Débat sur les pôles d'excellence rurale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les pôles d'excellence rurale.

M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d'information.  - Le 23 juin, M. Jean Boyer nous a permis de faire ici un point d'étape sur les pôles d'excellence rurale (PER). Nous avons alors évoqué les initiatives qu'ils ont cristallisées, ainsi que leur effet d'entraînement sur les territoires. J'ai pu dire à cette occasion tout le bien que je pensais de cette politique rurale. Le même jour, le Gouvernement s'est enrichi du premier ministère spécifiquement dédié à l'espace rural et à l'aménagement du territoire. Son titulaire était issu du Sénat : c'était vous, monsieur le ministre.

Aujourd'hui, je regrette que notre débat important se déroule à une heure tardive et qu'il subisse la concurrence déloyale d'un match de foot. (Sourires)

Mais nous nous réjouissons que le Gouvernement ait organisé les Assises des territoires ruraux, dans le but de favoriser leur attractivité mais aussi de satisfaire les besoins des habitants, notamment pour l'accès aux services et aux commerces. Les PER y contribuent.

La ruralité d'aujourd'hui est multiple. Bien sûr, le monde agricole donne à la France rurale son attrait unique en Europe. N'oublions pas qu'il est pris aujourd'hui en ciseaux entre la chute des cours et la hausse des charges. Mais les espaces ruraux sont également constitués par une multitude de PME, de commerces de proximité et de nouvelles populations qui veulent disposer des mêmes services qu'en ville. L'animation de ces territoires exige une réactivité particulière des élus. Nous avons entendu avec satisfaction le Premier ministre annoncer le lancement d'un nouvel appel à projets de pôles d'excellence rurale. Cette initiative rejoint les conclusions auxquelles est parvenue votre commission de l'économie à l'issue des réflexions du groupe de travail sur les PER, que j'ai présidé pendant six mois.

Notre groupe de travail a été constitué en février à l'initiative du président de la commission.

Nous avons reçu les ministres, M. Falco, puis M. Mercier, ainsi que le délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité du territoire, M. Dartout, qu'il faut de nouveau appeler le Datar puisque vous avez rendu à la délégation son nom historique, ce dont je me félicite. Nous avons également écouté les principales organisations concernées au plan national par les PER, comme l'Association des communautés de communes de France, l'Association des pays et l'Agence de services et de paiements, autrefois Cnasea.

Sur le plan local, nous nous sommes rendus, avec M. Gérard Cornu, dans mon département du Cher, puis dans le Gers où M. Raymond Vall nous a excellemment reçus. Partout, nous avons constaté le grand engagement des élus, des entrepreneurs et des représentants de l'État.

Le rapport qui présente ces résultats a été adopté à l'unanimité par la commission le 14 septembre.

Qu'est-ce qu'un pôle d'excellence rurale ? Le Gouvernement a lancé le 15 décembre 2005 un appel à projets innovants sur quatre thématiques : promotion des richesses naturelles et touristiques ; valorisation des ressources ; offre de services et accueil de nouvelles populations ; productions et services.

Le Gouvernement comptait labelliser 300 pôles ; l'extraordinaire réactivité des territoires s'est traduite par 800 projets dont 379 ont été labellisés. Quoiqu'ils aient été conçus dans des délais très contraints, ils ont prospéré, une vingtaine seulement ayant été abandonnés. La plupart atteindront leur terme l'an prochain et bénéficieront de la souplesse à laquelle le Gouvernement s'est engagé.

Les pôles d'excellence rurale ont été un formidable accélérateur de projets pour les territoires, qui se sont mobilisés à cet effet. Cela a insufflé un esprit de projet et de partenariat. Un pôle, c'est une vision d'ensemble du développement local, portée par des élus au niveau d'une communauté de communes, d'un pays, voire d'un département, autour de projets mis en oeuvre par les collectivités et les entreprises. L'État n'est pas absent : l'appel à projets est venu de lui et la labellisation couvre 20 % du coût des projets. Cependant, l'initiative est prise au plus près des territoires, ce qui a permis de faire aboutir des idées en incubation, auxquelles il manquait un coup de pouce.

Il est naturel de poursuivre avec une seconde génération et nos travaux se sont résolument tournés vers l'avenir. Plutôt que d'énumérer nos vingt propositions, je préférerais savoir si votre réflexion a bien progressé et vous interroger sur l'appel à projets. Quel sera son calendrier ? Certains ont critiqué la brièveté des délais imposés en 2005-2006 pour le dépôt des dossiers. Il ne faut cependant pas les allonger à l'excès au risque de perdre tout effet d'entraînement et alors que certains projets sont déjà en préparation -on ne va pas dans l'inconnu et l'esprit des pôles d'excellence rurale fait partie de la culture de nos territoires ruraux.

Les sujets ensuite : les services publics et les services au public sont un enjeu fondamental pour la sauvegarde de la qualité de la vie. L'accès au haut débit conditionne l'installation d'une entreprise, de même que l'animation d'un territoire passe par la création de maisons de services publics et d'accueils pour la petite enfance ainsi que pour les personnes âgées. On sait aussi l'attachement de nos compatriotes au service public de proximité qu'est la poste : la mutualisation est une voie à explorer. N'oublions pas pour autant le développement durable, l'énergie, les filières agricoles et les savoir-faire locaux. L'esprit des pôles d'excellence rurale est de trouver dans les territoires de quoi les revitaliser.

Le manque de crédits d'ingénierie a gêné des petites collectivités dans la mise au point de tâches complexes. Il faut améliorer la coopération entre les responsables de pôles et les administrations déconcentrées. Préfets et sous-préfets sont de bons connaisseurs, ils peuvent aider à mettre en place les projets et rester aux côtés des élus. Cette relation de confiance contribuera aussi à améliorer l'image de l'État.

Quels moyens le Gouvernement compte-t-il consacrer à la nouvelle génération ? Il serait nécessaire de clarifier les règles. Une dizaine de ministères interviennent selon des règles compliquées, ainsi qu'une demi-douzaine de fonds. Dans un esprit de simplification et de transparence, il faudrait rassembler les financements sur une ligne unique et avec des fonds dédiés. Pourquoi limiter l'enveloppe à un million d'euros et ne pas aller de 500 000 à 1 500 000 ?

Je souhaite que les pôles d'excellence rurale restent au service d'une vision intégrée du développement des territoires. Il ne faut pas opposer les territoires ruraux et urbains ni mettre en compétition pôles d'excellence rurale et pôles de compétitivité car les espaces ruraux sont eux aussi des réserves de croissance : il n'y a pas de territoires condamnés et là où il y a de la volonté, les territoires se développent. J'espère que le nouvel appel à projets servira cette ambition pour nos territoires. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Martial Bourquin.  - Voilà la deuxième fois en quatre mois que j'interviens sur ce sujet important, c'est assez rare pour le souligner. Les pôles d'excellence rurale sont en effet importants pour la politique d'aménagement du territoire et de développement des zones rurales que mènent le Gouvernement et la majorité sénatoriale. La politique rurale ne se limite pas aux pôles d'excellence mais ceux-ci ont leur place dans une véritable politique rurale.

La commission de l'économie a adopté le rapport de M. Pointereau. Je salue la qualité de ce travail et l'objectivité de ses conclusions. Il ne se borne pas à un satisfecit général mais relève certaines faiblesses que je reprendrai avec le souci d'améliorer une politique qui va se poursuivre avec la seconde génération des pôles d'excellence rurale. Ceux-ci sont le pendant des pôles de compétitivité. Ils ont bénéficié de la réorientation des fonds structurels européens. En 2005-2006, une nouvelle programmation européenne a été adoptée pour 2007-2013. Il a alors été décidé que la politique de développement rural serait rattachée à la politique agricole commune et que son fondement ne serait plus territorial. Le cadre financier est contraint en raison de l'élargissement. On ne saurait dédouaner la France de ce qui s'est fait avec son accord. Cela n'aurait pas été si grave si le deuxième pilier s'était concentré sur le développement rural non agricole mais il s'est orienté vers la modernisation des structures. A donc manqué une politique de développement rural, d'amélioration de la qualité de la vie et de protection de l'environnement.

Le Gouvernement s'est rendu compte qu'une politique d'aménagement du territoire axée sur la compétitivité accélérait les disparités entre les territoires et certains obstacles ont empêché les pôles d'excellence rurale de remplir tous leurs objectifs.

On n'a pas encore de bilan des pôles en termes d'activité et d'emploi. Il faudrait pourtant, avant de lancer la deuxième génération, connaître le nombre d'emplois créés par ceux de la première génération.

Les investissements de l'État et des collectivités locales doivent être assortis de contreparties et permettre le maintien ou la création d'emplois durables. Les dépenses consacrées par l'État aux PER, même minimes, n'y font pas exception.

Le manque d'ingénierie dans les territoires ruraux entrave la réussite des PER. Le groupe de travail a proposé de faciliter l'accès aux services de la Caisse des dépôts et consignations. Mais cet obstacle ne sera pas levé tant que les PER ne financeront pas aussi des frais de fonctionnement, et notamment d'ingénierie.

Créer un label PER suppose que l'on veuille pérenniser ces pôles et les adapter à d'autres territoires, comme l'a souligné Mme Herviaux en commission. Certes, le rôle des PER diffère selon les régions, mais leur montage ne doit pas être trop spécifique pour pouvoir être reproduit ailleurs. Je propose d'ailleurs qu'une partie du fonds PER soit consacrée au développement de nouveaux projets sur d'autres territoires. Il faut encourager le partage des expériences acquises et tisser des liens entre les pôles de compétitivité et les PER afin de renforcer la cohésion territoriale.

On se propose aujourd'hui de lancer une deuxième génération de PER mais je m'inquiète de la pérennité des premiers projets labellisés, notamment de ceux qui commencent seulement à entrer en application et auront besoin de financements. Le décalage entre les sommes engagées et payées reste trop important. La première étape est loin d'être achevée et l'on envisage de repousser l'échéance de décembre 2009 à décembre 2010.

L'État, dont la participation financière ne peut excéder 33 % des sommes requises, n'en débourse en fait que 20 %. La crise économique a réduit les moyens des investisseurs publics et privés, tentés de se cantonner à des activités immédiatement rentables ou jugées indispensables. A cela s'ajoute l'incertitude politique liée à la réforme des collectivités territoriales. Les régions comptent parmi les principaux financeurs des PER ; si elles perdent leur compétence générale, elles seront désormais aux abonnés absents.

Le rapport du groupe de travail démontre la nécessité de créer un fonds PER afin de rendre l'action de l'État plus lisible. Je souscris à la proposition d'inscrire une ligne budgétaire spécifique dans la loi de finances. Mais cela ne manquera pas de faire apparaître que sans les collectivités, et notamment sans leur ingénierie, nombre de projets ne verraient pas le jour. Je sais gré à M. le rapporteur d'avoir plaidé pour que les collectivités ne soient plus seulement des tiroirs-caisses mais des décideurs dignes de contribuer en amont à l'élaboration des appels à projets.

Mais qui peut dire si les collectivités pourront continuer à financer ces projets, étant donné la suppression programmée de la taxe professionnelle, la disparition de la clause de compétence générale et la réforme territoriale en général ? Elles n'ont pas suffisamment d'assurances sur leur avenir pour pouvoir participer durablement à des projets qui ne relèvent pas de leurs compétences primordiales. Si les collectivités étaient contraintes de réduire leur participation, l'État augmentera-t-il la sienne et consacrera-t-il aux PER une partie des fonds européens ?

Je suis circonspect sur les thèmes que vous avez retenus pour les appels à projets : développement durable, services publics et maintien des filières existantes. Comme l'a indiqué M. Pointereau dès le préambule de son rapport, les PER ne sauraient se substituer à une véritable politique d'aménagement du territoire et de développement rural. L'État doit prendre ses responsabilités et garantir le maintien des services publics, notamment dans le domaine des transports ou la lutte contre les déserts médicaux. Les 379 pôles labellisés ne doivent pas masquer la réalité des 36 000 communes.

Monsieur le ministre, vous avez dit lors d'une récente conférence de presse vouloir être le « ministre du concret ». Eh bien, nous nous efforcerons ce soir d'être des sénateurs du concret. Souhaitez-vous réellement que les PER de nouvelle génération permettent dès 2010 de financer de nouveaux services publics ? Nous veillerons à ce qu'ils ne servent pas de prétexte pour faire financer par d'autres des services publics d'État ni de façade pour dissimuler derrière l'excellence pour quelques-uns le délitement des services publics pour le plus grand nombre. Je sollicite de MM. les présidents du groupe de travail et de la commission la plus grande vigilance sur cette question. Les campagnes voient disparaître depuis quelques années un nombre impressionnant de services publics : directions départementales de l'agriculture et de l'équipement, Office national des forêts, gendarmerie, tribunaux... La RGPP a fait des ravages. Ce déménagement du territoire doit cesser !

Le groupe socialiste soutient donc le principe d'une nouvelle génération de PER afin d'accélérer le financement de projets de développement local. Mais nous sommes réservés quant à la philosophie générale dans laquelle ce projet s'inscrit. Oui à un label qui libère les énergies locales, non à une vitrine qui masque les problèmes des campagnes et la disparition des services publics. Comme beaucoup d'élus ruraux, j'attends avec impatience vos réponses, monsieur le ministre.

M. Raymond Vall.  - Parler après MM. Pointereau et Bourquin me permettra d'adopter une position radicale. (Sourires) Le groupe de travail sur la nouvelle génération de PER a fait un excellent travail, en collaboration avec le ministère, et j'en remercie chacun des responsables. Ce projet a suscité un nouvel espoir dans les campagnes, et nous pouvons nous féliciter du résultat global. Vingt recommandations ont été adoptées à l'unanimité par la commission. Les premières visent à corriger les défauts du premier appel à projets : il faut soutenir l'ingénierie de conception des projets, mobiliser les services des préfectures, fixer un délai pour le dépôt des candidatures, mieux coordonner les PER avec les politiques régionales et départementales, notamment dans les domaines de compétences reconnus par les contrats de projet État-région et les documents de planification, et renforcer la coopération entre les PER et les pôles de compétitivité.

Les secondes, répondant aux préoccupations de M. Bourquin, traduisent le souhait d'un aménagement du territoire plus équilibré. La proposition n°9 est d'une importance toute particulière : l'État reconnaissant, par le biais de la labellisation d'un projet, que celui-ci est susceptible de contribuer au développement d'un territoire, il doit s'engager à y maintenir les services publics indispensables. Nous attendons des assurances sur ce point. La proposition n°19 est inspirée par l'idée que si on labellise des pôles reproductibles d'intérêt général, il faut encourager les échanges entre ceux-ci. Pour ce qui est de l'aménagement du territoire, le regroupement des communes et intercommunalités dans des ensembles équivalents aux bassins de vie ou d'emploi -qu'on les appelle « pays » ou « regroupements de commune »- va dans le bon sens, car certains investissements ne sont possibles qu'à cette échelle.

Ces propositions, enfin, mettent beaucoup l'accent sur la préoccupation de voir les territoires ruraux garder et accueillir les populations, lesquelles ont besoin de services publics, de service au public. La proposition 11 est très précise sur ce sujet.

Tout ceci est très positif, et croyez que nous serons attentifs aux réponses apportées à ces propositions, fidèles aux attentes qui sont celles des territoires.

Malheureusement, les espoirs suscités par ce travail, dont je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir été l'ardent défenseur, pourraient être mis à mal par l'annonce de la volonté de supprimer les pays. N'oublions pas qu'ils ont porté 30 % des projets et que, comptant en moyenne 60 000 habitants, ils représentent bien des bassins de vie et d'emploi. N'oublions pas que sur les 211 enveloppes attribuées à l'État français par l'Union européenne dans le cadre de l'aide au développement rural, 160 ont été attribuées à des pays. Ne perdons pas la capacité à se doter de projets en faisant disparaître ces pays, qui se sont engagés résolument aux côtés du Gouvernement dans la politique d'aménagement du territoire, depuis les Scot jusqu'au Grenelle de l'environnement, qui sont devenus des espaces d'échange entre public et privé, qui sont enfin des espaces de démocratie participative précieux, en ces temps de fracture entre la politique et les citoyens. Rappelons-nous qu'ils emploient en moyenne 3 à 4 personnes et qu'on risque de sacrifier ces 800 à 1 000 techniciens, jeunes, compétents, au service d'un tissu de communes qui n'entrent pas dans des communautés de communes, ces petites collectivités de 200 habitants qui n'auraient, sans le pays, jamais accès à ces fonds et ne pourraient jamais financer de telles ingénieries : ce serait créer une fracture sur des compétences générales non transférées à l'intercommunalité.

M. le président.  - Il est temps de conclure.

M. Raymond Vall.  - Pourquoi un tel acharnement sur ces structures, issues du volontarisme local et d'une démarche pragmatique, dont l'existence peut corriger un problème lié aux fonds européens ? N'oublions pas que le volet coopération du programme « Leader + » s'est soldé par un retour de plus de 30 millions.

Et puis, l'État s'est engagé, le Gouvernement a contresigné les conventions.

Le proverbe chinois dit que seuls sont perdus les combats que l'on n'engage pas. Ce n'est pas parce que l'on est seul ou presque que l'on a tort. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et au banc des commissions)

M. Jean Boyer.  - L'objectif des pôles d'excellence rurale, inspirés des pôles de compétitivité, était d'apporter un soutien aux projets émanant des territoires ruraux pour aider à développer des richesses en sommeil. Ils firent l'objet d'une réflexion et d'une mobilisation collectives, furent à l'origine de nombreux partenariats public-privé et aidèrent à transformer des handicaps en atouts.

La commission nationale de sélection a validé 379 projets, soit plus qu'il n'était initialement prévu : les fonds n'ont pas manqué et il y a eu un plus, cela mérite d'être salué. L'État suivait l'initiative locale. C'était un encouragement à poursuivre.

Les projets, à financements multiples, se sont étalés sur trois ans. Ceux qui ne sont pas encore bouclés viendront, n'en doutons pas, à terme. Vous avez, monsieur Pointereau, accepté une mission nécessaire, prospective, visionnaire et serez sans doute artisan de l'avenir, aux côtés de M. le ministre, lors des prochaines assises. Vous habitez le Cher et connaissez bien Vierzon, si célèbre naguère pour son industrie du machinisme agricole, ses locomobiles et ses tracteurs. Je sais que vous serez toujours le tracteur qui tirera la charrue des pôles d'excellence rurale. Je salue, monsieur le ministre, votre souci de prendre en compte nos territoires. Nous apprécions que l'ex-sénateur que vous êtes sache qu'il existe aussi un monde rural, où l'on ne trouve certes pas la tour Eiffel mais beaucoup de bonnes volontés pour faire que notre pays associe écologie et économie et où les responsables, qui aiment leur pays, se battent pour compenser ses handicaps.

Les pôles d'excellence rurale ont permis de mettre à jour les richesses en sommeil. Je pense à la filière bois, au tourisme, au patrimoine... Ils ont créé un état d'esprit collectif, car on ne peut pas « jouer perso » dans un pôle puisque l'on fonctionne sur la complémentarité. Les pôles d'excellence rurale sont jeunes, il faut les regarder grandir, surveiller leur croissance et leurs difficultés, pour que personne ne soit laissé sur le bord de la route.

Ne pourrait-on améliorer, monsieur le ministre, le système des financements croisés ? Certains retards sont indépendants de la volonté des porteurs de projets. C'est pourquoi je vous demande de porter à ceux-là une attention bienveillante. L'idée est avancée d'une ligne budgétaire spécifique pour ces pôles. Cela aurait le mérite de la clarté car les fonds mutualisés des ministères sont peu lisibles.

Les pôles d'excellence rurale, initiative nationale, sont très appréciés, au point que certains ont voulu aller trop vite. Il sera bon de mettre en garde les responsables de pôle contre la précipitation.

Dans un contexte difficile, la deuxième génération de pôles sera bienvenue. Elle apportera à la France rurale, la France d'en bas, des possibilités nouvelles qui créeront richesse, envie d'entreprendre et de travailler ensemble. (Applaudissements au centre et au banc des commissions)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce débat marque, une fois encore, l'attachement de la Haute assemblée aux questions de la ruralité. Je tiens à rendre hommage à mes collègues Jean-Paul Emorine et Rémy Pointereau qui, en février, ont créé un groupe de travail dédié aux pôles d'excellence rurale afin d'en analyser leurs effets sur le développement des territoires ruraux. Le rapport d'information souligne le succès du dispositif des pôles d'excellence rurale (PER) créés en 2006 et 2007, et qui arrivent à leur terme. La raison de ce succès, c'est que les projets sont définis localement, qu'ils sont mis en oeuvre par les acteurs des territoires et qu'ils bénéficient d'un ancrage rural fort.

Le rapport d'information souhaite la poursuite de cette politique fédératrice et formule vingt propositions en vue du lancement d'une seconde génération de pôles d'excellence rurale encore plus efficaces. A ce sujet, le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, en déplacement dans mon département de la Gironde, le 8 septembre, avez annoncé l'engagement d'un nouveau cycle de pôles d'excellence rurale pour 2010, ce dont nous nous réjouissons.

A l'origine, lors de leur création, fin 2005, les pôles d'excellence rurale devaient être 300. Finalement, près de 400 ont été labellisés. Ce bilan positif nous conduit tout naturellement à appeler de nos voeux une nouvelle vague de PER, pour le développement, l'attractivité et la compétitivité de nos territoires ruraux. Toutefois, comme le souligne notre collègue Pointereau, il faut que les nouveaux appels à projets soient orientés vers le développement durable, les services au public et le soutien aux filières existantes. Ces nouveaux objectifs me paraissent essentiels. Néanmoins, chaque situation particulière doit être étudiée avec pragmatisme, en vue d'apporter le meilleur soutien aux territoires.

Les pôles d'excellence rurale constituent un outil concret au service de la relance puisque plus d'un milliard d'investissements auront été réalisés à ce titre, grâce aux 160 millions versés par l'État cette année, après 45 millions l'an dernier. A la fin de cette année, 6 000 emplois directs auront été créés et 30 000 emplois devraient l'être à l'issue de l'opération.

Le partenariat public-privé, condition de l'éligibilité d'un projet au dispositif des PER, a profondément modifié les méthodes de travail au plan local. L'évaluation montre que l'association des entreprises est souvent difficile, mais lorsque le partenariat est noué, il perdure et apporte au PER une dimension économique indispensable. Les travaux d'évaluation qualitative confirment l'existence d'un effet positif des PER en termes d'accélération des projets locaux, de revalorisation de l'image des territoires ou d'aide à la reconversion de territoires fragilisés. II y a là un véritable effet de label pour le territoire.

Les évaluations font apparaître nombre de résultats remarquables. Ainsi en est-il des PER développés autour de la filière bois, qu'ils concernent l'utilisation du bois dans l'éco-construction ou le développement de filières d'énergie renouvelable.

En Gironde, cinq pôles d'excellence ont été labellisés en 2006 : le projet de territoire pour développer l'activité touristique culturelle et économique de la juridiction de Saint-Emilion, le projet de l'Estuaire de la Gironde, le plus vaste et le mieux préservé des grands estuaires européens, le pôle biomasse, énergie et chimie verte, le pôle Valorisation de la race bazadaise, celui qui me tient le plus à coeur. Ce PER a pour objectif de promouvoir le terroir de la région du grand Bazadais par la valorisation de l'ensemble des richesses naturelles. Enfin, un cinquième pôle d'excellence rurale, qui a été qualifié de « réussite » par le Premier ministre et par vous-même, monsieur le ministre : celui de l'Entre-deux-Mers. Ce PER, encore plus important que les précédents, a pour objectif de développer l'oenotourisme. Il bénéficie d'ailleurs d'un report du délai de réalisation jusqu'au 31 décembre 2010.

Je crois savoir que la conviction du Président de la République est qu'en cette période de crise, il ne faut laisser aucun territoire sur le bord du chemin, mais aussi que la France peut en sortir plus forte si elle y investit utilement. L'aménagement du territoire et la ruralité devraient donc figurer parmi les six domaines prioritaires d'investissement d'avenir identifiés par le Président de la République et pouvant bénéficier des moyens financiers du grand emprunt.

Les territoires ruraux connaissent aujourd'hui de profondes transformations. Terres d'exode pendant plus d'un siècle, ils bénéficient de nos jours d'une attractivité indiscutable, comme l'attestent les derniers résultats du recensement. Ruralité rime désormais avec modernité, ce qui n'a pas toujours été le cas. Nos concitoyens viennent non seulement y chercher un environnement de qualité, mais ils souhaitent également y trouver du travail, des systèmes de transport efficaces, des services publics accessibles ainsi que le même accès que les urbains à internet et à la société de l'information.

A l'évidence, les zones rurales se développeront dans les vingt prochaines années, grâce à l'arrivée de nouveaux habitants et à une volonté politique affirmée depuis 2002 avec la loi pour le développement des territoires ruraux, les zones de revitalisation rurale, les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale, sans oublier les lois de modernisation de l'agriculture. Les territoires ruraux ont démontré leur dynamisme et leurs atouts. La forte mobilisation des partenaires a permis d'aller au-delà des objectifs initiaux et de mettre en place des outils spécifiques aux territoires ruraux.

Les pôles d'excellence rurale constituent le dispositif emblématique de la ruralité positive, entreprenante, appuyée sur ses valeurs et sur les richesses de nos territoires. Souhaitons leur longue vie. (Applaudissements à droite)

M. Yves Chastan.  - Au-delà de ce débat, je souhaite évoquer la politique de développement rural et d'aménagement du territoire menée par le Gouvernement et m'interroger sur son degré d'efficacité à compenser les handicaps humains et naturels des zones rurales mais aussi à valoriser les ressources et les atouts existants souvent sous-exploités.

Si l'exode rural a marqué nos campagnes durant l'après-guerre et a poussé l'État à mettre en place des politiques publiques d'aménagement du territoire pour ne pas laisser cet espace à l'abandon, on assiste depuis quelques années à un renouveau d'attractivité et à l'installation de nouvelles populations à la recherche d'un cadre de vie et d'un environnement plus agréables. La population active rurale se modifie donc avec de moins en moins d'actifs agricoles, mais aussi un nombre important d'ouvriers, d'artisans et de retraités, une augmentation de l'emploi dans le secteur tertiaire, un maintien d'activités industrielles et un développement du télétravail

Comment accompagner cette nouvelle dynamique et l'évolution des espaces ruraux qu'elle rend nécessaire ? Le rapport du Commissariat général du plan sur les politiques de développement rural de juin 2003 avait identifié 59 dispositifs différents pour stimuler le développement rural. Mais ce rapport soulignait aussi le manque de lisibilité des politiques menées par l'État et dénonçait des actions menées de façon souvent trop sectorielle. Face aux prérogatives des collectivités territoriales et à celles de l'Union européenne, l'État doit continuer à jouer un rôle moteur dans l'aménagement du territoire.

Les différents acteurs de ces territoires doivent définir de concert une nouvelle conception du développement : maintenir des services publics de qualité mais aussi répondre aux nouvelles demandes dans divers secteurs : habitat résidentiel et locatif, infrastructures d'éducation, de santé, de garde d'enfants, transports adaptés, nouvelles technologies de l'information et de la communication, structures d'accueil pour les touristes, mise en valeur de l'espace, des paysages, du patrimoine culturel, commerce et artisanat, formation professionnelle. Ces besoins sont bien sûr différents en fonction des zones rurales. L'intervention publique doit donc s'adapter à cette diversité de besoins mais aussi de moyens.

Les services déconcentrés de l'État ont donc encore un rôle important à jouer. Les PER affichaient cette ambition de renouveau de la politique d'aménagement du territoire dans les zones rurales et de promotion des partenariats locaux publics privés. Ils ont donné de la visibilité et des financements à des projets locaux de qualité, puisque une bonne centaine de projets sont de bons exemples de développement territorial avec des actions innovantes portées par le public et le privé.

Cette créativité institutionnelle a pu provoquer un effet de levier intéressant mais surtout pour des projets déjà existants ! Il reste que dans les zones rurales, le manque d'ingénierie pour monter des projets est un handicap, d'où le lent démarrage de la première génération de PER.

Les deux caractéristiques des zones rurales et, notamment, des zones les plus reculées, restent une faible densité de population et d'activités économiques qui ne permettent pas aux acteurs locaux de se structurer et de piloter des projets. Le département de l'Ardèche a souscrit huit PER. Parmi ceux-ci, un projet de service productif local fondé sur la mise en oeuvre d'une nouvelle fibre textile. Ce secteur de recherche en milieu rural a été rendu possible grâce à un partenariat public-privé : communauté de communes et une quinzaine d'entreprises. Pourtant, les écarts restent souvent importants entre les objectifs et les réalisations : cela est souvent dû au manque de soutien technique, mais aussi aux délais trop contraignants lors de la présentation des projets. Comme M. le rapporteur, je souhaite que soient accordés des délais supplémentaires pour ces PER de première génération. Des préfets ont déjà agi en ce sens, notamment en Ardèche.

Pour en revenir aux PER de seconde génération, le dispositif d'appel à projets peut favoriser les zones où il y a déjà une concentration de capital humain, technique et financier : disposer d'un projet, mener les études préalables puis passer au montage financier demande des connaissances, une certaine expertise qui peut faire défaut dans certaines régions rurales. Les financements proposés par l'État ont d'ailleurs été d'une grande complexité. Je souhaite que la création d'un fonds PER permette de simplifier les montages financiers à venir.

Une partie de ces fonds devrait être consacrée à l'aide au montage des opérations et, le cas échéant, à certaines dépenses connexes de fonctionnement. On peut surtout regretter que les collectivités territoriales n'aient pas été suffisamment associées à la définition du dispositif, alors qu'elles en sont les acteurs principaux.

Le rapport d'information fait une vingtaine de propositions, que je soutiens ; j'espère que le prochain appel à projet en tiendra le plus grand compte. Je veux souligner ici la qualité du travail du rapporteur et du président de la commission. Nous savons que la deuxième génération mettra l'accent sur l'innovation, les services au public et l'emploi ; cette ambition n'est-elle pas démesurée au regard des résultats de la première, qu'il faudrait d'ailleurs précisément évaluer ?

Les pôles d'excellence rurale ne régleront pas tous les problèmes ; ils ne doivent pas cacher les défaillances des autres politiques d'aménagement du territoire, notamment en matière de services publics. Les services publics doivent être efficaces et accessibles à tous, c'est un principe républicain -qui est malheureusement de moins en moins appliqué dans la réalité, surtout dans les zones rurales. Depuis quelques années, qu'il s'agisse des services essentiels ou d'intérêt général, l'État se désengage ou s'éloigne des zones les moins denses au mépris des principes de solidarité et de cohésion sociale des territoires. Or l'attractivité économique des zones rurales dépend du maintien et du développement des services publics et des services au public.

Quant aux collectivités territoriales, vouées à subir une réforme de leurs compétences et de leur organisation, elles risquent d'être asphyxiées par la suppression de la taxe professionnelle. Comment départements et régions pourront-ils poursuivre leurs partenariats avec les communes et les EPCI, notamment dans les futurs PER, si leurs compétences et leurs moyens sont fortement érodés ?

Nous sommes donc à un tournant pour l'avenir des zones rurales. L'État ne peut faire l'impasse sur les difficultés actuelles des territoires ruraux ni sur sa responsabilité à assurer l'équité territoriale. Le nouveau ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire dit avoir une nouvelle ambition pour les territoires, vouloir corriger les inégalités et réduire la fracture territoriale. Nous sommes prêts à le suivre mais nous aimerions en savoir plus. Les assises des territoires ruraux permettront, avez-vous dit, monsieur le ministre, d'aborder sans tabou tous les aspects de la vie des territoires ; dans la transparence et la concertation, cela serait encore mieux : nous n'avons pour l'instant aucune information. Je vous remercie des éclaircissements que vous voudrez bien nous apporter.

J'aimerais aussi en savoir plus sur l'avenir de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires. Elle a changé de rattachement ministériel tous les deux ans à peu près depuis 2003... et devrait redevenir la Datar. Quel changement en attend-on ? Une véritable politique d'aménagement du territoire reste à construire. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur ceux du RDSE)

M. Jean-Claude Etienne.  - Je salue avec émotion cette première : nous avons aujourd'hui un ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Les orateurs précédents ont, tels des chirurgiens, tout disséqué de leur scalpel ; je me garderai des répétitions stériles pour évoquer à mon tour ce grand tournant de la ruralité dont a parlé M. Chastan. Nous y sommes presque. Alors que la dynamique économique et sociale a longtemps reposé sur la ruralité, en France comme ailleurs, jusqu'à l'ère industrielle et la concentration des populations dans les villes, les derniers recensements ont allumé quelques lueurs d'espoir, on y voit les prémisses d'une mutation, comme un changement de comportement de nos concitoyens. La Fontaine avait raison : il y a la vie des villes et celle des champs. A vivre la première, nous avons de plus en plus besoin de nous ressourcer dans la seconde et d'y puiser nos références. La ruralité alors renaît des cendres refroidies par l'ère industrielle pour retrouver toute sa place. Là est le fameux tournant qu'on ne peut qu'appeler de ses voeux parce qu'il est porteur des réponses aux questions que se posent nos concitoyens. Tournons-nous vers la ruralité, sachons en dégager les vertus qui ont, de tout temps, nourri les civilisations du monde.

Notre Haute assemblée, seule en Europe avec le Parlement finlandais, s'est dotée d'une délégation à la prospective qui, ce matin, tenait sa première réunion. Il est tout naturellement venu à son bureau l'idée d'examiner le rapport entre les villes et le milieu rural, de comprendre la soif de nos concitoyens à retrouver cet art de vivre qu'on trouve encore à la campagne, ce désir lu dans l'inversion démographique qui dit leur égarement dans les agglomérations d'aujourd'hui. Le Minotaure, un jour, est mort de s'être trop nourri des autres. Bientôt, la ruralité retrouvera droit de cité.

Longtemps urbanité a rimé avec industrie. Il n'y a plus aujourd'hui deux mondes qui s'ignorent mais deux mondes, le monde agricole et le monde industriel, qui entrent en résonnance. On parle -enfin !- d'agro-industrie. Et voilà qu'un nouveau souffle peut venir habiter une ruralité hier désertée sous les effets de l'industrialisation.

Voilà, pour la première fois depuis longtemps, l'excellence accolée à la ruralité. Quelle avancée, tandis que les villes en sont encore à la compétitivité ! Aujourd'hui, l'excellence vient enfin des terroirs ! Et pourquoi pas ? La voie est ouverte. Voyez : adieu la chimie du charbon et de l'acier, bonjour la chimie verte !

Adieu, les tours de cracking fonctionnant au pétrole : c'est la production agricole qui va être enfournée dans ces nouvelles tours ! L'industrie revient à la production agricole, la syncrétie entre mondes agricole et industriel se réalise, régénérant la ruralité.

Notre ami parlait de la Gironde ; chacun les siens, permettez-moi un mot sur la Champagne-Ardenne. Ça, c'est de la ruralité, et pas qu'un peu ! Des dix-neuf pôles d'excellence rurale de ma région, je me suis tout particulièrement intéressé aux trois qui sont en panne. Les responsables de projets déplorent que la méthodologie pour construire ces pôles et les projets pour les décliner n'assurent pas leur faisabilité, que les problématiques de fonctionnement ne soient pas d'emblée prises en compte. D'où l'intérêt d'adopter la méthode qui a cours à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : asseoir la faisabilité des projets dès leur instruction, en les dotant d'une petite somme apéritive d'argent ouvrant droit, si accepté, à la suite de l'instruction et à leur déclinaison concrète.

J'ai été un peu long, mais je n'ai pas lu mes papiers ! (Sourires et applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - C'est avec un plaisir non feint que je viens dialoguer avec vous sur les pôles d'excellence rurale. Je remercie votre rapporteur pour son travail nourri et précieux, dont nous attendions les conclusions avec impatience : nous nous sommes largement appuyés sur vos travaux pour lancer la deuxième vague de pôles d'excellence rurale, annoncée par le Premier ministre en septembre.

Je connais la passion du Sénat pour les territoires, et je la partage : c'est notre culture commune. Le nom même du ministère qui m'a été confié traduit la volonté du Président de la République de faire des territoires ruraux une priorité, comme il l'a dit devant le Congrès et comme il le redira prochainement.

Mon ministère est l'expression d'une nouvelle ambition pour la politique d'aménagement du territoire. Dans la conscience collective, la Datar était le signe d'une volonté d'aménager le territoire ; nous retrouvons aujourd'hui cet engagement.

Depuis leur création en 2005, les pôles d'excellence rurale ont constitué un formidable moteur pour le développement économique des territoires ruraux. Comme le souligne le rapport du Sénat, ils ont su inspirer une nouvelle vision de l'aménagement du territoire, définir une nouvelle ambition pour le monde rural et préserver le tissu économique local via le soutien à des savoir-faire emblématiques d'un terroir et d'une tradition.

Des améliorations sont certes possibles, et nous allons y oeuvrer. Avec M. Le Maire, nous allons lancer la nouvelle génération de pôles d'excellence rurale. Ce sera l'un des dossiers phares de mon ministère en 2010, et je m'y engage avec détermination.

M. Bourquin a dénoncé l'absence de véritable bilan des pôles d'excellence rurale. C'est vrai car ces pôles vivent encore et n'ont pas épuisé leurs attributions. L'évaluation sera faite, et bien entendu présentée au Sénat.

Oui, il y a un décalage entre engagement et paiement. Les pôles en cours ont bénéficié de 175 millions de crédits d'État de toute nature ; 117 millions ont déjà été versés à l'Agence de services et de paiement, et 55 millions effectivement payés ; le reste le sera lorsque les factures auront été transmises. Quant au décalage entre le moment où les pôles sont labellisés et leur réalisation effective, il est notamment dû aux problèmes d'ingénierie que vous avez tous soulignés. Il faut mieux organiser le dépôt de la candidature et le temps de la décision afin de laisser le temps de préparer les dossiers et de mobiliser, le cas échéant, l'ingénierie publique.

La réforme des préfectures va libérer les sous-préfets ; je leur ai demandé d'être à la disposition des porteurs de projets, de devenir de véritables assembleurs sur le terrain, aux côtés des élus.

M. Michel Mercier, ministre.  - Dans une République décentralisée, l'État n'a pas à être toujours au-dessus, mais à côté.

M. Jean-Claude Etienne.  - Très bien.

M. Michel Mercier, ministre.  - Son rôle est d'accompagner, de rendre réalisables les idées émises sur le terrain.

Mme Brigitte Bout.  - Très bien.

M. Michel Mercier, ministre.  - Les collectivités locales participent, c'est vrai, mais l'État ne se défausse pas pour autant ! Nous ne faisons qu'appliquer la loi de 1982, ainsi que la loi intérimaire sur le Plan qui prévoit que les départements sont compétents en matière d'équipement rural. Cette compétence est respectée dans le cadre des pôles d'excellence rurale.

M. Vall se dit chaud partisan des pôles d'excellence rurale, mais redoute que la réforme de l'organisation territoriale casse cette belle dynamique en ne reconnaissant plus les Pays. Rassurez-vous : la future loi n'a pas pour objet d'abroger les Pays existants. Au contraire, le gouvernement répond à votre attente en proposant de rationaliser la carte de l'intercommunalité, car nombre de communautés de communes sont en effet trop petites pour agir seules.

M. Yvon Collin. - C'est vrai.

M. Michel Mercier, ministre. - Il faut rechercher des périmètres plus pertinents : c'est l'objet de la réforme territoriale. Je vois que nous pourrons manifestement compter sur votre soutien ! (Sourires)

Dans le cahier des charges des PER de nouvelle génération, il sera précisé que la structure porteuse peut être un EPCI, un parc naturel régional, un conseil général, une association ou un groupement d'entreprises privées : vous n'avez donc rien à craindre !

M. Boyer a raison de souligner que les PER ont transformé des handicaps en atouts. Quant aux ZRR, un bilan est en cours mais l'un des points forts en était un statut fiscal avantageux, notamment du point de vue de la taxe professionnelle. Or il n'aura échappé à personne que se profile la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par une contribution économique locale, laquelle répond parfaitement au souci exprimé par l'orateur. En effet, seules les entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plus de 500 000 euros acquitteront la contribution complémentaire : tout le territoire national devient une zone de revitalisation et c'est tant mieux pour le développement économique local. (M. Yvon Collin rit) Je ne doute pas de vous en convaincre lors de la discussion budgétaire. (Rires)

Les financements croisés sont toujours complexes. En outre, le choix se pose en permanence : soutenir de nombreux PER ou un nombre réduit. Mon ministère a réservé 100 millions d'euros à la nouvelle génération, mais d'autres ministères peuvent être sollicités. Parmi les missions qui m'ont été assignées figure une meilleure équité des dotations des communes rurales par rapport aux communes urbaines : la DGE aussi peut être une source de financement des pôles. Je pense aussi aux fonds européens : nous sommes parfois amenés à en rendre ! Il convient plutôt de trouver les contreparties nécessaires en crédits ministériels afin de disposer d'une masse plus importante au profit des PER, l'agence du service des paiements de l'État pouvant gérer l'ensemble.

Les montages de dossiers ont été trop rapides, dites-vous : nous en prenons acte et veillerons à répondre à votre souci, monsieur Boyer.

Madame Des Esgaulx, l'emploi et le développement économique ont été bien sûr le but essentiel des PER. Les territoires ruraux sont très divers et si l'agriculture en reste l'épine dorsale, elle n'exclut pas d'autres activités. Pour réveiller certaines filières, comme le bois, pour offrir le haut et le très haut débit, les PER sont pertinents. J'ai à l'esprit la proposition de loi Pintat.

M. Chastan a raison de différencier services publics et services au public : au jour le jour, on a besoin d'un médecin plus que d'une perception, même s'il est important de payer ses impôts. Le professeur qui m'a formé avait lui-même fréquenté, à Bordeaux, la grande école du service public du doyen Duguit. J'ai donc appris que le service public est soumis à certains principes, dont celui de mutabilité : il doit s'adapter, on ne peut gérer les choses comme il y a cinquante ans... sans que cela signifie qu'il faut supprimer les services publics. A cet égard, les PER peuvent être utilisés pour développer les nouvelles technologies, les visioconférences, etc. J'ai inauguré récemment une maison des services publics. Elle comporte une borne de visioconférence : pour la première fois, les services de la sécurité sociale viennent jusque dans ces communes rurales, puisque leurs habitants peuvent s'entretenir avec un agent qui les aide à remplir un dossier ! Les territoires ruraux peuvent être des lieux d'innovation ! J'ai du reste décidé de créer, il y a quelques jours, une nouvelle aide -20 millions d'euros- pour les « grappes d'entreprises » qui assurent le service public local. Il n'y a pas opposition mais complémentarité avec les pôles de compétitivité.

Oui, la ruralité est à un tournant, monsieur Etienne. Nous ne voulons plus cacher la ruralité mais la montrer comme un lieu de progrès et de modernité : c'est le but des assises de la ruralité qui se tiendront prochainement, car il est exclu de tout décider de Paris ; il faut écouter le terrain. Les préfets organiseront des débats, feront remonter les conclusions et, en janvier prochain, nous établirons les conclusions nationales afin de déterminer les politiques à conduire dans les territoires ruraux.

La nouvelle génération d'appels à projets doit s'inscrire dans les problématiques spécifiques aux territoires ruraux, favoriser leur dynamique, valoriser leurs atouts et les relations entre tous leurs acteurs. Il y a deux enjeux fondamentaux, le renforcement de la capacité économique et la prise en compte des besoins de la population, en matière de services publics et de services au public. Valorisons la diversité économique : tous les nouveaux emplois ne se trouvent pas dans l'agriculture ou l'agroalimentaire et les potentialités techniques, artisanales, industrielles sont à exploiter, comme le patrimoine et la vocation des territoires. Ainsi a été relancée dans ce cadre la filière pierre volcanique dans le Puy-de-Dôme. Je songe aussi aux ateliers-relais et aux pépinières d'entreprises dans une logique de développement durable, en lien avec la bioconstruction ou la bioénergie.

Avec l'essor démographique et l'arrivée de nouveaux ruraux à côté des ruraux historiques, les standards de vie ont changé. On a désormais les mêmes envies, le même habillement, que l'on vive à la ville ou à la campagne. Il faut développer des services qui correspondent à la demande, telles les maisons de santé. Mme la ministre de la santé et moi-même allons nous pencher ensemble sur les questions de démographie médicale.

On peut bien sûr envisager de déployer des bornes visio-relais, à l'image de ce qui a été fait dans la Manche pour assurer la permanence des services publics. Mais il faut aller plus loin : les PER pourront aussi développer de nouveaux services publics, comme les centres de téléconférence ou la télémédecine. Une expérimentation sera lancée dans ce sens avec le ministère de la santé.

La deuxième vague sera donc marquée par l'ouverture de l'objet des PER, qui devront atteindre les objectifs précis déjà évoqués par M. Pointereau.

J'en viens au calendrier. Un premier appel à projets sera lancé à la fin de ce mois. Les réponses pourront parvenir jusqu'en janvier 2010, ce qui permettra de prendre des décisions en avril. Une deuxième vague sera lancée début 2010 après les Assises des territoires ruraux, les décisions devant être prises pendant l'été. Ces délais allongés s'accompagnent d'une offre d'ingénierie publique, puisque les sous-préfets seront à la disposition des collectivités territoriales. Les deux vagues d'appel à projets bénéficieront de financements équivalents.

Ces dispositions seront articulées avec les autres moyens de la politique des territoires ruraux, qui ne se limitent pas aux PER, malgré leur intérêt majeur.

Nous avons ainsi lancé aujourd'hui, avec le ministère de l'agriculture et le secrétariat d'État à l'économie numérique, un appel à projets pour l'utilisation de crédits européens mis à la disposition de la France, soit 30 millions d'euros. J'ai déjà parlé des grappes d'entreprises et des actions envisagées avec le ministère de la santé en matière de permanence des soins et de démographie médicale.

Intervenant pour la première fois devant le Sénat dans mes fonctions actuelles, je me suis exprimé un peu longuement car je souhaitais répondre à chaque orateur.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Un discours intéressant n'est jamais trop long !

M. Michel Mercier, ministre.  - La relance de la politique de l'aménagement du territoire est un sujet méritant qu'on s'y arrête. (Applaudissements au centre et à droite)

Prochaine séance demain, jeudi 22 octobre 2009, à 9 h 30.

La séance est élevée à 23 h 50.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 1er avril 2009

Séance publique

A NEUF HEURES TRENTE

1. Question orale avec débat n°47 de Mme Nathalie Goulet à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le contrôle parlementaire de l'action du Fonds stratégique d'investissement.

Mme Nathalie Goulet attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la nécessité d'instaurer un meilleur contrôle parlementaire de l'action du Fonds stratégique d'investissement (FSI).

Né de la volonté du Président de la République et d'une annonce du 20 novembre 2008, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) est composé de deux actionnaires, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et l'État, qui détiennent respectivement 51 % et 49 % du fonds. Le Parlement, s'il a agréé au principe de la création de ce fonds, n'a été associé ni à son organisation ni à sa gouvernance. Le 6 juillet dernier, l'État et la CDC ont annoncé l'apport de 14 milliards d'euros de participation au FSI, portant ainsi sa dotation à 20 milliards d'euros.

Comme toute filiale de la CDC, le FSI exerce ses activités sous le contrôle de la commission de surveillance de la Caisse. C'est dans ce cadre que les parlementaires représentant les deux assemblées au sein de la commission de surveillance exercent, quand ils sont présents, leur contrôle sur la stratégie et les investissements du FSI. De même, un rapport au Parlement est bien remis mais il s'agit seulement d'une information a posteriori. Elle s'interroge sur le bien-fondé d'une telle gouvernance, à l'heure où l'ensemble des organismes financiers réclament plus de contrôle et plus de transparence. De la même façon, elle s'interroge sur le processus décisionnel qui a conduit l'État à apporter des participations dans des entreprises faisant l'objet d'un rapport annuel, jaune budgétaire annexé à la loi de finances. Ces procédés lui semblent peu en adéquation avec les impérieuses nécessités de la LOLF.

Hormis ces questions de gouvernance et de stratégie, les annonces récentes du Président de la République le 3 septembre, à Caligny, dans l'Orne, quant à l'implication du FSI dans plusieurs actions visant à renforcer les fonds propres des entreprises, puis, le 25 septembre, quant à la participation du FSI dans un fonds de consolidation et de développement des entreprises destiné à soutenir les PME en difficulté, ne sauraient laisser le législateur indifférent. Là encore, compte tenu de la crise de l'ensemble du secteur industriel, elle estime nécessaire que les modalités de participation fassent l'objet d'un examen attentif non discriminatoire et soient justifiées économiquement.

Compte tenu de l'importance des montants engagés, du caractère stratégique de son intervention, mais aussi du fait que le FSI a la pleine et entière responsabilité de ses actifs, elle estime souhaitable qu'une réflexion commune soit engagée rapidement afin de mettre en place un pilotage spécifique de ses actions. Il lui apparaît en effet essentiel que le Parlement soit pleinement associé dans la gouvernance et le contrôle des choix du FSI. Les exemples étrangers comme le Fonds structurel norvégien, qui associe en amont et en aval le Parlement norvégien à ses travaux, montre qu'il existe d'autre type de gouvernance.

Elle souhaite par conséquent que la présente question orale avec débat permette de débattre des méthodes et des objectifs du FSI ainsi que du contrôle parlementaire sur son fonctionnement et ses choix.

A 15 HEURES

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Débat européen de suivi des positions européennes du Sénat :

- brevets européen et communautaire ;

- droits des consommateurs ;

- transposition insuffisante d'une directive ferroviaire (mise en demeure de la France) ;

- coopération judiciaire et policière : situation en Bulgarie et Roumanie.

4. Débat sur les prélèvements obligatoires.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :