SÉANCE

du mardi 30 novembre 2010

40e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement à des questions orales.

Projet de ligne à grande vitesse en Normandie

Mme Catherine Morin-Desailly.  - J'attire votre attention sur la ligne à grande vitesse (LGV) Normandie, annoncée par le Président de la République au Havre le 16 juillet 2009. Ce projet ne peut être que transrégional et impose une réflexion d'ensemble sur le développement de la Normandie. Les trois Cese régionaux et les réseaux consulaires des trois régions concernées ont décidé d'agie de concert.

Le débat public devrait débuter à l'automne 2011 et se terminer en février 2012. Pourriez-vous me préciser le calendrier des travaux et me confirmer que la LGV pourra à terme relier la Normandie à Roissy, c'est-à-dire au réseau français et européen à grande vitesse ?

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.  - M. Borloo a entendu l'appel en faveur d'un calendrier repensé et demandé à RFF d'accélérer le lancement du débat public. Un dossier simplifié doit être présenté à la CNDP dès février 2011. Il s'appuiera sur toutes les contributions locales. Les études ont commencé.

Un premier scénario a été présenté au comité de pilotage le 14 octobre à Rouen. Je partage votre souhait d'un grand projet d'aménagement du territoire. Je rencontre ce matin le président de RFF ; j'évoquerai avec lui ce sujet.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - L'extension de la ligne jusqu'à Roissy est indispensable.

Listes d'appartements pour les étudiants

M. Yannick Bodin.  - J'attire votre attention sur les marchands de listes qui vendent des listes d'appartements à louer. Leurs pratiques sont parfois scandaleuses, qui s'apparentent à de l'escroquerie -annonces fantaisistes ou non actualisées, propriétaires injoignables...-, et font chaque année de nombreuses victimes.

La loi en vigueur impose en théorie de conclure des conventions écrites avec les clients ; elle exclut tout paiement anticipé.

Mais les contraintes imposées sont trop floues : il faut les clarifier, tout en interdisant le paiement lors de la remise de la liste. Quels sont les résultats de l'enquête diligentée par la DGCCRF ? Il y a dix fois moins de logements à louer que d'étudiants. L'État doit leur permettre de se loger rapidement, pour un coût raisonnable, dans le cadre d'un dispositif bien encadré.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.  - L'activité des marchands de liste est régie par la loi du 2 janvier 1970, qui impose la détention d'une carte professionnelle spécifique. Les intéressés doivent conclure des conventions écrites avec les propriétaires et avec les locataires. Aucune rémunération n'est due avant la parfaite exécution de ses obligations par le marchand.

Hélas ! Nous partageons le constat de nombreuses pratiques illicites. C'est pourquoi M. Apparu a saisi la DGCCRF, dont les contrôles ont commencé le 11 octobre. Les professionnels ont été mobilisés pour moraliser la location des micro-surfaces. Vos suggestions seront les bienvenues, monsieur le sénateur.

M. Yannick Bodin.  - Merci pour cette réponse mais le constat est récurrent : les mêmes réclamations sont formulées chaque automne. Quels résultats peut-on attendre de contrôles ponctuels ? Une initiative législative s'impose.

Lycée agricole de Wallis-et-Futuna

M. Robert Laufoaulu.  - Le lycée agricole de Wallis-Et-Futuna voit le jour grâce à M. Le Maire et à Mme Penchard, que je remercie vivement. Pour grandir, cet établissement a besoin d'un décret officialisant son existence : quand paraîtra-t-il ? Il devrait accueillir une centaine d'élèves à la rentrée 2012. Pouvez-vous préciser les moyens qui lui seront attribués ? Une somme de 60 000 euros a été déléguée, mais il en manque 50 000 pour acheter un tracteur.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Je vous prie d'excuser M. Le Maire, qui participe au conseil des ministres.

L'enseignement agricole est reconnu comme une filière de réussite qui assure l'insertion professionnelle de ses élèves. Le décret relatif au lycée de Wallis-Et-Futuna est en phase finale de consultation ; il devrait être publié en décembre.

Les coûts d'investissements seront pris en charge par le ministère de l'outre-mer à concurrence de 60 000 euros. Une enveloppe complémentaire de 8 000 euros a été budgétisée en 2010 sur le programme 143 ; enfin, 8 ETPT seront attribués en 2011, au lieu de 7,5 en 2010.

M. Robert Laufoaulu.  - Merci pour cette réponse. J'attends Mme Penchard et M. Le Maire, que nous accueillerons avec reconnaissance.

Obligation de dénonciation par les fonctionnaires

M. René Vestri.  - L'obligation de dénoncer les crimes et délits dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions s'impose à toute autorité publique constituée, qui doit en informer le procureur de la République.

Le principe de la disposition est clair ; son application est variable, voire arbitraire. Ainsi, un élu des Alpes-Maritimes a dénoncé aux plus hautes autorités de l'État les conditions d'attribution d'un marché public de 150 millions. Malgré mon appui à cette démarche, les instances de l'État sont restées inertes.

Une telle situation ne peut qu'accroître la défiance des citoyens envers l'État, les collectivités territoriales et la justice. Pourriez-vous préciser les modalités d'application de l'article 40 du code de procédure pénale et de l'article 434-1 du code pénal ?

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Je vous prie d'excuser M. Mercier, retenu par le conseil des ministres.

L'article 40 couvre un large domaine et impose un devoir de révélation aux fonctionnaires, officiers publics et autorités constituées. Le parquet conserve cependant la faculté d'apprécier l'opportunité des poursuites, sans préjudice d'un avis au plaignant et aux éventuelles victimes. L'information réciproque des autorités administratives et judiciaires sur les infractions signalées et le sort qui leur est réservé permet, dans le respect des attributions de chacun, de faciliter un fonctionnement transparent de la vie publique.

M. René Vestri.  - J'ai évoqué un marché public de 150 millions d'euros, où la tentative de fraude était certaine. Sitôt avisé, le maire a bloqué le marché. Pour apprécier, il faut comparer : dans une affaire de 3 000 euros, on a immédiatement perquisitionné et placé des gens en garde-à-vue ; tout un conseil municipal a dû témoigner. Mais rien n'a été fait pour un marché de 150 millions ! Je n'en dis pas plus.

ZRR

M. Jean Boyer.  - Les zones de revitalisation rurales ont vocation à soutenir la vie économique dans des territoires que sa population quitte sans intention de retour ; les terrains y sont à des prix compétitifs. Mais, devant le choix des hommes et des entreprises de leurs lieux de vie et d'activité, les élus sont souvent désarmés.

Créées en 1995, les ZRR ont été améliorées en 2005. En Haute-Loire, 188 communes sur 260 sont classées en ZRR ; trois départements français le sont entièrement, comme le tiers du territoire national. Les dispositions fiscales qui les accompagnent ne sont pas des privilèges mais la compensation d'un handicap.

Nous souhaitons leur maintien, et même leur extension à des initiatives telles que la création d'emplois. Ces zones devraient être prioritaires pour les pôles d'excellence rurale. Il faut agir avant qu'il ne soit trop tard.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Créées par la loi du 4 février 1995, les ZRR regroupent un tiers des communes de France, représentant 8 % de la population. Quelque 500 millions d'exonérations sont attribués chaque année pour accroître l'attractivité de ces territoires.

C'est pourquoi un ciblage a été décidé par le Premier ministre, afin de rendre le dispositif plus efficace. L'article 65 du projet de loi de finances ouvre ainsi le dispositif à la reprise et à la transmission des petites entreprises.

M. Jean Boyer.  - Je me réjouis que ces mesures d'accompagnement persistent.

Concours financiers de l'État aux collectivités guyanaises

M. Georges Patient.  - Les collectivités locales de Guyane sont caractérisées par la modestie des recettes fiscales, un dynamisme démographie très fort et par l'ampleur de la pauvreté. Par ses concours, l'État doit prendre en compte ces paramètres démographiques et économiques. J'attends qu'il supprime en particulier le plafonnement de la dotation superficiaire, qui fait perdre 16 millions d'euros aux communes, et qu'il leur rétrocède les 27 millions au titre de l'octroi de mer qui vont au département. Elles sont les seules outre-mer à subir un tel prélèvement.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Je vous prie d'excuser M. Hortefeux, qui participe au conseil des ministres.

Au nom du principe d'unité de la République, une même règle s'applique à toutes les communes à chaque fois que cela est possible. Toutefois, la solidarité nationale s'exerce en faveur de l'outre-mer au travers des dotations de l'État. A titre d'exemple, l'indexation de la dotation forfaitaire sur la population est favorable aux communes de Guyane ; de même celle sur la superficie. En 2010, la DGF moyenne par habitant atteignait 240 euros au plan national, contre 280 en Guyane. Malgré le gel de l'enveloppe, la DGF progressera pour les communes de votre département.

J'en viens aux 27 millions d'euros de l'octroi de mer : le produit de cet impôt est attribué au département ; la part de l'octroi dans les recettes fiscales des communes est de l'ordre de 40 %. J'ajoute qu'un travail important d'identification des bases est en cours.

M. Georges Patient.  - Comparons ce qui est comparable. La Guyane est un vaste département, 90 000 km² ; sa croissance démographique est l'une des plus fortes au monde ; son PIB n'atteint pas la moitié de la moyenne nationale.

Nous réclamons une meilleure application du droit commun, notamment de la dotation superficiaire qui est plafonnée pour la seule Guyane alors qu'elle a, par exemple, été augmentée pour les communes de montagne en métropole.

Le prélèvement sur l'octroi de mer est inique ! Même si le produit va au département, on organise la péréquation entre pauvres. Au total, les communes de Guyane perdent 43 millions d'euros.

Plan Cancer 2

Mme Françoise Laborde.  - Le Président de la République a annoncé, il y a plus d'un an, le plan Cancer 2, doté de 750 millions d'euros. Le chef de l'État avait désigné les principaux responsables de la pandémie : la consommation de tabac et d'alcool.

De nombreux cancérologues insistent sur les causes environnementales du cancer, négligées par le plan Cancer 2. Je pense notamment à certains pesticides ou au bisphénol A.

La France doit s'atteler à la recherche dans ce domaine, en rassemblant des disciplines complémentaires. Pourriez-vous préciser les sommes consacrées à la recherche sur les causes environnementales du cancer ?

Enfin, les résultats des recherches scientifiques doivent se traduire par des mesures énergiques. Je pense notamment aux particules fines émises par les véhicules à moteur diesel, qui sont reconnues comme hautement cancérigènes alors que les véhicules diesel sont l'objet d'incitation fiscales.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - L'identification des risques environnementaux est une mesure phare du plan Cancer, avec 2,3 millions d'euros. Les diverses disciplines sont déjà mobilisées sur ce thème. Sept appels à projets de recherche ont été financés par l'Inca en 2009-2010, pour 1,5 million d'euros.

La coordination entre les pôles de recherche sur ce sujet sera permise par le lancement conjoint d'appels à projets par l'Inca et par l'Anses. Le plan Cancer s'articule avec le plan Santé environnement. Enfin, 3 millions d'euros seront consacrés à des cohortes suivies par l'Inserm, l'Inca et la ligue nationale contre le cancer.

Ainsi, les moyens alloués à la recherche permettront d'adapter notre politique en ce domaine.

Mme Françoise Laborde.  - Merci pour cette réponse. Il est difficile d'avoir une expertise indépendante face aux lobbies industriels. Nous resterons vigilants.

Violences urbaines à Paris

M. Roger Madec.  - Le non-respect du droit à la tranquillité et à la sécurité est une inégalité sociale supplémentaire. Face au désengagement de l'État, les élus multiplient les actions de prévention, en coordination avec la préfecture de police de Paris. Je rends hommage à l'action de la police, mais je m'interroge sur l'abandon de la police de proximité, décidé autrefois par l'actuel Président de la République, ainsi que sur la suppression de postes dans les forces.

Le contexte de crise aggrave la situation ? Les trafics se multiplient à la vue de tous. Les habitants estiment que la police n'est plus à leur côté et n'a plus les moyens d'agir.

Entre 2008 et 2009, les violences physiques crapuleuses ont augmenté de 20 %, les menaces de violences et chantage ont augmenté de 157 % entre 2001 et 2009. Dans mon arrondissement, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont augmenté de 16 % entre 2008 et 2009. Le sentiment d'insécurité reste fort dans l'est parisien.

Que ferez-vous pour assurer la tranquillité de tous les Parisiens ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Votre question initiale portait sur les violences qui ont eu lieu lors de la fête nationale...

Comme les années précédentes, la préfecture de police a renforcé son dispositif les 13 et 14 juillet, avec l'envoi d'une demi-compagnie de CRS. Deux équipes de BAC ont été engagées. Pendant ces deux nuits, la sécurisation des zones sensibles a été assurée par des agents en civil ; les forces mobiles ont été fortement mobilisées dans les quartiers sensibles du XIXe arrondissement.

Dans la nuit du 13 juillet, cinq individus dressant des barricades ont été arrêtés. Le principal incident a été un incendie, provoqué par des pétards de feux d'artifice.

M. Roger Madec.  - Merci de m'avoir répondu, mais l'absence de M. Hortefeux est inconvenante.

Ma question ne portait pas uniquement sur la nuit du 13 juillet. Les policiers font ce qu'ils peuvent mais je regrette le démantèlement de la police de proximité.

Financement des campagnes électorales sénatoriales

M. Jean-Jacques Hyest.  - La révision de la loi sur le financement des campagnes électorales a été évoquée à de nombreuses reprises. La commission Mazeaud envisage d'inclure les élections sénatoriales dans son champ d'application.

Si les règles générales prévues par le code électoral en matière de dépenses électorales s'appliquent à ces élections, une incertitude juridique subsiste sur la période à prendre en compte. S'agit-il de l'année précédant l'élection ou de toute la durée du mandat, comme le ministère a pu en faire l'interprétation ? Le Gouvernement peut-il lever cette incertitude juridique ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Les seules dispositions qui s'appliquent aux campagnes électorales sénatoriales sont les alinéas 2 et 5 de l'article L. 308-1 prohibant le financement des campagnes par les personnes morales ou les États étrangers. Lorsque l'article L. 52-4 du code électoral s'applique, ce qui n'est pas le cas actuellement pour les élections sénatoriales, les dépenses électorales s'apprécient pour la seule année précédant le mois de l'élection.

Une révision de l'extension de la loi relative au financement des campagnes électorales aux élections sénatoriales a en effet été proposée par la commission Mazeaud en 2009. Un groupe de travail a en outre été constitué au sein de la commission des lois, que vous présidez.

Le Gouvernement est ouvert à la réflexion. II appartiendra au Sénat de se prononcer sur ce sujet qui touche aux modalités d'élection de ses membres.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous dites que ne sommes pas visés mais que le délai applicable est d'un an dans tous les cas. Nos collègues ont besoin d'une certaine visibilité.

Ce problème concerne aussi les cantons de moins de 9 000 habitants et les communes pour lesquelles il n'y a pas de comptes de campagne. Il faut préciser les choses.

Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il s'agit de la pérennisation de la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France dont l'idée a vu le jour en 1999. J'étais, à l'époque, ministre de l'intérieur. Son objet était de faire en sorte que nos concitoyens de confession musulmane puissent pratiquer leur culte à l'instar des pratiquants des trois autres religions traditionnelles. Comme le disait Maurice Agulhon, s'il y a place pour trois, il doit y avoir place pour quatre à la table de la République...

La Fondation a été institutionnalisée le 31 mai 2005, avec pour mission principale la construction et la gestion de lieux de culte en accord avec les élus des communes concernées.

Un million d'euros ont été alloués à la Fondation, qui a également reçu des subventions émanant de pays étrangers ; elle disposait au départ d'atouts non négligeables. Pourtant, de nombreux dysfonctionnements ont été notés, du fait de la composition du conseil d'administration et des équilibres difficiles au sein du CFCM entre les trois fédérations. Chacun dispose de ses propres réseaux de financement. Il faut y mettre bon ordre ; c'est un test pour l'Islam de France, dont les ressources doivent être mises en commun. L'État a son mot à dire. Que compte faire le Gouvernement pour assurer la pérennité de cette Fondation ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Le CFCM est devenu l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. En sept ans d'existence, il est devenu le visage et la voix des 5 millions de personnes qui se reconnaissent dans cette religion. Fort de cette légitimité incontestable, le CFCM entretient un dialogue régulier avec l'État.

Vous nous interrogez sur le rôle de la Fondation. L'État siège à son conseil d'administration, sans droit de vote. Il n'appartient pas aux pouvoirs publics de se substituer aux représentants des fédérations musulmanes qui ne semblent pas considérer la Fondation comme le vecteur privilégié de leur action. Le Gouvernement en prend acte.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Cette réponse ne me convient pas car elle marque la renonciation de l'État. Au départ, toutes les composantes de l'Islam étaient d'accord et s'étaient engagées. Il avait été possible de conduire les différentes sensibilités à un travail de fond commun et à admettre le principe d'un transit des fonds en commun.

M. Hortefeux se contente de l'existence du CFCM. Je le regrette pour la République, pour les musulmans de France et pour l'idée d'un Islam de France.

Discrimination salariale au détriment des Français travaillant en Suisse

Mme Patricia Schillinger.  - Les salariés français travaillant en Suisse sont victimes de discrimination salariale : ils sont moins rétribués que leurs collègues suisses.

La discrimination est notamment fondée sur la bonne santé du franc suisse par rapport à l'euro. Ainsi, dans l'entreprise Stocklin, les frontaliers ont dû accepter une diminution de 6 % de leur salaire, ce que 24 salariés ont refusé. Ils ont été licenciés. C'est choquant et contraire aux accords de libre circulation conclus par la Suisse avec l'Union européenne.

Le Gouvernement entend-il rappeler à la Suisse le respect de nos accords bilatéraux ? Envisage-t-il de lui demander de mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement à la libre circulation ?

M. Laurent Wauquiez, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.  - Vous m'interrogez sur la coopération transfrontalière : 10 millions de Français sont concernés, qui travaillent en Suisse, au Luxembourg, en Belgique et en Allemagne. Un rapport a été remis en juin par des parlementaires, dont votre collègue Fabienne Keller : les difficultés des travailleurs transfrontaliers sont réelles. Pour la Suisse, une entreprise a décidé de réduire les salaires des travailleurs français. Il s'agit d'un cas isolé ; le gouvernement suisse nous a dit sa détermination à ce qu'il ne se répète pas. Les intéressés doivent s'adresser aux tribunaux suisses compétents. Enfin, la commission tripartite du canton de Bâle est compétente pour traiter ce problème. Vous voyez, nous agissons.

Mme Patricia Schillinger.  - Merci pour cette réponse. Je serai vigilante et je la transmettrai aux salariés concernés qui ne bénéficient pas des 35 heures ni des cinq semaines de congés : il est heureux pour eux qu'ils puissent travailler à l'étranger mais ils ne doivent pas être pénalisés encore.

Creps de Paca

M. Michel Teston.  - Le cinquantième anniversaire du site de Vallon Pont d'Arc du Creps de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a été célébré le 1er octobre. Mme Yade avait transmis un message pour confirmer sa volonté de renforcer ce site. Or, un professeur qui doit partir à la retraite ne sera pas remplacé. Les installations doivent également être modernisées, mais aucun calendrier n'est précisé. Quant à la gouvernance, après le rattachement au Creps d'une autre région, elle demeure problématique.

Une concertation serait nécessaire afin d'apaiser les inquiétudes des personnels et des élus. Quels sont les investissements immobiliers envisagés ?

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports.  - Le centre de Vallon Pont d'Arc fait partie de l'histoire du ministère des sports. Le succès des sports de nature lui est dû, ainsi qu'à quelques organismes comme l'UPCA. Il forme les cadres qui aident les départements à préparer les plans départementaux des sports de nature, en aidant à désamorcer les conflits d'usage. Ce centre a été rattaché au Creps Paca et ses moyens humains seront renforcés avec un poste supplémentaire, pour pallier le départ en retraite. Le salaire d'un de ses chargés de mission va être pris en charge et des travaux d'amélioration pour 130 000 euros vont être entrepris. Une réflexion de fond est engagée sur le renouvellement des installations d'hébergement.

Le préfet de l'Ardèche a mission d'engager une concertation avec tous les acteurs. La première réunion aura lieu le 16 décembre. Une mission d'analyse sera réunie par la direction du Creps Paca fin décembre. Une synthèse sera rendue en janvier 2011. La mission d'origine de Vallon Pont d'Arc est une mission d'actualité, et même du futur.

M. Michel Teston.  - Merci pour cette réponse, notamment sur le tour de table.

Il est important que tous les acteurs disposent des mêmes informations. Pourquoi ne pas en faire un centre national des sports de nature ? Ou lui donner le statut de Creps du Grand sud-est ? Le ministère doit garantir que le centre puisse exercer et développer ses missions.

Régime des auto-entrepreneurs

Mme Marie-France Beaufils.  - Le statut de l'auto-entrepreneur devait lutter contre le travail illégal, alors que le résultat est inverse. Le statut a cassé le régime des artisans. Cette concurrence déloyale mise sur un régime fiscal dérogatoire. Le nombre de PV pour travail illégal a bondi de 27 % l'an dernier.

Le nouveau statut, selon le président des Urssaf de Haute vienne, revient à la légalisation du travail illégal et la promotion de la concurrence déloyale. Après sept mois de travail, le rythme de création d'entreprises a chuté de 21,5 % l'an dernier, à l'extérieur de ce statut.

Les artisans sont en colère. Ils ne comprennent pas cette dérégulation. 51 % des auto-entrepreneurs n'ont aucune activité. C'est souvent une forme de salariat déguisée car les entreprises vont jusqu'à pousser leurs salariés à créer leur auto-entreprise. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.  - Le régime de l'auto-entrepreneur a permis de créer 600 000 entreprises cette année. Il n'a pas vocation à remplacer les entreprises individuelles mais à faciliter la création d'entreprises. Il n'y a aucune concurrence déloyale car les obligations sont identiques. Certes, la qualification n'était pas contrôlée lors de la création d'une auto-entreprise jusqu'au 31 mars, mais c'est chose faite depuis le 1er avril. Les auto-entrepreneurs doivent, en outre, s'enregistrer auprès des chambres consulaires, sauf pour des activités exercées à titre complémentaire.

L'auto-entreprise est une entreprise comme une autre, soumise à la législation et à la réglementation en vigueur. La limitation du chiffre d'affaires des auto-entrepreneurs caractérise ce régime, qui apporte en particulier une protection sociale identique à celle des artisans, notamment pour les droits à pension de retraite. M. Lefebvre fera prochainement de nouvelles propositions pour clarifier le régime en matière d'obligations de déclaration et d'accès à la formation professionnelle.

Mme Marie-France Beaufils.  - En dehors des chiffres que vous annoncez, il faudrait établir un véritable bilan : les organisations d'artisans ne sont pas convaincues par votre discours. Nous devrions pouvoir analyser des dossiers incontestables.

Les clients ont souvent besoin de la garantie décennale. Quelle est la sécurité pour les clients d'auto-entrepreneurs ?

De nombreuses interrogations demeurent et bien souvent, l'auto-entrepreneur est peu qualifié et a été contraint de se déclarer comme tel.

Frais d'expédition de biens achetés par correspondance

Mme Catherine Procaccia.  - Le 15 avril, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt sur les frais d'expédition de marchandises. En France, les consommateurs disposent d'un délai de sept jours pour se rétracter mais ne sont remboursés que du seul bien, pas des frais d'expédition. Cette restriction contredit le droit européen. La CJUE estime qu'imputer les frais d'expédition est contraire à l'équilibre entre les parties. Certaines clauses actuelles sont donc abusives. Que compte faire le Gouvernement ?

Enfin, quid des frais de réexpédition ?

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.  - Saisie d'une question préjudiciable sur la question que vous soulevez, la CJUE estime que mettre les frais d'expédition à la charge des consommateurs serait contraire au droit européen.

Or, la justice française impose aux professionnels de rembourser tous les paiements effectués par les consommateurs qui se rétractent dans les sept jours. Notre droit national n'a donc pas à être modifié après l'arrêt du 15 avril puisque la directive de 1997 a été transposée dans notre droit national en 2001 et que la loi Chatel de 2008 a précisé que le consommateur doit bien être remboursé de la totalité des sommes versées.

Mme Catherine Procaccia.  - C'est clair, mais pas toujours appliqué ! En outre, les consommateurs doivent acquitter les frais de réexpédition, parfois très élevés en cas d'achat de gros équipements. Il faudra y réfléchir.

Système électrique en Martinique

M. Serge Larcher.  - En Martinique, le système de transport électrique accumule les faiblesses. Les moyens de production sont insuffisants et les usagers sont pénalisés. La loi de juin 2000 devrait améliorer la qualité des réseaux outre-mer. Pourtant, il n'en est rien et le décret d'application n'a été pris qu'en 2007.

Le niveau de qualité et de sécurité électrique est un enjeu majeur pour tous ces territoires « en mal développement ». Que compte faire le Gouvernement pour développer l'outre mer ?

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.  - Les réseaux électriques dans les DOM ne sont pas interconnectés à un réseau intercontinental et peinent à répondre à la croissance importante de la demande d'électricité. Les contraintes que vous rappelez sont liées à ces deux spécificités. Des chutes de tension sont fréquentes et il faut les réduire. Le 24 décembre 2007, un arrêté a été publié, prévoyant des dispositions pour lutter contre les chutes de tension et les coupures. Les difficultés de ces critères imposent des études approfondies pour fixer des seuils précis.

Les prévisions de consommation n'ont pas été sous-estimées : la consommation en 2010 a été de 1 600 GWH pour une prévision de 1 700 GWH.

J'en viens à la politique de modernisation : les investissements en Martinique atteindront 30 millions d'euros en 2012 et 2013, proportionnellement le double de ceux réalisés en métropole.

En outre, le fonds de modernisation verse 17 millions à l'outre-mer, dont plus de 2 millions par an aux opérations martiniquaises.

M. Serge Larcher.  - La situation concrète de l'alimentation électrique est inquiétante, au point de compromettre l'activité touristique, sans parler du confort des ménages. Quand vous regardez un film, vous n'êtes jamais sûr d'en voir la fin. Et que dire des surtensions qui vont jusqu'à détruire les appareils électroménagers !

Délocalisation de l'Usine Fralib du groupe Unilever

Mme Isabelle Pasquet.  - La direction d'Unilever France veut fermer l'usine Fralib produisant la marque « Éléphant », implantée à Marseille depuis plus d'un siècle. Cette firme multinationale a fait la chasse aux subventions nationales, avant de créer une filiale suisse destinée à récupérer les bénéfices des entités françaises et belges.

Le 23 novembre, vous avez été interrogé sur l'avenir du site marseillais, dont nous craignions la fermeture. Lors de la réunion organisée par le préfet, Unilever n'a convaincu personne.

Jusqu'à quand le Gouvernement acceptera-t-il les délocalisations d'entreprises motivées par des raisons purement financières ?

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.  - La France n'a pas d'avenir sans industrie. Le groupe Unilever a annoncé sa volonté de fermer en 2011 l'usine conditionnant le thé et les infusions. Elle estime que le site de Gémenos représente 5 % de sa production et 25 % des coûts. Le préfet a organisé une table ronde avec tous les acteurs concernés afin que nul salarié ne se retrouve sur le bord du chemin. Un groupe de travail doit examiner toutes les alternatives à la fermeture pure et simple du site. Ses conclusions seront connues le 13 décembre.

En outre, j'ai demandé au préfet de faire en sorte que les salariés conservent un emploi, quitte à passer par une reprise du site.

Mme Isabelle Pasquet.  - Cette réponse reprend les communiqués préfectoraux. Le coût élevé de l'usine de Gémenos est due aux choix commerciaux d'Unilever, qui passe sous silence les profits obtenus, de même que le sous-investissement d'Unilever sur ce site. Il faut mettre l'entreprise face à ses responsabilités : le Gouvernement doit agir.

Schéma national d'infrastructures de transports

M. Jacques Mézard.  - L'avant-projet des infrastructures de transport pour les vingt à trente prochaines années a été publié le 12 juillet. Rien n'est prévu pour désenclaver le Cantal ou la préfecture d'Aurillac, alors que le désenclavement est l'un des objectifs de l'avant-projet, qui insiste sur l'accès aux territoires et sur l'équité.

Hélas, les projets tournent le dos à l'équité territoriale, qu'il s'agisse des infrastructures ferroviaires ou routières. Rien n'est prévu pour la RN 122 et le cul-de-sac de Figeac.

Il est inacceptable de priver une préfecture de tout moyen commode d'accès. On ne peut justifier l'absence d'infrastructure par l'insuffisance de la population ! Le Cantal va demeurer le département le plus enclavé de France.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.  - Je tiens à vous rassurer : l'État désenclave le Cantal, notamment via la RN 122. Cependant, cette nationale ne fait pas partie du schéma national des infrastructures de transports qui ne concerne que les LGV, les nouveaux tronçons d'autoroutes ou les voies qui permettent de nouvelles modalités de déplacement. L'aménagement de la RN 122 se continue dans le cadre du PDMI de la région Auvergne.

M. Jacques Mézard.  - Cette réponse est terrible car elle marque un mépris absolu pour un territoire dont la situation sera encore aggravée ! Les habitants ne peuvent accepter ce dédain pour l'île en métropole où ils vivent.

Les moyens de liaison avec Paris étaient meilleurs il y a vingt ou trente ans. J'ai mis neuf heures, dimanche, pour rallier la capitale car il n'y avait ni train, ni avion. Je ne peux accepter le renvoi aux calendes grecques de l'aménagement du territoire.

Tunnel routier d'Angoulême

M. Michel Boutant.  - Les tunnels font l'objet, depuis dix ans, d'une mise aux normes. Celui d'Angoulême est utilisé quotidiennement par 17 000 véhicules, pour des liaisons nord-sud, mais la ville d'Angoulême devrait assurer seule sa mise en conformité, l'obligeant à débourser 14,5 millions, soit l'équivalent de dix ans d'entretien de la voirie communale !

On a envisagé le passage en sens unique, mais aucune économie ne serait ainsi obtenue.

Il est regrettable que l'État impose à la ville d'assumer seule ce projet, alors que l'ouvrage en question n'est pas exclusivement communal. Avec les élus d'Angoulême, j'estime qu'on exige trop d'une ville qui a déjà tant donné.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - En raison du partage des compétences, Mme Kosciusko-Morizet ne peut mettre son ministère à contribution, s'agissant d'une infrastructure appartenant à la ville d'Angoulême. D'autre part, la LGV Sud-Europe Atlantique associe les collectivités à son financement, sur le modèle retenu pour la première fois pour le TGV Est. Je m'en souviens bien puisque le Bas-Rhin a été mis à contribution à hauteur de 75 millions. Le Gouvernement souhaite une mise en service à l'horizon 2016.

Enfin, la ministre a pris bonne note du projet de « busway » de la ville. L'appel à projet de transports urbains en site propre a connu un grand succès : 80 dossiers ont été déposés ; ils seront examinés par le comité technique les 1er et 2 décembre.

M. Michel Boutant.  - Quel paradoxe ! Vous justifiez la non-intervention de l'État par la propriété de la ville alors que les contrats de plan État-région mettent à la charge des départements certains investissements sur la voirie nationale. L'État est la première collectivité à exiger des financements croisés, qu'il s'agisse de la LGV Est ou de la LGV Centre Europe-Atlantique. Même vous ne croyez pas à votre discours : votre sourire en témoigne, monsieur le ministre !

Prolifération du frelon asiatique

M. Jean Milhau.  - La prolifération du frelon asiatique impose de faire appel à des sociétés privées pour détruire des nids difficilement accessibles, dont l'intervention va jusqu'à coûter 1 000 euros.

En janvier 2010, le Gouvernement avait annoncé que le frelon allait être classé « espèce invasive » ; une mission interministérielle devait rendre un rapport technique, toujours pas publié. Qu'allez-vous faire ?

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - Ce sujet concerne, outre les apiculteurs, une large part de la population. Le frelon à pattes jaunes est un prédateur de l'abeille domestique, mais n'est pas reconnu comme portant atteinte à la biodiversité.

A défaut d'éradiquer cette espèce, il faut encore mettre au point des moyens fiables. Piégeage des reines, destruction des nids : les avis sont partagés. La mission conjointe vient d'achever son rapport, qui sera publié dans les prochains jours. Le ministère de l'écologie soutient le travail du Muséum d'histoire naturelle, chargé de recueillir des données sur l'évolution de l'espèce et d'étudier, avec l'Institut d'agronomie de Bordeaux, les solutions envisageables.

M. Jean Milhau.  - Merci pour ces informations. Certes, le frelon d'Asie participe à la biodiversité mais il faut limiter la prolifération de cette espèce invasive.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, je vous prie de remercier le ministre des relations avec le Parlement pour la tenue de cette séance tardive de questions orales, malgré la réunion du conseil des ministres.

La séance est suspendue à 13 heures 5.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.