Accession à la propriété

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'accession à la propriété.

M. Jean-François Mayet, pour le groupe UMP.  - Mon intervention ne doit surtout pas être prise pour une charge à l'endroit du Gouvernement. Je voterai les mesures qu'il propose, même si elles ne traitent pas le problème dans sa totalité.

L'accession à la propriété est décisive : on ne peut rester locataire !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Très bien !

M. Jean-François Mayet.  - La proportion des Français à être propriétaires n'est que de 57 %, bien moins que celle de nos voisins, et baissera encore si nous ne faisons rien ; ils sont 83 % à juger difficile, voire impossible de le devenir.

Le monde HLM s'est installé dans le métier de loueur qu'il maîtrise depuis soixante ans. Depuis vingt-cinq ans, toutes les initiatives pour développer l'accession, tant publique que privée, ont échoué, dans le silence général -hormis des parlementaires. (M. Thierry Repentin s'exclame)

Comment justifier qu'un grand nombre de Français soient encore locataires à l'âge de la retraite et ne puissent ainsi rien léguer à leurs enfants ?

M. Yvon Collin.  - Non !

M. Jean-François Mayet.  - La solution passe par les bailleurs sociaux. Tandis que jusqu'à la guerre ils permettaient à 80 % de leurs résidents d'accéder à la propriété, ils ont depuis changé de métier et sont devenus des loueurs. C'est une spécificité française. Si ce levier est activé, le secteur privé suivra ; cela implique d'ici 2025 de construire 7 millions de logements. Un parcours résidentiel doit être proposé aux entrants chez les bailleurs sociaux, afin qu'ils puissent finir par accéder à la propriété. Il faudrait pour cela que la proportion des constructions s'inverse : que l'on passe de 80 % de logements destinés à la location à 80 % destinés à l'accession à la propriété.

Nous avons privilégié la location en y engageant 45 milliards par an. Des dispositifs, comme le Robien ou le Scellier favorisent la location.

M. Thierry Repentin.  - De manière trop coûteuse !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Et, à terme, on a des propriétés dégradées.

M. Jean-François Mayet.  - Il faudrait donc mettre en place, aussi systématiquement que possible, des contrats de locations-ventes. Je vais déposer une proposition de loi en ce sens -non pour faire une « loi Mayet » ! Des bailleurs sociaux sont prêts à expérimenter, en particulier dans ma ville de Châteauroux. (Applaudissements à droite)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Ce serait bien !

M. Thierry Repentin.  - Je regrette que l'initiative de notre collègue ait si peu d'échos, un mardi après-midi... « Quand on devient propriétaire, on devient conservateur » est-il convenu de dire. Le Gouvernement nous parle d'un nouveau projet de société. Quels sont les pays européens « vertueux » de ce point de vue ? Roumanie, Estonie, Lituanie... et l'Espagne qui vient de plonger dans la crise immobilière et d'adopter un dispositif imposant une proportion de 50 % de logements sociaux dans tous les programmes de construction -deux fois plus qu'avec la loi SRU. Les moins « vertueux » sont l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Autriche. Encore moins « vertueux », la Suisse -qui sans doute loge ainsi des exils fiscaux... (Sourires au banc du Gouvernement)

Regardons les choses autrement : le taux de chômage. Les statistiques montrent que toutes choses égales d'ailleurs, les pays où le taux de propriétaires est élevé est aussi celui où le taux de chômage est élevé.

Il ne faut donc pas ériger une idée en dogme. « Tous propriétaires », ce ne peut être un modèle de société.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Quelle erreur !

M. Thierry Repentin.  - L'accession à la propriété n'est qu'un des éléments d'une politique du logement. Du fait de la crise et du niveau des prix, elle marque le pas. La proportion des propriétaires diminue chez les plus modestes tandis qu'elle s'accroît chez les plus aisés. Nous vous avions dit que la loi Tepa ne créerait pas un propriétaire de plus alors qu'elle coûterait cher. Avec les économies ainsi réalisées, on pourrait donner davantage de solvabilité au PTZ.

Supprimer le pass foncier et le crédit d'impôt vous ferait économiser 4,5 milliards, alors que la modification du PTZ en coûterait 3. L'élargissement de celui-ci aux deux derniers déciles -qui n'en ont pas besoin- coûtera néanmoins 400 millions...

Il est urgent de donner la priorité aux plus modestes. L'endettement moyen est passé de 14 à 19 ans ; les prix immobiliers ont été multipliés par 2,5 depuis 1996 -aucun revenu n'a suivi. C'est lorsque la société sécurise le moins que le désir de propriété est le plus fort.

Autant dire qu'il faut agir sur les prix : réguler celui du terrain, taxer la rétention foncière, plafonner les loyers, séparer les marchés de primo-accession et d'accession secondaire. Comment ferez-vous pour ne pas échouer comme la maison à 100 000 euros de votre prédécesseur ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le pass foncier a formidablement bien fonctionné ! L'objectif de 30 000 a été atteint !

M. Jean-Pierre Plancade.  - La possession d'un logement comme assurance face à la retraite, le goût des Français pour la maison individuelle, l'exigence de transmettre -voila un vieux mythe réactionnaire ! (M. Benoist Apparu, ministre s'exclame)

La maison individuelle, c'est le mitage avec les coûts qui en résultent pour les collectivités et les ménages. Si l'on veut favoriser l'accession à la propriété il faut d'abord maîtriser le foncier. C'est la logique des ZAD, (M. Yvon Collin approuve) de la taxation obligatoire des terrains rendus constructibles à la suite d'une décision publique...

L'accession à la propriété est de plus en plus difficile pour les revenus modestes. En quinze ans, les prix de l'immobilier ont été multipliés par 2,5 -sans que les revenus suivent, évidemment.

Une réforme des aides à l'accession -une de plus... Voilà le PTZ +... qui sera accessible sans condition de ressources et ne favorisera pas les plus pauvres. Le centrer sur les zones les plus tendues ? Tant mieux pour celles-ci. Mais les autres...

Les offices HLM devraient accepter de vendre des appartements, et ne plus voir là une privatisation rampante. Dans les propriétés HLM, il n'y a pas que des logements dégradés dans des immeubles dégradés, dans des zones dégradées ! J'en connais, j'y ai vécu ! S'il y a vente d'appartements HLM à des particuliers, l'office resterait naturellement syndic de copropriété, et veillerait à ce que celle-ci ne se dégrade pas.

Le problème est moins celui de l'accession que celui de l'accès au logement. Les offices HLM sont un outil d'aménagement. Ils n'ont pas à se constituer un trésor de guerre -leur trésorerie est estimée à 7 milliards d'euros- ni à devenir une technobureaucratie qui perd de vue sa raison d'être. Leur lobby est hélas efficace ici, auprès de nos collègues de toutes tendances.

En cette période de crise et de désengagement de l'État, la clé est la volonté politique locale -dont je regrette qu'elle soit si atone. Notre politique trop décentralisée prive nos élus locaux des moyens de résister à la pression de ceux de leurs administrés qui redoutent frileusement de voir arriver des pauvres... Dans nos agglomérations, ce n'est pas l'architecture, ce n'est pas la concentration urbaine qui crée le mal, mais le chômage et la crise.

Comment parler de politique d'accession à la propriété quand on diminue de moitié les aides à la pierre ? Il est temps que l'État reprenne la main. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et certains bancs UMP)

Mme Odette Terrade.  - Le Président de la République avait fait de l'accession à la propriété un de ses slogans. On a vu ce qu'il en est allé de cette promesse. Ce débat donne l'impression d'être utilisé par le groupe majoritaire pour détourner l'attention de l'urgence, le mal logement qui concerne aujourd'hui 3,5 millions de personnes. Dire que l'accession à la propriété est une exigence pour se constituer un capital en vue de la retraite, c'est avouer que les pensions vont baisser...

Considérer l'accession à la propriété indépendamment des questions de pouvoir d'achat, c'est aller à des catastrophes humaines ; déjà 770 000 personnes sont en situation de surendettement. On ne devient pas propriétaire sans avoir une certaine stabilité professionnelle, tandis que le libéralisme favorise la précarité. Si le travail doit être aussi précaire que l'amour ou la santé, comme aime à dire Mme Parisot, pourquoi l'accession à la propriété y échapperait-elle ? En onze ans, le nombre de jugements pour impayés de loyers a progressé de 25 %. On ne peut plus accéder à la propriété sans avoir un revenu supérieur à la médiane ! Nous ne pourrons pas éviter la définition d'une politique sociale ambitieuse ? En trente ans, le prix du foncier s'est accru de 574 % ! Les revenus de nos concitoyens sont loin d'avoir suivi...

Vous diminuez les aides à la pierre alors que manquent 900 000 logements. Résultat du désengagement de l'État, en 2008, 368 000 logements ont été mis en chantier.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Rien à voir !

Mme Odette Terrade.  - Les dispositifs Robien et Scellier n'ont servi qu'à entretenir la spéculation immobilière et foncière.

Le 14 septembre dernier, M. Sarkozy et vous-même, monsieur le ministre, avez annoncé de nouvelles mesures. Vous supprimez le PTZ et créez un « PTZ + » qui vous ferait économiser 1,6 milliard par an. Selon une économiste de HSBC, l'argent injecté dans l'accession risque fort de ne favoriser que la hausse des prix... Quelle lucidité !

L'urgence logement n'est pas tant l'accession à la propriété que les 1,3 million de demandeurs de logement et les 770 000 ménages surendettés. Mais la casse du logement social se confirme... Le logement devrait faire l'objet d'une politique publique, avec un meilleur équilibre entre aide à la pierre et aide à la personne. C'est d'un pôle public de l'habitat dont notre pays a besoin, pour que soit vraiment garanti un droit opposable au logement digne d'une société du XXIe siècle. (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Giudicelli.  - L'accession à la propriété est un puissant vecteur de promotion sociale, ainsi qu'une garantie patrimoniale pour sécuriser la retraite. Depuis 2003, 5 millions de Français ont pu accéder à la propriété. Mais trop de nos concitoyens restent exclus du parcours résidentiel auquel ils aspirent. Les classes moyennes ont subi fortement les effets de la crise. Le logement représente en moyenne plus de 20 % du budget des familles ; c'est énorme.

Vous réformez le PTZ. A juste titre. Je salue votre travail et les mesures que nous discuterons dans le cadre du projet de loi de finances. Le PTZ + doit remplacer au 1er janvier les trois dispositifs existants ; il soutiendra la solvabilité de la demande. Pourriez-vous préciser les conditions dans lesquelles seront maintenues les aides telles que les APL accession ou les PEL ? Il faut que la nouvelle aide soit supérieure pour les ménages modestes.

Sans doute n'y a-t-il guère de solutions miracle. Mais on peut agir localement avec les bailleurs sociaux. Certains offices entretiennent bien leurs bâtiments, d'autres non ; certains construisent, d'autres non. Il faut nous aider à régler certains problèmes ; le futur retraité qui acquiert pour le louer un petit appartement quatre ou cinq ans avant son départ en retraite se sent spolié si son locataire accumule les arriérés, sans qu'il puisse le faire expulser.

En la matière, les collectivités locales doivent intervenir plus activement. Elles peuvent par exemple prévoir une sanction à l'encontre des promoteurs privés qui ne respectent pas l'obligation qu'elles leur fixent de construire des logements sociaux en plus dans leurs programmes. C'est ce que nous faisons dans ma ville, et ça marche...

Nous sommes avec vous, monsieur le ministre : comptez sur notre soutien. La France ne doit plus être à la traîne. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Claude Jeannerot.  - Vous voulez donc une France de propriétaires. Votre nouveau PTZ apporte une simplification bienvenue ; il concentre l'aide là où elle est le plus nécessaire et dans une perspective de respect de l'environnement. Nous nous réjouissons de la suppression du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, qui risquait de coûter 3 milliards en 2013 -sans le moindre effet sur la décision d'achat ni pour ceux qui en auraient besoin.

Favoriser l'accession à la propriété ? Nous ne pouvons qu'être d'accord ! C'est d'ailleurs conforme à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme, et à l'aspiration majoritaire des ménages, notamment les plus modestes.

Jamais pourtant la situation n'a été aussi mauvaise, avec l'envolée des prix qui risque de jouer comme facteur de paupérisation des classes moyennes hantées par la peur du déclassement. Je doute de l'effet dynamique d'un chiffre comme celui que vous affichez de 70 % de propriétaires. C'est d'un grand plan Marshall dont le logement a besoin !

Tel Janus, votre projet a un visage négatif : rendre le PTZ universel le rend inopportun, inefficace, injuste. Mme Lagarde parle de réduire les dépenses et vous ouvrez le bénéfice du PTZ à des personnes dont le revenu ne le justifie pas ! La perte de recettes fiscales pour l'État est évaluée à 400 millions, sans impact sur la décision d'achat des plus aisés ! Vous créez ainsi un effet d'aubaine -il est vrai cohérent avec votre politique en faveur des plus prospères...

Enfin, cette proposition est injuste pour ceux à qui leur revenu interdit de devenir propriétaire. Vous allez effectuer un prélèvement sur les HLM par l'article 99 du projet de loi de finances ; la même économie aurait été réalisée sans le cadeau que vous faites aux plus aisés. Ce pied de nez aux locataires HLM est choquant.

L'accès facilité au crédit ne risque-t-il pas de multiplier mécaniquement les cas de surendettement ? Où sont les garde-fous ? Quelle sera l'efficacité de vos propositions sur la mobilité résidentielle ? Le Centre d'analyse stratégique a formulé diverses propositions. Quelles suites allez-vous leur donner ?

Le secteur du logement a besoin d'une grande politique de relance, d'un grand plan Marshall pour éviter que la crise ne devienne durable. M. Raffarin l'évoquait ces derniers jours : il y a deux priorités : l'emploi et le logement ! (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Adrien Gouteyron.  - La feuille de route du Président de la République est ambitieuse. Il s'agit d'un vrai projet de société, d'un objectif mobilisateur. Il faut d'abord redonner confiance aux ménages en des temps difficiles et diversifier l'offre de logements.

D'où la réforme des aides dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.

Le marché de l'ancien et les zones rurales ne doivent pas être les parents pauvres de la réforme. (Mme Nathalie Goulet marque son intérêt) Dans nos bourgs, des immeubles sont désaffectés, les HLM ne peuvent financer la réhabilitation de ces logements. Pourtant des occupants souhaiteraient en devenir propriétaires et des propriétaires seraient prêts à vendre.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Exactement. C'est notre objectif !

M. Adrien Gouteyron.  - Vers qui se tourner ? Donnons à ceux qui le veulent la possibilité de devenir propriétaires. (« Très bien ! » à droite) Le PTZ + mérite d'être plébiscité. D'ailleurs, sur son principe, il n'y a pas de critiques fondamentales. Depuis sa création en 1995, le prêt à taux zéro a donné de bons résultats, surtout dans le marché de l'ancien.

Pour garantir la justice sociale, le prêt doit être modulé selon la taille des ménages et la zone géographique. Monsieur Jeannerot, vous avez tenu des propos équilibrés mais je dois vous dire que les ménages relativement aisés ont également besoin d'aide dans les zones tendues.

Les mesures prises depuis deux ans ont heureusement permis aux entreprises de préserver leur outil de production pour un redémarrage après la crise. Celles de mon département ont bien tenu le coup.

Je salue cette réforme du PTZ que je soutiendrai lors de l'examen de la loi de finances ! (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'article 55 de la loi SRU fixe une obligation de 20 % de logements sociaux dans chaque commune. Depuis 2006, les logements en accession à la propriété sont comptabilisés dans ces 20 % pour cinq ans.

Je souhaite qu'on distingue les logements construits dans le seul but d'une accession sociale à la propriété des logements HLM acquis par leurs occupants. Ce second cas est un objectif noble qui répond à l'attente des locataires et au souhait du Président de la République. Or les communes qui acceptent les demandes des locataires sont pénalisées après cinq ans. Est-ce normal ? Tout le monde trouve son compte à cet achat : le locataire et l'organisme HLM.

On ne va quand même pas contraindre les communes à refuser aux locataires de devenir propriétaires. C'est absurde !

Donc, il faut revoir la prise en compte de ces logements dans les 20 % de logements sociaux. Un peu plus de souplesse, dans ce cas particulier, ne remettrait nullement en cause le sacro-saint article 55 !

Certes, il y a les cas, rares, de revente de l'appartement, par exemple après un décès. Ce serait une raison justifiée de les sortir des 20 %. Cela ne me choquerait pas. Mais, dans le cas de l'achat de son logement par un locataire, on pourrait supprimer le délai de cinq ans ou alors le porter à dix ans.

Merci de prendre en compte cette demande importante. (Applaudissements à droite)

M. Raymond Couderc.  - L'aspiration d'accéder à la propriété est légitime. D'où le voeu du Président de la République de bâtir « une France de propriétaires », ce qui permet de surcroît de maintenir l'activité du BTP dans les territoires. Depuis la loi du 13 juillet 2006 d'engagement national pour le logement, une douzaine de dispositifs aident les ménages. Les collectivités ont appuyé l'État dans ces actions, ma communauté d'agglomération a apporté quelque 450 000 euros en sus. Les résultats ont été positifs ces dix-huit derniers mois, avec 139 ménages aidés. En revanche, avec l'instauration du plafond de 20 000 euros et la fin du doublement du PTZ on observe une diminution des demandes d'aides ces derniers temps. A partir du 1er janvier 2011, le PTZ +, plus simple, plus utile, entrera en vigueur.

Reste qu'il existe une trop forte différence entre les aides prévues pour les zones A -celles où le marché immobilier est tendu et les zones B, c'est-à-dire, principalement, les villes-moyennes.

Pour celles-ci, comme la mienne, le PTZ + représentera une perte de pouvoir d'achat par rapport aux multiples dispositifs existant actuellement. Est-ce que cela ne sera pas dissuasif, avec les conséquences sur l'activité du BTP ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Merci, Monsieur Mayet, d'avoir suscité ce débat sur cette question majeure pour notre pays.

La réforme annoncée le 14 septembre dernier par le Président de la République a pour objectif de bâtir un système plus simple, plus efficace ; qui soutienne la construction et qui soit écologique ; un dispositif qui épouse la réalité des différences de prix sur notre territoire.

Je réponds à M. Couderc sur ce point.

Nous investissons 2,6 milliards dans le PTZ +, maintenons certaines aides dont la TVA à 5,5 % dans les zones Anru. Nous allons également agir sur la politique foncière, sinon nous pousserons à la hausse des prix. C'est pourquoi, je suis absolument contre la généralisation de la TVA à 5,5 %.

M. Thierry Repentin.  - Ce n'est pas ce que j'ai proposé.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Reste que PTZ + peut alimenter la hausse des prix, d'où l'importance de notre action aux plans du foncier et de l'urbanisme. La réforme est nécessaire : depuis 1995, les prix de l'immobilier ont été multipliés par 2,5, alors que les salaires n'ont augmenté que de 1,6. Résultat, une désolvabilisation des classes moyennes.

Le PTZ + vise à leur redonner les moyens de devenir propriétaires. Ce n'est pas un projet « conservateur », mais un élément de sécurité, de préparation de la retraite et de constitution d'un patrimoine.

La France des propriétaires, voulue par le Président de la République, est un projet de société. L'objectif est d'atteindre la moyenne européenne de 66 % : nous n'avons jamais souhaité aller vers les 80 % et plus des pays de l'Est ou de l'Espagne. Ce serait une erreur en termes de mobilité, comme l'a relevé le Centre d'analyse stratégique.

Un taux de propriétaires à 85 % freine la mobilité sociale et, donc, la diminution du chômage en temps de crise. Évitons les procès d'intention !

Monsieur Mayet, les HLM doivent effectivement contribuer à l'accession à la propriété.

Un locataire HLM qui achète son logement pourra bénéficier, en sus du PTZ +, de 5 % de plus d'aide et d'une décote du logement allant jusqu'à 35 %. Le monde HLM partage cette analyse : il vient de signer une convention avec l'État. Reste encore du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs fixés. Je suis convaincu que le monde HLM respectera sa signature.

Monsieur Repentin, votre démonstration me laisse songeur. Vous vous appuyez sur l'exemple de pays de l'Europe de l'est, comme la Roumanie ou la Lituanie où le taux de chômage est très élevé.

Je souscris à votre plaidoyer pour la mobilité, mais celle-ci doit se faire aussi dans le parc HLM ! Vous présidez l'Union sociale de l'habitat : je compte sur vous ! Pour l'heure, la mobilité y est seulement de 10 %.

M. Thierry Repentin.  - C'est plus que dans le privé !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Si elle passait à 15 %, cela signifierait 200 000 logements en plus avec un coût nul !

M. Thierry Repentin.  - Il faut aussi construire davantage.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Depuis 2004, nous avons consenti un effort massif pour le logement avec les collectivités et les bailleurs sociaux.

Messieurs Repentin et Jeannerot s'interrogent sur l'universalité du PTZ +.

Parlons de Chambéry, commune en zone B 1: la tranche 9 commence à 2 400 euros de revenus mensuels dans le neuf ; la tranche 10 à 2 800 euros. Gagner 2 400 euros par mois, est-ce être un couple trop riche ? A Paris, la tranche 9 commence à 4 019 euros par mois et la tranche 10 à 5 600 euros. Peut-on devenir propriétaire à Paris avec ce niveau de revenus ? Non ! Il faut une aide.

Le PTZ + est réservé aux primo-accédants. Or les plus riches sont déjà propriétaires de leur résidence principale.

Monsieur Mayet, l'action sur le foncier et l'urbanisme est indispensable pour éviter la spéculation sur les prix.

Monsieur Plancade, la France de propriétaires n'est pas un projet réactionnaire. (On renchérit à droite) En revanche, vous posez la question fondamentale de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités. Nous avons une crise de production en Île-de-France, en Aquitaine ; une crise de surproduction dans d'autres territoires. L'État doit réguler. Madame Terrade, oui, je crois au projet d'une France de propriétaires qui n'est en rien le signe de l'échec de la réforme des retraites. Il est sûr en revanche que les pensions sont inférieures aux salaires et qu'avec un taux d'effort de 23 % pour les locataires et les accédants et de 10 % pour les propriétaires, il existe une différence considérable à l'heure de la retraite. Et c'est bien parce que les classes moyennes sont désolvabilisées qu'il faut engager cette réforme.

Oui, madame Giudicelli, l'acquisition d'un logement sécurise effectivement la retraite. La plupart des bailleurs sociaux font un bon travail, vous avez raison.

Nous aurons besoin de tous -bailleurs et collectivités- pour réussir notre politique ambitieuse du logement.

Monsieur Jeannerot, votre intervention était très équilibrée, je vous en remercie. L'universalité du PTZ + est nécessaire si l'on veut aider les classes moyennes, qui ont été désolvabilisées ces dernières années. Je ne crois pas au risque de surendettement.

La comparaison avec la crise des subprimes, que d'aucuns ont fait, est osée. Nous avons voulu conserver l'ALP, qui prend le relais quand il y a une forte baisse de revenus de l'accédant. Nous n'avons pas connu de catastrophes pendant la crise.

Oui, Monsieur Gouteyron, cette réforme doit organiser une reconquête des centres bourgs dans l'ancien en zone rurale. D'où la quotité de 20 %. En milieu rural quand on construit un logement neuf, on vide une maison en centre bourg. Pour trouver un équilibre, il faut mieux aider l'ancien que le neuf, afin de reconquérir les centres. Nous avons donc modulé les aides. Cela ne signifie pas que nous n'aidions pas les villes moyennes comme Béziers. La réalité est que 50 % des opérations se font en zone C, 75 % si l'on y ajoute la zone B2, pour 50 % de la population. Il faut aider en zone A et en zone B1. La France de 70 % de propriétaires existe déjà, mais seulement en zone C, contre 45 % en zone A. L'aide doit avoir un effet solvabilisateur dans toutes les zones.

Madame Des Esgaulx, un équilibre a été trouvé en 2006. Les reventes intervenant plus rapidement que vous le pensiez, la durée de cinq ans est légitime.

Vous suggérez que le produit de la vente finance la construction d'autres logements sociaux. Vendre pour construire, en somme. La durée de cinq ans, pour ce faire, est parfaitement calibrée.

Merci à M. Mayet de nous avoir permis d'engager ce débat. Il faut une France de propriétaires et un monde HLM moins frileux, si nous voulons y parvenir ! (Applaudissements à droite)

Dispositifs « amiante » (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de M. Godefroy à M. le ministre du travail sur la réforme des dispositifs « amiante ».

M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question.  - Je suis heureux qu'un débat soit enfin consacré aux dispositifs « amiante », souvent abordés de façon parcellaire par le biais des réformes des retraites et des lois de financement.

Le Sénat, l'Assemblée nationale, la Cour des comptes et le Médiateur de la République ont souligné la nécessité d'agir, mais dans le respect des travailleurs de l'amiante.

A l'occasion de la réforme des retraites, au Sénat, nous avons maintenu l'âge légal de la retraite à 60 ans pour les travailleurs de l'amiante. Pour autant, il subsiste des difficultés. Pour bénéficier de ce statut, le travailleur doit avoir été employé sur un site qui fait partie de la liste ouvrant droit à la Caata ou être atteint d'une maladie retenue par le régime dont il dispose... Les associations contestent le sérieux de l'établissement des listes. On mentionne les sièges sociaux, pas les filiales ; des sociétés ont changé de nom, d'adresse, de propriétaire. Les salariés de Thomson-CSF à Cherbourg en savent quelque chose. Les listes sont arrêtées. Un site Moulinex est sur la liste ; un autre, qui produit la même chose, n'y est pas. Des demandes affluent, dont l'une déposée par Mme Goulet et moi-même à propos de l'entreprise Tréfimétaux à Dives-sur-mer. Lorsque vous étiez ministre du budget, monsieur le ministre, vous aviez débloqué quatre dossiers en intervenant auprès de la Cram de Normandie ; au moins six autres dossiers sont encore bloqués.

L'autre problème est la multiplicité des régimes. Le décret du 21 décembre 2001 prévoit un régime pour les ouvriers de l'État, un autre pour les marins, puis un autre encore pour les salariés agricoles.

Or les règles de prise en charge sont très hétérogènes selon les régimes.

Certains régimes spéciaux ne bénéficient pas de la Caata : c'est le cas des fonctionnaires. Pour établir la durée d'exposition à l'amiante, les règles sont variables ; ainsi, les salariés intérimaires dont le contrat est reconduit d'une semaine sur l'autre ne sont pas dans la même situation que les contractuels.

La discordance dans les modalités de prise en charge varie encore d'un régime l'autre : on privilégie l'intérêt interne des régimes sur celui des individus.

Le bénéfice de la Caata devrait être reconnu à toute personne qui a été exposée à l'amiante, quel que soit le régime dont elle relève. Il faudrait aussi que ne soient pas pénalisés ceux qui ont travaillé pour des sous-traitants.

Il est déjà possible de bénéficier de la Caata à titre individuel. Je pense aux femmes de travailleurs de l'amiante, exposées dans le cadre domestique. Cette voie d'accès devrait être institutionnalisée, quitte à se donner les moyens de vérifier ce qu'il en est réellement de la situation de chacun.

Aux termes de l'article 76 de la loi de financement pour 2010, le Gouvernement devait remettre avant le 30 septembre dernier un rapport sur le sujet. Nous l'attendons toujours.

A Saint-Nazaire, le 23 juillet dernier, le Président de la République a fait une distinction entre les personnes « touchées » par l'amiante et celles qui y auraient été seulement « exposées ». Ce serait vider le dispositif de sa substance et nier la logique même de la préretraite, qui est de compenser la diminution d'espérance de vie due à l'exposition à l'amiante.

La mobilité dans les parcours professionnels doit être prise en considération. Un amendement que j'avais déposé en ce sens a été repoussé. Puisse le Gouvernement évoluer là-dessus.

Autre question, le montant même de l'Acaata. Alors que la Cour de cassation préconisait l'élargissement de l'assiette du calcul à tous les éléments de rémunération y compris les indemnités compensatrices, le Gouvernement est passé outre ! Ne faites pas d'économies de bouts de chandelles sur le dos des victimes de l'amiante.

J'en viens au Fiva. Dans l'article 49 du PLFSS pour 2011, vous proposez une évolution importante, très attendue. La règle sur la prescription a été fixée par le conseil d'administration sur le Fiva, de façon différente selon les pathologies. En 2009, le Fiva a refusé 542 demandes d'indemnisation pour des raisons de prescription ; plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont fragilisé la position des victimes : je me réjouis donc que le Gouvernement allonge la durée de prescription de quatre à dix ans.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Tout arrive !

M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question.  - La gouvernance du Fiva a été modifiée conformément aux recommandations de l'Igas et de l'IGF. Très bien, mais le Gouvernement a annoncé une réforme du fonds l'an prochain pour en renforcer le caractère paritaire Qu'en est-il ?

Depuis 2003, les charges du Fcaata sont supérieures aux ressources et, depuis 2005, son déficit ne cesse de se creuser, pour atteindre 284 millions cumulés fin 2009. Un déficit de 14 millions est prévu en 2010 : comment le PLFSS peut-il prévoir le retour à l'équilibre du fonds en 2011 ?

Le Fiva, lui, a pu accumuler d'importantes réserves, mais elles ont fondu. Sa dotation sera-t-elle suffisante ?

J'aurais pu aussi évoquer le suivi médical des victimes, mais le temps me presse. (Applaudissements)

M. Gilbert Barbier.  - L'amiante, utilisé depuis un siècle, est à l'origine de 66 % des maladies professionnelles mortelles en 2009 et de 80 % des cancers professionnels en Europe. Le mécanisme du Caata est reconnu comme satisfaisant. Les dépenses d'administration du Fiva ont dépassé 2,4 milliards depuis 2000.

Au Fcaata, en revanche, chacun s'accorde à considérer que les mécanismes ne sont pas satisfaisants. Les victimes exclues ne comprennent pas l'inégalité de traitement qu'elles subissent. Il faut prendre en compte la question de la sous-traitance et uniformiser les normes de prise en compte. L'Assemblée nationale a proposé d'établir une liste de métiers à risque. Un amendement au PLFSS a été adopté ; avec quelles suites ?

S'agissant de la création d'une voie d'accès individuelle à la Caata, l'exemple italien, où un fonds équivalent au Fcaata s'est retrouvé engorgé avec 240 000 demandes, doit nous inciter à la prudence.

Je reconnais que des avancées ont eu lieu depuis un an, notamment pour le Fiva. Les délais de traitement ont une grande importance, face à des pathologies qui évoluent vite.

Le suivi médical des victimes ? La Haute autorité de la santé a prévu un suivi avec un scanner thoracique. Cette recommandation a-t-elle été suivie ? Et quid de l'examen des fibres courtes ? (Applaudissements)

Mme Annie David.  - C'est avec satisfaction et humilité que nous abordons ce débat. L'amiante va tuer 107 000 Français par an d'ici 2025. Pendant que l'industrie tire profit de l'utilisation de l'amiante, des travailleurs continuent d'en mourir, alors que le drame de Condé-sur-Noireau avait été signalé dès 1906 par un inspecteur du travail.

Le patronat a traîné les pieds pour reconnaître la nocivité de l'amiante. Ce n'est qu'en 1996 que l'amiante a cessé d'être tenu pour un risque qu'il fallait gérer, pour être traité comme un facteur cancérigène, à interdire.

Un calorifugeur peut être exclu du dispositif du Caata parce que son entreprise ne figure pas sur la liste... Des sites entiers ne sont pas reconnus, comme je le vois dans mon département : le site d'Arkema Jarrie est inscrit sur la liste, celui de Brignoud ne l'est pas. Pourtant, ces deux sites ont réalisé des fabrications communes.

Depuis 1997, l'amiante est certes interdit mais 76 % des chantiers de désamiantage ne sont pas conformes !

En 2009, la Cour de cassation a jugé que la mise en sécurité des travailleurs de l'amiante était obligatoire pour les entreprises. Il reste un vide juridique, entre le crime d'empoisonnement et le délit d'exposition à substance dangereuse. C'est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi en octobre 2007, repoussée par la majorité en 2008.

Les fibres d'amiante, inhalées parfois en une seule exposition, sont très difficiles à éliminer. Que faire ? Refuser de travailler quand on sait que l'exposition à l'amiante sera inéluctable ?

Des poisons comparables à l'amiante, telles les substances NRC, doivent aussi être pris en compte, depuis les nanoparticules jusqu'aux éthers de glycol.

L'Acaata doit être revalorisée. Quelles sont vos propositions pour mieux prendre en compte les droits des victimes de l'amiante ? (Applaudissements)

M. Gérard Dériot.  - Vous voyez que le sujet de l'amiante est prégnant au Sénat : nombre de nos concitoyens sont morts d'avoir été mis en contact avec ce produit naguère connu pour son efficacité isolante.

Cette question orale nous fait revenir sur un débat que nous avons eu la semaine dernière : notre amendement, accepté par le Gouvernement, a été retenu par la CMP sur les retraites. Il n'était pas équitable d'imposer aux travailleurs de l'amiante de retarder leur départ en retraite.

Notre commission d'enquête a montré les négligences, les erreurs, les dénis qui ont abouti au drame de l'amiante. Je rappelle à mon tour qu'il suffit d'une fibre d'amiante pour provoquer un mésothéliome. D'après l'Inserm, nous pouvons attendre 45 à 57 000 décès dus à cette maladie professionnelle d'ici 2050. Le chiffre ne doit pas être oublié.

Le Fcaata est un dispositif spécifique de préretraite destiné à compenser la diminution d'espérance de vie due à l'amiante. Il n'est pas souhaitable de restreindre ce dispositif, qui devrait atteindre l'équilibre financier en 2017 puis progressivement disparaître.

Si j'avais proposé de supprimer la participation des entreprises, c'était à cause de la quasi impossibilité de récupérer les sommes dues : mieux vaut tirer un trait dessus que perdre du temps... mais la participation des entreprises à ce fonds n'aurait été que justice.

Des adaptations sont toujours possibles. Le Médiateur insiste pour que soit pris le décret promis pour harmoniser la prise en charge de l'Acaata par les différents régimes. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. Je déposerai un amendement en ce sens au projet de loi de financement.

La seule réforme envisageable serait l'ouverture d'un droit d'accès individuel par profession. Cela suppose une étude approfondie. Mais il ne faudrait pas que l'établissement des critères trop stricts n'ait pour effet une limitation des personnes éligibles, comme cela s'est passé en Italie. Il faut donc avancer par étapes afin de donner satisfaction à tous.

Le prochain PLFSS contient une avancée puisqu'il porte à dix ans le délai de prescription. Prudence et pragmatisme sont, dans cette question douloureuse, les meilleurs alliés de la justice. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire tout ce qui sera possible. (Applaudissements)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Je salue l'intervention de M. Godefroy, et l'exhaustivité de son propos.

Notre mission avait dégagé 28 propositions ; plusieurs ont été suivies d'effet. Je constate que la formation des salariés concernés a progressé. Reste le problème du dépistage.

En 2007, le ministre du travail a confié à M. Le Garrec une mission de réflexion sur une réforme du Fcaata puisque la liste établie a conduit à exclure certains travailleurs de l'amiante du bénéfice du dispositif.

Le rapport Le Garrec insiste sur la nécessité de relancer la précaution sur l'usage des produits chimiques au travail. Il constate que le financement du Fcaata provient pour l'essentiel de la branche AT-MP. Ni l'État, ni les employeurs n'assument leur responsabilité. La part de l'État devrait atteindre les 30 % comme nous le proposions en 2007.

On peut espérer gérer dans le cadre financier actuel les 35 000 cas qui risquent encore de se présenter. La gestion du fonds pourrait être retirée à la CDC et confiée directement à la branche AT-MP.

Il a fallu treize ans pour que l'affaire Alstom, le premier procès de l'amiante, soit jugée. Combien de temps faudra-t-il pour les autres ?

Puisse cette affaire, où l'État a une grande part de responsabilité, servir de leçon pour les autres pollutions qui nous menacent. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Yannick Botrel.  - Le douloureux problème des victimes de l'amiante ne peut être ignoré par personne. La responsabilité est collective et nous engage sur la durée de la vie des salariés. La nocivité de l'amiante était connue depuis le début des années 60. Dans les Côtes-d'Armor, région peu industrielle, 82 salariés de l'ancienne usine Chaffoteaux sont touchés. Leur colère est légitime !

La prise en considération a été trop tardive, puisqu'elle n'a eu lieu qu'en 1997, alors que les Britanniques l'avaient fait dès 1931 et le Parlement européen en 1978.

Le Conseil d'État a, par quatre décisions de 2004, confirmé la responsabilité de l'État, pour le caractère tardif et insuffisant de la reconnaissance du problème.

Près de 10 % des cancers du poumon sont liés à l'amiante ! Les victimes meurent en moyenne à 64 ans, après 1 an et demi de maladie déclarée. Le Fcaata et le Fiva doivent permettre aux salariés de partir en préretraite, avec une pension suffisante pour vivre dignement.

Le débat sur les retraites a abordé le sujet. Je salue la responsabilité du Sénat et le ministre à cette occasion.

L'amiante n'est pas un problème du passé : il faut en tirer les leçons pour l'avenir et faire en sorte que le précédent n'ait pas de suites : les fibres céramiques réfractaires ne sont pas moins dangereuses...

Les droits des victimes de l'amiante doivent être garantis et n'être pas remis en cause chaque année par le PLFSS. Une prise en charge des frais de santé à 100 % doit être envisagée.

Une prise en charge plus significative est nécessaire.

Trente ans après une contamination, il est parfois difficile de retrouver une entreprise qui a changé de nom, qui a disparu. Résultat, les travailleurs intérimaires et ceux qui ont travaillé pour des entreprises de sous-traitance peinent à faire valoir leurs droits. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour eux ? Comment protéger les travailleurs de l'exposition à de nouveaux matériaux cancérigènes ? Qu'en est-il d'une prise en charge à 100 % des frais de santé des victimes de l'amiante ? La question de l'amiante est consensuelle au Sénat, merci de l'intérêt que vous y témoignerez.

Mme Nathalie Goulet.  - Merci à Mme Dini, présidente de la commission des affaires sociales, de sa présence, qui démontre notre engagement unanime sur ce dossier. Et merci à M. Godefroy d'avoir permis ce débat.

J'ai reçu des collectifs de victimes ; tous disent leur impatience de voir les dossiers traités. Assez de procédures, de questions écrites ou orales, de commissions de toutes sortes !

Vous avez été, monsieur le ministre, l'homme du bouclier fiscal, celui d'une transaction légale mais douteuse avec M. Tapie, celui de la vente de la salle Pleyel...

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Pourquoi cette mise en cause personnelle ? Le bouclier fiscal, c'est Mme Lagarde.

Mme Nathalie Goulet.  - Vous étiez ministre du budget. Mais attendez : vous pourriez être le ministre qui règle, enfin !, le problème de l'amiante, grâce à une procédure plus rapide, moins humiliante et moins onéreuse. Pourquoi ne pas s'inspirer des pratiques de la commission pour l'indemnisation des spoliations antisémites ? Il faut trouver des solutions plus souples et moins administratives pour la centaine de dossiers en suspens. Que les préfets dressent une liste des salariés non encore indemnisés et vous pourrez traiter la question par voie transactionnelle. Vous en avez le pouvoir, ayez la volonté de faire ce en quoi vous croyez !

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Le Fiva et le Fcaata ont été créés pour répondre au problème majeur de l'amiante. M. Godefroy, qui a travaillé dans la construction navale, est particulièrement sensible à cette question ; je le remercie d'avoir lancé ce débat. La France a l'un des systèmes les plus protecteurs d'Europe contre l'amiante. C'est pour tirer les conséquences de l'amiante qu'a été créé l'organisme d'expertise devenu l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Pour vous répondre précisément, monsieur Godefroy, vous parlez de parcours du combattant pour inscrire une entreprise sur la liste. Vous prenez le cas de Tréfimétaux, à Dives-sur-Mer ; l'entreprise avait été inscrite sur la liste, la cour administrative d'appel de Nantes l'en a retirée en octobre 2008. Depuis, il n'y a plus de base légale ; il faut attendre la décision du Conseil d'État.

La procédure d'inscription respecte le principe du contradictoire, la liste est régulièrement mise à jour dans la transparence. En 2002, le Conseil d'État a accepté sous conditions l'inscription des sous-traitants au Fcaata. La situation est plus compliquée pour les intérimaires.

S'agissant de l'harmonisation des régimes, elle est techniquement difficile, et pas toujours à l'avantage des bénéficiaires. Mieux vaut prévoir une meilleure coordination entre eux. Traitons cette question définitivement dans la loi de financement pour 2012.

La création d'une voie d'accès individuelle à la Caata doit donner lieu à un rapport, qui vous sera remis dans les quinze jours. Cela réglerait le problème des listes, mais risque, hélas, de conduire à troquer une injustice contre une autre.

Cela suppose que le travailleur fasse la preuve de son exposition à l'amiante. Se pose également la question de la traçabilité de l'exposition, nous en avons discuté dans le cadre du débat sur la pénibilité.

Faut-il constituer une liste des métiers, qui serait ensuite croisée avec la liste actuelle ? Le rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire de janvier prochain permettra d'y voir plus clair. Évaluer les effectifs concernés est très délicat ; l'Italie avait adopté un système de cette sorte, avant de l'abandonner.

Permettez-moi de lever un malentendu sur les propos du Président de la République à Saint-Nazaire : il n'est pas question de réserver les dispositifs « amiante » aux seuls malades.

Le montant de la Caata serait trop faible... Il est de 1 625 euros net en moyenne et l'allocation minimale a été revalorisée à 1 084 euros par le décret du 29 novembre 2009. La Cour de cassation n'a pas contesté l'exclusion de certains éléments de rémunération, mais le fait que la décision ait été prise par circulaire et non par décret.

J'en viens au Fiva. Le contrat d'objectifs et de moyens signé en février vise à améliorer le service rendu. Les délais de traitement et de paiement s'améliorent : 90 % des victimes sont payées dans les deux mois. La réforme de la gouvernance du Fiva se fera dans un cadre consensuel.

Porter la durée de prescription des actions devant le Fiva de quatre à dix ans, en retenant comme point de départ le premier certificat médical, ne remet pas en cause les dispositions de la loi Hyest de 2008 ; il faut bien distinguer action en responsabilité et indemnisation.

La situation financière du Fcaata devrait se stabiliser en 2010, avec un résultat excédentaire de 14 millions en 2011. Le déficit cumulé depuis 2005, soit 288 millions fin 2010, ne fragilise pas le versement des indemnités, du fait de la solidarité de trésorerie avec la branche AT-MP

Vous souhaitez rétablir la contribution des entreprises au Fcaata, que le Gouvernement a supprimé au 1er janvier 2009. Son rendement était faible et son recouvrement très difficile. En outre, l'existence de cette contribution freinait la reprise d'entreprises en liquidation ou en redressement.

Le Gouvernement propose de fixer la dotation au Fiva de la branche AT-MP à 340 millions, soit 25 millions de plus que l'an passé. La totalité des dépenses 2011 seront couvertes.

Monsieur Barbier, à la suite du rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire sur les fibres d'amiante, un décret paraîtra au premier trimestre 2011 qui réduira d'un facteur dix les valeurs limites d'exposition.

Madame David, vous avez évoqué les risques CMR. Cela fait partie du plan de santé au travail (PST2) via des conventions, par exemple, dans la pétrochimie, à travers la recherche de produits de substitution.

Nous serons très attentifs à deux aspects, à commencer par la prévention car le produit est interdit mais l'exposition demeure ; c'est une des priorités du PST2. L'inspection du travail est mobilisée. Autre aspect, la juste réparation des victimes. La branche AT-MP a fait un considérable effort : 5,3 milliards de dotations cumulées au Fcaata, 6,2 milliards au titre de la réparation des maladies professionnelles, 2,3 milliards au Fiva.

Cela ne règle pas tout. Beaucoup reste encore à faire.

M. le président.  - Merci, monsieur le ministre, de votre réponse sur cette question très importante.