Débat sur la situation en Libye

M. le président.  - L'ordre du jour appelle, en application de l'article 35, alinéa 2, de la Constitution, une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les conditions de mise en application de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU sur la situation en Libye.

Cette déclaration et le débat qui suivra constituent la première application du deuxième alinéa de l'article 35 de notre Constitution, depuis l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

La mise en oeuvre de cette procédure a été décidée à l'issue d'une réunion exceptionnelle sur la situation en Libye qui s'est tenue le vendredi 18 mars, à votre initiative monsieur le Premier ministre, et à laquelle j'ai participé avec la commission des affaires étrangères et les présidents des groupes politiques du Sénat ou leurs représentants.

Par une lettre que vous m'avez adressée le samedi 19 mars en fin d'après-midi, vous avez tenu à m'informer que le Gouvernement avait décidé de faire intervenir nos forces armées en Libye pour la mise en oeuvre de la résolution de l'ONU et que vous feriez aujourd'hui une déclaration devant notre assemblée. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d'avoir répondu à notre demande d'information et de débat. Votre présence au Sénat avec M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, et M. Patrick Ollier, ministre en charge des relations avec le Parlement, témoigne de la considération que vous portez à l'institution sénatoriale et croyez que nous y sommes particulièrement sensibles.

Au nom du Sénat tout entier, je voudrais aussi assurer de notre confiance l'ensemble des militaires qui participent à cet engagement international d'opérations aériennes et navales, destiné à protéger la population libyenne dans le cadre du mandat de l'ONU.

Je vais donner la parole à M. le Premier ministre, puis nous entendrons M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Chaque groupe politique pourra ensuite exprimer son point de vue.

M. Alain Juppé, ministre d'État, et M. Gérard Longuet, ministre de la défense, répondront aux orateurs.

M. François Fillon, Premier ministre.  - (Applaudissements à droite)

Je m'associe au message de soutien et d'affection adressé à M. l'ambassadeur du Japon et au peuple japonais. Nous sommes tous bouleversés par cette catastrophe immense, et voudrions faire encore plus pour aider les Japonais. Demain soir, je m'adresserai à la communauté japonaise de France pour lui faire part de notre affection et de notre solidarité.

Samedi, nos forces armées sont entrées en action en Libye. Conformément à l'article 35 de la Constitution, j'informe le Sénat des raisons et des conditions de cet engagement.

Depuis quelques mois, un vent de démocratisation souffle dans les pays arabes. Nous espérions que la révolte libyenne aurait le même sort qu'ailleurs, mais la semaine dernière, elle semblait vivre ses dernières heures. Nous avons refusé l'inacceptable.

L'usage de la force armée dans les affaires intérieures d'un pays arabe est une décision lourde. Mais ne serions-nous pas immensément coupables d'avoir assisté les bras croisés à la répression ?

Toute la région est parcourue par une onde de choc démocratique qui révèle la force des idéaux humanistes, trop souvent accusés d'être le propre de nos vieilles démocraties. Ne pas intervenir, c'était constater que le mur de l'oppression était plus fort que le vent de la liberté.

L'usage de la force ne s'est pas imposé du jour au lendemain. Dès le début de la crise, nous avons plaidé pour des sanctions contre le régime de Kadhafi, et demandé la saisine de la Cour pénale internationale ; nous avons acheminé de l'aide humanitaire à la frontière égypto-libyenne.

La France s'est battue sans relâche, aux Nations unies, au conseil de l'Europe, au G8. Dans le même temps, d'autres organisations internationales se sont mobilisées : Ligue arabe, OUA, Conférence islamique... Rien n'a fait fléchir la froide détermination du régime libyen : l'emploi de la force s'imposait comme la seule solution.

Nous avons été clairs, en conditionnant toute intervention à quatre préalables : un besoin réel sur le terrain, l'appui des pays de la région, une base juridique solide et à une action collective.

La résolution 1973 autorise le recours à la force. Nous ne conduisons pas une guerre contre la Libye, mais une opération de protection des populations civiles. L'envoi d'une force d'occupation au sol est exclu ; il s'agit de mettre en place une zone d'exclusion aérienne, et d'assurer l'effectivité de l'embargo sur les armes. Nous voulons permettre au peuple libyen de décider de son avenir : nous n'entendons en aucun cas nous substituer à lui. La France rend hommage au Conseil national de transition, qui est notre interlocuteur politique, et avec lequel nous sommes constamment en relation.

Dès le 4 mars, notre aviation surveillait les capacités de l'armée libyenne et l'avancée des troupes. Les opérations de samedi avaient pour objectif de mettre hors de danger Benghazi et d'imposer une zone d'exclusion aérienne. Elles se sont poursuivies en coordination avec les autres pays de la coalition.

L'objectif fixé par la résolution 1973 est la cessation totale de l'usage de la force contre les populations civiles. Nous appliquons toute la résolution et rien qu'elle. Nos actions sont intégralement notifiées au Secrétaire général de l'ONU et à celui de la Ligue arabe. Si le régime de Kadhafi respecte la résolution 1973, les opérations cesseront.

Je veux saluer le dévouement de nos soldats. Leur mandat est légitime et leur mission est noble.

De Tunis au Caire, et du Caire à Tripoli, l'avenir de l'espace méditerranéen est en train de se jouer. La France aspire à un espace méditerranéen pacifique, solidaire, tourné vers le progrès.

Avec l'Union européenne, nous avons proposé un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée. C'est dans cet esprit que nous appuyons les processus de transition engagés en Egypte et en Tunisie. C'est aussi dans cet esprit que nous avons salué le discours réformateur du Roi du Maroc.

Nous voulons voir naître une nouvelle ère en Méditerranée, débarrassée des vieilles scories coloniales et des postures dépassées, marquée par le respect mutuel et le partage.

Cette aspiration concerne aussi le conflit israélo-palestinien qui ne doit pas être le grand oublié de la transition politique arabe en cours. Le processus de paix doit être relancé ; en juin prochain, nous avons proposé de réunir à Paris la prochaine Conférence des donateurs. Au moment où le monde arabe s'éveille à la démocratie, 2011 doit être aussi l'année de la création d'un Etat palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël dans des frontières sûres et internationalement reconnues.

A Benghazi, le drapeau tricolore a été levé, ce qui nous oblige. Je sais que nombre d'entre vous sont attachés à une certaine idée de la France et de la liberté. Aujourd'hui, il n'y a ni droite, ni gauche, mais seulement la République, qui s'engage avec courage et lucidité ! (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs à gauche)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Le despote libyen -dont nous connaissions déjà les incartades, les foucades, voire les crimes- n'a pas hésité à faire tirer sur son propre peuple. Nous ne pouvions ignorer l'appel à l'aide des insurgés ; savoir mais ne rien faire, c'est se rendre coupables de non-assistance à une nation en danger. Pouvions-nous accepter que le despote libyen viole insolemment les droits de l'homme ?

M. Roland Courteau.  - Que ne le disiez-vous en 2007 ?

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Kadhafi et ses complices devront répondre de leurs actes devant leur peuple et la CPI. Leur départ du pouvoir est un préalable. La répression ne fait qu'encourager l'islamisme.

Le soutien que nous apportons au peuple libyen est conforme à nos valeurs et traditions. Il est légal, puisqu'il se fonde sur une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, prise avec le soutien des États arabes, dans la droite lignée du chapitre 7 de la Charte des Nations unies. L'intervention de nos forces a prévenu un massacre annoncé et brisé net l'offensive contre la Cyrénaïque.

Cela ne doit pas nous masquer ses limites, puisque la résolution 1973 exclut toute intervention au sol.

Une zone d'exclusion aérienne exige d'importants moyens. Nous avons refusé le patronage de l'Otan, difficilement acceptable pour les pays arabes. Ces pays, pas plus que ceux de l'Union européenne, ne sont pas unanimes : l'Algérie s'est abstenue, et les Etats voisins restent très prudents.

Le risque est une partition durable de la Libye ; l'affaiblissement de l'État libyen serait une lourde menace. Ce pays ne doit pas devenir la base arrière des islamistes ni une plaque tournante des trafics, en particulier de stupéfiants.

Des mesures plus contraignantes ne sont-elles pas nécessaires pour empêcher Kadhafi de se procurer de nouvelles armes ? La Chine et la Russie accepteront-elles un blocus ?

La Libye est un pays jeune et riche. Ses moyens peuvent être mis au service du développement économique et de la démocratie, qu'il faut accompagner. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, il appartient au seul peuple libyen de choisir son destin.

La France, grâce à l'impulsion donnée par le président de la République et son gouvernement, grâce à la force de conviction et à l'expérience du ministre des affaires étrangères et à notre diplomatie, aura oeuvré avec promptitude, ardeur et efficacité pour venir en aide à un peuple victime de ses dirigeants.

Comment ne pas éprouver un légitime sentiment de fierté quand ceux à qui nous portons secours nous clament leur reconnaissance et rendent un hommage vibrant à notre action ? Par quelle fatalité les peuples arabes seraient-ils condamnés à l'oppression ?

En nous engageant, nous avons pris le risque de l'échec. Mais il aurait été pire de laisser massacrer un peuple par indifférence ou lâcheté. C'est l'honneur de la France de n'avoir pas pris ce parti ! (Applaudissements à droite)

M. François Zocchetto.  - Le groupe de l'Union centriste salue la clairvoyance et la détermination des dirigeants français, et d'abord du président de la République et du Premier ministre. Inspirés par les valeurs de la République, ils sont passés à l'acte, sans forfanterie, mais fermement.

Nous saluons aussi le travail des ministres des affaires étrangères et de la défense. On disait récemment que la diplomatie française était déclinante ; au contraire, elle vient de montrer qu'elle était inspirée dirigée et efficace !

L'intervention était-elle nécessaire ? Oui. Au-delà de ses foucades pagnolesques, M. Kadhafi est un tyran, imprévisible, avide et sanguinaire qui représente une menace pour son pays et pour le monde. Les Libyens méritent d'être aidés.

La partie n'est pas simple. La coalition devait-elle intervenir rapidement ? Oui, car la négociation avait échoué, et l'urgence était palpable sur le terrain.

La gouvernance de l'opération paraît encore mal établie. Quelle sera la place des Etats-Unis dans les semaines à venir ? Quelle sera l'attitude de la Ligue arabe et de l'Union africaine ? Certains craignent pour les populations civiles.

Quel avenir pour l'intégrité du territoire libyen ?

Hélas, l'Union européenne n'a pas su parler d'une seule voix.

Nous pensons aux soldats français exposés. L'issue de l'opération reste incertaine. Mais comme il en va de notre devoir et de notre honneur, le groupe de l'Union centriste est favorable à l'engagement militaire de la France en Lybie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Je tiens à excuser l'absence de M. Bel, convalescent. Lui qui avait demandé la réunion du Parlement aurait apprécié d'être présent aujourd'hui !

Ce débat est grave. Nos soldats sont engagés dans des opérations périlleuses au service du peuple libyen, mais aussi de la légalité et de la moralité internationales. Nos pensées, aujourd'hui, vont à nos soldats, à leurs familles et à leurs proches.

La situation en Libye nous rappelle, si besoin en était, que nous vivons dans un monde dangereux. Nous sommes à l'heure de la mondialisation, où toutes les menaces sont liées et où, dans le même temps, les peuples se réveillent pour prendre en main leur destin.

Le groupe socialiste approuve la philosophie générale qui a conduit à l'adoption de la résolution 1973. (« Très bien ! » à droite)

Nous soutenons une zone d'exclusion aérienne et le recours à la force dans le cadre du chapitre 7 de la charte de l'ONU et nous nous félicitons du rôle joué par la diplomatie française. (Applaudissements à droite) Ce d'autant que nous demandions une action ferme et résolue dès le début de l'offensive du colonel Kadhafi. Mais la communauté internationale est restée trop longtemps passive, ce qui était cohérent, du reste, avec le choix malheureux imposé à la diplomatie française de recevoir en grande pompe en 2007 un des pires tyrans de la planète -au motif de le remercier d'avoir libéré des infirmières injustement retenues...

M. Roland Courteau.  - C'est bien de le rappeler !

M. Jean-Louis Carrère.  - A force d'atermoiements et d'erreurs d'analyse, la France était passée à côté des printemps arabes. Ces flottements nous ont coûté cher et ont failli se reproduire en Lybie ; nous aurions alors été coupables du crime de non-assistance à peuple en danger.

Ce débat permet un contrôle démocratique des choix du Gouvernement. Nous avons aujourd'hui besoin d'éclaircissements, il y a encore trop de flou. Qu'en est-il de la position de la Ligue arabe ? C'est un point essentiel si l'on veut éviter que l'opération ne soit pas interprétée comme un affrontement entre peuples occidentaux et arabes, comme un « choc des civilisations ». Non, non et non : nous ne sommes pas à l'initiative d'une nouvelle croisade ! Une ZEA a été demandée par la Ligue dès le 12 mars ; la résolution 1973 a été votée depuis. Qu'en est-il aujourd'hui ? La participation militaire arabe est modeste ; il ne pouvait en être autrement dans la mesure où certains États craignent de connaître une situation comparable à celle de la Libye... Comment interpréter le relatif flottement des déclarations de M. Amr Moussa ? L'implication de la Ligue arabe conditionne pourtant en partie la réussite des opérations.

Quid de l'Union africaine ? Elle a demandé le 20 mars la cessation de toutes les hostilités et appelé la communauté internationale à la retenue : qu'en penser ? La France déploie-t-elle des efforts diplomatiques pour consolider l'implication de la Ligue arabe et de l'Union africaine ?

La France est dans son rôle en assistant un peuple en danger -mais on ne peut oublier le silence assourdissant de la communauté internationale devant la répression au Yémen et à Bahreïn.

Quid, enfin, de l'Union européenne ? Elle est apparue une nouvelle fois divisée. Nos amis allemands se sont abstenus sur la résolution 1973, l'Union européenne n'a pas débattu politiquement de l'intervention et, faute de défense et de diplomatie communes, la France et le Royaume-Uni ont pris l'initiative. L'Union n'a pas su comprendre l'importance des printemps arabes ni saisi l'occasion de tendre la main aux peuples d'outre-méditerranée. Même indécision sur le rôle que doit jouer l'Otan dans le commandement : que pouvez-vous nous en dire ? Comment s'articulent les décisions entre l'échelon national et le commandement intégré ? Quelle part y prend la France ? Pouvez-vous nous garantir que notre pays ne court pas le risque d'être impliqué par des décisions prises sans son accord ?

Quels objectifs stratégiques poursuivons-nous ? La mise en oeuvre pleine et entière de la résolution 1973 ? Ce serait déjà bien. Mais au-delà, que ferons-nous ? Quels sont nos buts ? Veut-on renverser le régime Kadhafi et installer le Conseil national de transition de Benghazi ? J'entends M. le Premier ministre nous dire que le peuple libyen, seul, doit choisir son destin ; ne prend-on pas le risque d'une partition ? Comment appuyer la transition démocratique ? Les forces du CNT sont-elles en mesure de garantir la continuité de l'État libyen ? Nos objectifs doivent être clairs et partagés. Serons-nous, finalement, en guerre en Libye ? Il y faudrait l'autorisation du Parlement en vertu de l'article 35 de la Constitution, même si nous sommes aujourd'hui convoqués aux termes de son alinéa 2. Pourquoi vous priver et nous priver d'un vote ?

La situation est paradoxale. L'intervention militaire aura été un peu trop tardive pour avoir un effet dissuasif a priori ; et rien ne garantit que nous éviterons l'enlisement. Non, monsieur le Premier ministre, gauche et droite ne seront jamais confondues, mais elles peuvent se rejoindre sur certains objectifs.

Nous soutenons la résolution 1973, que nous souhaitions, mais nous resterons vigilants ; nous demandons que les objectifs stratégiques soient portés à la connaissance du Parlement, que ce dernier soit informé en temps réel des décisions qui engage le pays. Nous exhortons la communauté internationale à tout mettre en oeuvre pour empêcher la mort de victimes innocentes et -expression atroce- tout « dommage collatéral ».

Nous voulons le succès de la résistance libyenne contre le tyran, pour que le peuple libyen prenne en main son destin et s'engage sur le chemin de la liberté. (Applaudissements sur les bancs socialistes, quelques bancs du groupe CRC et de nombreux bancs au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La décision était difficile, le risque n'était pas imaginaire, comme en Irak en 2003, mais bien réel de voir un gouvernement utiliser la terreur pour faire taire son opposition et son peuple -comme on le voit encore aujourd'hui à Misrata où il y a eu 40 morts et 300 blessés. Nous sommes à un moment particulier qui voit se manifester dans différents peuples arabes une aspiration à la démocratie et à la dignité, à commencer par la Tunisie, si proche, et l'Égypte, coeur vivant du monde arabe.

Depuis 2005, l'ONU reconnaît au Conseil de sécurité la responsabilité de protéger un peuple contre lequel ses dirigeants commettent des crimes contre l'humanité : c'est le fondement de la résolution 1973, adoptée quand il était encore temps, mise en oeuvre par la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et d'autres pays volontaires, y compris arabes -c'était important que l'opération n'apparaisse pas comme aux mains des occidentaux et encore moins de l'Otan. Dans les gazettes, on discutait encore il y a quinze jours pour savoir qui, des diplomates ou des politiques, devaient faire la politique extérieure de la France. On a cru l'affaire tranchée lorsqu'un philosophe autoproclamé, depuis le perron de l'Élysée, annonçait que la France reprenait à son compte le droit d'ingérence -heureusement, le ministre d'État a su recadrer l'expression gouvernementale, même s'il reste encore un léger parfum d'aventurisme...

Il est vrai que la diplomatie française est sur une ligne de crête. La France, berceau de 1789, a toujours affirmé la souveraineté des peuples. Il n'y a pas de droit et encore moins de devoir d'ingérence, mais une responsabilité de protéger, sous l'égide de l'ONU -ce qui est bien différent. La résolution 1973 n'a qu'un objectif, la protection des populations civiles par tous moyens à l'exclusion d'une occupation au sol. Elle pose des limites qu'il convient d'autant plus de respecter que cinq membres du Conseil de sécurité, et non des moindres, se sont abstenus lors de son vote. L'Allemagne est du nombre. L'attitude du gouvernement Merkel est préoccupante, qui annonce sans consulter Paris la fermeture de sept centrales nucléaires tandis que nous nous croyons obligés de soutenir un pacte de stabilité qui nous enferme dans des perspectives régressives...

Je passe sur l'attitude des États-Unis, dont le président vient de rappeler que l'engagement sera limité. La responsabilité de la France et de la Grande-Bretagne n'en est que plus grande. Je ne dirai rien non plus des prises de position du Secrétaire général de la Ligue arabe, qui montrent que le terrain n'est guère solide...

Seules des cibles militaires doivent être frappées en Lybie, c'est la condition de la réussite. Nous devons protéger le peuple libyen dans son entier, l'une comme l'autre partie : le préambule de la résolution 1973 est très clair. Que le régime Kadhafi s'effondre, nous le souhaitons comme le président Obama, mais ce n'est qu'un voeu, qui ne figure pas dans la résolution. Le regime change -le changement de régime, pour ceux qui ne parlent pas l'anglais (sourires) -n'est pas un objectif affiché. Seul le peuple libyen -et non une intervention extérieure- peut choisir la démocratie pour la Libye, à laquelle nous ne souhaitons pas de devenir un foyer d'anarchie.

Kadhafi ne survivra pas longtemps ; la communauté internationale doit avant tout créer les conditions permettant au peuple libyen de construire lui-même son avenir. La démocratie n'est pas un article d'exportation. A chaque peuple de se l'approprier. C'est dans l'intérêt de la démocratie dans le monde arabe, dans l'intérêt bien compris des libyens, dans l'intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes et de nombreux autres bancs)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Dès vendredi, j'ai demandé une réunion du Parlement : elle est de droit, par la Constitution, mais elle vient bien tard.

Le monde arabe est en ébullition, les peuples se soulèvent contre leurs dictateurs, les exigences de démocratie et de justice sont partout fortes. Les pouvoirs européens ont été surpris, particulièrement en France où l'on a fait de Moubarak le vice-président de l'UPM, Alors, aujourd'hui, soudaine prise de conscience de la dictature libyenne et des exactions d'un homme qu'on a reçu avec tous les honneurs il y a deux ans à Paris ? Défense des intérêts pétroliers de Total ou de BP ? Opération de promotion du président de la République sur la scène internationale ? Attention, danger !

Les interventions militaires des occidentaux ont été incapables d'instaurer la démocratie ou de mettre fin aux souffrances des peuples. Nous sommes convaincus que le soulèvement populaire en Libye a besoin d'un soutien ; mais les insurgés veulent contrôler les moyens de leur libération. Il est nécessaire que la communauté internationale se préoccupe de la protection des populations civiles. En Libye, soit. Mais au Yémen, au Bahreïn, en Côte-d'Ivoire ?

La résolution 1973 permet d'aider les populations en danger. Mais pourquoi avoir refusé les offres de médiation internationale ? Pourquoi ne pas avoir encouragé les efforts de l'Union africaine ? Ces questions sont à l'origine de nos réserves sur la résolution 1973, qui a pour objectif la protection des populations civiles mais autorise tous les moyens possibles pour le remplir. Quel est l'objectif de la France ? La ZEA est-elle effective ? On parle d'un carnage sur la route entre Benghazi et à Ajdabiya ; la France reconnaît le bombardement de véhicules blindés de l'armée libyenne autour de Benghazi, mais aussi le tir de missiles visant Tripoli et une résidence de Kadhafi. Combien de morts dans ce qui apparaît clairement comme une guerre ?

La Ligue arabe conteste l'interprétation donnée à la résolution 1973, les pays du Maghreb sont réticents, l'Union européenne est divisée. Certains pays demandent le transfert du commandement à l'Otan, d'autres s'y refusent. Quelle est la position française ? La transparence doit être totale. Quid, aussi, du rôle du CNT ? Quelles relations avons-nous avec les insurgés ? La France protège-t-elle toutes les populations civiles -comme M. Amr Moussa le demande- ou veut-elle éliminer le colonel Kadhafi ?

Quand considèrerez-vous atteints les objectifs de la résolution 1973 ? Le Conseil de sécurité examinera-t-il jeudi une solution pacifique ? Peut-on arrêter une logique de guerre qui aura avec le temps tous les stigmates d'une croisade occidentale -pour reprendre le mot du ministre de l'intérieur ? Nous sommes donc réservés sur l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

M. Jean-Claude Gaudin.  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La France est engagée militairement : mes premières pensées vont aux soldats. (« Très bien ! » à droite) Nous débattons alors que la France a pesé sur le cours de l'histoire. La parole de notre pays pour la liberté des peuples a été entendue, et suivie à l'ONU : l'initiative du président de la République, la force de conviction du ministre d'État, le travail de notre corps diplomatique ont conduit à l'adoption de la résolution 1973. Avec elle, nous affirmons la primauté de la liberté. Nous vivons un rare moment de consensus national ; à l'adresse de nos concitoyens, nous envoyons un message qui signifie notre attachement à la démocratie, ce privilège à partager avec toutes les nations.

La France a lancé l'opération Harmattan : je salue l'action déjà efficace de M. Longuet, et son souci de transparence et de vérité. (Applaudissements à droite) Il sait maintenir vivants les liens précieux entre l'armée et la Nation.

Ce débat est possible, madame Borvo, grâce à la révision constitutionnelle de 2008 que nous avons votée ! (Mêmes mouvements) Aucun débat n'avait été organisé en 2001 lors de l'engagement en Afghanistan. Témoins de révolutions qui bouleversent l'histoire du monde, nous ne pouvions rester impassibles devant la soif de liberté et de démocratie des peuples arabes, qui aspirent à prendre en main leur destin. C'est la raison de l'engagement de nos forces, que le groupe UMP soutient sans réserve ! (Mêmes mouvements)

La ZEA est effective grâce à nos moyens militaires, déployés en étroite coopération avec ceux de nos partenaires de la coalition, dans le strict respect de la résolution 1973. Si la question du commandement doit encore être clarifiée, nous savons qu'il n'y aura pas d'engagements terrestres : la Libye ne sera pas un autre Irak, ne nous enfermons pas dans un débat stérile ! Le danger, ce sont les roquettes de M. Kadhafi, nous en protégeons le peuple libyen. Le soutien des pays arabes est plus qu'un symbole, même si nous entendons bien les hésitations qui se sont fait jour. Nous regrettons aussi que l'Union européenne n'ait pas su parler d'une seule voix.

Le sommet de Paris, initiative du président Sarkozy, témoigne du parfait respect par celui-ci du droit et des institutions internationales ; il est à l'origine de la mobilisation internationale comme un colonel sanguinaire qui se fait appeler « Guide » et qui est prêt à conduire son peuple à la guerre civile et sa Nation au suicide. Le vote de la résolution 1973 était loin d'être acquis, la menace d'un véto était grande ; nous félicitons le Gouvernement, en particulier M. Juppé pour sa pugnacité. C'est la deuxième fois que le président de la République, par son initiative, entraîne ses homologues et joue un rôle majeur pour résoudre une crise internationale : déjà, en 2008, il est à l'origine de la solution trouvée à la crise géorgienne, puis de la mobilisation face à la crise financière mondiale ! (Applaudissements à droite)

Il fallait aller vite, obtenir une majorité : l'objectif a été atteint, bravo ! La France a été à la hauteur de ses valeurs. Il faudra tenir bon sur la résolution. L'avenir appartient à ceux qui ont la mémoire la plus longue, il s'agit ici de liberté : voilà le sens de notre message au président de la République et à vous-mêmes, monsieur le Premier ministre et monsieur le ministre d'État ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - L'insurrection libyenne écrit un nouveau chapitre de l'émancipation des peuples arabes. L'intervention armée dans le cadre de la résolution 1973 est un tournant.

Notre regard a changé : nous étions pris dans un étau, entre les dictatures et le terrorisme, comme si Al Qaeda était le dernier horizon des peuples opprimés ; aujourd'hui un nouvel acteur a surgi : la rue arabe est devenue le symbole de la marche vers la liberté et la démocratie. Cela nous rappelle notre propre histoire, notre chemin vers la démocratie, ses heurts et ses combats. Les révolutions arabes sont enfants de la mondialisation et d'internet, produits aussi d'une volonté de mieux vivre ensemble.

L'engagement des forces était justifié par l'urgence de la situation à Benghazi. Nul ne sait qui l'emportera militairement en Libye, nous savons que la politique de la canonnière ne suffira pas. Si nous peinons en Afghanistan pour consolider les institutions démocratiques, c'est que nous n'avons pas attendu l'irruption d'un espace public autonome. Nous devons maintenant accompagner les mouvements d'opinion du sud de la Méditerranée et surtout tout faire pour que le partage des richesses y soit plus juste.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Très bien !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Les insurgés sont enfants du chômage et de la pauvreté. Sans partage des richesses, la démocratie n'a pas d'avenir.

Le printemps démocratique dans le monde arabo-musulman est une chance unique pour faire mentir Samuel Huntington : il n'y aura pas de conflit de civilisation si nous savons accompagner la transmission de nos valeurs de liberté, de démocratie et de droits de l'homme. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Voynet.  - Nous débattons enfin de la situation en Libye, après tant d'années de complaisance envers un régime tyrannique -et d'autres. Jusque-là le dialogue était réduit à sa plus simple expression, à des demandes de débat de l'opposition tandis que le Gouvernement tentait de justifier son aveuglement ou le comportement de ministres vacanciers.

La reconnaissance précipitée du CNT suscite le même malaise, les mêmes questions que les atermoiements passés. La diplomatie exige plus de continuité et de professionnalisme : nous sommes rassurés de vous voir à votre poste, monsieur le ministre d'État, même si nous ne partageons pas toutes vos options.

Nous déplorons que le débat n'ait pas été préalable à l'engagement de nos forces et que nous ayons dû nous contenter de l'autocongratulation de l'UPM.

« Kadhafi et sa clique » ? On parlait hier encore du « président Kadhafi », à qui on a déployé de façon obscène le tapis rouge, alors qu'on connaissait son rôle dans l'attentat de Lockerbie et dans celui du DC-10 d'UTA, ainsi que ses manoeuvres de déstabilisation partout en Afrique ; un homme suffisamment fréquentable pour qu'on lui propose de la technologie nucléaire et qu'on lui vende des équipements militaires... Je n'en dis pas plus pour ne pas subir le sort de Mme Joly...

La résolution 1973 encadre l'action internationale, cela a été dit. Nous devons nous y tenir strictement, ou bien la légitimité en serait contestée, par l'opinion internationale comme par les pays arabes. L'avance du dictateur libyen sur Benghazi a été stoppée, c'est un premier succès. Même si nous regrettons les tergiversations et les divisions de l'Europe, qu'agace par ailleurs le jeu personnel de Paris, nous considérons que l'intervention en cours est fondée en droit comme d'un point de vue moral.

Nous veillerons à ce que l'intervention reste dans des limites précises, sauf à ce que le Conseil de sécurité et le Parlement soient de nouveau saisis. Priorité doit être donnée à l'équipement des rebelles et au soutien humanitaire. Il faut livrer des moyens, y compris militaires, au CNT. Il est hors de question que l'Otan commande les opérations. Il y a un risque d'enlisement et de fracture du pays. Le soutien de la Ligue arabe est indispensable, or l'on doit constater la non-implication des pays émergents, des pays africains et de l'Allemagne. Naturellement, l'intervention ne doit se faire que dans le respect scrupuleux du droit international.

Les dirigeants du CNT sont souvent d'anciens partisans de Kadhafi ; il faudra soutenir la société civile au moins autant que certains renards qui auront senti le vent tourner.

La France a eu raison de dénoncer la dérive meurtrière de Kadhafi, qu'elle courtisait naguère pour son pétrole ou parce qu'on voyait en lui le vigile de l'Europe face aux flux migratoires !

Les Français, dans leur majorité, considèrent que cette intervention est justifiée, mais il faut dissiper les ambigüités. J'apprécie les propos de M. Fillon, qui a parlé de la blessure béante du conflit israélo-palestinien. Les peuples arabes aspirent à la liberté. Sortons de la guerre des civilisations ! Après le temps de la guerre, viendra celui du dialogue. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Aymeri de Montesquiou.  - La guerre est la pire des solutions, mais c'est la seule option. La France a su mobiliser la communauté internationale. On peut regretter que l'Allemagne soit si peu allante. Le président de la République a été clairvoyant en recevant les représentants du CNT, entraînant ainsi le soutien de la Ligue arabe.

Nous ne pouvons dire, comme Clemenceau : « Je fais la guerre, je fais la guerre, je fais la guerre ». Faisons-nous alors de l'ingérence humanitaire ? Une zone d'exclusion aérienne suffira-t-elle ? Face à une guérilla urbaine, l'aviation serait inopérante. La Libye risque l'éclatement, ce qui aurait pour résultat une émigration massive et l'apparition d'une nouvelle zone d'instabilité.

M. Obama dit que M. Kadhafi doit partir : c'est un peu court, car comment faire ? Nous ne devons pas apparaître aux yeux des Arabes comme les Américains en Irak !

Tous les pays arabes sont en mutation. Les aléas de l'opération sont nombreux. Comme disait Talleyrand, « le pire est toujours sûr ! »

Ne faisons pas preuve d'arrogance. Il serait illusoire de plaquer sur les pays arabes nos critères occidentaux. La Ligue arabe est un partenaire majeur. Il faut convaincre Israël de cesser sa politique injustifiable de colonisation, qui est contraire au droit international comme à ses propres intérêts. Il faut nous rapprocher de l'Union africaine.

Une grande partie du pétrole mondial vient de cette région.

M. Jean-Louis Carrère.  - Le mot est lâché !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Il faut aider les peuples arabes à stabiliser la situation et à faire advenir la démocratie.

Tant que l'intervention militaire s'inscrit dans le cadre de la résolution 1973, le groupe RDSE la soutiendra ! (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le moment est grave, et les schémas simples sont impuissants.

Le parti de gauche voulait une résolution de l'ONU, pour empêcher la répression d'une révolution démocratique. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités, pour ne pas laisser la contre-révolution l'emporter, ce qui signifierait la fin du printemps arabe.

Nous sommes partisans d'un ordre international garanti par l'ONU. Après la division de la guerre froide, qui a vu s'opposer les deux blocs, les États-Unis ont voulu imposer seuls un nouvel ordre mondial, ce qui les a conduits à mener les guerres impérialistes d'Irak et d'Afghanistan. L'intervention en Libye est différente puisqu'elle résulte de la résolution 1973 du Conseil de sécurité.

Mais nous déplorons qu'il y ait deux poids, deux mesures : rien n'est fait pour Bahreïn ou le Yémen. Cela jette un discrédit sur toute décision. Nous avons encore en mémoire l'attitude scandaleuse du Gouvernement face aux révolutions tunisienne et égyptienne.

Aujourd'hui, les modalités de l'intervention paraissent de plus en plus problématiques. Nous sommes hostiles à un commandement de l'Otan. Nous acceptons une zone d'exclusion aérienne mais pas plus : les frappes aériennes doivent servir ce seul objectif.

Nous exigeons d'être tenus informés du déroulement des opérations, et déplorons l'absence de vote du Parlement.

Ne perdons pas l'objectif : rééquilibrer les forces pour permettre à la révolution libyenne de se débarrasser du tyran.

M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.  - (Applaudissements à droite)

Le Gouvernement a organisé ce débat en application de l'article 35 de la Constitution. Je suis heureux que sa politique rencontre ici une large approbation. J'ai entendu les réserves de Mme Borvo Cohen-Seat ; mais s'il n'y a pas eu de médiation, c'est que M. Kadhafi a toujours piétiné les résolutions du Conseil de sécurité !

Monsieur Carrère, il faut savoir prendre des risques, avec le sens des responsabilités. Nous ne l'aurions pas fait que Benghazi serait aujourd'hui rayée de la carte.

Je rends hommage à nos soldats, à leur professionnalisme et à leur courage. (Applaudissements sur tous les bancs)

Plusieurs d'entre vous ont insisté sur la nécessité d'associer les pays arabes : nous partageons entièrement cet avis. La résolution 1973, dont le projet avait été présenté par la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Liban, n'a été adoptée que grâce à leur soutien.

Ils furent plusieurs présents au sommet de Paris. Le secrétaire général de la Ligue arabe a confirmé aujourd'hui son plein soutien à l'opération, et le Qatar doit y participer. Au-delà, le Premier ministre turc a fait preuve de son approbation. Les deux États africains membres du Conseil de sécurité ont voté la résolution.

Non, madame Voynet, la reconnaissance du Conseil national de transition n'a pas été improvisée, quoi que prétende certaine rumeur médiatique. Ses représentants ont été reçus par le président de la République puis par moi-même. Cette reconnaissance politique dès le 11 mars a été validée par tous les pays européens. La déclaration commune adoptée après notre sommet en fait les interlocuteurs de l'Union européenne.

On a reproché au CNT de compter dans ses rangs d'anciens ministres de Kadhafi, mais je ne connais pas de révolution où il n'en aille pas de même. Qui sont ces gens ? Ceux qui soutiennent les Libyens qui se battent pour leur liberté.

Quant à la chaîne du commandement, la France estime que l'Otan est mal placée pour diriger des opérations dans un pays arabe. Il s'agit d'une opération sous mandat de l'ONU, menée par une coalition de pays qui ne sont pas tous membres de l'Otan. Nous allons constituer un groupe de pilotage politique, en collaboration avec M. Hague.

Y a-t-il un risque d'enlisement ? Nous ne voulons pas nous engager dans une opération de longue durée et la résolution 1973 exclut toute intervention au sol. A tout instant, le régime Kadhafi peut mettre fin aux opérations en respectant la résolution de l'ONU. Il faut penser à la paix. Le président de la République prendra des initiatives. Nous n'entendons pas nous substituer au peuple libyen mais lui permettre de choisir lui-même son destin.

L'Union européenne a-t-elle été incapable de faire entendre sa voix ? En fait, elle a, dès le 11 mars, adopté une position commune. Le Conseil européen a condamné le régime libyen et exigé le respect des résolutions du Conseil de sécurité. Hier, le conseil des ministres des affaires étrangères a soutenu la résolution 1973. L'Union européenne s'est engagée dans l'action humanitaire.

Certes, il n'y a pas unanimité sur l'utilisation de la force militaire. J'ai dit regretter que l'Union européenne se comporte comme une ONG humanitaire... Il va falloir reposer la question de la politique européenne de défense. (Applaudissements à droite)

L'Union européenne se mobilise pour accompagner la transition démocratique au sud de la Méditerranée. En Égypte, le défi économique est important : les hôtels ne sont remplis qu'à 15 % alors que des milliers de travailleurs émigrés rentrent au pays ! Or, les Égyptiens veulent toucher les bénéfices de la révolution. Certains mouvements extrémistes pourraient exploiter ces difficultés.

A plus long terme, il faut resserrer nos liens au sud de la Méditerranée. L'Union pour la Méditerranée était une initiative visionnaire, qui a échoué à cause du blocage du processus de paix au Moyen-Orient. (Applaudissements à droite) Il faut relancer ce processus, et engager des projets concrets, par exemple l'immigration circulaire par un « Erasmus euro-méditerranéen ». On a parfois montré du doigt la diplomatie française : je lui rends aujourd'hui hommage. Mais le plus dur reste à faire : il faut gagner la paix.

Ce qui se passe au sud de la Méditerranée peut être une chance pour les Arabes comme pour nous. Faisons-leur confiance ! Aidons-les à réussir ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.  - Dans ce débat, les aspects militaires paraissent plus clairs que les incertitudes diplomatiques. Merci à ceux qui ont soutenu notre action avec chaleur, vous, monsieur le président, et M. Gaudin, ou avec conviction comme MM. Zocchetto, Carrère et Chevènement.

Notre effort repose sur la mobilisation de nos moyens aériens répartis sur tout notre territoire : moyens de transport et de contrôle aérien, logistique, avions de combat et même porte-avions. Au service de quelques dizaines de pilotes, de nombreux professionnels interviennent. Je les remercie.

Toute la résolution, rien que la résolution : beaucoup d'entre vous l'ont dit. La responsabilité de protection, cependant, va bien plus loin que la zone d'exclusion aérienne : nous devons protéger les populations civiles de toute menace. Dès samedi, nos avions ont tiré sur des moyens au sol pour briser l'étau autour de Benghazi.

La marine, ensuite, peut jouer tout son rôle dans un pays où la population vit essentiellement sur une étroite bande côtière. Notre objectif, c'est d'interdire que les armes de guerre de M. Kadhafi soient l'arbitre de son conflit contre son peuple ! Nous devons donc créer une culture d'action respectueuse de la résolution de 2005.

Nous sommes dans une guerre où la réactivité est immédiate. La rue arabe s'est mobilisée avec internet, en temps réel. La chaîne de commandement doit, elle aussi, fonctionner en temps réel, sauf à paralyser les combattants.

Aucun de nos soldats n'est au sol, mais des informations en proviennent. Nous avons besoin de les contrôler. Quid si la Libye verse dans la guerre civile ? N'oublions pas que la résolution prévoit l'embargo, même s'il serait nécessairement imparfait dans un pays comme la Lybie.

Notre règle doit être l'efficacité au service de la résolution 1973 : notre chaîne de commandement doit tirer parti de nos moyens, et je fais confiance aux états-majors pour qu'ils agissent dans le sens voulu par notre pays, qui a su y gagner des pays arabes.

Je suis un homme de tradition, un peu conservateur : je me souviens du serment de Koufra et de Bir Hakeim, et me félicite que cette bataille soit aujourd'hui un petit caillou sur le chemin de la liberté des Libyens ! (Applaudissements à droite)

La séance est levée à 19 heures 55.

Prochaine séance, mardi 29 mars 2011, à 14 heures 30.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 29 mars 2011

Séance publique

A 14 heures 30

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (n°297, 2010-2011).

Rapport de M. Bernard SAUGEY, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°341, 2010-2011).

Texte de la commission (n°342, 2010-2011).

Avis de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°334, 2010-2011).

De 17 heures 30 à 17 heures 45

2. Questions cribles thématiques sur le « Grand Paris ».

A 18 heures

3. Suite de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

Le soir et, éventuellement, la nuit

4. Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

5. Deuxième lecture de la proposition de loi relative au prix du livre numérique (n°309, 2010-2011).

Rapport de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°339, 2010-2011).

Texte de la commission (n°340, 2010-2011).