Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Rappels au Règlement

Mme Raymonde Le Texier.  - Rappel au Règlement ! Je veux dénoncer les conditions dans lesquelles les amendements extérieurs sont examinés en commission. La faute n'en incombe ni à notre présidente ni à notre rapporteur, mais les conditions de travail sont inacceptables. C'est un examen à la chaîne qui n'est pas sérieux. Tous les sénateurs se plaignent de cette dérive. (On le conteste à droite) Les amendements de l'opposition sont moins bien traités que ceux de la majorité : c'est deux poids, deux mesures ! On expédie les nôtres en bloc pour ne s'arrêter que sur un amendement de la majorité, fût-il identique à un amendement de l'opposition balayé à l'instant d'un « défavorable ». (Mêmes mouvements à droite)

La démocratie doit être respectée. Vouloir débattre, ce n'est pas faire de l'obstruction. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Guy Fischer.  - Nous partageons cette analyse.

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Vous n'étiez pas là !

M. Guy Fischer.  - Nous avons une certaine expérience de la vie parlementaire. La Conférence des Présidents qui se réunira dans une heure prendra un certain nombre de décisions.

Les conditions dans lesquelles ce débat s'engage fait qu'il est presque impossible de travailler sérieusement. C'est intolérable.

Mme Colette Giudicelli.  - M. Fischer n'était pas là hier soir.

Nous avons l'impression de travailler en parfaite harmonie avec nos collègues de l'opposition. Mais les conditions de travail ne sont pas celles que Mme Le Texier décrit. (Exclamations à gauche) Quand toute une série d'amendements ont une incidence financières ou déclinent les conséquences d'un dispositif métier par métier, on peut les écarter d'un seul mot. Je tiens à féliciter la présidente pour sa façon de travailler avec la majorité comme avec l'opposition, et le rapporteur pour les explications qu'il donne en prenant le temps nécessaire.

Discussion des articles

Article premier A

M. Guy Fischer.  - Vous n'avez pas tiré toutes les conséquences de cet article, inséré sur amendement de nos collègues communistes. Il s'agissait pour eux, dans une logique globale, d'assurer un financement pérenne des régimes de retraite mais cet article se borne à une simple pétition de principe, reprenant l'article premier de la loi de 2003.

Pour la répartition, on sait ce qu'il en est. Les propositions ne cessent de se multiplier pour développer l'épargne individuelle. Vos discours alarmistes jouent avec l'inquiétude des jeunes dont 88 % se disent angoissés par leur sort au moment de la retraite. Vous voulez toujours plus de capitalisation pour supprimer les mécanismes solidaires de notre système. (M. Jean-Jacques Mirassou approuve)

Insidieusement, nous allons passer à la retraite par capitalisation après 2018. Enfin, qu'est-ce qu'un « niveau de vie satisfaisant des retraités » ?

Connaissant vos choix idéologiques, il y a de quoi être inquiets. Or, 10 % des retraités touchent une pension inférieure à 900 euros par mois. Nous voyons naître en France une nouvelle catégorie : les retraités pauvres ! (Applaudissements sur divers bancs à gauche)

Mme Annie David.  - Cet article, introduit à l'Assemblée nationale par le groupe de la gauche républicaine, pourrait être adopté tel quel. La retraite par répartition est le fondement de notre pacte social, cher au président Larcher. La vieillesse n'est pas un obstacle insurmontable et les personnes âgées ont besoin de la solidarité nationale. La réaffirmation d'un principe ne change rien au contenu de votre réforme qui vous a été dictée par le Medef. Aux uns toujours plus de cotisations et des pensions toujours plus faibles, aux autres, tous les avantages !

Garantir le pouvoir d'achat des retraités exige d'autres réponses. Pouvons-nous encore supporter la faiblesse des retraites agricoles ? Allons-nous réellement prendre en charge la dépendance ? Allons-nous consacrer une part de la richesse créée aux retraites ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. René Teulade.  - Cet article réaffirme le choix de la retraite par répartition. Nous refusons votre réforme et vous refusez de nous entendre. Vous n'écoutez pas non plus les manifestants qui veulent une autre réforme. Il n'y a pas de solution définitive, mais des adaptations nécessaires.

Aucun dogme ne nous interdit de financer les retraites par la solidarité nationale. Augmenter d'un point les cotisations des employeurs rapporterait 9 milliards. Au Danemark, la réforme qui a fait la part belle à la capitalisation n'a pas donné les résultats escomptés. L'emploi, la croissance, la répartition des richesses déterminent la capacité de nos systèmes de retraite à financer les pensions. Il faut plus de justice pour maintenir la cohésion d'une société fraternelle, moderne et performante. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Bariza Khiari.  - Cet article, introduit à l'Assemblée nationale sur proposition des députés du Parti de gauche, n'avait pas seulement valeur incantatoire : il vise à imposer d'autres choix que ceux du gouvernement.

La loi de 2003 sur les retraites rappelait des vérités premières sur le système par répartition. Dans ce projet de loi, rien de tel. A croire que la répartition vous gêne et que vous n'en voulez plus. Mme Parisot estime d'ailleurs que la retraite par capitalisation est préférable...

Avec cet article, nous allons pouvoir débattre sur des bases plus saines. En réaffirmant votre soutien au régime par répartition, vous ne pouvez en vouloir le démantèlement. Pourtant, vous organisez sa paupérisation pour le mettre à bas. Pourquoi ne pas prendre en compte les gains de productivité ?

L'allongement de la durée de cotisation est purement comptable. Un chômeur de plus de 55 ans continuera à être chômeur deux ans de plus : la belle affaire ! Vous allez simplement creuser les déficits de l'Unedic. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Cet article est fondamental. On touche là à la supercherie du Gouvernement, qui communique sur le thème : il y a urgence, il faut aller vite, pensez à nos enfants. Assumez votre idéologie, alors ! Instaurez un système à l'américaine !

Vous en tenez aujourd'hui pour la répartition, parce qu'aller devant les Français en 2012, en assumant l'idéologie libérale, c'est se ramasser. Mais vous voulez un système par capitalisation.

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Caricature !

M. David Assouline.  - Vous allez me dire que je vous fais un mauvais procès, mais vous ne pérennisez les choses que jusqu'en 2012. Vous affolez le pays en vue des présidentielles.

M. Éric Woerth, ministre.  - N'importe quoi !

M. David Assouline.  - Ne commencez pas à vous énerver, nous avons de longues heures à passer ensemble.

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Quelle arrogance !

M. David Assouline.  - Vous taxez le capital à hauteur de 2,2 milliards, les revenus du travail à hauteur de 7,9 milliards, les mesures d'âge feront le reste. En 2025, il manquera encore 13 milliards.

Nos propositions sont tout autres. La taxation du capital rapporterait 18 milliards -et ne parlez pas de bombardement fiscal, vu l'assiette considérée- ; les mesures sur le revenu du travail rapporteraient 18 milliards, avec le 0,1 %, et les mesures démographiques, 8,5 milliards. En 2025, nous aurions ainsi un équilibre parfait.

Vous comptez passer le cap de 2012 en pillant le FRR mis en place par Lionel Jospin. Sans l'argent que les socialistes ont mis de côté, votre réforme serait impossible. (On ironise à droite ; applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Cet article est hélas contredit par le reste du texte. Les effets conjugués du choc démographique et de la crise expliquent les problèmes actuels. Une réforme était donc nécessaire, mais sans remettre en cause les principes de 1945.

Restant sourds à la contestation, vous poursuivez dans l'erreur. Il est encore temps de réfléchir et de revenir à la table des négociations. Il est nécessaire d'élargir l'assiette des prélèvements. Or, pour l'instant, ce sont toujours les mêmes qui payent ! Et les plus faibles sont pénalisés alors que le bouclier fiscal favorise les plus aisés...

En ces temps de crise financière, la capitalisation a fait la preuve de son inefficacité et de ses dangers. Il y a un dévoiement du mot répartition, car seul les salariés sont appelés à faire des efforts. Il y a une forme d'escroquerie intellectuelle à défendre, comme vous le faites, la retraite par répartition. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat.  - Votre texte revient sur les acquis de 1946. Vous refusez aux Français le vrai débat et la réforme juste qu'ils réclament. Je partage la colère des millions de Français, qui manifestent.

« La retraite par répartition est au coeur du pacte social », rappelle l'article premier A. Mais ce principe, vous le bafouez ! Pourquoi confondre pénibilité et invalidité ? Comment accepter le sort réservé aux femmes ? Aux carrières longues ? Quel cynisme à propos des seniors et des chômeurs! Qui peut croire que ce texte va améliorer les équilibres financiers, alors que vous siphonnez le FRR ? En 2018, il faudra encore innover pour financer. Pas plus que les Français, le Parlement n'est respecté, avec la procédure d'urgence. Nous vous avons fait des propositions justes et efficaces et nous attendons que vous les preniez en compte ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Bonnefoy.  - Face aux mutations économiques de notre société, et à cause de certaines de vos décisions, notre système de retraite par répartition est en danger. Mais votre réforme ne règle rien. Vous ne faites que répéter que votre texte est inéluctable. Mais quelle société voulons-nous ? Faut-il toujours travailler plus pour gagner le droit de partir fatigué à la retraite à 67, 68 ...70 ans ? Il y a un temps pour tout, un temps pour le travail et un temps pour le repos. Avec le maintien de la retraite à 60 ans, nous permettons à ceux qui désirent partir de le faire parce qu'il y a une vie après le travail. Votre réforme ne fait que répondre aux marchés financiers et aux agences de notation. Nos concitoyens veulent tout autre chose : écoutez-les ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Domeizel.  - Votre texte va à l'encontre des grands principes rappelés à cet article. Le 26 mars, je vous avais interrogé, monsieur le ministre, quatre jours après votre défaite aux régionales, au lendemain de l'annonce par le Président de la République qu'il ne passerait pas en force. Je vous avais dit alors que les critères humains devaient primer la calculette.

Une réforme ? Oui, mais sans tabous. Depuis 1945, la société a changé. Il fallait une vraie réforme mais là, vous ajustez, la calculette à la main.

D'un côté, il y a l'équilibre des régimes mais, de l'autre, il y a le montant des pensions. Or, personne n'en parle ! Vos interventions ne font référence qu'au seul équilibre des régimes. C'est très grave ! Vous abordez cette réformette sous un mauvais angle ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard.  - Je suis globalement d'accord avec cet article. Il faudrait quand même faire référence aux petites retraites. Le système des retraites n'est pas entièrement redistributif. Ceux qui ont souffert durant leur vie professionnelle ne doivent pas subir la double peine.

Vous êtes si sûrs de vous que je m'étonne que vous refusiez le référendum ! L'idée d'un système par capitalisation ou par points vous titille : le collectif, ce n'est pas la culture de la droite ! (Exclamations à droite)

S'il faut faire appel à la fiscalité, c'est qu'on a réduit la masse salariale. Pourquoi ? C'est parce que l'argent va au capital ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Il n'y a plus d'argent, dites-vous. On baisse la fiscalité car on s'aligne sur le moins-disant fiscal ou social européen : c'est toute une politique qu'il faut revoir ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils.  - Cet article aurait pu être une bonne entrée en matière. Mais dès avant le débat, vous avez affirmé que le débat au Sénat ne toucherait pas au coeur de la réforme, mais uniquement aux problèmes que vous jugez mineurs : femmes, polypensionnés ou victimes de l'amiante... Les femmes seront ravies que vous les considériez comme un problème mineur...

Les manifestants, les sondages sont clairs : vos arguments prétendument de bon sens ne convainquent personne !

Notre pays n'a jamais été aussi riche, la productivité n'a jamais été aussi importante. La France produit 1 000 milliards d'euros de valeur ajoutée, le déficit de l'assurance vieillesse est de 5,5 milliards... les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Nous faisons des propositions sur le financement du système par répartition que nous voulons, nous, sauvegarder. Avec votre réforme, la retraite solidaire serait réduite à peau de chagrin. Nous, nous voulons une retraite décente pour les anciens travailleurs. C'est une question de respect.

En mettant fin aux exonérations indues, nos propositions réduiraient les déficits. J'espère que nous aurons un vrai débat sur ce sujet. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin.  - Il fallait une réforme des retraites, mais pas la vôtre ! Le ministre nous a accusés de manquer de courage : respectez les élus qui ne partagent pas votre opinion. Assez de condescendance ! Nous n'avons pas les mêmes valeurs. Comment demander à ceux qui font les trois-huit, dans des travaux pénibles, de travailler deux ans de plus, alors que, dans le même temps, on remet à Mme Bettencourt un chèque de 30 millions d'euros ? (Exclamations à gauche ; marques d'indignation à droite)

Pourquoi tant de manifestants ? C'est qu'ils dénoncent une terrible injustice. Ils sont les seuls à payer les conséquences de la crise, les traders, eux, sont tranquilles.

Quand il y a 4 millions de chômeurs, l'opulence des bénéficiaires du bouclier fiscal est indécente.

Proposez une fiscalisation des bonus, des retraites chapeau : là vous aurez l'union nationale ! (Applaudissements à gauche)

On connaît les responsables de la crise. Ce sont toujours les mêmes qui paient ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Nous sommes prêts à travailler à une réforme des retraites, sur la base des propositions de M. Bel. Travaillons à la pérennisation de cette répartition que vous invoquez si volontiers !

Le président Arthuis fait des propositions sur la réforme fiscale : débattons-en !

Votre méthode de négociation est insupportable, inacceptable dans une démocratie. Les 140 sénateurs qui ont voté pour la motion référendaire représentent aujourd'hui 70 % des Français ! (Rires ironiques à droite) La majorité du Sénat ne pourra apporter des solutions. Si vous voulez ce consensus, discutez avec la gauche, avec les syndicats, mais nous nous opposerons farouchement à l'idéologie revancharde de la droite ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Cet article, voté à l'initiative de l'opposition, pourrait être acceptable. Je ne reviendrai pas sur les limites de cette réforme, entre injustice et inefficacité...

Vous invoquez l'exemple de nos voisins européens pour démontrer l'inéluctabilité de cette réforme. Mais vous avez menti, monsieur le ministre ! Allemagne, Royaume-Uni, Espagne : aucun pays n'a engagé une réforme aussi brutale. Vous jouez à la fois sur les mesures, l'âge et la durée de cotisation. Résultat, le régime français sera le plus défavorable aux salariés de toute l'Europe ! (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - La commission se réunira de 19 heures 30 à 20 heures 30 : nous irons le plus vite possible.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée, conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette CMP : titulaires : MM. Hyest, Courtois, Buffet, Détraigne, Peyronnet, Sueur, Mme Borvo Cohen-Seat ; suppléants : MM. Collomb, Collombat, Mme Gourault, MM. Guené, Lecerf, Legendre, Mézard.

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.