Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (suite)

Article premier A (Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°1170.

Mme Odette Terrade.  - L'inégalité salariale entre hommes et femmes reste un problème majeur. Les propositions pour sanctionner les entreprises se multiplient, tandis que se prolongent les délais pour les mettre en oeuvre. De toute manière, il ne s'agirait que d'obligation de moyens, pas de résultats.

La jurisprudence étend à juste titre le champ des comparaisons en parlant de responsabilités similaires. Il est temps que le législateur se saisisse de cette question.

Mme Annie David.  - Les femmes subissent le temps partiel imposé et des différences de salaires qui atteignent 19,8 %. En 2007, M. Sarkozy déclarait cela « scandaleux » et s'engageait à ce que l'égalité salariale entre hommes et femme « soit totale d'ici 2010 ». Où en est-on ? Le projet de loi qui devait en traiter est retardé, tandis que vous multipliez les textes en procédure accélérée. Des pénalités sont prévues dans l'article 31, qui pourraient atteindre 1 % de la masse salariale... si n'est pas adopté un plan d'action, formule vague à souhait !

Vous pourriez nous présenter un cavalier gouvernemental de plus pour faire avancer dans les faits l'égalité salariale.

M. Marc Daunis.  - Les inégalités sont graves et persistantes. Les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons. Si elles sont 71 % d'une génération au bac, elles ne sont que 40 % en classe préparatoire et 23 % en école d'ingénieur. Première inégalité.

Deuxième inégalité : 60 % de la validité des acquis de l'expérience concerne les femmes.

Troisième inégalité : le taux de chômage des femmes reste de 11 % contre 9,7 % pour les hommes. Les emplois non qualifiés concernent pour 60 % les femmes, et même pour les deux tiers dans le tertiaire.

Bref, le diplôme obtenu par une femme est moins valorisé que celui d'un homme. Un homme bachelier de 40 ans a 13 % de chances de devenir cadre contre 6 % pour une femme.

C'est dire l'importance de cet amendement. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°1170 n'est pas adopté.

L'amendement n°317 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°59.

M. Ronan Kerdraon.  - Nous sommes fiers de la retraite à 60 ans : c'est une conquête sociale qui a fait preuve de son efficacité économique. Remettre en cause cet acquis, c'est ne pas tenir compte du fait que deux tiers des 55 ans sont au chômage, c'est méconnaître les aspirations des Français. Il y a un temps pour travailler et un temps pour se reposer.

L'usure au travail existe toujours, même si elle a pris davantage une dimension morale et psychologique. La souffrance pousse de nombreux salariés au suicide et dans la dépression.

L'allongement de la durée de la vie implique le recul de l'âge légal, nous dit-on. C'est une idée reçue. On ne peut toujours demander plus à ceux qui ont moins. L'espérance de vie des ouvriers est très inférieure et il faut retenir le critère d'une vie en bonne santé. De plus, les retraités participent pleinement à l'activité économique, culturelle et surtout associative de notre pays. La retraite est un dû. Votons cet amendement ! (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - Il faut mettre fin à cette attaque cynique contre l'acquis du CNR. Vous voulez voler les Français des dix dernières années en bonne santé qu'ils ont à vivre.

Ne maintenir le départ à 60 ans que pour ceux qui sont déclarés à 10 % invalides est inacceptable : ceux qui exercent un métier pénible ne pourront donc prendre leur retraite que parce que malades. Les salariés ont droit à une retraite décente. (Applaudissements sur les bancs CRC)

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

Organisation des débats

M. le président.  - La Conférence des Présidents qui s'est tenue le 6 octobre avait laissé ouverte la question de la séance de samedi.

Le Président du Sénat me fait savoir qu'après avoir consulté la président de la commission des affaires sociales et les présidents de groupes, il apparaît nécessaire pour le bon déroulement de nos débats de siéger vendredi dans la nuit et de recommencer lundi à 10 heures au lieu de 14 h 30. Acceptez-vous ces propositions ? (Assentiment)

Dans ce cas, il n'y aurait pas Conférence des Présidents demain.

Discussion des articles (Suite)

Article premier A (Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°60.

M. Guy Fischer.  - L'amendement n°60 porte sur la retraite des femmes qui perçoivent une pension très inférieure à celle des hommes.

Cette situation n'est pas acceptable et des amendements devraient améliorer les choses. Lundi dernier, cinq membres du Gouvernement, dont M. Woerth, se sont exprimés dans un grand quotidien du soir. Selon eux, les écarts seraient en train de s'estomper. Mais pourquoi plus de 30 % des femmes ne prennent-elles leur retraite qu'à 65 ans? Pourquoi avoir augmenté, comme en 1993 et en 2009, la durée des cotisations ?

Les femmes qui partent avant 67 ans subissent de plein fouet la décote. Moins de la moitié des femmes valident une carrière complète à 65 ans.

Soit il faudra travailler jusqu'à 67 ans pour éviter une décote trop lourde, soit partir à 62 ans avec une pension qui se sera effondrée. C'est de la précarité qui s'ajoute à la précarité. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Raymonde Le Texier.  - L'écart entre les retraites des hommes et des femmes ne se résorbe pas. Si une femme s'arrête pour mettre au monde un enfant, elle n'a droit ni à une prime ni à une promotion, comme elle pourrait y prétendre, à son retour. Et c'est pareil si elle recommence alors que ses enfants paieront nos retraites.

M. le ministre nous dit que les écarts de salaires à l'embauche n'existent quasiment plus. C'est faux. Ils persistent, et de manière caricaturale. Nous avons tous des exemples de ce type en mémoire. Votons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Cazeau.  - En se focalisant exclusivement sur les enjeux financiers, cette réforme fait l'impasse sur les enjeux sociaux. Elle favorise ceux qui sont en haut de l'échelle. La France a l'un des systèmes les plus défavorables aux classes moyennes. De nombreuses femmes touchent des pensions inférieures au seuil de pauvreté. Nos propositions sont donc justes et raisonnables. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°746.

Mme Annie David.  - Cet amendement traite de la solidarité intergénérationnelle qui doit passer par une réelle politique de l'emploi.

La crise a entraîné, avec la destruction de 680 000 emplois, une perte de 600 millions dans les caisses de retraite. Le plein emploi est donc nécessaire. Or, les jeunes et les seniors sont touchés par un chômage de masse. Ils veulent pouvoir travailler pour cotiser. Une politique de l'emploi stable et bien payé est nécessaire, mais vous faites l'inverse. Pôle emploi, qui transforme des CDI en CDD, devrait d'ailleurs donner l'exemple. Les suicides qui s'y multiplient doivent vous interpeller, monsieur le ministre. Voulez-vous que l'exemple de France Télécom s'y généralise ?

Rien à voir avec les exigences du Medef que vous écoutez avec complaisance.

Mme Isabelle Pasquet.  - Un grand nombre de jeunes sortis du système scolaire sans formation sont au chômage. Dans les zones sensibles, la jeunesse tente pourtant de se former. Et c'est pourquoi elle manifeste autant contre cette réforme. Ces jeunes savent que les pensions qui leur seront versées ne leur permettront pas de vivre. Avec votre politique, ils savent qu'un long chemin de croix les attend. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. David Assouline.  - Un mot sur la jeunesse : aujourd'hui, on sent qu'elle est en mouvement. Elle est concernée par ce débat. Les jeunes savent qu'en commençant à travailler à 30 ans, ils n'auront donc pas leurs quarante annuités avant 70 ans. Veut-on retarder jusque-là l'âge de leur retraite ?

L'ensemble de la jeunesse se sent concernée par ce « trou » d'avenir devant elle. Nous discutons de son avenir. Il n'y a pas de réforme possible sans qu'elle y adhère. Si les jeunes n'ont pas confiance, le système, dont ils se détourneront, va péricliter de lui-même. Il faut donc voter cet amendement.

M. Jean Desessard.  - Notre société aime la jeunesse, mais pas les jeunes. Elle les infantilise.

M. Alain Gournac.  - C'est vrai.

M. Jean Desessard.  - Elle considère qu'ils ne savent pas travailler : dans un premier emploi, un jeune touche 40 % de moins que le salaire moyen ; de mon temps, l'écart n'était que de 10 %.

Le ministre du travail nous parle de mesures pour favoriser le travail des seniors. Si de telles mesures sont suffisantes pour faire travailler un senior à 60 ans, pourquoi ne pas faire de même pour les jeunes de 23, 24 ou 25 ans ? Répondez, monsieur le ministre, à cette question que je vous ai déjà posée. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°746 n'est pas adopté.