Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, engageant la procédure accélérée portant réforme des retraites.

Discussion des articles (Suite)

Article 3 (Suite)

M. le président.  - Nous en sommes aux explications de vote sur les amendements n°s89 et 974.

Mme Marie-France Beaufils.  - La fin du quatrième alinéa de cet article prévoit une information « sur les dispositifs leur permettant d'améliorer le montant de leur future pension ». Derrière cette formule vague se cachent en réalité les mécanismes de la retraite par capitalisation Les assurances aimeraient mettre la main sur les 240 milliards et certains sénateurs, sensibles à leurs demandes, ont déposé des amendements en ce sens. Heureusement, la commission les a repoussés.

Mais l'intention demeure. Avec ce projet de loi, les banques et les assurances sont doublement gagnantes puisqu'elles ne sont pas taxées et qu'elles vont mettre la main sur la retraite par répartition. Cachées dans le cheval de Troie qu'est cet article, elles attendent leur heure.

Mme Annie David.  - Ne faudrait-il pas améliorer les salaires pour éviter aux seniors de devoir travailler plus longtemps pour obtenir des pensions décentes ?

Les seniors sont pris en otage par le Medef qui réclame le relèvement de l'âge de la retraite et les entreprises qui font tout pour se débarrasser des seniors. Pourquoi ne pas reconnaître la pénibilité de certains emplois pour en tirer les conséquences ?

Pour une pension digne, il faut un salaire digne tout au long de sa carrière.

Mme Raymonde Le Texier.  - Avec cet article, vous appelez pudiquement à la retraite par capitalisation, en contradiction flagrante avec vos annonces.

Vous savez bien que les pensions vont baisser à cause de votre réforme et vous voulez inciter les salariés à se tourner vers la capitalisation. C'est prendre un risque énorme ! Voyez ce qui s'est passé avec la crise : les fonds de pension ont énormément souffert, comme l'a souligné le président du COR.

A la demande du groupe UMP, les amendements identiques n°s89 et 974 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1161, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En amont de tout projet d'expatriation, l'assuré bénéficie à sa demande d'une information, par le biais d'un entretien, sur les règles d'acquisition de droits à pension, l'incidence sur ces derniers de l'exercice de son activité à l'étranger et sur les dispositifs lui permettant d'améliorer le montant futur de sa pension de retraite. Une information est également apportée au conjoint du futur expatrié. Les conditions d'application du présent alinéa sont définies par décret.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je me félicite que les trois amendements identiques inspirés par les recommandations de la Délégation des femmes aient été adoptés. Je me réjouis également d'avoir vu les droits des Français hors de France reconnus avec l'amendement de nos collègues socialistes. Cet amendement est quelque peu différent.

Le processus de mondialisation amène un nombre croissant de nos ressortissants à s'expatrier dans le cadre d'un projet professionnel. Peu d'entre eux sont vraiment informés des conséquences de cette expatriation sur leurs droits à pension, sachant que leur conjoint est souvent dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle dans ce pays de résidence.

Il faut donc procéder à une information complète sur les conséquences de cette expatriation sur les droits à pension. Cette obligation d'information des futurs expatriés et de leur conjoint doit être inscrite dans la loi.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - L'avis était défavorable mais notre assemblée s'est prononcée différemment sur les amendements précédents. A elle de voir.

M. Éric Woerth, ministre.  - Une information spécifique peut être envisagée pour les Français qui s'expatrient. Sagesse.

L'amendement n°1161 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°975, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Annie David.  - Ce qui apparaît comme une amélioration de l'information des salariés cache mal la précarisation de la situation des futurs retraités.

L'alinéa 5 est provocateur : comment oser, en effet, affirmer que différents choix de carrière s'offrent aux salariés alors que près de 4 millions de nos concitoyens sont au chômage, alors que des dizaines de milliers d'entre eux prennent la première proposition qui se présente ?

M. le rapporteur écrit, page 75 de son rapport, sans ironie apparente : « Il importe que les assurés soient sensibilisés relativement tôt sur le montant futur de leur retraite afin qu'ils puissent mesurer l'incidence de certains choix de carrière sur leur pension ». Il oublie qu'ils devront travailler deux ans de plus !

M. le président.  - Amendement n°545 rectifié bis, présenté par Mme Debré, MM. Laménie, J. Gautier, Lardeux, Vasselle, Milon, Pinton et Vestri, Mme Rozier, M. Dériot, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. P. Blanc et Gournac, Mme Goy-Chavent et M. P. Dominati.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les informations et données transmises aux assurés en application du présent alinéa n'engagent pas la responsabilité des organismes et services en charge de les délivrer.

M. Jacques Gautier.  - La commission des affaires sociales a prévu que l'assuré recevrait, lors de l'entretien individuel à 45 ans, la simulation du montant potentiel de sa future pension selon qu'il décide de partir à l'âge légal ou à l'âge d'obtention du taux plein. A une échéance aussi lointaine, cette simulation sera très approximative.

La responsabilité des organismes de retraite ne doit pas être engagée pour cette simulation. Le principe de non-responsabilité est d'ores et déjà reconnu, mais au niveau réglementaire

M. le président.  - Amendement n°762, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les informations données aux assurés deviennent à leur demande, opposables lors de l'ouverture des droits à la retraite.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous sommes opposés à cet alinéa provocateur. Les informations données aux assurés doivent être opposables lors de l'ouverture des droits à la retraite. Si tel n'est pas le cas, le droit à l'information serait un leurre. Nous voulons démontrer et dénoncer la tricherie en cours.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Interpréter mon rapport comme vous le faites, madame David, relève de la perversité ! Mais j'ai déjà constaté, ces derniers jours, qu'on lisait aussi dans ma tête...

Défavorable à l'amendement n°975. Avis favorable à l'amendement n°545 rectifié bis. Avis défavorable à l'amendement n°762 qui serait source de nombreux contentieux.

M. Éric Woerth, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos975 et 762. En revanche, avis favorable à l'amendement n°545 rectifié bis : il ne s'agit que d'une information.

L'amendement n°975 n'est pas adopté.

L'amendement n°545 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°762 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1192, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Un relevé à jour est communiqué à tout moment à l'assuré par voie électronique, lorsque celui-ci en fait la demande. » ;

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - L'assuré doit pouvoir, à tout moment, demander à sa caisse de recevoir son relevé de situation individuelle par voie électronique.

M. le président.  - Amendement n°1191, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 8

Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

troisième

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Amendement rédactionnel.

L'amendement n°1192, accepté par le Gouvernement, est adopté, ainsi que l'amendement n°1191.

M. le président.  - Amendement n°978, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport au Parlement qui déterminera si les services administratifs concernés ont eu les moyens financiers et humains pour mettre en place et assurer ce système d'information rénové. Ce rapport fera des propositions pour améliorer et corriger si besoin l'organisation de cette information.

M. Guy Fischer.  - De bonnes idées se heurtent parfois à d'importantes difficultés techniques ou budgétaires. Pôle emploi devait améliorer l'accueil des chômeurs : chaque conseiller devait suivre 80 dossiers : ils en gèrent près de 300 ! Impossible d'assurer le suivi personnalisé promis par Mme Lagarde. Même chose avec les maisons du handicap.

Nous demandons donc un rapport pour estimer l'efficacité de l'information délivrée aux salariés.

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Il est demandé un rapport supplémentaire : défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

Mme Annie David.  - Je n'ai pas pour habitude de travestir les propos des uns et des autres, monsieur le rapporteur. Je maintiens mes propos. J'avais parlé de la page 75 de votre rapport ; c'était une erreur : je faisais allusion à la page 79 de votre rapport, où figure bien la phrase que je citais. Je m'emporte parfois, même si je ne le devrais pas...

M. Jean Desessard.  - Mais si ! Emportez-vous !

Mme Annie David.  - ...mais je ne déforme jamais ! Je respecte trop le travail pour caricaturer qui que ce soit, même si je ne suis pas d'accord. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°978 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article 3.

M. Guy Fischer.  - Je suis attentif et pugnace, comme Annie David ; je suis très étonné du rejet de notre amendement n°978. Je croyais que nous poursuivions le même objectif d'information de nos concitoyens. C'est pour cela que nous avions demandé un rapport pour connaître la traduction concrète de cet article. Le Conseil d'État a rappelé que la loi devait être intelligible et précise. Le Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle au principe d'intelligibilité de la loi. Or, les dispositions de ce projet de loi sont bien souvent incompréhensibles.

Mme Raymonde Le Texier.  - Sous couvert d'informations, nous voilà soumis au prosélytisme des banques et des assurances sur la merveille de la capitalisation.

Avec les déficits de nos régimes de retraite, les portes sont grandes ouvertes pour la capitalisation. Insidieusement, les lignes vont bouger et, un jour, la capitalisation sera inéluctable.

En matière de droit du travail, tout est fait pour marginaliser les salaires. Vous entendez faire la même chose avec les pensions, qui ne seront plus qu'un revenu parmi d'autres. Vous sonnez ainsi la fin de la solidarité intergénérationnelle. Nous refusons d'entrer dans cette logique.

Mme Christiane Demontès.  - Que pourra dire celui qui, chargé de l'information, sera devant des hommes et des femmes dont la carrière aura été hachée, brisée, écornée ? Devra-t-il s'excuser ?

Votre réforme de 2003 a échoué, faute d'une véritable politique de l'emploi. Avec ce projet de loi, il en ira de même car vous ne luttez pas contre la précarité. Nous ne voterons pas cet article.

M. Yves Daudigny.  - Les moyens matériels et humains seront-ils au rendez-vous pour assurer l'information ? Le point étape retraite concernerait 900 000 personnes par an. A l'Assemblée nationale, M. Woerth a dit que tout le monde ne viendrait pas. Hélas, ce sont sans doute ceux qui en ont le plus besoin qui ne demanderont pas d'information.

Faute de moyens, vous risquez de mettre les caisses en difficulté, une fois encore.

Etes-vous sincère lorsque vous dites vouloir sauver les retraites par répartition ? Des fonctionnaires pourraient être amenés à conseiller l'adhésion à des régimes par capitalisation. Les fonds de pension ont perdu 23 % de leur valeur en 2008 et ont ruiné des millions de retraités. (M. Guy Fischer confirme ; applaudissements à gauche) Soit vous avez la mémoire courte, soit vous jouez contre les retraites !

M. Alain Anziani.  - Cet article 3 signe un double aveu.

D'abord, l'aveu que cette réforme ne suffira pas à assurer des pensions décentes. L'article premier A était donc insincère ?

Ensuite, l'aveu que cette réforme a été faite pour les privilégiés. (Exclamations ironiques à droite) Comment une personne défavorisée va-t-elle pouvoir se tourner vers la capitalisation ? Cette réforme est faite pour certains, mais pas pour la grande majorité. (Applaudissements à gauche)

L'article 3, modifié, est adopté.

Article 3 bis

M. Bernard Cazeau.  - Cet article prévoit d'améliorer l'information des salariés : cette mesure va dans le bon sens. Mais les salariés des caisses vont devoir travailler encore plus pour fournir cette information. Le directeur général de Pôle emploi a reconnu que la situation était tendue à cause du manque d'effectifs. Pouvez-vous nous dire si les caisses pourront faire face à ce surcroît de travail ?

M. Guy Fischer.  - Nous nous abstiendrons sur cet article qui concerne la présentation du répertoire national commun de la protection sociale. Certes, il faut lutter contre la fraude, mais le patronat tourne les règlementations, grâce à l'aide du Gouvernement. Les détournements de procédures par les entreprises sont légion, sans que vous réagissiez.

Enfin, la meilleure solution de lutter contre la fraude au niveau européen, c'est encore de favoriser une harmonisation vers le haut des politiques fiscales et sociales ; mais la sacrosainte loi du marché s'y oppose...

L'article 3 bis est adopté, ainsi que l'article 3 ter.

Article 3 quater

M. Guy Fischer.  - Il s'agit ici de créer un répertoire de gestion des carrières uniques. A force de tout rationaliser, vous voulez fondre le public avec le privé.

Sous couvert de discutables arguments comptables, vous poussez vers un alignement du public sur le privé, en faisant fi de leurs différences.

Le 19 octobre 1946, Maurice Thorez, alors vice-président du Conseil (exclamations à droite) évoquait les principes généraux des carrières des fonctionnaires, dont il s'agissait d'assurer l'indépendance. On peut faire un peu d'Histoire !

Mme Annie David.  - La vôtre, elle ne sera pas belle !

M. Guy Fischer.  - Alors que ces temps de crise appellent toujours plus de services publics, la RGPP continue de provoquer des ravages.

L'article 3 quater est adopté.

Article 3 quinquies

Mme Annie David.  - Cet article donne la faculté de mensualiser les pensions actuellement versées trimestriellement. L'intention affichée est louable : prévenir le surendettement.

Il ne faudrait pas que le paiement soit trop tardif : les pensions sont versées le huitième jour du mois, ce qui pose problème aux petits pensionnés car les loyers et échéances d'emprunt sont exigibles en tout début de mois. Passer du trimestre au mois...

M. Gérard Longuet.  - ...est un immense progrès que vous allez soutenir !

Mme Annie David.  - ...constitue incontestablement une simplification.

Nous souhaitons que la mensualisation de ce type de pensions n'attende pas 2013 pour être applicable et surtout que le versement des pensions puisse être effectué dès le 1er de chaque mois.

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

L'assuré est informé de cette possibilité dans des conditions définies par décret.

Mme Jacqueline Alquier.  - Cet article va dans le bon sens, pourvu que les assurés en soient convenablement informés.

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Favorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - De même.

L'amendement n°94 est adopté, ainsi que l'article 3 quinquies modifié.

Article 3 sexies

M. le président.  - Amendement n°1222, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 242-1-3. - Lorsqu'un redressement de cotisations ou de contributions sociales dues par un employeur est opéré par une union de recouvrement ou une caisse générale de sécurité sociale, ledit organisme, après paiement du redressement et transmission par l'employeur des déclarations de rémunérations individuelles auxquelles il est tenu, informe sans délai les caisses mentionnées à l'article L. 215-1 de ce paiement afin que les droits des salariés concernés soient rectifiés. »

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Nous déplaçons la disposition pour l'insérer dans le chapitre relatif à l'assiette des cotisations du régime général, et ajoutons une précision.

M. le président.  - Amendement n°854, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le second alinéa (1°) de l'article L. 5134-31 du code du travail est abrogé.

M. Guy Fischer.  - La question des exonérations de cotisations sociales nous préoccupe. Ces 32 milliards -et même 42 en 2009 si l'on compte les exemptions d'assiette- représentent une perte sèche pour la sécurité sociale, équivalente à un an de déficit.

Dans l'annexe V du PLFSS, nous constatons que le total des exonérations non compensées est en nette hausse. Ces mécanismes ont des conséquences néfastes pour les salariés : les employeurs mettent en place insidieusement la capitalisation, via l'intéressement.

M. le président.  - Amendement n°858, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises qui ne respectent pas la prescription visée à l'article L. 3132-3 du code du travail voient la part patronale de leurs cotisations sociales majorée de 10 %. »

Mme Annie David.  - Nous visons les entreprises qui ne respectent pas la règle du repos hebdomadaire. Enfin une proposition qui favorise les salariés et crée une recette supplémentaire ! Un travail pénible peut affecter la vie du salarié, même après son départ en retraite. (Mme Gisèle Printz applaudit)

M. le président.  - Amendement n°885, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SGP.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation pour une des infractions à l'interdiction du travail dissimulé ou pour travail illégal prévues à l'article L. 8221-3 du code du travail, les cotisations patronales prévues par le code de la sécurité sociale sont majorées de 10 % pour une durée de trois ans. »

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le travail dissimulé et illégal coûte 60 milliards par an, l'équivalent du budget de l'éducation nationale. Nous proposons des dispositions adaptées de la loi d'orientation pour l'outre-mer, des mesures simples, rapides et fortement dissuasives. Dans l'agriculture, le travail clandestin représente 88 % des infractions constatées en 2008, alors que des exonérations de cotisations sociales sont accordées depuis 1985.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Défavorable à ces amendements qui ne relèvent pas de ce projet de loi.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis ; favorable à l'amendement n°1222.

L'amendement n°1222 est adopté et l'article 3 sexies est ainsi rédigé.

Les amendements nos854, 858, 885 tombent.

L'article 3 septies est adopté.

Article 3 octies

M. Jean Desessard.  - Nous voulons tendre vers un régime unique de retraite. Quelques chiffres : 41 % des femmes ont validé une carrière complète en 2004, mais 27% seulement de polypensionnées ! Face à de tels chiffres, on s'attendait à des propositions audacieuses du Gouvernement ou, à défaut, de la commission -laquelle exige vigoureusement... un rapport. (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°879, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

À l'occasion de ce rapport, le Gouvernement étudie notamment les conséquences d'une mesure tendant à supprimer pour les fonctionnaires la limite des quinze ans de service et la proratisation de la règle des vingt-cinq meilleures années aux périodes d'activités réellement exercées en dehors du secteur public.

M. Guy Fischer.  - La coexistence de plusieurs régimes de retraite et l'instabilité des carrières font que le nombre de polypensionnés, déjà important, s'accroît. Or ceux-ci sont très défavorisés par le régime actuel, alors même qu'on dit vouloir favoriser la mobilité professionnelle. La loi de 2003 a pourtant posé le principe de l'égalité de traitement.

Nous devons construire de nouvelles solidarités face à ces parcours professionnels de plus en plus hachés. D'où notre amendement.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Élargir le champ du rapport n'est pas nécessaire.

M. Éric Woerth, ministre.  - Cet article est excellent parce qu'il ouvre la porte à la réflexion. Le sujet est très complexe. Si l'on harmonise toutes les règles, on fait plus de perdants que de gagnants, notamment pour les petites pensions. Beaucoup de gens ont intérêt à être polypensionnés : s'ils cumulent des emplois, ils peuvent avoir plus de quatre trimestres par an et accumuler davantage de droits. Le rapport proposé sera public et nous aidera à trancher lors d'une prochaine loi de financement.

Reste que la vraie réforme sera une réforme systémique.

Avec ce texte, nous réglons le problème des titulaires sans droits, ceux qui ont travaillé moins de quinze ans dans le public avant d'aller vers le privé, en abaissant le seuil à deux ans.

Mme Annie David.  - Il est difficile d'entendre le ministre, avec ce brouhaha... Comme l'a souligné le rapport du COR de novembre 2007...

M. le président.  - Le niveau sonore est excessif ; je vous en prie, chers collègues !

Mme Annie David.  - ...le système actuel ne règle pas la question des polypensionnés. La proratisation apporterait une correction.

M. Éric Woerth, ministre.  - Aujourd'hui, quelqu'un qui a travaillé moins de quinze ans dans le public avant d'aller dans le privé se voit redemander des cotisations, parce que le niveau de cotisation y est supérieur. La proratisation serait très difficile à mettre en application, vu la différence des régimes.

M. Jean Desessard.  - Le minimum, c'est d'informer les parlementaires des problèmes qui se posent. (Protestations à droite) J'aurais aimé recevoir du ministère quelques pages exposant en détail ce que le ministre vient de nous dire. Il n'y a aucune proposition dans cet article, sinon qu'on laisse la porte ouverte. La commission des affaires sociales n'a reçu aucun document sur ce dossier ! (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°879 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 152
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean Desessard.  - Je remercie le Gouvernement pour ses explications sur les polypensionnés mais on n'a pas avancé. Je m'abstiendrai donc sur l'article.

Mme Anne-Marie Payet.  - J'aurais voulu défendre l'amendement n°553 rectifié bis.

M. le président.  - Il a été retiré avant séance.

M. Daniel Raoul.  - Au lieu de polypensionnés, on risque d'avoir des hémipensionnés ! (Sourires) Je vous repose la question, monsieur le ministre : quid des gens en PSE ? Licenciés économiques, ils n'ont pas le droit de travailler et ils sont aidés jusqu'à 60 ans -l'âge auquel le Président de la République entendait ne pas toucher... Ces gens vont se retrouver au chômage. J'insiste : il faut prévoir des mesures transitoires. Le nombre de personnes concernées n'est pas négligeable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Dans la plupart des accords que vous évoquez, il est fait référence, non à « 60 ans » mais à l'âge légal. Si on décale l'âge, on décale les droits. Pour les cas où la référence est « 60 ans », c'est à l'entreprise de régler le problème.

M. Daniel Raoul.  - Et quand elle n'existe plus ?

A la demande du groupe UMP, l'article 3 octies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 186
Contre 147

Le Sénat a adopté.

Article 4

M. Guy Fischer.  - Cet article porte une attaque sans précédent au droit à la retraite : alors que les résultats de la réforme de 2003 ne sont pas probants, il s'agit de prolonger la durée de cotisation à proportion de l'allongement de l'espérance de vie. Mais il ne suffit pas de vivre plus longtemps, il faut aussi que ce soit en bonne santé.

Or votre politique aura pour effet de dégrader la santé des seniors. Le candidat Sarkozy s'est fait élire avec le slogan : travail plus pour gagner plus ; les salariés devront travailler plus longtemps et gagner moins. Beau progrès de civilisation, alors que notre pays est la cinquième puissance économique mondiale.

Les femmes seront particulièrement touchées par cet article puisque les années d'arrêt maternité ne sont pas prises en compte pour les cotisations ; le salaire de référence s'en ressentira.

Au lieu de pénaliser les salariés, il faudrait prendre les financements ailleurs, du côté des revenus financiers. La crise a affaibli notre économie ; au lieu d'en tirer les conséquences, vous accentuez le décalage entre revenus salariaux et du capital.

Alors n°2 du Medef, Denis Kessler avait estimé qu'il était temps de réformer le modèle issu du programme du CNR. Et notait « l'ambition » de la politique du Gouvernement pour ce faire. Pour nous, les acquis du CNR n'ont pas à être liquidés ; ils ne sont pas d'un autre temps. Parce qu'ils défendaient la vie, certains en sont morts ; soixante ans après, vous organisez la mort sociale de la France ! (Applaudissements sur les bancs CRC tandis que M. Jean-Paul Émorine se désole de ces propos)

M. Alain Gournac.  - Qui a écrit cela ?

Mme Annie David.  - La prolongation de la durée d'assurance va peser plus lourdement sur certains salariés. Je pense notamment aux agriculteurs. Le ministre de l'agriculture s'est dit sensible à la « dette » de la nation envers eux et annoncé des mesurettes pour leurs retraites -une provocation ! Les agriculteurs ne sont pas responsables des difficultés de la MSA. C'est la PAC, en supprimant nombre d'exploitations et en imposant une libéralisation des prix ! La question centrale est celle du revenu agricole, pas de subventions ponctuelles. Un grand nombre d'agriculteurs doivent se contenter de 400 euros, quand le seuil de pauvreté a été fixé à 817 euros...

Scandaleux paradoxe pour celles et ceux chargés de nourrir la France d'être obligés d'aller aux Restos du coeur.

Lors des questions d'actualité du 30 septembre, M. Woerth a redit que la retraite était une question d'âge. Cette vision comptable est très réductrice. Que fait-il de la pénibilité des métiers agricoles ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Évelyne Didier.  - Cet article allonge la durée de cotisation. Quel est l'impact financier de cette mesure ? Pour un smicard, il en coûtera 700 à 800 euros par an. Faute de recettes nouvelles, les salariés devront cotiser plus longtemps et en plus se serrer la ceinture.

Certes, les Français vivent plus longtemps en bonne santé. Mais allez à 3 heures du matin à la marée de Rungis, prenez la ligne 13 du métro à 6 heures du matin avec les femmes de ménage, passez une journée dans une usine textile. Vous verrez ce que cela signifie, l'exigence d'une retraite à 60 ans à taux plein ! Les inégalités sociales sont impressionnantes. La démographie a bon dos, qui sert à masquer le fait qu'une part croissante de la richesse produite sert à rémunérer le capital.

Les 41,5 annuités seront difficiles à réunir pour beaucoup ! Rappelez-vous le mot de Bismarck fixant l'âge de la retraite à 65 ans parce qu'on lui indiquait que les travailleurs mourraient à cet âge... Nous ne voulons pas de ce cynisme d'État. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Seule la création massive d'emplois permettra de financer les retraites. Il suffirait aussi de revenir sur tous les avantages accordés au capital par ce Gouvernement. Nous reviendrons sur ces mesures, parce que les Français ne veulent plus de ces injustices.

L'augmentation de la durée des cotisations va imposer aux salariés de travailler sans limite d'âge, ce qui pénalisera ceux qui auront eu une carrière courte ou hachée, les femmes ou encore les jeunes qui peinent à s'insérer dans le marché de l'emploi.

Selon le COR, les femmes parties à la retraite en 2004 avaient en moyenne vingt trimestres de moins que les hommes. Toute augmentation de la durée de cotisation leur imposera de travailler plus longtemps ou de percevoir des pensions encore inférieures. Vous le savez, mais vous persistez. Elles travaillent plus et plus longtemps que les hommes pour une rémunération moindre. Vous le savez, mais vous persistez. Pour atteindre 42 annuités, la génération de 1974 devra donc travailler jusqu'à plus de 62 ans -à condition d'avoir validé 30 annuités entre 30 et 60 ans. Vous le savez, mais vous persistez.

Avec cet article, vous franchissez une étape supplémentaire dans l'injustice. Il faut garantir à tous une retraite digne. Vous ne le voulez pas. Nous le ferons. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Quel rapport les Français entretiennent-ils avec le travail ? Question-clé : le travail a profondément évolué ces dernières décennies, tout comme le vocabulaire, d'ailleurs. Il n'y a plus des « ouvriers », mais des « opérateurs », plus d'« employés », mais des « collaborateurs », plus de « masse salariale » mais un « coût du travail » -pour qui d'ailleurs ? Le rapport de classe, lui, n'a pas changé !

Une étrange opération va avoir lieu demain : « J'aime ma boite ! ». On va y inviter les salariés à faire la promo de leurs entreprises.

M. Éric Woerth, ministre.  - C'est bien, non ? (Sourires)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - De grandes entreprises adhèrent à ce projet, Primagaz, TF1, BFM et j'en passe, l'association Ethic aussi. Mais fallait-il que la région Ile-de-France et Pôle emploi s'y associent ? En revanche, il n'est guère étonnant que TF1, payée par les Français et vendue à vil prix à Bouygues soit du nombre... Il y aura des petits déjeuners, des instants de détente, bref, le bonheur. Quant au mouvement Ethic, deux de ses dirigeants, pour des raisons qui m'échappent, sont des professionnels de la communication...

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - On banalise la souffrance au travail, on modifie le code du travail : la vie des hommes pèse décidément moins que les intérêts et les profits ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Demessine.  - Cet article prévoit l'augmentation de la durée d'assurance. Chaque année, un décret fixera cette durée ; il n'est plus fait référence à la commission de garantie.

Les salariés vont devoir travailler plus longtemps... alors que le patronat licencie les seniors. Ils vont donc passer plus de temps au chômage ! Chez les jeunes aussi le taux de chômage est élevé, les jeunes femmes sont encore plus touchées par la précarité. L'augmentation de la durée de cotisation va priver la plupart des femmes d'une retraite à taux plein. Nous refusons cette politique antisociale. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Il faut conserver cet article indispensable qui remplace le dispositif anxiogène de la loi de 2003 par un dispositif glissant. Les assurés pourront mieux anticiper leur fin de carrière. Défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

M. Thierry Foucaud.  - La discussion de ce texte est incohérente. Nous avons examiné en priorité les articles 5 et 6 avant celui-ci, contre toute logique. Ces manipulations destinées à décourager les manifestants sont inacceptables. Le vote des articles 5 et 6 ne signifie pas l'adoption de la réforme, la mobilisation ne va pas s'essouffler ; nous nous ferons les porte-parole de la révolte populaire jusqu'à la fin de l'examen de ce texte.

Cet article est un des plus dangereux du projet de loi : il ne s'agit pas que d'argent mais de la vie de millions de salariés qu'on veut faire travailler jusqu'à épuisement. Ce projet de loi est guidé par la volonté de faire des économies sur le dos des retraités. Se cachant derrière le prétexte de la démographie, le Gouvernement veut diminuer les pensions. La ficelle est un peu grosse !

Qui a paupérisé les retraités ? Vous ! Et vous vous gardez bien de renflouer les caisses en touchant au capital. On ne peut pas expliquer que l'État n'a plus d'argent, demander aux salariés de travailler plus longtemps pour une retraite moindre et envisager de supprimer l'ISF.

M. le président.  - Il est temps de conclure ! (Les sénateurs de droite s'impatientent)

M. Thierry Foucaud.  - Quand on parle d'injustice, cela vous met mal à l'aise, je le sais. Nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements à gauche)

Prochaine séance demain, jeudi 14 octobre 2010, à 9 heures 30.

La séance est levée à minuit.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 14 octobre 2010

Séance publique

A 9 HEURES 30, A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n°713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°733, 2009-2010).

Texte de la commission (n°734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n°727, 2009-2010).

Rapport d'information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n°721, 2009-2010).