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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Commission spéciale (Candidatures)

Droits des personnes liées par un Pacs

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Article 3

Article 4

Article 5

Article 7

Commission spéciale (Nominations)

Mise au point au sujet d'un vote

Guyane et Martinique (Déclaration du Gouvernement)




SÉANCE

du mercredi 9 décembre 2009

46e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Commission spéciale (Candidatures)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la désignation des 37 membres de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris, créée par le Sénat le 3 décembre 2009 sur proposition de M. le président du Sénat. Conformément à l'article 10 de notre Règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée. Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Droits des personnes liées par un Pacs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Discussion générale

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi.  - Le pacte civil de solidarité, ou Pacs, créé par la loi du 15 novembre 1999, fête ses dix ans. Je ne reviendrai pas sur les débats houleux qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ni sur l'opposition farouche de la majorité sénatoriale, qui appartiennent au passé. Si le Pacs a constitué une avancée majeure pour les homosexuels, il ne leur est pas réservé : ils représentaient 25 % des pacsés en 2000, mais seulement 5,6 % en 2008.

En 2008 146 084 pactes ont été signés, soit 43 % de plus qu'en 2007. Au total, plus d'un million de personnes ont choisi cette forme d'union : le Pacs a répondu aux aspirations de couples qui, ne désirant pas se marier ou n'en ayant pas le droit, n'en souhaitent pas moins bénéficier d'un statut protecteur. Donnant des droits et des obligations en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d'impôts et de droits sociaux, plus souple que le mariage mais plus protecteur que le concubinage, il est devenu un troisième mode de conjugalité.

Deux étapes ont contribué au succès du Pacs : la loi de finances pour 2005 a instauré le principe de l'imposition commune dès la première année ; la loi sur les successions et libéralités du 23 juin 2006 a fait du Pacs un véritable statut du couple, intégrant l'état de la personne. La séparation de biens est devenue le régime patrimonial de droit commun et de nouveaux droits ont été accordés aux partenaires, qui se doivent désormais une aide matérielle et une assistance réciproques et sont solidaires des dettes de la vie courante. Un droit au maintien dans le logement a également été reconnu au partenaire survivant. Le statut du Pacs a donc été rapproché de celui du mariage.

Notre proposition se situe dans cette voie sans assimiler le Pacs au mariage, contrairement à ce qu'a écrit Mme le rapporteur. Le droit a accompagné l'évolution de la société et cette forme d'union est devenue de plus en plus stable. Nous ne disposons que d'un recul de dix ans, mais le ministère de la justice confirme la stabilité du Pacs, avec un taux de dissolution de 15 % pour un taux de divorces de 30 %. Un quart des ruptures sont le fait de couples qui souhaitent se marier. Il faut noter, toutefois, que le nombre des divorces a connu un pic en 2005 après la réforme de 2004, qui en a simplifié la procédure. Le mariage ne protège donc pas davantage de la rupture.

Contrairement à ce que prédisaient ses détracteurs, le Pacs a acquis un statut juridique à part entière et il est plutôt synonyme de stabilité. Il n'est pas devenu un mariage bis car il ne crée aucun droit en matière de filiation, d'adoption ou de procréation médicalement assistée. Indépendamment de mon opinion personnelle, je ne propose pas de modifier la législation en ce sens mais simplement de renforcer les droits des pacsés dans certains domaines. Dès 1999, nous avons demandé que les Pacs puissent être conclus en mairie, alors que cette procédure relève toujours des tribunaux d'instance. L'établissement d'un certificat de concubinage est assuré par un officier d'état civil : pourquoi n'en serait-il pas de même pour le Pacs ?

La loi sur les successions et libéralités de 2006 a prévu que le Pacs serait désormais mentionné sur l'acte de naissance. Cette disposition a été introduite dans la loi à l'initiative du Gouvernement et du garde des sceaux d'alors, Pascal Clément. Deux amendements, déposés par Robert Badinter et le groupe socialiste, et par vous-même, madame le rapporteur, qui prévoyaient que l'identité du partenaire figure également sur l'acte de naissance, ont été adoptés. Pascal Clément et le rapporteur, Henri de Richemont, craignaient que cela ne fasse du Pacs un nouvel acte d'état civil. Je n'ai pas l'habitude de considérer la parole du Gouvernement comme parole d'évangile, mais je considère que depuis lors le Pacs est également un acte d'état civil. (Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois, le conteste)

L'inscription du Pacs en marge de l'état civil, sans mention de l'identité du partenaire, était une des recommandations de la mission d'information de l'Assemblée nationale, dont le rapporteur était Valérie Pécresse, dans son rapport du 25 janvier 2006. Le législateur est allé plus loin et a dépassé les clivages politiques. Le 15 octobre 2008, le député et président du conseil général des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, a déposé une proposition de loi visant à permettre la conclusion du Pacs dans les mairies. Selon lui, bien que le greffe du tribunal d'instance ait des compétences administratives, il « n'en demeure pas moins un tribunal, donc un lieu inadapté à la signature d'une convention établissant et organisant la vie commune d'un couple ».

La mairie est un lieu plus accessible et plus proche des citoyens, surtout avec la réforme de la carte judiciaire qui prévoit la suppression de 178 tribunaux d'instance. Tous les actes importants de la vie y sont enregistrés : naissance, mariage, décès, certificat de concubinage, baptême républicain. Vous nous dites que les maires sont opposés à cette mesure, mais les mentalités évoluent.

Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois.  - Ce n'est pas une question de mentalités.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question.  - De plus en plus de mairies organisent des cérémonies de Pacs et, si la position du bureau de l'AMF est constante, les maires n'ont pas été consultés.

L'évolution de la nature même du Pacs impose de repenser les conditions de son enregistrement : nous proposons d'y procéder en mairie.

Et aussi de créer un Pacs in extremis, à l'image du mariage in extremis, en cas d'empêchement grave ou de péril imminent de mort. Vous indiquez, madame le rapporteur, que cet article serait satisfait grâce à la modification apportée par l'article 37 de la loi pénitentiaire à l'article 515-3 du code civil. Désormais, le procureur peut requérir du greffier de se transporter au domicile du partenaire qu'un empêchement grave interdit de se déplacer. Mais notre article 2 relève de la même logique que l'article premier : à la différence du droit nouvellement en vigueur, nous demandons que ce soit l'officier d'état civil qui se déplace et non le greffier.

Je n'évoquerai que d'un mot la question de la reconnaissance en France des partenariats conclus à l'étranger, puisque la loi de mai 2009 de simplification du droit a opportunément remédié à cette lacune de la législation. En revanche, le Pacs ne confère pas de droit pour l'acquisition de la nationalité française. La commission des lois de l'Assemblée nationale avait prévu, en octobre 1998, la prise en compte du pacte civil de solidarité dans l'examen d'une demande de naturalisation, avec une condition de durée du Pacs fixée à un an, proposition qui a finalement été rejetée par les députés. La proposition de loi que le groupe communiste avait alors déposée à l'Assemblée aux côtés de celle de nos collègues socialistes, prévoyait déjà que « l'étranger lié à un Français par un pacte civil de solidarité bénéficie de droits plus larges et soit considéré comme ayant des liens personnels en France de nature à lui ouvrir un droit au séjour et d'acquérir la nationalité française par déclaration un an après la conclusion du pacte ». Aujourd'hui, le droit applicable aux étrangers a été considérablement durci, notamment en ce qui concerne l'acquisition de la nationalité. Désormais, la condition de durée du mariage est fixée à quatre ans avant que le conjoint étranger d'un Français puisse demander sa naturalisation. Nous n'avons pas voulu être provocateurs en abaissant ce délai à un an : nous avons donc modifié notre proposition initiale en fixant la durée du Pacs à quatre ans.

La facilité de conclusion d'un Pacs, sans contrôle du ministère public alerté par l'officier d'état civil comme c'est le cas pour le mariage, laisserait à penser qu'après les mariages blancs et les mariages gris, nous verrions apparaître les Pacs blancs, et pourquoi pas les Pacs gris ! Ne partageant pas cette vision suspicieuse des unions entre Français et étrangers, nous proposons d'étendre le droit à l'acquisition de la nationalité française des conjoints aux pacsés.

La deuxième partie de notre proposition de loi étend certains droits sociaux aux partenaires. La question de la pension de réversion se pose depuis plusieurs années sans jamais avoir reçu de réponse. Le droit a créé des droits et obligations réciproques : le principe de solidarité entre les partenaires s'applique durant leur vie commune. Les partenaires sont ainsi soumis : à une obligation d'assistance impliquant une aide morale et psychologique ainsi que matérielle à l'égard du partenaire en difficulté ; à une obligation solidaire aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante ; à une obligation de vie commune. Enfin, le principe de présomption de pouvoir pour les biens meubles détenus individuellement leur est applicable. Pourquoi le principe de solidarité qui s'applique du vivant des partenaires ne se prolongerait-il pas après le décès de l'un d'entre eux ? Le Président de la République avait déclaré, durant sa campagne électorale : « Je suis pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d'instance, mais par la mairie. (...) Cette union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple, jusqu'au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Cette évolution du droit, nous l'avions proposée lors de la création du Pacs et nous avons ensuite déposé des amendements en ce sens à l'occasion des projets de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu'une proposition de loi en mars dernier. En janvier 2006, la mission d'information de l'Assemblée nationale préconisait d'étendre la pension de réversion aux pacsés depuis au moins cinq ans. Dans son arrêt Maruko du 1er avril 2008, la Cour de justice des communautés européennes a considéré que le refus d'une pension de réversion à des partenaires de même sexe constituait une discrimination indirecte en raison de l'orientation sexuelle prohibée par la directive 2000/78. La Halde a rendu une délibération, le 19 mai 2008, qui va encore plus loin : s'appuyant sur la Convention européenne des droits de l'homme, elle a considéré que « les dispositions législatives issues du code de la sécurité sociale constituent une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle en excluant du droit pension de réversion les partenaires survivants ». Le Conseil d'orientation des retraites ou encore la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Mecss, se sont prononcés le premier en faveur de l'ouverture d'un débat et la seconde pour l'extension de la réversion aux pacsés, sous la condition d'une durée de Pacs de cinq ans. Enfin le Médiateur de la République préconise une telle extension, en diminuant la condition de durée à deux années.

L'Allemagne a été condamnée pour discrimination parce qu'elle ne prévoyait pas la réversion au partenaire survivant : vous objectez que l'Allemagne est un cas particulier puisque le Pacs n'y a été institué que pour les homosexuels, ceux-ci étant dans l'impossibilité de se marier. Mais plusieurs pays européens ont étendu leur législation en matière de réversion aux personnes liées par un Pacs, quel que soit leur sexe. Au Royaume-Uni, les régimes complémentaires professionnels accordent une réversion au partenaire survivant, droit parfois étendu aux concubins. Au Danemark, le régime de retraite complémentaire ATP et le régime complémentaire des fonctionnaires appliquent ce droit à la réversion, y compris aux concubins notoires. En Suède, c'est le régime national d'assurance vieillesse qui prévoit un tel bénéfice, y compris pour les concubins avec enfants, ainsi que le régime complémentaire professionnel des salariés du secteur privé. Enfin, aux Pays-Bas, un droit à la réversion est accordé par les régimes complémentaires professionnels, y compris aux concubins ayant déclaré leur concubinage par acte notarié. Pour tous ces pays, c'est l'existence d'une communauté de vie qui constitue le critère d'octroi de droits sociaux, et non la forme juridique de l'union choisie. L'exemple de l'Europe est donc très intéressant mais, comme toujours, vous ne le citez que lorsque cela vous arrange ! Vous citez dans votre rapport l'avis du 28 juin 2002 du Conseil d'État mais ce dernier n'interdit pas de traiter deux situations juridiques différentes de manière identique ; le législateur peut tout à fait prévoir une égalité de traitement. Quant à l'avis du 6 décembre 2006, il a été rendu avant l'entrée en vigueur de la loi sur les successions et les libéralités, loi qui crée des droits et obligations en faveur des pacsés quasiment identiques à ceux des personnes mariées. Le droit ayant été modifié dans un sens plus favorable aux pacsés, la question de l'extension de la pension de réversion ne doit plus être reportée, comme vous nous le proposez, à 2010, dans le cadre d'une réforme globale des retraites.

Enfin, comment le Gouvernement peut-il, lorsqu'il s'agit de violences conjugales, mettre sur le même plan les couples pacsés, concubins et mariés et refuser cette égalité pour les droits sociaux ?

Pour les congés à l'occasion d'événements familiaux, nous proposons d'accorder aux pacsés des droits plus favorables que ne le prévoit le code du travail ou même certaines conventions collectives.

Je ne peux que regretter la position de la commission des lois, qui invite à rejeter ce texte. L'enregistrement du Pacs en mairie ne ferait que prolonger une évolution du droit dont vous êtes vous-mêmes à l'origine, puisque le Pacs peut d'ores et déjà être considéré comme un acte d'état civil. Le droit à la réversion correspond à une évolution des attentes des pacsés, pour l'instant privés d'une juste contrepartie des obligations auxquelles ils sont soumis durant leur vie commune. J'appelle le Sénat à franchir une étape décisive dans l'histoire du pacte civil de solidarité. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois.  - Depuis la création du Pacs, il y a maintenant dix ans, plus d'un million de personnes ont choisi cette forme d'union. En 2008, 146 030 Pacs ont été conclus, contre 273 500 mariages, soit environ un Pacs pour deux mariages. Ce pacte trouve son origine dans la volonté d'offrir à tous les couples, aussi bien hétérosexuels qu'homosexuels, un statut juridique davantage organisé que le simple concubinage. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires, en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d'impôts et de droits sociaux. Intermédiaire entre le mariage et le concubinage, il cherche à concilier la protection apportée par le premier avec la souplesse de formation et de dissolution que permet le second. Il ne constitue pas une première étape avant le mariage : il intervient au moment où d'autres couples privilégient le mariage. En outre, avec un recul de dix ans, il apparaît que le Pacs n'est pas incompatible avec une certaine stabilité. C'est pourquoi le législateur l'a fait évoluer ces dernières années afin de renforcer la position réciproque des deux partenaires. En particulier, il a fait du Pacs un véritable statut du couple, et y a renforcé le devoir de solidarité.

Ainsi, les partenaires se doivent aide à matérielle et assistance réciproques.

Néanmoins, le Pacs ne peut devenir un mariage bis.

Il reste un contrat limité pour l'essentiel à la sphère patrimoniale, destiné à régler les conditions matérielles de la vie commune. Malgré l'inscription en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire, il ne peut être assimilé à un acte d'état civil. Il ne crée en particulier aucun droit en matière de filiation, d'adoption, de délégation d'autorité parentale, ni de recours à la procréation médicalement assistée : à cet égard, les partenaires sont dans une situation identique à celle de concubins.

Le Pacs obéit à un formalisme réduit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution. Alors que l'institution matrimoniale subit des contraintes procédurales interdisant à toute partie d'en disposer librement, le Pacs est depuis l'origine à la libre disposition des partenaires, qui font simplement une déclaration au greffe du tribunal d'instance où ils souhaitent fixer leur résidence commune.

La proposition de loi tend à rapprocher le Pacs du mariage quant aux modalités de conclusion et pour l'acquisition de la nationalité et à renforcer les droits sociaux des partenaires. S'inspirant des préconisations du Médiateur de la République et de la Halde, il tend à instituer une pension de réversion et des droits à congé pour événements familiaux en faveur des partenaires.

Je tiens à souligner que de nombreux droits sociaux existent déjà, comme la couverture par l'assurance-maladie et l'assurance maternité en tant qu'ayant droit de son partenaire. De même, le décès d'un des partenaires donne droit à un congé de deux jours au survivant, qui peut aussi obtenir le capital décès versé par la sécurité sociale.

Un temps écartés de ce dispositif, les fonctionnaires de l'État en bénéficient depuis le 21 novembre, à condition que le pacte ait été conclu depuis plus de deux ans. Toujours dans la fonction publique, un fonctionnaire pacsé est prioritaire pour un emploi plus proche de son partenaire.

La commission des lois, qui a examiné cette proposition le 25 novembre, a constaté que deux demandes sont déjà satisfaites. La loi du 12 mai 2009 impose désormais l'application de la loi de l'État d'enregistrement du partenariat, lorsque celui-ci est conclu à l'étranger. En outre, la loi pénitentiaire promulguée le 24 novembre permet d'enregistrer le Pacs hors du greffe du tribunal d'instance en cas d'empêchement grave.

En revanche, l'article 5 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires confère expressément à l'ordre public local un caractère opposable à l'enregistrement par les autorités consulaires françaises d'un Pacs conclu à l'étranger. Il convient pour cette raison d'écarter l'article 2 du texte.

De façon générale, votre commission estime que les rapprochements intervenus entre Pacs et mariage n'imposent aucune assimilation entre ces deux formes de conjugalité. Comme le Conseil d'État l'a indiqué en 2002, les liens juridiques entre partenaires ayant été organisés différemment de ceux en vigueur dans le cadre du mariage, le principe d'égalité n'impose pas de traitement systématiquement identique. Il n'y a donc aucune obligation juridique à faire découler des droits jumeaux de ces deux dispositifs.

Rien n'impose d'aligner l'enregistrement des Pacs sur la procédure suivie pour le mariage, puisque l'enregistrement au greffe n'entrave pas le droit de s'engager dans le cadre d'un Pacs. En outre, imposer aux maires d'accomplir cette formalité constituerait pour eux une charge matérielle nouvelle difficile à supporter par les petites communes, (rires à gauche.) d'autant plus qu'elle s'ajouterait aux transferts récemment opérés dans des conditions difficiles, à commencer par la délivrance des titres d'identité ou par la mise en place dans les mairies de dispositifs destinés à favoriser l'accès aux droits et à la justice.

Les maires n'ont pas été consultés sur ce sujet depuis dix ans ? Le bureau de l'Association des maires de France, qui les représente, s'est prononcé en 2008 contre la conclusion de Pacs en mairie.

La souplesse inhérente au Pacs, souvent recherchée par des personnes estimant l'institution matrimoniale trop contraignante, justifie un traitement différencié par rapport au mariage, par exemple pour l'acquisition de la nationalité, car la facilité de conclusion et de rupture du Pacs s'oppose par nature à ce que des effets pérennes en découlent nécessairement.

Entre souplesse et protection, le Pacs repose sur un équilibre fragile : tout renforcement de la protection limite la liberté de chacun et peut imposer un contrôle plus poussé de l'autorité publique sur le partenariat conclu.

L'initiative de notre collègue pose toutefois la question légitime de savoir s'il faut renforcer encore la protection des personnes engagées dans un Pacs.

Les auditions ont mis en relief la faible protection des partenaires en cas de décès ou de séparation, car le survivant ou la personne délaissée est dans une situation moins favorable que celle d'un ex-conjoint. Il est donc légitime d'envisager une extension des droits sociaux liés au Pacs, qu'il s'agisse du bénéfice de réversion ou des droits à congé pour événements familiaux, mais cette évolution doit être replacée dans la réforme des retraites et du dialogue social.

Partageant l'opinion formulée en 2007 par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de votre commission des affaires sociales, la commission des lois estime légitime l'extension au partenaire survivant du bénéfice de la réversion, sous conditions de durée de l'union et surtout dans le cadre de la réforme globale du système actuel, annoncée pour 2010 par le Gouvernement. Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que ce sujet important sera traité l'année prochaine ?

Votre commission renvoie aux partenaires sociaux le soin de se pencher sur l'extension au Pacs du congé octroyé aux salariés en cas de mariage, seuls certains accords de branche ayant prévu en la matière des droits, souvent moins favorables. Il convient d'attendre ces négociations avant que le législateur ne statue.

Pour ces raisons, votre commission propose non pas de rejeter le texte, mais de ne rien adopter sur ce sujet. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca.  - Dix ans n'ont pas suffi !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.  - La proposition de loi présentée par Mme Borvo Cohen-Seat fournit l'occasion de débattre du Pacs, dispositif dont nous venons de fêter les dix ans d'existence.

Institué par la loi du 15 novembre 1999, au terme de vifs débats qui avaient passionné nos concitoyens, le Pacs rencontre un succès indéniable. Un peu plus de 22 000 ont été conclus la première année, mais leur nombre a augmenté de 25 % par an de 2002 à 2004, puis de 50 % en 2005. Au total, plus de 1 200 000 personnes ont choisi cette forme d'union, entrée dans nos moeurs aux côtés du mariage et du concubinage. Au cours de cette décennie, les profils des partenaires concernés se sont fortement modifiés : à l'origine, un quart des Pacs était conclu par des personnes de même sexe ; aujourd'hui, 94 % sont le fait d'hétérosexuels.

Ce succès s'explique sans doute par la voie médiane qu'il offre aux personnes souhaitant vivre en couple sans perdre la souplesse du concubinage, notamment en matière de rupture, tout en bénéficiant de certains droits reconnus aux époux.

En raison de l'attrait croissant exercé par cette organisation contractuelle de la vie de couple, le législateur a modifié certains aspects de la législation initiale, tout en préservant la spécificité de cette formule.

La loi de finances du 30 décembre 2004 a institué l'imposition commune immédiate des partenaires. La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions a permis aux partenaires de choisir entre la séparation patrimoniale et l'indivision. En outre, une convention de Pacs peut être conclue en forme authentique devant notaire. Le partenaire survivant peut avoir la jouissance du domicile commun pendant un an après la disparition du prédécédé. Les tiers sont mieux informés grâce à la mention portée en marge de l'acte de naissance.

Plusieurs dispositions législatives ont par la suite rapproché, sur certains aspects, le statut du pacsé de celui de l'époux : le partenaire survivant a été exonéré des droits de mutation liés au décès ; la représentation par le partenaire devant certaines juridictions a été autorisée ; le bénéfice de la suspension de la prescription entre partenaires a été étendu ; le partenaire s'est vu étendre les mesures relatives au conjoint de l'entrepreneur ; les partenariats enregistrés à l'étranger ont été reconnus ; la conclusion d'un Pacs en détention a été facilitée et le greffier autorisé à se déplacer en cas d'empêchement grave de l'un des futurs pacsés. Enfin, un décret publié il y a quelques jours a étendu aux partenaires, dès lors que le Pacs a été conclu depuis plus de deux ans, le droit au capital décès jusque-là réservé aux conjoints de fonctionnaires.

Ces aménagements successifs, qui visaient à favoriser le Pacs et les futurs partenaires, ne sont sans doute pas étrangers à l'engouement qu'il suscite : un Pacs pour deux mariages en moyenne, un Pacs pour un mariage à Paris.

La proposition de loi confie aux mairies la compétence pour enregistrer les Pacs en lieu et place des greffes des tribunaux d'instance. Le rapport de la commission de répartition des contentieux va dans votre sens. Certes, l'enregistrement des déclarations de Pacs ne constitue pas une attribution juridictionnelle, Toutefois, il m'apparaît difficile de confier cette tâche aux mairies. Le Gouvernement doit être à l'écoute des élus ; l'Association des maires de France a exprimé les réticences des communes à accepter cette tâche supplémentaire, essentiellement pour des raisons de moyens. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe ; exclamations à gauche) Je ne vous oppose pas un rejet de principe, mais la réflexion doit se poursuivre. Toute précipitation serait contre-productive, et les auteurs de la proposition de loi seraient les premiers à protester contre ce transfert de charge !

Les articles 2 et 3 concernent les Pacs conclus à l'étranger, ou dans des circonstances particulières, résultant d'empêchement grave. Pour cette dernière hypothèse, il serait prématuré de revenir sur le dispositif mis en place dans le cadre de la loi pénitentiaire. Concernant la conclusion d'un Pacs auprès des autorités consulaires, vous proposez d'écarter toute interdiction résultant de l'ordre public local ; la plus grande prudence s'impose au regard des conditions posées par la convention de Vienne du 24 avril 1963. Enfin, les partenariats conclus à l'étranger sont reconnus depuis la loi du 12 mai 2009.

Vous proposez à l'article 4 de faire produire au Pacs les mêmes effets que le mariage en matière de nationalité, mais sans aucun contrôle par le procureur de la République afin de lutter contre les Pacs frauduleux. Sans verser dans le soupçon généralisé, nous savons bien que le risque est réel, nous le vivons dans nos mairies.

Les articles 5 et 6 étendent la pension de réversion aux partenaires liés par un Pacs, sans d'ailleurs la conditionner à une durée de vie commune minimale. Ni le rapport des sénateurs Domeizel et Leclerc, ni celui du Conseil d'orientation des retraites ne vont dans ce sens : les devoirs et obligations des pacsés ne sont pas comparables à ceux des époux, comme l'a relevé à plusieurs reprises le Conseil d'État, notamment dans un arrêt « Villemain » de 2002.

Vous évoquez la décision « Maruko » de la Cour de justice des Communautés européennes du 1er avril 2008 rendue à propos d'un partenariat conclu en Allemagne. Dans ce pays les partenariats sont réservés aux personnes de même sexe : le législateur allemand a souhaité créer une institution parallèle au mariage. La démarche était tout autre en France. Vous avez évoqué certaines déclarations, en particulier du Président de la République. Si les choses doivent évoluer -et je n'y suis pas hostile- cela ne peut se faire au détour d'une proposition de loi, mais suppose un large débat public. A chaque jour suffit sa peine (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)

L'article 7 étend le bénéfice du congé pour événements familiaux. Nous devons respecter l'autonomie des partenaires sociaux en la matière, consacrée par la loi du 31 janvier 2007. Une telle extension supposerait à tout le moins leur accord préalable. A cette date, 35 accords de branche traitent de la question, ce qui prouve la dynamique conventionnelle en la matière.

Si les questions posées par cette proposition de loi sont légitimes, les réponses apportées ne paraissent pas, à ce jour, appropriées. La position du Gouvernement n'est pas parole d'évangile, certes, mais celle de la Halde non plus ! Nous souhaitons que le dialogue se poursuive, afin de permettre une évolution respectueuse du droit et conforme aux attentes de nos concitoyens.

La Chancellerie a souhaité que les dispositions protégeant les conjoints victimes de violences soient étendues aux partenaires pacsés, mais votre comparaison avec les droits sociaux est étonnante ! Je vous remercie pour votre contribution à un débat intéressant et utile, même si nous ne pourrons soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Muguette Dini.  - Quelle est la nature du Pacs ? Comment doit-il évoluer ? Les chiffres sont éloquents : en dix ans, l'histoire du Pacs est celle d'une montée en puissance. Dans le même temps, sa nature s'est affirmée.

Ce texte aligne les principaux aspects du régime civil et social des pacsés sur celui des personnes mariées. Or le Pacs n'a jamais été conçu comme un mariage bis. Le Conseil d'État précise, dans une décision du 28 juin 2002, que la loi du 15 novembre 1999 « ne peut être interprétée comme assimilant de manière générale les partenaires liés par un Pacs aux personnes mariées ».

L'originalité du Pacs réside dans l'association de son caractère contractuel et de son encadrement institutionnel, qui en fait un outil particulièrement adapté aux évolutions sociologiques familiales. Le couple ne se réduit plus à une composante de la famille, mais se conçoit comme une entité indépendante.

Le Pacs est un contrat au formalisme réduit, que ce soit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution. L'article 515-1 du code civil en fait un contrat essentiellement circonscrit à la sphère patrimoniale. Il ne confère pas au partenaire survivant la qualité d'héritier et il n'a aucun effet sur l'établissement de la filiation, ne permet pas l'adoption plénière, ni l'adoption simple, et ne crée aucun lien entre les partenaires et leur belle-famille. Le Pacs n'accorde qu'une place secondaire à la famille. Il consacre la notion du couple, ce qui explique son succès y compris auprès des hétérosexuels. Le Pacs n'offre pas une protection équivalente à celle du mariage. C'est la primauté de la liberté individuelle sur la protection de l'autre. Ainsi, pas plus qu'en droit, le Pacs n'est sociologiquement confondu avec le mariage.

Cette proposition de loi infléchit la nature du Pacs pour le rapprocher du mariage. J'ai dit pourquoi ce n'était pas sa vocation mais ce n'est pas pour autant qu'il ne doit pas évoluer. Il l'a déjà fait à plusieurs reprises. Nous ne sommes pas hostiles à toute évolution du Pacs mais toute évolution n'est pas souhaitable. Aussi nous réservons-nous un droit d'inventaire.

Les propositions qui sont faites sont d'inégale importance. Nous approuvons l'analyse qu'en fait notre commission lorsqu'elle constate que les petites mesures proposées seraient soit déjà satisfaites, soit inopportunes, et que les plus substantielles mériteraient une analyse approfondie.

L'enregistrement en mairie est inopportun et poserait de gros problèmes pratiques et financiers. Une éventuelle extension du congé pour mariage devrait être examinée par les partenaires sociaux. Sur l'acquisition de la nationalité, je partage les objections de notre rapporteur : les partenaires d'un Pacs ne sont pas contrôlés par l'autorité publique comme les époux. Veut-on renforcer ce contrôle ? Ce n'est pas suggéré.

Vu l'enjeu financier de la question des pensions de réversion, il n'est pas opportun de la trancher ici et maintenant. Une réforme globale est prévue pour 2010 ; on ne va pas en tronçonner l'examen.

Voilà pourquoi la majorité de l'Union centriste soutient les conclusions de la commission dont elle félicite le rapporteur. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Bonnefoy.  - La loi sur le pacte civil de solidarité vient de fêter ses dix ans. Cette réforme courageuse a mis fin à une situation de non-droit pour les personnes ne souhaitant ou ne pouvant pas se marier. Son bilan est plus que positif : en dix ans, plus d'un million de Pacs ont été célébrés. De 2001 à 2007, le nombre de Pacs signés annuellement est passé de 19 000 à plus de 100 000, pour atteindre 146 000 en 2008. Cette même année, le nombre de mariages était de 273 500, en stagnation depuis plusieurs années. Cela montre que le Pacs répond bien aux nouvelles aspirations des Français. Il signifie juridiquement l'union de ses contractants à qui il offre à la fois la souplesse du concubinage et la protection du mariage.

Une inégalité perdure entre couples mariés et couples pacsés. La proposition de loi qui vise à moderniser la loi du 15 novembre 1999 est le fruit d'une réflexion collective engagée depuis plusieurs années aux niveaux européen et national. Les lois de finances pour 2005 et 2006 ont renforcé la solidarité dans le couple et la loi du 21 août 2007 a modernisé le régime des droits de succession. Cette proposition de loi reprend les préconisations du Médiateur de la République et de la Halde. En 2007, le candidat Sarkozy s'était dit favorable à « une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d'Instance, mais par la mairie », une « union civile qui entraînerait une égalité fiscale, sociale, et patrimoniale totale avec les couples mariés ». Cette proposition de loi ne fait donc que concrétiser un ensemble de préconisations et de promesses formulées ces dernières années.

La commission s'est prononcée en faveur d'un système de réversion, en précisant, toutefois, que cette mesure ne pourrait être mise en oeuvre qu'en 2010, lors du débat sur les retraites. Sur l'extension au Pacs du congé de mariage, vous avez indiqué que cela nécessitait un débat avec les partenaires sociaux mais que vous n'y étiez pas opposés. Ce sont des avancées, qui doivent cependant être votées, de manière à ce que ces promesses deviennent des engagements.

La commission a refusé d'avancer sur certains points centraux, comme la possibilité de conclure le Pacs à la mairie. Cela, dites-vous, serait une charge nouvelle.

Mme Catherine Tasca.  - C'est une plaisanterie !

Mme Nicole Bonnefoy.  - De nombreux maires, de tout bord politique, ont déjà conclu des Pacs et ont demandé que cette pratique soit généralisée. Avec la réforme de la carte judiciaire, l'argument de la surcharge matérielle vaut aussi pour les tribunaux d'instance. Comment pourront-ils demain conclure 200 000 Pacs par an ? La mairie est le lieu le plus accessible et le plus proche du citoyen. Nous nous battons depuis dix ans pour que le Pacs soit reconnu comme une forme d'union à part entière. Alors pourquoi un acte aussi important ne pourrait-il pas être conclu à la mairie, lieu où sont déclarés tous les actes importants de la vie ?

L'article 4 de cette proposition de loi permet, après un délai minimum de quatre ans, l'accès à la nationalité française. Ce n'est que la correction d'une iniquité ! Je regrette que le seul argument avancé par la commission soit celui de la « possible » fraude et de l'absence de moyens pour les autorités publiques de la détecter en amont. Je sais que les thèmes de l'insécurité et de la suspicion collective sont récurrents actuellement, ne serait-ce que par le récent « mariage gris », mais je trouve fortement réducteur de balayer cet article à partir de cette seule dimension.

Intermédiaire entre le mariage et le concubinage, le Pacs ne doit pas faire office de mariage bis, mais il ne doit pas, pour autant, être une source d'inégalité entre les Français. Pour ces raisons, j'appelle l'ensemble des membres de notre assemblée à voter ce texte, qui s'inscrit dans la continuité d'un processus engagé depuis dix ans et qui répond aux attentes de nombreux Français. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Nous refusons de nous enfermer dans un comportement moralisateur et rétrograde qui placerait cette proposition de loi dans le champ de la polémique. Le Pacs a dix ans ; son succès ne s'est pas démenti : le nombre de contrats conclus ne cesse d'augmenter chaque année. Le Pacs correspond à une évolution de notre société.

Appartenant à un groupe de progrès dont je suis fière de porter les idées progressistes, je n'ai pas de raisons de m'opposer à un mode de conjugalité spécifique. Cela concerne la vie privée, et ce domaine est sacré. Je ne suis pas pour autant disposée à admettre que l'on mette en concurrence Pacs et mariage, comme on peut le voir sur internet, en présentant les avantages comparatifs de l'un et de l'autre comme s'il s'agissait de deux marchandises. Il s'agit peut-être d'une information impartiale mais je veux croire que les deux êtres qui s'unissent ainsi le font sur des bases autres que l'intérêt administratif.

Je suis bien d'accord pour blâmer les Pacs et les mariages blancs -dont j'aimerais bien que la fonction publique ne les encourage pas pour ses agents en quête de mobilité ! Moi aussi, j'accorde une place prépondérante à l'engagement qui fonde le Pacs.

Pourquoi refuser à ceux qui l'ont conclu un droit que l'on accorde à ceux qui ont contracté un mariage ? Je suivrai, sur ce point, les conclusions du rapporteur, qui rappelle l'avis rendu en 2002 par le Conseil d'État qui estimait que les liens ainsi noués étant de nature différente, le principe d'égalité n'impose pas égalité de traitement « dans tous les cas ». Je ne vois en effet rien de choquant à ce qu'un contrat qui n'emporte pas les mêmes conséquences que le mariage -le voeu de fidélité, par exemple- n'emporte pas les mêmes droits. L'écart d'une année, par exemple, pour la naturalisation, traduit le risque d'instabilité attaché au Pacs. Cela étant, je suis prête, sur ce point, à me rallier à la proposition de loi, qui instaure une durée commune de quatre ans : dès lors que 30 % des mariages débouchent sur un divorce, on peut considérer que l'instabilité est la même dans les deux cas.

En revanche, j'estime que l'on ne peut pas aligner les avantages sociaux, comme le droit à pension de réversion ou le congé pour événement familial. Des accords de principe sont intervenus, reste à leur donner une traduction législative.

Au-delà, je vois dans ce débat un problème plus fondamental. De deux choses l'une, ou bien l'on considère que le Pacs et le mariage constituent des formes d'engagement clairement distinctes et emportent, au regard des devoirs respectifs qu'ils impliquent, des droits spécifiques, ou bien l'on estime qu'ils sont de plus en plus semblables, auquel cas l'un ou l'autre doit être supprimé. Il faut alors s'interroger sur la question du mariage entre personnes du même sexe, que certains de nos voisins européens ont déjà intégré dans leur droit. Si la chose ne me heurte pas a priori, j'estime cependant qu'il importe de s'interroger sur les conséquences qu'elle entraîne en matière d'adoption, de procréation, de bioéthique.

Je ne voudrais pas que ce texte fût le cheval de Troie d'aspirations que l'on ne pourrait être conduit à satisfaire qu'au terme d'un large débat. Il n'a de fait rien d'anodin et a soulevé, au sein du groupe RDSE, de nombreuses interrogations : les plus progressistes lui sont favorables ; d'autres, dont je suis, plus réticents ou plus sages, s'y opposent ; le plus grand nombre, enfin, s'abstiendra, conscient de la nécessité de rendre ces dispositions à une réflexion plus large. (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur plusieurs bancs au centre et à droite)

Mme Isabelle Pasquet.  - Il faut se souvenir du contexte qui présida à la création du Pacs. Disant cela, je n'entends pas nous replonger dans les échanges parfois violents et les manifestations souvent haineuses qui ont accompagné son adoption par les parlementaires mais rappeler le sentiment d'un grand nombre de nos concitoyens qui, pour une fois, se sentaient entièrement reconnus par la République. Ceux et celles qui décidaient d'organiser ensemble leur vie, sans faire le choix du mariage, ou parce que celui-ci leur était légalement impossible, obtenaient certaines formes de protections, sortaient, couples hétérosexuels comme homosexuels, de la clandestinité et se voyaient reconnaître un droit à la différence.

La République, qui proclame trois nobles principes au fronton des écoles et des mairies « Liberté, égalité, fraternité », les a, en 1999, traduits une nouvelle fois dans les faits, en décidant d'accorder à toutes et tous sa protection, sans distinguer le genre ou la sexualité, et mettait enfin la législation en adéquation avec les modes de vie. Les équilibres généraux de notre société en ont-ils été bousculés ? Non. Le nombre de mariages n'a d'ailleurs pas diminué.

Dix ans après, nous sommes convaincus qu'il faut aller plus loin dans l'égalité des droits et le respect des choix de chacun dans son couple.

Je comprends mal ce qui a été répondu à M. Fischer sur l'amendement que nous avions déposé, comme nous le faisons depuis deux ans, au projet de loi de financement de la sécurité sociale, visant à obtenir un simple rapport sur le coût financier de l'extension du droit à pension de réversion aux couples ayant contracté un Pacs. Reconnaissant que de nombreuses études allaient déjà dans le sens de l'extension, vous estimiez qu'il était urgent d'attendre, ajoutant : « la législation peut évoluer, et nous verrons alors quelle sera l'incidence sur la nature juridique et contractuelle du Pacs ». Étrange réponse que de convier le législateur à attendre que la loi évolue d'elle-même ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'amuse)

Le droit à pension de réversion et le droit à congé pour événement familial sont des mesures d'égalité. Et il ne s'agit pas, monsieur le ministre, de confondre Pacs et mariage. Car il ne s'agit pas de s'attacher à la forme de l'union ou à la sexualité des partenaires mais à leur volonté de se reconnaître mutuellement des obligations -la solidarité et l'entraide matérielle- qui doivent en toute logique trouver leur continuité dans des droits, notamment lors du décès de l'un des partenaires. Notre rapporteur ne s'y est pas trompée, qui souligne que le partenaire « délaissé » ou survivant est dans une situation sans doute moins favorable que celle d'un conjoint divorcé ou survivant, et qu'« il n'est donc pas illégitime de souhaiter une amélioration de sa situation ».

Devons-nous laisser des hommes et des femmes qui survivent à leur partenaire se débattre dans les difficultés au prétexte qu'ils n'auraient pas fait le choix, ou pas pu faire le choix, de se marier ? C'est inacceptable.

La convergence des droits est socialement juste, elle est même indispensable pour faire avancer notre société vers l'acceptation de la différence.

La France a contracté des obligations européennes et internationales qui s'imposent à elle. L'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales exclut toute restriction à la jouissance des droits et libertés qu'elle reconnaît fondée sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions, l'origine, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. La loi n'interdit pas de traiter différemment des situations différentes, m'objecterez-vous. Mais c'est ici la loi qui organise la différence des situations ! Aux couples pacsés hétérosexuels, elle répond que pour avoir des droits supplémentaires, ils doivent se marier, et aux couples pacsés homosexuels, elle interdit le mariage. Belle logique !

Notre pays, monsieur le ministre, encourt le risque d'une condamnation prochaine par les instances européennes. Je m'étonne qu'après avoir été si prompt à réformer la majoration de durée d'assurance au motif que la Cour de cassation avait ouvert une brèche, vous ne décidiez pas de tout faire pour nous prémunir de ce risque.

Parce que ce texte va dans le bon sens et fait évoluer le droit pour accompagner l'évolution de nos moeurs et le regard que nous portons individuellement et collectivement sur autrui, nous le voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Patrice Gélard.  - Je rends hommage à Mme Borvo Cohen-Seat pour avoir, dix ans après la création du Pacs, déposé ce texte. Si elle a utilement retracé les évolutions qui se sont produites, en en soulignant toute la complexité, je suis pourtant en désaccord avec les solutions qu'elle préconise et je rejoins en cela les propos du rapporteur, complétés par ceux du ministre.

Nous n'avions pas vu, en 1999, la différence essentielle entre le Pacs et le mariage. Le Pacs règle des problèmes patrimoniaux (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, approuve) quand le mariage est une institution de la République, qui requiert d'ailleurs la présence d'un officier d'état civil, tandis que nous avions pu envisager un temps, en 1999, un simple enregistrement du Pacs chez le notaire.

Le gouvernement de l'époque s'y était refusé à cause du coût des actes. Pour rendre le Pacs accessible à tous, on faisait intervenir le greffier du tribunal d'instance.

Entre le mariage et le Pacs, il y a des différences essentielles : lors d'un mariage, il y a toute une série d'obligations et d'engagements qui ne s'appliquent pas aux partenaires d'un Pacs. Mme Borvo Cohen-Seat a mis le doigt sur un véritable problème : le Pacs ne résout pas le problème du mariage homosexuel. Il ne règle que les problèmes patrimoniaux.

Deuxième erreur de cette proposition de loi : 94 % des pacsés sont hétérosexuels et la majorité ne souhaite pas passer devant M. le maire. Imposer cette cérémonie irait donc à l'encontre de la volonté de la majorité. En revanche, il est vrai qu'un certain nombre de maires procèdent à des enregistrements de Pacs, comme pour les parrainages civils. Nous n'avons pas à intervenir. Il n'en reste pas moins que la plupart de ceux qui signent un Pacs ne demandent pas à passer devant un officier d'état civil pour procéder à un simulacre de mariage. Ce serait une erreur d'assimiler progressivement le Pacs à un mariage : le mariage est une institution alors que le Pacs est un contrat que l'on peut facilement détruire.

Cette proposition de loi est extrêmement intéressante parce qu'elle pose de vraies questions, notamment sur les pensions de réversion. Nous allons avoir des pacsés préalablement mariés ou l'inverse. Va-t-on procéder comme pour les mariages où la pension de réversion est attribuée au prorata des années de vie commune ? Je n'ai pas la réponse mais la question que vous soulevez va très loin : dans un couple marié ou pacsé, le problème est le même lors de la disparition d'un des conjoints. Celui qui reste est confronté à une baisse de revenu qui est compensée, mais pas toujours. Dans le régime général de la sécurité sociale, la pension de réversion n'est versée que si le revenu du conjoint survivant est inférieur à un plafond. Dans le régime de la fonction publique, en revanche, la pension de réversion est versée automatiquement.

Je suggère que le Sénat mène une étude sur les dispositifs en vigueur à l'étranger. Les exemples scandinaves ont été invoqués mais je ne suis pas convaincu car, dans ces pays, c'est la personne dépendante qui perçoit la pension de réversion. Cela peut donc être un frère, une soeur, un enfant d'un parent. L'assistance est privilégiée, ce qui n'est pas le cas chez nous.

Quand nous avons adopté la loi sur le Pacs, plusieurs parlementaires ont soulevé le problème des fratries.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Tout à fait !

M. Patrice Gélard.  - Les ministres successifs ont dit qu'un jour, ils nous proposeraient une solution pour ces frères ou soeurs qui se retrouvent démunis.

Je remercie Mme Borvo Cohen-Seat d'avoir soulevé tous ces problèmes. Mais M. le ministre et Mme le rapporteur nous ont dit que nous reparlerions de toutes ces questions au cours de 2010.

Enfin, en ce qui concerne les congés, notre rapporteur a rappelé que cette question relevait des conventions collectives dans le privé. Dans le secteur public, on est aussi généreux à l'égard de ceux qui ont signé un Pacs qu'à l'égard des couples mariés. Dieu sait si un grand nombre de fonctionnaires de l'éducation nationale ont eu recours au Pacs !

Il me semble donc indispensable de disposer d'une étude comparative avant d'avoir le grand débat sur les retraites en 2010. Tant que le mariage restera une institution, on ne pourra pas assimiler le Pacs à un mariage. C'est pourquoi notre groupe se ralliera à la position de notre rapporteur. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel.  - Je remercie Mme Borvo Cohen-Seat d'avoir déposé cette proposition de loi : c'était une bonne façon de fêter les dix ans du Pacs, notamment au Sénat où il y a eu le plus de réticences à l'époque. Il s'agissait en effet de faire une loi pour des couples qui ne pouvaient ou qui ne voulaient pas se marier mais qui souhaitaient aussi éviter les incertitudes de l'union libre même si, grâce au doyen Gélard, le concubinage est entré dans la loi.

Mais le Pacs n'est pas seulement un contrat patrimonial : si ce n'était que ça, on aurait suivi la proposition de certains députés de droite de l'époque qui voulaient instaurer un acte notarié. Il y a un aspect symbolique non négligeable. Il s'agit d'une véritable union entre deux personnes : un article rappelle d'ailleurs que les signataires ont des droits et des devoirs. Le Conseil constitutionnel a bien marqué cet aspect symbolique en reprenant la version de la présidente de la commission des lois de l'époque, Mme Tasca, disant que le Pacs était un toit et un lit. Si c'est un lit, il ne s'agit pas que de droits patrimoniaux mais aussi d'une union sexuelle entre deux personnes de mêmes sexes ou de sexes opposés.

Qui, après ce déluge de critiques, aurait cru que le Pacs serait entré dans les moeurs ? Faut-il rappeler les critiques de l'époque ? Certains ont proféré des énormités, comme « le Pacs est un contrat de bon plaisir » ou « le Pacs se conclura au sein des services vétérinaires ». Aujourd'hui, toutes ces critiques ont disparu. La réalité, c'est que le Pacs n'était pas un mariage pour les homosexuels mais une institution pour tout le monde. Aujourd'hui, la majorité des pacsés sont de sexes différents. Le Pacs n'était pas destiné à abolir le mariage ni « un contrat kleenex », comme le disait une députée célèbre. Le Pacs se révèle aussi stable que le mariage, malheureusement pour les mariés et pour les enfants qui naissent.

Le Pacs, ce n'est pas seulement pour ceux qui habitent les villes, pour les bobos. Non, on en trouve sur tout le territoire, même dans les départements ruraux comme le mien. Dans les petites communes, les couples pacsés vivent ensemble et tout le monde trouve cela normal, même si le terme n'est pas approprié.

A l'époque, certains auraient voulu aller plus loin mais toute loi est un compromis entre le Gouvernement et sa majorité. Nous avons fait ce qu'il était possible il y a dix ans avec le soutien des trois groupes de la majorité plurielle. Depuis, la droite a amélioré ce texte, loi après loi ! Aujourd'hui, vous faites la fine bouche, mais votre attitude est surprenante ! (On le conteste à droite) Mais si ! Vous l'avez amélioré sur des points essentiels : l'imposition commune au bout d'un an, ou les droits de succession, après une bagarre terrible avec le ministre des finances. Vous avez également prévu son inscription en marge des actes des états civils, ce qui était demandé par les notaires. Aujourd'hui, vous ne voulez pas aller plus loin, alors que Nicolas Sarkozy a dit : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d'instance mais par la mairie. C'est logique ! Cette union civile à la mairie entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés qui ira, par exemple, jusqu'au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Aujourd'hui, vous refusez de suivre le Président de la République lorsqu'il est dans la bonne voie. Lorsqu'il ne l'est pas, en revanche, vous le suivez aveuglément, comme pour la suppression de la taxe professionnelle (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'exclame) ou le débat sur l'identité nationale qui se réduit à un débat sur la présence de l'islam, ce qui est honteux !

Aujourd'hui, j'ai entendu de belles paroles, mais c'était le bal des hypocrites. Vos discours - ceux de Mmes Dini et Escoffier- ne tiennent pas la route. Ils sont totalement incohérents : ne dites pas que ce n'est pas le moment ! Commençons par voter un cadre général ; les décrets d'application suivront. En fait, vous n'avez pas changé : vous ne comprenez pas les attentes de la société. Soyez certains que ce qui est proposé aujourd'hui sera voté demain : le Pacs comprendra un certain nombre de droits sur la parentalité, notamment le statut des beaux-parents, que d'ailleurs Mme Morano a proposé mais que la majorité a refusé, ainsi que l'adoption par les couples pacsés. Comment refuser à 90 % des couples pacsés hétérosexuels la possibilité d'adopter alors qu'ils peuvent le faire individuellement ? On nage dans la contradiction la plus totale ! (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Tasca.  - Quelle hypocrisie !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il n'est prévu aucune obligation à l'égard des enfants dans le Pacs !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Ce débat est l'occasion pour moi de vous alerter sur les problèmes que posent le Pacs et les autres pactes d'union civile au niveau international. Plusieurs pays ont institué de tels contrats, plus ou moins alignés sur le mariage. Il faut veiller à ce que l'application de notre droit ne provoque pas des discriminations, qu'il s'agisse des étrangers liés à des Français par un Pacs ou des partenaires ayant conclu à l'étranger un pacte d'union civile.

Les conjoints unis civilement sont protégés par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui proclame le droit à mener une vie familiale normale. Le partenaire étranger d'un Français doit donc pouvoir obtenir un visa ou un titre de séjour. Or ces dossiers sont gérés de manière opaque, parfois sans grande considération. Le délai de réponse est souvent aussi long que pour les autres demandeurs, alors que la priorité devrait revenir aux partenaires liés civilement : l'article 3 de la directive européenne de 2004 relative au droit de libre circulation et de séjour des citoyens de l'Union et des membres de leur famille oblige la France à « favoriser l'entrée et le séjour du partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée ». A ma question écrite du 1er octobre, M. le ministre de l'immigration a répondu qu'il privilégiait l'examen au cas par cas des dossiers, le Pacs constituant un élément d'appréciation de la situation personnelle du demandeur. Je ne plaide pas pour l'égalité de traitement des couples mariés et pacsés, mais la position du ministère me paraît loin de garantir les droits des partenaires unis civilement.

En outre, en vertu d'un arrêt du Conseil d'État du 4 mars 2009, l'administration n'a pas à motiver son refus de visa à un partenaire pacsé. Cela autorise tous les abus car il est difficile de vérifier si la situation du couple a réellement été prise en compte. Il me semble d'autant plus important que les refus soient motivés que c'est déjà le cas pour les conjoints, enfants et ascendants des ressortissants de l'Union.

M. Jean-Pierre Michel.  - Bravo !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Il faudrait aussi clarifier notre position sur la reconnaissance des partenariats enregistrés à l'étranger. L'article 515-7-1 du code civil, introduit par la loi de simplification du droit du 12 mai 2009, dispose que « les conditions de formation et les effets d'un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l'État de l'autorité qui a procédé à son enregistrement ». L'article 3 de la proposition de loi est donc satisfait : la France reconnaît les effets juridiques d'une union civile conclue à l'étranger tant qu'ils ne contreviennent pas à l'ordre public français, autrement dit tant qu'ils n'excèdent pas les droits reconnus aux pacsés. Cette précision est importante car les droits reconnus aux partenaires varient considérablement d'un État à l'autre, au sein même de l'Union européenne.

Il y a quelques semaines, on m'a transmis la correspondance d'un couple uni par un partenariat civil britannique avec l'administration fiscale française. Cette dernière notifiait aux intéressés que l'article 515-7-1 du code civil ne leur accordait pas le bénéfice des exonérations d'impôt sur les successions auxquelles les couples français pacsés ont droit, sans leur donner aucune précision sur l'étendue réelle de leurs droits. C'est fort regrettable : l'administration a un devoir d'information envers nos concitoyens et leurs partenaires étrangers, avant même qu'ils ne contractent une union civile.

Afin d'améliorer l'information de l'administration et du public, il faudrait mener une étude de la législation comparée sur les effets des unions civiles dans les différents pays de l'Union européenne et diffuser ses résultats auprès des consulats et des administrations.

Je regrette que la présente proposition de loi n'aborde la dimension internationale de la législation sur le Pacs qu'à propos de l'acquisition de la nationalité. Le plus urgent, pour les couples mixtes unis par un partenariat civil, est de clarifier le droit actuel et les procédures qui en découlent en matière d'immigration ou de droit social. Il importera ensuite de veiller à la bonne information des administrations concernées qui, faute d'instructions claires, opposent parfois des réponses contradictoires aux administrés. (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous fêtons les dix ans du Pacs, qui a beaucoup évolué depuis sa création : ce cadre juridique de la vie de couple qui paraissait marginal et destiné seulement aux homosexuels, beaucoup de couples l'ont choisi plutôt que le mariage. Les réformes successives ont rapproché les deux régimes sans les confondre. Le chemin vers l'égalité a été tortueux et a mis en évidence bien des incohérences et des discriminations.

Je reconnais que le Gouvernement a fait des efforts : la loi Tepa de 2007 et la loi de finances pour 2008 ont mis fin à certaines injustices fiscales, notamment dans le domaine des successions. Un décret récent a étendu le bénéfice du capital-décès au partenaire survivant. Je me félicite de ces avancées, mais la route est encore longue.

Cette proposition de loi vise à combler les failles du régime actuel, volontairement oubliées par le législateur et le Gouvernement : j'en remercie ses auteurs. Leurs propositions justes et équilibrées se fondent sur le principe d'égalité.

Les opposants à toute évolution du Pacs avancent souvent un argument que l'on retrouve dans le rapport : il n'existe aucune obligation juridique de traiter de la même manière le Pacs et le mariage, ni d'en faire découler les mêmes droits. Or cette obligation existe bel et bien : c'est le principe d'égalité. Ce n'est pas par largesse ou par ouverture d'esprit que le législateur a offert aux couples pacsés dans de nombreux domaines les mêmes droits qu'aux couples mariés : c'est parce qu'il est contraint de se conformer à ce principe.

Permettez-moi d'illustrer cette obligation par un exemple. La Halde a récemment considéré que le refus d'étendre le bénéfice des pensions de réversion aux partenaires survivants était une forme de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Selon elle, « les obligations pesant sur les conjoints et les partenaires sont suffisamment comparables, au regard de l'objet poursuivi par la pension, pour rendre injustifiée toute différence de traitement en la matière ». Dans un arrêt du 1er avril 2008, la Cour de justice des communautés européennes a également jugé ce refus discriminatoire et contraire à la directive en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. La commission des lois elle-même a pris position en faveur de l'extension du régime, sous quelques réserves qui paraissent légitimes.

L'égalité des droits sociaux doit être une priorité du Gouvernement et ne saurait attendre la réforme des retraites. En repoussant cette mesure à 2010 et en adoptant de temps à autre des mesures éparses, le Sénat morcelle l'évolution inévitable du Pacs. Seule une réforme exhaustive garantirait le principe d'égalité. C'est l'objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis et que les sénateurs Verts voteront avec une grande satisfaction. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Nous reviendrons sur le sujet des pensions de réversion lors du grand débat sur les retraites. Nous pourrons alors envisager les implications concrètes de la mesure proposée.

Mme Bonnefoy et M. Michel ont cité les propos du Président de la République ; mais ce dernier ne faisait pas seulement référence au Pacs. Un large débat est nécessaire.

Mme Catherine Tasca.  - On voit le cas que M. Sarkozy fait de ses promesses de campagne !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Mme Escoffier s'est inquiétée du nombre de « Pacs blancs » ; mais la possibilité de fraudes ne justifie pas l'alignement du Pacs sur le mariage.

Le mariage et le Pacs ont chacun leur utilité car ils répondent à des aspirations distinctes. Pour ce qui est du mariage homosexuel, la commission des lois n'a pas choisi d'en débattre aujourd'hui, mais le débat sur cette question est public et suscite beaucoup de controverses.

J'ai écouté très attentivement l'intervention de Patrice Gélard. Le Pacs se distingue du mariage, et il ne faut pas chercher à rapprocher à tout prix ces deux formes d'union dans tous leurs aspects. Cela n'empêche pas, néanmoins, de lui apporter certaines améliorations, pour les pensions de réversion par exemple. Vous élargissez la réflexion à bon escient en tenant compte des exemples étrangers.

Madame Pasquet, Xavier Darcos vous a indiqué, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qu'aucun rapport ne préconisait l'alignement strict des régimes.

Madame Garriaud-Maylam, l'absence de motivation ne concerne pas spécifiquement les demandes des partenaires pacsés, mais les motivations peuvent être connues en cas de recours devant la commission ad hoc et, s'il y a lieu, devant le conseil d'État. Le Pacs est pris en considération pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire, accordée de plein droit au partenaire. Nous sommes en train de travailler sur la question fiscale. Les partenaires britanniques bénéficient des mêmes règles que les pacsés français s'ils résident sur notre territoire, et cela depuis la loi du 12 mai 2009.

Madame Boumediene-Thiery, vous avez cité une jurisprudence communautaire s'appliquant spécifiquement au partenariat de vie allemand, qui comprend une obligation de solidarité. Il nous faut y réfléchir, mais la question est trop vaste pour être traitée au cours de l'examen de cette proposition de loi.

La discussion générale est close.

M. le président.  - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Discussion des articles

Article premier

I. - L'article 515-3 du code civil est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel » sont remplacés par les mots : « à la mairie de la commune dans laquelle » ;

2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « au greffier » sont remplacés par les mots : « aux services d'état civil de la mairie » ;

3° Dans le troisième alinéa, les mots : « Le greffier enregistre » sont remplacés par les mots : « Les services de l'état de civil de la mairie enregistrent » et le mot : « fait » est remplacé par le mot : « font » ;

4° Dans le quatrième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal » sont remplacés par les mots : « à la mairie ».

II.  - L'article 515-7 du même code est ainsi modifié :

1° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« En cas de mariage ou de décès, les services de l'état civil de la mairie enregistrent la dissolution et font procéder aux formalités de publicité. »

2° Dans le quatrième alinéa et dans la deuxième phrase du cinquième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d'instance du lieu de son enregistrement » sont remplacés par les mots : «  à la mairie » ;

3° Dans le sixième alinéa, les mots : «  Le greffier enregistre » sont remplacés par les mots : « Les services de l'état civil enregistrent » et le mot : « fait » est remplacé par le mot : « font » ;

4° A la fin du septième alinéa, les mots : « au greffe » sont remplacés par les mots : «  à la mairie » ;

5° Dans le neuvième alinéa, les mots : « au greffier du tribunal d'instance » sont remplacés par les mots : « aux services de l'état civil de la mairie ».

Mme Bernadette Dupont.  - Ce texte propose que l'enregistrement du Pacs soit effectué par le service de l'état civil des mairies. Or le coût de gestion d'une telle disposition serait trop important pour les petites communes. En outre, les officiers d'état civil ne sont pas habilités à recevoir et enregistrer des contrats. Le fait que le Pacs soit mentionné sur l'acte de naissance n'en fait pas pour autant un acte d'état civil. Le Pacs est une simple convention sous seing privé, qui peut être librement modifiée et dissoute unilatéralement. S'il présente certaines similitudes avec le mariage, il en diffère sur de nombreux points et certains couples le choisissent justement pour sa souplesse.

Surtout, le mariage est un engagement. Les contractants se doivent fidélité, secours et assistance, et endossent la responsabilité d'élever les enfants qui naîtront de leur union. Tous ceux d'entre nous qui ont reçu des consentements et déclaré ces couples « unis par le mariage » savent que ce moment est solennel et sincère. On ne peut prendre le risque que le Pacs, lien facile à défaire, soit assimilé au mariage, fondateur de la famille et socle de notre société. C'est ainsi que l'a voulu le code napoléonien. Le groupe UMP n'adoptera pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Roger Madec.  - Cette proposition de loi entrera en vigueur un jour car la législation ne peut demeurer longtemps en décalage avec l'évolution de la société. Le Pacs comporte des lacunes et crée des discriminations : il faut améliorer ce texte. Les temps changent et les mentalités progressent, même si certaines résistances subsistent ici.

La mairie est le symbole des grandes étapes de la vie. Les registres paroissiaux ont été transférés à l'état civil en 1792 : nous pouvons imaginer les débats qui ont eu lieu à l'époque, alors que seul comptait auparavant le mariage religieux ! En outre, on compte 36 000 communes, mais seulement 473 tribunaux d'instance. Pourquoi le Pacs ne serait-il pas traité comme les autres actes d'état civil ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Parce qu'il n'en est pas un.

M. Roger Madec.  - Selon vous, cela créerait une charge de travail considérable pour les petites communes. Pensez-vous vraiment qu'on y fera la queue pour se pacser ? Cet argument est fallacieux. En revanche, après la réforme de la carte judiciaire, il n'y aura plus en 2015 qu'un seul tribunal d'instance à Paris : s'il y a surcharge, ce sera aussi le cas des greffes.

Un candidat à l'élection présidentielle bien connu de la majorité a déclaré qu'il fallait que l'union civile puisse être conclue en mairie. Il est temps de mettre cette promesse électorale en pratique. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Tasca.  - Je me réjouis de l'inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour. Depuis sa création, le Pacs s'est imposé comme l'une des modalités d'union entre deux personnes. Sa création procédait d'un constat simple : certains couples, tels les couples homosexuels, ne pouvaient prétendre à se marier. Ce combat a été porté par des associations et par quelques parlementaires, dont Jean-Pierre Michel et moi.

L'absence de reconnaissance de ces couples constituait une discrimination. Nous avons mené sur ce sujet une réflexion juridique, et surtout politique, guidée par l'esprit de justice et d'égalité. Il n'était ni juste ni responsable de laisser des hommes et des femmes, parce qu'ils ne voulaient pas du mariage ou parce que le mariage ne voulait pas d'eux, en dehors du droit. Alors que la famille est affaiblie et le sens des responsabilités amoindri, il était urgent de faire bénéficier ces couples d'une protection juridique. Loin de l'image communautariste qu'on a voulu lui donner, ce texte participait du combat républicain de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. C'est le sens que lui ont donné plus d'un million de Français, démentant ainsi celles et ceux qui l'avaient caricaturé.

Les propos virulents qui avaient accompagné la loi de 1999 ont aujourd'hui laissé place à un débat plus apaisé. Par la force des choses, la droite s'est aujourd'hui ralliée au Pacs. J'espère que, conformément aux engagements de campagne du chef de l'État, elle y apportera rapidement les améliorations nécessaires. L'argument du temps ne joue pas ici.

En tant que présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale lors du vote du Pacs, j'avais souhaité que celui-ci fasse l'objet d'un suivi : cette proposition de loi y contribue. Dix années après, elle cherche légitimement à renforcer les droits des pacsés.

L'article premier transfère des tribunaux d'instance aux mairies la compétence d'enregistrer les Pacs. Le législateur ne peut pas négliger la réforme de la carte judiciaire qui a raréfié et éloigné les tribunaux d'instance. Quelle entité serait mieux placée que la mairie -à laquelle nos concitoyens sont attachés et qu'ils identifient parfaitement pour tous les actes de l'état civil- pour célébrer une telle union ? L'argument de Mme le rapporteur sur la charge éventuelle que cela serait pour les petites municipalités ne peut être qu'une boutade, compte tenu de l'importance des charges transférées aux collectivités locales ces dernières années, sans compensation. Il est difficile d'entendre cet argument, d'autant qu'il n'est pas avéré, compte tenu du faible nombre de pactes civils célébrés à la campagne. En revanche, l'économie serait réelle pour les citoyens concernés qui n'auraient pas à se rendre dans un tribunal d'instance qu'on éloigne de chez eux. Enfin, la célébration du Pacs au tribunal d'instance judiciarise la procédure alors que l'objet du Pacs vise avant tout à reconnaître de manière républicaine l'engagement que prennent deux personnes l'une envers l'autre. Les mairies sont les mieux placées pour les actes républicains par excellence que sont le mariage, le Pacs et les déclarations de concubinage.

L'article 4 permet l'acquisition de la nationalité française par les étrangers pacsés. Si la République reconnaît la légitimité d'un couple pacsé, comment pourrait-elle, simultanément, nier l'attachement à la Nation française du conjoint étranger ? En cette période où le Gouvernement fait planer des doutes sur les fondements de l'identité française, ne pas faire du Pacs une voie d'accès à la nationalité française constitue précisément une atteinte à notre identité. Ne pas reconnaître l'appartenance à notre Nation d'une personne à qui on reconnaît, de manière officielle, un attachement à l'un de nos ressortissants n'a aucun sens. Le texte de 1999 a permis l'entrée dans la légalité. Celui-ci franchit un pas de plus vers l'égalité de droits des citoyens. Nous voterons cet article ainsi que l'ensemble de la proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi.  - Tous les arguments ne sont pas acceptables. Au doyen Gélard, je rappelle que dès lors qu'on mentionne sur la fiche d'état civil qu'une personne est pacsée et avec qui elle l'est, le Pacs vaut acte d'état civil. Le Pacs n'aurait pas à être enregistré ou célébré en mairie au motif que, à la différence du mariage, il n'est pas une institution ? Le concubinage notoire, qui est enregistré en mairie, serait-il donc une institution ?

Vous donnez là l'image du mauvais usage que vous faites des droits du Parlement. Certains d'entre vous ne sont pas opposés à des aspects de cette proposition de loi. Certains autres ont souligné qu'il fallait pousser davantage l'examen. Avec dix ans de recul ! Probablement voulez-vous que l'initiative vienne d'en haut, du Gouvernement, d'une proposition de loi de la majorité ? Mais cette promesse électorale du Président de la République, vous n'êtes pas pressés de la voir mise en oeuvre, contrairement à d'autres promesses. Vous vous gardez bien de déposer là-dessus la moindre proposition de loi, de faire la moindre évaluation, la moindre étude d'impact, sur le coût de la réversion par exemple.

Enfin que vous l'admettiez ou non, et comme l'ont jugé la Cour européenne des droits de l'homme et la Halde, vous discriminez bel et bien des gens en fonction de leur orientation sexuelle, des gens qui, actuellement, n'ont pas accès au mariage.

Je demande un scrutin public sur cet article premier.

M. Jean-Pierre Michel.  - Le groupe socialiste votera cet article premier, article qui, entre tous, pourrait être adopté tout de suite car il ne pose aucun problème et n'impose ni de revoir la loi sur les retraites ni de consulter les partenaires sociaux. Et il est d'autant plus justifié que les tribunaux d'instance se raréfient.

Non, madame Dupont, il ne s'agit pas d'une célébration par le maire !

Voix à droite.  - Heureusement !

M. Jean-Pierre Michel.  - Il s'agit d'aller voir l'officier d'état civil et de lui faire enregistrer un Pacs. Les maires qui voudront faire une cérémonie continueront à être libres de le faire... Certains collègues de l'UMP sont favorables à cet enregistrement en mairie. Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, a déposé en 2008 une proposition de loi en ce sens, qui fut approuvée sur tous les écrans par Nadine Morano, secrétaire d'État à la famille.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Le Pacs est un contrat, ce n'est pas un acte d'état civil. D'après le code civil, les seuls actes d'état civil enregistrés dans les registres d'état civil sont les actes de naissance, de mariage et de décès. Beaucoup de pacsés, par souci de discrétion, ne voudraient pas aller en mairie. Un maire, officier d'état civil n'a pas qualité pour remplacer le greffier d'un tribunal. Les tutelles sont enregistrées au tribunal car le greffier est qualifié pour faire toutes vérifications. Il n'est jamais bon de mélanger les genres. (Applaudissements à droite)

M. Patrice Gélard.  - La Halde n'est ni une juridiction, ni le législateur. Seul le juge et le Parlement peuvent dire le droit. (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le président de la commission parle de vérifications. Mais de quelles vérifications s'agit-il ? Il n'y a pas à contrôler les déclarations des pacsés. Il faut enregistrer leur pacte, c'est tout. A-t-on même le droit d'aller plus loin ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il faut bien vérifier si le candidat au Pacs n'est pas marié !

A la demande du groupe CRC-SPG, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 141
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté. (M. del Picchia applaudit)

Article 2

L'article 515-3 du code civil est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, en cas d'empêchement grave, le procureur de la République du lieu d'enregistrement du pacte civil de solidarité peut requérir l'officier de l'état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour l'enregistrement du pacte civil de solidarité. En cas de péril imminent de mort de l'un des futurs partenaires, l'officier de l'état civil peut s'y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République auquel il doit ensuite, dans le plus bref délai, faire part de cet enregistrement hors de la maison commune. »

« Mention en est faite dans la déclaration de pacte civil de solidarité. »

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« À l'étranger, l'enregistrement de la déclaration conjointe d'un pacte liant deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française et les formalités prévues aux deuxième et troisième alinéas ainsi que celles requises en cas de modification du pacte sont assurés par les agents diplomatiques et consulaires français. Les partenaires ne peuvent se voir opposer de considérations d'ordre public local. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le Pacs restera donc enregistré au greffe du tribunal d'instance, mais l'obligation de comparution personnelle empêche souvent de conclure un Pacs. (Mouvements d'indignation à droite et au banc des commissions)

M. Christian Cointat.  - On ne va pas se contenter d'une déclaration par correspondance !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La loi pénitentiaire a réglé cette question pour les personnes en prison, mais il reste le cas des personnes malades ou handicapées. (Mme le rapporteur estime que le texte s'applique aussi à ces cas) Il peut exister des accommodements mais rien d'officiel : la loi doit expressément prévoir un déplacement du greffier.

Mme Catherine Troendle, rapporteur.  - L'article 15 ter de la loi pénitentiaire est entré en vigueur.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne parle pas des prisons.

Mme Catherine Troendle, rapporteur.  - Le caractère très général des termes utilisés rend ce dispositif applicable aux personnes hospitalisées, conformément à l'interprétation souple de la Chancellerie.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Pourquoi ne pas le graver dans la loi ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Mais la disposition figure déjà dans le texte promulgué ! Il est inutile de la répéter.

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

Après l'article 515-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les conditions de formation et les effets d'un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l'État de l'autorité qui a procédé à son enregistrement. »

M. Richard Yung.  - Cet article reprend une disposition de la loi de simplification. Nous en avions discuté avec le Médiateur de la République.

Sur le plan fiscal, le ministre du budget m'a fait parvenir un courrier le 30 novembre, pour confirmer que les droits de succession et l'impôt sur le revenu des personnes ayant conclu un Pacs à l'étranger seraient liquidés en France dans des conditions identiques à celles applicables aux partenaires d'un pacte conclu sur le territoire national.

L'aspect fiscal est donc réglé mais autant le graver dans le marbre.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'article reprend un amendement que nous avions présenté avec succès à la loi de simplification du droit.

La promulgation de ce texte aurait dû être accompagnée par des instructions envoyées à toutes les administrations concernées par le nouvel article 515-7-1 du code civil, ce qui ne semble pas avoir été le cas. A ce jour, je n'ai reçu aucune réponse aux courriers que j'ai envoyés aux ministres dont l'administration est concernée. Et de nombreux couples se voient opposer une fin de non-recevoir lorsqu'ils demandent la reconnaissance de partenariat conclu l'étranger. La situation est grave !

Je réitère donc notre souhait de voir le nouvel article du code civil effectivement appliqué. Le Gouvernement mettra-t-il rapidement un terme à cette carence ?

Mme Catherine Troendle, rapporteur.  - Avant la loi de simplification du 12 mai, il était impossible de se prévaloir en France d'un partenariat conclu à l'étranger, ce qui imposait aux intéressés de défaire le lien initial pour en conclure un dans notre pays.

Cette difficulté a disparu grâce à un amendement voté au Sénat, qui a introduit l'article 515-7-1 dans le code civil. La disposition législative proposée est donc sans objet.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - M. Yung a confirmé que M. Woerth avait résolu l'aspect fiscal. L'application concrète du nouvel article relève non d'une nouvelle loi, mais de l'instruction administrative. Nous ferons le nécessaire.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

Après le deuxième alinéa de l'article 21-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger ou apatride qui conclut un pacte civil de solidarité avec un partenaire de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter de l'enregistrement du pacte civil de solidarité, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les partenaires depuis l'enregistrement du pacte civil de solidarité et que le partenaire français ait conservé sa nationalité. »

M. Richard Yung.  - Il s'agit d'un sujet important.

Les représentants des Français établis à l'étranger sont saisis de situations douloureuses de personnes ayant conclu un Pacs devant une autorité consulaire mais à qui on refuse la nationalité française. L'argument fondé sur la règle générale d'acquisition de la nationalité n'est pas convaincant : conclure un Pacs avec un citoyen français rapproche de la France.

Le deuxième argument, sécuritaire, stigmatise les couples binationaux. La vilaine expression « mariage gris » exprime une suspicion systématique.

L'argument du formalisme ne tient pas : il y tout un formalisme autour du Pacs, avec l'exigence de produire un certain nombre de documents...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Oui, il faut un document d'identité !

M. Richard Yung.  - Franchement, si des gens étaient restés pacsés quatre ou cinq ans uniquement pour obtenir la nationalité française, ce serait faire preuve d'une belle patience ! Nous soutiendrons cet article. (M. Jean-Pierre Michel applaudit)

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 5

I.  -  Dans le premier alinéa de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « son conjoint survivant », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité ».

II.  -  L'article L. 353-2 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « son conjoint », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité » ;

2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « son conjoint », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité » ;

3° Dans le dernier alinéa, après les mots : « du conjoint », sont insérés les mots : « ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ».

III.  -  La première phrase du premier alinéa de l'article L. 353-3 du même code est ainsi rédigée :

« La pension de réversion est répartie entre les différents conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité au prorata de la durée respective de chacun des modes de vies communes mentionnées à l'article L. 353-1, dûment constatées avec l'assuré. »

IV.  -   Le deuxième alinéa du même code est ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du précédent alinéa ».

Mme Jacqueline Panis.  - Le Pacs permet d'ores et déjà aux partenaires de jouir de nombreux droits sociaux : octroi de la qualité d'ayant droit pour les prestations d'assurance maladie et maternité, congé de deux jours et versement du capital décès en cas de décès de l'un des partenaires, cinq jours et droit de priorité dans la fonction publique.

Il paraît toutefois légitime de renforcer ces droits sociaux. Si le Pacs avait à l'origine une visée essentiellement patrimoniale, les évolutions législatives lui ont attribué certains effets personnels. Aujourd'hui, le Pacs est une convention équilibrée entre le besoin de protection et la volonté de souplesse.

Le rapport d'information de 2007 de la Mecss recommande l'extension du bénéfice de réversion aux partenaires pacsés, à une double condition : une certaine durée d'union, et une réforme plus globale du système. Nous partageons cette position, qui est celle de notre rapporteur. L'étude comparative proposée par M. Gélard sera utile. Au vu de ces observations, le groupe UMP n'adoptera pas l'article 5.

Mme Isabelle Pasquet.  - Le choix du Pacs implique le devoir de solidarité et d'assistance réciproque. C'est lors du décès de l'un des partenaires que ce besoin se fait le plus sentir ! Nous saluons les évolutions progressives de la législation -extension du droit au maintien dans le logement, alignement en matière de droits à succession et de mutations, ou versement du capital décès- qui témoignent d'un alignement progressif des droits.

Le droit à pension de réversion reste toutefois fermé, tout comme la rente viagère au titre de la contamination à l'amiante. Des progrès restent à faire pour ne pas ajouter à la peine les difficultés financières et matérielles qui suivent un décès. Même les opposants au Pacs, comme l'Unaf, reconnaissent que le partenaire survivant peut se retrouver dans une grande fragilité financière.

Nous proposons une mesure juste, appuyée par le Médiateur de la République et le Conseil d'orientation des retraites. Le rapport de MM. Domeizel et Leclerc préconisait déjà une telle extension en 2006. Mme Troendle estime dans son rapport que « l'octroi du bénéfice de la réversion au partenaire survivant ne serait pas illégitime ». Mais vous voulez attendre le rendez-vous de 2010 sur les retraites, argument soulevé par M. Darcos pour repousser notre proposition d'un rapport sur le coût d'une telle extension. Pourtant, quand il s'agit de réduire les droits, le Gouvernement et sa majorité n'attendent pas !

Enfin, nous proposons un partage au prorata du temps vécu ensemble, ce qui limite considérablement les risques de Pacs de complaisance.

M. Roger Madec.  - L'extension du bénéfice de la pension de réversion serait une avancée majeure. La signature en mairie est importante mais symbolique ; ici, nous sommes dans le concret. Nous remédierions à une injustice, nous répondrions aux observations de la Halde et de la Cour de justice européenne. Nous nous mettrions au niveau de nombre de pays européens. La France, pays des droits de l'homme, ne peut rester à la traîne de la société ! J'espère que le grand débat sur les retraites sera l'occasion de régler enfin cette question. (M. Jean-Pierre Michel applaudit)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - (Marques d'impatience à droite) L'article 40 nous interdisant d'étendre le droit à pension de réversion, nous avons dû nous contenter de demander un rapport sur le coût d'une telle mesure -amendement que vous avez refusé. Il s'agit pourtant d'une mesure de justice sociale et de bon sens. La France risque une condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes : selon la Halde, la France méconnaît les dispositions de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'argumentation de Mme Troendle ne nous convainc pas. Le Conseil d'État ne s'est pas opposé à une modification législative visant à revenir sur cette situation juridique différente. Son avis de 2002 ne peut tirer les conséquences des évolutions législatives intervenues depuis. La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations proscrit les discriminations indirectes. Or priver du droit à pension de réversion le partenaire survivant d'un Pacs liant deux personnes de même sexe au motif qu'il faudrait conserver une spécificité au mariage, auquel ils n'ont pas droit, constitue une discrimination indirecte.

Nous voterons évidemment cet article et espérons que nos collègues le feront aussi, dans l'intérêt des pacsés.

L'article 5 n'est pas adopté, non plus que l'article 6

Article 7

L'article L. 3142-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou la conclusion d'un pacte civil de solidarité » ;

2° Dans le sixième alinéa, après les mots : « le mariage », sont insérés les mots : « ou la conclusion d'un pacte civil de solidarité ».

Mme Isabelle Pasquet.  - Il est vrai que les conventions collectives de branches peuvent prévoir des règles plus favorables aux salariés, y compris en l'absence de dispositions législatives. C'est d'ailleurs le cas pour une partie des 4 millions de salariés actuellement couverts par un accord de branches traitant du Pacs, et des 2 millions de salariés pour lesquels accords de branches ou conventions prévoient explicitement des congés pour événements familiaux liés par un Pacs. Mais cela nous met loin des 22 millions de salariés que compte notre pays.

Je ne comprends pas l'argument qui oppose à cet article les nouvelles règles concernant la négociation collective. Avant qu'intervienne la réforme voulue par le président du Sénat, seuls les projets de loi doivent être soumis à négociation avec les syndicats.

Comme nous ne partageons pas l'analyse sur l'absence de consensus en la matière, nous cherchons les raisons du faible nombre de conventions garantissant explicitement des droits pour les partenaires pacsés. Les conventions collectives sont le fruit d'une évolution des rapports de force et de négociations dans les entreprises et l'on ne peut minorer l'impact de la crise et du chômage sur les négociations. C'est pourquoi nous sommes convaincus qu'il faut appuyer les partenaires sociaux pour qu'ils puissent se référer à la loi au moment d'engager des négociations de branches. Il ne serait pas acceptable que, sous prétexte de respecter le dialogue social, on prive une grande partie des salariés d'une évolution favorable qu'ils sont très nombreux à attendre.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article met fin à une discrimination entre salariés du privés et fonctionnaires : ceux-ci ont droit à cinq jours de congé pour événement familial.

L'article 7 n'est pas adopté, non plus que l'article 8.

L'ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Commission spéciale (Nominations)

M. le président.  - Les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame tous les candidats membres de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Michel Magras.  - Lors du scrutin n°97 sur les amendements de suppression de l'article 45bis du projet de loi de finances, M. Legendre a été porté votant contre les amendements alors qu'il voulait s'abstenir.

M. le président.  - Dont acte.

Guyane et Martinique (Déclaration du Gouvernement)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la proposition du Gouvernement au Président de la République, tendant à l'organisation d'une consultation des électeurs de la Guyane et de la Martinique sur le changement de statut de ces collectivités (application de l'article 72-4 de la Constitution).

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Le Président de la République a décidé de consulter les populations de Martinique et de Guyane sur leur évolution institutionnelle. Ces consultations constituent un événement marquant dans les relations entre la République et ses départements et régions. Pour la première fois, des électeurs ne seront pas confrontés à un choix binaire entre un projet institutionnel et le statu quo mais pourront choisir parmi plusieurs évolutions possibles : soit une collectivité autonome régie par l'article 74 de la Constitution, dont le statut, établi par une loi organique, précisera l'organisation institutionnelle et les compétences ; soit la fusion du département et de la région en une collectivité unique dans le cadre du régime actuel de l'article 73 ; soit le maintien d'une organisation administrative identique à celle en vigueur en métropole.

Les électeurs de la Martinique et de la Guyane auront à répondre le 10 janvier prochain à la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de la Martinique (de la Guyane) en une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution, dotée d'une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ? » En cas de réponse négative, ils auront à répondre, le 24 janvier, à la question suivante : « Approuvez-vous la création en Martinique [en Guyane] d'une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l'article 73 de la Constitution ? »

Ces consultations répondent aux attentes exprimées par les élus, qui ont voulu cette réforme statutaire pour être mieux en phase avec les enjeux sociaux. Car la question statutaire ne doit pas être le point essentiel. Le statut n'est qu'un outil au service des territoires et la question primordiale est celle de leur insertion régionale, de leur développement et de leur cohésion sociale.

Les consultations des 10 et 24 janvier s'inscrivent dans la réflexion plus générale lancée par le Président de la République dans le cadre des états généraux de l'outre-mer. L'évolution institutionnelle de ces collectivités n'est pas une fin en soi mais constitue un instrument parmi d'autres pour nouer la relation rénovée avec la métropole que le Président de la République appelait de ses voeux en concluant le Conseil interministériel de l'outre-mer.

Cette démarche n'est pas un projet du Gouvernement. Il n'a fait que proposer au Président de la République de soumettre au vote de la population une réforme voulue par les élus. Le Président de la République n'a rien imposé, il a écouté les élus de ces collectivités. Conformément aux engagements qu'il avait pris aux Antilles, le Président de la République a donné une suite rapide aux résolutions adoptées les 18 juin et 2 septembre par les congrès des élus départementaux et régionaux de Martinique et de Guyane, qui souhaitent exercer davantage de responsabilités dans le cadre de l'article 74.

Sur la base de ces délibérations, le Président de la République a décidé de donner la parole aux ultramarins. Dès lors qu'il était saisi par les élus, il a souhaité que les électeurs puissent s'exprimer librement sur l'ensemble des différentes évolutions institutionnelles, non seulement celles prévue à l'article 74 de la Constitution, mais aussi celles de l'article 73 avant la réforme des collectivités territoriales qui en dernier ressort sera rendu applicable de droit dans ces collectivités. Les mêmes élus seront alors à la fois conseillers généraux et régionaux.

M. Bernard Frimat.  - Ce n'est pas encore voté !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - En cas de vote négatif à la consultation du 10 janvier, une seconde consultation sera organisée le 24 janvier, sur la création d'une collectivité unique régie par l'article 73. Cette démarche est d'ailleurs celle que le Président de la République avait annoncée le 26 juin à Fort-de-France. Souvenez-vous, il avait alors souhaité que les électeurs s'expriment sur ces évolutions institutionnelles.

« Ce qui compte », disait-il, « c'est que les Martiniquais aient le choix, un véritable choix ».

Dans ce souci d'écoute et de dialogue, il a en outre pris acte, pour la Guadeloupe, de la demande des élus d'un délai supplémentaire de dix-huit mois avant de se prononcer sur une éventuelle évolution. S'agissant de la Réunion, le Gouvernement n'a été saisi d'aucune demande, les élus ont, jusqu'à ce jour, exprimé leur attachement au maintien d'une organisation institutionnelle identique à celle en vigueur en métropole.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Et cela va durer longtemps !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - La consultation du 10 janvier portera sur l'institution, en Martinique et en Guyane, d'une collectivité dotée d'un statut particulier tel que régi par l'article 74 de la Constitution. Ce statut sera établi par une loi organique qui définira la nouvelle organisation institutionnelle de la collectivité ainsi que la répartition des compétences entre l'État et la collectivité. Cela signifie que le degré d'autonomie, le choix des compétences transférées par l'État et le régime juridique des lois et règlements qui s'y appliquent s'adaptent aux capacités, aux besoins et aux responsabilités que la collectivité entend assumer.

Certaines collectivités, comme Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, disposent de compétences qui ne sont pas très éloignées de celles des départements et régions et les lois et règlements s'y appliquent, pour la plupart, de plein droit. D'autres collectivités, comme la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, jouissent de plus d'autonomie et l'État n'y exerce que des compétences purement régaliennes.

Les élus martiniquais et guyanais désirent disposer d'importantes prérogatives en matière fiscale ainsi que de compétences nouvelles -aménagement du territoire, environnement, urbanisme... Ils ont en revanche exprimé le souhait que, dans les matières qui demeureront de la compétence de l'État, comme la protection sociale, la logique d'identité législative continue de prévaloir.

Le Gouvernement donne acte aux congrès de Martinique et de Guyane de leurs demandes, qu'il prendra en compte dans le cadre de la concertation sur le futur statut de ces collectivités. Je tiens cependant à rappeler que conformément à l'article 74 de la Constitution, qui fixe certaines limites aux compétences transférées, l'État conservera l'exercice de ses prérogatives régaliennes, comme la garantie des libertés publiques, la défense, la sécurité, la justice, qui demeureront de sa compétence.

J'ajoute qu'un passage à l'article 74 n'entraînerait aucune conséquence automatique pour ce qui concerne le statut de région ultrapériphérique au sein de l'Union européenne dont jouissent ces collectivités. Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce statut ne peut être modifié que par une décision prise à l'unanimité du Conseil européen et le Gouvernement n'envisage nullement un tel changement, sauf si les collectivités le demandaient ultérieurement.

Le régime de l'article 74 ne constitue donc ni un abandon de la République ni une exclusion de l'Union européenne mais bien plutôt une façon de reconnaître le droit de ces populations à la différence et leur aspiration à plus de responsabilités, dans le respect des garanties fondamentales des libertés publiques et sous le contrôle toujours attentif des autorités de l'État.

Si le non l'emporte à l'issue de cette consultation du 10 janvier, une seconde consultation sera organisée le 24 janvier. Elle portera cette fois sur l'institution d'une collectivité exerçant les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l'article 73 de la Constitution. Cette organisation administrative résultera d'une loi ordinaire intervenant, là encore, après une phase de concertation avec les élus locaux. Elle ne se traduira par aucun changement en ce qui concerne les compétences dont dispose la collectivité ou dans les conditions d'application des lois et règlements. Elle permettra uniquement de mettre fin à une situation introduite en 1982 en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel d'alors, souvent critiquée pour sa complexité administrative et totalement inédite ailleurs en Europe : l'existence, sur un même territoire, de deux collectivités distinctes, qui font de la Martinique et de la Guyane des « régions monodépartementales ».

Cette dualité institutionnelle peut être coûteuse, source de confusion et nuire à l'efficacité des politiques menées localement, en particulier en matière d'aménagement du territoire et de développement économique. Est-il ainsi concevable que dans les DOM, le conseil général et le conseil régional disposent chacun de compétences spécifiques en matière de transports, ce qui rend difficile la mise en place d'une politique cohérente à l'échelle du territoire ? J'ajoute que cette dualité institutionnelle n'offre pas non plus aux collectivités un cadre adapté à l'exercice satisfaisant des pouvoirs spécifiques d'adaptation que leur confère l'article 73 de la Constitution.

Une réponse positive à l'une de ces deux questions permettrait ainsi d'en revenir à davantage de simplicité et de cohérence : un territoire, une collectivité, une assemblée élue, un exécutif responsable devant cette assemblée. Ce nouveau statut résulterait d'une loi -loi organique si le oui l'emporte le 10 janvier ou loi ordinaire si le oui l'emporte le 24 janvier- élaborée après une phase d'étroite concertation avec les élus locaux.

Si le non l'emporte à ces deux consultations, nous ne resterons pas pour autant dans l'immobilisme. Le projet de réforme des collectivités territoriales aura en effet vocation à s'appliquer dans les départements et régions d'outre-mer qui n'auront pas fait le choix d'une évolution spécifique. Comme en métropole, le projet prévoit que des conseillers territoriaux siégeront à la fois dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux.

Vous l'avez compris, la première consultation porte sur l'autonomie institutionnelle et la seconde, si elle est organisée, sur la rationalisation des structures administratives. Le Gouvernement n'entend pas prendre parti pour l'une ou l'autre de ces options mais veillera, en revanche, à informer les électeurs sur les enjeux des scrutins et à garantir scrupuleusement que la campagne soit organisée dans des conditions de démocratie et de transparence incontestables. Il veillera, de même, à une stricte équité entre les deux consultations, qui seront organisées exactement de la même façon. La campagne officielle précédant chaque consultation sera d'une semaine ; les partis et groupements politiques pourront être habilités à y participer si sept élus en Martinique et quatre en Guyane, parmi les parlementaires, les conseillers généraux et régionaux, déclarent y être affiliés et ils disposeront, dans ce cas, de deux heures de campagne radiodiffusée et deux heures de campagne télévisée, ils pourront imprimer des affiches et diffuser des circulaires.

Les consultations des 10 et 24 janvier démontrent que le Gouvernement est disposé à répondre aux demandes en vue de faire évoluer les structures institutionnelles, économiques et sociales actuelles des départements et régions d'outre-mer en tenant compte des attentes de leurs populations. Il s'agit de créer ensemble, si les territoires le souhaitent, de nouveaux modes de gouvernance, plus respectueux de leurs spécificités géographiques, économiques, sociales et culturelles. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Claude Lise.  - Le 10 janvier 2010, les électeurs de la Guyane et de la Martinique vont devoir se prononcer pour ou contre la transformation de leurs départements-régions d'outre-mer respectifs en collectivités d'outre-mer. Le Président de la République a décidé, en effet, de répondre favorablement à la demande que lui ont adressée leurs élus réunis en congrès sur la base de l'article 62 de la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000.

En Martinique, le Congrès des élus s'est prononcé dès la première réunion, à plus de 74 %, en faveur d'un statut régi par l'article 74 de la Constitution. C'est la deuxième fois que les Martiniquais sont appelés à se prononcer sur un changement de cadre institutionnel, après la consultation de 2003 sur la création d'une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution, donc par le principe de l'identité législative. Le non l'avait emporté de très peu au terme, il faut le dire, d'une intense campagne de désinformation menée par un front d'opposants hétéroclite, où les traditionnels intégristes du droit commun côtoyaient des personnalités jusque-là plutôt connues pour leurs discours en faveur de la promotion de l'identité et de la responsabilité martiniquaises. Je ne m'étendrai pas sur les intérêts divers et les arrière-pensées politiciennes qui cimentaient ces alliances objectives, sinon pour constater que la force de ces motivations était parvenue à affranchir de tout scrupule les animateurs de la campagne du non. A défaut de pouvoir convaincre avec des arguments sérieux, ils choisirent de manipuler les esprits en jouant sur la peur, arme connue depuis la nuit des temps et d'une redoutable efficacité -souvenons-nous de la véritable panique suscitée en 1981 sur le thème du « largage »...

La peur joua donc à plein, éveillée par de puissants moyens de propagande et l'on entendit sans cesse brandir la menace d'une perte de tous les acquis sociaux. On entendit même affirmer que la disparition du département de droit commun signifiait celle du RMI et de l'Apa ! De vives critiques s'élevèrent contre la loi organique prévue à l'article 73 pour la mise en oeuvre des habilitations à exercer un pouvoir normatif local. On prétendit que le Parlement y introduirait des éléments non souhaités par les Martiniquais ; alors qu'au vrai, ces possibilités d'habilitations étaient si limitées qu'elles ne pouvaient pas même satisfaire le souhait du Congrès martiniquais de voir élargies ses compétences et véritablement renforcé le pouvoir réglementaire. On alla jusqu'à affirmer que la réforme ouvrait la voie à l'indépendance !

La dramatisation fut donc portée à son comble, et cette perle publiée par le quotidien local l'illustre assez (L'orateur montre la page en cause) : « La situation du moment rappelle étrangement les derniers jours de la ville de Saint-Pierre en 1902. »

Eh bien, j'ai le sentiment depuis quelques mois, de revivre le même scénario. A ceci près que c'est désormais le passage sous le régime de l'article 74 qui est visé et que la collectivité unique, tant diabolisée en 2003, est devenue la bonne solution pour laquelle les détracteurs d'hier appellent à voter, sans réserve, le 24 janvier, dans le cadre de la deuxième consultation prévue par le Président de la République en cas d'échec du oui le 10. Les opposants forment de nouveau un front hétéroclite, mais qui compte désormais un important parti de la gauche autonomiste, le PPM ; ce qui désoriente un peu plus les citoyens martiniquais puisque si en 2003, certains de ses dirigeants avaient affiché des positions on ne peut plus ambiguës, ce parti, dont j'étais alors membre, était officiellement pour le oui. Ses dirigeants actuels prétendent, eux aussi, que la transformation en collectivité d'outre-mer de la Martinique est dangereuse. Selon eux, le régime juridique de l'article 74 entraîne une rupture du principe d'égalité. Ils affirment en outre que les Martiniquais n'auront pas la possibilité de se prononcer sur le contenu exact de la loi organique.

Ils appellent donc à voter pour le maintien de la Martinique dans le régime actuel. Mais ils se disent forts d'obtenir d'ici cinq à six ans un statut de très large autonomie grâce à un nouvel article de la Constitution, prévoyant expressément des garanties relatives à l'égalité et aux droits acquis. En outre, les électeurs martiniquais pourraient être sûrs de contrôler au préalable le contenu de la future loi organique ! Une telle position est totalement irréaliste mais elle contribue à obscurcir l'éventuel vote positif du 24 janvier. Ce serait la victoire de qui ? Des partisans d'une simple collectivité unique ? De ceux de la troisième voie ? Des partisans d'un « article 73 révisé », ou encore de ceux d'un « 73 plus » puisque certains se sont affirmés comme tels ? On serait, en tout cas, assuré d'assister à une exacerbation du débat institutionnel.

Hé bien, les partisans de la transformation de la Martinique en collectivité d'outre-mer ne veulent pas d'une telle confusion. Même s'ils appartiennent à des familles politiques différentes, même s'ils n'ont pas tous la même vision de ce que pourrait être le statut idéal de la Martinique, ils veulent, ensemble, participer à une avancée significative. Ils ne considèrent nullement l'article 74 comme une panacée, ils n'en attendent pas des miracles. Mais ils savent que ce cadre offre des possibilités incontestablement plus intéressantes que l'article 73 et ne menace nullement les acquis sociaux ni le statut de région ultrapériphérique de la Martinique.

On essaie de faire croire que l'article 73 comporterait des dispositions insuffisamment exploitées. En réalité, comme je l'avais dit lors de la révision de la Constitution de 2003, cet article promet plus qu'il ne permet réellement. Ses limites sont d'ailleurs inhérentes à sa finalité : l'identité législative Dans ce régime, ce qui prime, c'est le droit commun. Le système d'habilitations destiné aux assemblées départementale et régionale n'a qu'une portée limitée. Les procédures prévues pour leur obtention sont compliquées, encadrées et ne peuvent aboutir qu'avec l'accord du Gouvernement. En outre, ces habilitations sont faciles à remettre en cause lors de débats parlementaires ultérieurs.

En revanche, l'article 74 permet aux élus, dans les domaines pour lesquels ils ont obtenu le régime de la spécialité législative, de disposer d'outils réglementaires leur permettant de répondre aux réalités locales et donc aux aspirations des Martiniquais de voir s'amorcer un développement endogène de leur île.

Or, parmi les handicaps qui freinent le développement de la Martinique, il en existe un que l'on oublie trop souvent : le handicap institutionnel qui freine les efforts des élus, le dynamisme de l'économie et les divers plans de développement.

La Martinique est dans une situation préoccupante. Elle ne peut donc se contenter du statu quo. Il importe d'éviter, une fois de plus, de voir appliquer chez nous des dispositions avant tout conçues pour l'Hexagone comme ce fut le cas lors des lois de décentralisation de 1982 et de 2004.

Le peuple martiniquais appelle de ses voeux le changement qui s'est d'ailleurs exprimé pendant les événements de février. La consultation du 10 janvier permettra d'amorcer cette évolution. Mais pour que les citoyens puissent saisir cette opportunité, il faut qu'ils soient correctement informés. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités en faisant respecter un minimum d'équité entre les deux camps. Malgré les moyens financiers considérables mis au service des détracteurs de l'article 74, les forces vives, la jeunesse et une majorité de Martiniquais, conscients des enjeux, feront, le 10 janvier, le choix du « oui », celui d'un nouvel élan pour la Martinique ! (Applaudissements à gauche)

M. Georges Patient.  - La Guyane est le plus vaste département français : un territoire continental de près de 90 000 km2, ce qui le distingue des autres outremers insulaires. Les communes guyanaises ont une superficie moyenne de près de 4 000 km2 contre 15 km2 en métropole, ce qui engendre forcément des coûts et des besoins plus importants. La population de la Guyane s'élève à 221 500 habitants mais sa croissance démographique est l'une des plus élevées au monde. En 50 ans, la population guyanaise a été multipliée par huit quand celle de la métropole progressait de 4 %. Elle dépassera 400 000 habitants en 2020.

La Guyane dispose de réels atouts qui intéressent la France, notamment son positionnement géographique, qui en fait un site exceptionnel pour ses activités spatiales, et sa forêt amazonienne, qui fait partie des quinze derniers grands massifs forestiers recensés et qui permet à la France d'améliorer son bilan carbone. Grâce à cet apport, la France peut jouer un rôle majeur au sommet de Copenhague, sommet auquel nous n'avons d'ailleurs pas été invités !

La Guyane dispose de nombreuses ressources peu exploitées ou volontairement inexploitées. Et pourtant, tous les indicateurs sont au rouge : le PIB guyanais par habitant n'est plus que de 47 % du PIB Français. Il est de loin le plus faible des quatre Dom. Le taux de pauvreté de 25 % est le plus élevé des Dom et le chômage, trois fois plus important qu'en métropole, atteint près du quart de la population et touche particulièrement les jeunes. Le taux de couverture des importations par les exportations est en constante dégradation et se situe à 9,2 %. Ce décrochage démontre la faillite d'un système reposant exclusivement sur les transferts publics venant de la métropole. La diminution des dépenses publiques ne peut qu'entraîner de graves conséquences.

Une telle dépendance ne peut pas être porteuse d'avenir et d'espoir. Imagine-t-on la Guyane, après avoir été une colonie de plantation, puis de peuplement, sans aucun succès, il est vrai, puis une colonie pénitentiaire et une colonie de consommation, se contenter de devenir une sorte de colonie spatiale, doublée d'un conservatoire de la biodiversité ?

Nous ne pouvons plus nous en remettre à d'autres pour construire la Guyane. D'ici à 2020, la population guyanaise doublera, ce qui suppose dès maintenant la création de 5 000 emplois par an contre 1 000 aujourd'hui. Cet objectif semble inatteignable, sauf si nous permettons à la population guyanaise de reprendre en main l'exploitation de ses ressources. Il conviendrait donc de renforcer les pouvoirs locaux afin de rendre les richesses plus accessibles à la population. Le développement endogène est indispensable. Certains verrous doivent donc sauter. C'est pour cette raison que je choisis l'article 74 de la Constitution qui nous permettra de mieux nous approprier nos propres ressources.

Ainsi, la Guyane dispose d'un potentiel aurifère important : plus de 120 tonnes selon le BRGM, soit douze fois plus que celui du Surinam. Or, la production déclarée atteint à peine trois tonnes par an et elle est en chute libre depuis que le Gouvernement a fait élaborer un schéma minier qui s'impose à notre propre schéma d'aménagement régional. Lors de l'examen de la loi pour le développement économique de l'outre-mer (Lodeom), nous avons tenté d'obtenir que les collectivités soient associées à l'élaboration de ce schéma minier. En vain ! Ce schéma n'est que l'oeuvre d'un fonctionnaire d'État à la retraite et il entrave le développement de la Guyane. Il s'agit, selon le rapport de la mission sénatoriale, d'une « mise sous cloche ». Cette activité pourrait créer 2 000 emplois directs et 8 000 emplois indirects selon les opérateurs miniers. Or, elle est verrouillée par l'État !

Oui, je choisis l'article 74 car il stipule que les collectivités d'outre-mer auront un statut propre au sein de la République. Si nous optons pour cet article, nous choisirons notre développement en fonction de nos réalités et de notre environnement propres. En raison de l'article 73, la Guyane est purement et simplement assimilée aux petites économies insulaires de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion si bien que les mesures qui sont prises n'ont que peu d'intérêt pour la Guyane. La Lodeom a été façonnée en fonction des Antilles qui connaissaient une situation, il est vrai, explosive.

Oui, je choisis l'article 74 car les collectivités bénéficient des mêmes garanties constitutionnelles en termes de dotations financières de l'État, contrairement à certaines allégations. D'ailleurs, nos rapporteurs spéciaux de la mission outre-mer, Marc Massion et Eric Doligé, n'ont pas manqué de relever dans leur rapport que « les dotations budgétaires de l'État sont à peu près équivalentes, que le territoire soit au niveau du département d'outre-mer ou une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 ».

Oui je choisis l'article 74 car il nous permet, en cas de transfert de la compétence fiscale, d'améliorer le niveau de nos recettes et d'utiliser plus librement l'outil fiscal comme instrument de politique de développement, notamment au regard des contraintes du droit communautaire.

Oui, je choisis l'article 74, car il n'a pas de conséquence sur l'appartenance à l'Union européenne. La collectivité qui choisit le transfert de la compétence douanière sort automatiquement du statut de région ultrapériphérique. Mais la Guyane ne souhaite pas un tel transfert. Elle continuera ainsi à bénéficier des fonds réservés à ces régions.

De même, le passage de statut de département et de région à celui de collectivités d'outre-mer n'implique pas la remise en cause des lois et des droits sociaux bénéficiant aujourd'hui à la population. C'est en effet la loi organique portant statut de la collectivité qui déterminera les domaines dans lesquels la législation nationale s'appliquera sur le territoire. Tout dépendra donc du statut défini par la législation organique. Le Congrès des élus de Guyane a opté pour la sanctuarisation de la compétence d'application des lois sociales dans les attributions de l'État, comme à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin qui sont passées de l'article 73 à l'article 74.

Devant cette assemblée, mes propos revêtent un sens plus solennel. Il convient de contrer les craintes infondées, attisées à des fins politiques par les détracteurs de l'article 74, qui n'hésitent pas à utiliser des arguments fallacieux et à ajouter de la confusion à un débat qui paraît déjà technique pour la population. La mission sénatoriale sur les Dom s'en était déjà rendu compte lors de son passage en Martinique et en Guyane et elle a souhaité une campagne d'information pour éclairer le choix des électeurs.

Vous allez, madame la ministre, vous rendre en Guyane demain : il vous appartient d'apporter une information objective.

Même si le choix des Guyanais se porte sur l'article 74, la Guyane restera dans la République ! Dites-le, madame la ministre, aux pourfendeurs de l'article 74, qui se disent plus français que les autres mais tiennent des propos contraires à la Constitution ! Rappelez-leur les propos du chef de l'État qui déclarait, le 6 novembre, aux Français d'outre-mer : « Vous avez fait part, lors des états généraux, de votre volonté de trouver en vous-mêmes les ressorts de votre propre développement économique. Vous savez combien je tiens, moi aussi, à ce que l'État accompagne les territoires d'outre-mer dans cette démarche. Il s'agit bien sûr d'une préoccupation économique mais aussi d'une question de fierté. Une volonté de prendre en main son propre développement. L'État sera à vos côtés. » (Applaudissements à gauche)

M. Serge Larcher.  - Le 10 janvier, les citoyens de Martinique et de Guyane devront se prononcer sur la transformation de leurs départements en collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. S'ils répondent par la négative, ils seront de nouveau convoqués le 24 janvier pour dire s'ils souhaitent que la région et le département fusionnent pour former une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution.

J'en suis heureux car je suis depuis longtemps convaincu que l'organisation institutionnelle de la Martinique est inadaptée. Comment gérer efficacement une île de 80 kilomètres sur 30 où se superposent deux collectivités ? Le conseil régional et le conseil général se sont réunis plusieurs fois dans le cadre du Congrès pour conclure à la nécessité d'une collectivité unique et pour s'accorder sur une synthèse entre le schéma régional de développement durable et l'agenda 21 du département. Si l'effort de conciliation est louable, il est symptomatique qu'il n'intervienne qu'au terme d'un travail séparé de plusieurs années.

Cette consultation nous permettra de dépasser enfin le débat sur le statut de la Martinique. Depuis la consultation de 2003, le débat institutionnel est demeuré extrêmement vivace, et même envahissant. Pendant ce temps, rien n'est fait pour lutter contre le mal-développement qui mine nos sociétés. Si nous n'y remédions pas, le meilleur statut du monde ne servira à rien ! La population ne s'y trompe pas, qui rappelle au quotidien ses attentes en matière d'emploi, de logement et de vie chère (M. Jean-Paul Virapoullé le confirme) : les très nombreux témoignages recueillis par notre mission d'information en mai dernier en attestent. II est urgent d'apporter des réponses concrètes à nos concitoyens sous peine de perdre leur confiance.

Malgré ces motifs de satisfaction, je dois faire part de mes regrets sur les conditions de la consultation : plutôt que d'interroger les Martiniquais en deux fois sur différentes évolutions institutionnelles possibles, il eût été plus simple et plus clair de leur donner le choix entre ces différentes hypothèses à la même date. Il est également regrettable que les gens soient interrogés sur un simple principe, sans qu'aucun document ne leur soit fourni pour les éclairer sur les changements attendus de telle ou telle évolution. Certes, il revient à la loi organique de fixer, le cas échéant, les compétences nouvelles de la collectivité unique ; mais l'État aurait pu produire un document décrivant les changements prévisibles dans les deux cas, en s'inspirant de ceux qui sont transmis à la population à l'occasion des référendums sur les traités européens. Notre mission d'information avait souligné l'importance de la pédagogie afin de dissiper les peurs irrationnelles pour le plus grand bénéfice de la démocratie. Mais l'État est resté sourd à nos propositions !

Nous sommes donc invités à nous prononcer sur un changement dont les tenants et les aboutissants ne seront définis qu'après-coup : ce pourrait être drôle si ce n'était pas si grave... Le passage au régime de l'article 74 comporte trop d'incertitudes. (M. Jean-Paul Virapoullé approuve) Le statu quo est impossible car il y a une forte volonté de changement. Mais une modification statutaire aussi importante doit résulter du désir profond des citoyens. C'est pourquoi la solution qui s'impose à mes yeux consiste à aménager l'article 73 et à créer une collectivité unique : cela permettra de mobiliser nos moyens pour développer la Martinique. L'État devra aussi se montrer plus attentif à nos demandes en matière de développement social et économique, d'aménagement du territoire et de fiscalité.

Je suis inquiet des suites de la consultation. La sévérité de la crise mondiale a durement touché nos régions économiquement fragiles. Ce contexte a mis au jour des tensions qui couvaient depuis des décennies, pour déclencher un conflit social sans précédent au début de l'année 2009. Pour répondre à cette crise et soutenir nos économies, le Gouvernement a fait voter dans l'urgence la Lodéom mais près d'un an après, les décrets d'application ne sont toujours pas publiés. Le Gouvernement saura-t-il agir plus rapidement après la consultation, afin de nous permettre de concentrer toute notre énergie au développement ? La Martinique ne peut attendre la réforme des collectivités territoriales annoncée pour 2014 ! Le Gouvernement tiendra-t-il ses engagements en matière de développement économique ? Le retard pris dans l'application de la Lodéom et la réduction des budgets de l'outre-mer ne le laissent pas présager.

Une organisation institutionnelle mieux adaptée et des libertés locales renforcées permettront sans doute d'agir plus efficacement pour le développement de la Martinique, mais le statut ne constitue pas en lui-même un projet. Ce projet, c'est aux élus et à la société civile de l'élaborer et à l'État de le soutenir en y apportant les moyens qui sont de son ressort. Ce débat n'intéresse pas seulement la Guyane et la Martinique mais bien l'ensemble des collectivités territoriales qui composent la République. Comme la plupart de mes collègues, je suis un fervent partisan d'une réforme qui réaffirme et approfondisse le caractère décentralisé de l'organisation de l'État. Je serai donc attentif à ce que ma région ne soit pas le laboratoire d'une réforme gouvernementale confondant approfondissement des libertés locales et désengagement de l'État ! (M. Daniel Marsin applaudit)

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Nous vivons une période décisive pour les régions françaises d'au-delà des mers. Paul Valéry disait de l'histoire qu'« elle ne nous permet guère de prévoir mais, associée à l'indépendance d'esprit, elle peut nous aider à mieux voir ». Après l'assimilation commencée dans l'entre-deux-guerres, la départementalisation en 1946, la décentralisation en 1982 et en 2003, et à l'heure de la réforme des collectivités territoriales, le moment est venu de franchir une nouvelle étape dans un processus dont l'enjeu pour la Guyane est de définir les conditions d'un développement endogène et durable.

Certes, il faut se garder d'attendre d'un statut ce qui relève d'un projet de société ; mais le débat institutionnel est loin d'être anecdotique. Nous devons faire face à l'exigence impérieuse de donner à ce territoire un cadre institutionnel et organisationnel qui rende possible son développement, ou à tout le moins ne l'entrave pas comme l'ont fait durant la dernière moitié du XXe siècle les architectures institutionnelles fondées sur l'identité législative avec le reste de la Nation. Sans doute l'État, trop éloigné de nos réalités, a-t-il manqué de volonté et les élus locaux, faute d'un projet commun avec les gouvernements successifs, de sens des responsabilités.

Si l'image de la France hégémonique appartient à l'histoire, cette grande puissance a laissé une chape de plomb sur la Guyane, qu'elle considère toujours comme une réserve foncière, une zone géostratégique, un argument écologique. L'exploitation des ressources a été orientée au profit de partenariats sans intérêt majeur pour les populations locales. En retour, des politiques publiques qualifiées avec une bienveillante inconscience d'assistanat ont détruit l'initiative et l'énergie d'entreprendre. S'y sont ajoutées des règles nationales et communautaires inadaptées et des entraves absurdes. En l'absence d'une transformation en profondeur du cadre relationnel, les plus hautes applications de la technologie en Guyane prolongeraient la longue histoire des rentes qui en étaient exportées.

Soixante-trois ans après la départementalisation, la Guyane se trouve au dernier rang des régions françaises pour quasiment tous les indicateurs sociaux. Les élus, dont je suis, sont trop souvent tombés dans le piège du recours à l'État qui nous a fait perdre maintes occasions de nous battre au nom des valeurs de la République. L'histoire doit nous aider à voir cette réalité paradoxale d'une Guyane riche de potentiel mais exploitée et entravée, et nous devons sortir de l'impasse. En suivant les échanges qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, j'ai pensé au loup et au chien de La Fontaine dont, sans l'évoquer, certains utilisent fort bien les images. La transition dans la sécurité de l'article 73 est opposée au saut dans l'inconnu de l'article 74, comme si nous n'avions le choix qu'entre devenir le chien bien-portant mais en cage ou le loup affamé mais libre. En agitant le spectre de la perte des droits sociaux ou des fonds européens, on joue ainsi sur les peurs de nos cerveaux reptiliens en énonçant des contrevérités et en déniant notre capacité à l'objectivité.

Pour la Guyane, ce ne sera ni forcément le chien gras, ni forcément le loup maigre. Les Guyanais ne sont pas des dogues gras et polis, et l'alternative n'est pas pour eux d'être affamés ou attachés. Affamés, certains le sont déjà en Guyane. Attachés, nous le resterons dans les deux cas, avec le maintien des garanties de base de la Constitution comme avec le statut de région ultrapériphérique d'Europe. Nous devrons toujours nous battre, aujourd'hui pour que les droits constitutionnels ne restent pas théoriques, demain peut-être pour négocier ces mêmes droits dans une loi organique. Au moins seront-ils effectifs parce que les Guyanais eux-mêmes auront la responsabilité de les édicter et de les mettre en oeuvre.

Cette ouverture ne vaut-elle pas un saut vers la responsabilité ? Qu'avons-nous à perdre que nous n'ayons déjà perdu, excepté nos dernières illusions sur l'égalité et la fraternité ? Depuis que je suis sénateur, c'est-à-dire depuis un an, je constate la difficulté de faire voter ces fameuses adaptations que d'aucuns présentent comme la panacée. Hier encore, dans le cadre de la loi de finances pour 2010, des amendements visant l'amélioration des conditions d'aménagement du territoire par les collectivités ont été rejetés, bien qu'inspirés par le rapport Doligé dont tout le monde vante l'excellence. Combien de fois un département d'outre-mer a-t-il pu faire usage de manière satisfaisante de la capacité d'habilitation ? Combien de plans outre-mer spécifiques, combien d'études, combien de rapports et de décrets attendent d'être actualisés ?

Nulle folie de liberté, nulle frénésie parricide, nulle velléité idéologique de rupture avec la République n'animait les élus de Guyane réunis en congrès le 2 septembre, mais plutôt la conscience d'une responsabilité à prendre devant une avancée démocratique, la possibilité de mieux faire si les décisions prises pour la Guyane sont prises en Guyane et par la Guyane. Le régime de spécialité législative proposé par l'article 74 permet d'assumer un rendez-vous avec l'histoire en votant oui le 10 janvier prochain. (Applaudissements)

M. Bernard Frimat.  - Du fait de l'intelligence des grands électeurs de Martinique et de Guyane, les quatre sénateurs de ces départements appartiennent au groupe socialiste. (Sourires) J'ai donc réduit mon temps de parole pour qu'ils puissent s'exprimer pleinement.

Le Sénat a accompli un progrès dans la prise en charge des problèmes de l'outre-mer grâce à la mission commune d'information présidée par Serge Larcher. Mais il ne s'agit que d'un petit pas, et Jean-Etienne Antoinette nous l'a rappelé : un seul des amendements qu'il a déposés a été adopté, qui prévoyait un rapport, mais un autre proposant une étude a été refusé selon un prétexte fallacieux.

L'outre-mer ne doit pas être considéré seulement comme un ensemble de territoires sympathiques, exotiques, touristiques. Il faut envisager son développement et trouver des solutions à ses problèmes de fond, qui touchent à l'éducation, au logement, à l'emploi, à la vie quotidienne... Il n'y a que dans l'Hexagone que l'on peut penser que ces départements se ressemblent. En outre, la Guyane ne peut se contenter d'être l'alibi économique de la France à Copenhague et la Martinique n'a pas pour seule vocation d'accueillir les catamarans et les Hexagonaux en mal de soleil.

Les sénateurs guyanais et martiniquais viennent d'exprimer leur conviction, leur identité, leurs accords... et leurs désaccords. (Sourires) Il faudra parler vrai lors du débat démocratique dans ces territoires, sous votre responsabilité, madame la ministre. Nous retrouverons cette question lors de l'examen d'une prochaine loi, qu'elle soit organique ou ordinaire. Auparavant, les Guyanais et les Martiniquais doivent choisir, sans que la peur les motive et en disposant d'une information objective, car nous avons déjà connu des référendums où l'on ne répondait pas à la question posée. Si rien n'est supérieur à la souveraineté des peuples, certains peuvent parfois être abusés. Je vous en conjure, chers collègues, assurez vous que la vérité règne au cours de ce scrutin. Il faut que les Guyanais et les Martiniquais s'expriment, mais aussi que la représentation nationale les écoute car leurs problèmes nous concernent tous. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Marsin.  - L'évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane concerne la Nation, ce qui nous vaut d'en débattre aujourd'hui. Le recours au corps électoral de manière distincte dans chaque département-région constitue déjà en soi une avancée vers la responsabilité locale. Je veux également témoigner à nos collègues de Martinique et de Guyane, et aux concitoyens qu'ils représentent, la solidarité effective de la Guadeloupe dans la démarche qu'ils ont choisi d'entreprendre. Si leur aspiration à bénéficier de statuts à leur mesure est parfaitement légitime, elle ne saurait gommer plus de trois siècles de cheminement commun pour les îliens des Antilles et les habitants du plateau des Guyanes. D'autant que cette histoire partagée, tumultueuse, s'est construite le plus souvent dans l'épreuve.

Cette consultation fait écho à un mouvement social historique et à une crise qui touche l'ensemble de l'outre mer, malgré la diversité des contextes. Ainsi, Mayotte vit cette crise avec un temps de retard. Hélas, les conflits du début de l'année n'ont fait qu'accentuer difficultés et inégalités.

La départementalisation des Antilles et de la Guyane intervenue en 1946, en grande partie grâce à l'opiniâtreté d'Aimé Césaire, représenta pour nos territoires un immense progrès. Sans oublier la mémoire de Justin Catayé dans la quête pour plus de responsabilités. Les articles 73 et 74 révisés de la Constitution permettent à chaque territoire de définir le chemin qu'il veut suivre vers un supplément d'autonomie et une responsabilité accrue. La décision des congrès des élus est une évolution positive qui anoblit notre République et s'accompagnera de la rénovation du contrat social et politique.

L'organisation des institutions n'est pas optimale dans les départements d'outre-mer. D'ailleurs, le Gouvernement ne projette-t-il pas une réforme nationale tendant à corriger des griefs que nous avons mis en évidence depuis bien longtemps chez nous ?

A plus forte raison, lorsqu'au mille-feuille administratif français, s'ajoute cette curiosité qui consiste à superposer conseil général et régional sur le même territoire. Le brouillage des compétences, l'inefficacité des décisions, l'incompréhension du public, une concurrence politique malsaine entre deux autorités légitimes, en découlent, au détriment de l'intérêt général, du mieux-être de la population et de l'efficacité dans l'utilisation des fonds publics.

Le Conseil constitutionnel a rejeté, en 1982, un projet qui n'est pas si loin de ressembler à celui que la Constitution rénovée nous autorise aujourd'hui. Les temps changent, et c'est tant mieux.

Les Martiniquais, les Guyanais, comme les Guadeloupéens, ont besoin d'un souffle nouveau pour édifier un avenir meilleur. La République peut et doit les y aider. La création d'une assemblée unique aux compétences pertinentes, bien pesées, et clairement définies, constituerait un progrès indéniable pour la rationalisation de la prise de décision. C'est un préalable nécessaire mais pas suffisant. Le projet politique et les compétences de ceux qui le porteront restent essentiels pour ancrer une meilleure gouvernance Iocale, démocratique et efficace.

Si pour le moment, la Guadeloupe n'est pas concernée par ces consultations, je ne peux manquer de vous faire part de quelques interrogations. La première concerne le calendrier : organiser une consultation aussi importante, à peine deux mois avant le scrutin régional ne risque-t-il pas de brouiller la clarté des enjeux et la nécessaire sérénité des débats locaux ? Poser la question, c'est presque y répondre. En cas de réponse positive au référendum, comment s'articulera la campagne électorale régionale avec la définition du projet politique qui doit soutenir l'évolution du statut ? II eût été plus opportun de repousser le scrutin de janvier 2010 à une ère plus sereine ; ou alors, de ne pas maintenir dans la foulée le scrutin régional ! L'expérience de la consultation de 2003 vient étayer la crainte d'un nouvel imbroglio électoral.

La consultation de la population marque-t-elle la fin du processus ? A l'évidence, non. D'où la deuxième source d'inquiétudes. Le contenu de la loi organique qui sera négocié entre l'État et les nouvelles collectivités est fondamental. Or, on peut craindre que les mêmes causes, l'incertitude du contenu, produiront le même effet, la crainte de l'électorat. Et, l'exemple des Iles-du-Nord prouve qu'il ne peut y avoir d'autonomie politique sans moyens économiques, financiers, ni vision à long terme.

Troisième interrogation : vaut-il mieux d'un article 73 poussé dans ses ultimes possibilités sur le pouvoir d'adaptation des lois et règlements, ou d'un modèle de statut article 74 privé de sa substance, faute de moyens financiers, dont la discussion n'interviendra qu'a posteriori ? Je m'interroge d'autant plus sur ce point fondamental qu'aucun des départements d'outre-mer n'a pu sérieusement à ce jour utiliser la faculté d'adaptation offerte par l'article 73.

Si j'ai souhaité exposer mes interrogations, ce n'est pas pour influer sur le débat en Martinique et en Guyane, mais parce que je ne doute pas que notre Haute assemblée sera saisie de la même question, dans un futur plus ou moins proche, pour la Guadeloupe.

La Guadeloupe a pour le moment choisi une trajectoire différente. Le Congrès des élus du 24 juin dernier a opté pour l'élaboration préalable d'un « projet de société ». Si j'ai fait part en son temps de mes réserves sur l'idée d'un « projet de société » unique qui ne peut être ni la source, ni l'attribut de la démocratie, je me réjouis que la question institutionnelle soit déconnectée d'un calendrier électoral qui ne manquerait pas de dénaturer le débat. Je souhaite que ce débat fasse émerger une véritable réflexion, dans toutes les couches de la société, sur l'avenir et sur la façon dont nous assumerons notre rôle, à notre place, au sein de la République. Cette démarche s'inscrit dans la maturité acquise après la consultation traumatisante de 2003 car nous avons tous en mémoire les conditions détestables du débat sur la question posée alors, avec pression politique et psychologique sur la population qu'on a clairement voulu effrayer.

L'évolution institutionnelle dans la République n'a rien d'effrayant mais elle ne suffira pas à résoudre les problèmes de la Guadeloupe, ni ceux du reste de l'outre-mer. Le bien-être des populations ultramarines ne peut dépendre seulement du degré d'autonomie du pouvoir local.

En Guadeloupe, j'attends que se noue enfin un vrai débat politique, que naisse une véritable vision programmatique de ce que doit être le développement apaisé de la Guadeloupe dans la République. Sinon, à quoi bon opter pour plus d'autonomie si la coquille, même rutilante à l'extérieur, se révèle désespérément vide ? A quoi servirait-il de demander toujours plus de dotations à l'État si les crédits devaient être gérés dans l'inefficacité ? Je veux battre en brèche la conclusion du poète Jean Cocteau : « Les révolutions sont belles... les huit premiers jours ».

Attentifs à la démarche des élus de Martinique et de Guyane, nous sommes convaincus de la clairvoyance et du sens des responsabilités des populations martiniquaise, guyanaise, au moment de ce choix déterminant pour leur avenir. Je leur souhaite pleine réussite dans ce nouveau défi. Les destinées des Antilles et de la Guyane ont longtemps été unies dans une même soumission à une histoire coloniale marquée par l'oppression et l'injustice. Le temps passant, nous avons appris, pas à pas, à prendre conscience des lourdes obligations qu'implique la fonction de gouverner dans le cadre que nous a donné I' État. Je souhaite que, si le scrutin traduit la volonté de changement des électeurs, la négociation du nouveau statut se fasse, sinon sur un pied d'égalité avec l'État, du moins sans que trop de déséquilibres dans les rapports de force aboutissent à un partage léonin.

Nous sommes à un tournant de l'histoire de l'outre mer, donc de l'histoire de France. Le fruit de nos réflexions est sans doute appelé à valoir pour plusieurs décennies. Mais je suis serein, car ce débat est l'hommage de notre assemblée aux populations de la Martinique et de la Guyane. Et le résultat des consultations de janvier 2010, quel qu'il soit, sera l'honneur de la République. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit)

M. Christian Cointat.  - La modification constitutionnelle de 2003 a permis des adaptations statutaires et institutionnelles pour l'outre-mer. L'organisation déconcentrée de l'État ne doit pas, compte tenu des spécificités juridiques, culturelles et historiques des collectivités d'outre-mer, être identique à celle de métropole. Or, souvent, en particulier dans les quatre départements d'outre-mer, l'organisation comme l'administration locales ne sont pas toujours adaptées aux contraintes et aux particularismes territoriaux. Force est de constater que les possibilités d'adaptation offertes par l'article 73 de la Constitution pour les départements d'outre-mer sont loin d'avoir porté tous leurs fruits. Bien que cette nouvelle liberté en matière d'adaptation locale des lois et règlements ait été fortement demandée par leurs élus, sa mise en oeuvre reste encore très limitée. Par exemple, les demandes du conseil général et du conseil régional de la Martinique concernant l'aménagement des compétences en matière de transports publics de voyageurs n'ont pas été publiées par le Gouvernement au Journal officiel, au motif que ces demandes ne reflétaient pas un consensus local sur le sujet du fait des demandes concurrentes des deux niveaux de collectivités, alors que le Gouvernement n'est, comme l'a souligné notre Haute assemblée, aucunement habilité à exercer un contrôle d'opportunité en la matière.

Pourtant, la procédure d'adaptation décentralisée prévue à l'article 73 de la Constitution a été, à la suite de l'un de mes amendements, assouplie à la faveur de la révision constitutionnelle de juillet 2008 mais elle n'est pas encore entrée dans les usages, ce qui est regrettable.

Quoi qu'il en soit, les élus de Martinique et de Guyane ont souhaité aller plus loin que les simples adaptations législatives et refondre leur organisation institutionnelle comme le permet désormais la Constitution. Ils ont, ainsi, manifesté leur intention de modifier leur gouvernance, actuellement caractérisée par la juxtaposition, sur un même territoire, de deux niveaux de collectivités : le département unique et la région d'outre-mer. Cette approche rejoint, d'ailleurs, les conclusions de la mission commune d'information du Sénat : elle s'est prononcée en faveur d'un nouvel élan vers un développement endogène réussi de ces territoires, fondé sur l'assainissement de la gouvernance institutionnelle et financière de ces collectivités et sur la meilleure prise en compte des spécificités et de la diversité de ces départements, valorisant leurs atouts et les libérant de contraintes inadaptées.

Réunis en congrès des élus départementaux et régionaux, ceux de Guyane et de la Martinique se sont donc déclarés favorables à un passage du régime de l'assimilation législative adaptée, organisée par l'article 73 de la Constitution, au régime de la spécificité législative, en application de l'article 74 de la Constitution conférant un régime d'autonomie. Nous nous devons d'en prendre acte.

Comme cette évolution est soumise, en application de l'article 72-4 de la Constitution, au consentement des électeurs de Guyane et de la Martinique, le Président de la République a naturellement décidé d'organiser une consultation prenant ainsi en compte la position des élus. Cette consultation aura lieu en janvier 2010 et se déroulera éventuellement en deux temps.

Donner la parole au peuple, c'est le fondement de la démocratie. Nous pouvons donc nous réjouir du processus engagé et qui démontre, une fois de plus, après la création des deux collectivités nouvelles d'outre-mer que sont Saint-Martin et Saint Barthélemy, l'importance comme la qualité de la réforme constitutionnelle de 2003. Bien entendu, il est essentiel que les électeurs de ces deux départements soient suffisamment et objectivement informés des conséquences juridiques d'une évolution statutaire ou institutionnelle afin de se prononcer en connaissance de cause. Il semble en effet que l'absence de publicité et d'explication adéquates des projets d'évolution institutionnelle en Martinique et en Guadeloupe en 2003 ait été, pour l'essentiel, à l'origine de leur rejet par les électeurs. Nous espérons donc la nécessaire information des électeurs.

Cette volonté d'évolution statutaire de ces deux départements d'outre-mer intervient au moment où s'engage, devant le Parlement, la réforme des collectivités territoriales, ce qui pose la question de la coexistence de ces deux évolutions, qui se cristallise notamment sur la création du conseiller territorial, appelé à siéger tant au conseil régional qu'au conseil général. Pour résoudre cette difficulté, le Gouvernement a exclu, à ce stade, d'appliquer aux trois départements français d'Amérique la réforme relative au conseiller territorial, tout en sollicitant une habilitation, pour une durée de dix-huit mois, afin de l'adapter par ordonnance en Guyane, Guadeloupe et Martinique, en fonction des choix d'évolution institutionnelle décidés par les électeurs. C'est une mesure de sagesse.

La question de l'évolution institutionnelle ou statutaire de la Guadeloupe se posera aussi un jour. Toutefois, les élus de ce département ont souhaité se donner le temps d'une réflexion plus globale sur le « projet de société » guadeloupéen et il convient de respecter leur volonté.

Le problème institutionnel n'est pas au coeur des préoccupations de la Réunion qui, d'ailleurs, ne relève pas du dispositif d'évolution statutaire et institutionnelle introduit par la révision constitutionnelle de 2003, car telle fut la volonté de ses élus.

Dans quelques semaines, les électeurs de Martinique et de Guyane vont, par leur bulletin de vote, construire leur avenir. Je souhaite que le résultat des urnes soit l'expression profonde de leurs espérances et que le Gouvernement comme le Parlement répondent à leurs attentes.

Saint-Exupéry a écrit : « L'avenir, tu n'as point à le prévoir mais à le permettre. » Tel est notre devoir, tel est leur destin ! (Applaudissements à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Un profond débat traverse les sociétés martiniquaise et guyanaise quant à l'éventuel changement de statut de leurs départements.

Les mouvements sociaux du début d'année ont montré à quel point la crise était rude pour nos concitoyens ultramarins. Le débat d'aujourd'hui ne doit donc pas nous faire perdre de vue l'urgence sociale de ces territoires, où l'État devrait adopter une stratégie offensive et des mesures d'urgence permettant aux citoyens d'accéder à une vie décente. Les états généraux de l'outre-mer ont souligné combien la population des DOM attendait de l'État qu'il tienne ses engagements.

Chômage et précarité en progression, prix en hausse et crise du logement montrent que ces territoires ont besoin d'une autre politique, tout de suite.

Dans son rapport sur l'éventuel changement de statut, M. Doligé a demandé que l'on organise une campagne d'information éclairant le choix des électeurs. En effet, la population doit se prononcer dans un contexte de crise multidimensionnelle que l'État semble incapable de juguler. Il faut donc exiger qu'il n'y ait pas de nouveau désengagement. Le Président de la République doit prendre des engagements fermes avant le 10 janvier quant aux minima sociaux, aux retraites et à la lutte contre le chômage. Il devrait d'ailleurs se prononcer en ce sens même en l'absence de changement statutaire.

L'aspiration à l'émancipation a été relayée par les élus réunis en Congrès, qui ont opté pour l'autonomie législative. Mais le Président de la République et le Gouvernement ne semblent pas avoir compris que cette aspiration débouchait sur la contestation d'un système fondé sur l'argent, l'exploitation et l'opposition des uns aux autres. Parmi les preuves, je citerai la promesse faite par le Président de la République, devant les états généraux de l'outre-mer, de renforcer la concurrence dans le secteur privé. Cela ne fonctionne ni en métropole, ni en Europe, ni dans le reste du monde !

Quel mépris pour des milliers de gens qui ont manifesté début 2009 pour demander un contrôle accru des pouvoirs publics sur le secteur privé, contre la fixation libre et opaque des prix qui rackette la population. Le Gouvernement doit entendre les revendications populaires !

Un avis rendu par l'Autorité de la concurrence montre que le coût de transport des marchandises et l'octroi de mer servent de prétexte pour pratiquer des prix 50 % plus élevés qu'en métropole. En Guadeloupe, le LKP alerte depuis septembre : les produits dont les prix ont fait l'objet de négociations subissent une pénurie organisée ; les prix des autres produits flambent. Cette situation injuste perdure, car les effectifs de direction de la concurrence n'ont pas été renforcés malgré les promesses.

Pour soutenir le pouvoir d'achat, on pourrait aussi diminuer la TVA ou revaloriser les salaires.

Tous les voyants sont au rouge ! Il faut prendre les mesures à la hauteur des enjeux et des inégalités. Nous condamnons les exonérations sociales et fiscales sans contrepartie.

Principale recette des communes, l'octroi de mer s'est effondré avec la crise. On peut comprendre l'inquiétude des domiens face à la perspective de sa suppression à l'horizon 2014 sous la pression libérale de l'Europe, qui craint une atteinte à la concurrence libre et non faussée.

Le chômage mine les DOM, où son taux est, dans toutes les tranches d'âge, deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Il atteint 50 % pour les jeunes de 15 à 24 ans. La situation du logement est tout aussi catastrophique. La mise à disposition du foncier détenu par l'État, décidée le 6 novembre par le conseil interministériel de l'outre-mer, pourrait contribuer à relancer la construction de logements sociaux par les communes, mais quand et avec quel argent ? Allez-vous mettre vite en place un droit au foncier opposable ?

La gravité de la crise exige que des mesures d'urgence mettent fin au glissement des DOM dans le sous-développement, alors que le conseil interministériel n'a pris de décisions que plusieurs mois après les mouvements sociaux. Et l'absence de financement inquiète la population autant que ses élus.

Dans la proposition de changement statutaire, nombre d'élus voient l'opportunité d'avancer vers davantage d'autonomie. La simplification d'une collectivité unique gérée par une assemblée unique leur semble garantir une meilleure efficacité des politiques publiques afin de mieux prendre en compte les réalités locales. Ils y voient le moyen de participer à un développement plus durable, plus harmonieux et plus solidaire contribuant au rayonnement de la France dans cette partie du monde.

Tout ce qui accroît l'autonomie de ces populations est positif, sous réserve de lever l'inconnu sur la future loi organique. Le Gouvernement doit garantir l'intégrité des acquis sociaux ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Sans vouloir donner de leçons, tout ce qui intéresse l'outre-mer m'intéresse.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Nous aussi !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Tout ce qui intéresse l'outre-mer nous intéresse tous ! Je remercie mes collègues de gauche et de droite pour leur présence. Tout à l'heure, je leur lancerai un appel.

Nous sommes là en raison de notre communauté de destin.

J'ai écouté nos collègues de Guyane et de Martinique, car ils devront faire un choix difficile. Nous partageons une même l'analyse, pour avoir participé ensemble à une mission consensuelle ayant constaté que la situation ne pouvait plus durer. Rien ne justifie des prix 50 % plus élevés qu'en métropole, rien ne justifie un tel nombre d'illettrés, rien ne justifie la situation en Guyane.

Mais on ne peut en faire grief à la départementalisation : si les pères de la départementalisation n'avaient pas fait ce choix en 1946, nous n'aurions pas atteint le développement qui est le nôtre, nous n'aurions pas multiplié par dix ou cent le nombre de bacheliers. Certes, nous manquons de logements sociaux, mais des dizaines de milliers ont été construits. Certes, nous manquons de routes, mais la politique de santé publique dans les quatre départements d'outre-mer dépasse parfois celle de la métropole. Alors, évitons de faire un bilan inéquitable de la départementalisation.

Puisque nous sommes d'accord pour déverrouiller l'économie et adapter les règlements, nous devons emprunter le bon chemin. Pour être libre, un choix doit être clair. Un jour où je me promenais à Fort-de-France, une électrice m'a dit qu'elle irait voter dimanche, qu'elle n'était pas contre le fait de passer du 73 au 74, qu'elle soutiendrait la création d'une nouvelle assemblée, mais qu'elle voulait savoir combien de membres celle-ci comporterait. Je lui ai répondu : « Je n'en sais rien. » Lorsqu'elle m'a demandé comment l'assemblée serait dirigée, j'ai fait la même réponse. Pour ses compétences, j'ai répondu que ni les libertés publiques, ni la défense par exemple n'en feraient partie. « Alors, la compétence sociale, que vous utilisez comme moyen d'intoxication pour m'empêcher de voter oui, figurera-t-elle dans la loi organique ? » Là encore, je ne savais pas, mais j'ai admis que ce n'était pas exclu. Or des fous peuvent sortir des urnes ! (Rires et exclamations) Ne me regardez pas ! (Nouveaux rires) S'ils réclament alors la compétence sociale, on la leur déléguera... et patatras !

Vous avez compris la faille du processus proposé, et la parfaite logique de l'électrice martiniquaise : elle a compris l'enjeu. Par sa décision du 2 décembre 1982, le Conseil constitutionnel a consacré le principe de l'assimilation législative. Quant à l'égalité sociale, commencée sous François Mitterrand, elle s'est achevée sous Jacques Chirac.

L'égalité sociale est un principe constitutionnel ; si l'on opte pour l'article 74, ce principe ne sera plus que législatif, puisqu'il pourra être transféré à une loi organique. Ce n'est pas une question de polémique, mais de vérité. Qui peut dire si dans 20 ou 30 ans, la Haute assemblée ne répondra pas oui à une demande de délégation ? Vous poussez le peuple vers l'erreur... On quitte le boulevard constitutionnel de l'égalité pour le sentier sinueux et risqué de l'égalité législative. Cette position est partagée par la quasi-totalité de la population.

Comme l'a rappelé le Président de la République en Martinique le 6 juin : « Plus une collectivité deviendra autonome, moins l'État aura de prise sur les affaires qui la concernent, plus la collectivité devra assumer. »

Lors du référendum sur la Constitution européenne, le texte du traité était annexé ; ici, aucun projet de loi organique...

Nous ne sommes pas conservateurs. En 1971, il y a eu la réclamation d'autonomie ; depuis, il y a eu la décentralisation, en 1982, en 1984 puis en 2003 : la France de 2009 n'est pas celle de 1971 ! Des pans entiers de responsabilités ont été transférés aux collectivités, qui ont parfois du mal à les assumer. Si l'on en veut encore plus, que cela se fasse sur la voie de la sécurité ! Nous sommes petits, nous sommes fragiles, nous sommes au milieu d'océans de misère. La départementalisation a offert à nos populations un certain niveau de développement ; elles ne sont pas prêtes à y renoncer.

Le développement n'est pas affaire seulement de statut, mais de volonté, de conscience populaire. Nous sommes adossés au premier marché touristique du monde : à nous d'en conquérir quelques miettes ! Nous allons travailler avec l'île Maurice pour apprendre à bien accueillir les touristes. Il n'y a pas de développement du seul fait du pouvoir local !

On entend trop de positions partisanes sur l'outre-mer. Quand j'étais député, j'ai voté tous les budgets du gouvernement Rocard, et plusieurs de ses lois. Il faut un consensus: faisons des propositions de loi, comme la réforme constitutionnelle nous y encourage, sur le développement économique...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Il y a la Leodom !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - C'était un projet de loi, et la vie ne s'arrête pas avec la Lodeom ! 

Élaborons aussi des propositions de loi sur le problème minier en Guyane ou sur la pêche en Martinique : faisons sauter les verrous ! Nous ne sortirons du carcan économique qu'en faisant un examen de conscience : nous nous endormons, or il faut transpirer pour s'imposer sur le marché mondial !

Le combat gauche-droite est un combat d'arrière-garde ; l'intérêt partagé est de mettre en place ensemble un modèle de développement, sans esprit partisan. Nous avons des outils : l'article 73, le traité de Lisbonne, la révision constitutionnelle, qui prévoit un droit d'expérimentation, la cellule européenne pour les demandes de dérogations. S'il en manque, nous en créerons d'autres, mais, de grâce, ne prenons pas le chemin de l'aventure ! (Applaudissements sur certains bancs à droite)

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Je remercie tous les intervenants. Quelques précisions sur l'organisation de la consultation. Le gouvernement ne peut élaborer un document d'orientation : détailler les compétences transférées et les modalités de transferts reviendrait à définir les contours de la loi organique, et empiéterait sur les pouvoirs du Parlement.

La consultation du 10 janvier porte sur les propositions des congrès, qui ont été largement présentées à la population. Ces orientations générales seront reprises dans la loi organique. Aux élus de préciser lors de la campagne le degré d'autonomie auquel ils aspirent, en indiquant les changements de compétences qu'ils souhaitent. La population a fait confiance à ses élus : ce sera tout à leur honneur d'expliquer leur démarche, afin que nos concitoyens se prononcent en connaissance de cause. Le Gouvernement ne propose rien : il respecte le travail des élus. Nous veillons au respect du cadre constitutionnel.

Les articles 73 et 74 n'ont aucune incidence sur le statut de région ultrapériphérique de la Martinique et la Guyane : celui-ci ne peut être modifié que sur décision unanime du Conseil européen, à la demande de la France. Le Gouvernement ne demandera pas une telle modification sans l'accord des collectivités. Celles-ci peuvent toutefois la souhaiter, car la soumission au droit communautaire limite leurs marges de manoeuvre. C'est le cas de Saint-Barthélemy, qui demande aujourd'hui le changement de statut.

Quel que soit le résultat du scrutin, cette évolution ne sera pas une fin en soi. Le véritable enjeu est le développement économique et social, seule préoccupation de nos compatriotes. Quel que soit le résultat du scrutin, la Martinique et la Guyane restent dans la République : les liens avec la métropole seront renforcés dans une relation de confiance rénovée. Je souhaite que ces consultations soient l'occasion d'un débat démocratique serein. Les arguments seront bien différents de ceux de 2003. Laissons aux électeurs le soin de dire leur choix, pour construire leur avenir dans le cadre de la République. (Applaudissements à droite)

Prochaine séance demain, jeudi 10 décembre 2009, à 9 heures.

La séance est levée à 19 h 30.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 10 décembre 2009

Séance publique

A 9 HEURES,

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la fracture numérique (n°461 rect., 2008-2009).

Rapport de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°137, 2009-2010).

Texte de la commission (n°138, 2009-2010).

A 15 HEURES ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

Suite de la discussion de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n°590, 2008-2009).

Rapport de M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°89, 2009-2010).

Proposition de résolution européenne, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, portant sur le respect du droit à l'action collective et des droits syndicaux en Europe dans le cadre du détachement de travailleurs, présentée par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n°66, 2009-2010).

Rapport de M. Denis Badré, fait au nom de la commission des affaires européennes (n°117, 2009-2010).

Rapport de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°127, 2009-2010).

Proposition de loi relative à l'amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n°64, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°128, 2009-2010).

Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°136, 2009-2010).