Problèmes énergétiques (Questions cribles)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les problèmes énergétiques.

Mme Évelyne Didier.  - Suite à l'accident nucléaire majeur au Japon, le Premier ministre a demandé à l'Autorité de sûreté nucléaire un audit de nos centrales. Nous appuyons l'objectif. Pour autant, toutes les centrales doivent être auditées, y compris les installations militaires. Ensuite, il faut prendre en compte tous les critères techniques -je suis inquiète pour Fessenheim- et l'organisation du travail -je vise le recours à la sous-traitance- dans la plus grande transparence. Êtes-vous prêts à engager une telle démarche ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - Veuillez excuser l'absence de M. Besson (exclamations à gauche) en déplacement aux États-Unis pour préparer le G8 numérique.

Quatre jours après le déclenchement de la crise à Fukushima, le Premier ministre a demandé une révision critique des installations nucléaires, avec priorité aux centrales. La transparence sera assurée. L'ensemble des installations seront auditées. Le ministre de la défense, soucieux de la sécurité de ses sites, veillera à ce que ces installations soient vérifiées.

Mme Évelyne Didier.  - Votre réponse confirme seulement la lettre de mission du Premier ministre. La transparence ? Nous jugerons sur pièces. La question sociale est primordiale pour la sûreté nucléaire ; vous ne m'avez pas répondu sur ce point.

M. Jean Boyer.  - Le Gouvernement a abandonné la filière photovoltaïque, avec une règle de rétroactivité. C'est inacceptable ! Je pense aux petits porteurs de la France rurale qui veulent travailler, produire, avancer. Il fallait réguler, non casser !

M. Roland Courteau.  - Il a raison !

M. Jean Boyer.  - Ces projets permettaient aux agriculteurs de maintenir leur activité. Ils avaient engagé une démarche longue et coûteuse, engageant souvent leurs économies. Depuis le décret du 12 mars 2011, ils ne savent plus sur quoi compter.

M. Charles Gautier.  - On leur a menti !

M. Jean Boyer.  - Comment comptez-vous donner un peu d'espoir à ces victimes innocentes ? (Applaudissements au centre et à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Vous êtes bien embarrassé !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Vous avez parfaitement raison (« Ah ! » à gauche) : le Gouvernement a changé les règles ! Pourquoi ? Parce que les objectifs du Grenelle ont été largement dépassés, au détriment du consommateur.

M. Roland Courteau.  - Ce n'étaient que des projets !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - En mars 2011, nous avons pris pour cible 500 MW par an et, pour les petits projets que vous évoquez, nous ferons un appel d'offres dont les conditions seront négociées avec la filière. Nous en informerons les porteurs de projets.

M. Jean Boyer.  - Lorsque survient un accident, il faut en tirer des enseignements pour l'avenir... Le prix du biogaz doit être relevé ; le Gouvernement doit garantir la pérennité des projets. À l'approche de la parution des décrets, je vous demande, avec respect de tirer les conclusions de la déception du photovoltaïque pour le biogaz, en accordant un prix supérieur au coût de revient, et de le garantir.

M. François Fortassin.  - La catastrophe de Fukushima préoccupe nos concitoyens ; elle a remis sur le devant de la scène le développement des énergies renouvelables. Or celles-ci ne doivent pas empiéter sur la production agricole. (M. René-Pierre Signé approuve) Autre inconvénient, ces énergies ne peuvent pas être stockées. L'éolien est judicieux en bord de mer, mais ailleurs ? Trop ou pas assez de vent ! Même démonstration pour le photovoltaïque : il fonctionne en été, quand nous avons de gros besoins en hiver ! L'hydraulique est intéressant, mais les investissements sont lourds. Ne pensez-vous pas qu'il faut d'abord maitriser la consommation d'énergie en rendant obligatoire l'isolation thermique des logements destinés à la location ? Quelle est la politique énergétique du Gouvernement pour les quinze ans à venir ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Les énergies alternatives doivent être valorisées. Pour autant, notre système doit s'asseoir sur des installations de production de base -le nucléaire-, de semi-base et de pointe -l'hydraulique et le thermique. Les énergies renouvelables ont vocation à décarboner notre énergie. Le président de la République a annoncé un appel d'offres pour 3 000 mégawatts pour l'éolien offshore. Enfin, concernant l'isolation des bâtiments, la réglementation qui s'appliquera en 2012 est très ambitieuse. Sur les biocarburants, nous mettons le cap sur la deuxième génération pour éviter le conflit avec l'alimentation.

M. François Fortassin.  - Belle déclaration incantatoire, mais où sont les lignes directrices ? Je ne suis pas convaincu... Quid du biogaz ? Et l'avantage de l'hydraulique, je connais. J'aurais pu me dispenser de poser une question tant la réponse est floue... (Exclamations amusées à gauche)

M. Alain Fouché.  - Notre situation n'est pas la même que celle du Japon. En 2010, 400 contrôles ont été effectués sur les installations nucléaires françaises. Le Premier ministre a demandé un audit. Ne faut-il pas attendre ses conclusions et le coût de la rénovation du parc nucléaire avant d'appliquer la loi Nome ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - La France a fait le choix du nucléaire il y a un demi-siècle, avec une grande exigence de sûreté. La fixation du prix de l'Arenh, dans la loi Nome, est souple ; il n'y a aucune raison de la suspendre. M. Besson a précisé qu'une réunion aura lieu à ce sujet prochainement.

M. Alain Fouché.  - Vous devez continuer de communiquer sur nos hautes exigences en matière de contrôle. Le contrôle décennal par l'ASN, contrairement aux États-Unis, est une garantie de maintien de la plus haute exigence.

M. Roland Courteau.  - (On l'encourage à gauche) Le prix du gaz s'est envolé dès le lendemain des élections cantonales, tandis que GDF-Suez fait des bénéfices record. Heureux actionnaires, malheureux consommateurs, à commencer par les 300 00 ménages qui n'ont pu se chauffer correctement cet hiver ! (M. Davide Assouline renchérit)

Le prix de l'énergie semble être une variable d'ajustement politique. Le Gouvernement ne manque pas d'air. Quand GDF a amélioré son résultat de 600 millions cette année

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Roland Courteau.  - Que comptez-vous faire pour lutter contre la précarité énergétique ?

M. David Assouline.  - Ça c'est une question !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement n'est pas resté inactif. C'est cette majorité qui a créé le tarif social du gaz. (Exclamations à gauche) Il y a ceux qui critiquent et ceux qui agissent !

Dois-je vous rappeler que ce n'est pas sur la branche énergie que GDF a fait des résultats. Nous avons suspendu la hausse de 7,5 % du prix du gaz en juillet -soit 80 euros- pour trouver la bonne réponse car l'énergie pèse lourdement dans les budgets des ménages.

M. Roland Courteau.  - Le Gouvernement semble découvrir la formule du calcul du prix du gaz : les hausses doivent être répercutées mais les baisses aussi ! Quant au tarif social du gaz, il faut revoir la formule : elle ne bénéficie pas à ceux qui en ont besoin. Enfin, que dire du gel du prix du gaz ? Il a lieu en plein coeur de l'été, en juillet ! (Rires et applaudissements à gauche)

M. Antoine Lefèvre.  - Une petite commune de mon département de l'Aisne est concernée par l'exploitation du gaz de schiste ; le permis de recherche a été délivré dans la plus grande opacité, sans aucune consultation des communes. La population et la représentation nationale s'inquiètent des risques environnementaux et sanitaires que génère la technique de la fracturation hydraulique. Si ces ressources sont intéressantes, face à l'explosion des prix de l'énergie, je souhaite que vous rassuriez les populations. (Applaudissements à droite)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Les hydrocarbures de gaz et d'huile de schiste sont exploités par fracturation hydraulique. Vous soulignez l'intérêt que peut représenter cette source d'énergie ; il est normal que le Gouvernement explore cette piste. Contrairement aux États-Unis, nous en sommes encore au stade de l'étude ; le Gouvernement a réuni les industriels titulaires de permis d'exploration qui ont accepté pour l'heure de n'effectuer aucun forage avec des techniques non conventionnelles. La proposition de loi de M. Jacob sera discutée le 10 mai à l'Assemblée nationale, et permettra de faire toute la lumière sur cette question.

M. Antoine Lefèvre.  - La transparence est de mise. Les sénateurs avaient également déposé des propositions de loi : nous serons attentifs.

M. Daniel Raoul.  - La catastrophe de Fukushima soulève de nombreuses questions sur notre politique énergétique, qui mériterait mieux que cette courte séance de questions et ces réponses candides. (Sourires) L'État se défait de ses leviers d'action à travers la loi Nome. La privatisation d'EDF, quelle erreur ! Il est ingénu (nouveaux sourires) de croire que l'on peut avoir une politique industrielle sans politique énergétique. La facture énergétique des ménages explose. Les exigences légitimes de sûreté ont un coût ; quelles seront leurs conséquences pour les consommateurs ? Ne faut-il pas surseoir à l'application de la loi Nome ? Peut-on confier la sécurité des centrales nucléaires à des sociétés privées et à des sous-traitants ? Quelle est votre politique énergétique ? (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Sortir du nucléaire, ce serait multiplier par deux le prix de l'électricité pour le consommateur. La France a diversifié son mix énergétique et réduit sa dépendance. Effectivement, l'énergie n'est pas un secteur comme les autres : le Gouvernement a donc mis en place une régulation stricte, avec des obligations européennes, mais aussi avec des tarifs sociaux, grâce à la majorité. (Protestations à gauche)

M. Charles Gautier.  - Répondez à la question !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - J'y réponds !  Vous avez évoqué Voltaire à deux reprises dans votre question. Dois-je vous rappeler que Voltaire, c'est la tolérance incarnée ? (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - C'est surtout la critique de l'intolérance !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - La politique énergétique de ce gouvernement est tournée vers le consommateur. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Voltaire n'aurait pas été à l'UMP !

M. Daniel Raoul.  - Zadig n'est pas l'anagramme d'à gaz...

J'attends toujours vos réponses sur la loi Nome ; ma question portait aussi sur la sûreté nucléaire... Peut-elle être confiée à des sous-traitants ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - L'immense mobilisation de Copenhague a été un succès citoyen mais un fiasco politique.

Les accidents pétroliers et nucléaires soulignent l'exigence de protection. La mobilisation contre le gaz de schiste a aussi été déterminante.

La meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas. Alors que la part des énergies renouvelables doit augmenter, quid du nucléaire ?

Aujourd'hui, les Français sont échaudés : en 1986, on leur avait raconté que le nuage de Tchernobyl avait fait demi-tour à la frontière... Quelles sont les orientations du Gouvernement ? Êtes-vous favorable à un grand débat sur l'énergie, pour que nos concitoyens se saisissent de la question ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Le grand débat sur l'énergie ? Il a lieu chaque jour depuis plusieurs semaines !

Notre mix énergétique est un atout.

Le prix du carburant fait l'objet d'un contrôle par l'Observatoire des prix.

Le Gouvernement veille au sort des Français qui travaillent et qui roulent. La contribution de 115 millions d'euros des professionnels est juste et efficace.

Le programme « Habiter mieux » de l'Anah, dont l'enveloppe totale a été portée à 1,35 milliard, va bénéficier à 300 000 foyers précaires.

La réponse à Fukushima a été immédiate : audit et transparence.

J'espère que vous serez à ce rendez-vous, dans un esprit de tolérance.

M. David Assouline.  - Vous êtes devenu un évêque !

M. Didier Guillaume.  - D'après un récent sondage, six Français sur dix sont mal informés : un grand débat citoyen servirait à crédibiliser la démarche du Gouvernement et des acteurs du secteur. Vous ne m'avez pas répondu sur le bouquet énergétique : faut-il continuer dans le tout nucléaire, ou diversifier notre alimentation énergétique ? (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 17 h 50.

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La séance reprend à 18 heures.