caen... L'administration pénitentiaire mène des expérimentations intéressantes, mais peine à les généraliser. Ne pourrait-on avoir davantage de prisons sur le modèle de Casabianda ? Le rapport de l'Observatoire sera un outil précieux pour affiner notre législation : avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Nous manquons d'indicateurs empiriques sur les aménagements de peine. L'Observatoire permettra de mesurer leur impact de ces aménagements de peine, leur valeur ajoutée en matière de réinsertion et de récidive. Avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je maintiens l'amendement, d'autant que la création de cet Observatoire est renvoyée à un décret...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous n'avons pas déposé d'amendement sur cet article car nous jugeons utile d'observer les conséquences des politiques menées en termes de récidive. Toutefois, nous partageons la préoccupation exprimée par Mme Borvo : va-t-on aboutir à l'un de ces palmarès dont nos hebdomadaires sont si friands ? Si Louis-le-Grand est régulièrement en tête du classement des meilleurs lycées, c'est qu'il accueille les meilleurs élèves !

Mais tel lycée de banlieue, qui figure dans le bas du classement, et où pourtant les élèves progressent et réussissent, a tout autant de mérite ! Les types d'établissements comme les personnes « accueillies » sont divers. Un palmarès des prisons serait un outil de stigmatisation. Nous avons besoin d'un outil d'évaluation des politiques publiques au regard de l'objectif de lutte contre la récidive, pas d'un classement démagogique et pernicieux. La politique pénale actuelle, par exemple, qui se traduit par un taux d'incarcérations très élevé, fait de la prison une école de la récidive.

L'amendement n°219 n'est pas adopté.

L'article 2 quinquies est adopté, ainsi que l'article 2 sexies.

Article 3

L'État peut, à titre expérimental pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la présente loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.

Six mois avant le terme de la période prévue au premier alinéa, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de ce dispositif.

M. Alain Anziani.  - L'article consacre le rôle des régions dans le financement et l'organisation de la formation professionnelle des détenus. Il est paradoxal de remettre en cause le rôle de telle ou telle des collectivités locales et de lui demander dans le même temps de suppléer l'État dans le financement de certaines missions. Nous ne refusons pas les responsabilités mais soulignons le manque de cohérence.

Quatre régions dont l'Aquitaine ont, avant même le vote de la loi, conduit des expériences et signé des conventions, pour mettre en place des formations qualifiantes et des contrats de professionnalisation avec des groupements d'employeurs. Je profite de l'occasion pour préciser que ce ne sont pas des formations « sur tout et n'importe quoi » : le programme est arrêté par la Chancellerie et s'il y a des incohérences, à elle de les corriger ! Les principaux secteurs sont la restauration et le bâtiment.

Restent deux interrogations : la première touche les financements, car tous ne sont pas assurés. Environ 40 à 50 % des sommes proviennent du fonds social européen, or les crédits n'ont pas été transférés aux régions. Celles-ci devront-elles payer sur leurs deniers -chez moi, la dépense est de 80 000 euros- ou l'Etat transférera-t-il la totalité des crédits ?

La seconde question concerne le calendrier, car la loi s'appliquera au 1er janvier prochain. La mise en route de la formation professionnelle nécessite des négociations avec l'État, des appels d'offre, etc. Les régions pourront-elles être prêtes au 1er janvier ?

L'article 3 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°187, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les procureurs de la République et les juges d'instruction effectuent au moins une fois par an une visite dans chacun des établissements pénitentiaires situés dans le ressort de leur juridiction.

M. Nicolas About, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'article 727 du code de procédure pénale fait déjà obligation aux magistrats de visiter les établissements, mais peu le font. Et certains se rendent seulement dans le bureau du directeur. Or la décision d'incarcération est prise par des juges et la confrontation directe avec la réalité carcérale favorisera les peines alternatives à l'emprisonnement. Les psychiatres disent tous que l'absence d'humanité dans les relations avec certains magistrats augmente le risque de crises chez certains détenus ou prévenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La possibilité pour les parlementaires de visiter les prisons fut une bonne chose. Renforcer les visites des procureurs, procureurs généraux et juges d'instruction est également positif. Je connais des magistrats très présents dans le milieu carcéral, mais d'autres le sont moins... Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Excellent amendement ! Les magistrats qui vont déjà en prison continueront à y aller, ceux qui n'y vont pas iront au moins une fois par an. Favorable.

M. Richard Yung.  - Comment ne pas être favorable à cet amendement ? Mais encore faut-il que les visites servent à quelque chose, soient suivies de rapports et de recommandations : car beaucoup de gens se rendent dans les prisons, celles-ci sont un peu la gare de l'Est à l'heure de pointe ! On ne peut certes préciser dans le texte que les visites doivent être utiles, mais ne le perdons pas de vue. Les comités de surveillance des prisons, dans le passé, ne servaient à rien.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Cela va changer !

M. Richard Yung.  - Oui. C'est ce que j'espère.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il est important que les magistrats connaissent les conditions de vie en prison et que les juges d'instruction, du reste, puissent se déplacer en prison pour éviter des transférements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il y a la visio-conférence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il y a aussi des salles permettant de recevoir les juges d'instruction...

M. Richard Yung.  - Il n'y en a plus ! (M. Charles Gautier renchérit)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais un travail de long terme est engagé depuis l'instauration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ; des contrats sont passés avec les établissements pour améliorer les choses peu à peu.

La commission d'enquête de 2000 a consulté de nombreux magistrats dont certains nous ont dit : « nous n'avons rien à faire là-bas... ». C'est grave ! Après les visites, les magistrats doivent adresser un rapport à la Chancellerie : nous avons constaté que peu d'entre eux respectaient cette règle légale. Mais à la suite de notre commission d'enquête, ils ont été plus nombreux à le faire et c'est tant mieux, car leurs regards de magistrats sur les prisons sont utiles. L'amendement constitue un rappel bienvenu.

L'amendement n°187 est adopté et devient article additionnel.

M. Alain Anziani.  - Sur l'article 3, j'ai posé des questions qui, je le crois, méritent une réponse : celle-ci viendra, je l'espère, au cours du débat...

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le recrutement, la formation et les conditions de travail du personnel pénitentiaire doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus.

M. Claude Jeannerot.  - Notre amendement reprend la règle pénitentiaire européenne n°8.

En effet, lorsque le personnel pénitentiaire est choisi ou affecté à un poste, chacun doit disposer des aptitudes nécessaires à l'exercice de sa tâche. La formation doit être développée, notamment pour inclure le respect des règles pénitentiaires européennes et des normes juridiques énoncées dans la Convention internationale des droits de l'homme.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Sur le fond, rien ne s'oppose à cet amendement, avec lequel nous retrouvons le débat sur la vocation relative des règles pénitentiaires européennes à figurer dans la loi ou à l'inspirer.

En l'occurrence, nous devons concrétiser le « haut niveau de prise en charge des détenus » en rédigeant le code de déontologie, dans le texte du serment prêté, ainsi que dans la formation initiale et continue dispensée.

Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis défavorable à cet amendement dépourvu de portée normative.

A propos de la formation professionnelle des détenus, je précise à M. Anziani que l'État versera sa part. Pour le reste, il appartient aux régions de solliciter des fonds.

M. Serge Andreoni.  - Les crédits du FSE sont gérés par l'État !

M. Claude Jeannerot.  - Nous maintenons l'amendement qui réaffirme des principes...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il ne sert à rien !

M. Claude Jeannerot.  - ... dont la présence est essentielle dans le socle de la loi.

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

Article 4

L'administration pénitentiaire comprend des personnels de direction, des personnels de surveillance, des personnels d'insertion et de probation et des personnels administratifs et techniques.

Un code de déontologie du service public pénitentiaire, établi par décret en Conseil d'État, fixe les règles que doivent respecter ces agents ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2.

Ce même décret fixe les conditions dans lesquelles les agents de l'administration pénitentiaire prêtent serment ainsi que le contenu de ce serment.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans l'accomplissement de leurs missions, les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont intègres, impartiaux, disponibles et respectent les droits fondamentaux des personnes sous leur responsabilité.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Un certain nombre de principes que les agents de l'administration pénitentiaire devront respecter dans l'exercice de leur mission doivent figurer dans la loi, pas seulement dans le code de déontologie institué par l'article 4.

Pourquoi inscrire dans ce texte plusieurs principes relatifs au service public pénitentiaire, en omettant leurs corollaires immédiats ?

J'aurais d'ailleurs souhaité pouvoir examiner le projet de code déontologie, car il appartient à la loi de consacrer les règles qui s'imposent à l'administration pénitentiaire. C'est une simple question de contrôle parlementaire.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont tenus à l'impartialité, sans aucune distinction tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux moeurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - C'est la même logique.

L'exigence fondamentale de l'égalité de traitement doit figurer dans la loi. La commission a accepté d'ajouter au texte le respect de l'intégrité physique des détenus, tout comme l'encadrement du recours à la force.

Je regrette que l'interdiction de toute discrimination n'y laisse aucune trace, alors que le phénomène est très répandu dans les prisons, ne serait-ce que sous forme de comportements, certes isolés mais fautifs, d'agents qui abusent de leur situation.

Un détenu homosexuel m'a raconté avoir été mis au ban de l'établissement, en raison de son orientation sexuelle. Pour la même raison, il a été privé de promenades et de douche ; il a subi des pressions constantes et des insultes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Mme Boumediene-Thiery pose des questions et réfute par avance la réponse...

Les articles premier et 10 du texte disposent déjà que l'administration pénitentiaire garantit le respect de tous les droits des détenus. Les qualités professionnelles du personnel relèvent du code de déontologie. La commission souhaite donc le retrait ou le rejet de l'amendement n°6 rectifié.

L'amendement n°7 rectifié relève d'une analyse analogue, puisque le respect des droits des détenus interdit toute discrimination. Une énumération alourdit inutilement la rédaction du projet de loi, au risque d'être incomplète. Ainsi, les discriminations selon la nationalité ne sont pas mentionnées, alors qu'elles sont à l'évidence prohibées.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le code de déontologie, qui sera fixé par décret en Conseil d'État s'inspirera du code de déontologie de la police nationale, qui énonce déjà les principes figurant à l'amendement n°6 rectifié. Au demeurant, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, comporte déjà ces exigences. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n°6 rectifié.

Il en va de même pour l'amendement n°7 rectifié, qui tend à interdire de commettre certaines infractions. La discrimination est une infraction pénale. Nous pourrions donc la poursuivre même si elle ne figurait pas dans le code de déontologie.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous savons ce qu'il en est ! Il y a bien des bavures dans l'action de la police ! La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a précisément été créée pour y remédier.

D'où l'importance de ne pas omettre l'interdiction des discriminations dans une loi qui doit rappeler les principes fondamentaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Hélas ! Les discriminations sont fréquentes dans les lieux de détention, mais en insistant sur certains aspects plus que sur d'autres, le code de déontologie risque d'être peu clair.

Améliorer la situation : telle est la mission du Contrôleur général des lieux privatifs de liberté, dont nous souhaitons qu'il exerce une action approfondie.

En l'occurrence, il faut se garder de toute précision excessive, car de nombreux aspects régissent les droits et devoirs du personnel pénitentiaire.

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces règles précisent l'obligation pour les personnels de veiller au respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.

M. Charles Gautier.  - Lorsqu'elle a conclu ses travaux le 6 mars 2000, la commission Canivet a insisté sur un point majeur : dès lors que « la peine d'emprisonnement a pour finalité la réintégration dans la société d'une personne condamnée », un détenu « conserve tous les droits puisés dans ses qualités de citoyens » à l'exception « de la liberté d'aller et venir ». De même, « faisant partie du territoire de la République » la prison doit être régie « selon le droit commun, y compris dans les adaptations qu'exige la privation de liberté ».

La jurisprudence développée par la Cour européenne des droits de l'homme suit la même philosophie.

« L'article 3 de la Convention impose à l'État de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate. »

Pour la commission Canivet, les insuffisances de notre droit et de son application ne sauraient être justifiées par « l'argument de sécurité, constamment avancé pour faire obstacle à l'évolution des prisons ».

Le Conseil constitutionnel considère quant à lui que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'avilissement et de dégradation est un principe indérogeable qui n'a pas à être concilié avec d'autres principes : c'est le sens d'une décision de 1994.

Afin que ces principes soient respectés, nous ne devons pas laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir la déontologie du personnel de l'administration pénitentiaire : le législateur doit au moins en fixer les grands principes, au nombre desquels doit figurer le respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique conformément à la règle pénitentiaire européenne n°72-1.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est au moins en partie satisfait : l'article 4 bis, introduit à l'initiative du groupe CRC-SPG, dispose que « les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire (...) veillent au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté », l'article 19 bis que « l'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels », et l'article premier, conformément au souhait de M. Portelli, que le service public pénitentiaire « garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne ».

Le personnel pénitentiaire refuse d'être tenu responsable des mauvaises conditions de détention, essentiellement dues à la vétusté des bâtiments et à la surpopulation carcérale : lorsque quatre détenus sont obligés de cohabiter dans une cellule de 9 mètres carrés, que peut faire le personnel ?

Retrait, sinon rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les articles premier et 10 garantissent le respect des droits fondamentaux et de la dignité des détenus, et les articles 4 bis et 19 bis celui de leur intégrité physique. Les deux volets de l'amendement sont donc satisfaits. Retrait, sinon rejet.

M. Charles Gautier.  - Compte tenu des observations de M. le rapporteur et de Mme la ministre -nous ne faisons pas de procès d'intention...- nous retirons l'amendement.

L'amendement n°77 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens et doivent tenir compte de la nécessité de faciliter la réinsertion des détenus dans la société à la fin de leur peine, par le biais d'un programme de prise en charge et d'assistance.

M. Charles Gautier.  - Cet amendement reprend la règle pénitentiaire européenne n°72, qui souligne l'aspect éthique de l'administration pénitentiaire. Dans les prisons, un groupe se voit octroyer un pouvoir substantiel sur un autre groupe, ce qui peut conduire à des abus, faute d'une éthique exigeante. Les membres du personnel pénitentiaire sont tenus au respect de la déontologie dans leur comportement à l'égard des détenus, mais aussi les responsables des établissements pénitentiaires dans leur gestion qui exige discernement et détermination. L'administration pénitentiaire doit agir avec humanité, impartialité et justice.

Il est important que cette règle soit transposée dans notre législation.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par l'article 4 bis dont je viens de parler, ainsi que par l'article 4 ter qui dispose que les personnels des services pénitentiaires « mettent en oeuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des détenus ».

En outre, cet amendement serait source d'insécurité juridique. Il dispose que « les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens » : quelle est la portée juridique de cette expression ? Il n'existe d'ailleurs plus de « gardiens » dans l'administration pénitentiaire.

Retrait, sinon rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le service public pénitentiaire est déjà régi par des règles déontologiques précises, et le Gouvernement préfère que la loi définisse concrètement ses missions.

D'ailleurs les membres de l'administration pénitentiaire n'aiment pas le mot « gardien » : il vaut mieux les désigner par leur statut. Retrait, sinon rejet.

M. Charles Gautier.  - Depuis hier, la majorité nous rétorque qu'il est inutile d'inscrire dans la loi des principes fondamentaux : cela irait sans dire. Mais cela va encore mieux en le disant ! Nous maintenons l'amendement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Patrice Gélard.  - Le rapport du comité présidé par Mme Veil vient d'être publié : il conclut que notre droit -qu'il s'agisse des déclarations ou de la jurisprudence- garantit déjà le respect des libertés et des droits fondamentaux et qu'il n'y a pas lieu de le compléter à cet égard.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous sommes parfaits !

M. Patrice Gélard.  - L'opposition propose de répéter dans la loi un ensemble de dispositions qui ont déjà valeur juridique, et même le plus souvent valeur constitutionnelle : cela alourdirait inutilement la loi. Si nous vous suivions, il faudrait énumérer dans chaque loi les principes fondamentaux reconnus par le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil d'État ou la Cour de cassation ! (M. Jean-Jacques Mirassou : « Et alors ? »)

Il est bon de rappeler les grands principes, de faire pour ainsi dire des piqûres de rappel. Mais ils n'ont pas à figurer dans la loi. (M. René-Pierre Signé le conteste)

D'ailleurs, comme je l'ai dit hier, la recommandation du Conseil de l'Europe sur les règles pénitentiaires a été mal traduite : nous en avons une nouvelle illustration avec le mot « gardien », qui n'a aucune réalité en droit français. Il faut se méfier comme de la peste des textes juridiques anglais où règne un véritable flou artistique, contrairement aux textes français qui se caractérisent au moins par la précision de l'expression. (Protestations à gauche ; applaudissements sur de nombreux bancs à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous pourrions aussi bien décliner les 172 règles européennes !

Mme Virginie Klès.  - Il n'y en a que 106.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce que nous devons faire, c'est vérifier que tous ces principes sont effectivement garantis par la loi.

Je rappelle d'ailleurs que le Conseil de l'Europe est composé de pays extrêmement divers ; dans certains d'entre eux on n'a jamais entendu parler de réinsertion des détenus... Ces règles ont été édictées afin d'encourager tous les pays membres à compléter la surveillance des détenus par des actions de réinsertion : les surveillants ont leur rôle à jouer dans ce domaine, ainsi que les services spécialisés au sein des prisons et les intervenants extérieurs.

L'opposition est d'accord avec les positions de la commission, mais il lui fallait bien déposer des amendements... (Protestations à gauche) La loi n'a pas pour vocation de décliner des grands principes, mais d'édicter des normes précises et contraignantes. Ce débat peut continuer jusqu'à ce que vous ayez épuisé toutes les règles pénitentiaires européennes...

M. Charles Gautier.  - Il continuera jusqu'à la fin de l'examen du projet de loi.

M. Alain Anziani.  - Nous nous attendions à une réplique telle que celle de M. Gélard : il est seulement étonnant qu'elle ne soit pas venue plus tôt. Ainsi la France n'aurait pas à tenir compte des règles européennes...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. Josselin de Rohan.  - Nous disons justement le contraire !

M. Alain Anziani.  - Notre pays a pourtant approuvé la recommandation du Conseil de l'Europe, et M. Sarkozy, lorsqu'il était candidat à la Présidence de la République, avait promis que notre droit s'alignerait sur les normes européennes.

M. Charles Gautier.  - C'était avant...

M. Alain Anziani.  - La France a été condamnée à plusieurs reprises par les instances européennes pour sa politique pénitentiaire. Dans ces conditions il est difficile de prétendre que les règles vont de soi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quelle mauvaise foi !

M. Alain Anziani.  - Nous avons besoin de ces règles, y compris dans cette loi pénitentiaire puisqu'elles la fondent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si l'on pense, comme Pangloss, que tout est pour le meilleur, nous n'avons plus besoin de siéger : tout est écrit au mieux, décliné de la meilleure façon et appliqué magnifiquement.

Si j'ai bien compris l'intervention de M. Gélard, celui-ci nous dirait que le français serait apte au droit alors que l'anglais y serait inapte. Il existe effectivement une littérature abondante prétendant démontrer que telle langue serait apte à la spéculation, à la philosophie, au droit, et telles autres non. Je ne suis pas d'accord avec cette vision des choses ; je pense pour ma part que toutes les langues humaines sont également aptes à tout exprimer, même si, naturellement, chacune le fait à sa manière. Je me permets donc de relativiser quelque peu le propos de M. Gélard.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On peut rire de tout... Si nous souhaitons faire figurer dans la loi les règles européennes, c'est qu'elles ne sont pas appliquées en France. Et cela dure depuis la Déclaration des droits de l'homme, que les Constitutions successives ont reprise sans pour autant qu'elle soit entièrement appliquée : le droit au logement n'est pas effectif, le droit au travail non plus.

Qu'elles soient en anglais ou pas, les règles européennes appellent interprétation. Le respect de la dignité ? Quand on est obligé de déféquer devant quelqu'un d'autre, la dignité n'est pas respectée. Quand on est fouillé au corps, elle ne l'est pas davantage. Or ce projet de loi ne suffira pas à faire appliquer ce principe. On peut certes nous répéter qu'en matière de droits la France a déjà tout dit...

M. Hugues Portelli.  - Je suis d'accord avec M. Anziani sur le fond et avec M. Gélard sur la forme. Je verrais assez bien que l'on fasse préciser à cet article que, parmi ces règles déontologiques, figurent celles qui ont été édictées par le Conseil de l'Europe. Ce serait une manière de les intégrer dans la loi et cet article 4 s'y prête bien.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il y a des limites ! Votre attitude me fait penser à celle qui consisterait à vouloir introduire dans un projet de loi sur l'enfance l'ensemble de la convention de l'ONU. Je comprends que vous déposiez des amendements pour vérifier que des choses auxquelles vous tenez sont bien dans la loi. Nous sommes d'ailleurs prêts à intégrer des amendements de ce genre, Mme Borvo Cohen-Seat le sait bien : nous avons intégré son amendement sur la dignité. (Celle-ci le confirme)

Vous semblez oublier qu'on est devant une loi nouvelle. Vous attaquez celle qui existe, dont nous sommes les premiers à reconnaître qu'elle n'est pas satisfaisante.

Moi, je tiens à ce que la législation soit claire. Je suis hostile à ces déclarations de principes sans portée normative qui rendent les lois bavardes.

M. Charles Gautier.  - De votre fait.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Certainement pas. Cela fait des années que je me bats pour que la loi soit vraiment normative.

M. Josselin de Rohan.  - Les déclarations de principes bavardes, c'est un travers des socialistes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Bien sûr, il faut aussi que l'on ait les moyens d'appliquer les lois. Je ne suis pas de ceux qui rêvent d'une loi merveilleusement inapplicable !

Nous voulons que nos prisons soient vraiment dignes d'une démocratie comme la France. On peut polémiquer sur certaines choses mais, là, c'est une erreur que je dénonce, et depuis très longtemps.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Sur les 108 règles pénitentiaires européennes, la moitié sont reprises dans ce projet de loi et un grand nombre sont déjà mises en oeuvre. J'ai demandé que soient labellisés une vingtaine d'établissements.

N'oubliez pas que ces règles s'appliquent aussi à des pays où il n'y a pas de Spipp (Service pénitentiaire d'insertion professionnelle et de probation).

M. le président.  - Monsieur Gautier, je ne peux pas vous donner la parole, vous l'avez déjà eue.

M. Charles Gautier.  - C'était pour présenter mon amendement. Je voudrais maintenant expliquer mon vote.

M. le président.  - Vous ne l'avez pas déjà fait ?

M. Charles Gautier.  - Je vous assure que non.

M. le président.  - Bien. Sans doute devrais-je noter chaque prise de parole.

M. Charles Gautier.  - Je vous y invite.

Si, hier, nos collègues présents avaient accepté que les grands principes européens soient rappelés à l'article premier, nous n'aurions pas à les décliner article par article. Mais tout cela nous fut refusé. Cet acharnement à refuser que soient rappelées les règles européennes nous porte à penser qu'on les juge belles et bonnes mais inapplicables à l'Hexagone.

Nous ne sommes pas d'accord sur cette conception des choses, d'où notre amendement, mais si une majorité se ralliait à la proposition intermédiaire de M. Portelli, nous la soutiendrions assez facilement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le conseil des ministres du Conseil européen recommande aux gouvernements des États membres de suivre ces règles dans l'élaboration de leur législation et dans leur pratique, mais il ne s'agit pas de les transposer systématiquement ni directement, comme vous le proposez, ni indirectement comme le suggère M. Portelli.

L'amendement n°78 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 4 bis

Les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire constituent, sous l'autorité des personnels de direction, l'une des forces dont dispose l'État pour assurer la sécurité intérieure.

Dans le cadre de leur mission de sécurité, ils veillent au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l'individualisation de leur peine ainsi qu'à leur réinsertion.

M. le président.  - Amendement n°220, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Au début du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

Dans le cadre de leur mission de sécurité,

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet article est issu d'un amendement du rapporteur que nous avions souhaité compléter sur deux points. Nous souhaitions que l'on précise que les gardiens veillent au respect de l'intégrité physique des détenus parce que cela obligera à des recrutements ambitieux : les gardiens ne manquent pas de conscience professionnelle ; ils ne sont pas assez nombreux ! Nous trouvions un peu rude de mettre en avant la mission de sécurité. Nous avons été entendus sur le premier point, pas sur le second, d'où cet amendement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission des lois a reconnu que les personnels pénitentiaires forment la troisième force de sécurité de l'État. Nous avons intégré la référence à l'intégrité physique des détenus mais il faut prévenir toute confusion entre la mission du personnel de surveillance et celle du personnel de probation et d'insertion. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le personnel de surveillance a pour l'essentiel une mission de sécurité, que nierait l'amendement.

L'amendement n°220 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans le second alinéa de cet article, après les mots :

l'intégrité physique

insérer les mots :

et de la dignité

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Eh oui, la notion de dignité humaine est totalement absente du texte. Elle y est apparue fugitivement puis a été supprimée au motif que cela allait de soi. Pourquoi alors le Conseil constitutionnel lui a-t-il consacré toute sa décision du 27 juillet 2004 et pourquoi le code pénal y consacre-t-il tout un chapitre ? Je crains que cette omission soit volontaire et destinée à éviter que les détenus puissent contester des conditions de détention contraires à la dignité par le biais de l'exception préjudicielle et faire ainsi condamner l'administration pénitentiaire. La Cour européenne des droits de l'homme a développé une jurisprudence sur les conditions de détention inadaptées au bien-être des détenus et la France a déjà été condamnée sur ce fondement. L'omission de cette notion est destinée à assurer l'immunité de l'administration pénitentiaire mais ce n'est pas ainsi que les prisons cesseront d'être une honte pour la République. N'empêchez pas le droit d'entrer en prison, affirmez-le solennellement ! Il doit être proclamé et protéger ces personnes fragiles.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Votre préoccupation est fondée et l'on pourra trouver à la satisfaire ailleurs car, comme pour l'amendement n°77, je vois difficilement comment l'introduire ici puisque le personnel de surveillance n'est pas responsable des conditions de détention ou de la surpopulation carcérale.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je répondrai comme sur les deux amendements précédents tout en rappelant la rédaction des articles premier et 10. Avis défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On nous a déjà opposé un refus dans les autres articles et cette notion doit apparaître quelque part dans le texte, il y va du droit des détenus.

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°79 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu'ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire.

M. Alain Anziani.  - Qu'il n'y ait aucune ambiguïté : cet amendement n'est en rien défavorable au personnel pénitentiaire qui mérite tout notre respect. Il est néanmoins nécessaire d'encadrer l'usage de la force en en définissant les conditions puis en posant le principe de proportionnalité. Je voudrais rappeler, sans déclencher de nouvelle furie, que l'amendement reprend les règles pénitentiaires européennes n°s64 et 65 et un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme.

M. le président.  - Amendement identique n°10 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous souhaitons inscrire dans la loi le principe de la limitation du recours à la force en précisant les cas dans lesquels celle-ci est justifiée. En outre, elle ne peut être employée que dans la mesure où elle est strictement nécessaire du fait du comportement du détenu, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ces amendements visent à définir le cadre légal de l'usage de la force par l'administration pénitentiaire, comme l'a souhaité en 2000 la commission présidée par Guy Canivet. J'ai renoncé à présenter un amendement similaire car une réflexion serait en cours avec le ministère de l'intérieur sur la possibilité d'utiliser une arme à feu en dehors des prisons, notamment dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (Uhsi) et les unités hospitalières spécialement aménagées (Uhsa). Toutefois, comme nous venons de voter une disposition similaire dans la loi sur la gendarmerie nationale, rien ne justifie plus de différer cette inscription dans la loi pour l'administration pénitentiaire. Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cet amendement tend à donner valeur législative à des dispositions réglementaires figurant dans le code de procédure pénale. Le Gouvernement souhaitait attendre pour cela le projet de loi interministériel sur l'usage des armes à feu afin de disposer d'un texte unique. Comme nous l'avons déjà fait, effectivement, pour la gendarmerie, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°79 rectifié, identique à l'amendement n°10 rectifié, est adopté.

L'article 4 bis, modifié, est adopté.

Article 4 ter

Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.

À cette fin, ils mettent en oeuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues.

M. le président.  - Amendement n°221, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation participent à l'individualisation des peines et des mesures pré-sententielles. Ils sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous voulons renforcer l'article 4 ter rédigé par la commission en inscrivant dans la loi les missions fondamentales des Spip. Celles-ci supposent la recherche de sanctions adaptées, si possible dès le début de la détention. Cette individualisation des peines s'oppose à l'automaticité encouragée par les derniers textes votés.

Les personnels des Spip jouent un rôle actif dans l'aide à la décision du magistrat en lui donnant des informations essentielles sur le détenu ou prévenu : ils font des enquêtes rapides avant comparution et peuvent être chargés des mesures pré-sententielles. Un conseiller traite ainsi 120 à 180 dossiers.

Confirmer cette mission signifie leur donner les moyens de la mettre en oeuvre : l'effort engagé depuis quelques années doit être intensifié pour répondre aux exigences de ce projet de loi. On peut notamment s'inquiéter, avec la Commission nationale consultative des droits de l'homme, de la délégation de tout ou partie des fonctions d'insertion et de probation à des personnes de droit privé, au risque d'affaiblir la mobilisation des acteurs de droit public dans ce domaine.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable : ces objectifs sont largement satisfaits par l'amendement de la commission, qui est en outre plus concis. Les mesures pré-sententielles ne figurent d'ailleurs pas dans les codes ; il n'est pas souhaitable d'introduire dans la loi une complexité supplémentaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'article premier répond pleinement à l'objectif recherché par cet amendement en définissant les missions du service public pénitentiaire. Quant à la seconde phrase de l'amendement, elle ne fait que rappeler en quoi consiste l'individualisation de la peine. Avis défavorable.

L'amendement n°221 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

oeuvre

insérer les mots :

, par des programmes appropriés,

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement procède du même esprit que les amendements 3 et 4 rectifiés que j'ai défendus hier, adapté aux missions des Spip. La notion de programme est encore plus justifiée ici, car les Spip se trouvent au premier plan pour la réinsertion du détenu. Si celle-ci passe nécessairement par des programmes, il est utile d'envisager ces derniers au niveau national, en concertation avec tous les acteurs de la réinsertion, et de les réactualiser régulièrement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ma réponse est la même qu'hier : cette précision est inutile. Il est évident que les Spip mettront en oeuvre les programmes appropriés... En outre, la prise en compte de la situation de chaque détenu impose de préserver une certaine souplesse du dispositif. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les programmes appropriés font partie des modalités d'intervention des Spip. Ainsi, la prison de Melun, qui reçoit principalement des délinquants sexuels, adapte ses interventions à leurs cas. Cette précision n'est pas utile dans la loi : avis défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'un n'empêche pas l'autre ! Le programme peut être approprié au détenu et coordonné au niveau national. Ainsi, le détenu qui change de prison continuerait à bénéficier des mêmes dispositions.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4 ter est adopté.

Article 4 quater

Au début de l'article 3 de l'ordonnance n°58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les droits d'expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, sous réserve de l'alinéa suivant. »

M. le président.  - Amendement n°288, présenté par le Gouvernement.

Rédiger comme suit cet article :

Les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire exercent leurs droits d'expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Par cet article, la commission des lois souhaite que le droit d'expression et de manifestation des personnels de l'administration pénitentiaire relève désormais du statut général des fonctionnaires. Or, comme la police, du fait des missions qui leurs sont confiées, ces personnels sont régis par un statut spécial fixé par une ordonnance du 6 août 1958. Nous ne souhaitons pas que ce statut soit modifié sur ce point.

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la fin de la seconde phrase du même article, les mots : « en dehors des garanties disciplinaires » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des garanties disciplinaires fixées par le statut général de la fonction publique ».

M. Alain Anziani.  - Nous défendons une thèse contraire à celle du Gouvernement. Nous ne contestons pas le statut particulier des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, mais sur une question aussi importante que le droit d'expression et de manifestation, nous souhaitons que les garanties disciplinaires se rapprochent du droit commun.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'ordonnance du 6 août 1958 permet au Gouvernement de déroger par décret au statut général de la fonction publique. Or, l'introduction du droit commun dans les prisons est le fil directeur des travaux de la commission des lois sur ce texte -et du Gouvernement par ailleurs. L'article 4 quater consacre donc la soumission au droit commun du statut des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire pour leurs droits d'expression et de manifestation, sous réserve du maintien de la prohibition de toute cessation concertée du service et de tout acte collectif d'indiscipline caractérisée.

Sauf dérogation, le statut général des fonctionnaires s'applique aux personnels de l'administration pénitentiaire.

Il en va de même de tous les fonctionnaires soumis à un statut spécial. Il est vrai que la position interdisait au pouvoir réglementaire d'apporter des restrictions autres que celles prévues par l'ordonnance. En tout état de cause, le droit d'expression et de manifestation des personnels reste inscrit dans la loi. Sagesse.

Ce que je viens de dire de l'article 3 de l'ordonnance de 1958 vaut pour l'amendement n°80. Comment imaginer une administration pénitentiaire à éclipses ? On ne peut se permettre de laisser les détenus livrés à eux-mêmes. Il n'est donc pas souhaitable d'aligner, en cette matière, le statut des personnels pénitentiaires sur le statut général de la fonction publique. J'ajoute que les contraintes du statut spécial trouvent leur contrepartie dans des avantages en termes de retraite et de traitement. Résolument défavorable, donc, à l'amendement n°80.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La commission des lois avait trouvé une rédaction protectrice des droits des personnels pénitentiaires, sans soulever de problème quant à leurs responsabilités et aux exigences de sécurité. Dès lors qu'existe l'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958, qui limite très précisément les conditions d'exercice de toute manifestation particulière, on ne voit pas bien à quoi, madame la ministre, vise votre amendement... Nous ne le voterons pas, en soutien à la rédaction de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - N'est-ce pas tautologique, au fond, de renvoyer explicitement au statut général ? Le statut des personnels pénitentiaires comporte des éléments du statut général. A quoi bon répéter dans chaque nouvelle loi ce qui existe déjà dans d'autres ?

M. René Garrec.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous est-il jamais venu à l'esprit, pour la police nationale, d'entrer dans ces considérations ? On ne va pas redécliner, dans chaque statut particulier, ce qui relève du statut général.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne faisons que défendre la rédaction de la commission des lois. Il est paradoxal que son président vienne nous le reprocher !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je peux avoir mon avis. Quant à émettre des paradoxes, je vous fais le pari, monsieur Sueur, que j'aurai trouvé mon maître avant jeudi soir !

Mieux aurait valu, au fond, supprimer cet article, pour nous éviter ce débat absurde.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le président Hyest a été très clair. L'amendement du Gouvernement ne vise qu'à lever une ambiguïté dans la rédaction de la commission des lois, qui risque de susciter un contentieux. Nous ne revenons pas, pour autant, sur l'esprit de ce qui a été voté en commission.

M. Richard Yung.  - J'écoute toujours avec beaucoup d'attention ce que dit le président Hyest. Il nous explique depuis hier qu'il ne sert à rien, dans la loi, de répéter des précisions sans caractère normatif. Allons-nous donc voter une rédaction qui ne dit rien d'autre, en somme, sinon que le statut de la fonction publique pénitentiaire s'applique à la fonction publique pénitentiaire ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est bien pourquoi mieux aurait valu retirer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous ne le pouvez pas ! La commission a voté un texte !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On peut toujours voter contre.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si l'on adopte l'amendement du Gouvernement, on ne le pourra plus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La rédaction de la commission des lois a un sens, bien différent de celui que propose le Gouvernement. Ceux qui ont soutenu cette rédaction en commission peuvent continuer à le faire, en dépit des palinodies de M. Hyest.

L'amendement n°288 est adopté et l'article 4 quater est ainsi rédigé.

L'amendement n°80 devient sans objet.

L'article 4 quinquies est adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

Il est créé une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice, ainsi que de coopération internationale.

La réserve est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l'administration pénitentiaire.

Un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des missions prévues au premier alinéa ne peut se porter volontaire pour entrer dans la réserve civile.

M. le président.  - Amendement n°82 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Cet article crée une réserve pénitentiaire, composée de volontaires en retraite issus du corps de l'administration pénitentiaire, pour assurer une mission de sécurité à l'entrée des tribunaux.

La coopération internationale, c'est l'image de la France. Il est pour le moins curieux de confier à des retraités, qui ne sont pas au fait des dernières techniques, la tâche de diffuser notre savoir-faire à l'étranger !

La solution à la situation catastrophique des établissements pénitentiaires est connue : recruter et former de nouveaux personnels, et réviser en amont la politique pénale. Ce n'est pas la création d'une réserve qui règlera le problème !

M. le président.  - Amendement identique n°222, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG

Mme Éliane Assassi.  - La création d'une réserve civile pénitentiaire, sur le modèle de la réserve civile de la police nationale instaurée par la loi du 18 mars 2003, vise à pallier le manque de personnel pénitentiaire en permettant à l'administration de faire appel à des retraités.

Si les effectifs sont insuffisants pour assurer la sécurité, pourquoi ne pas recruter davantage, ou alors vider les prisons en stoppant l'escalade sécuritaire ? (Exclamations à droite)

La création d'une réserve constituée de retraités risque également de remettre en cause, à terme, l'âge de départ à la retraite des personnels pénitentiaires, aujourd'hui fixé à 55 ans. C'est une faille dans la reconnaissance de la pénibilité de la profession. Nous demandons donc la suppression de l'article 6, ainsi que des articles 7, 8 et 9.

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

de renforcement de la sécurité

par les mots :

d'insertion, de formation, d'encadrement des activités sportives, d'extractions

M. Richard Yung.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°281, présenté par le Gouvernement.

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice,

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'expérimentation en cours porte sur la mission de renforcement de la sécurité dans les tribunaux. J'ai souhaité que cette réserve civile soit consacrée dans la loi, au même titre que la réserve de la police nationale. Cette nouvelle mission en dénaturerait l'objet initial. La surveillance de personnes écrouées, sous surveillance électronique, ne doit être confiée qu'à des personnels en activité.

M. le président.  - Amendement n°289, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les réservistes sont soumis au code de déontologie du service public pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement vise à répondre à certaines craintes. La réserve sera composée exclusivement de volontaires, qui devront remplir des conditions d'aptitude précisées par décret en Conseil d'État ; un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour un motif incompatible avec l'exercice des missions de la réserve ne pourra être engagé.

La commission est favorable à la création de la réserve, dont elle a même étendu les missions. Ce système existe déjà pour la police nationale. L'avis est donc défavorable pour les amendements de suppression n°s82 rectifié et 222.

Défavorable à l'amendement n°83 rectifié : il est singulier d'exclure la participation de la réserve au renforcement de la sécurité des tribunaux mais de lui confier l'extraction des détenus, mission ô combien plus dangereuse, et qui plus est compétence régalienne !

Les mesures de surveillance électronique sont en forte hausse, et vont encore se développer avec ce projet de loi. Le contrôle de leur exécution n'expose pas les réservistes à des risques particuliers et libèrerait les surveillants en activité pour d'autres tâches. Enfin, ces réservistes sont encore jeunes : l'âge de départ à la retraite est de 55 ans, voire de 50 ans pour ceux qui comptent 25 ans de service !

Où commence et où finit le caractère régalien d'une mission ? L'extraction des détenus est une fonction plus régalienne que le suivi, derrière un écran, des personnes sous surveillance électronique ! Les réservistes peuvent d'ailleurs être cantonnés à cette tâche, et les vérifications à domicile être confiées à des personnels en activité.

« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux... » La gauche est contre la réserve, le Gouvernement veut en limiter le champ d'action à la portion congrue... Je me contenterai donc d'un avis de sagesse sur l'amendement n°281.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Poser un bracelet électronique peut être dangereux. Si la surveillance électronique révèle un problème, il serait bien complexe de renvoyer la vérification sur place à un autre service... On ne peut pas diviser ainsi la mission de sécurité.

Les réservistes de la police nationale accompagnent le Tour de France ; ils n'assument pas de missions régaliennes.

En revanche, le placement sous surveillance électronique mobile concerne des délinquants lourds, pédophiles par exemple, qui peuvent être extrêmement dangereux.

Avis défavorable à l'amendement n°82 rectifié, la création de la réserve vise à accroître la sécurité des bâtiments du ministère de la justice ; le bilan des expérimentations est, après un an, très positif et les réservistes, grâce à leur savoir-faire, sont désormais reconnus par le milieu judiciaire. Depuis 2006, dans les trois cours d'appels de l'expérimentation, puis dans d'autres tribunaux à mesure de la généralisation, 140 agents de sécurité par an sont intervenus sur le terrain. Et je ne vois pas ce qu'il y a de déshonorant à envoyer des directeurs, jeunes retraités, à l'étranger pour faire partager leurs connaissances et leur expérience.

M. Richard Yung.  - Pendant un an, soit, mais pas plus !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis défavorable, donc, au n°82 rectifié et au n°222. Mêmes observations sur le n°83 rectifié. L'insertion et l'encadrement exigent du personnel...

M. Richard Yung.  - Comme dans le Tour de France !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce sont des missions très importantes pour la sécurité de nos concitoyens et il convient de les confier aux professionnels. Favorable en revanche à l'amendement n°289.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous flottons dans une très grande incertitude : qui seront les réservistes ? Quelles seront leurs missions ? Leur statut ? Vous nous dites qu'une expérimentation existe : comment les retraités sont-ils recrutés ? Sur quelle base juridique fonctionne cette expérience ? Si des dispositions législatives n'ont pas été nécessaires, pourquoi les introduire à présent ? Et si elles sont nécessaires, c'est que le système actuel fonctionne en toute illégalité !

Les retraités de la réserve assureront-ils des missions de sécurité ? Non, car celles-ci sont régaliennes. Seront-ils armés ? Vraisemblablement pas. Notre rapporteur, qui perçoit bien dans quel embrouillamini nous nous trouvons, invoque le code de déontologie, auquel les réservistes seraient soumis. Mais ces derniers seront-ils recrutés selon la loi ou selon une circulaire ? Il est vrai que Mme la ministre affectionne les circulaires, tant elle en expédie aux procureurs en leur accordant force de loi... Les retraités seront-ils toujours membres du personnel de surveillance ? Si oui, le code de déontologie leur est applicable ; si non, ils ne pourront exercer aucune mission de sécurité ni de contrôle, mais pourront se voir confier l'accompagnement, la surveillance d'activités sportives, culturelles, etc.

Quant à les envoyer à l'étranger dispenser des formations, pourquoi pas ? Je sais bien que le rapport Hyest qualifiait les prisons françaises de honte pour la République mais notre administration reste encore meilleure que dans certains pays.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous parlions d'humiliation et je n'ai jamais visé le personnel, qui exerce un métier difficile. Nous en avons fait l'éloge, au contraire, et ne les avons jamais mis en cause.

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est vrai.

M. François Zocchetto.  - La réserve me semble une belle idée. Pourquoi se priverait-on des compétences de jeunes retraités, sélectionnés sur des bases incontestables ? Sur le statut, tout est dit dans la loi. Mais les réservistes feront-ils partie du corps ? J'avais pour ma part compris que le port d'arme ne posait pas de difficulté.

M. Jean-Pierre Michel.  - Bref, personne ne sait...

M. François Zocchetto.  - J'ajoute que pour moi, la création de la réserve se justifie par la nécessité d'assurer une mission régalienne. On ne saurait découper entre aspects régaliens et non régaliens. Cependant, le bracelet électronique est encore en phase expérimentale et la vigilance doit être sans faille, car le moindre incident créerait bien des problèmes dans l'opinion. Or les réservistes, à mi-temps, auront un lien plus distendu avec leur hiérarchie. Le risque de relâchement disciplinaire sera peut-être plus grand que parmi le personnel à temps complet. Je ne prendrais pas ce risque ! Bref, l'amendement du Gouvernement me paraît judicieux. Il sera toujours possible d'ajouter des missions par la suite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il ne faut surtout pas voter la réserve civile. Pourquoi faire appel à des retraités alors que tant de jeunes sans emploi veulent travailler ? Et le flou est total, à l'issue du débat, sur le contenu des missions. Nous sommes en pleine confusion.

Les amendements n°s82 rectifié et 222 ne sont pas adoptés, non plus que le n°83 rectifié.

L'amendement n°281 est adopté.

L'amendement n°289 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Les amendements de suppression n°s84 rectifié et 223 sont retirés.

L'article 7 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les agents mentionnés à l'article 6 participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous sommes hostiles à la réserve civile mais puisqu'elle existe, améliorons-la.

Ces volontaires seraient exclusivement d'anciens agents retraités de l'administration pénitentiaire, dont les liens avec celle-ci auraient été rompus depuis cinq ans au maximum.

Or, la prison peut beaucoup changer pendant ce délai. Nous souhaitons que cette loi y contribue.

Les réservistes devront donc assimiler ces évolutions, si possible à l'école nationale de l'administration pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cette rédaction est le décalque de celle retenue pour le quatrième alinéa de l'article 4 quinquies, applicable aux fonctionnaires en activité.

L'engagement contractuel étant souscrit pour un an minimum renouvelable, délivrer une formation peut être utile.

L'amendement n°57 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient article additionnel.

Article 8

Le réserviste qui effectue les missions prévues à l'article 6 au titre de la réserve civile pendant son temps de travail doit obtenir, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, l'accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail, de conventions conclues entre l'employeur et le garde des sceaux, ministre de la justice.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment les conditions d'aptitude ainsi que le délai de préavis de la demande d'accord formulée auprès de l'employeur en application du présent article ainsi que le délai dans lequel celui-ci notifie à l'administration son refus éventuel.

Les amendements identiques n°s85 rectifié et 224 sont devenus sans objet.

L'article 8 est adopté.

Article 9

Les périodes d'emploi des réservistes sont indemnisées dans des conditions fixées par décret.

Dans le cas où le réserviste exerce une activité salariée, son contrat de travail est suspendu pendant la période où il effectue des missions au titre de la réserve civile pénitentiaire. Toutefois, cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.

Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l'encontre d'un réserviste en raison des absences résultant des présentes dispositions.

Pendant la période d'activité dans la réserve, l'intéressé bénéficie, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions prévues à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve.

Un décret en Conseil d'État détermine en tant que de besoin les modalités d'application du présent article.

Les amendements identiques n°s86 rectifiés et 225 sont devenus sans objet.

L'article 9 est adopté.

Division additionnelle

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre ...

Des lieux de détention

M. Claude Jeannerot.  - Cette division additionnelle améliorera la lisibilité de la loi.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Les préoccupations ayant justifié cet amendement et les trois suivants sont déjà satisfaites par le texte de la commission, qui est donc défavorable.

L'amendement n°87, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des établissements pénitentiaires situés près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.

M. Claude Jeannerot.  - Il a déjà été présenté.

L'amendement n°88, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération.

M. Claude Jeannerot.  - Il a déjà été présenté.

L'amendement n°89, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tous les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment.

Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité.

M. Claude Jeannerot.  - Il a déjà été présenté.

L'amendement n°91, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 10

L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.

M. Louis Mermaz.  - Dans un instant, nous présenterons un amendement relatif à l'état de santé des détenus.

Cet article concerne les restrictions aux droits des détenus. Nous ouvrons donc les deux oreilles !

Les contraintes inhérentes à la détention, à la sécurité et au bon ordre des établissements relèvent du bon sens, mais leur énoncé flou confère depuis longtemps une autonomie considérable aux établissements pénitentiaires, qui peuvent en déduire ce qu'ils souhaitent. En effet, malgré les progrès récents du contrôle exercé par le juge administratif, celui-ci n'intervient que bien trop tard après les faits pour peser sur la vie carcérale. Nous retrouvons une situation analogue à celle qui prévaut lorsque l'expulsion d'un étranger est examinée par la justice alors que l'intéressé a quitté depuis longtemps le territoire national.

A ces restrictions, le projet de loi ajoute la prévention de la récidive et l'intérêt des victimes. Quel est le rapport avec les droits reconnus aux détenus ?

Enfin, le texte précise que ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus. Nous demandons également que l'état de santé soit pris en considération, ce qui n'est pas assez le cas, faute de moyens.

Nous sommes gênés par l'absence de tout distinguo entre des droits absolus et ceux dont l'exercice quotidien peut subir des restrictions.

En juillet 2008, le Comité des droits de l'homme de l'ONU a salué « les efforts notables entrepris par la France pour rénover les bâtiments pénitentiaires » et augmenter le nombre de places pour les prévenus Il y a donc parfois de bonnes nouvelles, mais la surpopulation atteint tout de même 136 %. Le Comité a également mentionné les « mesures de substitution à l'incarcération ». En ce domaine, cela commence à bouger, mais à un rythme trop lent. Toutefois, le Comité a regretté que les « projets tendant à recueillir systématiquement des données sur les allégations de mauvais traitements par les représentants des forces de l'ordre » ne permettent pas toujours d'y voir clair. Nous rendons hommage -ce qui est normal- à la police et au personnel pénitentiaire, mais il y a parfois des brutalités et des violences. Le savoir ne porte pas atteinte à l'honneur de la plupart des intéressés. Le Comité des droits de l'homme a relevé que certains comportements non déontologiques laissaient à désirer, notamment « le recours inapproprié à l'isolement cellulaire et les violences à l'intérieur de la prison », ce qui justifie de renforcer énergiquement le contrôle des prisons. C'est le travail du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ; M. Delarue est soucieux d'y parvenir.

Mais le Comité des droits de l'homme de l'ONU s'est également inquiété des « allégations indiquant que » des « demandeurs d'asile, détenus dans des prisons » -où ils ne devraient pas être !- « sont l'objet de mauvais traitements de la part des agents des forces de l'ordre » et il relève que « la France n'a pas ouvert d'enquête sur ces violations des droits de l'homme, ni sanctionné comme il convient leurs auteurs ». Nous avons souvent évoqué ici le sort des demandeurs d'asile, qui nuit tant à l'image de la France.

M. Thomas Hammarberg, commissaire européen aux droits de l'homme, a souligné que la réforme de la législation pénitentiaire ne devait pas occulter le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Il a constaté que diminuer la durée de placement en quartier disciplinaire était urgent. Ni le Gouvernement ni la commission ne vont assez loin sur ce point, ni pour assurer l'effectivité du droit de vote ou des liens familiaux. Le commissaire européen a insisté sur l'enseignement individuel et l'amélioration des conditions de détention. Nous savons de quoi il s'agit : la promiscuité, la vétusté des installations et les mauvaises conditions d'hygiène.

Le Comité national consultatif des droits de l'homme a rappelé que le rapport de la commission Canivet, remis le 6 mars 2000, avait déploré « la trop grande marge d'appréciation » que les règles législatives ou réglementaires applicables laissent à l'administration pénitentiaire. Fidèle à cette mauvaise tradition, le flou de l'article 10 n'apporte pas à l'encadrement juridique de la détention la précision et la prévisibilité nécessaires.

Nous souhaitons que le rapporteur, dont nous connaissons la vélocité de plume, ajoute à cet article que les droits des détenus sont respectés sans discrimination d'aucune sorte, car les améliorations proposées pour certaines personnes ne doivent pas porter atteint à l'universalité des droits. Il est temps d'encadrer les pouvoirs du service pénitentiaire afin qu'ils puissent agir de façon discrétionnaire. Il en va de l'honneur de notre administration !

M. Alain Anziani.  - Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux excellents propos de M. Mermaz sur l'article 10, qui m'avait fait l'impression d'être beau comme une règle pénitentiaire européenne.

Monsieur le président, vous avez déclaré sans objet des amendements qui, à mon sens, auraient mérité un scrutin.

M. le président.  - Leurs auteurs, qui les avaient présentés par anticipation, ont constaté avec moi que les amendements étaient devenus sans objet.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je partage l'avis de M. Mermaz. Si nous avons aujourd'hui ce débat, c'est parce que les prisons ont longtemps été des zones de non-droit. Une peine d'emprisonnement consiste en la privation du droit d'aller et venir, rien d'autre. M. Giscard d'Estaing s'était déjà ému au début de son septennat de la condition faite aux détenus. Non que je sois une « groupie » de M. Giscard d'Estaing... (Marques d'amusement à droite) Mais c'était en 1974 ! Je ne suis pas sûre que nous ayons encore assimilé cette leçon...

M. Bernard Saugey.  - La gauche a été aux affaires depuis lors !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Certes il y a eu des avancées, notamment au niveau européen. Quant au Conseil d'État, il a rendu le 17 décembre 2008 plusieurs décisions très importantes, qui complètent notre jurisprudence et améliorent la protection des droits des détenus. Le commissaire du Gouvernement, dans un exercice de communication inhabituel, a déclaré : « Le juge administratif prend ses responsabilités de juge. Il y avait des zones de non-droit parce qu'il ne jouait pas son rôle. Plus rien ne doit lui échapper en prison. »

La première de ces décisions énonce qu'une faute simple de la part de l'administration pénitentiaire ayant entraîné le décès d'un détenu suffit pour mettre en cause la responsabilité de l'État ; la deuxième, que tout placement en isolement à titre préventif est susceptible de recours ; la troisième, que l'administration pénitentiaire doit protéger la vie des détenus par toutes les mesures appropriées.

Entre octobre et décembre 2008, le Conseil d'État a renforcé le contrôle du juge administratif sur l'administration pénitentiaire, notamment en ce qui concerne les fouilles et la gestion des biens des détenus.

Le 6 janvier dernier M. Delarue, Contrôleur général, a émis plusieurs recommandations après une visite à la prison de Villefranche, tout en précisant qu'elles pouvaient s'appliquer à d'autres établissements précédemment visités. Il a relevé en particulier que les cours de promenade sont de véritables zones de non-droit où le personnel de l'administration ne s'aventure jamais, des lieux de tous les dangers où les prisonniers reçoivent parfois des blessures graves. (M. Nicolas About, rapporteur pour avis, acquiesce) Cette violence sans cesse latente provoque chez certains d'entre eux des tendances dépressives, voire suicidaires. Les possibilités de recours contre les décisions de l'administration sont insuffisantes, ainsi que la prise en charge sociale des détenus. Certaines pratiques de l'administration pèsent lourdement sur l'état psychologique de ces derniers, comme la pose de caillebotis sur les fenêtres, destinée à parer aux jets de pierre mais qui plonge les cellules dans une obscurité permanente. Certains ont le sentiment de n'être plus traités comme des êtres humains.

L'institution du Contrôleur général est donc essentielle, mais elle ne suffit pas. Pour mettre fin à ces dérives, il faut garantir par la loi les droits fondamentaux des détenus. Voilà pourquoi la rédaction actuelle de l'article 10 ne nous convient pas : elle laisse à l'administration toute latitude pour restreindre les droits des détenus lorsqu'elle l'estime opportun. Nous insistons au contraire pour que toute atteinte aux droits des détenus soit ponctuelle et expressément motivée. On ne nous fera pas croire qu'une telle précision est inutile parce qu'il y a déjà des règles européennes, que la rédaction actuelle du projet de loi assure des droits aux détenus... Il faut asseoir ces principes.

M. le président.  - Amendement n°226, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant du maintien de la sécurité, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché.

Elle est tenue à l'impartialité, sans distinction aucune tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux moeurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance ou à la non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°94 rectifié, présenté par M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :

âge

insérer les mots :

, de l'état de santé

M. Alain Anziani.  - Cet amendement devrait faire consensus : nous proposons que l'administration pénitentiaire doive tenir compte de l'état de santé des détenus lorsqu'elle décide de restreindre leurs droits.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le premier alinéa de l'amendement n°226 ne mentionne ni la prévention de la récidive, ni la protection de l'intérêt des victimes, ni le principe selon lequel les restrictions des droits des détenus doivent tenir compte de leur âge et de leur personnalité. Quant au second alinéa, comme toute énumération il comporte des lacunes. La commission préfère donc s'en tenir à son propre texte. En garantissant les droits des détenus, il interdit toute discrimination. Avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°94 rectifié : il est légitime de moduler les restrictions des droits des détenus en fonction de leur état de santé.

Je propose en outre de rectifier l'article 10 pour y introduire la notion de dignité. Sa dernière phrase serait ainsi rédigée : « Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé et de la personnalité des personnes détenues, sans porter atteinte à leur dignité. »

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'article 10 renforce les droits des détenus et encadre les restrictions qui peuvent y être apportées. Il énonce un principe général, et il ne me semble pas bon de décliner l'ensemble des droits des détenus ou des motifs possibles de discrimination, comme le fait l'amendement n°226. Avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n°94 rectifié, il est évidemment souhaitable de prendre en compte l'état de santé des détenus, mais je ne suis pas très favorable au fait de dresser une liste de caractéristiques et de droits. Je découvre avec vous le nouveau texte de la commission. Le respect de la dignité ne recouvre-t-il pas celui de tous les droits fondamentaux ? Sagesse.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - C'est le dernier lieu du texte où nous pouvons introduire le mot « dignité ». C'est presque une lapalissade : les restrictions apportées aux droits des détenus ne doivent pas porter atteinte à leur dignité. Il en va ainsi des fouilles.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Ce sera difficile...

M. Louis Mermaz.  - Je suis sensible aux préoccupations de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux. Ne serait-il pas plus judicieux d'écrire au début de l'article : « L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits et de sa dignité » ? Ainsi cette règle ne s'appliquerait pas aux seuls détenus âgés ou malades. Nous sommes ici encore favorables à l'inscription dans la loi d'un principe général.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - J'ai envisagé cette rédaction. Mais elle laisserait à penser que l'administration pénitentiaire peut non seulement restreindre les droits, mais aussi porter atteinte à la dignité des détenus, ce qui est évidemment exclu. Je remercie cependant M. Mermaz pour son ingéniosité, qui me fait regretter qu'il n'appartienne pas à la commission des lois.

M. Louis Mermaz.  - Je comprends les arguments de M. le rapporteur. Ne pourrait-on pas ajouter à la fin de l'article une phrase supplémentaire, afin de garantir le respect de la dignité de tous les détenus ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je veux bien croire que l'énumération contenue dans notre amendement est incomplète. Mais il ne me paraît pas inutile d'inscrire dans la loi que les restrictions apportées aux droits des détenus « doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché » : cela renforcerait les pouvoirs de contrôle du juge.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La commission demande une suspension de séance afin de décider de quelle manière introduire dans l'article la notion de dignité. Peut-être nos collègues qui ont déposé des amendements pourront-ils alors se ranger à notre texte.

M. le président.  - Votons d'abord sur l'amendement n°226.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Non car la suspension de séance doit précisément nous servir à nous mettre d'accord sur une rédaction.

M. le président.  - Soit.

La séance, suspendue à 18 heures, reprend à 18 h 10.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous proposons d'ajouter au début de l'article 10 la phrase : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette suspension de séance nous a permis d'avancer. Je m'en réjouis.

Mais à la suite de ce qu'a dit M. Mermaz, l'amendement n°226 contient un certain nombre de précisions auxquelles nous attachons une grande importance et qui ne sont pas reprises dans la rédaction qui nous est proposée pour l'article 10.

Puisque nous disons l'importance des droits de la personne et affirmons que tout détenu est d'abord un être humain, la rédaction de l'amendement n°226 est plus en harmonie avec ce principe et définit mieux les restrictions.

M. Robert Badinter.  - Seuls la commission et le Gouvernement ont le droit de déposer des amendements à ce stade du débat. Il est essentiel d'introduire le mot « dignité ». On dit que le détenu a droit au respect de ses droits, mais la version initiale de l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme, texte sacré, disait : « tous les êtres humains naissent égaux en droits  » et René Cassin a ajouté « en dignité et en droits ». Il est infiniment préférable de reprendre cette formulation en disant qu'on « garantit le respect de sa dignité et de ses droits ». Cela apparaît naturel, légitime, et cela vaut mieux que de reproduire un principe général.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - J'ai le rôle ingrat de dire à quel point je suis convaincu par vos arguments sans pouvoir me résoudre à les suivre. Oui, la référence à la proportionnalité est intéressante...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Importante !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous avons essayé de la décliner article par article, par exemple à l'article 24 sur les fouilles : la philosophie de cet amendement ne nous est donc pas étrangère.

Quant au président Badinter, j'ai envie de lui dire : « un peu à la fois ! » Nous nous rapprochons progressivement et la procédure n'est pas finie. Il aurait été dommage de ne pas inscrire la notion de dignité et de laisser passer la dernière occasion de le faire de manière cohérente. Certes, votre présentation est plus belle, plus séduisante et mieux pensée, mais elle présente deux inconvénients : premièrement, les restrictions que l'on envisage ensuite ne s'appliquent qu'aux droits, car on ne restreint pas la dignité ; deuxièmement, si nous donnons cette mission à l'administration pénitentiaire, que nous respectons, que répondrai-je aux gardiens qui me diront que ce n'est pas leur faute s'ils sont entassés à quatre par cellule ? Je préfère m'en tenir à notre rédaction. 

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous voulions que les restrictions soient justifiées et proportionnelles. Il importe de donner à cet article introductif une forme plus générale. Nous pourrions d'ailleurs éviter l'énumération en écrivant « sans distinction et sans discrimination ».

M. Alain Anziani.  - Ne donnons pas l'impression de jouer à cache-cache avec la dignité ; ce serait une erreur grave de céder aux 36 objections qui s'élèvent à chaque fois contre son maintien. Je ne comprends pas la logique qui consiste à affirmer que tout le monde a droit à la dignité : c'est une évidence. L'important, c'est de la garantir ; voilà pourquoi notre rédaction ajoute beaucoup. Notre rapporteur a fait un aveu considérable : il a dit qu'il ne fallait pas inscrire certains principes, car ils ne seraient pas respectés ». A-t-il vu les conséquences de cette logique sur la suite du texte ? Il y a des droits et ils s'imposent à tous.

L'amendement n°226 n'est pas adopté.

L'amendement n°94 rectifié est adopté.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je me bats depuis le début pour que la dignité figure dans ce texte ; la Déclaration universelle des droits de l'homme ne rappelle-t-elle pas que tous les hommes y ont droit, donc les détenus ? Ne pas exiger son respect de l'administration pénitentiaire me semble grave car si personne n'en est responsable, la déclaration reste vide de sens. Ce retrait est inapproprié.

M. Louis Mermaz.  - Nous constatons que le rapporteur et la garde des sceaux ont fait un effort et je suis satisfait que la dignité trouve place dans le texte mais le vague, le flou des restrictions laisseront l'administration pénitentiaire libre de faire ce qu'elle veut. Dès lors, il est logique de ne pas voter ce texte.

M. Robert Badinter.  - Par définition, tout homme a droit à la dignité. Dire que tout détenu a droit au respect de sa dignité, c'est rappeler qu'il est un être humain. Pour être constructif, il faut aller au-delà de cette évidence et écrire que l'administration pénitentiaire garantit à chaque détenu le respect de sa dignité et de ses droits.

Si la majorité campe sur la position du rapporteur, si le mot dignité est de trop, alors nous nous abstiendrons. Comment faire oeuvre constructive dans ces conditions ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est dommage de ne pas trouver un accord sur ce minimum ! En outre, je regrette que l'on n'ait pas retenu notre proposition de motiver précisément les restrictions à l'exercice des droits fondamentaux de la personne humaine.

M. Claude Jeannerot.  - Confier à l'administration pénitentiaire une mission aussi fondamentale la grandit et la magnifie. Nous lui donnons ainsi l'occasion de se valoriser.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Il me semble qu'au fond nous sommes tous d'accord. Toute personne a droit au respect de sa dignité, mais l'administration pénitentiaire n'en a pas toujours les moyens. Nous pouvons rapprocher les deux points de vue...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous n'allons pas refaire encore le texte !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - ... en précisant que l'administration pénitentiaire contribue par tous ses moyens au respect de la dignité de la personne détenue.

M. Marc Laménie.  - Je suis pour l'inscription de la notion de dignité, mais un droit s'accompagne généralement de devoirs... Jean-Jacques Hyest et le rapporteur l'ont rappelé : n'oublions pas les personnels qui oeuvrent au quotidien dans les prisons. Cet article est très complexe.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le respect de la dignité est une responsabilité collective qui ne repose pas seulement sur l'administration pénitentiaire ; c'est d'abord la nôtre. Si nous étions plus nombreux à visiter les prisons, les choses iraient peut-être mieux ! En précisant que chaque personne détenue a droit au respect de sa dignité, nous nous engageons tous à garantir ce droit.

M. le Président.  - Je rappelle que M. le rapporteur a rectifié l'article 10 en ajoutant au début la phrase : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité ».

L'article 10 rectifié, modifié, est adopté.

Rappel au Règlement

M. Josselin de Rohan.  - Hier, notre collègue Jean-Louis Carrère s'est étonné, au nom du groupe socialiste, que la commission des affaires étrangères ait entendu deux collaborateurs du Président de la République sans qu'un compte rendu ait été fait de cette entrevue. Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas là d'une pression exercée par le Gouvernement avant le débat sur l'Otan : j'ai convoqué ces deux personnes, qui ont également collaboré avec le Président de la République précédent, de ma propre initiative pour obtenir un éclairage supplémentaire sur les conditions de la réintégration de l'Otan par la France.

Cette réunion s'est tenue dans des conditions particulières par respect de la séparation des pouvoirs, la commission n'étant pas censée entendre des collaborateurs du Président de la République. Je regrette que nos collègues socialistes aient refusé d'y assister, mais je ne peux les laisser dire que nous avons répondu à une sollicitation de l'Élysée. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.

Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi pénitentiaire.

Discussion des articles (Suite)

Article 10 bis

Lors de son admission dans un établissement pénitentiaire, le détenu est informé des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations et aux recours et requêtes qu'il peut former. Les règles applicables à l'établissement sont également portées à sa connaissance.

M. Alain Anziani.  - Il faut rétablir les cinq mots retirés à cet article : cette information doit être donnée au détenu « dans une langue qu'il comprend ». Cette proposition a été frappée de l'article 40, ce qui relève de l'absurde ! Que vaut une information donnée en anglais à un détenu italien ou russe ?

M. Richard Yung.  - Cet article est le fruit d'un amendement présenté par la commission des lois et nous voulions le compléter d'une précision sur la langue employée. Cependant, le 4 février, notre rapporteur a supprimé cette précision qui tombe sous le coup de l'article 40 de la Constitution.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il aurait frappé ! (Sourires)

M. Richard Yung.  - C'est très dommageable. Notre initiative s'inspirait de la réflexion de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. De même, le Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire a recommandé la délivrance d'un livret d'accueil dans une langue que les détenus étrangers peuvent comprendre, tout comme l'avant-projet de loi pour la transmission de certains documents aux étrangers.

On ne peut refuser aux détenus étrangers l'accès à une information compréhensible. Cela empêche notre pays de se conformer à la règle européenne n°30, qui affirme que « chaque détenu doit être informé par écrit et oralement dans une langue qu'il comprend de la réglementation relative à la discipline ». Imaginez la détresse de l'étranger non francophone dans l'univers difficile de la prison : c'est kafkaïen ! Les étrangers sont d'autant plus durement affectés par la détention qu'ils sont en outre exclus de l'accès à la formation, au travail, à la santé...

M. Bernard Frimat.  - Ce problème est simple, et peut même faire l'unanimité. Cela ne sera pas le cas si on le traite par l'absurde en avertissant les détenus de leurs droits dans une langue qu'ils ne peuvent comprendre.

Le rapporteur nous dit qu'il accepterait volontiers de rajouter ces cinq mots, n'était le problème de l'article 40. Il n'y a donc pas de désaccord de fond entre nous. Nous ne pouvons plus, hélas ! proposer de sous-amendement -encore une grande avancée de la révision constitutionnelle... Si donc le rapporteur est d'accord pour rétablir son texte dans sa version d'origine, il existe un moyen simple de surmonter le problème de l'irrecevabilité : le ministre dispose de ce pouvoir magique de lever l'irrecevabilité. Mme la garde des sceaux pense-t-elle ou non que les détenus, lors de leur admission, doivent être informés dans une langue qu'ils comprennent ?

J'en profite pour observer, monsieur le président, que nous avons fait la preuve, sur la dignité, que le travail parlementaire permet de faire avancer les choses, et que la navette serait bien utile sur ce texte... N'est-il donc pas temps de convaincre le Gouvernement, non d'aller à Canossa, car il y fait mauvais temps (sourires), mais de lever l'urgence qu'il a décrétée sur ce texte ?

M. Louis Mermaz.  - Même dans les centres de rétention administrative, qui ne sont pourtant pas un modèle du genre -je puis le dire pour être l'auteur de deux rapports de la commission des lois de l'Assemblée nationale- les personnes retenues ont droit à une information dans cinq langues étrangères. Et on ne pourrait pas faire la même chose dans les prisons ? J'invite donc le rapporteur et Mme la garde des sceaux à tenir compte de cette observation, faite dans une langue qu'ils comprennent parfaitement...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Les voies de l'irrecevabilité sont parfois, comme celles du Seigneur, impénétrables... Cela dit, j'ai eu l'occasion, avec le président, de discuter du problème avec la directrice de Loos, qui nous a montré les documents d'information distribués aux détenus, dans l'ensemble des langues parlées dans son établissement. C'est elle-même qui s'était chargée de la traduction en allemand, un autre l'avait faite en turc, et bon nombre des membres du personnel avaient mis la main à la pâte. Peut-être pourrait-on faire confiance à l'administration pénitentiaire ? (Exclamations à gauche)

M. le président.  - Sans m'immiscer dans le débat, je me permets d'observer, en ma qualité de plus ancien membre de la commission des finances, que l'on peut s'interroger, quelquefois, sur l'usage qui est parfois fait de l'article 40... Nous pourrions profiter de la Conférence des Présidents pour demander s'il n'y a pas eu, en l'espèce, une erreur d'interprétation, que le bon sens devrait corriger. Il ne s'agit pas, monsieur Frimat, de demander à la ministre de lever un gage, puisque l'irrecevabilité a été prononcée avant l'examen en commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous sommes en effet parfois un peu surpris de l'application de l'article 40. Mais, dès lors qu'il s'applique, nous sommes privés de tout moyen. J'ai essayé une fois, en vain, de le faire lever pour l'application de dispositions pénales plus favorables outre-mer. C'est le Gouvernement qui a dû reprendre l'amendement.

Il est évident que l'administration serait condamnée si les détenus n'étaient pas informés de leurs droits et devoirs et des possibilités de recours. Il est vrai, aussi, qu'il faut se garder de prêter la main aux abus : certains, qui pour avoir traversé bien des pays anglophones avant d'arriver en France entendent l'anglais font parfois mine de n'y rien comprendre... La navette devrait nous permettre de régler cette question délicate. (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il n'y aura pas de navette !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais il y aura une CMP, et les députés seront parfaitement au fait de nos débats. Quant à moi, monsieur le président, je ne me permettrais pas de dire que la commission des finances n'a pas une parfaite compréhension de l'article 40 et de lui demander de revenir sur ce qu'elle a jugé...

M. le président.  - Je pense que l'erreur est humaine. J'en parlerai au président Arthuis. Nous sommes d'accord sur le fond.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'aimerais connaître la position de Mme la ministre. Car il me semble, en faisant état de risques d'abus ou de « trichoteries », que nous avons perdu de vue la question de fond, qui est celle de l'information dispensée aux détenus à leur admission.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - N'oublions pas qu'il y a 20 % d'étrangers en prison, soit un détenu sur cinq. J'aimerais que Mme la ministre nous dise si oui ou non l'information des étrangers doit être assurée dans une langue qui leur est compréhensible, et si la réponse est oui, qu'elle lève l'irrecevabilité, si elle a la possibilité de le faire.

M. le président.  - La ministre ne peut lever l'irrecevabilité, puisqu'il n'y a pas de gage. J'évoquerai le problème en Conférence des Présidents.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Elle peut reprendre l'amendement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je n'y suis pas favorable. Pour assurer le respect des droits fondamentaux des détenus, par exemple dans les instances disciplinaires, l'administration pénitentiaire fait venir, à ses frais, un interprète. Pour l'information générale, il existe des guides dans plusieurs langues. Si l'on inscrit l'obligation d'une information dans une langue compréhensible dans toutes les situations de la vie quotidienne, on ouvre la voie à toutes les dérives. Un détenu pourra bientôt se plaindre quand on lui dira bonjour en français ! Restons pragmatiques, et ne compliquons pas la tâche de l'administration pénitentiaire. Nous savons qu'il existe, dans le contentieux de l'asile, des utilisations abusives de la procédure. J'ajoute, à l'attention de Mme Boumediene-Thiery, que sur les 18 % d'étrangers que comptent nos prisons, 60 % sont francophones.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je précise, madame la ministre, qu'il ne s'agit que de faire connaître aux détenus, lors de leur admission, leurs droits et obligations et les voies de recours qui leur sont ouvertes. Ce n'est pas là une information qui change tous les jours. Vous nous dites qu'elle existe déjà dans au moins cinq langues. C'est donc que la chose est possible à réaliser sans mobiliser de gros moyens.

Ce système existe même dans les centres de rétention, où la population est bien moins stable.

Monsieur le Président, j'ai défendu fermement le point de vue de la commission des finances, même si je ne suis pas toujours convaincu, selon mon habitude ! (Sourires)

M. Louis Mermaz.  - Et non sans humanisme.

M. le président.  - Nul doute que les points de vue des deux commissions se rapprocheront pendant la suspension. J'en ai déjà saisi le président Arthuis...

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. le président.  - Les commissions des affaires sociales et des finances ont proposé respectivement deux et une candidature pour des organismes extraparlementaires.

La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame : M. Alain Gournac et Mme Anne-Marie Payet respectivement membre titulaire et membre suppléant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ; Mme Nicole Bricq membre de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 21 h 35.

Conférence des Présidents

Mme la présidente.  - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

JEUDI 5 MARS 2009

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi pénitentiaire (texte de la commission) ;

A 15 heures et le soir :

- Questions d'actualité au Gouvernement ;

- Désignation de 36 membres de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, les présidents de groupes politiques et le délégué de la Réunion des sénateurs non inscrits siégeant ès qualités au sein de cette mission ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite de l'ordre du jour du matin.

Éventuellement, VENDREDI 6 MARS 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi pénitentiaire.

LUNDI 9 MARS 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.

MARDI 10 MARS 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30 jusqu'à 10 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (texte de la commission) ;

MERCREDI 11 MARS 2009

A 15 heures et le soir :

- Désignation des 36 membres de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer.

JEUDI 12 MARS 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer.

Éventuellement, VENDREDI 13 MARS 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer.

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT ET D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

MARDI 17 MARS 2009

A 9 heures 30 :

- Dix-huit questions orales ;

A 15 heures :

- Débat sur l'avenir de la presse (aides financières à la presse, métier de journaliste et distribution) ;

A 17 heures 30 :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars.

MERCREDI 18 MARS 2009

A 15 heures :

- Débat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales.

JEUDI 19 MARS 2009

A 9 heures 30 :

- Question orale avec débat de M. David Assouline à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'application de la loi n°2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;

A 15 heures :

- Questions d'actualité au Gouvernement ;

- Question orale avec débat de Mme Michèle André à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur la politique de lutte contre les violences faites aux femmes.

SEMAINE D'INITIATIVE SÉNATORIALE

MARDI 24 MARS 2009

A 15 heures :

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (texte de la commission).

MERCREDI 25 MARS 2009

A 15 heures :

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Hubert Haenel, sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes.

JEUDI 26 MARS 2009

Journée mensuelle réservée aux groupes de l'opposition et aux groupes minoritaires :

A 9 heures :

- La Conférence des Présidents délibérera lors de sa prochaine réunion sur l'inscription des deux sujets réservés au groupe socialiste et au groupe CRC-SPG.

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Question orale du groupe socialiste sur les problèmes rencontrés par les services publics ruraux ;

- Proposition de loi visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d'accueil des élèves d'écoles maternelles et élémentaires, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 31 MARS 2009

A 10 heures :

- Dix-huit questions orales ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures et le soir :

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2009.

MERCREDI 1ER AVRIL 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

JEUDI 2 AVRIL 2009

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers ;

A 15 heures et le soir :

- Questions d'actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite de l'ordre du jour du matin.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La Conférence des Présidents a-t-elle été saisie du problème de l'urgence déclarée par le Gouvernement sur le projet de loi pénitentiaire ? Le président de l'Assemblée nationale a souhaité que la déclaration d'urgence soit abolie ; et au Sénat, le président Bel, au nom du groupe socialiste, l'a également réclamé avec insistance. Nous sommes nombreux à considérer que pour la première mise en oeuvre des nouvelles dispositions, il est indispensable de prendre tout le temps prévu par la Constitution pour traiter au fond, durant une vraie navette, de la question pénitentiaire.

Mme la présidente.  - La Conférence des Présidents a évoqué ce sujet. A la suite des interventions des présidents de groupe Mme Borvo Cohen-Seat et M. Bel, le président du Sénat a écrit à M. le Premier ministre, qui lui a répondu par lettre en date du 4 mars. M. Fillon confirme la décision du Gouvernement de maintenir l'urgence et développe une analyse différente de celle présentée par les deux groupes : il estime que la déclaration ayant été faite avant le 1er mars dernier, la règle antérieure s'applique.

Il m'a semblé néanmoins en Conférence des Présidents que la réponse négative à propos de l'urgence n'excluait pas une évolution ultérieure en fonction de l'état du texte après son examen par chacune des deux assemblées.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si le Premier ministre maintient sa position, nous en prenons acte, mais la nouvelle rédaction du texte constitutionnel me semble autoriser les deux Conférences des Présidents à lever la procédure accélérée si elles en sont d'accord. Est-ce exact ?

Mme la présidente.  - Je répète que, selon le Premier ministre, le texte applicable en matière de procédures d'urgence et celui antérieur à la dernière révision constitutionnelle. En outre, la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée.

Le Gouvernement a refusé de faire droit aux demandes formulées par le président de l'Assemblée nationale et par celui du Sénat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Gouvernement ne nous a pas convaincus qu'il était possible de faire cohabiter deux règles constitutionnelles à propos d'un même texte.

M. Charles Revet.  - Il s'agit d'une période intermédiaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La procédure d'urgence a disparu depuis la révision constitutionnelle de juillet.

En Conférence des Présidents, le ministre chargé des relations avec le Parlement a confirmé que l'application de la procédure pourrait être revue, mais que cette question n'était pas d'actualité, puisque l'Assemblée nationale n'examinerait peut-être pas avant le mois de mai ce texte que nous avons dans nos tiroirs depuis huit mois. Cette perspective est totalement contradictoire avec la déclaration d'urgence !

M. Richard Yung.  - J'éprouve un malaise.

Il est déjà curieux d'appliquer l'urgence, mais dois-je comprendre que la perspective de sa levée viendrait récompenser l'évolution vers un texte conforme aux souhaits du Gouvernement ? Ou est-ce le contraire ? Je me perds en conjectures.

Mme la présidente.  - Le Gouvernement est seul à même de répondre.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je demande une suspension de séance de dix minutes pour examiner la situation extrêmement complexe dans laquelle nous nous trouvons.

Mme la présidente.  - D'accord pour une suspension de cinq minutes.

La séance, suspendue à 21 h 50, reprend à 21 h 55.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Notre groupe s'est réuni avec beaucoup de gravité, car le Parlement se trouve dans une situation de confusion indigne sur le fond et quant à la procédure.

Sur le fond, nous examinons un sujet de la plus haute importance pour notre société. Des rapports parlementaires importants ont été publiés ; notre rapporteur s'est livré à un travail considérable. Et sur ce texte législatif attendu depuis de nombreuses des années, nous assistons à une palinodie !

On prétend qu'il faudrait le traiter en urgence, alors qu'une navette parlementaire normale est amplement justifiée. Tout le monde le sait ! S'il y a urgence, pourquoi l'Assemblée nationale n'examinera-t-elle ce projet de loi qu'en mai ? Si l'urgence est de pure convenance, qu'on le dise !

Le sujet est urgent parce que les prisons vont mal, mais nous ne sommes pas à quelques mois près. Que la procédure parlementaire aille à son terme !

En outre, la procédure d'urgence n'existant plus depuis la révision constitutionnelle, le Gouvernement veut appliquer en fait la procédure accélérée.

Puisque c'est la nouvelle procédure qui s'applique, les deux chambres du Parlement peuvent s'y opposer conjointement. Le président de l'Assemblée nationale a déjà dit son hostilité à la mise en oeuvre de l'urgence et je suppose que la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale le suivra sur ce point. Nous demandons donc que celle du Sénat se réunisse et demande à son tour le retrait de la déclaration d'urgence. Ce serait un puissant symbole des nouveaux pouvoirs du Parlement ! Nous pourrions ainsi poursuivre ce débat dans l'esprit serein et constructif qui l'a animé jusqu'ici.

Rappel au Règlement

M. Louis Mermaz.  - Avant la suspension, nous avions évoqué la question de la présence d'interprètes chargés de traduire les informations destinées aux détenus dans les langues qu'ils comprennent. Cette disposition avait été frappée par l'article 40, mais le président de la commission et le rapporteur s'étaient montré conscients du problème et devaient s'entretenir avec le président de la commission des finances pour lui demander de revoir sa position. Quelle est l'issue de cette réunion ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La commission des finances a opposé l'article 40 à un amendement de la commission portant non sur les interprètes, mais sur la traduction des documents fournis aux détenus. (M. Louis Mermaz le reconnaît) Elle a confirmé son avis. Nous essaierons de trouver une solution avant la fin de l'examen du projet de loi, mais d'ici là, il nous faut voter l'article tel quel.

M. Louis Mermaz.  - Peut-être pourrait-on demander à M. Gélard de traduire ces documents en anglais... Soyons sérieux : il s'agit d'un problème grave et nous attendons une réponse.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je vous l'ai donnée.

M. Louis Mermaz.  - Je veux dire une réponse positive ! (On s'exclame au banc des commissions)

M. Hugues Portelli.  - M. Mermaz a raison : le recours à l'article 40 sur ce texte est abusif. Si nous voulons que le Conseil constitutionnel s'interroge sur les modalités d'application de cet article, il faut que les parlementaires fassent part en séance de leur mécontentement. (Marques d'approbation à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est le Conseil constitutionnel qui nous a contraints à revoir la procédure pour l'application de l'article 40 ! (M. Michel Mercier acquiesce) Ne revenons pas sur un débat douloureux.

M. Alain Anziani.  - Ce débat confine à l'absurde. Vu l'effervescence qui régnait aux bancs des commissions et du Gouvernement, nous avions cru qu'une solution positive allait être trouvée à ce problème. J'en appelle à Mme la garde des sceaux, qui a le pouvoir de lever nos doutes et est certainement soucieuse de l'efficacité pratique de son texte. A quoi sert de fournir des informations à quelqu'un qui ne peut les comprendre ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'ai déjà répondu à ces questions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout le monde a l'air d'accord sur le fond. Mais Mme la ministre s'est contentée de nous dire qu'il ne pouvait y avoir un interprète derrière chaque détenu. Elle n'a pas répondu à notre question. Pourquoi énoncer un principe sans permettre qu'il soit appliqué ? Le Gouvernement a les moyens de résoudre ce problème s'il le souhaite ; faute de quoi, nous demandons que cet article soit réservé jusqu'à ce que la commission des finances ait réexaminé la question ou que nous ayons trouvé une autre solution.

Le Conseil constitutionnel nous impose de statuer sur l'application de l'article 40 avant la séance. Mais cette procédure ne peut être arbitraire : les décisions de la commission des finances doivent pouvoir faire l'objet d'un recours. (Marques d'impatience au banc des commissions)

M. Alain Anziani.  - Nous souhaitons également que Mme la ministre réserve l'examen de cet article.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Encore une fois, j'ai répondu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - L'article 40 s'applique, il n'y a rien à ajouter. Peut-être faudrait-il s'interroger d'une manière générale sur les conditions de sa mise en oeuvre... (M. Charles Revet renchérit) mais cela viendra en son temps. Il est temps de clore ce débat.

Loi pénitentiaire (Urgence  -  Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 10 bis (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen, après déclaration d'urgence, du projet de loi pénitentiaire. Au sein de la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements à l'article 10 bis.

Amendement n°211 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du RDSE.

Dans la première phrase de cet article, après les mots :

le détenu est informé

insérer les mots :

oralement et par la remise d'un document écrit

M. Jacques Mézard.  - Afin de contourner la décision choquante de faire valoir ici l'article 40, nous renonçons à inscrire dans la loi que les informations sont fournies au détenu dans une langue qu'il comprend, mais nous proposons de préciser que le détenu est informé oralement et par la remise d'un document écrit. Nous examinons un texte que M. Badinter a qualifié de « grande loi », et nous ne devons pas regarder les choses par le petit bout de la lorgnette ! Il est essentiel que les détenus soient correctement informés. Mme la garde des sceaux nous a indiqué que l'on usait généralement d'expédients : tantôt le personnel pénitentiaire traduit lui-même ces informations, tantôt ce sont les codétenus qui se chargent de les transmettre d'une manière plus ou moins fiable...

Il est important de préciser que les détenus sont informés oralement et par écrit ; Mme la garde des sceaux pourrait nous donner l'assurance que les documents écrits seront traduits, ce qui assurerait la transmission des informations essentielles relatives au régime de détention, aux droits et obligations des détenus, aux voies de recours et de requête, ainsi qu'aux règles de l'établissement.

Nous n'en protestons pas moins contre le recours abusif à l'article 40.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Étant donné les difficultés que nous avons évoquées, cette précision paraît utile. Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis. Pas moins de 100 000 livrets d'accueil seront édités à cette fin.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter la seconde phrase de cet article par les mots :

et lui sont rendues accessibles pendant la durée de sa détention.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les parlementaires constatent trop souvent que les informations nécessaires ne sont pas toujours transmises aux détenus. Je rappelle que le Conseil de l'Europe a adopté le 21 juin 1984 une recommandation selon laquelle « les détenus étrangers devraient être informés à bref délai après leur admission dans un établissement pénitentiaire, dans une langue qu'ils comprennent, des principaux aspects du régime de l'établissement ».

Notre amendement vise à ce que ces informations soient accessibles aux détenus non seulement le jour de leur incarcération, où leur trouble les empêche d'y porter toute l'attention nécessaire, mais tout au long de leur détention. La règle pénitentiaire européenne n°30-1 prévoit que « lors de son admission et ensuite aussi souvent que nécessaire, chaque détenu doit être informé par écrit et oralement -dans une langue qu'il comprend- de la réglementation relative à la discipline, ainsi que de ses droits et obligations en prison ».

N'oubliez pas que 20 % des détenus sont des étrangers, qui parfois ne savent pas lire et ne connaissent pas tous le français. J'espère donc que les livrets dont vient de nous parler Mme la ministre seront traduits mais les difficultés de communication ne se bornent pas à cela, le problème se pose aussi dans les relations avec le personnel pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - C'est bien ainsi que la commission entendait le droit à l'information mais il peut être opportun de le préciser.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable également, même si, entre le kit d'arrivée, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, les enseignants, les éducateurs, les services du médiateur, il y a déjà beaucoup d'informations.

L'amendement n°11 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°95, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lors de leur admission, les détenus ressortissants d'un pays étranger sont informés sans délai de leur droit de prendre contact avec leurs représentants diplomatiques ou consulaires. Ils sont informés de la possibilité de solliciter leur transfert vers un autre pays en vue de l'exécution de leur peine.

M. Richard Yung.  - L'espoir renaît : deux de nos amendements viennent d'être adoptés !

Celui-ci concerne l'information sur le droit des détenus étrangers à contacter leurs agents consulaires. On peut en effet imaginer qu'un détenu étranger ne soit pas exactement au fait des arcanes du droit international...

Il est important que ces détenus soient aussi être informés des éventuelles possibilités de transfèrement vers leur pays, conformément aux conventions internationales ou aux accords bilatéraux quand ils existent, car ce n'est pas systématique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il est logique que les avis de la commission soient rarement favorables : généralement, quand ils l'étaient, ces amendements ont été intégrés à notre texte.

Ce que propose cet amendement me paraît englobé par le droit général des détenus prévu à l'article 10 bis. Nous voyons mal comment informer les détenus de possibilités de transfèrements qui, avec de nombreux pays, n'existent pas. Retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cet amendement insère dans la loi des dispositions des conventions de Vienne et de Strasbourg qui sont déjà d'application directe. C'est inutile.

M. Louis Mermaz.  - On croit rêver ! Cet article 10 bis n'a pas de sens si le détenu n'a pas accès à un interprète, ce qui vient d'être refusé au nom de l'article 40. On demande donc à ce détenu, prié d'être polyglotte, de connaître sur le bout des doigts l'état des conventions internationales ! C'est à l'administration de lui dire s'il y a ou non une convention entre la France et son pays, qui lui ouvre droit à un transfèrement. On connaît aujourd'hui la situation inique qui est faite à cette jeune Française condamnée au Mexique.

M. Richard Yung.  - Je me suis exprimé avec précaution, je n'ai pas dit que les conventions de transfèrement existaient avec tous les pays. C'est d'ailleurs précisément parce que cette possibilité n'est pas générale qu'il importe d'en informer les détenus quand elle existe.

L'amendement n°95 n'est pas adopté.

L'article 10 bis, modifié, est adopté.

Hommage à une délégation luxembourgeoise

Mme la présidente.  - Nous avons l'honneur d'accueillir ce soir une délégation de la commission des finances du parlement luxembourgeois, conduite par son président, M. Laurent Mosar. C'est toujours un plaisir pour nous de recevoir nos collègues de parlements européens. Nos collègues luxembourgeois auront, demain matin, une séance de travail conjointe avec les commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat. Je ne doute pas que ce séminaire de réflexion permettra de progresser sur les nombreux sujets d'intérêt commun qui touchent nos deux économies. Une telle initiative doit être saluée en ces temps de crise, où la coordination des politiques menées par nos pays s'impose, plus encore qu'à l'accoutumée, comme une ardente nécessité. Je me réjouis donc de votre venue à Paris et je vous souhaite, chers collègues, au nom du Sénat tout entier, un utile et agréable séjour à Paris. (Mmes et MM les sénateurs se lèvent et applaudissent)

Loi pénitentiaire (Urgence  -  Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion de la loi pénitentiaire.

Discussion des articles (Suite)

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°97, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout détenu a le droit de solliciter des conseils juridiques et les autorités pénitentiaires doivent raisonnablement l'aider à avoir accès à de tels conseils.

Les consultations et autres communications -y compris la correspondance- sur des points de droit entre un détenu et son avocat doivent être confidentielles.

M. Alain Anziani.  - Le paradoxe du détenu, c'est que, de manière générale, c'est quelqu'un de paumé, en situation de précarité à tout point de vue, et qui est confronté à des difficultés particulières, qu'aggravent encore sa situation de détenu. Lui qui a moins que d'autres accès à l'information en aurait besoin plus que d'autres. Il faut donc lui apporter des conseils.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait : ce n'est pas du domaine de la loi et le développement des points d'accès au droit ainsi que la présence des services du Médiateur répondent concrètement à votre préoccupation.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable. La confidentialité des relations avec l'avocat est déjà reconnue par la loi, elle a même un caractère constitutionnel.

M. Jacques Mézard.  - Nous soutiendrons cet amendement malgré les défauts de sa rédaction. Ce projet de loi présente une insuffisance pour ce qui concerne l'appui juridique au condamné. Après son procès, celui-ci n'a plus de contacts avec son avocat, a fortiori si, comme cela arrive souvent pour les plus démunis, celui-ci était commis d'office et si le condamné a été transféré. C'est un reproche que je me suis souvent fait à moi-même, mais il n'est pas si aisé de conserver un contact avec ses clients après qu'ils ont été définitivement condamnés. Il serait utile que les barreaux organisent des permanences dans les maisons d'arrêt et les centrales.

L'amendement n°97 n'est pas adopté.

Article 11

Les condamnés communiquent librement avec leurs avocats dans les mêmes conditions que les prévenus pour l'exercice de leur défense.

M. Louis Mermaz.  - Quand on lit l'article, on se demande d'abord comment cela se passe quand l'étranger ne parle pas le français. Surtout, en limitant à l'exercice de la défense la liberté de communication avec l'avocat, cet article marque une régression par rapport au dernier alinéa de l'article 716 du code de procédure pénale, aux termes duquel le détenu dispose pour l'exercice de sa défense de toutes communications et facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité en prison. Un détenu conserve des droits ; il peut être confronté à un divorce, à des questions civiles. Nous voulons qu'il puisse solliciter des conseils juridiques et que les autorités pénitentiaires l'y aident à y avoir accès -dans une langue qu'il comprend...

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Rédiger comme suit cet article :

Les personnes détenues communiquent librement avec leurs avocats.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Pourquoi une rédaction si distendue ? Notre rédaction, plus simple, supprime une mention restrictive.

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

A la fin de cet article, supprimer les mots :

pour l'exercice de leur défense

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je l'ai déjà partiellement défendu. Nous trouvons cette précision inutile et dangereuse. Malgré les garanties apportées par le rapporteur, une telle restriction doit masquer quelque chose. Soit toute communication avec l'avocat concerne l'exercice de la défense, soit celui-ci n'intervient que dans le cadre d'une procédure contentieuse : dans les deux cas, la mention est de trop. L'avocat peut apporter un conseil sur les biens, la famille, sans qu'il y ait de défense ; le détenu ne pourra-t-il plus communiquer ? L'article, flou et restrictif, va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur les conditions de libre et pleine discussion.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°98 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Alain Anziani.  - Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Quel est le sens de l'ajout s'il ne modifie pas la première partie de la phrase. Soyons simples et clairs.

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsqu'ils ne bénéficient pas d'un avocat attitré, les détenus bénéficient de l'aide à l'accès au droit prévu par les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ne me répondez pas que le droit le prévoit déjà : une règle pénitentiaire européenne recommande, là où elle existe, de porter une telle possibilité à la connaissance des détenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - S'ils ne sont pas retirés, je serai défavorable à ces amendements qui posent un problème largement théorique. Les échanges avec un avocat sont en effet toujours couverts par le secret et nul ne peut en contrôler le contenu : la communication est complètement confidentielle. Les garanties de confidentialité apportées par la loi constituent une exception aux règles du milieu carcéral, dont les droits de la défense sont la justification première. Il en résulte que cette précision doit demeurer. Quant à l'amendement n°12 rectifié, il est déjà satisfait puisque ce droit existe.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'article 11 est l'équivalent pour les condamnés de l'article 716 du code de procédure pénale pour les détenus. Avis défavorable à l'amendement n°15 rectifié. La rédaction pourrait paraître limitative si la défense ne recouvrait également l'assistance et le conseil, je suis donc défavorable aux amendements n°s13 et 98 rectifié. L'amendement n°12 rectifié est satisfait par la loi de 1991 : avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'explication de la ministre me gêne. Soyons simples et disons que la communication est libre avec l'avocat, cela englobera la défense et le conseil et cela vaudra mieux que d'affirmer que la défense recouvre le divorce et les biens.

M. Louis Mermaz.  - Sauf à supposer que tout directeur d'établissement pénitentiaire soit agrégé de droit, on ne sort pas de la confusion. La personne en détention provisoire, le condamné peuvent être à l'initiative d'une action en justice : il ne s'agit plus de défense. On n'est plus dans le droit mais dans Molière !

L'amendement n°15 rectifié n'est pas adopté.

Les amendements identiques n°s13 et 98 rectifié sont adoptés.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Article 11 bis

Les personnes détenues ont droit à la liberté de conscience et peuvent exercer leur culte, selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Rédiger comme suit cet article :

Le droit à la liberté de conscience et de culte des détenus doit être respecté.

Chaque détenu peut accomplir au sein de l'établissement pénitentiaire les actes propres à son culte dans des conditions conformes aux exigences de la sécurité et du bon ordre de l'établissement.

L'administration pénitentiaire agrée le personnel d'aumônerie pour assurer des services ou des activités cultuelles.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous proposons une nouvelle rédaction pour l'article 11 bis. Les conditions d'exercice du culte sont maintenues, mais nous prévoyons l'agrément du personnel d'aumônerie qui l'assure.

Les règles de l'assistance spirituelle apportée aux détenus sont fixées par le code de procédure pénale, qui précise que le service religieux est assuré par des aumôniers désignés par le ministre de la justice, sur proposition du directeur régional après consultation de l'autorité religieuse compétente et avis du préfet. Il est nécessaire de mentionner dans cet article la procédure d'agrément car elle permet à l'autorité de s'assurer de la représentativité d'un culte, voire du caractère cultuel de certains courants de pensée. Ainsi, la possibilité pour les témoins de Jéhovah d'entrer dans les prisons a donné lieu à une importante jurisprudence du Conseil d'État visant à ouvrir le champ des cultes au-delà des grandes religions.

Cette procédure d'agrément sera précisée par les décrets d'application.

Mme la présidente.  - Amendement n°99, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

Les personnes détenues ont droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ils peuvent exercer leur culte selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux.

M. Alain Anziani.  - Il semble que la liberté d'opinion, que nous souhaitons ajouter à la liberté de conscience et de religion, a été oubliée dans la rédaction de l'amendement, ce que nous souhaitons rectifier. Cette précision est très importante car il n'y a pas de raison de priver les détenus de la liberté d'opinion, inscrite dans le Préambule à la Constitution de 1946 et reconnue comme un principe fondamental par le Conseil constitutionnel en 1977. En outre, nous souhaitons supprimer les restrictions prévues : elles n'apportent rien et risquent de restreindre la liberté de religion des détenus.

Mme la présidente.  - Amendement n°227, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

A la fin de cet article, supprimer les mots :

, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'article 11 bis garantit une liberté, ce qui constitue une avancée, tout en l'assortissant immédiatement, comme toujours, de restrictions. Nous souhaitons donc supprimer celles-ci.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°14 rectifié car il supprime la référence aux contraintes liées à l'organisation des lieux. Cette précision est utile car, dans la plupart des établissements pénitentiaires, les différents cultes se déroulent au même endroit. Les religions font preuve à cet effet de compréhension et de tolérance et les relations entre les aumôniers, qu'ils soient catholiques, protestants, musulmans ou juifs, sont bonnes.

Avis défavorable également à l'amendement n°99 ainsi qu'à l'amendement n°227 en ce qu'ils suppriment la notion de sécurité et de bon ordre de l'établissement. Il faut absolument pouvoir combattre les actions de prosélytisme radical.

En revanche, je ne suis pas hostile à la proposition défendue par Alain Anziani d'ajouter la liberté d'opinion, même si cela ne changera sans doute pas grand-chose concrètement. La commission pourrait sous-amender l'amendement n°99 pour rétablir la fin de l'article.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Nous demandons une suspension de séance car nous étions défavorables à l'amendement n°99. Nous souhaitons étudier la nouvelle rédaction consécutive au sous-amendement de la commission.

M. Jean-René Lecerf.  - La seule différence avec le dispositif de la commission est l'ajout de la liberté d'opinion.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il suffit d'ajouter à l'amendement présenté par Alain Anziani « sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement ».

Mme la présidente.  - Mieux vaut suspendre.

La séance, suspendue à 22 h 55, reprend à 23 heures.

Mme la présidente.  - Le texte de l'amendement n°99 rectifié bis de M. Anziani et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est donc le suivant :

Les personnes détenues ont droit à la liberté d'opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer leur culte selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux.

M. Lecerf, au nom de la commission des lois, présente un sous-amendement n°300 à l'amendement n°99 rectifié bis.

Compléter la seconde phrase du second alinéa de l'amendement n°99 rect. bis par les mots :

, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable.

L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°300 est adopté.

L'amendement n°99 rectifié, sous-amendé, est adopté et devient l'article 11 bis

L'amendement n°227 devient sans objet.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°188, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 11 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sous réserve des interdictions édictées par l'administration pénitentiaire liées à la sécurité et à la santé, les détenus peuvent recevoir ou acheter en cantine les produits alimentaires de leur choix.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Cet amendement vise à mettre fin à la disparité des pratiques dans les cantines et pour la réception des colis alimentaires des détenus. Certaines restrictions dont on ne connaît pas les raisons, comme l'interdiction du café, s'appliquent dans certains établissements. N'étant justifiées par aucune considération de santé ou de sécurité, elles peuvent être perçues comme vexatoires.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Les réglementations peuvent en effet varier considérablement d'un établissement à l'autre. Un produit peut ainsi être servi à la cantine dans un établissement et interdit dans un autre. Cependant, cette disposition relève du domaine réglementaire et c'est pourquoi la commission ne peut être favorable à l'amendement. Elle a toutefois prévu des réglementations type par catégorie d'établissement qui devraient permettre de régler le problème.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je comprends votre souci et c'est pourquoi j'ai demandé à la direction de l'administration pénitentiaire de me faire remonter l'information sur les pratiques. Mais cette question est en effet d'ordre règlementaire. Défavorable.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - J'espère que le Gouvernement n'émettra pas toujours un tel avis sur toutes les dispositions dont on peut considérer qu'elles sont d'ordre réglementaire, faute de quoi, ce sont des pans entiers de ce texte qui disparaîtraient. Ceci dit, je ne vais pas faire un chocolat pour le café, et compte tenu des précisions du rapporteur et de l'engagement du ministre, je retire l'amendement. (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. Richard Yung.  - Nous le reprenons.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°188 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. Louis Mermaz.  - Courage, fuyons !

Article 11 ter

Toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités et à sa personnalité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je n'abuserai pas de mon temps de parole pour présenter les modifications apportées par la commission, mais l'obligation d'activité le mérite.

La réinsertion, de fait, passe par elle. Qu'il s'agisse d'un travail, d'une formation professionnelle, de cours, d'une activité culturelle ou sportive ou de la participation à un groupe de parole, elle favorise la socialisation. Nos nombreuses visites nous ont permis de constater que de nombreux détenus n'ont aucune activité. Le temps de leur peine risque ainsi de rester un temps mort.

Depuis la suppression, par la loi de 1987, de l'obligation de travailler, aucune disposition n'oblige les détenus à exercer une activité. Je pense bien entendu davantage aux établissements pour peine qu'aux maisons d'arrêt. Il est choquant de constater qu'à toute heure, des personnes restent ainsi allongées devant la télévision. Sous couvert de ce principe libéral, les directeurs d'établissement, les surveillants, les travailleurs sociaux, les médecins, sont tentés d'attendre la demande des détenus, laissant ainsi de côté les plus fragiles ou les plus dangereux.

En ce domaine, la France se singularise si l'on considère ce qui a cours dans les autres démocraties. Les détenus sont beaucoup plus occupés que chez nous aux États-Unis ou au Canada. Certains pays, comme l'Allemagne, l'Italie ou les Pays-Bas, prévoient une obligation de travail -disposition dont je précise qu'elle n'est nullement contraire à la Convention européenne des droits de l'homme- même si l'emploi ne suit pas toujours.

Nous proposons d'instituer une obligation, non de travail, mais d'activité. Dès lors qu'il en existe dans un établissement, il est contestable de laisser la faculté de n'en exercer aucune. Nous y mettons quatre conditions. Que l'établissement, tout d'abord, soit en mesure d'en proposer plusieurs ; que la finalité en soit la réinsertion et qu'elle soit déterminée par le chef d'établissement ou le directeur du service d'insertion et de probation ; que l'obligation ne vaille que pour les condamnés, et non pour les prévenus ; que l'activité soit adaptée à l'âge et aux capacités de chacun. Les détenus devront en outre être consultés sur l'activité proposée et les plus démunis pouvoir bénéficier d'une aide numéraire en contrepartie : un jeune ne doit pas renoncer à une formation professionnelle au motif qu'il a besoin de travailler pour payer la cantine.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans cet article, remplacer les mots :

au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation

par les mots :

soit une activité professionnelle, soit une formation professionnelle ou générale

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous précisons le type d'activité pouvant être proposé. Le travail et la formation doivent figurer parmi les principales. Il ne serait pas normal que l'on puisse diriger les détenus vers un seul type d'activité, sportive, par exemple. Il s'agit également d'éviter un traitement différencié entre détenus. C'est pourquoi nous spécifions que les activités obligatoires doivent essentiellement avoir valeur pédagogique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je comprends vos intentions, qui devraient être satisfaites dans les faits, mais tiens qu'il faut conserver une certaine souplesse. Certaines activités culturelles ou sportives peuvent satisfaire l'exigence. Songeons au vieillissement de la population carcérale : pourquoi imposer une formation professionnelle, par exemple, à un détenu âgé, qui pourrait fort bien s'épanouir en exerçant des responsabilités associatives, culturelles ou sociales ? Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Votre rédaction est en effet très restrictive. Certains détenus suivent des thérapies, notamment dans des groupes de parole ; votre liste n'inclut pas ces programmes.

Avis défavorable.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°61 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation favorisent l'égal accès de toutes les personnes condamnées aux activités mentionnées à l'alinéa précédent.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Une thérapie de groupe ou une activité sportive n'est pas incompatible avec une formation professionnelle !

L'accès à une activité professionnelle est aussi un instrument de pression sur les détenus : l'interdiction d'exercer une activité professionnelle est parfois une sanction déguisée, qui ne peut faire l'objet d'aucune contestation... L'égal accès des détenus à une activité professionnelle est un principe important. Il faut mettre un terme à certaines pratiques discriminantes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Défavorable. La finalité de l'amendement va de soi ; il est même presque insultant de suggérer que l'on favoriserait un accès inégal à ces activités !

L'obligation d'activité est une épée dans les reins : plus il y aura d'offres d'emplois et de formation, plus votre préoccupation sera satisfaite.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les personnes détenues sont classées en fonction de l'offre existante, ainsi que de leur profil. Elles peuvent être déclassées si elles sont inaptes à l'activité, s'il n'y a plus d'offre, ou en guise de sanction. Dans ce dernier cas, la sanction est motivée et le recours possible. Les personnes qui souffrent d'addiction ou de fragilités particulières doivent être soignées avant de pouvoir entreprendre une activité. Laissons cette souplesse à l'administration.

L'amendement n°61 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°100, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le travail en prison doit être considéré comme un élément positif du régime carcéral et en aucun cas être imposé comme une punition. Les autorités pénitentiaires doivent s'efforcer de procurer un travail suffisant et utile.

M. Claude Jeannerot.  - Nous renforçons la portée de l'article en reprenant ces règles pénitentiaires européennes. Il s'agit de lutter contre les risques d'abus. Le travail ou l'activité doivent contribuer au développement des détenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cette précision est plus déclaratoire que normative. Nous sommes loin des Dalton cassant des cailloux au pénitencier... (Sourires) Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le travail en prison est un élément positif, un gage de réinsertion, dont il est tenu compte pour les aménagements de peine. C'est au contraire le déclassement qui peut être une punition !

La quantité de travail dépend de l'offre faite aux établissements : certains détenus classés attendent longtemps une activité. La vétusté de certains établissements pénitentiaires est aussi un frein. Tous les nouveaux établissements sont dotés d'ateliers.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Attention à ne pas glisser de la notion d'activité à celle de travail... Les travaux forcés ont été supprimés en 1912 ! L'activité vise la reconstruction de l'individu. Elle doit être rémunérée de façon suffisante pour ne pas constituer une utilisation abusive du travail des détenus.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le rapporteur a eu la lucidité de poser cette question difficile au coeur du projet de loi. Les travaux forcés ont été supprimés : on ne saurait revenir à cette forme de travail obligatoire. Et le principal problème est le manque de travail, nous disent les personnels pénitentiaires !

Dans une période de chômage galopant, beaucoup rechignent à donner du travail aux détenus. Il n'est pas facile de convaincre nos compatriotes de l'utilité de cette démarche...

L'activité est un impératif. La réinsertion passe par cette mobilisation de l'être humain. Or la surpopulation carcérale n'y contribue guère... Il faut faire preuve de volonté, rompre avec une politique pénale qui prive l'administration pénitentiaire des moyens de mettre en oeuvre les excellentes intentions de ce projet de loi.

L'amendement n°100 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°189, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l'activité consiste obligatoirement dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Lorsqu'elle ne maîtrise pas la langue française, l'activité consiste obligatoirement dans l'apprentissage de celle-ci. L'organisation des apprentissages est aménagée lorsqu'elle exerce une activité de travail.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous proposons d'utiliser cette obligation d'activité comme instrument de lutte contre l'illettrisme. La commission nationale de suivi de l'enseignement en milieu pénitentiaire évalue en effet à 12,3 % la proportion de détenus illettrés, auxquels il faut ajouter les 12,9 % rencontrant des difficultés de lecture.

La réinsertion, à la sortie de prison, est très difficile ; mais elle est presque impossible si la personne ne sait ni lire, ni écrire, ni compter. Je précise que l'organisation de ces apprentissages doit se concilier avec l'activité de travail.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ces apprentissages figureront naturellement au premier rang des activités, mais une rédaction trop précise nous prive d'une souplesse indispensable. Le détenu étranger qui, à l'issue de sa peine, sera expulsé préfèrera sans doute un travail rémunérateur. Certes, il s'agit d'hypothèses limites mais que nous devons prendre en compte. M. bout entend concilier apprentissage et travail : mais entre le voeu et la réalité, il y a un pas important à franchir... Retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement concerne le contenu des formations. Comme l'a dit le rapporteur, certains détenus préfèrent le travail l'apprentissage des connaissances fondamentales ; du reste, la nature des activités programmées ne relève pas de la loi.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Madame la ministre, je vois bien que ce dernier argument vous fait sourire vous-même...

M. Claude Jeannerot.  - L'apprentissage doit être librement consenti, mais nous pouvons enrichir la rédaction en précisant que les activités proposées peuvent être un travail, une formation professionnelle, un apprentissage...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est déjà écrit !

M. Claude Jeannerot.  - Et la rédaction deviendrait compatible avec une proposition que nous avons faite précédemment.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis  - Préparer à la réinsertion et à une « vie responsable et exempte d'infractions », voilà ce que nous avons voté comme préambule à ce texte, à l'article premier A nouveau, après une longue discussion. Mais comment le détenu qui ne sait pas lire y parviendra-t-il ? On a souligné plus haut à quel point les détenus ont des difficultés à comprendre leurs droits : ici, nous faisons en sorte qu'ils puissent lire les affiches dans les couloirs... et les 100 000 documents qui leur seront distribués par Mme la ministre.

Il n'est pas question d'imposer le travail à la chaîne à qui préfère jouer au basket. Mais imposer ce minimum, lire et écrire, est aussi un moyen de protéger le détenu. Chacun votera comme il l'entend, mais je ne suis pas habilité à retirer cet amendement. (« Très bien ! » plusieurs bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi.  - Tout à l'heure, vous l'avez fait...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - C'est qu'il était satisfait.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Les activités recouvrent les cours, l'alphabétisation, les activités socioculturelles, la participation à un groupe de parole, etc. L'énumération n'a pas à figurer dans la loi mais nos travaux préparatoires sont clairs et l'interprétation du texte sera facile... Il n'y a en revanche pas lieu de contraindre.

L'amendement n°189 est adopté.

L'article 11 ter, modifié, est adopté.

Article 11 quater

Sous réserve du maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement, les détenus peuvent être consultés par l'administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées.

Mme la présidente.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

Sous réserve du maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement, les détenus sont autorisés à s'exprimer collectivement sur les conditions de détention et à communiquer avec l'administration pénitentiaire.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.

M. Richard Yung.  - La commission a adopté un texte qui prévoit la consultation des détenus sur les activités proposées : c'est une avancée, mais nous pouvons aller plus loin, afin de ne pas maintenir les détenus dans la passivité. Le dialogue avec l'administration pénitentiaire les responsabilise. Nous offrons un cadre à la consultation prévue : sinon, quelles en seront les modalités ?

Les règles européennes indiquent que les administrations peuvent permettre aux détenus de s'exprimer par des représentants et des commissions. Nombre de pays n'ont pas attendu cette autorisation, je songe à l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, l'Espagne, la Finlande, les Pays-Bas, la Suède... L'expression collective des détenus demeure au contraire, chez nous, un sujet délicat, voire un tabou. On craint que le droit soit confisqué ou détourné par tel ou tel groupe de détenus, ou que les revendications ne soient excessives. Mais les expériences étrangères ont montré l'utilité de tels comités, qui concourent bien plutôt au maintien de l'ordre ! En Grande-Bretagne, les trois quarts des directeurs d'établissement consultent les détenus avant tout grand changement dans le régime de détention. Les crises sont ainsi désamorcées. Nous avons du reste soigneusement encadré les sujets qui pourront être évoqués.

Préparer les détenus à la sortie, ne pas les couper du monde extérieur et faire entrer un peu de démocratie en prison, voilà notre but ; et nous renvoyons les modalités à un décret afin que le ministère soit satisfait.

Mme la présidente.  - Amendement n°228, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Au début de cet article, supprimer les mots :

Sous réserve du maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement,

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'article part d'une bonne intention mais sa rédaction n'est pas satisfaisante. Nous supprimons une restriction qui est apportée au droit d'expression avant même que celui-ci ne soit posé en principe ! Manifestement, il y a là plus un symbole qu'un véritable droit reconnu aux détenus.

En demandant la suppression de cette restriction, nous sommes cohérents avec nos propositions sur l'article 10.

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans cet article, remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La consultation des détenus doit être obligatoire, alors que la rédaction actuelle suggère qu'elle peut être laissée à l'appréciation arbitraire du chef d'établissement, ce qui la transformerait en voeu pieux. Si la consultation est laissée à la discrétion de l'administration, elle ne sera pas effective.

Les détenus doivent pouvoir s'exprimer librement, formuler des souhaits et des recommandations.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°102 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Alain Anziani.  - C'est le même dispositif.

Mme la présidente.  - Amendement n°103, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans cet article, après le mot :

activités

insérer les mots :

et les conditions de détention

M. Richard Yung.  - Cette extension va de soi.

Mme la présidente.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ils peuvent, dans les mêmes conditions, être consultés par l'administration pénitentiaire sur leurs conditions générales de détention.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La consultation des détenus sur leurs activités mérite d'être saluée, mais il faudrait élargir son champ d'application aux conditions mêmes de détention, conformément à la règle européenne applicable.

Nous vous proposons à peu de choses près de reprendre l'article 23 de l'avant-projet du texte.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Un procès verbal de ces consultations est mis à disposition du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il faut donner un sens à la consultation des détenus, qui restera inutile si les doléances finissent dans les tiroirs. Grâce à la disposition que nous proposons, une exploitation constructive sera possible par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'article 11 quater assure un équilibre entre le silence total de la législation actuelle sur la consultation des détenus et l'obligation proposée à l'amendement n°101 rectifié, que la commission repousse, car elle préfère s'en tenir aujourd'hui à une simple faculté, sans interdire aux établissements volontaires d'aller plus loin. La commission est donc défavorable à l'amendement.

Il en va de même pour l'amendement n°228, qui supprime toute restriction liée à l'ordre et à la sécurité, ce qui est par ailleurs cohérent avec la position du groupe CRC-SPG.

La commission repousse également les amendements identiques n°s17 et 102 rectifié, car la démarche incitative favorisera l'adhésion du personnel, donc le succès de la réforme pénitentiaire. Dans un premier temps au moins, il convient d'en rester à une incitation.

La consultation facultative des détenus sur les activités proposées est cohérente avec l'obligation d'avoir une activité, introduite à l'article 11. La commission est donc défavorable à l'amendement n°103, sans interdire à l'administration pénitentiaire de consulter les détenus sur leurs conditions de détention.

Avis défavorable à l'amendement n°16 rectifié pour les raisons exposées à propos de l'amendement n°101 rectifié.

Enfin, l'amendement n°18 rectifié n'est pas de nature législative. En outre, le Contrôleur général peut obtenir communication de tout document. Laissons-le réclamer ce qu'il souhaite. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Consacrer au plan législatif la consultation des détenus sur les activités proposées constitue un premier pas important. Nous ne pouvons pas tout imposer, tout de suite. Sur le plan pratique, comment organiser une consultation collective ? Il faudrait élire des représentants des détenus ! Restons pragmatiques et attendons le retour d'expérience avant d'envisager une expression collective des détenus. Avis défavorable à l'amendement n°101 rectifié.

De même, le Gouvernement repousse l'amendement n° 17, pour conserver sa souplesse à la consultation facultative des détenus : il s'agit déjà d'une avancée majeure.

Certes, l'amendement n°228 est cohérent avec les positions du groupe communiste, mais nous tenons au bon ordre et la sécurité des établissements. Avis défavorable.

L'amendement n°16 rectifié pourrait porter atteinte au bon fonctionnement des établissements. Laissons les expérimentations se faire. Même les règles pénitentiaires européennes ont commencé ainsi, avant de recevoir une traduction législative. Les amendements identiques n°s17 et 102 rectifié relèvent de la même analyse. Il en va de même pour l'amendement n°103.

Enfin, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut obtenir tous les documents qu'il souhaite. Avis défavorable à l'amendement n°18 rectifié.

M. Richard Yung.  - Comme nous sommes conscients des difficultés de ce sujet, l'amendement n°101 rectifié prévoit, dans une rédaction prudente, qu'un décret d'application interviendra. Le Gouvernement n'a donc rien à craindre !

L'amendement n°101 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°228 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques n°s17 et 102 rectifiés. Les amendements n°s103, 16 rectifié et 18 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 11 quater est adopté.

Article 12

Les personnes détenues qui ne disposent pas d'un domicile personnel peuvent élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire pour l'exercice de leurs droits civiques.

Avant chaque scrutin, le chef d'établissement organise avec l'autorité compétente une procédure destinée à faciliter l'exercice du vote par procuration.

M. Richard Yung.  - Cet article permet aux détenus d'élire domicile à l'établissement pénitentiaire afin de leur faciliter l'exercice de leurs droits civiques. En outre, le chef d'établissement devra faciliter le vote par correspondance. Ces dispositions sont importantes, car les détenus restent des citoyens à part entière.

Depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, une condamnation pénale n'entraîne pas systématiquement la déchéance des droits électoraux, mais ceux-ci sont rarement garantis dans les faits, comme en témoigne le fort taux d'abstention. L'article 11 du code électoral ne permet à un détenu de s'inscrire sur les listes électorales de la commune où est situé l'établissement où il est incarcéré que s'il y réside depuis au moins six mois.

L'article 12 est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et nous nous en réjouissons. Cependant nous proposerons de le compléter en prévoyant qu'un décret devra préciser les conditions d'exercice de ce droit fondamental.

Mme la présidente.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans le second alinéa de cet article, remplacer le mot :

faciliter

par le mot :

assurer

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'article 40 nous a empêchés d'imposer la mise en place de bureaux de vote dans les prisons. Cependant nous proposons de modifier l'article 12 en remplaçant, dans l'expression « une procédure destinée à faciliter l'exercice du vote par procuration », le verbe « faciliter » par le verbe « assurer », ce qui représentera pour l'administration pénitentiaire une obligation de moyens renforcée.

L'article 3 du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme impose d'ailleurs aux États d'organiser des élections libres à intervalles réguliers.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Cela n'a rien à voir !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il s'agit d'une obligation positive pour les États, la seule de cette convention, et ce n'est pas une construction prétorienne. Ce droit doit aussi s'appliquer en prison.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement améliore le texte de la commission ; il oblige l'administration pénitentiaire à mettre en oeuvre des moyens renforcés pour garantir le droit de vote des détenus. Mais il ne faudrait pas comprendre qu'il rend le vote obligatoire ! Sous bénéfice de cette observation, avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je tiens à rappeler les efforts importants faits ces dernières années pour garantir le droit de vote des détenus : ceux-ci sont systématiquement informés des échéances électorales, et le taux de participation aux élections a doublé entre 2005 et 2006.

Avis favorable à l'amendement, sous la même réserve que M. le rapporteur.

L'amendement n°62 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°104, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les conditions d'exercice du droit de vote des personnes détenues sont déterminées par décret.

M. Richard Yung.  - Nous proposons de compléter cet article en prévoyant que « les conditions d'exercice du droit de vote des personnes détenues sont déterminées par décret ». Nous avions d'abord envisagé d'imposer l'installation de bureaux de vote dans les prisons, mais nous reconnaissons que c'est difficile : un bureau de vote regroupe d'ordinaire environ 1 000 ou 1 200 personnes, et peu de prisons comptent autant de détenus. D'ailleurs M. le président de la commission n'aurait pas manqué de nous rétorquer qu'une telle disposition relève du règlement et non de la loi... (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'en défend)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait : cet amendement est satisfait par l'article 27 du projet de loi, qui dispose que les modalités d'application du chapitre III sont fixées par décret en Conseil d'État.

L'amendement n°104 est retiré.

L'article 12, modifié, est adopté, ainsi que l'article 12 bis.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°56 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après l'article 12 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes détenues peuvent élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire afin de faciliter leurs démarches administratives.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement résulte de la fusion de deux autres déposés par M. Anziani et moi-même. Il s'agit de donner aux détenus le droit d'élire domicile dans l'établissement, alors qu'à l'heure actuelle beaucoup de détenus n'ont aucune domiciliation. Cela faciliterait leurs démarches administratives, par exemple pour l'obtention d'un titre d'identité ou d'autres documents, et leur permettrait de correspondre avec leur famille, leur avocat ou l'administration.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°105 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Charles Gautier.  - L'article 12 bis a pour objet de permettre la domiciliation des détenus dans l'établissement pénitentiaire afin de leur donner plus facilement accès aux droits civiques et aux prestations sociales. Nous proposons de le compléter afin que les détenus étrangers puissent également élire domicile dans la prison où ils vivent afin de simplifier leurs démarches administratives, tout particulièrement leurs demandes d'obtention ou de renouvellement de titres de séjour.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - En l'état, le projet de loi ne permet aux détenus d'élire domicile dans l'établissement où ils sont incarcérés qu'afin d'avoir accès plus facilement aux droits civiques et aux aides sociales. Il est sans doute opportun d'ajouter qu'ils peuvent le faire afin de rendre leurs démarches administratives plus aisées, par exemple pour l'obtention d'une carte d'identité ou d'un permis de séjour, puisque cette disposition concerne aussi les étrangers. Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques n°s56 rectifié et 105 rectifié sont adoptés et l'article additionnel est inséré.

Article 13

Les détenus dont les ressources sont inférieures à un montant fixé par voie réglementaire reçoivent de l'État une aide en nature destinée à améliorer leurs conditions matérielles d'existence. Cette aide peut aussi être versée en numéraire dans les conditions prévues par décret.

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :

Cette aide peut également être versée sous la forme d'un revenu minimum de préparation à l'insertion dans les conditions prévues par décret.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement est plus problématique. Il vise à permettre aux détenus de bénéficier, s'ils le souhaitent et ne préfèrent pas une aide en nature, d'un revenu minimum d'aide à la préparation à l'insertion.

Dans l'état actuel des choses, au-delà de 60 jours de détention le détenu perd le bénéfice du RMI, sauf s'il est en semi-liberté ou en placement à l'extérieur. S'il a la chance d'être marié ou de vivre en concubinage, il peut faire percevoir son allocation par son conjoint ou son concubin ; mais au-delà de quatre mois de détention il est rayé des registres du RMI, dont il ne pourra de nouveau bénéficier que le premier jour du mois suivant sa libération.

Les détenus doivent pouvoir bénéficier du RMI en prison sous une autre forme : la réinsertion commence dès la prison. En outre, cela leur assurerait des conditions de vie décentes en prison.

II existe déjà une allocation d'insertion pour les détenus libérés après au moins deux mois de détention, mais elle est soumise à des conditions de ressources très restrictives, et les personnes condamnées pour certains délits et crimes en sont exclues.

L'idée d'un revenu de préparation à la réinsertion n'est pas nouvelle : M. Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a reconnu lors de son audition devant la commission des lois la pertinence de ce dispositif et la facilité avec laquelle il pourrait être mis en oeuvre. Il a rappelé que l'extension du RSA aux détenus aurait eu un coût minime, puisqu'elle n'aurait concerné que les plus démunis, soit 35 % de la population carcérale.

Nous laissons au décret le soin de définir les conditions d'application de cette mesure et son articulation avec d'autres droits sociaux.

Certains détenus ne peuvent pas « cantiner » parce qu'ils n'ont ni ressources ni travail ; il y a donc plusieurs espèces de détenus, les pauvres et les autres. Il faut remédier à l'extrême indigence de certains détenus et leur permettre de recevoir une aide en numéraire.

Je me réjouis que cet amendement n'ait pas été censuré par la commission des finances au titre de l'article 40 ; (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'en étonne) c'est une preuve supplémentaire du caractère indolore de la mesure que je propose.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Vous avez de la chance, madame : l'article 40 a été invoqué pour moins que cela !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je l'admets volontiers !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'article 13, dans la rédaction de la commission, prévoit la possibilité du versement d'une aide en nature ou en numéraire aux détenus indigents, ce qui nous paraît une formulation acceptable pour tous et réaliste : nous transposerons ainsi dans la loi ce qui se pratique déjà dans certains établissements.

C'est un premier pas vers la création d'une allocation carcérale universelle, qui doit encore faire l'objet de concertations et pour laquelle nous pourrions solliciter les départements. (MM. Éric Doligé et Charles Revet expriment leur surprise) Mais nous n'en sommes pas là. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'ajouterai que je ne souhaite pas privilégier le versement d'une allocation aux détenus par rapport à l'obligation d'activité. Ceux qui sont le plus dépourvus de ressources ont déjà accès à des aides en matériel ou en numéraire. Et je veux inciter d'abord au travail et à l'activité, pour préparer la réinsertion et combattre l'oisiveté.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Sans doute, mais, vous le savez, certains sont vraiment inaptes à tout travail, et il faudra pourtant préparer leur sortie, ce qui ne peut se faire seulement le jour où l'on ouvre la porte ; cela doit se préparer longtemps en amont.

M. Éric Doligé.  - Mettre à la charge des départements ? Ôtez-vous cela de l'esprit, monsieur le rapporteur ! On cède trop souvent à la tentation de faire verser une aide supplémentaire par le département. Je suppose que vous avez eu un instant d'égarement...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Monsieur le président de conseil général, permettez au modeste conseiller général que je suis de vous dire que je n'ai pas eu d'égarement.

Quand nous avons parlé avec M. Hirsch d'allocation minimale, celle-ci s'élevait à 50 euros ; en 2000, dans le rapport de M. Hyest, nous parlions de 400 francs. Je suis bien sûr favorable à ce qu'une compensation soit faite par l'État mais les sommes en jeu ne sont pas considérables -de l'ordre de 8 millions au total, à comparer à l'ensemble du RSA- et il me semble important que cette compétence des départements soit bien exercée par eux. Elle le sera de toute manière quand le détenu sortira de prison et qu'il se retrouvera démuni ; il serait bon qu'il y ait une continuité entre l'intérieur et l'extérieur, tout le monde y gagnerait.

M. Éric Doligé.  - Je ne discute pas.

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Division additionnelle

Mme la présidente.  - Amendement n°108, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 14, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Du travail en détention

M. Charles Gautier.  - Conformément aux règles pénitentiaires européennes, et au simple bon sens, il importe de mettre à la première place l'enseignement et la formation lors du séjour de la personne détenue en prison, ce que ne fait pas le texte qui nous est proposé. La formation est pourtant la condition première de l'insertion. La finalité de la peine privative de liberté est en cause. S'agit-il d'une sanction, et seulement cela, ou veut-on que ce temps soit utilisé pour préparer la réinsertion du détenu ? La réinsertion doit être prise dans ses multiples aspects : professionnelle, bien entendu, afin de limiter les risques de récidive, mais aussi sociale et même sociétale afin que l'ancien détenu soit en capacité de se situer différemment grâce à ce qu'il aura pu faire.

Le travail fait sens, il est le facteur principal de socialisation des personnes et des groupes. Nous voyons d'ailleurs les dégâts considérables du chômage sur la cohésion sociale.

Pour que le détenu libéré puisse bénéficier d'un travail, il est indispensable qu'il dispose des savoirs de base, trop souvent ignorés ou déficients, et d'une formation qui lui permette de s'orienter vers un métier. Le fondement de toute réinsertion réussie est la modification de l'état d'esprit du détenu et de l'image qu'il projettera par son comportement, et la modification de l'opinion ainsi formée sur lui.

Sur le plan pratique comme sur le plan des mentalités, l'élément fondamental est donc clairement l'éducation, complétée par une formation professionnelle. C'est le passage obligé pour que la personne sortant de prison comprenne la société et puisse y jouer un rôle. Cela implique que le droit à l'enseignement et à la formation des personnes détenues soit reconnu dans la loi et décliné ensuite en propositions concrètes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement et les suivants apportent certes des précisions intéressantes mais ils relèvent du règlement. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En quoi l'amendement n°108 aurait-il à voir avec le règlement ?

L'amendement n°108 n'est pas adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°109, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le travail des détenus doit être rémunéré de façon équitable.

M. Alain Anziani.  - L'amendement n°108 était purement rédactionnel ! Celui-ci proclame une évidence, qui n'a que le tort de ne pas être entrée dans les faits.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement n°108 créait une division additionnelle dans laquelle auraient figuré des amendements dont le contenu relève du règlement ; c'est à ce titre que je l'ai dit en relever aussi.

Cet amendement n°109 est contenu intégralement dans l'article D 102 du code de procédure pénale ; il est donc inutile.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°109 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°190 rectifié bis, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 717-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. »

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Hormis les détenus qui bénéficient d'un régime de semi-liberté ou de placement à l'extérieur et qui, pour la plupart, sont soumis au droit commun du travail, les personnes en détention peuvent avoir accès à trois types de postes : ceux proposés par les activités de service général ; ceux créés par les ateliers du service de l'emploi pénitentiaire, proposés par la régie industrielle des établissements pénitentiaires ; ceux offerts par les ateliers de production gérés par des entreprises privées concessionnaires de l'administration pénitentiaire.

S'agissant de la rémunération du travail des détenus, le principe général posé par l'article D 102 du code de procédure pénale est que « les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions de travail libre ». Selon l'article D 103, « les conditions de rémunération et d'emploi des détenus qui travaillent sous le régime de la concession ou pour le compte d'associations sont fixées par convention, en référence aux conditions d'emploi à l'extérieur, en tenant compte des spécificités de la production en milieu carcéral » ; en d'autres termes, les rémunérations ne peuvent être inférieures à un seuil minimum de rémunération (SMR) corrélé à l'évolution du Smic. L'article D 104 fixe les conditions de rémunération des détenus affectés au service général : « si la continuité des tâches qui leur sont confiées le justifie, ils sont rémunérés suivant un tarif préétabli par l'administration centrale et dans les conditions prévues pour les travaux en régie ».

En réalité, les rémunérations sont de deux à quatre fois inférieures à celles des travailleurs de droit commun : en 2007, selon l'administration pénitentiaire elle-même, le revenu moyen mensuel est de 202 euros pour les activités de service général, de 508 euros pour les ateliers de la régie et de 359 euros pour les ateliers de production gérés par les concessionnaires.

L'indexation prépare la réinsertion par un rapprochement avec le droit commun. Notre amendement l'élargit, même si les taux peuvent varier en fonction du régime d'emploi.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Les arguments du président About sont très largement convaincants, mais cela relève du domaine règlementaire. Le Gouvernement ne peut-il, par le biais du règlement, prévoir une indexation de nature à limiter des écarts difficilement justifiables ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Chaque détenu perçoit une rémunération pour le travail qu'il effectue. Dans les ateliers d'employeurs, l'article D 102 du code de procédure pénale prévoit une indexation puisque la rémunération doit se rapprocher autant que possible des conditions extérieures. Pour le travail en unité de production, l'administration pénitentiaire prévoit un taux horaire minimum, ce qui revint à une indexation...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - De fait, mais pas dans la loi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Pour le service général, les détenus travaillent au nettoyage ou à la distribution des repas pour seulement quelques heures par jour, rémunérées selon des tarifs fixés annuellement par voie d'instruction et assurés par l'administration pénitentiaire et qui tiennent compte en pratique de l'évolution du Smic. Une fixation du taux horaire par décret ne serait pas adaptée. Avis défavorable.

M. Alain Anziani.  - Nous soutenons totalement l'amendement de M. About. Un détenu ne connaît pas les règles et c'est pour cela qu'il est en prison. Il faut lui apprendre qu'elles sont une obligation mais aussi un droit et il n'est pas de meilleur exemple que celui de la rémunération.

M. Claude Jeannerot.  - L'amendement de M. About marque une évolution très notable et très favorable, car la référence au Smic horaire évitera une concurrence de mauvais aloi ; on se rapprochera du droit commun tout en clarifiant les règles de concurrence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ces propos vont au-delà de ce que propose M. About : il s'agit ici d'une indexation. S'il en était allé autrement, la commission des finances aurait déclaré son amendement irrecevable...

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Pas forcément... (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il y a des privilégiés -dont ne fait pas partie la commission des lois !

Il y a le travail pénitentiaire mais aussi les entreprises d'insertion. Il faut permettre à un maximum de détenus de travailler en évitant les effets négatifs.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Comme l'a dit M. Hyest, il n'est pas question de donner le Smic mais ici, 10 à 15 %, là, 25 %... Si j'ai bien compris, pour les concessions, l'indexation est prévue ; pour les régies, elle ne l'est pas mais elle est réalisée en fait : autant l'écrire dans la loi ; enfin, le service général est rémunéré selon un forfait jour calculé annuellement ; il diffère aussi selon la taille des établissements et le travail effectué, parce que quand il n'y a que 200 détenus, on distribue plus vite le courrier que quand ils sont plus nombreux. On peut néanmoins ramener cela à un travail horaire. Adoptons l'amendement. Il y aura une lecture à l'Assemblée nationale, puis la commission mixte paritaire.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Peut-être y aura-t-il une deuxième lecture...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - En effet, il n'y a pas d'urgence, (sourires) donnons du temps au temps, et votons l'amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je soutiens cet amendement car ceux que nous avons déposés à l'article 14 tendent à ancrer encore plus fortement le travail dans la normalité. C'est très important d'inscrire ce principe dans la loi pour valoriser le travail et insérer le détenu dans un processus de reconstruction sociale. Mais ne soyons pas naïfs, certaines entreprises n'entrent en prison, et à toute vitesse, que pour réaliser un effet d'aubaine, ce que je déplore. Raison de plus pour inscrire ce travail dans la normalité, malgré les spécificités de la vie pénitentiaire.

M. Claude Jeannerot.  - Il n'y a pas de malentendu sur cet amendement. Je m'en tiens à son texte et je souligne qu'il est important d'introduire des règles d'équité et de transparence tout en mettant fin à des concurrences finalement pénalisantes pour les détenus.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Puisque cela est du niveau règlementaire, je prends l'engagement de demander à l'administration pénitentiaire d'étudier une indexation et de publier un décret en ce sens.

L'amendement n°190 rectifié bis, adopté, devient article additionnel.

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 5 mars 2009, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 5 mars 2009

Séance publique

A 9 HEURES 45

1. Suite du projet de loi pénitentiaire (n° 495, 2007-2008).

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 143, 2008-2009).

Rapport supplémentaire de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 201, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 202, 2008-2009).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 222, 2008-2009).

A 15 HEURES ET LE SOIR

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Désignation des membres de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer.

4. Suite de l'ordre du jour du matin.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Daniel Marsin un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (Urgence déclarée) (texte de la commission : n° 233, 2008-2009) ;

- Mme Anne-Marie Payet un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (Urgence déclarée) (texte de la commission : n° 233, 2008-2009) ;

- M. Bernard Angels un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (texte de la commission : n° 210, 2008-2009) ;

- M. Jean-Paul Virapoullé un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (Urgence déclarée) (texte de la commission : n° 233, 2008-2009) ;

- M. Jacques Berthou un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n° 191, 2008-2009) ;

- M. Bernard Piras un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OPCI-Interpol) relatif au siège de l'organisation sur le territoire français (n° 193, 2008-2009) ;

- M. Robert Badinter un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires européennes sur l'Union européenne et les droits de l'homme.